Démographie médicale dans le département des Deux-Sèvres
Question de :
Mme Delphine Batho
Deux-Sèvres (2e circonscription) - Non inscrit
Mme Delphine Batho interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur l'urgence de santé publique que constituent les difficultés constatées en matière de démographie médicale dans le département des Deux-Sèvres. En effet, le département est confronté depuis plusieurs années à une diminution du nombre de médecins généralistes. Une partie de la population ne parvient plus à trouver de médecin traitant. Les dispositifs d'aide destinés à favoriser l'installation de nouveaux médecins dans les territoires frappés par la désertification médicale dépendent de leur reconnaissance comme territoire ayant « une offre de soins insuffisante » (zones d'intervention prioritaire, ZIP) ou comme ayant « des difficultés dans l'accès aux soins pour la profession de médecin » (zones d'action complémentaire, ZAC). Mais seuls les territoires reconnus ZIP bénéficient des dispositifs d'aide à l'installation de l'assurance maladie et de l'exonération fiscale sur les revenus issus de la permanence de soins ambulatoire. La carte des territoires reconnus comme ZIP est établie selon leur niveau d'accessibilité potentielle localisée (APL) au médecin généraliste. Le carte des ZIP et ZAC dans la région Nouvelle-Aquitaine, qui date de 2018, doit être revue d'ici le 31 mars 2022 par le directeur général de l'agence régionale de santé, selon la méthodologie définie par l'arrêté ministériel du 1er octobre 2021. En Deux-Sèvres, la nouvelle carte aboutirait à faire passer 5 territoires d'un classement actuel en ZAC à ZIP. Cependant les données APL utilisées datent de 2019 et sont déjà dépassées par la situation constatée sur le terrain. Ainsi, depuis 2019, il y a quinze médecins généralistes de moins dans les Deux-Sèvres. Le plafonnement à 47,17 % de la population départementale pouvant être classée en zone d'intervention prioritaire aboutit à exclure des territoires en grande difficulté en matière de démographie médicale, comme les territoires de vie santé de Melle et de Sauzé-Vaussais, du bénéfice des aides de l'assurance maladie. Or l'indicateur APL sur lequel est fondé la nouvelle carte des ZIP et des ZAC ne prend pas en considération la part de la population en affection de longue durée et le taux d'hospitalisations potentiellement évitables qui sont dans ces deux territoires plus élevés que dans d'autres passant en zones d'intervention prioritaire. C'est pourquoi elle lui demande de réviser le plafond applicable au département des Deux-Sèvres d'un maximum de 47,17 % de la population susceptible d'être classée en zone d'intervention prioritaire, de sorte que tous les territoires qui doivent être reconnus ZIP, notamment Melle et Sauzé-Vaussais, puissent l'être et de permettre l'application effective de l'arrêté du 1er octobre 2021 qui dispose que des indicateurs complémentaires, tels que la part de la population en affection de longue durée et le taux d'hospitalisations potentiellement évitables, peuvent être pris en compte.
Réponse en séance, et publiée le 2 février 2022
DÉMOGRAPHIE MÉDICALE DANS LES DEUX-SÈVRES
M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho, pour exposer sa question, n° 1673, relative à la démographie médicale dans les Deux-Sèvres.
Mme Delphine Batho. Le département des Deux-Sèvres connaît une situation critique en matière de démographie médicale, qui conduit à une situation d'urgence de santé publique avec, par exemple, 150 appels par mois de personnes qui n'ont pas de médecin traitant.
Vous connaissez les dispositifs d'aide à l'installation des médecins, que ce soient les zones d'intervention prioritaire (ZIP) ou les zones d'action complémentaire (ZAC). C'est le dispositif des ZIP qui donne le maximum d'aides pour favoriser l'installation des médecins.
La carte des territoires doit être révisée d'ici au 31 mars par l'agence régionale de santé, selon une méthodologie qui pose plusieurs questions. Tout d'abord, elle est basée sur les données de 2019. Or nous avons eu beaucoup de départs à la retraite de médecins depuis lors. Il y a ensuite un mécanisme de plafond à cause duquel seulement 47,17 % de la population des Deux-Sèvres peut être classée en ZIP. Cinq ZAC deviennent des ZIP – pardon pour les acronymes. Cela exclut des territoires du maximum d'aides, par exemple les territoires de vie santé de Melle et de Sauzé-Vaussais, alors qu'ils ont un taux de population en affections de longue durée et un taux d'hospitalisations évitables plus élevés que dans d'autres territoires qui bénéficieront du dispositif de ZIP.
Nous aimerions ne pas nous trouver dans la situation de devoir déshabiller Jacques pour habiller Pierre et la question posée est donc celle du plafond départemental, de façon que tous les territoires des Deux-Sèvres qui souffrent de grosses difficultés en matière de démographie médicale puissent bénéficier des aides de l'assurance maladie.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. Vous m’interrogez sur l’identification des zones dites sous-denses en médecins dans la région Nouvelle-Aquitaine et plus particulièrement dans votre département des Deux-Sèvres où les ZIP et les ZAC sont en cours de redéfinition par l'ARS sur la base de la méthodologie nationale.
Cette méthodologie a été actualisée en octobre 2021 après une vaste consultation des représentants des professionnels, des usagers et des collectivités territoriales. Elle est désormais plus souple et accorde plus de place aux décisions locales, en affinant les zones par l’emploi d’indicateurs adaptés aux caractéristiques du territoire. Les choix opérés doivent faire l'objet de concertations et d’échanges avec les acteurs, notamment les élus locaux.
En outre, les seuils de population en ZIP et ZAC – pardon pour les acronymes – ont été revus et objectivés. En Nouvelle-Aquitaine, les seuils ont été augmentés de près de six points pour atteindre 16,8 % en ZIP et 45,8 % en ZAC. C’est une hausse sensible, vous en conviendrez.
Le travail d’identification des zones sous-denses peut être employé pour assurer une cohérence du choix des mesures contribuant à renforcer la présence médicale dans les territoires. Je pense notamment aux aides financières de l’assurance maladie, le contrat d’engagement de service public (CESP) ou le contrat de début d’exercice (CDE). Chaque ARS peut toutefois modifier l’arrêté régional en fonction des besoins.
Dans le département des Deux-Sèvres, la population actuelle permet d'envisager de « zoner » l'ensemble du territoire dans des proportions bien plus élevées que la moyenne régionale, respectivement 52,83 % et 47,17 %. Ainsi, huit territoires de vie-santé (TVS) pourraient être classés en ZAC et douze territoires en ZIP après avis favorable du comité local de révision du zonage.
Au-delà du classement des territoires, tous les acteurs s’accordent sur l’importance de la solidité du projet de santé et sur l’attention portée à l’accueil des futurs médecins et de leur famille. Par ailleurs, un projet de CPTS est en cours au sud des Deux-Sèvres et couvrira les territoires de Melle et Sauzé-Vaussais, que vous avez mentionnés. Ces dispositifs, associés aux efforts des acteurs de santé de votre territoire, contribueront à améliorer l’accès aux soins pour les habitants du département. Vous pouvez compter sur les services de l'État en région pour appuyer les projets des professionnels de santé répondant aux besoins de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre déléguée. L'assouplissement des critères est un fait, tout comme la concertation à l'échelle locale. Nous sommes cependant coincés, si vous me permettez le mot, par le plafonnement, à l'échelle départementale, du nombre d'habitants permettant le classement en ZIP. Des territoires qui devraient bénéficier d'une aide maximum n'en bénéficient donc pas. Nous faisons face à l'impossibilité pratique de prendre en considération les critères que j'ai mentionnés – affection de longue durée, hospitalisation évitable – et nous espérons que le Gouvernement portera une attention particulière à cette difficulté.
Reste que ces différents mécanismes ne constituent pas les seules solutions au problème de la démographie médicale. Le débat à venir à l'occasion de l'élection présidentielle et des élections législatives sera l'occasion de réfléchir à de nouvelles pistes. Encore faut-il que les dispositifs actuels soient pleinement déployés.
Auteur : Mme Delphine Batho
Type de question : Question orale
Rubrique : Médecine
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 janvier 2022