Titres de monnaies locales complémentaires (TMLC)
Question de :
M. Philippe Latombe
Vendée (1re circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
M. Philippe Latombe appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur l'intérêt des titres de monnaies locales complémentaires (TLMC) et la nécessité de faciliter leur fonctionnement. Favoriser l'essor des TLMC, c'est également favoriser celui des circuits courts et s'inscrire dans une politique économique forte en faveur des territoires. Dans le cadre de leur développement et selon leur forme et leur support, ont été définies des dérogations à l'agrément de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), aux articles 511-7, 521-3 et 525-5 du code monétaire et financier, conditionnant leur utilisation au sein d'un « réseau limité d'accepteurs » ou pour un « éventail limité de biens ou de services ». De facto, tous les utilisateurs, y compris les particuliers porteurs et clients souhaitant payer avec cette monnaie, sont contraints d'adhérer à la structure, souvent associative, porteuse de ce dispositif. Ce frein énorme au déploiement des monnaies locales semble inapproprié, qui plus est en comparaison de ce qui peut exister au travers de dispositifs tels que les titres-restaurants ou autres supports facilitant le commerce et orientant la finalité de l'achat. De plus, afin de favoriser la circulation de ces monnaies locales complémentaires, les régisseurs des recettes publiques ont la possibilité d'encaisser des TLMC en règlement de prestations délivrées par les collectivités locales qui ont décidé d'accepter de recevoir une partie de leurs recettes publiques non fiscales dans une telle monnaie. Néanmoins, bien qu'ayant un rôle majeur dans l'économie circulaire des territoires, les régisseurs ne sont pas autorisés à payer leurs fournisseurs locaux à l'aide de TLMC, ces derniers ne faisant pas partie des instruments de paiement éligibles, énumérés à l'article 2 de l'arrêté du 24 décembre 2012. Enfin, pour se développer et financer leur développement, de nombreuses associations porteuses de la gestion et du déploiement de TLMC ont sollicité l'administration des finances publiques afin de bénéficier du régime du mécénat et de pouvoir ainsi délivrer des reçus fiscaux à ses donateurs sur le fondement des articles 200 et 238 du code général des impôts. L'appréciation de l'objet de ces associations et des caractéristiques de leur activité varie selon les départements, les différentes demandes de rescrits fiscaux ayant eu des issues divergentes. Parfois, la lecture stricte qui en est faite reconnaît seulement l'intérêt général de ces associations facilitatrices d'une économie sociale et solidaire, nécessaire au développement local et durable. Ainsi, il lui demande s'il envisage d'étudier un assouplissement des freins susmentionnés, afin de favoriser l'économie sociale et solidaire, les circuits courts et le développement de réseaux locaux, dans le cadre d'une politique économique forte des territoires.
Réponse en séance, et publiée le 13 juin 2018
TITRES DE MONNAIES LOCALES COMPLÉMENTAIRES
M. le président. La parole est à M. Philippe Latombe, pour exposer sa question, n° 387, relative aux titres de monnaies locales complémentaires.
M. Philippe Latombe. Madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, j'appelle votre attention sur l'intérêt des titres de monnaies locales complémentaires – TMLC – et la nécessité de faciliter leur fonctionnement. Favoriser l'essor des TMLC, c'est également appuyer celui des circuits courts et s'inscrire dans une politique économique forte en faveur des territoires.
Dans le cadre de leur développement et selon la forme et le support que peuvent prendre ces monnaies, des dérogations à l'agrément de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – ACPR – ont été définies aux articles L. 511-7, L. 521-3 et L. 525-5 du code monétaire et financier, circonscrivant leur utilisation à un « réseau limité acceptant ces moyens de paiement ou pour un éventail limité de biens ou de services ». De facto, tous les utilisateurs, y compris les particuliers qui en sont porteurs et les clients souhaitant payer avec cette monnaie, sont contraints d'adhérer à la structure, souvent associative, qui met en œuvre ce dispositif. Ce frein énorme au déploiement des monnaies locales semble inapproprié, qui plus est en comparaison de dispositifs tels que les titres-restaurants et les autres supports facilitant le commerce et orientant la finalité de l'achat.
De plus, afin de favoriser la circulation de ces monnaies locales complémentaires, les régisseurs des recettes publiques ont la possibilité d'encaisser des TMLC en règlement de prestations délivrées par les collectivités locales qui ont accepté de recevoir une partie de leurs recettes publiques non fiscales dans une telle monnaie. Néanmoins, bien que jouant un rôle majeur dans l'économie circulaire des territoires, les régisseurs ne sont pas autorisés à payer leurs fournisseurs locaux à l'aide de TMLC, ces derniers ne faisant pas partie des instruments de paiement éligibles énumérés à l'article 2 de l'arrêté du 24 décembre 2012.
Enfin, pour financer leur développement, de nombreuses associations assurant la gestion et le déploiement de TMLC ont sollicité l'administration des finances publiques afin de bénéficier du régime du mécénat et de pouvoir ainsi délivrer des reçus fiscaux à leurs donateurs sur le fondement des articles 200 et 238 du code général des impôts. L'appréciation de l'objet de ces associations et des caractéristiques de leur activité varie selon les départements, et les demandes de rescrits fiscaux ont connu des issues divergentes. Parfois, la lecture stricte qui en est faite reconnaît seulement l'intérêt général de ces associations facilitatrices d'une économie sociale et solidaire, nécessaire au développement local et durable.
Ainsi, madame la secrétaire d'État, envisagez-vous d'assouplir les freins susmentionnés, afin de favoriser l'économie sociale et solidaire, les circuits courts et le développement de réseaux locaux, dans le cadre d'une politique économique forte des territoires ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le député, vous avez rappelé les règles qui s'appliquent aux monnaies locales complémentaires, qui ont vocation à assurer la confiance dans ces titres ainsi que dans les structures qui les émettent et les gèrent, afin de faciliter leur développement. Dans ce contexte, je souhaite formuler plusieurs remarques.
Premièrement, l'utilisation directe d'une monnaie locale en paiement de dépenses publiques n'est pas permise par la réglementation. Cependant, une collectivité peut avoir recours au dispositif du mandat civil pour offrir ce service. Son fonctionnement est simple : pour recevoir des paiements en titres de monnaie locale, les usagers doivent autoriser l'association à recevoir les fonds en leur nom, et le comptable public peut ensuite verser les fonds à l'association qui se charge de les remettre à ses usagers. Ce dispositif est plébiscité par un certain nombre de collectivités.
Deuxièmement, il n'y a pas d'obligation pour les usagers souhaitant utiliser ces titres de monnaie locale d'adhérer à la structure qui les émet et les gère. En revanche, si la structure souhaite bénéficier de l'exemption qui existe pour offrir ces services sans être soumis à l'encadrement qui découle des qualifications prévues dans le code monétaire et financier, elle doit offrir les services dans un « réseau limité d'accepteurs » ou auprès d'un « éventail limité de biens ou services », ce qui relève de l'appréciation au cas par cas de l'ACPR.
S'agissant du volet fiscal de votre question, ouvrent droit à une réduction d'impôt les dons et versements effectués par des particuliers ou des entreprises au profit d'œuvres ou d'organismes répondant à une condition d'intérêt général et poursuivant un objet ayant un caractère défini par la loi – philanthropique, éducatif, scientifique, etc. Ces dons et versements doivent être effectués sans contrepartie ou avec une contrepartie manifestement disproportionnée aux dons versés.
Enfin, la condition d'intérêt général implique que l'organisme bénéficiaire des dons n'ait pas de caractère lucratif, que sa gestion soit désintéressée et qu'il ne fonctionne pas au profit d'un cercle restreint de personnes. Les organismes gérant des titres de monnaies locales complémentaires ayant des structures juridiques très différentes, il ne peut être exclu que certains ne remplissent pas les conditions pour être reconnus d'intérêt général. Il n'est donc pas possible de définir a priori une réponse qui s'appliquerait de manière uniforme à l'ensemble de ces organismes. En particulier, l'appréciation des critères d'intérêt général relève de circonstances de fait et ne peut résulter que de la situation de chacun d'eux.
Auteur : M. Philippe Latombe
Type de question : Question orale
Rubrique : Moyens de paiement
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie et finances
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 juin 2018