Manque de médecins sur la Communauté urbaine d'Alençon-Une situation qui empire
Question de :
M. Joaquim Pueyo
Orne (1re circonscription) - Nouvelle Gauche
M. Joaquim Pueyo alerte Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la question de la démographie médicale dans l'Orne et plus particulièrement le manque de plus en plus inquiétant de médecins sur le territoire de la communauté urbaine d'Alençon. Derrière cette notion technique, se cache une situation de plus en plus préoccupante qui pourrait conduire à de véritables drames dans les années à venir. Il ne se passe pas une semaine sans qu'il reçoive un courrier ou qu'un habitant l'interpelle directement sur le manque criant de médecins dans les territoires. Il ne s'agit pas uniquement d'une réalité qui touche les campagnes mais également les moyennes et grandes villes. Sur la communauté urbaine d'Alençon, il ne reste que 32 médecins pour 58 000 habitants, soit un médecin pour 1 800 personnes. Ce chiffre est déjà inquiétant mais la situation deviendra encore plus complexe en 2018 puisque 3 praticiens arrêteront leur activité. Malheureusement, cela perdurera et empirera dans les années suivantes puisque 25 % des généralistes continuent d'exercer et ce malgré le fait qu'ils aient dépassé les 65 ans. Dans le même temps, une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé début mai 2018, démontrait une augmentation globale du nombre de médecins mais une stagnation du nombre de généralistes. En janvier 2018, une solution lui a été proposée, mettre fin au conventionnement des médecins s'installant dans une zone déjà sur-dotée sauf en cas de départ à la retraite ou d'arrêt de l'exercice. Il s'agissait ici d'une réponse à l'urgence de la situation, réponse qui n'était pas suffisante mais devait s'accompagner de la mise en place d'une politique ambitieuse pour mettre fin à cette crise. Au sein des territoires, on tente d'apporter des réponses en ouvrant les consultations de médecine générale à l'hôpital ou en permettant à des médecins à la retraite de revenir faire quelques heures de consultation. Il ne s'agit que de mesures faites pour pallier les manques. La question de l'attractivité est centrale. Il lui demande comment attirer et faire en sorte que les médecins décident de s'installer durablement sur les territoires et comment rendre la profession de médecin généraliste de nouveau attractive face aux opportunités qu'offre la spécialisation. Il souhaiterait également que le centre hospitalier Alençon-Mamers soit soutenu dans ses projets et notamment au regard des investissements indispensables à son fonctionnement.
Réponse en séance, et publiée le 13 juin 2018
DÉMOGRAPHIE MÉDICALE DANS L'ORNE
M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo, pour exposer sa question, n° 391, relative à la démographie médicale dans l'Orne.
M. Joaquim Pueyo. Monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, ma question concerne la démographie médicale dans l'Orne, et plus particulièrement le manque de plus en plus inquiétant de médecins sur le territoire de la communauté urbaine d'Alençon.
Derrière cette notion technique se cache une situation de plus en plus préoccupante, qui pourrait conduire à de véritables drames dans les années à venir. Pas une semaine ne passe sans qu'un habitant m'interpelle directement ou par courrier sur le manque criant de médecins dans nos territoires. Cette réalité touche non seulement nos campagnes, mais également les moyennes et grandes villes. Sur la communauté urbaine d'Alençon, il ne reste que trente-deux médecins pour 58 000 habitants, soit un généraliste pour 1 800 personnes.
Ce chiffre est déjà inquiétant, mais la situation deviendra plus complexe encore en 2018, puisque trois praticiens arrêteront leur activité. Malheureusement, la situation perdurera et empirera dans les années suivantes, puisque 25 % des généralistes continuent d'exercer bien qu'ils aient dépassé les 65 ans. Dans le même temps, une étude publiée au début du mois de mai par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé a montré une augmentation globale du nombre de médecins mais une stagnation du nombre de généralistes.
En janvier dernier, nous vous avons proposé une solution : mettre fin au conventionnement des médecins s'installant dans une zone déjà surdotée, sauf en cas de départ à la retraite ou d'arrêt de l'exercice. Il s'agissait d'une réponse à l'urgence de la situation, qui n'était certes pas suffisante mais devait s'accompagner de la mise en place d'une politique ambitieuse pour mettre fin à cette crise. Au sein de nos territoires, nous tentons de remédier à ce mal par exemple en ouvrant des consultations de médecine générale à l'hôpital ou en permettant à des médecins à la retraite de revenir faire quelques vacations. Mais ces mesures ne sont pas de nature à pallier les manques.
La question de l'attractivité est centrale. Monsieur le secrétaire d'État, comment attirer les médecins et faire en sorte qu'ils décident de s'installer durablement sur nos territoires ? Comment rendre la profession de médecin généraliste de nouveau attractive face aux opportunités qu'offre la spécialisation ?
Par ailleurs, je souhaite que le centre hospitalier intercommunal Alençon-Mamers, établissement de recours qui joue un rôle pivot, soit soutenu dans ses projets d'investissement qui visent à améliorer son fonctionnement.
Enfin, plus largement, quel nouveau souffle pouvons-nous donner à nos hôpitaux de proximité pour répondre à cette crise, qui inquiète à juste titre nos concitoyens ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Ayant été moi aussi un élu rural, dans les Alpes-de-Haute-Provence, je connais l'enjeu et saisis pleinement le sens de votre question, monsieur le député. Néanmoins, comme l'a relevé précédemment Stanislas Guerini, la désertification médicale ou la carence en médecins est un problème qui se pose aujourd'hui, hélas, partout en France, tant en milieu urbain qu'en milieu rural.
La première partie de votre question porte sur l'installation des médecins généralistes. Comment rendre l'installation attractive, pour reprendre vos termes ? De nombreux gouvernements ont travaillé sur ce sujet depuis de longues années. Les effets du baby-boom à la fois sur l'installation des médecins et sur le vieillissement de la population atteignent aujourd'hui leur paroxysme.
Vous avez proposé une solution, mais le Gouvernement estime qu'il n'y a pas de solution unique. Mettre fin au conventionnement des médecins s'installant dans une zone déjà surdotée sauf en cas de départ à la retraite ou d'arrêt de l'exercice peut apparaître dans une certaine mesure comme une bonne solution, mais, au fond, elle ne garantirait pas l'installation du médecin sur un territoire carencé. En réalité, dans la pratique, le fait d'empêcher l'installation à un endroit n'augmente pas l'attractivité d'un autre endroit. Autrement dit, ce n'est pas en empêchant les médecins de s'installer sur le littoral qu'ils s'installeront dans les territoires ruraux. D'autres éléments jouent dans ces choix et compliquent la donne, notamment l'âge d'installation ou la possibilité de constituer une famille.
Pour sa part, le Gouvernement propose un changement de paradigme : nous voulons désormais raisonner en termes de temps médical disponible des professionnels de santé plutôt qu'en termes d'installation des médecins. Nous voulons favoriser le développement de la télémédecine et des pratiques avancées, afin de mieux répartir le temps médical entre les professionnels de santé et de réduire les délais de consultation. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 permet pour la première fois la rémunération des interventions de télémédecine, et de nombreuses initiatives sont prises aujourd'hui dans les territoires pour la développer. Nous voulons aussi renforcer les coopérations entre les professionnels de santé de l'hôpital et de la ville. Enfin, nous devons aider les jeunes médecins à s'installer et les plus âgés à cumuler leur emploi et leur retraite, chaque fois que c'est possible et que cela correspond à leur choix.
C'est cette palette de solutions qui doit permettre d'améliorer le système. Comme la ministre de la santé l'a indiqué, nous travaillons dans ce sens, et si de nouvelles propositions de nature à compléter le dispositif venaient à être formulées, le Gouvernement y serait évidemment attentif.
Vous m'avez aussi interrogé sur le centre hospitalier intercommunal Alençon-Mamers. Les problèmes de recrutement se posent en effet au sein même de nos établissements hospitaliers publics, et il convient bien évidemment de se poser la question des investissements nécessaires à leur développement.
Comme vous le savez, l'agence régionale de santé – ARS – de Normandie soutient le centre hospitalier intercommunal Alençon-Mamers de façon significative depuis plusieurs années. Je sais que vous avez vous-même été très vigilant sur ce point dans vos engagements précédents et continuez à l'être aujourd'hui.
Il est nécessaire d'avancer sur le sujet. Je tiens à vous dire que l'ARS continuera d'apporter son soutien à l'établissement dans le cadre d'une priorisation forte des projets, les priorités étant l'unité de soins critiques et la réanimation, le centre lourd d'hémodialyse, la pédiatrie et le laboratoire. Tout cela doit se faire, bien évidemment, dans le cadre d'une amélioration de l'organisation et de la recherche de l'efficience, qui sont toujours indispensables, car la sécurité financière des établissements est un objectif que nous ne devons pas négliger.
M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.
M. Joaquim Pueyo. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse concernant l'hôpital d'Alençon-Mamers et de l'engagement du Gouvernement à l'aider à poursuivre ses investissements, qui sont indispensables.
Je vous ai posé une question plus générale sur la médecine générale, car nous faisons face à une crise. C'est un cri d'alarme que je lance : certains habitants n'arrivent pas à trouver de médecin ! Ils se rendent donc aux urgences, ce qui n'est pas satisfaisant. Je voudrais que l'on réfléchisse de manière approfondie au rôle que l'on pourrait redonner aux hôpitaux de proximité par rapport à la médecine généraliste. Il s'agit d'un sujet majeur pour nos territoires. Je ne voudrais pas qu'il y ait deux France : celle des hypercentres, où l'on trouve tout, et celle des villes moyennes, des campagnes et des banlieues.
M. le président. Merci, monsieur Pueyo…
M. Joaquim Pueyo. Je voulais lancer ce cri d'alarme. Je sais que vous être très préoccupé par cet important sujet et j'espère que vous nous apporterez des réponses précises.
Auteur : M. Joaquim Pueyo
Type de question : Question orale
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 juin 2018