Question orale n° 397 :
Mise à l'abri des personnes vivant à la rue

15e Législature

Question de : M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise

M. Alexis Corbière attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, sur les mesures visant à renforcer les dispositifs hivernaux de mise à l'abri des personnes vivant à la rue. En Île-de-France, la préfecture envisage la création de 5 800 places supplémentaires. Ces moyens temporaires ne suffiront pas à répondre à l'urgence. À l'hiver 2018-2019 encore, la plupart des personnes menacées par le froid et l'épuisement ne pourront bénéficier de l'aide du 115 dont les équipes sont déjà débordées. Les renforts annoncés, tant en termes de places d'accueil que de postes d'écoutants, paraissent dérisoires au regard du nombre d'enfants, de femmes et d'hommes privés d'un toit. La répartition géographique des lits supplémentaires annoncés pose également question. Le département de la Seine-Saint-Denis, pourtant particulièrement touché par l'urgence sociale, ne bénéficiera que de 700 places nouvelles. À Paris, ce sera quatre fois plus. Ce déséquilibre absurde ne repose sur aucune réalité de terrain. Les statistiques d'appels au standard départemental 115 de la Seine-Saint-Denis géré par Interlogement 93 le prouvent. En 2017, plus de 16 000 personnes ont composé ce numéro mais près de 6 000 d'entre elles n'ont jamais obtenu de réponse favorable. Pire, on estime à près de 80 % le taux de non-recours à l'hébergement d'urgence, dans ce département où l'État n'est même pas capable de déterminer le nombre réel d'habitants. Les rapports s'accumulent pour alerter sur le manque de moyens dont souffre la Seine-Saint-Denis. Le Premier ministre lui-même a reconnu que ce département concentrait des difficultés qu'il est urgent de combattre. Or force est de constater que les annonces du préfet d'Île-de-France pour répondre à l'urgence hivernale ne vont pas dans ce sens. Une fois encore, la Seine-Saint-Denis a besoin de plus, mais recevra moins. Il ne s'agit pourtant ni de charité, ni d'idéologie. Il s'agit simplement de respecter la loi française ainsi que les grandes conventions internationales dont la France est signataire et qui n'ont d'autres finalités que de préserver les droits de l'enfant, de la femme et de l'homme. Il lui demande donc pourquoi si peu de places d'accueil seront ouvertes cet hiver en Seine-Saint-Denis, alors qu'autant de vies humaines seront en péril dans les rues de ce département.

Réponse en séance, et publiée le 28 novembre 2018

HÉBERGEMENT DES PERSONNES À LA RUE
M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière, pour exposer sa question, n°  397, relative à l'hébergement des personnes à la rue.

M. Alexis Corbière. Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, j'appelle votre attention sur la situation des personnes vivant à la rue.

En Île-de-France, la préfecture envisage de créer 5 800 places d'hébergement supplémentaires. Ces moyens ne suffiront pas à répondre à l'urgence. Cet hiver encore, la plupart des personnes menacées par le froid et l'épuisement ne pourront bénéficier de l'aide du 115, dont les équipes sont déjà débordées. Les renforts annoncés, tant en termes de places d'accueil que de postes d'écoutants, paraissent dérisoires au regard du nombre d'enfants, de femmes et d'hommes privés d'un toit.

La répartition géographique des lits supplémentaires annoncés pose également question. Le département de la Seine-Saint-Denis, pourtant particulièrement touché par l'urgence sociale, ne bénéficiera que de 700 places supplémentaires. À Paris, ce sera quatre fois plus.

Ce déséquilibre que je juge absurde ne repose sur aucune réalité de terrain, comme le prouvent les statistiques d'appels au standard départemental du 115 de la Seine-Saint-Denis géré par Interlogement 93. En 2017, plus de 16 000 personnes ont composé ce numéro, mais près de 6 000 d'entre elles n'ont jamais obtenu de réponse favorable. Pire, on estime à près de 80 % le taux de non-recours à l'hébergement d'urgence dans ce département dont l'État n'est même pas capable de déterminer le nombre réel d'habitants.

Les rapports s'accumulent pour alerter sur le manque de moyens dont souffre la Seine-Saint-Denis. Le Premier ministre lui-même a reconnu que ce département concentre des difficultés qu'il est urgent de combattre. Or, force est de constater que les annonces du préfet d'Île-de-France pour répondre à l'urgence hivernale ne vont pas dans ce sens. Une fois encore, la Seine-Saint-Denis a besoin de plus, mais recevra moins.

Il ne s'agit ni de charité ni d'un a priori idéologique. Il s'agit simplement de respecter la loi française, ainsi que les grandes conventions internationales dont nous sommes signataires et qui n'ont d'autre finalité que de préserver les droits de l'enfant, de la femme et de l'homme.

Je vous demande donc pourquoi il y a si peu de places d'accueil cet hiver en Seine-Saint-Denis, alors que tant de vies humaines sont déjà en péril dans les rues de ce département.

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

M. Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, je vous remercie d'appeler notre attention sur cette question évidemment très importante, que nous avons tous en partage et qui suscite notre inquiétude.

Je commencerai par rappeler, même s'il ne s'agit pas d'un satisfecit, car le sujet, que vous avez décrit justement, est éminemment complexe, que jamais aucun gouvernement n'a autant fait pour réduire le nombre de sans-abri. L'État finance et gère avec les associations 136 000 places pérennes tout au long de l'année. Je le répète, ce niveau de mobilisation est historique, même si j'entends ce que vous dites : cet effort peut n'être pas suffisant.

Le budget de l'hébergement d'urgence sera une nouvelle fois en hausse en 2019. Je rappelle que le Gouvernement a pérennisé 5 000 places d'hébergement d'urgence à la sortie de l'hiver dernier, dont 1 900 en Île-de-France.

Pour cet hiver, nous avons préparé en amont un plan d'action, en lien avec les associations, les services de l'État et les collectivités. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, a réuni les associations à deux reprises, le 19 octobre et le 23 novembre, afin de leur présenter ce plan et d'échanger avec elles. Ils se réuniront désormais chaque mois.

La campagne hivernale a démarré il y a un peu plus de trois semaines. Le nombre de places mobilisables et mobilisées, dont près de la moitié sont en Île-de-France, dépasse d'ores et déjà de près de 8 000 celui de l'an dernier.

Les crédits consacrés à la veille sociale, dont font partie les services du 115, ont progressé de plus de 40% entre 2016 et 2018. En 2019, plus de 139 millions y seront consacrés, soit une progression de 6 % par rapport à 2018.

Quant aux maraudes, essentielles pour aller vers les personnes les plus précaires, le Gouvernement s'est engagé à les renforcer durant la période hivernale mais aussi tout au long de l'année, car si la période hivernale est particulière, il n'est pas moins important de rester en veille pendant les autres mois. Cinq millions d'euros supplémentaires sont prévus en 2019, et le nécessaire a été fait pour que ce renforcement soit déjà effectif.

En ce qui concerne le déséquilibre, sur lequel vous nous interrogez particulièrement, entre Paris et la Seine-Saint-Denis, je puis vous dire que 728 places supplémentaires sont mobilisables en Seine-Saint-Denis pour la période hivernale, à l'issue d'un appel à candidature lancé par les services de l'État.

Ce département, auquel le Gouvernement accorde toute son attention, comme vous l'avez rappelé, est le deuxième en termes de places mobilisées dans ce cadre en Île-de-France, après Paris où un peu plus de 3 000 places sont mobilisables. Ce chiffre doit être mis en relation avec le nombre de demandes exprimées qui est, en ce début d'hiver, largement moins important en Seine-Saint-Denis qu'à Paris.

Par ailleurs, la Seine-Saint-Denis concentre aujourd'hui davantage de nuitées hôtelières pour la famille que Paris, puisqu'on compte 5,7 places pour 1 000 habitants en Seine-Saint-Denis contre 2,8 à Paris. Le Gouvernement veille donc, dans le cadre de l'action conduite à l'échelle de l'Île-de-France, à ce que l'offre d'hébergement ne soit pas concentrée dans les départements connaissant déjà d'importantes difficultés. J'espère que nous nous rejoindrons sur ce principe.

M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Merci de votre réponse, monsieur le ministre. Je sais, et les associations l'ont d'ailleurs constaté sur le terrain, que le nombre de places disponibles a légèrement augmenté, mais vous reconnaissez, comme tous les acteurs sérieux, que la demande ne trouve pas satisfaction. Malgré les informations que vous avez données, la différence de moyens qui subsiste entre la Ville de Paris et notre département ne satisfait personne sur le terrain.

Convenons qu'il est urgent d'agir sur ce que chacun reconnaît comme une priorité. Les moyens mis à disposition sur place, même s'ils sont en augmentation, ne suffiront pas pour atteindre l'objectif annoncé : celui que l'hiver prochain, il n'y ait plus ni enfant ni femme ni homme à la rue dans notre pays. Beaucoup d'indices montrent que la triste réalité ne fait que s'aggraver. Nous continuerons par conséquent de vous interpeller.

Cependant, je vous remercie de votre réponse. Quelles que soient nos convictions, il y a là quelque chose qui nous touche tous : nul ne peut tolérer qu'un de nos semblables se retrouve dans une situation terrible, au risque de sa vie.

Données clés

Auteur : M. Alexis Corbière

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Ville et logement

Ministère répondant : Ville et logement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 novembre 2018

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