Le projet de la liaison ferroviaire dite Charles-de-Gaulle Express
Question de :
M. Stéphane Peu
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Stéphane Peu alerte Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, sur le projet de la liaison ferroviaire dite Charles de Gaulle Express.
Réponse en séance, et publiée le 12 décembre 2018
CHARLES-DE-GAULLE EXPRESS
M. le président. La parole est à M. Stéphane Peu, pour exposer sa question, n° 433, relative au Charles-de-Gaulle Express.
M. Stéphane Peu. Alors que la procédure d'enquête publique sur le projet de liaison dit « Charles-de-Gaulle Express » se poursuit, je tiens à exposer, une nouvelle fois, les raisons de notre franche et totale opposition à ce projet.
Premièrement, le Charles-de-Gaulle Express empruntera pour une part les voies du RER B. Il dégradera ainsi le service rendu aux usagers de cette ligne qui transporte chaque jour plus d'un million de voyageurs – ces salariés qui se lèvent tôt et traversent la région Île-de-France pour aller travailler. Ils n'en peuvent plus des incidents, des retards quasi quotidiens, et cette situation insupportable sera encore aggravée par le cumul, sur les mêmes voies, du RER B et du Charles-de-Gaulle Express !
Deuxièmement, selon nous, l'argument de la nécessité d'une liaison directe entre l'aéroport Charles-de-Gaulle et le centre de Paris ne tient pas, compte tenu de l'offre de transport actuelle du RER B, dont j'ai déjà parlé, et surtout de l'offre future, avec les trains de la ligne 17 du Grand Paris Express, qui rouleront à 110 kilomètres-heure, mettant Saint-Denis Pleyel à vingt et une minutes de l'aéroport et à treize minutes du quartier d'affaires de La Défense.
Troisièmement, le coût du billet, qui sera de 24 euros, fera du Charles-de-Gaulle Express un transport pour une clientèle d'hommes d'affaires et de riches touristes, inaccessible aux populations franciliennes et aux touristes modestes.
Quatrièmement, avec le montage juridique choisi pour cette opération, l'État concédera la construction du Charles-de-Gaulle Express à une société privée à laquelle il garantira un prêt de 1,7 milliard d'euros, nécessaire à la construction. Il s'agit donc d'un projet privé garanti par de l'argent public, pour une clientèle triée sur le volet. C'est ce que l'on appelle la socialisation des investissements et la privatisation des bénéfices !
Cinquièmement, ceux qui connaissent un peu la Seine-Saint-Denis savent que le territoire situé entre la porte de la Chapelle et l'aéroport Charles-de-Gaulle a été balafré au gré de l'histoire par des fractures urbaines encore béantes. Le Charles-de-Gaulle Express ajoutera une balafre urbaine de plus, notamment à cause du viaduc aérien de la porte de la Chapelle, réduisant à néant tous les efforts accomplis par la Ville de Paris, l'établissement public territorial Plaine Commune et la ville de Saint-Denis pour remettre en ordre ce capharnaüm urbain.
Le Gouvernement a demandé à la Société du Grand Paris de faire 10 % d'économies sur le réseau de transport public du Grand Paris. Nous demandons à l'État de reconsidérer cette décision, d'abandonner le projet du Charles-de-Gaulle Express et d'affecter les subventions qui y sont consacrées à l'entretien du réseau public existant, au Grand Paris Express et au prolongement des lignes de métro et de tramway qui desservent bien mieux nos populations, sans discrimination par le prix du billet.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le député, vous avez interrogé Mme Borne sur le projet du Charles-de-Gaulle Express. Celle-ci ne pouvant être présente, elle m'a chargée de vous répondre.
Le projet du Charles-de-Gaulle Express est essentiel pour l'attractivité économique et touristique de la région Île-de-France et permettra un report modal de la route vers le rail. Son caractère d'utilité publique a été confirmé par le Conseil d'État, suite des recours portés à son encontre. Ce projet, qui ne fait l'objet d'aucune subvention directe de la part de la collectivité publique, avance et sera mis en service avant les Jeux de 2024, comme la France s'y est engagée. Le ministre de la transition écologique et solidaire a désigné, il y a quelques jours, le futur exploitant pressenti du Charles-de-Gaulle Express, suite à un appel d'offres. Mme Borne signera prochainement avec SNCF Réseau, Aéroports de Paris et la Caisse des dépôts le contrat de concession qui lancera les travaux prévus à partir de février 2019.
Je souligne, par ailleurs, que le projet se fait bien en coordination avec les autres projets en cours pour les transports du quotidien en Île-de-France, en aucun cas à leur détriment. Je pense en particulier au RER B, que vous avez mentionné, puisque 180 millions d'euros sont prévus dans le cadre du Charles-de-Gaulle Express pour son amélioration. Le contrat de plan État-région prévoit 7,6 milliards d'euros d'investissement sur la période 2015-2020, ce qui représente un effort considérable pour les transports en commun de la région. Concrètement et sans que la liste soit exhaustive, il s'agit notamment des schémas directeurs des RER et des Transiliens, du prolongement d'Eole, du prolongement de la ligne 11, de nouveaux tramways, de nouveaux tram-trains et de bus à haut niveau de service.
Enfin, Grand Paris Express complétera le réseau existant grâce à des interconnexions, offrant ainsi aux Franciliens un moyen de transport supplémentaire, principalement en rocade. À terme, 200 kilomètres de lignes seront construits, c'est-à-dire autant que toutes les lignes du réseau actuel du métro parisien, ce qui représentera 35 milliards d'euros d'investissement. Les habitants de la Seine-Saint-Denis seront parmi les premiers à en bénéficier grâce, par exemple, à la mise en service de la ligne 16 jusqu'à Clichy-Montfermeil à l'horizon 2024.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu. J'entends, madame la secrétaire d'État, que vous confirmez le choix de dépenser dix fois plus d'argent public pour un réseau de transport destiné à une clientèle aisée plutôt que d'essayer d'améliorer le quotidien du million de salariés qui, chaque jour, subissent les retards et les difficultés du RER B. Mais cela ne vous autorise pas à dire des inexactitudes : il n'est pas vrai que la réalisation du Charles-de-Gaulle Express figurait dans le dossier de candidature de Paris aux Jeux olympiques. C'est absolument faux : il s'agissait du Grand Paris Express, en aucun cas du Charles-de-Gaulle Express. Je vous remercie de ne pas mentir devant la représentation nationale. (M. Stéphane Viry applaudit.)
Auteur : M. Stéphane Peu
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports urbains
Ministère interrogé : Transports
Ministère répondant : Transports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 2018