Question orale n° 454 :
Élargissement des compétences des sages-femmes à l'IVG instrumentale

15e Législature

Question de : Mme Maud Petit
Val-de-Marne (4e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés

Mme Maud Petit attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé sur la reconnaissance de la compétence des sages-femmes à pratiquer l'IVG instrumentale. L'article L. 2212-1 du code de la santé publique permet à toute femme enceinte qui s'estime placée dans une situation de détresse de demander à un médecin l'interruption de sa grossesse, qu'elle soit majeure ou mineure. Il existe deux formes d'interruption volontaire de grossesse. L'IVG médicamenteuse qui ne nécessite pas d'intervention chirurgicale et qui peut être faite à domicile. Depuis la loi santé du 26 janvier 2016, les sages-femmes sont habilitées à effectuer cette intervention. L'IVG instrumentale nécessite l'intervention d'un médecin dans un centre hospitalier ou de santé car cette pratique se fait sous anesthésie locale ou générale. Selon les recommandations internationales, elle est considérée préférable au-delà de neuf semaines d'aménorrhée : cette méthode diminue le risque d'hémorragie, et le risque traumatique. Pourtant, on constate aujourd'hui une diminution conséquente du nombre d'IVG instrumentales : 80 % des IVG sont médicamenteuses. Un déséquilibre de l'offre de soins (nombreux départs en retraites, fermetures de centres d'IVG (depuis 10 ans, 43 centres ont été fermés), rallongement des délais) peut être l'une des explications de cette hausse des IVG médicamenteuses. Pour pallier ce déséquilibre et ne pas contraindre la liberté de choix des femmes ayant recours à l'IVG, la question d'un élargissement des compétences des sages-femmes peut aujourd'hui se poser. La psychologue féministe Harvey Karman, qui a révolutionné l'IVG avec la méthode d'aspiration chirurgicale, recommande que l'IVG instrumentale soit effectuée par des professionnelles de santé paramédicales, dont les sages-femmes. Dans un contexte mondial où les droits des femmes et le droit à l'avortement est de plus en plus remis en cause, la France doit être un exemple et améliorer la prise en charge de l'IVG. Elle lui demande quel est son avis sur l'élargissement des compétences des sages-femmes à l'IVG instrumentale.

Réponse en séance, et publiée le 12 décembre 2018

COMPÉTENCES DES SAGES-FEMMES POUR LES INTERRUPTIONS VOLONTAIRES DE GROSSESSE
M. le président. La parole est à Mme Maud Petit, pour exposer sa question, n°  454, relative aux compétences des sages-femmes pour les IVG.

Mme Maud Petit. Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, je souhaite appeler votre attention sur la reconnaissance de la compétence des sages-femmes à pratiquer l'IVG instrumentale.

L'article L. 2212-1 du code de la santé publique permet à toute femme enceinte, majeure ou mineure, qui s'estime placée dans une situation de détresse de demander à un médecin l'interruption de sa grossesse. Cette dernière peut prendre deux formes. L'une est l'IVG médicamenteuse, qui ne nécessite pas d'intervention chirurgicale et peut être pratiquée à domicile. Depuis la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, les sages-femmes sont habilitées à effectuer cette intervention. L'autre méthode est l'IVG instrumentale, qui nécessite l'intervention d'un médecin dans un centre hospitalier ou de santé, car cette pratique se fait sous anesthésie locale ou générale. Selon les recommandations internationales, elle est considérée comme préférable au-delà de neuf semaines d'aménorrhée, car elle diminue les risques d'hémorragie et traumatique. Pourtant, on constate aujourd'hui une diminution importante du nombre d'IVG instrumentales : 80 % des IVG sont médicamenteuses.

Les nombreux départs à la retraite des praticiens, les fermetures de centres d'IVG – depuis dix ans, quarante-trois centres ont été fermés –, et l'allongement des délais pour obtenir un rendez-vous sont à l'origine d'un déséquilibre de l'offre de soins qui peut être l'une des explications de cette hausse des IVG médicamenteuses.

Pour pallier ce déséquilibre et ne pas contraindre la liberté de choix des femmes ayant recours à l'IVG, la question d'un élargissement des compétences des sages-femmes peut aujourd'hui se poser. Cet élargissement est demandé par certaines sages-femmes. La psychologue féministe Harvey Karman, qui a révolutionné l'IVG avec la méthode d'aspiration chirurgicale, recommande que l'IVG instrumentale soit effectuée par des professionnelles de santé paramédicales, dont les sages-femmes.

Dans un contexte mondial où les droits des femmes et le droit à l'avortement sont de plus en plus remis en cause, la France doit être un exemple. Elle doit améliorer la prise en charge de l'IVG. Quelle est votre position concernant l'élargissement des compétences des sages-femmes à l'IVG instrumentale ? Dans quelle mesure pourra-t-on l'appliquer ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la députée, je vous confirme que le Gouvernement est pleinement mobilisé, en lien avec les acteurs de terrain, pour améliorer l'accès des femmes à l'IVG, sur l'ensemble du territoire, dans des conditions optimales de qualité et de sécurité. Il s'agit d'un véritable enjeu de santé publique. Nous avons, par exemple, la volonté d'installer des services de planning familial dans les centres de soins périnataux présents dans les maternités afin de permettre l'accès à une prévention en la matière.

Les avancées se poursuivent en écho au programme national d'action pour l'amélioration de l'accès à l'IVG, publié en 2015, et de l'élaboration, dans chaque région, de programmes en assurant la déclinaison locale. Pour mesurer ces avancées ainsi que les progrès restant à accomplir dans ce domaine, nous avons souhaité lancer, dès le début de l'année 2019, une enquête auprès des agences régionales de santé, afin d'avoir une vue objective de la situation dans chaque territoire et d'identifier les particularités régionales et locales. Cela permettra d'adapter, le cas échéant, les actions nationales qui peuvent être envisagées en faveur de l'accès à l'IVG. Cet état des lieux pourra également contribuer à étayer les politiques régionales à venir en appui des plans régionaux d'accès à l'IVG.

Parmi les leviers identifiés, la pratique d'IVG par les sages-femmes constitue un élément important. Comme vous le savez, depuis 2016, la loi leur accorde cette possibilité par voie médicamenteuse. À ce jour, seulement 3 % des IVG médicamenteuses sont effectuées par des sages-femmes. Par ailleurs, les IVG instrumentales seront prochainement réalisables en centres de santé, ce qui constituera une mesure supplémentaire visant à l'améliorer l'accès à l'IVG.

Enfin, il convient de noter que, dans le cadre de protocoles de coopération adoptés en vertu de l'article 51 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital, dite HPST, et actuellement soumis pour avis à la Haute Autorité de santé, les sages-femmes pourraient être autorisées à pratiquer l'IVG instrumentale sous la surveillance d'un médecin. L'avis de la Haute Autorité de santé permettra d'éclairer l'opportunité de ces protocoles de coopération.

Données clés

Auteur : Mme Maud Petit

Type de question : Question orale

Rubrique : Interruption volontaire de grossesse

Ministère interrogé : Solidarités et santé (Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre)

Ministère répondant : Solidarités et santé (Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre)

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 2018

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