Avenir des engagements de l'État pour le Marais poitevin
Question de :
Mme Delphine Batho
Deux-Sèvres (2e circonscription) - Non inscrit
Mme Delphine Batho interroge M. le Premier ministre sur l'avenir des engagements de l'État pour le Marais poitevin. Avec plus de 100 000 hectares, le Marais poitevin est la deuxième zone humide de France et l'une des plus grandes au niveau européen. Classé parc naturel régional, Grand Site de France et en projet d'inscription sur les listes des conventions internationales de RAMSAR et de l'UNESCO, le Marais poitevin bénéficie de nombreuses mesures de protection qui engagent l'État : trois réserves naturelles nationales, deux arrêtés préfectoraux de protection de biotope, un site classé au titre de la loi de 1930. Par ailleurs, il constitue l'un des plus grands sites Natura 2000 terrestre de France métropolitaine avec 68 000 hectares. Il s'agit d'un espace emblématique de la biodiversité et des paysages de France, d'une grande richesse écologique par la diversité des milieux naturels qui le compose, alors même que la majeure partie des zones humides de notre pays a été dégradée ou détruite. Ce territoire exceptionnel, qui constitue également un patrimoine culturel et humain puisque le Marais poitevin a été façonné par l'homme, avait fait l'objet d'une opération spécifique de restauration dans le cadre des Grands travaux du président de la République François Mitterrand. Ses qualités remarquables permettent le développement d'une économie touristique importante. Jusqu'à ce jour, une action du programme des interventions territoriales de l'État avait pour objectif de protéger les prairies humides du Marais poitevin et d'assurer le maintien d'activités d'élevage qui contribuent à la protection de ce patrimoine naturel. La loi de finances pour 2019 met fin de façon totalement injustifiée à l'action n° 6 « Plan gouvernemental pour le Marais poitevin-Poitou-Charentes » du Programme des interventions de l'État (PITE) en supprimant toute autorisation d'engagement. Seuls sont maintenus 1,5 million d'euros en crédits de paiement pour solder les différentes opérations engagées jusqu'ici. Le désengagement de l'État va avoir des conséquences catastrophiques qui remettent en cause tous les efforts accomplis depuis des années, notamment par le biais du plan gouvernemental mis en place par le Premier ministre, dans le cadre d'un protocole d'accord entre l'État et les collectivités, suite à la condamnation de la France par la Cour de Justice des communautés européennes en 1999 pour non-respect de la directrice relative à la conservation des oiseaux. Les conséquences du désengagement de l'État sont d'ores et déjà perceptibles avec la perte, au cours des deux dernières années, de près de 2 000 hectares de surfaces contractualisées avec les agriculteurs pour le maintien des prairies humides. À terme, cette évolution pourrait relancer un contentieux européen. L'arrêt des financements du PITE donnera également un coup d'arrêt aux actions du parc naturel régional du Marais poitevin. Ainsi, pour 2019, le plan paysage pour remplacer la trame paysagère atteinte par la chalarose du frêne, le plan d'aménagement et de restauration des marais mouillés, le plan d'action sur les continuités écologiques, le financement de l'observatoire du patrimoine naturel, les actions sur les marais desséchés et les marais communaux, ne pourront pas être menées à bien. Du fait de l'arrêt du PITE qui abondait le financement du programme d'actions du parc naturel régional, il manque actuellement au minimum 380 000 euros pour boucler le budget 2019. Depuis 2013, un nouveau plan gouvernemental pour le Marais poitevin est annoncé et attendu. Plusieurs rapports d'inspection du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) expliquent son absolue nécessité au regard de la fragilité de ce territoire. Il appartient à l'État de donner un élan et une cohérence nouvelle à son engagement pour la sauvegarde du Marais poitevin dans toutes ses dimensions (politique de l'eau, biodiversité, agriculture) via un nouveau plan gouvernemental doté d'un programme d'actions précis et de financements clairement affectés et programmés dans le temps. C'est pourquoi elle lui demande une nouvelle fois dans quel délai et avec quelle méthode va être élaboré un nouveau plan gouvernemental pour le Marais poitevin et de lui indiquer comment sera précisément compensée la perte des crédits du PITE pour permettre la poursuite des actions en faveur de la protection de cette zone humide exceptionnelle.
Réponse en séance, et publiée le 12 décembre 2018
ENGAGEMENTS DE L'ÉTAT POUR LE MARAIS POITEVIN
M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho, pour exposer sa question, n° 462, relative aux engagements de l'État pour le marais poitevin.
Mme Delphine Batho. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Je voudrais interroger le Gouvernement sur la politique de l'État envers la deuxième zone humide de France, le Marais poitevin, patrimoine national exceptionnel, alors que la moitié des zones humides de France a été détruite au cours des dernières années. Ce territoire exceptionnel a été à l'origine d'une condamnation en 1999 de la France par la Cour de justice de l'Union européenne en raison du processus de dégradation qui l'atteignait. Cette condamnation a conduit le gouvernement de l'époque à lancer un plan gouvernemental pour le Marais poitevin, dans le cadre d'une contractualisation avec les collectivités territoriales, plan qui a permis la reconquête de plusieurs hectares de prairie humide grâce à des mesures en faveur du maintien de l'élevage, la création d'un « Grand site de France », la reconquête du label « Parc naturel régional » et qui a abouti à la création d'un établissement public chargé de la gestion de l'eau. Tout cela a été financé via une action dédiée dans le cadre du PITE, programme d'intervention territoriale de l'État.
Cette action, le précédent gouvernement – le problème ne date pas d'aujourd'hui – en avait déjà divisé les crédits par trois depuis 2015. L'actuel gouvernement fait autre chose : dans le nouveau projet de loi de finances, sans aucune concertation avec le territoire, l'action est purement et simplement abandonnée, puisque le montant des autorisations d'engagement est de zéro.
On pourrait estimer que ce n'est pas un problème, si tout avait été réparé. Or ce n'est pas le cas. On observe d'ores et déjà une réduction de 2 000 hectares des espaces faisant l'objet d'une contractualisation avec les éleveurs en vue du maintien des prairies. Surtout, alors que la trame paysagère du Marais poitevin est atteinte par une maladie appelée « chalarose du frêne », toutes les actions du parc naturel régional sont mises en danger par la perte budgétaire que représente la suppression de l'action du PITE.
Mes questions seront donc simples – cela fait plusieurs fois que je les pose au Gouvernement. Premièrement, le Gouvernement est-il prêt à travailler avec les collectivités territoriales à l'élaboration d'un nouveau plan pour le Marais poitevin ? Deuxièmement, quelles solutions d'urgence peuvent être trouvées afin que le parc naturel régional puisse mener ses actions en 2019 ? On nous a dit à plusieurs reprises qu'au financement via le PITE seraient substitués des crédits de droit commun. Or, pour l'instant, nous n'avons pas vu la couleur de ces crédits.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la députée, vous avez interrogé M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la situation du Marais poitevin. En son absence, c'est à moi qu'il revient de vous répondre.
Fin 2018, l'action 06 du programme des interventions territoriales de l'État, « Plan d'action gouvernemental pour le Marais poitevin », arrivera à terme. Les différents acteurs du territoire, notamment le parc naturel régional et aussi le préfet de région et la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement – DREAL –, ont sollicité dès cet été le ministre d'État pour que des crédits de droit commun prennent le relais, notamment via le programme 113, « Paysages, eau et biodiversité ».
Deux types d'opérations en faveur de la biodiversité étaient jusqu'alors financées par le programme des interventions territoriales de l'État : les contrats de marais, via une subvention de l'Établissement public du Marais poitevin, l'EPMP, et diverses actions menées par le parc naturel régional et le conservatoire régional des espaces naturels.
Concernant plus spécifiquement les nouveaux contrats de marais, le besoin de financement pour 2019 s'établit autour de 150 000 euros. Ces contrats seront à nouveau subventionnés par l'Établissement public du Marais poitevin grâce aux crédits qui lui seront alloués via le programme 113 au titre de sa dotation pour charges de service public.
Concernant les interventions conduites par le parc naturel régional et le conservatoire régional des espaces naturels, dont le montant est estimé à 518 000 euros en aides de l'État, la direction de l'eau et de la biodiversité augmentera exceptionnellement pour 2019 la dotation du programme 113 de la DREAL de Nouvelle-Aquitaine à hauteur de cette somme, afin de prendre en charge ces actions, en interaction avec la DREAL des Pays-de-la-Loire. Cette dotation exceptionnelle est appelée à être réévaluée. La DREAL de Nouvelle-Aquitaine sera invitée à travailler en 2019 avec les différentes structures concernées pour qu'elles ciblent et hiérarchisent au maximum leurs interventions.
Les actions en faveur de la protection de cette zone humide exceptionnelle seront donc maintenues en 2019 pour tout ce qui concerne le paysage, l'eau et la biodiversité. Il n'y a pas de désengagement de l'État en la matière.
D'autre part, afin de consolider le travail réalisé sur ce territoire et vu les progrès qui restent à accomplir, notamment en ce qui concerne la formalisation contractuelle des relations entre les acteurs, je considère qu'à ce stade, la présence de l'État au sein du Marais poitevin, à travers la personne juridique de l'Établissement public du Marais poitevin, reste nécessaire.
M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Merci, madame la ministre, pour ces éléments d'information nouveaux. J'espère que cela permettra de parer au plus pressé et évitera la démobilisation des acteurs. Il s'agit d'une première avancée, qui nécessite d'être confirmée, en particulier s'agissant des actions en direction du monde agricole et des éleveurs, puisqu'on procédait au travers du PITE à un important cofinancement des mesures agroenvironnementales. Celles-ci resteront cofinancées jusqu'en 2020, mais il convient de prévoir dès à présent l'après.
D'autre part, j'ai bien entendu votre réponse concernant le maintien de l'établissement public. La clarification était importante, car nous nous inquiétions, notamment du fait de la remise d'un rapport de l'inspection générale des finances, de la velléité, chaque année réitérée, de Bercy de remettre en cause l'existence de cet établissement public. Cela étant, ce n'est pas par l'intermédiaire de l'EPMP que l'on pourra satisfaire à notre demande d'une nouvelle contractualisation, ou bien il faudrait l'inscrire dans les missions de l'EPMP, parce qu'à l'heure actuelle, la loi encadre ses fonctions sans lui donner la possibilité d'exercer des prérogatives de ce type.
Je donne acte au Gouvernement de cette première réponse et j'espère qu'un travail ultérieur permettra d'aller au-delà d'une réponse à l'urgence.
Auteur : Mme Delphine Batho
Type de question : Question orale
Rubrique : Aménagement du territoire
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire (Mme Wargon, SE auprès du ministre d'État)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 2018