Question orale n° 497 :
Indemnités kilométriques des travailleurs à domicile

15e Législature

Question de : Mme Mathilde Panot
Val-de-Marne (10e circonscription) - La France insoumise

Mme Mathilde Panot appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les indemnités kilométriques des travailleurs à domicile. Les débats soulevés dans le pays par le mouvement des « Gilets jaunes » sont multiples. La justice fiscale en est le socle, avec la nécessité d'un impôt juste. La justice sociale, qui appelle une meilleure répartition entre capital et travail, en est une dimension fondamentale. Mais il est une troisième dimension moins soulevée dans le débat public, cruciale pour de nombreux citoyens : la question de l'aménagement du territoire. En effet, nombreux sont les travailleurs dont l'emploi se situe trop loin de chez eux. Près de 30 % d'entre eux se disaient prêts à changer d'emploi s'ils en trouvaient un plus près de leur domicile. Ce problème doit mener à des politiques de long terme en rupture avec l'organisation ubuesque actuelle. Mais aujourd'hui, il faut tenir compte de la situation pour les gens qui doivent se rendre en voiture à leur travail tous les jours. Parmi eux, la précarité frappe particulièrement les travailleurs à domicile : les temps partiels, l'incertitude des horaires parfois, les déplacements supplémentaires induits par une urgence, parce qu'il est bon de rendre service et que c'est le sens qu'y placent les Français qui mettent de cette façon leur vie au service des autres. Voici dix ans que les indemnités kilométriques forfaitaires n'ont pas été réévaluées. L'augmentation du prix des carburants n'a donc pas été prise en compte dans le calcul de ces indemnités. La hausse de la taxe sur les carburants serait insupportable pour ces travailleurs à domicile. Compte tenu du fait que ces emplois sont insuffisamment rémunérés, la situation n'est pas supportable. Elle souhaite attirer son attention sur cette situation injuste. Elle doit changer au plus vite. Elle lui demande si son ministère peut réévaluer rapidement les indemnités kilométriques forfaitaires.

Réponse en séance, et publiée le 17 janvier 2019

INDEMNITÉS KILOMÉTRIQUES DES TRAVAILLEURS À DOMICILE
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour exposer sa question, n°  497, relative aux indemnités kilométriques des travailleurs à domicile.

Mme Mathilde Panot. Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, je souhaite appeler votre attention sur la situation des travailleurs à domicile. Un grand nombre d'entre eux – je devrais dire d'entre elles, car il s'agit en majorité de femmes – n'ont pas d'autre choix que de circuler en voiture pour se rendre là où ils doivent rendre leurs services à la population et de faire des kilomètres, notamment en zone rurale. La précarité de leur situation est considérable et leurs revenus sont souvent très faibles. Nombre d'entre eux se trouvent aujourd'hui parmi les gilets jaunes – ils ne pouvaient pas supporter que leurs budgets, déjà contraints, le soient encore davantage du fait de l'augmentation du carburant.

J'ai rencontré des hommes et des femmes prêts à craquer sous le poids des mesures que vous ne cessez de prendre pour rendre la vie plus dure aux classes populaires et moyennes de notre pays, à cette France qui fait des efforts quotidiens pour ne pas sombrer et que M. Macron s'amuse à humilier régulièrement de manière répugnante.

Les travailleurs à domicile, monsieur le secrétaire d'État, doivent faire face à des horaires variables, fractionnés, incertains quand les personnes annulent ou déplacent un rendez-vous au dernier moment, à des temps partiels contraints, à des déplacements non prévus qu'une urgence oblige à faire.

Je tiens à rappeler le dévouement de tant de travailleurs à domicile qui, lorsque vous avez tout détruit – les services publics, les transports en commun – , sont parfois les seuls, en zone rurale, à incarner notre idéal commun de solidarité et de fraternité. Leurs conditions de vie et de travail ont été déconsidérées par les gouvernements successifs. Nombre de travailleurs à domicile ne parviennent pas à tirer un SMIC de leur travail pourtant épuisant.

Depuis dix ans, les indemnités kilométriques forfaitaires n'ont pas été réévaluées. Prendre la décision de le faire permettrait de soulager ces travailleurs à domicile qui n'en peuvent plus. Sachez qu'ils roulent presque toujours avec leur véhicule personnel pour travailler. Il n'est pas rare qu'ils doivent prendre des risques lorsque leurs agendas quotidiens sont trop chargés.

Êtes-vous d'accord, monsieur le secrétaire d'État, pour permettre à nos concitoyens, et particulièrement, à nos concitoyennes, qui travaillent à domicile, d'aller mieux et pour les aider à vivre décemment ? Allez-vous augmenter les indemnités kilométriques forfaitaires ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Comme vous le savez, les frais supportés par les salariés sont déductibles de leur revenu imposable. Pour rappel, plusieurs modalités sont offertes au salarié afin qu'il choisisse la plus avantageuse, lorsqu'il opte pour le régime des frais réels.

L'évaluation des frais de déplacement peut s'effectuer en utilisant le barème forfaitaire fixé par arrêté en fonction de la puissance administrative du véhicule et de la distance annuelle parcourue. Lorsque le salarié ne fait pas application du barème, ces frais de déplacement sont déductibles pour leur montant réel.

Ce barème kilométrique peut également être utilisé comme référence par les employeurs pour l'allocation à leurs salariés d'indemnités pour leurs frais de déplacement professionnels exonérés d'impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales.

L'article 10 de la loi de finances initiale pour 2019 permettra ce que vous demandez, c'est-à-dire la revalorisation du barème en 2019, en prenant notamment en compte le type de motorisation du véhicule afin que cette revalorisation soit plus importante pour les petites cylindrées, c'est-à-dire les véhicules les moins polluants, mais aussi les moins coûteux. C'est là une mesure qui répond directement aux inquiétudes que vous exprimez.

Il est également important de rappeler que face aux conséquences de l'augmentation des prix des carburants pour l'ensemble des salariés, en particulier les plus modestes, notamment les travailleurs que vous évoquez, des mesures spécifiques, applicables à compter des revenus de l'année 2018, ont été adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2019.

Ainsi, l'article 3 de la loi de finances prévoit que les aides à la mobilité versées par les collectivités territoriales ou Pôle emploi, destinées à couvrir les frais de carburant engagés par les salariés pour leurs déplacements entre le domicile et le lieu de travail, lorsqu'ils sont situés à une distance d'au moins trente kilomètres l'un de l'autre, sont exonérées d'impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales jusqu'à 240 euros par an.

De plus, le covoiturage est désormais introduit dans les moyens de transport pour les trajets entre le domicile et le travail. Il peut faire l'objet d'un soutien de l'employeur exonéré de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu dans la limite de 200 euros par an.

Enfin, d'autres mesures ont été adoptées, telles que le gel de la hausse de taxes sur les carburants, l'extension du dispositif du chèque énergie à de nouveaux bénéficiaires ou encore, même si cela ne concernera pas l'ensemble des salariés, le renforcement de la prime à la conversion, qui sera plus que doublée pour les ménages les plus modestes.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, même si elle présente bien des insuffisances.

Il n'est pas possible de prétendre sérieusement que des travailleurs à domicile feront du covoiturage ! Ce n'est pas sérieux !

Quant au gel de la hausse des taxes, c'est certes une bonne chose pour ne pas rendre encore plus difficiles les conditions de vie de ces travailleurs, mais c'est maintenant qu'ils ont besoin d'aide ! La moitié des aides à domicile vivent avec moins de 900 euros mensuels. Ils font des journées de onze heures, mais qui ne comptent que pour six heures de temps travaillé. Ils vivent donc dans une grande précarité, et ce n'est pas la réponse que vous venez de donner qui changera leur situation.

Nous continuerons d'autant plus à nous battre que le consensus au sein de l'Assemblée nationale peut être large – un collègue de l'UDI, M. Favennec Becot, a posé une question écrite à ce propos. Il faut pouvoir vivre dignement de son travail !

Ces femmes qui travaillent à domicile – puisque ce sont surtout des femmes qui sont concernées – ont un engagement très fort, notamment auprès des populations les plus précaires ou des personnes âgées, mais celui-ci n'est pas reconnu, puisque nombre d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté.

Données clés

Auteur : Mme Mathilde Panot

Type de question : Question orale

Rubrique : Professions et activités sociales

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie et finances

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 8 janvier 2019

partager