Question orale n° 498 :
Alliance Alstom et Siemens : quelles conséquences ?

15e Législature

Question de : M. Fabien Roussel
Nord (20e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Fabien Roussel attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les conséquences de l'alliance entre Alstom et Siemens.

Réponse en séance, et publiée le 17 janvier 2019

CONSÉQUENCES DE L'ALLIANCE ALSTOM-SIEMENS
M. le président. La parole est à M. Fabien Roussel, pour exposer sa question, n°  498, relative aux conséquences de l'alliance Alstom-Siemens.

M. Fabien Roussel. Permettez-moi, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de vous présenter, ainsi qu'au personnel de l'Assemblée, mes meilleurs vœux de santé, de bonheur et de sérénité.

Monsieur le ministre de l'économie et des finances, rien ne va plus, en ce début 2019, concernant la fusion d'Alstom et de Siemens. Outre les salariés et leurs syndicats, c'est maintenant la Commission européenne qui doute du bien-fondé de l'opération. Elle a présenté une liste de griefs, recensant pas moins de 14 domaines dans lesquels il y aurait des risques de monopole ! Fin décembre, les autorités de la concurrence britannique, néerlandaise, belge et espagnole ont écrit à la commissaire européenne chargée du dossier pour l'alerter d'une « perte globale de concurrence très importante » si la fusion avait lieu. Pour les syndicats, la cause est entendue depuis le départ : cette fusion, ou plutôt cette absorption d'Alstom par Siemens, n'est pas une bonne affaire, car elle n'obéit pas à un projet industriel, mais vise tout simplement à satisfaire les actionnaires. Je rappelle qu'il était prévu « d'acheter » – pardon, de verser aux actionnaires – 1,8 milliard d'euros pour organiser cette fusion.

Ce projet de fusion se justifie de moins en moins. Il symbolise davantage un repli qu'un développement. La mise en place de synergies entre les deux groupes, pour un coût estimé à 380 millions d'euros, est censée rapporter annuellement 470 millions d'euros au terme des quatre ans durant lesquels l'emploi serait prétendument préservé – on a pourtant vu ce qu'il en était chez General Electric –, des économies qui se traduiraient par la suppression de 4000 à 7000 emplois selon les projections syndicales. La position de monopole d'un groupe privé risque de faire monter les prix et de coûter cher aux pays, aux collectivités qui ont besoin de trains, de métros, de tramways, car l'objectif unique est la rentabilité des actionnaires, et c'est avec de l'argent public que nous achetons ces matériels roulants.

Il est désormais urgent de réfléchir à un autre projet, à une coopération entre les États de l'Union européenne qui associerait les industriels du ferroviaire basés en Europe, y compris Bombardier, et des financements publics pour bâtir une stratégie industrielle à long terme, au service des pays, des collectivités, des besoins des habitants, mais aussi pour relever le défi climatique. Au lieu de crier au loup en ayant peur des Chinois et de l'entreprise CRRC, le Gouvernement ferait mieux de se battre pour un European Buy Act qui protégerait notre marché intérieur !

Soyons plus ambitieux : c'est aussi comme cela que nous pourrons bâtir un groupement industriel de taille suffisamment importante pour démarcher des contrats à l'international. Pourquoi ne pas réfléchir dès à présent à une solution alternative à cette fusion néfaste ? C'est notre vœu pour 2019.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le député, votre question s'adresse au ministre de l'économie et des finances. Retenu ce matin, il m'a demandé de vous transmettre ces éléments de réponse.

Vous avez appelé son attention sur l'opération industrielle que constitue la fusion entre Alstom et la division mobilité de Siemens. Cette opération est d'une grande pertinence et peut être un modèle dans la constitution d'un leader industriel européen, capable de faire face à une concurrence intense et de se maintenir à la pointe de l'innovation.

Parce que cette opération est autant cruciale pour Siemens que pour Alstom, qui sont de tailles très comparables, Siemens a souhaité détenir 50 % du capital de la nouvelle société mais a accepté de prendre des engagements très importants, demandés par l'État pour préserver les intérêts français. Ainsi, pendant une durée de quatre années, il n'y aura ni fermeture de site, ni départ contraint ; les compétences et les investissements en recherche et développement en France seront maintenus ; le siège de la nouvelle société sera situé en France et elle sera cotée à la bourse de Paris.

La future entité pourra ainsi constituer un véritable champion industriel européen, disposant d'armes pour lutter face au leader chinois CRRC, qui dispose de capacités de production extrêmement importantes. Nous sommes très attentifs à ce que les mesures qui sont actuellement discutées avec les autorités européennes de la concurrence ne remettent pas en cause le bien-fondé économique de la fusion, mais également à ce qu'elles ne touchent que marginalement les sites et les employés français des deux groupes.

Vous avez soulevé un certain nombre d'interrogations et proposé une forme de solution alternative. Nous sommes convaincus que les discussions menées avec les autorités de la concurrence et les autorités communautaires permettront de les convaincre du bien-fondé de cette fusion et d'écarter de facto la recherche de solutions alternatives. Nous considérons en effet, je l'ai déjà dit, que la fusion proposée est un modèle pertinent pour constituer ce champion européen.

M. le président. La parole est à M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. Je regrette que vous n'ouvriez pas le chantier d'un autre projet que celui qui associe les actionnaires de deux grands groupes dans un objectif de rentabilité à court terme. Vous ne répondez pas aux craintes des salariés concernant les suppressions d'emplois liées aux économies que cette fusion appelle. Vous dites qu'il n'y aura pas de fermeture de sites, mais vous ne vous engagez pas sur les suppressions d'emplois envisagées.

Vous parlez de la menace chinoise : la peur n'évite pas le danger. Il y a des mesures de protection à prendre pour les marchés européen et français. Quid des futurs appels d'offres, pour le Grand Paris notamment ? Quelles garanties avons-nous que les prix n'augmenteront pas ?

Données clés

Auteur : M. Fabien Roussel

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie et finances

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 janvier 2019

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