Concessions d'autoroutes
Question de :
Mme Marine Brenier
Alpes-Maritimes (5e circonscription) - Les Républicains
Mme Marine Brenier interroge Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, sur la responsabilité de l'État vis-à-vis des concessions d'autoroutes. Peu d'informations sont accessibles concernant les négociations menées, notamment sur celles de 2015 auxquelles Mme la ministre avait pris part. C'est la raison pour laquelle elle a déposé le 8 janvier 2019 une proposition de résolution demandant la création d'une commission d'enquête relative à la privatisation de ces concessions autoroutières, soutenue par plusieurs députés de tous bords. Une trop grande omerta existe encore aujourd'hui sur ce sujet pour ne pas s'en saisir. Le coût devient trop important pour les automobilistes. Et ce n'est pas la nouvelle hausse du 1er février 2019 de 1,8 % qui va atténuer leur colère. Ces derniers sont dans l'obligation d'emprunter les autoroutes pour diverses raisons et se retrouvent pénalisés et contraints par ces tarifs prohibitifs. Les efforts récemment annoncés de la part des concessionnaires ne sont qu'un écran de fumée. De plus, les contrats stipulent bien que dès lors que les termes en seront modifiés, une compensation leur sera accordée afin d'en respecter les conditions financières, signe de l'impuissance de l'État face à ces concessionnaires. Elle souhaiterait donc connaître son avis sur les relations entre l'État et les concessions d'autoroutes, ainsi que le plan d'action envisagé en vue des prochaines négociations.
Réponse en séance, et publiée le 20 février 2019
CONCESSIONS D'AUTOROUTES
M. le président. La parole est à Mme Marine Brenier, pour exposer sa question, n° 582, relative aux concessions d'autoroutes.
Mme Marine Brenier. Depuis de nombreuses années, les péages d'autoroutes augmentent et pénalisent les automobilistes. Nice est la seule métropole à avoir un péage périurbain, qui oblige la population souhaitant contourner la ville à payer. De plus, l'annonce de l'utilisation du fichier national des plaques d'immatriculation par les concessionnaires a choqué bon nombre de nos concitoyens.
J'ai été effarée de constater que les négociations, notamment celles de 2015 auxquelles vous avez participé en tant que directrice de cabinet de la ministre compétente, ont été menées en dépit de tout ce que l'État pouvait obtenir de ces concessionnaires.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé le 8 janvier une proposition de résolution demandant la création d'une commission d'enquête relative à ces concessions autoroutières. Elle est soutenue par plusieurs députés, dont certains appartiennent à votre majorité. Une omerta existe encore aujourd'hui sur ces négociations, ces contrats et ces bénéfices, et cela est inacceptable.
Le coût devient trop élevé pour les automobilistes, et ce n'est pas la nouvelle hausse du 1er février de 1,8 % qui va atténuer leur colère. Les concessionnaires ont trop longtemps été favorisés au détriment de l'intérêt général et des automobilistes. Ces derniers sont dans l'obligation d'emprunter les autoroutes pour diverses raisons, et sont pénalisés par leurs tarifs prohibitifs.
Je sais que vous craignez une nouvelle grogne. C'est d'ailleurs pour cela que vous avez obtenu des concessionnaires une réduction de 30 % pour les automobilistes réalisant plus de dix allers-retours par mois. Mais les Français ne sont pas dupes, madame la ministre. Cet effort, que vous présentez comme inédit, tant ils ont été rares ces dernières années, n'empêchera pas le thème de la renationalisation des autoroutes de surgir dans le grand débat national dont vous revendiquez les vertus. Espérons que ce forfait ne soit pas annonciateur des fameux péages urbains évoqués par votre majorité en début de mandat !
D'autant que, nous le savons, ce type d'effort doit donner lieu à une compensation, afin de respecter les conditions financières des contrats de concession. C'est le signe de l'impuissance évidente de l'État face à ces concessionnaires.
Il est donc grand temps d'éclaircir les zones d'ombre qui persistent autour de ce sujet. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, la position du Gouvernement sur ses relations avec les concessionnaires d'autoroutes, et le plan d'action envisagé en vue des prochaines négociations ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports. Je voudrais vous rappeler que la privatisation des sociétés d'autoroutes remonte à 2006, et je pense que vous appartenez à la majorité qui l'a voté. Personnellement, je ne faisais pas partie du Gouvernement en 2006.
Néanmoins, cette privatisation pose effectivement la question de la transparence et de l'équilibre des relations entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Pour ce qui est de la transparence de ces relations contractuelles, il convient de rappeler que la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a imposé la « mise à la disposition du public par voie électronique » des contrats autoroutiers. Par ailleurs, depuis 2016, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières – ARAFER – rend des avis publics sur les projets de nouveaux contrats de concession, mais aussi sur tous les projets d'avenants ayant une incidence sur les tarifs de péage.
La Commission européenne contrôle, quant à elle, les renégociations des contrats ayant pour objet l'allongement de la concession.
Le Parlement, enfin, a vu ses moyens de contrôle et d'évaluation considérablement renforcés, puisque depuis la loi du 6 août 2015 précitée, c'est à lui qu'il revient d'autoriser l'allongement de la durée des contrats de concession.
D'autre part, il convient de souligner qu'à la suite de la crise de 2015, qui avait d'ailleurs donné lieu à la création d'une commission d'enquête parlementaire, s'est opéré un rééquilibrage des relations entre l'État et les sociétés concessionnaires.
Ainsi, un dispositif limitant les sur-profits a été introduit dans les contrats historiques : en cas de sur-performance économique sur la période d'allongement du contrat, les tarifs de péage sont revus à la baisse, ou la durée de la concession est réduite. Tout cela, sous le contrôle du régulateur indépendant qu'est l'ARAFER. L'État peut également récupérer l'avantage financier procuré par des décalages dans l'échéancier réel des investissements liés aux nouvelles opérations sur le réseau.
Par ailleurs, la loi du 6 août 2015 a créé l'ARAFER, qui dispose d'un pouvoir de contrôle et de sanction lui permettant de préserver l'intérêt des usagers dans les négociations entre l'État et les concessionnaires d'autoroute.
Je voudrais enfin rappeler que les remises consenties aux usagers réguliers ayant souscrit un abonnement constituent des mesures commerciales sans contrepartie. Près d'un million d'automobilistes vont ainsi voir les péages baisser de 30 %. Cela représente potentiellement, pour les sociétés d'autoroutes, un effort de plusieurs dizaines de millions d'euros. S'agissant de mesures commerciales décidées par les sociétés d'autoroutes, cet effort ne fera l'objet d'aucune contrepartie, ni des usagers, ni de l'État, ni aujourd'hui, ni demain.
M. le président. La parole est à Mme Marine Brenier.
Mme Marine Brenier. Madame la ministre, en 2006, compte tenu de mon âge, je n'étais pas députée, malheureusement, et n'ai donc pu participer au débat.
En revanche, en 2015, vous étiez directrice de cabinet au moment des renégociations, qui ont abouti à des décisions encore entourées de flou. Vous êtes aujourd'hui ministre. Vous avez l'occasion d'agir. Nous payons aujourd'hui le prix des renégociations de 2015,…
Mme Élisabeth Borne, ministre. Non.
Mme Marine Brenier. …puisqu'il avait été décidé à l'époque de geler pour un an les tarifs des péages. La décision prise alors se répercute aujourd'hui sur les automobilistes. Je vous demande, madame la ministre chargée des transports, de faire preuve de vigilance sur ce dossier.
Auteur : Mme Marine Brenier
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports routiers
Ministère interrogé : Transports
Ministère répondant : Transports
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 12 février 2019