Confiscation du portrait de Marcel par les forces de l'ordre
Question de :
M. François Ruffin
Somme (1re circonscription) - La France insoumise
M. François Ruffin interroge M. le ministre de la culture au sujet de la confiscation par les forces de police du portrait de Marcel, œuvre d'art de 8 m² réalisée par l'artiste-graffeur Swed Oner. Installée sur le rond-point de Dions dans le Gard, occupé par les gilets jaunes depuis le début du mouvement, l'œuvre a été vue par des milliers d'automobilistes. Qu'est devenu le portrait de Marcel ? Lors de l'intervention par les forces de l'ordre le 3 janvier 2019, cette toile gigantesque a été confisquée par la gendarmerie. Il lui demande s'il peut l'assurer qu'elle a bien été préservée et qu'elle sera restituée à l'artiste.
Réponse en séance, et publiée le 6 mars 2019
CONFISCATION D'UNE ŒUVRE D'UN ARTISTE GRAFFEUR
M. le président. La parole est à M. François Ruffin, pour exposer sa question, n° 597, relative à la confiscation d'une œuvre d'un artiste graffeur.
M. François Ruffin. Je tiens d'abord, monsieur Castaner, à vous dire ma surprise : j'avais adressé ma question au ministre de la culture qui devait siéger pour le Gouvernement, et je me retrouve avec, à sa place, le ministre de l'intérieur. Je venais parler d'art et on m'envoie la police ! C'est peut-être un bon symbole de la France d'Emmanuel Macron. On a eu un candidat jeune, ouvert, startupper, et on se retrouve avec la matraque, le Flash-Ball et les gaz lacrymos. Ça me fait penser à cette affiche de mai 1968 : « La police vous parle tous les soirs à 20 heures. »
Bref, passons à ma question, monsieur le ministre de la police et de la communication.
Les Français ne se sentent plus représentés, à commencer par cette assemblée : sur ces bancs, les ouvriers-employés ne représentent que 2,7 % des députés, quand les CSP+, médecins, avocats, directeurs des ressources humaines – DRH –, consultants, enseignants, journalistes, etc., trustent presque tous les sièges. Notre parlement se prétend néanmoins « représentation nationale ». C'est en fait l'« irreprésentation organisée »
Cette « irreprésentation » vaut également pour les médias. Le dernier baromètre-diversité du Conseil supérieur de l'audiovisuel – CSA – en témoigne : « La représentation à l'antenne est très éloignée de la réalité », note-t-il, ajoutant : « Le Conseil observe une quasi-absence des personnes en situation de précarité. » À l'inverse, « 88 % des personnes montrées dans les sujets d'information appartiennent aux CSP+ » : médecins, avocats, DRH, consultants, enseignants, journalistes… comme ici. Il reste donc 12 % à partager entre ouvriers, employés, retraités, chômeurs. La majorité de la France est rendue invisible.
Les gilets jaunes, c'est aussi une réponse à cette « irreprésentation ». On vient revêtir une chasuble fluorescente, visible jusque dans la nuit ; on vient occuper les ronds-points parce que, sinon, on n'existe pas, parce que médias et élus ne nous entendent pas, ne nous voient pas.
Aussi, monsieur le ministre de la police et de la communication, que comptez-vous faire pour qu'ouvriers, employés, retraités, chômeurs, auxiliaires de vie sociale, auto-entrepreneurs, personnes handicapées, mères célibataires… aient la parole à la radio et à la télé, pour qu'on leur laisse mieux que des miettes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le député – je vous appelle ainsi parce que je n'ai pas besoin de caricaturer votre titre : celui de député est un honneur, et il n'y a pas de quoi vouloir en changer –, la fonction de ministre de l'intérieur est importante dans nos institutions, mais on l'occupe, comme je le fais moi-même, de façon très provisoire – un peu comme celle de député, du reste. J'ai moi-même été élu député contre un candidat de la France insoumise qui a réuni 35 % des suffrages exprimés, ce qui me donne une certaine légitimité pour vous parler.
Je pourrais également vous parler de culture. Nous pourrions, si vous le souhaitez, échanger sur Soulages, sur la dernière représentation du Lac des cygnes, dans la version de Noureev, produite en ce moment à l'opéra Bastille… Sachez qu'un ministre de l'intérieur peut s'intéresser aussi à la culture. J'ai, d'ailleurs, dans ma vie professionnelle antérieure, servi le ministère de la culture pendant quelques années.
Le principe des questions orales sans débat, c'est qu'on en précise l'objet pour que le ministre concerné puisse y répondre. Or votre question aurait plutôt dû être adressée au ministre chargé des relations avec le Parlement puisqu'elle concerne la diversité de la représentation nationale et la représentation de la diversité sociale dans les médias.
M. François Ruffin. Non ! Je vous interroge sur l'absence des ouvriers et des employés dans les médias.
M. Christophe Castaner, ministre. Monsieur Ruffin, je vous ai écouté avec attention et j'ai eu quelque mal à comprendre votre question. C'est que, vous avez raison, je ne suis pas ministre de l'intelligence mais, selon vous, celui de la police et de la communication. Du reste, je ne suis peut-être pas le seul à ne pas avoir bien compris.
Vous évoquez les parcours des uns et des autres. De ce point de vue, je suis parfaitement à l'aise : il se trouve que, ayant quitté le lycée en première, à l'âge de 16 ans, j'ai passé mon baccalauréat en candidat libre. J'ai eu la chance de l'obtenir, au rattrapage, puis de faire quelques études. J'ai travaillé comme ouvrier, j'ai travaillé dans le monde agricole, j'ai travaillé comme serveur dans un bar – j'ignore dans quelle catégorie socio-professionnelle vous rangez cette dernière activité. J'ai connu le chômage et j'ai dû « pointer » pendant quelque temps – j'ai connu cette difficulté-là. Et mon parcours de vie, mon engagement professionnel, mon engagement politique m'ont conduit, comme vous et avec la même légitimité que vous – et j'apprécierais que vous l'accordiez à vos collègues également –, à devenir député de la nation. Et j'en suis fier.
J'ai toujours défendu mes idées en fonction de mon parcours et sans avoir besoin de caricaturer mes adversaires politiques, au point d'ailleurs que, lors de certaines élections régionales, j'ai retiré ma liste pour faire gagner celle du parti Les Républicains contre celle du Front national. Nos parcours individuels font nos différences et ces différences font notre richesse. Ainsi, je pense que vous êtes utile, ici, à l'Assemblée, pour défendre les idées de ceux que vous représentez. Souffrez, par conséquent, que d'autres, avec des parcours différents, aient au moins la même légitimité que vous, celle d'avoir été élus, et puissent avoir un discours différent du vôtre.
Voilà ce que j'entendais vous préciser, monsieur le député. Ne cherchez jamais à caricaturer. Si vous voulez me camper en ministre de la police, sachez que, là aussi, je pourrais en être fier. Je peux être fier de l'engagement de ces femmes et de ces hommes qui, au quotidien, de jour comme de nuit, répondent présent à chaque fois qu'on les appelle.
M. le président. La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin. Monsieur le ministre, on n'a jamais vu une réponse plus à côté de la plaque ! J'ai interrogé le ministre de la culture, également chargé de la communication, sur le dernier baromètre de la diversité de la société française, publié par le CSA, car cette étude indique que les ouvriers, les employés, les chômeurs et les retraités n'occupent que 12 % du temps d'antenne global à la télévision. Je demandais au ministre comment il comptait opérer un rééquilibrage afin de permettre que toutes les catégories socio-professionnelles de notre pays…
M. le président. Il faut conclure, monsieur le député.
M. François Ruffin. Attendez, monsieur le président !
M. le président. Je suis désolé, mais le temps qui vous est imparti est écoulé !
M. François Ruffin. Ce n'est pas correct du tout ! Vous le savez très bien ! Ce n'est pas du tout comme cela que ça fonctionne !
M. le président. C'est tout à fait l'application du règlement, monsieur le député !
M. François Ruffin. Non, le règlement a été dévoyé par le ministre de l'intérieur dont la réponse ne me permet pas de rebondir, ce qui est contraire à la pratique de ces questions ouvertes !
M. Christophe Castaner, ministre. Questions orales !
M. François Ruffin. J'espère qu'elles sont aussi ouvertes !
M. Christophe Castaner, ministre. Je vous aidais un peu !
M. François Ruffin. Vous ne m'avez pas du tout répondu. Je ne vous parle ni du Lac des cygnes ni de votre parcours, je vous demande comment faire pour que, dans notre pays, les intérimaires, les auxiliaires de vie sociale, ou les autoentrepreneurs se sentent représentés à la télévision.
M. le président. Merci, monsieur le député !
M. François Ruffin. Comment éviter que seules les classes supérieures aient voix au chapitre et que les autres n'apparaissent que comme d'affreux « jojos avec un gilet jaune », comme le disait le Président de la République, et encore, de temps…
M. le président. Merci, monsieur Ruffin, nous passons à la question suivante.
Auteur : M. François Ruffin
Type de question : Question orale
Rubrique : Arts et spectacles
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 février 2019