Question orale n° 610 :
Révision de la géographie de l'éducation prioritaire

15e Législature

Question de : M. Fabrice Le Vigoureux
Calvados (1re circonscription) - La République en Marche

M. Fabrice Le Vigoureux attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la question de la géographie de l'éducation prioritaire. M. le ministre est engagé depuis plus de 18 mois dans une transformation du système éducatif pour la réussite de tous les enfants et il a pour cela toute sa gratitude et son soutien. Cette ambition est celle des hommes et des femmes qui font vivre l'éducation prioritaire en France. « Donner plus à ceux qui ont moins » reste nécessaire tant les inégalités scolaires cristallisent les inégalités de destin dans le pays, et c'est ce que M. le ministre a entrepris avec le dédoublement bienvenu des classes CP et CE1 dans les écoles REP et REP+1. L'éducation prioritaire ne remplit pas totalement ses objectifs. La Cour des comptes a publié un rapport d'évaluation en octobre 2018 et appelle à un changement de paradigme pour faire en sorte que l'éducation prioritaire soit plus efficace à moyen et long terme. M. le ministre a lui-même récemment déclaré dans un grand quotidien du soir « Nous allons aussi redéfinir la logique de l'éducation prioritaire pour plus d'efficacité et de justice territoriale ». La carte de l'éducation prioritaire est devenue localement une source de confusion, voire de frustration. Ce constat est vérifié dans le Calvados, notamment à Caen. Un collège de sa circonscription qui présente toutes les caractéristiques - notamment socioéconomiques - pouvant relever de l'éducation prioritaire se retrouve exclu des bénéfices pédagogiques et d'encadrement renforcés des établissements labellisés éducations prioritaires. L'allocation des ressources n'est évidemment pas neutre à cette carte. Il ne s'agit évidemment pas de « déshabiller Pierre pour habiller Paul » mais de donner davantage de cohérence entre ces établissements sans créer des effets de seuil et sans sacrifier la nécessaire mixité scolaire. Dès lors, la Cour des comptes appelle le Gouvernement à revoir le processus d'identification des établissements bénéficiaires afin de réduire les effets de seuil constatés dans l'affectation des moyens humains et financiers. Sa question est triple : où en sont les travaux de révision de la géographie de l'éducation prioritaire ? Comment éviter demain les disparités de traitement entre établissements au niveau local ? Enfin, il lui demande s'il aurait des éléments de calendrier à lui communiquer de nature à rassurer les équipes pédagogiques des établissements concernés.

Réponse en séance, et publiée le 6 mars 2019

CLASSEMENT EN ZONES D'ÉDUCATION PRIORITAIRE
M. le président. La parole est à M. Fabrice Le Vigoureux, pour exposer sa question, n°  610, relative au classement en zones d'éducation prioritaire.

M. Fabrice Le Vigoureux. Donner plus à ceux qui ont moins dans les premiers âges de la vie est une action fondamentale tant les inégalités scolaires cristallisent les inégalités de destin. C'est ce que le Gouvernement et M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, ont entrepris, en particulier en dédoublant les classes de CP et de CE1 dans les écoles du réseau d'éducation prioritaire et du réseau d'éducation prioritaire renforcé, REP et REP+.

Cette politique donne des résultats extrêmement encourageants sur le terrain. Elle révèle toute l'importance de renforcer ou de redéployer des moyens humains dans des classes déterminantes pour l'acquisition des savoirs fondamentaux. Du fait de ces bons résultats, la question des critères permettant le rattachement d'une école ou d'un collège à l'éducation prioritaire se pose aujourd'hui avec une acuité toute particulière.

Je me permets pour l'illustrer de prendre un exemple tiré de ma circonscription. À Caen, dans le quartier prioritaire du Chemin vert, trois écoles primaires – l'école Paul Gernez, l'école Michel Pondaven, et l'école Authie Sud – étaient rattachées au collège Albert Jacquard, ce qui leur permettait de bénéficier des moyens fléchés pour l'éducation prioritaire. En 2013, ce collège a fermé, ce qui empêche aujourd'hui ces trois écoles de bénéficier des dispositifs REP et REP+, alors même que la plupart des indicateurs montrent, depuis plusieurs années, une aggravation des difficultés sociales des élèves.

Il faut reconnaître que la direction académique met en place des compensations parfois significatives pour renforcer fortement l'encadrement des élèves de CP, mais ces écoles sont maintenant rattachées à un autre collège, hors REP, le collège Dunois, dont les équipes pédagogiques effectuent un travail particulièrement difficile pour accueillir chaque année en classe de sixième un taux de plus en plus important d'élèves en grande difficulté.

J'ai regardé les principaux indicateurs relatifs à ce collège hors REP, et ceux d'autres collèges de mon territoire situés en REP et REP+. Les données sont largement comparables – ou, en tout cas, c'est tangent – aussi bien en ce qui concerne le taux de pauvreté des familles, leur répartition par CSP, le taux d'élèves boursiers, le pourcentage d'élèves ayant un retard d'un an et plus à l'entrée en sixième…

Aussi ma question est-elle double. Ne faut-il pas infléchir ou supprimer le critère de rattachement à un collège pour qu'une école bénéficie d'un classement en REP ou REP+ ? N'est-il pas nécessaire de revoir certaines règles de classement des écoles et des collèges pour réduire des effets de seuils dans l'affectation des moyens, comme le recommande la Cour des comptes dans son récent rapport sur l'éducation prioritaire ? Dans l'affirmative, auriez-vous des éléments de calendrier à communiquer aux équipes pédagogiques très impliquées sur le terrain ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, je vous remercie pour votre question, d'autant plus qu'elle était conforme au texte qui a été publié, comme le veut l'usage pour les questions orales sans débat. On peut décider de modifier sa question au dernier moment, mais ce n'est conforme ni à l'usage ni au règlement s'agissant de cet exercice.

Mon collègue ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, qui est retenu ce matin, comme vous le savez, par une réunion à l'Élysée, m'a demandé de vous répondre. La politique d'éducation prioritaire est évidemment une politique essentielle pour lutter contre les inégalités scolaires et les inégalités de destin. Elle est construite à partir d'une approche territoriale autour de réseaux écoles-collèges. Les modifications relatives à un collège, comme dans l'exemple que vous avez cité, posent donc des difficultés particulières.

En 2015, une réforme généralisée de la très ancienne carte de l'éducation prioritaire a été opérée par le précédent gouvernement. Cette carte se fonde aujourd'hui sur un choix d'indicateurs définis au niveau national, qui prennent en compte la part d'élèves dont les parents appartiennent à des catégories socioprofessionnelles défavorisées, et la part d'élèves boursiers. Elle s'est également fondée sur une collaboration étroite avec les académies afin de garantir la prise en compte des réalités locales. Cela correspond à la question que vous posez, monsieur le député, car nous cherchons à faire du sur-mesure plutôt que régler les choses par des décisions prises au niveau national. Pour accompagner les enfants, le sur-mesure est toujours la meilleure réponse.

La cartographie sera revue pour 2020. Dans ce cadre, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a confié une mission à Mme Ariane Azéma et M. Pierre Mathiot, afin que soit menée une réflexion sur la politique territoriale de l'éducation nationale. Cette mission se conclura par un rapport remis au mois de juin 2019.

Le ministre souhaite pouvoir échanger avec les parlementaires – en particulier avec vous, monsieur Le Vigoureux –, parce qu'il faut que nous puissions apporter une réponse par une adaptation plus fine de notre système éducatif à la spécificité des territoires pour dépasser les effets de seuil et de cliquet. Nous devons être capables d'agilité, et nous devons faire preuve d'intelligence territoriale pour donner des réponses qui prennent en compte des besoins différenciés.

Les inspecteurs d'académie et les inspecteurs de l'éducation nationale peuvent évidemment y contribuer, mais il est nécessaire d'aller un peu plus loin et de disposer d'un système qui prenne les besoins locaux en considération. Pour répondre à votre question, sachez que le ministère et le ministre y sont totalement près.

Données clés

Auteur : M. Fabrice Le Vigoureux

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation nationale et jeunesse

Ministère répondant : Éducation nationale et jeunesse

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 février 2019

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