Enjeu sanitaire du bruit et lutte contre les nuisances sonores
Question de :
Mme Laurianne Rossi
Hauts-de-Seine (11e circonscription) - La République en Marche
Mme Laurianne Rossi appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'impact sanitaire et social du bruit et la réglementation dont il fait l'objet. Le bruit est l'une des premières préoccupations des citoyens : 82 % des Français indiquent être gênés quotidiennement par les nuisances sonores (sondage IFOP - ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie - 2014). Le bruit, qu'il soit lié aux transports, aux logements, aux chantiers, au voisinage ou à l'évènementiel, est devenu un véritable enjeu de santé publique. Le rapport de Bruitparif, publié le 9 février 2019, relatif aux impacts sanitaires du bruit des transports dans la zone dense en région Île-de-France, estime que 90 % des habitants de la métropole souffrent du bruit. Il conclut que plus de 9 millions de personnes sont exposées à des niveaux de bruit supérieurs aux valeurs recommandées par l'Organisation mondiale de la santé, notamment du fait des nuisances liées au transport terrestre et aérien. En termes d'impacts sanitaires, l'étude souligne que les Franciliens de la zone dense perdent en moyenne 10,7 mois de vie en bonne santé du fait de leur exposition aux nuisances sonores générées par les transports. Le bruit est désormais le second facteur environnemental de morbidité en milieu urbain après la pollution atmosphérique. Ce constat doit alerter. L'ADEME et le Conseil national du bruit estimaient en 2016 le coût social de ces nuisances sonores à 57 milliards d'euros par an, soit plus de 2 % du produit intérieur brut français. En Île-de-France, Bruitparif estime ce coût à 16,2 milliards d'euros annuels. Dans le département des Hauts-de-Seine, notamment les communes de Bagneux, Malakoff et Montrouge, situées au cœur de la zone dense francilienne, n'échappent pas à ce constat. Les différents travaux liés au Grand Paris Express, aux chantiers urbains, ainsi que la circulation, le stationnement et le retour au technicentre des TGV, tout comme le bruit généré par les deux roues, sont autant de sources de nuisances sonores diurnes et nocturnes, devenues parfois invivables. Celles-ci sont au cœur des préoccupations quotidiennes des citoyens, dont ceux de sa circonscription, comme en attestent leurs nombreuses sollicitations sur le sujet et la forte mobilisation locale en la matière. Afin de remédier à cet enjeu de santé publique, le législateur, les élus et les pouvoirs publics se sont saisis de cette problématique en encadrant les pratiques générant des nuisances sonores, à l'image de la création des plans d'exposition au bruit, des plans de prévention du bruit dans l'environnement ainsi que des différentes réglementations visant à prévenir les nuisances de voisinage et celles liées à l'activité professionnelle. Cependant, la prise en compte du bruit dans la réglementation s'avère encore insuffisante. Le Conseil national du bruit (CNB), commission consultative placée auprès du ministre chargé de l'environnement, dont elle est membre, a pointé à plusieurs reprises l'insuffisance de la réglementation actuelle. Ainsi, à titre d'exemple, dans son avis du 11 décembre 2018 relatif à l'attestation de prise en compte de la réglementation acoustique des logements, le CNB conclut que malgré l'amélioration de la prise en compte de l'acoustique avant la fin des chantiers, ce dispositif fait encore aujourd'hui l'objet d'une application imparfaite. Un autre exemple est donné avec la réglementation en vigueur en matière de nuisances sonores liées au transport, dont les indicateurs de mesure se fondent, non pas sur les pics, mais sur les moyennes des niveaux sonores observés. Face aux écueils de cette réglementation, Mme la ministre des transports s'est d'ores et déjà engagée devant la représentation nationale à compléter ce mode d'évaluation par une prise en compte des pics sonores enregistrés pour mieux caractériser les nuisances. Par conséquent, elle lui demande quelles mesures seront prochainement prises afin de mieux évaluer l'exposition au bruit et lutter plus activement contre ces nuisances qui polluent le quotidien des Français et mettent en péril leur santé.
Réponse en séance, et publiée le 6 mars 2019
LUTTE CONTRE LES NUISANCES SONORES
M. le président. La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour exposer sa question, n° 611, relative à la lutte contre les nuisances sonores.
Mme Laurianne Rossi. Il est une nuisance majeure qui empoisonne les jours et les nuits d'un grand nombre de nos concitoyens, une nuisance dont on entend trop peu parler, dans cet hémicycle comme dans les médias. Je veux parler du bruit.
Ils sont 82 % de Français à se déclarer gênés quotidiennement par les nuisances sonores. Celles-ci sont devenues l'une des premières préoccupations de nos concitoyens, notamment de ceux de ma circonscription, qui m'alertent régulièrement sur ce sujet. Et pour cause : le bruit constitue un véritable enjeu de santé publique !
Le 9 février dernier, Bruitparif publiait son rapport, aussi alarmant qu'accablant, sur les impacts du bruit des transports sur la santé dans la zone dense de la région Ile-de-France. Ce rapport estime que pas moins de 90 % des habitants de la métropole souffrent du bruit, et que plus de 9 millions de personnes sont exposées à des niveaux de bruit supérieurs aux valeurs recommandées par l'Organisation mondiale de la santé.
Nous ne pouvons plus rester indifférents à cette pollution sonore, qui fait perdre en moyenne près de onze mois de vie en bonne santé aux Franciliens de la zone dense, du seul fait de leur exposition aux nuisances sonores liées aux transports, terrestres comme aériens.
Le bruit est un facteur de dégradation de la santé ; il est devenu le second facteur environnemental de morbidité en milieu urbain, après la pollution atmosphérique. Et que dire du coût social de ces nuisances sonores ? L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ADEME – et le Conseil national du bruit l'estimaient, en 2016, à 57 milliards d'euros par an !
Le département des Hauts-de-Seine, notamment les communes de Bagneux, Malakoff et Montrouge, situées dans ma circonscription, au cœur de la zone dense francilienne, n'échappent malheureusement pas à ce triste constat. Les travaux liés au Grand Paris Express, les nombreux chantiers urbains, la circulation et la congestion routières, les nuisances engendrées par les deux-roues, le ralentissement de nombreux TGV en plein centre-ville, ou encore le passage aérien du métro sont autant de nuisances sonores devenues invivables, de jour comme de nuit, pour de trop nombreux citoyens de ma circonscription, comme pour beaucoup d'autres Français.
Si la puissance publique s'est saisie du sujet, en encadrant l'exposition aux nuisances sonores par les plans d'exposition au bruit, la prise en compte de ce fléau est insuffisante au regard de l'enjeu sanitaire qu'il représente.
Ma question, à laquelle je souhaite associer ma collègue du Val d'Oise, Zivka Park, est la suivante : face à ce constat alarmant, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre, notamment dans le cadre de l'examen prochain du projet de loi d'orientation des mobilités, pour mieux évaluer l'exposition au bruit et lutter plus activement contre ces nuisances qui polluent le quotidien de tant de Français ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports. Vous avez interrogé M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, il m'a chargée de vous répondre.
Les nuisances occasionnées par le bruit sont trop élevées pour beaucoup de nos concitoyens. Je tiens à vous assurer que le Gouvernement, ayant pleinement conscience des situations difficiles qu'elles engendrent, s'emploie à les réduire, en s'appuyant sur les mesures de lutte intégrées à la réglementation, aussi bien européenne que française.
Ainsi, la directive européenne de 2002 relative à l'évaluation et à la gestion du bruit dans l'environnement demande aux États membres de réaliser tous les cinq ans des cartes de bruit pour les grandes infrastructures de transport et pour les grandes agglomérations. Cette étape de diagnostic doit être suivie de l'adoption d'un plan de prévention du bruit dans l'environnement, afin de prévenir ou de réduire les effets du bruit, ainsi que de protéger les zones calmes.
Nous sommes malheureusement en retard dans l'application de cette directive. C'est pourquoi nous avons pleinement mobilisé les services de l'État, afin qu'ils réalisent au plus vite les plans de prévention du bruit dans l'environnement qui sont de leur ressort. Par ailleurs, pour les collectivités qui n'auraient pas réalisé ce diagnostic, le Gouvernement a décidé de mettre en œuvre la procédure de substitution par les préfets, comme prévu par le code de l'environnement.
En outre, afin de résorber les points noirs de bruit, qui sont des bâtiments installés antérieurement à une infrastructure de transport terrestre dont le niveau de bruit en façade est trop élevé, le financement des travaux nécessaires a été budgété à hauteur de 2,5 millions d'euros. Ce financement du ministère de la transition écologique et solidaire prend le relais du fonds de concours « bruit » de l'ADEME, entièrement dépensé en 2018.
La création de l'attestation acoustique prouve que la réglementation acoustique a été prise en compte pour les bâtiments d'habitation. Le Conseil national du bruit, dans son avis du 11 décembre 2018, a formulé plusieurs recommandations pour une meilleure application de cette réglementation. Celles-ci doivent maintenant être analysées, avec le concours du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Le bruit est pleinement intégré à la politique pour la santé et l'environnement du ministère de la transition écologique et solidaire. Il fera bien évidemment partie des thématiques incluses dans les travaux du futur plan national « Mon environnement, ma santé ».
Enfin, à propos des pics de bruit générés par le passage de trains à grande vitesse, une vaste campagne de mesures acoustiques sur les lignes à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire et Sud-Europe-Atlantique a été réalisée. En outre, j'ai donné pour mission au Conseil général de l'environnement et du développement durable d'apporter des réponses concrètes aux situations difficiles rencontrées par certains riverains de ces deux lignes et de proposer, le cas échéant, des évolutions de la réglementation en matière de nuisances sonores. Le rapport sera disponible dans les prochaines semaines. Nous l'examinerons avec toute l'attention nécessaire et déterminerons quelles propositions, y compris réglementaires, seront retenues, en ayant pour objectif le confort acoustique des riverains.
M. le président. La parole est à Mme Laurianne Rossi.
Mme Laurianne Rossi. Je vous remercie, madame la ministre, pour ces précisions. Vous pouvez évidemment compter, dans la lutte contre le fléau majeur qu'est le bruit, sur le soutien des parlementaires, ainsi que sur le Conseil national du bruit, qui formule régulièrement des avis. Cette commission consultative, dont je suis membre, est placée sous l'autorité du ministre d'État.
Vous pourrez également compter sur les parlementaires, dans le cadre du projet de loi d'orientation des mobilités, pour promouvoir une meilleure prise en compte du bruit, notamment par l'intégration des pics de bruit et du cumul de bruits, alors que les nuisances sonores ne sont aujourd'hui caractérisées que par des moyennes de niveau sonore. La mesure des pics permettra de mieux caractériser la gêne et les effets sanitaires associés à la nuisance.
Auteur : Mme Laurianne Rossi
Type de question : Question orale
Rubrique : Nuisances
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 février 2019