Question orale n° 66 :
La vérité sur le Fort de Vaujours

15e Législature

Question de : Mme Mathilde Panot
Val-de-Marne (10e circonscription) - La France insoumise

Mme Mathilde Panot attire l'attention de Mme la ministre des armées concernant la situation du Fort de Vaujours. Situé à une quinzaine de kilomètres de Paris et occupé par le Commissariat à l'énergie atomique entre 1955 et 1997, le Fort de Vaujours a été le théâtre de multiples expériences en détonique nucléaire, dont des tirs à l'uranium, à l'air libre et dans des casemates. Ces essais sont aujourd'hui toujours classés « secret défense ». En 2010, l'État a vendu 30 hectares du Fort de Vaujours à la société Saint-Gobain par l'intermédiaire de sa filiale BP Placo qui a pour projet d'exploiter les sols afin d'en extraire la réserve de gypse nécessaire à sa production industrielle. La transformation en carrière de gypse à ciel ouvert implique la destruction du fort central, de tous les bâtiments et le déplacement d'un très important volume de terres. Pourtant, aucune véritable dépollution du site n'a été mise en œuvre et la nécessaire transparence sur les activités passées n'a pas été faite. Preuve en est, s'il le faut, la découverte fortuite d'objets contaminés à l'uranium à l'été 2017. Par ailleurs les habitant-e-s de Courtry, à proximité du Fort, restent en proie aux questionnements quant à la proportion de décès par tumeurs totalement disproportionnée selon des chiffres de l'Agence régionale de santé : 52 % pour les hommes contre 35 % en moyenne en Île-de-France et 49 % pour les femmes contre 28 %. Mme la députée, en se joignant à de nombreux citoyens, au collectif réunissant associations et élus locaux de toutes tendances, souhaite l'arrêt immédiat des travaux de démolition par l'industriel PLACOPLATRE et demande officiellement la levée du « Secret défense » concernant les essais qui s'y sont tenus. Ceci afin de créer les conditions de la vérité, de la transparence et de respecter le principe de précaution, préalables indispensables à tout projet sur ce site. Depuis 2005, la France a inscrit dans le code de l'environnement (« article L. 110-1, II, 3° ») le principe de pollueur-payeur selon lequel « les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ». Comment la République Française qui a constitutionnalisé en 2004 le droit de chacun à «  vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » a-t-elle pu vendre un site pollué et contaminé à un acteur lucratif dont l'intérêt commercial est d'exploiter au plus vite le gypse présent sous terre et dont le métier n'est absolument pas la dépollution d'un site présentant de tels enjeux de santé publique ? Pourquoi se retrouve-t-on aujourd'hui empêtré dans une situation où ce sont les associations, les élus et les citoyens qui doivent se mobiliser afin de dénoncer cette situation et d'obtenir des réponses sur les expériences réalisées ? Elle l'interroge donc pour savoir si son Gouvernement va enfin assumer ses responsabilités étatiques et se mettre en conformité avec notre législation. Elle lui demande si elle va permettre l'obtention de la vérité, l'arrêt des travaux de Saint-Gobain et le paiement par l'État de l'assainissement réel du site ? Elle n'est pas responsable du passé, mais elle a le pouvoir d'assurer aux citoyens un environnement sain et des conditions de vie dignes.

Réponse en séance, et publiée le 24 janvier 2018

POLLUTION DU FORT DE VAUJOURS
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour exposer sa question, n°  66, relative à la pollution du Fort de Vaujours.

Mme Mathilde Panot. Ma question s'adressait initialement à M. le Premier ministre.

Occupé par le Commissariat à l’énergie atomique – CEA – entre 1955 et 1997, le fort de Vaujours a été le théâtre de multiples expériences, dont des tirs à l'uranium à l'air libre et dans des casemates. Ces essais sont aujourd'hui classés « secret défense ».

En 2010, l'État a vendu 30 hectares du fort de Vaujours à la société Saint-Gobain, par l'intermédiaire de sa filiale BP Placo, pour exploiter les sols et en extraire la réserve de gypse, essentielle à sa production industrielle. La transformation en carrière de gypse implique la destruction des bâtiments et le déplacement de plusieurs dizaines d'hectares de terres. Pourtant, ni une véritable dépollution du site ni la transparence que sa gestion implique ne sont assurées. Preuve, s'il en faut : des déchets radioactifs y ont été découverts cet été.

Par ailleurs les habitants de Courtry, à proximité du fort, restent en proie aux questionnements quant à une proportion énorme de décès par tumeurs cancéreuses : 52 % pour les hommes, contre 35 % en moyenne en Île-de-France, et 49 % pour les femmes contre 28 %.

Je me joins aujourd'hui à de nombreux citoyens, au collectif « Sauvons la Dhuis » ainsi qu'à plusieurs élus locaux qui demandent l'arrêt immédiat de l'exploitation des sols par la société Placoplatre et demandent officiellement la levée du secret défense concernant les essais qui s'y sont tenus.

Depuis 2005, la France a inscrit dans le code de l'environnement le principe du pollueur-payeur selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur. Comment la République française, qui a constitutionnalisé en 2004 le droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, a-t-elle pu vendre à un acteur lucratif un site pollué dont l'intérêt commercial est d'exploiter au plus vite le gypse présent sous terre et dont le métier n'est pas d'assainir le site de la radioactivité diffuse ? Pourquoi se retrouve-t-on aujourd'hui dans une situation où ce sont les associations, les élus et les citoyens qui doivent se mobiliser pour obtenir une dépollution et des réponses sur les expériences réalisées ?

Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées, saurez-vous être à la hauteur de la situation et assumerez-vous la responsabilité de l'État ? Vous engagez-vous à faire toute la lumière sur ces essais, à arrêter les travaux de Saint-Gobain et à payer l'assainissement réel du site ? Vous n'êtes pas responsable des actions passées mais vous avez le pouvoir de réunir les conditions de la vérité et d'assurer à nos concitoyens un environnement sain et des conditions de vie dignes.

M. Alexis Corbière. Très bien.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Madame la députée, dès la fin de son utilisation, l'État a mené des actions précises avec les autorités locales et indépendantes pour garantir l'assainissement du fort de Vaujours, exploité par le CEA de 1955 à 1997. Elles ont été faites dans le cadre des principes de transparence et de précaution. Ainsi une commission interdépartementale de suivi a-t-elle été créée en janvier 2001, présidée par les préfets de la Seine-Saint-Denis et de la Seine-et-Marne, afin d'évaluer le déroulement des opérations, d'examiner les données et, le cas échéant, de préconiser des mesures complémentaires.

Toutes les mesures réalisées ont ainsi démontré l'absence de risque de toxicité chimique, radiologique ou pyrotechnique. L'assainissement du site a été réalisé pour les sols et les structures selon les objectifs fixés par la direction générale de la santé. Par principe de précaution, des servitudes d'utilité publiques ont été mises en place en septembre 2005 par les autorités préfectorales pour prévenir tout risque résiduel pyrotechnique et radiologique en cas de travaux de terrassement. La découverte de certains objets en 2017 a été traitée dans ce cadre. Je précise que ces matériaux présentaient un niveau de pollution extrêmement bas.

J'indique également que l'agence régionale de santé – ARS – d'Île-de-France a mené en 2012 une étude dont les conclusions sur les taux de cancers au voisinage du site ont été, selon l'agence elle-même, dévoyées. Cela a conduit l'ARS à déclarer que les chiffres qui ont circulé dans les médias et internet « sont sortis de leur contexte, et font l'objet d'une interprétation erronée » et qu'ils « ne tiennent pas compte de la structure d'âge des populations comparées ». À l’instar des organismes internationaux, l'ARS rappelle que le cancer de la thyroïde, en particulier, ne peut pas se développer lors d'une exposition à l'uranium.

Enfin, les travaux actuellement menés par la société Saint-Gobain Placoplatre sont conduits en relation stricte avec l'Autorité de sûreté nucléaire – ASN – et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire afin de garantir la sécurité radiologique des travailleurs et l'absence d'impact environnemental et sanitaire pour les populations. La découverte des objets en 2017 a d'ailleurs conduit à un arrêt de ces travaux en attendant les conclusions de l'ASN sur ce sujet.

Enfin, la déclassification des archives n'apporterait aucun éclairage supplémentaire sur le sujet mais présenterait en revanche des risques quant à la divulgation d'informations potentiellement néfastes au titre de la prolifération nucléaire, sujet par ailleurs d'actualité comme vous le savez.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Je vous remercie pour votre réponse, madame la secrétaire d'État, mais elle n'est pas satisfaisante, pour plusieurs raisons. D'abord, la commission de suivi de site n'a invité ni la CRIIRAD – Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité – ni le collectif « Sauvons la Dhuis », composé de citoyens et d'élus, à participer à ses travaux. Ensuite, la CRIIRAD a montré en 2011 que le taux de radioactivité se montait à certains endroits du site à trente-trois fois le seuil tolérable, ce qui pose un véritable problème. Enfin, les préfets de Seine-Saint-Denis et de Seine-et-Marne ont indiqué que Placoplatre n'avait pas respecté une demande formulée par l'État le 4 octobre 2016, à laquelle ils avaient six mois pour répondre. Donc, il y a tout de même un problème de respect du droit et de transparence sur ce qui s'est réellement passé et sur les mesures qu'il faudrait prendre pour obtenir la vérité.

Données clés

Auteur : Mme Mathilde Panot

Type de question : Question orale

Rubrique : Environnement

Ministère interrogé : Armées

Ministère répondant : Armées

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 janvier 2018

partager