Question orale n° 668 :
Indemnisation chômage des travailleurs frontaliers

15e Législature

Question de : Mme Marion Lenne
Haute-Savoie (5e circonscription) - La République en Marche

Mme Marion Lenne interroge Mme la ministre du travail sur l'indemnisation chômage des travailleurs frontaliers. Le principe de liberté de circulation permet actuellement à 173 000 frontaliers français de travailler en Suisse. À présent, l'indemnisation chômage du travailleur frontalier repose sur le pays de résidence, le pays d'emploi (Suisse) rétrocédant une partie des cotisations chômage au pays de résidence (France). La spécificité de la situation du frontalier se poursuit avec la possibilité de cumuler emploi et chômage. En effet, un travailleur frontalier, indemnisé au titre du chômage en France, peut occuper une activité réduite en Suisse et continuer à percevoir une partie de son indemnité chômage. Au niveau européen, pour répondre à ces situations, parfois complexes et souvent en défaveur des pays de résidence, la Commission européenne a proposé en décembre 2016 une évolution de la législation sur les travailleurs frontaliers. Pour une mise en œuvre concrète du socle européen des droits sociaux, les ministres européens du travail ont approuvé le projet d'une indemnisation chômage par le pays d'emploi (juin 2018). De son côté, le Parlement européen a voté en décembre 2018 pour laisser au travailleur frontalier la possibilité de choisir son pays d'affiliation. S'agissant de la Suisse, État tiers à l'Union européenne, l'enjeu sera de faire évoluer aussi la législation en vigueur. Alors que les travailleurs français frontaliers représentent autant de personnes susceptibles de se retrouver au chômage, que cette proportion augmente chaque année et que les frontaliers au chômage représentent un coût unique pour l'Unédic (avec des salaires 1,9 fois supérieurs à la France), elle l'interroge, d'une part, sur les moyens envisagés pour que l'Unédic recouvre les cotisations suisses non perçues entre 2010 et 2012 et d'autre part, dans un contexte de restriction de l'accès au marché de l'emploi (« préférence light »), elle lui demande si la spécificité de la situation du frontalier sera abordée dans le cadre de la future réforme de l'assurance chômage.

Réponse en séance, et publiée le 3 avril 2019

INDEMNISATION CHÔMAGE DES TRAVAILLEURS FRONTALIERS
M. le président. La parole est à Mme Marion Lenne, pour exposer sa question, n°  668, relative à l'indemnisation chômage des travailleurs frontaliers.

Mme Marion Lenne. Madame la ministre du travail, permettez-moi de vous interroger sur l'indemnisation chômage des travailleurs frontaliers, plus particulièrement ceux qui travaillent en Suisse.

L'accord sur la libre circulation des personnes conclu entre l'Union européenne et la Suisse a permis aux frontaliers français de travailler plus facilement en Suisse – ils sont actuellement 173 000 dans ce cas –, au sein de bassins de vie communs tels que l'eurodistrict de Bâle, l'espace Mont-Blanc, la métropole du Grand Genève ou l'agglomération lausannoise.

En cas de perte d'emploi, leur indemnisation chômage repose sur la France, une partie des cotisations étant rétrocédée par la Suisse. Pour mettre fin à ce système d'indemnisation, dont la mise en œuvre est parfois complexe et qui se révèle souvent défavorable au pays de résidence, la Commission européenne a proposé, en décembre 2016, une évolution de la législation sur les travailleurs frontaliers, de manière à faire reposer l'indemnisation chômage sur le pays d'emploi.

Le cas de la Suisse, notre si prospère et inspirante voisine, reste à ce jour en suspens. État tiers par rapport à l'Union européenne, elle est exclue du champ de la réforme, mais pourrait y être intégrée en fonction du résultat des négociations en cours à Bruxelles sur l'accord-cadre institutionnel entre l'Union européenne et la Suisse.

Sachant que le nombre de frontaliers français travaillant en Suisse augmente chaque année, je souhaite vous interroger sur deux points, madame la ministre. D'une part, quel est l'état d'avancement des négociations avec la Suisse à propos de l'indemnisation chômage ? D'autre part, la situation singulière des frontaliers sera-t-elle abordée dans le cadre de la future réforme de l'assurance chômage ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Comme vous l'avez indiqué, madame Lenne, en application de la réglementation européenne, la charge de l'indemnisation des travailleurs frontaliers résidant en France et travaillant en Suisse revient à l'État de résidence. Telle est la règle générale en Europe. Autrement dit, le régime d'assurance chômage français supporte la charge de l'indemnisation des travailleurs frontaliers privés d'emploi au titre de périodes d'emploi qui ont donné lieu à des contributions perçues en Suisse.

Les modalités de remboursement partiel de ces prestations sont définies par le règlement européen no 883/2004, qui coordonne les régimes de sécurité sociale et d'assurance chômage au sein de l'Union européenne. La Suisse ne fait pas partie de l'Union européenne, mais a adhéré à ce règlement en avril 2012 – sur les sujets de cette nature, il est de coutume que les accords conclus au niveau européen soient suivi d'un accord similaire avec la Suisse. Ce règlement prévoit que la Suisse rembourse à la France trois ou cinq mois d'indemnisation des allocataires en fonction de leur durée d'affiliation antérieure. Notons que le travailleur frontalier bénéficie des mêmes droits que tout autre demandeur d'emploi. Il peut ainsi reprendre une activité réduite en conservant le versement partiel de ses allocations.

Comme vous l'avez souligné, le nombre de frontaliers français travaillent en Suisse s'est fortement accru au cours des vingt dernières années. L'indemnisation chômage de ces frontaliers pèse donc très lourdement sur le régime d'assurance chômage français. En 2016, la France a versé 620 millions d'euros de prestations chômage à des travailleurs frontaliers qui résidaient en France et avaient précédemment travaillé en Suisse. La Suisse ayant remboursé 144 millions à la France, le surcoût s'est élevé à 476 millions.

La France et une majorité d'autres États s'efforcent de faire évoluer le règlement européen, première étape indispensable afin de corriger la situation. Nous connaissons avec le Luxembourg, ainsi qu'avec d'autres pays européens, cette difficulté que certains États rencontrent, de manière inverse, avec d'autres États membres, dont la France, quand la main-d'œuvre n'est plus exportée mais importée.

Ce dossier est à l'ordre du jour européen. Dès qu'il sera clos, nous pourrons traiter avec la Suisse. Nous avons déjà parlé à nos homologues et j'ai rendez-vous avec eux pour le lendemain du jour où le règlement européen aura été modifié. C'est un des sujets de l'Europe sociale que nous voulons construire.

M. le président. La parole est à Mme Marion Lenne.

Mme Marion Lenne. Merci, madame la ministre pour ces précisions. Depuis 2014, la France perçoit les cotisations versées par les travailleurs frontaliers qui ont choisi d'être affiliés à la couverture maladie universelle. Pour aller dans le sens de l'harmonisation sociale, il semble plus juste, cohérent et légitime de demander à nos amis suisses la rétrocession des cotisations dues à l'UNEDIC.

Vous l'avez rappelé, la Suisse est de loin le pays qui coûte le plus à l'assurance chômage française. Puisque, entre 2010 et 2012, l'UNEDIC n'a pas reçu les cotisations qui lui étaient dues par la Suisse, il est important de prévoir un mécanisme permettant de récupérer cette somme.

Données clés

Auteur : Mme Marion Lenne

Type de question : Question orale

Rubrique : Chômage

Ministère interrogé : Travail

Ministère répondant : Travail

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mars 2019

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