Question orale n° 679 :
Manque de moyens pour les soins aux personnes tétraplégiques en ruralité

15e Législature

Question de : Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas
Tarn (2e circonscription) - La République en Marche

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le manque de moyens humain, matériel et financier du personnel infirmier afin d'apporter des soins aux personnes handicapées atteintes de tétraplégie, en zone rurale. En effet, au sein d'une commune de la 2e circonscription du Tarn, une personne paralysée des quatre membres ne reçoit pas les soins nécessaires dont elle a besoin au quotidien afin de vivre avec son handicap. La personne tétraplégique doit recevoir trois soins par jours. Elle doit avoir des soins de toilette et des soins particuliers pour vider sa vessie et ses intestins avec le processus de la percussion et du toucher-rectal. Cette situation demande, de cette façon, l'intervention de plusieurs infirmiers par roulement de trois personnes a minima durant une journée. Les agendas des infirmiers sont plus que remplis et de ce fait, dans ce cas précis, la personne handicapée a accepté de cumuler les trois soins quotidiens en un seul soin afin d'être sûre d'avoir les soins assurés. Cette situation est-elle normale ? Par ailleurs, quand un des trois infirmiers est absent, il est de la responsabilité du cabinet des infirmiers de trouver un remplaçant dans un autre cabinet. En théorie, car en pratique cela ne se fait pas, et toujours dans ce même cas, c'est l'épouse de la personne handicapée qui fait les soins. Cette situation est-elle normale ? Pendant les périodes de congés ou d'absence des infirmiers habituels, les aides-soignantes pourraient pallier certains soins et remplacer les infirmiers. Les cabinets d'infirmiers des communes voisines pourraient également effectuer les soins, mais leurs frais de déplacement ne sont pas pris en charge et leur emploi du temps est trop contraint. Avec une rémunération de 56 euros pour deux heures de soins pour une personne lourdement handicapée, les infirmiers expriment le fait que leur salaire est trop faible pour le travail demandé. Mme la députée attire l'attention de Mme la ministre sur le fait qu'après avoir recueilli le témoignage de la personne handicapée et de son épouse, elle a entendu leurs dires, confirmés ensuite par certains infirmiers eux-mêmes. Cette situation est-elle normale ? La situation est en cours d'examen avec l'aide et la compétence de l'Agence régionale de santé (ARS) afin qu'une solution soit trouvée pour cette personne tétraplégique. Ainsi, elle lui demande des précisions sur les politiques publiques qui peuvent être mises en œuvre afin que les personnes tétraplégiques en zone rurale soient en capacité de recevoir des soins qui répondent à leur niveau d'handicap très élevé.

Réponse en séance, et publiée le 3 avril 2019

SOINS AUX PERSONNES TÉTRAPLÉGIQUES DANS LES ZONES RURALES
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, pour exposer sa question, n°  679, relative aux soins aux personnes tétraplégiques dans les zones rurales.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Il y a quelques mois, dans ma circonscription du Tarn, je me suis rendue au domicile d'un citoyen tétraplégique depuis plusieurs dizaines d'années. Sa détresse et celle de son épouse m'ont incitée à engager plusieurs actions, dont mon intervention de ce matin.

Cette personne doit recevoir trois soins par jour, des soins de toilette et des soins particuliers pour vider sa vessie et ses intestins, qui durent entre quarante-cinq minutes et deux heures. De tels soins ne peuvent être effectués que par des infirmiers, les aides-soignants ne pouvant pas les pratiquer.

Cette personne m'a contactée parce que l'un des trois infirmiers intervenant auprès de lui a décidé d'arrêter les soins, obligeant son épouse à pallier cette défection. Le cabinet que j'ai appelé m'a clairement répondu que la rémunération pour ces actes était insuffisante au regard du temps passé et de la lourdeur des soins. Dans les communes voisines, la réponse a été la même : les frais de déplacement n'étant pas pris en charge et leurs agendas étant très remplis, les infirmiers refusaient d'intervenir. Ils indiquaient, par ailleurs, ne pas pouvoir consacrer plus d'un quart d'heure à une toilette. Moi qui suis valide, faire ma toilette me prend déjà plus de temps !

Sans accuser personne, je veux dénoncer cette situation inacceptable, qui ne peut perdurer. J'ai appelé l'ARS, qui m'a entendue ; j'en remercie le directeur, qui a réagi avec beaucoup d'efficacité et qui recherche actuellement des solutions pour cette personne.

Une telle situation met en évidence un grave problème de coordination des cabinets d'infirmiers libéraux.

Le Gouvernement, je n'en doute pas, connaît ces situations et a pris la mesure de l'urgence. J'attends aujourd'hui des réponses à ces personnes en situation de handicap très lourd, mais aussi à nos personnes âgées qui, en vieillissant, ont besoin de soins de plus en plus importants.

La situation ne peut pas perdurer : tous les citoyens n'appellent pas leur député pour demander son intervention.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Votre préoccupation au sujet de la continuité des soins à domicile de cette personne est légitime et partagée par le Gouvernement. Vous l'avez indiqué, les services de l'agence régionale de santé d'Occitanie travaillent en ce moment à élaborer des solutions pour maintenir une prise en charge de cette personne à son domicile grâce à une mobilisation des acteurs du terrain.

L'amélioration de l'accès aux soins des personnes en situation de handicap est un objectif inscrit dans la stratégie nationale de santé 2018-2022 ; il est décliné au sein des nouveaux programmes régionaux de santé.

C'est également une priorité de la feuille de route du Gouvernement adoptée le 20 septembre 2017 et réaffirmée lors du comité interministériel du handicap – CIH – du 25 octobre 2018. Notre ambition est de réduire les inégalités sociales et territoriales de santé. Je vous renvoie au récent rapport de Philippe Denormandie et Marianne Cornu-Pauchet.

Même s'il reste encore beaucoup à faire pour rendre effectif un accès aux soins de qualité pour nos concitoyens en situation de handicap, des progrès importants ont été réalisés grâce aux engagements pris lors des CIH. J'en veux pour preuve le développement des dispositifs de consultations dédiées aux personnes handicapées dans les centres hospitaliers, dont la pertinence est soulignée par tous les acteurs. Il est désormais prévu d'en élargir et d'en renforcer progressivement la couverture territoriale.

Les services du ministère des solidarités et de la santé accompagnent également le développement de l'hospitalisation à domicile au sein des établissements médico-sociaux, à commencer par les services de soins infirmiers à domicile pour lesquels des outils pratiques à destination des structures ont été spécifiquement créés.

Cette ambition nationale pourra se traduire concrètement, au niveau local, dans le nouveau projet territorial de santé – PTS – créé par le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, dont l'article 7 prévoit explicitement que le PTS « prend en compte l'accès aux soins des personnes en situation de handicap et des personnes à mobilité réduite ».

Le projet territorial de santé, élaboré par les communautés professionnelles territoriales de santé – CPTS –, a en effet pour vocation l'amélioration de l'accès aux soins et de la coordination des parcours de santé. En s'appuyant sur les dispositifs locaux d'appui à la coordination, et afin d'assurer la continuité et la bonne articulation des prises en charge entre les différents professionnels de santé, les CPTS pourront ainsi être l'instance privilégiée de repérage de ces situations complexes, qui requièrent toute notre mobilisation.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Merci, madame la secrétaire d'État. Ces situations sont prises en considération par le Gouvernement, je n'en doutais pas. Il y a vraiment urgence. Lorsque je me suis rendue chez ces personnes, je me suis dit que de telles situations ne pouvaient pas perdurer. Ils ont tardé à m'appeler, car cette démarche n'est pas facile. S'ils l'ont fait, c'est aussi pour rendre service à toutes les personnes qui se trouvent dans des situations semblables.

Je sais que tout sera mis en œuvre pour leur venir en aide, et tant mieux : le discours doit être suivi d'actes.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

Type de question : Question orale

Rubrique : Personnes handicapées

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mars 2019

partager