Contrôle de la gestion financière des majeurs protégés par une mesure de tutelle
Question de :
M. Dominique Da Silva
Val-d'Oise (7e circonscription) - La République en Marche
M. Dominique Da Silva attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur une situation qui l'a particulièrement alerté sur sa circonscription : celle d'un majeur sous protection à travers une mesure de tutelle et dont le mandataire judiciaire a, de toute évidence, manqué à ses devoirs et failli à ses missions. Dans certains cas de mesures de protection à destination des majeurs de type curatelle ou tutelle, la gestion financière des biens revient à un mandataire judiciaire, extérieur à la famille. Il lui en revient intégralement la charge d'octroyer la somme hebdomadaire allouée par le juge des tutelles, mais aussi de régler l'intégralité des dépenses et l'administration des biens immobiliers. Bien que censé être étroitement contrôlée par un magistrat, il n'en résulte pas une totale garantie d'une gestion irréprochable des comptes du majeur protégé. Dans ce cas précis, la famille a alerté le juge des tutelles à plusieurs reprises afin de signaler les conditions de vie déplorable du majeur protégé et de son épouse de par la mauvaise gestion de leur patrimoine par le tuteur. Après analyse du dossier, il s'est avéré une administration plus que douteuse et face à laquelle le juge des tutelles a ordonné un changement de mandataire judiciaire. Il souhaite ainsi dans un premier temps connaître les garde-fous à disposition des familles afin de garantir une transparence la plus totale dans la gestion des biens patrimoniaux par le tuteur. Enfin, il lui demande s'il serait envisageable réfléchir à de nouveaux mécanismes permettant un lien plus direct entre la famille du majeur protégé et son mandataire judiciaire.
Réponse en séance, et publiée le 22 mai 2019
CONTRÔLE DES MANDATAIRES JUDICIAIRES DES MAJEURS PROTÉGÉS PAR UNE MESURE DE TUTELLE
M. le président. La parole est à M. Dominique Da Silva, pour exposer sa question, n° 703, relative au contrôle des mandataires judiciaires des majeurs protégés par une mesure de tutelle.
M. Dominique Da Silva. Madame la garde des sceaux, je souhaite appeler votre attention sur une situation qui me préoccupe particulièrement dans ma circonscription : celle d'un majeur, protégé par une mesure de tutelle, dont le mandataire judiciaire a, de toute évidence, manqué à ses devoirs et failli dans ses missions.
Certaines mesures de protection de type curatelle ou tutelle prévoient, vous le savez, que la gestion financière des biens revienne à un mandataire judiciaire extérieur à la famille. Il a la charge d'octroyer la somme hebdomadaire allouée par le juge des tutelles mais aussi de régler l'intégralité des dépenses et d'administrer les biens immobiliers. Bien que censée être étroitement contrôlée par un magistrat, la gestion irréprochable des comptes du majeur protégé n'est pas totalement garantie.
Dans ce cas précis, la famille a alerté le juge des tutelles à plusieurs reprises afin de signaler les conditions de vie déplorables du majeur protégé et de son épouse, aggravées par la mauvaise administration de leur patrimoine. Après analyse du dossier, le caractère plus que douteux de la gestion a été avéré, et le juge des tutelles a ordonné un changement de mandataire judiciaire.
Je souhaite d'abord connaître les garde-fous à disposition des familles, afin de garantir une transparence la plus totale dans la gestion des biens patrimoniaux par le tuteur. Ensuite, je désire vous interroger sur les nouveaux mécanismes rendant possible un lien plus direct entre la famille du majeur protégé et son mandataire judiciaire.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Les mesures de protection prononcées par un juge sont exercées sous la surveillance continue de ce dernier mais également du procureur de la République. Tout tiers informé d'un dysfonctionnement dans l'exercice d'une mesure peut donc alerter le juge des tutelles.
En outre, une ordonnance du 17 janvier 2018 organise le contrôle administratif de l'activité des personnes physiques exerçant les fonctions de mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Elle prévoit expressément l'information du procureur de la République et du juge des tutelles du ressort lorsque la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral de la personne protégée est menacé ou compromis par les conditions d'exercice de la mesure de protection judiciaire. Ces nouvelles dispositions permettent donc, sans préjudice des articles 416 et 417 du code civil, des échanges d'information entre les personnes chargées du contrôle des professionnels et l'autorité judiciaire, à qui incombe la surveillance de la mesure.
Par ailleurs, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a maintenu cette obligation de surveillance et a réformé les modalités de contrôle des comptes de gestion, afin d'en garantir l'effectivité. Lorsque plusieurs personnes exercent la mesure de protection en qualités de cotuteurs, de tuteur et tuteur adjoint ou de tuteur et subrogé tuteur, parmi lesquelles il peut y avoir des personnes de la famille, elles doivent établir et certifier ensemble les comptes de gestion ; l'un ou l'autre peut donc saisir le juge de toute difficulté. Le juge peut également décider de désigner un professionnel qualifié afin que celui-ci contrôle les comptes lorsque les revenus ou le patrimoine du majeur le justifient ; là encore, la saisine du juge est toujours possible afin qu'il sanctionne, le cas échéant, un manquement de la personne chargée de la protection.
Vous évoquez, dans votre question, le comportement isolé d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Je saisis l'occasion pour saluer la qualité du travail de la très grande majorité des mandataires judiciaires, qui exercent, il convient de le rappeler, près de la moitié des mesures de protection judiciaire, lorsque l'entourage du majeur ne peut s'en charger. J'ai bien conscience toutefois que des abus ou des suspicions existent, mais je considère que les textes en vigueur permettent de sanctionner des tels agissements, comme cela a été le cas en l'espèce, puisque le juge a dessaisi le professionnel. Au-delà du contrôle exercé par les juges et du contrôle administratif, l'engagement de la responsabilité civile ou pénale du mandataire peut toujours être mis en cause pour sanctionner les comportements fautifs.
Les liens entre la famille et le mandataire judiciaire doivent, bien évidemment, être favorisés, dans la mesure du possible, mais la mesure doit également être exercée dans un cadre serein et de confiance. Ce point précis fait l'objet d'une réflexion dans le cadre du groupe de travail sur l'éthique professionnelle des mandataires judiciaires, piloté par le ministère des solidarités et de la santé, et auquel le ministère de la justice participe.
Auteur : M. Dominique Da Silva
Type de question : Question orale
Rubrique : Famille
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 mai 2019