Déremboursement programmé de l'homéopathie
Question de :
M. Michel Zumkeller
Territoire de Belfort (2e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants
M. Michel Zumkeller interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le déremboursement programmé de l'homéopathie. L'homéopathie répond à des enjeux prioritaires de santé publique, notamment la sur-consommation médicamenteuse, la iatrogénie et l'antibiorésistance. Un bénéfice clinique comparable sans aucune perte de chances a été établi par une vaste étude en vie réelle sur plus de 8 000 patients et plus de 800 médecins généralistes. À niveau de sévérité égal, l'étude montre, pour les patients suivis par un médecin homéopathe, une consommation de 2 fois moins d'antibiotiques, 2 fois moins d'anti-inflammatoires (AINS), 3 fois moins de psychotropes. Le tout pour un coût négligeable pour l'assurance maladie. En effet, les médicaments homéopathiques représentent seulement 0,29 % des remboursements de médicaments, au regard du nombre de professionnels de santé qui intègrent l'homéopathie dans leur pratique (notamment un tiers des médecins généralistes prescrivent quotidiennement des médicaments homéopathiques ; trois quarts des sages-femmes en prescrivent régulièrement) et compte tenu du nombre de Français qui y ont recours (77 % des Français ont déjà pris de l'homéopathie au cours de leur vie, soit près de 50 millions de patients si l'on s'autorise à extrapoler à l'ensemble de la population française), tout en permettant de faire des économies au système de santé. Il a été mesuré qu'un patient pris en charge par un médecin homéopathe coûte en moyenne 35 % de moins que les autres patients, à niveau de sévérité égal. Dans l'hypothèse d'un déremboursement, l'économie escomptée pour l'assurance maladie serait annulée avec seulement 10 % de reports de prescriptions vers d'autres médicaments remboursés, en moyenne plus chers, et pouvant avoir potentiellement des effets indésirables. En conséquence, il pense qu'il serait temps de promouvoir l'homéopathie au lieu de la discréditer. Il souhaite donc connaître les intentions du Gouvernement sur le développement de l'homéopathie en France.
Réponse en séance, et publiée le 22 mai 2019
DÉREMBOURSEMENT DE L'HOMÉOPATHIE
M. le président. La parole est à M. Michel Zumkeller, pour exposer sa question, n° 727, relative au déremboursement de l'homéopathie.
M. Michel Zumkeller. Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé, porte sur l'homéopathie.
Les Français sont très attachés à ce mode de soins : plus de la moitié de nos compatriotes y recourent pour se soigner. Je rappelle qu'elle est pratiquée et prescrite par des médecins, formés en France dans le cadre d'un cursus complémentaire. Il s'agit d'un sujet très important. En matière de santé, il faut permettre à chacun, me semble-t-il, de choisir son mode de soin. Par ailleurs, il s'agit d'une spécialité française, avec de nombreuses innovations.
Or, depuis quelque temps, on entend certains avis, parfois très orientés, préconisant son déremboursement. Pour ma part, j'y suis très opposé, vous le comprendrez ; il faudrait tâcher de comprendre pourquoi.
L'homéopathie est une médecine qui ne coûte pas cher : elle ne représente que 0,29 % des prescriptions de médicaments, donc du coût pour la sécurité sociale. En outre, cette pratique permet d'éviter le recours aux médicaments : par exemple, un patient traité par homéopathie consomme trois fois moins d'anti-inflammatoires et d'antibiotiques. Dans un pays où la surconsommation de médicaments est presque devenue un sport national, elle constitue donc un moyen d'éviter que les médecins en prescrivent autant qu'ils ne le font à l'heure actuelle. Chacun connaît, dans son entourage, des gens auxquels l'homéopathie a permis de soigner des petits bobos, quelquefois bien davantage.
Ma question est donc assez simple : le Gouvernement envisage-t-il d'adopter le déremboursement de l'homéopathie, et, si oui, pour quelles raisons ? On a un peu de mal à le comprendre.
Le domaine médical est très particulier. Chacun doit pouvoir se soigner comme il l'entend. Au demeurant, la France n'est pas le seul pays où l'homéopathie est pratiquée à grande échelle. Ainsi, en Inde, elle est la troisième forme de médecine reconnue.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Depuis les années 60, les produits relevant de l'homéopathie bénéficient d'un statut et d'un régime dérogatoires. Ainsi, le débat sur leur remboursement et leur déremboursement dure depuis longtemps.
Réévaluer les stratégies thérapeutiques remboursables permet de garantir aux patients des soins pertinents. Il est normal que les médicaments homéopathiques, comme toute autre spécialité, soient soumis à ce processus.
Il n'est pas question d'interdire l'homéopathie mais de s'interroger sur son remboursement par la solidarité nationale. En France, nous suivons un principe fort en matière de remboursement des médicaments : prendre en charge les thérapies ayant un effet scientifiquement prouvé. Sur cette base, Agnès Buzyn a saisi la Haute autorité de santé le 1er août dernier. La commission de la transparence, qui en est une formation spécialisée – il s'agit d'une instance collégiale scientifique et indépendante, rassemblant des cliniciens ainsi que des membres d'associations de patients et d'usagers –, a rendu un avis scientifique et indépendant ; celui-ci, provisoire, fera sans doute l'objet d'un débat contradictoire avec les industriels concernés. Le Gouvernement n'a pas vocation à en commenter la teneur.
Sans préjudice de l'avis définitif, l'essentiel est de dépassionner le débat. Les patients doivent bénéficier d'une information claire et appropriée sur ces médicaments, afin de choisir ou non d'y recourir, que leur remboursement soit maintenu ou non. L'homéopathie ne cessera donc pas d'exister, que l'assurance maladie décide ou pas de maintenir son remboursement.
Enfin, je souhaiterais vous rassurer, monsieur Zumkeller, en indiquant que le Gouvernement est sensible au sujet de l'emploi, qui a une réalité. Nous entendons les inquiétudes suscitées, sur les territoires, par les risques que le déremboursement pourrait faire peser sur l'emploi.
Les laboratoires pharmaceutiques sauront s'adapter à cette évolution. Nous n'interdisons pas l'homéopathie. Du reste, les industriels ne produisent pas uniquement pour le marché français.
M. le président. La parole est à M. Michel Zumkeller.
M. Michel Zumkeller. Si je comprends bien, le Gouvernement s'apprête à décider de dérembourser l'homéopathie. C'est très clair : il faut le dire.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Michel Zumkeller. Si je comprends bien votre raisonnement, il repose sur la nécessité – sur laquelle tout le monde s'accorde, les acteurs de l'homéopathie en premier lieu – d'analyser la situation. Je veux bien.
Cela dit, lorsqu'un laboratoire classique vend, en toute connaissance de cause, un placebo remboursé par la sécurité sociale, que fait le Gouvernement ? Rien ! Rien du tout, jamais ! Lorsque l'on tient un raisonnement, il faut le faire jusqu'au bout. Si l'on suit votre raisonnement jusqu'au bout, alors il faut interdire la vente de placebos. Or, en matière de santé, nous savons très bien qu'il existe des effets psychologiques.
Allez-y donc, madame la secrétaire d'État ! Croyez-vous que vous ferez des économies ? Vous ferez tout autre chose, car les gens qui ne prendront plus d'homéopathie se tourneront vers les médicaments traditionnels, ce qui coûtera bien plus cher à la sécurité sociale. En fin de compte, on vendra du médicament mais on ne soignera pas les gens.
Les études scientifiques, c'est très bien. Mais pourquoi croyez-vous que les gens recourent à l'homéopathie ? Parce qu'elle leur fait du bien. Je ne sais pas si vous avez des enfants ; moi oui. Je prendrai l'exemple de l'arnica : si l'on en donne à un enfant qui est tombé, cela fait effet, alors que telle ou telle étude conclut à l'absence de preuve scientifique.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Mais nous ne l'interdisons pas !
M. Michel Zumkeller. Certes, mais si vous le déremboursez, les gens se tourneront vers d'autres produits, c'est évident. En tout état de cause, vous faites un choix, et vous en avez le droit. Toutefois, sachez que de nombreux Français y sont opposés car il importe de pouvoir choisir.
Vous ne nous ferez pas croire à l'absence de lobbying de la part de l'industrie pharmaceutique. Si vous luttiez contre et aussi contre les prescriptions médicamenteuses excessives, peut-être pourrions-nous nous entendre.
Le Gouvernement emprunte là un très mauvais chemin. Les Français n'accepteront pas cette mesure car ils sont très attachés à la possibilité de se soigner par une médecine douce tout en étant remboursés. La sécurité sociale relève de la solidarité nationale.
M. Dino Cinieri. Absolument ! Il a raison !
Auteur : M. Michel Zumkeller
Type de question : Question orale
Rubrique : Assurance maladie maternité
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 mai 2019