Action du gouvernement pour l'insertion des citoyens sourds
Question de :
M. Loïc Prud'homme
Gironde (3e circonscription) - La France insoumise
M. Loïc Prud'homme interroge Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur l'action du Gouvernement, de la République, pour l'insertion des citoyens sourds. Depuis 15 ans, depuis la loi de 2005, rien ne se passe ! Le Gouvernement n'a rien fait depuis 2 ans pour permettre que les sourds et malentendants ne restent pas exclus, malgré la loi du 11 février 2005 toujours pas appliquée. Au-delà de la reconnaissance de la LSF dans la Constitution il voudrait aborder ce qui quotidiennement empêche plusieurs millions de personnes d'être des citoyens à part entière. Oui, d’une façon générale l'accessibilité des personnes en situation de handicap a progressé. Mais pour les sourds et malentendants, porteurs d'un handicap invisible, les réponses et les aménagements restent eux aussi invisibles. Et pour cause, ils n'existent quasiment pas ! Ces citoyens sont exclus de services publics y compris hospitaliers, exclus de l'éducation depuis leur plus jeune âge (absence de réel choix d'un enseignement en LSF, pas d'alternative présentée aux parents hormis la pose d'implants). La plupart des Français l'ignore, mais l'accès à l'écrit est un réel problème pour ces citoyens. Il est donc indispensable de développer la pratique de la LSF par les agents publics, ainsi que la traduction de nombreux services publics en ligne. Dans l'éducation nationale, les rares enseignants qui se forment à la LSF le font bénévolement, sur leur temps de repos. Aussi, il lui demande ce qu'elle compte faire maintenant pour bouger et agir.
Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2019
ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE DES SIGNES FRANÇAISE
M. le président. La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour exposer sa question, n° 729, relative à l'enseignement de la langue des signes française.
M. Loïc Prud'homme. (M. Loïc Prud'homme débute son intervention en s'exprimant en langue des signes.) Je m'excuse auprès de nos 400 000 concitoyens qui « signent » pour l'imperfection de ma maîtrise de la LSF, la langue des signes française. Cependant, j'ai fait, en quelques jours, plus d'efforts que le Gouvernement n'en a fait depuis deux ans afin que les sourds et les malentendants ne restent pas exclus, malgré la loi du 11 février 2005, qui n'est toujours pas appliquée.
Au-delà de la reconnaissance de la LSF dans la Constitution, je voudrais vous parler de ce qui empêche quotidiennement plusieurs centaines de milliers de personnes d'être des citoyens à part entière.
Certes, d'une façon générale, l'accessibilité des personnes en situation de handicap a progressé, mais pour les sourds et malentendants, porteurs d'un handicap invisible, les réponses et les aménagements restent, eux aussi, invisibles, et pour cause : ils n'existent pas, ou presque.
Ces citoyens sont exclus des services publics : dans les mairies ou les hôpitaux, aucun agent n'est bilingue français-LSF. Dans ces lieux, il est plus facile d'être un touriste anglophone qu'un citoyen français sourd !
Ils sont également exclus de l'éducation depuis leur plus jeune âge : absence de réel choix d'un enseignement en LSF, absence d'alternative présentée aux parents, hormis la pose d'implants pour les jeunes enfants. La plupart d'entre nous l'ignorent, mais l'accès à l'écrit est un réel problème pour ces citoyens. Il est donc indispensable de développer la pratique de la LSF par les agents publics, ainsi que la traduction des services publics en ligne.
Dans l'éducation nationale, les rares enseignants qui se forment à la LSF le font bénévolement, sur leur temps de repos. (M. Loïc Prud'homme termine son intervention en s'exprimant de nouveau en langue des signes.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Monsieur le député, je vous remercie pour votre question, qui va me permettre de vous faire part des avancées concrètes que nous avons obtenues vers la pleine participation des personnes sourdes et malentendantes à notre société.
Depuis le 8 octobre 2018, cinq millions de personnes sourdes ou malentendantes disposent d'une heure de communication gratuite par mois via des traducteurs de la conversation dans la langue de leur choix. Cette obligation de mise en accessibilité vise aussi les services d'accueil des services publics et des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 250 millions d'euros. Il s'agit d'une avancée historique vers la pleine citoyenneté des personnes concernées. Le déploiement dans les services publics est en cours. Parcoursup, la cellule Aide handicap école, le standard du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, le ministère de la culture, ses écoles, dix musées, la Bibliothèque nationale de France, le ministère des affaires étrangères ont d'ores et déjà été mis en accessibilité. Tous les ministères sont mobilisés ; ils s'y sont d'ailleurs engagés lors des comités interministériels du handicap.
Le 22 février 2019, l'accès au service d'urgence 114 en conversation totale a été ouvert – je me suis rendue à Grenoble pour l'occasion. Le 114 est un service public qui permet aux personnes sourdes ou malentendantes d'accéder à l'ensemble des centres d'appel d'urgence français – le 15, le 17, le 18 –, en métropole et en outre-mer. Ce service est unique en Europe. Il ouvre des perspectives inédites d'accessibilité au service public. Il s'agit, là encore, d'une avancée majeure, qui va faciliter l'accès des personnes aux soins.
À l'école, la situation évolue. Le numéro vert Aide handicap école est désormais accessible pour les parents sourds. L'adaptation des programmes en langue des signes française est prévue pour octobre 2019. L'arrêté relatif à l'enseignement optionnel de la LSF en seconde et dans le cycle terminal a été publié. Il prévoit un enseignement de trois heures hebdomadaires, avec une évaluation soumise au régime du contrôle continu. Les pôles d'enseignement pour les jeunes sourds, qui sont en cours de déploiement, permettent deux types de parcours complet, de la maternelle au lycée.
Concernant l'école inclusive, les associations de parents d'enfants sourds et de professionnels ont participé à la concertation. Je les ai toutes reçues. Des réunions spécifiques ont déjà été organisées, d'autres sont à venir.
Dans les universités, l'accès est facilité par l'expérimentation d'outils adaptés à ces étudiants.
Tous les chantiers que nous engageons prennent en considération les attentes des personnes concernées, que ce soit pour l'emploi, la mobilité ou les droits à vie.
Monsieur le député, nous agissons pour simplifier le quotidien de tous et de chacun. Nous sommes tous mobilisés pour améliorer les conditions actuelles et assurer la pleine participation de tous nos concitoyens à tout.
M. le président. La parole est à M. Loïc Prud'homme.
M. Loïc Prud'homme. Je vous remercie pour votre réponse, madame la secrétaire d'État. Néanmoins, un rapport de l'ONU de 2019 pointe les carences de l'interprétariat, ainsi que le fait que si l'on s'occupe beaucoup de l'incapacité des personnes en situation de handicap, on travaille moins à rendre notre société plus inclusive.
J'entends vos arguments, mais permettez-moi de considérer que ceux de l'ONU sont plus objectifs – je pense que si nos places étaient inversées, vous feriez de même, et ce serait légitime. Je le répète, ce rapport de l'ONU souligne l'existence de nombreuses carences.
Après une première manifestation, au printemps, devant l'Assemblée nationale, les associations de sourds et malentendants se mobiliseront de nouveau le 20 juin prochain. Je vous propose de rencontrer une délégation de leurs membres ; je suis même prêt à l'accompagner afin que l'on puisse avancer en la matière. D'ailleurs, je vous rappelle que je vous ai posé une question écrite relative à la reconnaissance de la LSF dans la Constitution.
M. le président. Il s'agit, en effet, d'un sujet très important, que nous avons évoqué la nuit dernière. Nous avons fait part des actions de notre institution, dans la continuité des travaux du groupe de travail que vous avez piloté.
Auteur : M. Loïc Prud'homme
Type de question : Question orale
Rubrique : Personnes handicapées
Ministère interrogé : Personnes handicapées
Ministère répondant : Personnes handicapées
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2019