Question orale n° 73 :
Les paillotes nuisent à l'environnement et à l'ordre public à La Réunion

15e Législature

Question de : Mme Nathalie Bassire
Réunion (3e circonscription) - Les Républicains

Mme Nathalie Bassire alerte Mme la ministre des outre-mer sur la situation des restaurants de plage, dits "paillotes", à La Réunion. Le niveau des océans ne cesse de s'élever et les plages en sont les premières victimes, avec des dommages de plus en plus importants, notamment en termes de recul des plages et d'érosion du littoral. À l'île de La Réunion, le lagon est un atout essentiel en matière de tourisme et la réserve marine est venue sanctuariser cette biodiversité remarquable. Aux termes de la loi, le domaine public maritime est un patrimoine collectif inaliénable et imprescriptible. Les règles sont nombreuses : loi littoral, 50 pas géométriques, code de l'urbanisme, code de l'environnement, décret relatif aux concessions de plage, etc. Pourtant, des restaurants de plage et des « paillotes » - ont été érigés et ne cessent de s'agrandir à même la plage de l'Ermitage, dans la zone balnéaire de Saint-Gilles, portant atteinte au libre passage du public. La députée a elle-même constaté une largeur insuffisante entre le rivage naturel de la mer et des enrochements et remblaiements. Les illégalités sont nombreuses et évidentes, mais semblent ne pas être sanctionnées, d'où un sentiment d'impunité pour les responsables qui se sentent peu menacés par un État discrédité. L'ordre public est manifestement troublé en ses trois composantes : - les riverains se plaignent de troubles à la tranquillité publique du fait de nuisances notamment sonores ; - la salubrité publique est préoccupante avec un assainissement des eaux usées des restaurants inacceptable : la députée a personnellement vu des tuyaux d'évacuation d'eaux sales à même le sable ; elle n'ose imaginer ce qu'il en est des eaux grasses issues des cuisines. Au bord même de la réserve marine, le lagon, le récif corallien et la biodiversité en souffrent assurément ! Les risques sanitaires pour la population sont aussi sensibles ; - des câbles électriques reliés à ces paillotes à portée de main d'enfants, et la circulation de véhicules de livraison sur l'arrière-plage menacent quotidiennement la sécurité publique. Tous ces points sont aggravés par une concentration de plus en plus importante de personnes au bord du lagon, depuis que les activités de baignade sont interdites en-dehors du lagon suite à la "crise requins". Le coût de ces atteintes graves à l'environnement est immense pour la collectivité, bien au-delà des millions de chiffre d'affaires annuel d'une poignée de restaurateurs de plage. Et pourtant les pollueurs ne sont pas les payeurs... Les risques d'érosion côtière et de submersion marine sont connus, scientifiquement démontrés : qui oserait dire que c'est la mer qui n'est pas à sa place ? « Nous ne pouvons regarder ailleurs lorsque notre maison brûle », selon la célèbre formule du Président Chirac prononcée au sommet de la Terre à Johannesbourg en 2002. Elle lui demande donc quelles informations pertinentes elle peut communiquer dans la résolution de cette affaire sensible et prioritaire, qui passe nécessairement par le respect et l'application du droit, des sanctions exemplaires et rapides, ainsi que le rétablissement de l'ordre public.

Réponse en séance, et publiée le 24 janvier 2018

IMPACT DES PAILLOTES SUR L'ENVIRONNEMENT ET L'ORDRE PUBLIC À LA RÉUNION
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour exposer sa question, n°  73, relative à l'impact des paillotes sur l'environnement et l'ordre public à La Réunion.

Mme Nathalie Bassire. Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre des outre-mer, concerne la situation des restaurants de plage, dits « paillotes », à La Réunion.

Le niveau des océans ne cesse de s'élever et les plages en sont les premières victimes, avec des dommages de plus en plus importants, notamment en termes de recul du trait de côte et d'érosion du littoral. À l'île de La Réunion, le lagon est un atout essentiel en matière de tourisme, et la réserve marine est venue sanctuariser cette biodiversité remarquable. Aux termes de la loi, le domaine public maritime est un patrimoine collectif inaliénable et imprescriptible. Les règles sont nombreuses, qu'il s'agisse de la « loi littoral », des cinquante pas géométriques, du code de l'urbanisme, du code de l'environnement ou du décret relatif aux concessions de plage.

Pourtant, des restaurants de plage et des paillotes ont été érigés et ne cessent de s'agrandir à même la plage de l'Hermitage, dans la zone balnéaire de Saint-Gilles, portant atteinte au libre passage du public. J'ai moi-même constaté une largeur insuffisante entre le rivage naturel de la mer et des enrochements et remblaiements. Les illégalités sont nombreuses et évidentes, mais ne semblent pas être sanctionnées, d'où un sentiment d'impunité pour les responsables, qui se sentent peu menacés par un État discrédité. L'ordre public est manifestement troublé en ses trois composantes. Les riverains se plaignent de troubles à la tranquillité publique du fait de nuisances, notamment sonores, et la salubrité publique est préoccupante, avec un assainissement des eaux usées des restaurants inacceptable. J'ai vu personnellement des tuyaux d'évacuation d'eaux sales à même le sable ; je n'ose imaginer ce qu'il en est des eaux grasses issues des cuisines. Au bord même de notre réserve marine, notre lagon, notre récif corallien et notre biodiversité en souffrent assurément ! Les risques sanitaires pour la population sont aussi sensibles.

Des câbles électriques reliés à ces paillotes se trouvent également à portée de main des enfants, et la circulation de véhicules de livraison sur l'arrière-plage menacent quotidiennement la sécurité publique. Tous ces points sont aggravés par une concentration de plus en plus importante de personnes au bord du lagon, depuis que les activités de baignade sont interdites à la suite de la crise des requins. Le coût de ces atteintes graves à l'environnement est immense pour la collectivité, bien supérieur aux millions d'euros de chiffre d'affaires annuel générés par une poignée de restaurateurs de plage. Pourtant, les pollueurs ne sont pas les payeurs.

Les risques d'érosion côtière et de submersion marine sont connus et scientifiquement démontrés : qui oserait dire que la mer n'est pas à sa place ? Nous ne pouvons regarder ailleurs lorsque notre maison brûle, disait le Président Chirac au sommet de la Terre à Johannesburg en 2002. Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelles sont les informations pertinentes que vous pouvez nous communiquer s'agissant de la résolution de cette affaire sensible et prioritaire. La solution passe nécessairement par le respect et l'application du droit, des sanctions exemplaires et rapides ainsi que le rétablissement de l'ordre public.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Je veux tout d'abord, madame la députée, vous présenter les excuses de ma collègue Annick Girardin, ministre des outre-mer, qui, actuellement retenue en Polynésie, m'a demandé de vous répondre.

Vous interrogez le Gouvernement sur les solutions envisagées face aux nuisances que subissent les riverains des restaurants de plage. Comme vous le savez, les règles spécifiques à la réserve domaniale, dites « des cinquante pas géométriques », encadrent de façon stricte l'occupation du domaine public maritime. Les plages faisant partie du domaine public maritime de l’État, leur exploitation touristique et l'installation d'équipements de type paillote ou restaurant de plage sont soumises à la réglementation relative aux concessions de plage.

Je vous rappelle également que les pouvoirs de police municipale s'exercent aussi sur le domaine public maritime ; en cas d'infraction, le maire peut intervenir au titre du maintien de la salubrité publique, et faire dresser des procès-verbaux suivis de sanctions administratives, avec obligation de réaliser des travaux de mise aux normes d'une installation. Les sanctions peuvent aussi être pénales, qu'il s'agisse d'amendes ou, pour les cas les plus graves, relevant d'un tribunal, de peines d'emprisonnement.

Des obligations incombent également à l’État au titre de la lutte contre la pollution des eaux de mer, de l'enlèvement des objets dangereux sur le domaine public maritime naturel ou de la protection de la biodiversité. Les littoraux de La Réunion sont, pour certains, confrontés à des conflits d'usage et des pressions de plus en plus fortes. S'agissant du domaine public maritime de la collectivité de Saint-Paul, celle-ci a signé avec l’État une convention de gestion sur la quasi-totalité de son littoral, du cap La Houssaye jusqu'à la limite communale, avec trois bassins, pour une durée de dix-huit ans, du 1er janvier 2008 jusqu'au 31 décembre 2025.

Cet espace littoral nécessite toutefois une attention particulière de la part de l’État, en lien direct avec la réserve naturelle nationale marine, car il borde les espaces balnéaires les plus fréquentés, notamment le lagon sur lequel la pression s'est accrue depuis la fameuse crise des requins.

Par ailleurs, les risques naturels sont particulièrement prégnants sur l'ensemble du secteur. Je pense notamment aux risques d'inondation, donc au PAPI – programme d'actions de prévention des inondations –, et au PPR – plan de prévention des risques – littoral, définis en concertation avec la collectivité ; c'est pourquoi le préfet de La Réunion et les services déconcentrés de l’État accompagnent celle-ci, notamment dans l'exercice de son pouvoir de police, pour assurer la cohérence de l'action publique.

Ainsi, le 1er décembre 2017, une réunion entre les services de l'État et ceux de la commune de Saint-Paul a permis de poursuivre le plan d'action déjà engagé. Un arrêté de fermeture administrative a été pris à l'encontre des établissements contrôlés. D'autres contrôles sont prévus dans les prochaines semaines, selon un calendrier coordonné.

Données clés

Auteur : Mme Nathalie Bassire

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Outre-mer

Ministère répondant : Outre-mer

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 janvier 2018

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