Question orale n° 730 :
Terminal 4 Aéroport Roissy Charles de Gaulle

15e Législature

Question de : Mme Clémentine Autain
Seine-Saint-Denis (11e circonscription) - La France insoumise

Mme Clémentine Autain interroge Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports sur la réalisation du terminal 4 de l'Aéroport Roissy-Charles de Gaulle. 126 millions de passagers, c'est ce que prévoit d'accueillir l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle à l'horizon 2037, une fois que le nouveau terminal 4 sera terminé. C'est le double du trafic actuel, déjà considérable, ce qui pose la question de la volonté politique en matière de développement du territoire mais aussi de lutte contre le dérèglement climatique. Le projet de T4 est déjà bien avancé puisque, d'après ADP, les travaux débuteront dès 2021. Or, à ce stade, l'information et le débat démocratique avec les habitants sont bien peu de choses. Mme la députée en veut pour preuve la réunion publique qui s'est tenue à Villepinte en avril 2019 et qui a réuni 6 participants. La concertation publique organisée par ADP a pris fin mi-mai 2019, sans que n'ait eu lieu de véritable débat public. Pourtant le sujet est crucial. Le développement du transport aérien à une telle échelle impose un minimum de réflexion sur des enjeux environnementaux, sanitaires, en matière de formation et de qualité des emplois. On parle de 40, 45, parfois 50 000 emplois : difficile d'avoir une vision claire. Combien et quels emplois ? L'argument de la dynamique économique pour le territoire est évidemment à considérer avec intérêt. Les conditions de travail et la sous-traitance préoccupent d'ores et déjà les salariés. Et le déficit de formation du territoire empêche l'accès d'un grand nombre d'habitants à ces opportunités : c'est d'ailleurs pourquoi Mme la députée défend depuis plusieurs années la création d'un pôle universitaire au nord-est de la Seine-Saint-Denis. Dans le même temps, l'enjeu environnemental est mis sous le boisseau alors qu'il est au cœur des mobilités de demain. Doubler le nombre de passagers, c'est doubler le trafic et les nuisances qu'il génère. Beaucoup de questions sont sans réponse, tant pour les élus que pour les habitants concernés alors que la taille de ce futur T4 sera supérieure au seul aéroport d'Orly en nombre de passagers. Pourquoi attendre 2023 pour la mise en œuvre des descentes continues d'avion, qui devraient réduire les nuisances sonores ? À quand une étude d'impact sérieuse et indépendante sur la santé des riverains de ces super-aéroports ? Surtout, elle lui demande quand sera organisé un débat public et démocratique sur ce projet majeur pour toute la région Île-de-France.

Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2019

TERMINAL 4 DE L'AÉROPORT ROISSY-CHARLES DE GAULLE
M. le président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour exposer sa question, n°  730, relative au terminal 4 de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle.

Mme Clémentine Autain. Cent vingt-six millions de passagers, c'est ce que prévoit d'accueillir l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle à l'horizon 2037, une fois que le terminal 4 sera achevé. C'est le double du trafic actuel, pourtant déjà considérable, ce qui pose la question de la volonté politique du Gouvernement en matière de développement du territoire mais aussi de lutte contre le dérèglement climatique.

Le projet de terminal 4 est déjà bien avancé puisque, d'après Aéroports de Paris – ADP –, les travaux débuteront dès 2021. Or, à ce stade, l'information et le débat démocratique avec les habitants sont bien peu de chose – et c'est un euphémisme. J'en veux pour preuve la réunion publique qui s'est tenue à Villepinte en avril dernier et qui a réuni – tenez-vous bien ! – six participants. Ce défaut de concertation pose évidemment un problème démocratique de taille, alors que le sujet est crucial.

Le développement du transport aérien à une telle échelle impose, en effet, un minimum de réflexion sur des enjeux environnementaux, sanitaires, de formation et de qualité des emplois. On parle de 40 000, 45 000, voire 50 000 emplois qui seraient créés. Il est difficile d'avoir une vision claire : combien d'emplois et lesquels ? L'argument de la dynamique économique pour le territoire est évidemment à considérer avec intérêt. Reste que les conditions de travail et la sous-traitance préoccupent d'ores et déjà les salariés, et le déficit de formation de notre territoire empêche l'accès d'un grand nombre d'habitants à ces opportunités. C'est d'ailleurs pourquoi je défends, depuis plusieurs années, la création d'un pôle universitaire, juste au-dessous de Roissy, au Nord-Est de la Seine-Saint-Denis.

Dans le même temps, l'enjeu environnemental me paraît totalement mis sous le boisseau alors qu'il est au cœur des mobilités de demain. Doubler le nombre de passagers, c'est démultiplier le trafic et les nuisances qu'il occasionne. De nombreuses questions restent sans réponse, tant pour les élus que pour les habitants concernés alors que la taille du futur terminal 4 sera supérieure au seul aéroport d'Orly en nombre de passagers. C'est donc bien la vision du développement du territoire – environnement, démocratie, dynamisme économique – qui est en jeu.

Pourquoi attendre 2023 pour l'application des descentes continues d'avion, qui devraient réduire les nuisances sonores ? À quand une étude d'impact sérieuse et indépendante sur la santé des riverains de ces super-aéroports ? Surtout, à quand un vrai débat public et démocratique sur ce projet majeur pour toute la région Île-de-France ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, ne pouvant être présente, elle m'a chargée de vous répondre.

Je souscris pleinement à la nécessité d'échanges sur les projets les plus importants à l'échelle régionale ou nationale, comme celui du terminal 4 de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle. Les investissements d'ADP sont menés au rythme de l'augmentation du trafic et dans le respect des contraintes environnementales encadrant l'activité de l'aéroport. Face à la saturation de certains terminaux aux heures de pointe, le groupe ADP a lancé le projet de réalisation d'un nouveau terminal – « T4 » – pour répondre à la demande de trafic au-delà de 2028. Le calendrier de construction prévoit un début des travaux en 2021 et un phasage du projet par modules de capacité avec une mise en service totale en 2037. Dans sa phase d'exploitation, le T4 pourrait représenter jusqu'à 50 000 nouveaux emplois directs, alors que l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle est le siège de 90 190 emplois directs en 2016 et d'environ 1 240 entreprises.

Je ne partage pas votre opinion sur la concertation publique qui s'est déroulée de mi-février à mi-mai. Bien que non soumis à une obligation d'organisation d'un débat public, ADP a souhaité soumettre le projet à un processus de concertation publique dont la Commission nationale du débat public – CNDP – a approuvé les modalités, le calendrier et le dossier support. ADP a également pris en compte les éléments de cadrage de l'Autorité environnementale. Ainsi, le périmètre initial de la concertation a notamment été élargi et un volet santé ajouté.

Dix réunions publiques et quatre ateliers thématiques publics ont été organisés, de même que des ateliers ou cafés et stands participatifs. Un site internet a été ouvert et plusieurs supports d'information distribués. Les services du ministère des transports ont participé à plusieurs réunions publiques et se sont coordonnés avec ADP tout au long de la concertation. Il appartient désormais à ADP de prendre en compte l'ensemble des contributions reçues ; la CNDP s'en assurera.

M. le président. La parole est à Mme Clémentine Autain.

Mme Clémentine Autain. Je tiens à souligner la faiblesse de la réponse sur le choix stratégique d'ouvrir ce terminal et donc d'accroître le trafic à Roissy. Nous devons, en effet, obtenir une réponse du Gouvernement sur l'opportunité de créer le terminal 4. Je vous rappelle que notre territoire est déjà censé accueillir des projets comme EuropaCity, au triangle de Gonesse, avec des centres commerciaux, des hôtels – bref, encore un projet consumériste et menant à une hyper-densification –, ou encore une vague de surf artificielle à Sevran, sans parler du Charles-de-Gaulle Express et des problèmes qui continuent d'affecter la ligne du RER B en attendant sa construction. Tout cela est révélateur d'un enjeu de développement de notre territoire à propos duquel je n'ai pas entendu de réponse du Gouvernement : quelle est donc la véritable opportunité de ce choix stratégique pour la région Île-de-France ?

Ensuite, en ce qui concerne le débat démocratique, j'entends bien qu'il est difficile de le mener.

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.

Mme Clémentine Autain. Je n'entends pas minimiser les efforts déjà réalisés mais force est de constater que sur des questions aussi importantes, il n'y a pas de débat politique et démocratique.

Données clés

Auteur : Mme Clémentine Autain

Type de question : Question orale

Rubrique : Transports aériens

Ministère interrogé : Transports

Ministère répondant : Transports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2019

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