Question orale n° 741 :
Mise sous contrat des établissements scolarisant des élèves handicapés

15e Législature

Question de : Mme Blandine Brocard
Rhône (5e circonscription) - La République en Marche

Mme Blandine Brocard appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le délai de mise sous contrat des établissements scolarisant des élèves en situation de handicap. La majorité a exprimé le désir profond que l'école soit un lieu inclusif, c'est-à-dire un lieu ouvert à tous et à chacun, un lieu de la République qui permette à ses enfants, peu importe leur condition, d'acquérir les clés pour construire leur avenir et devenir des hommes ou des femmes autonomes et responsables. Pourtant, en ce qui concerne l'inclusion des élèves en situation de handicap et alors que les besoins vont croissants, force est de constater que la République a, aujourd'hui comme hier, de très grandes difficultés à accueillir tous les enfants concernés, déjà en école élémentaire, mais encore davantage en collège ou en lycée. Elle n'ignore pas tous les efforts qui sont aujourd'hui fournis par le Gouvernement pour tenter de rattraper le retard en matière d'unités adaptées, qu'il s'agisse d'unités locales d'inclusion scolaire (ULIS), d'unités d'enseignement externalisées (UEE), ou encore d'unités spécialisées dans l'autisme (UEMA), entre autres exemples. Mais elle veut ici conter une histoire. Celle d'un homme assez extraordinaire, un homme de la 5ème circonscription du Rhône qui, confronté au handicap de sa fille de 13 ans et face aux années d'attente qu'on lui promettait par manque de places dans les établissements spécialisés, a décidé avec d'autres parents de prendre les choses en main. De leur motivation, de leur inventivité et de leur persévérance est né le collège Nescens, un établissement privé hors contrat qui accueille les enfants à partir de 12 ans présentant des troubles intellectuels et cognitifs léger-moyen et possédant une capacité d'apprentissage pouvant les mener à l'autonomie et l'insertion professionnelle. Des professeurs de l'éducation nationale spécialisés dans les questions de handicap vont y intervenir ainsi que du personnel soignant. Des fonds ont été réunis, des locaux accessibles ont été aménagés, l'académie a autorisé l'ouverture de l'établissement, et Mme la députée a donc pu assister il y a quelques jours aux premières portes ouvertes de l'établissement. On ne peut évidemment qu'être admiratif et force est de constater en rencontrant les parents, les enfants, mais aussi les enseignants et les personnels médicaux que ce type d'établissement scolaire était attendu de tous et qu'il permet d'accueillir des élèves qui n'auraient pas trouvé de solutions sans ce collège. Mais malgré le soutien plein et entier du rectorat à cette expérimentation, cet établissement ne pourra être mis sous contrat qu'au terme de cinq longues années, parce que telle est la règle. Mme la députée connaît l'engagement du ministre à l'endroit des enfants en situation de handicap et sait qu'il connaît le soutien de l'Assemblée nationale à la cause de ces enfants. Aussi, pourrait-on soutenir ces collèges accueillant ces élèves un peu différents, ces enfants en situation de handicap, en raccourcissant leurs délais de mise sous contrat ? Ne pourrait-on pas envisager un critère « handicap » spécifique qui permettrait, tout en contrôlant bien sûr les établissements concernés, de réduire ce délai à 1 an ? Une telle possibilité permettrait ainsi au rectorat de pouvoir déroger à la procédure « classique » et ce sans pour autant créer une distorsion vis-à-vis d'autres établissements. Elle lui demande quelle est sa position sur ces mesures.

Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2019

MISE SOUS CONTRAT DES ÉTABLISSEMENTS ACCUEILLANT DES ÉLÈVES HANDICAPÉS
M. le président. La parole est à Mme Blandine Brocard, pour exposer sa question, n°  741, relative à la mise sous contrat des établissements accueillant des élèves handicapés.

Mme Blandine Brocard. Si notre majorité a exprimé le désir profond que l'école soit un lieu inclusif, ouvert à tous et permettant à chacun d'acquérir les clés lui permettant de construire son avenir et de devenir une femme ou un homme autonome et responsable, force est de constater qu'en ce qui concerne l'inclusion des élèves en situation de handicap – et alors que les besoins vont croissants –, notre République a, aujourd'hui comme hier, de très grandes difficultés à accueillir tous les enfants concernés. Ce qui est déjà vrai pour l'école élémentaire l'est encore davantage pour le collège ou le lycée.

Je n'ignore pas tous les efforts aujourd'hui consentis par le Gouvernement pour tenter de rattraper notre retard en matière d'unités adaptées. Cependant, malgré les ULIS – unités locales d'inclusion scolaire –, les UEE – unités d'enseignement externalisées – ou les UEMA – unités spécialisées dans l'autisme –, nous savons bien que ce rattrapage demandera encore de très nombreuses années.

Permettez-moi de conter l'histoire d'un homme extraordinaire qui, confronté au handicap de sa fille de 13 ans et aux années d'attente que le manque de places en établissement spécialisé lui promettait, a décidé, avec d'autres parents, de prendre les choses en main. De leur persévérance est né le collège NESCENS. Dans le département du Rhône, cet établissement privé hors contrat accueille, à partir de 12 ans, les enfants qui présentent des troubles intellectuels et cognitifs légers ou moyens, et peut les mener à l'autonomie et l'insertion professionnelle. Des professeurs de l'éducation nationale spécialisés dans les questions de handicap vont y intervenir ainsi que du personnel soignant. Des fonds ont été réunis, et des locaux ont été aménagés. L'académie a autorisé l'ouverture de l'établissement, et j'ai pu assister, il y a quelques jours, à ses premières portes ouvertes.

Pourtant, malgré le soutien plein et entier du rectorat à cette expérimentation, cet établissement ne peut, à ce jour, signer de contrat avec l'État qu'au terme de cinq longues années, parce que telle est la règle actuelle. L'inspectrice concernée ainsi que la rectrice ont estimé qu'une seule année d'exploitation devrait permettre de mener les évaluations nécessaires avant de faire de NESCENS un établissement sous contrat.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, je connais votre engagement à l'endroit des enfants en situation de handicap, et vous connaissez le soutien de notre assemblée à la cause de ces enfants. Ne pourrions-nous pas envisager un critère « handicap » spécifique, qui permettrait, tout en contrôlant, bien sûr, les établissements concernés, de soutenir ce type d'initiative en ramenant à un an le délai avant la signature d'un contrat ? Une telle possibilité permettrait au rectorat de déroger à la procédure classique sans créer une distorsion vis-à-vis d'autres établissements.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la députée, je vous remercie de tout ce que vous avez dit sur les enjeux majeurs que constitue l'école inclusive, pour laquelle nous pouvons nous permettre d'évoquer quelques éléments optimistes pour la rentrée prochaine.

À l'occasion de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance, j'ai eu l'occasion de présenter la véritable transformation de notre système. Dès le mois de septembre prochain, il proposera des statuts plus favorables pour les personnels accompagnants, la création de postes supplémentaires, des contrats bien meilleurs que les contrats précaires antérieurs, une formation plus forte, et une préparation davantage en amont de la rentrée du lien avec les familles. Tous ces éléments doivent aboutir à un véritable service public de l'école inclusive que nous voulons construire.

Ce service public de l'école inclusive n'exclut pas les écoles privées sous contrat qui peuvent participer à ce service public. Avec ma collègue Sophie Cluzel, nous avons organisé, à partir du mois d'octobre 2018, une concertation intitulée : « Ensemble pour une école inclusive ». Dans les conclusions rendues au mois de février dernier, ce type de question a, bien évidemment, été abordé, comme il l'a été jeudi dernier, lors de la réunion que nous avons eue, avec Sophie Cluzel et tous les recteurs et dirigeants des agences régionales de santé, afin de préparer la rentrée de 2019.

En partant du projet exemplaire d'un habitant de votre circonscription, vous me demandez s'il serait possible d'assouplir la règle exigeant que, avant que l'État passe un contrat avec un établissement scolaire privé, celui-ci ait fonctionné pendant au moins cinq ans. Cet assouplissement serait justifié par le fait que l'établissement se spécialise dans la scolarisation d'enfants en situation de handicap.

Le code de l'éducation prévoit déjà un régime administratif particulier pour certains établissements scolaires privés, à la condition que l'ARS – agence régionale de santé – ait reconnu que ces établissements dispensent un enseignement adapté au handicap de leurs élèves. Si cette première condition est remplie, l'établissement peut alors solliciter de passer un contrat simple avec l'État, c'est-à-dire un contrat qui obligera l'établissement à organiser l'enseignement « par référence aux programmes et aux règles générales relatives aux horaires de l'enseignement public ». Ce contrat obligera aussi l'éducation nationale à rémunérer les enseignants de l'établissement. Comme le précise régulièrement le Conseil constitutionnel, pour ne pas contrevenir au principe d'égalité de traitement, seuls les établissements d'enseignement privés qui respectent les obligations du service public peuvent être aidés financièrement par les collectivités publiques. Cela va de soi.

S'agissant du projet que vous venez d'évoquer, celui qui en est l'initiateur a adressé à mes services un courriel, le 29 janvier dernier, confirmant qu'il accueillerait ses premiers élèves au mois de septembre 2019. Lorsque l'établissement aura ouvert, les services de l'État compétents localement, c'est-à-dire non seulement l'académie mais aussi l'ARS et le préfet, travailleront en pleine concertation pour trouver une solution qui soit la plus conforme à la fois aux intérêts des élèves de cet établissement et de leurs familles, à la réglementation en vigueur, et à la mise en œuvre du principe de l'inclusion, encore réaffirmé récemment dans l'hémicycle.

M. le président. La parole est à Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. Je vous remercie, monsieur le ministre, au nom de tous ces enfants et de toutes les familles qui attendent beaucoup. Ils ont vraiment besoin d'avoir accès à ce genre d'établissement dans le laps de temps nécessaire à la mise en place de l'école inclusive à laquelle je sais que vous travaillez beaucoup.

Données clés

Auteur : Mme Blandine Brocard

Type de question : Question orale

Rubrique : Personnes handicapées

Ministère interrogé : Éducation nationale et jeunesse

Ministère répondant : Éducation nationale et jeunesse

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 21 mai 2019

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