Question orale n° 751 :
Situation de la clinique de Porto Vecchio

15e Législature

Question de : M. Paul-André Colombani
Corse-du-Sud (2e circonscription) - Libertés et Territoires

M. Paul-André Colombani alerte Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation préoccupante de la clinique de Porto-Vecchio. Cet établissement privé de santé, perçoit de l'argent public, octroyé par l'agence régionale de santé de Corse afin d'assurer un service public en matière d'urgences et de maternité. Or il apparaît que ce service public fonctionne mal, qu'il coûte cher, accumulant les dettes de façon chronique et le sentiment est que l'État signe un chèque en blanc sans remettre en cause ce modèle particulier de financement qui n'existe plus nulle part ailleurs, à part dans les Pyrénées. Cette situation n'est pas tenable, et l'Agence régionale de santé est pour l'instant contrainte de payer rubis sur l'ongle sous peine de mettre en faillite la clinique et le service public qui va avec. Les usagers de l'extrême sud et les quelques 200 employés sont ainsi pris en otage dans un modèle de financement qui n'est pas remis en cause alors que c'est un tonneau percé. M. le député souhaite en livrer l'exemple suivant : la direction de la clinique facture environ 1 million d'euros ses charges locatives selon le greffe du tribunal de commerce d'Ajaccio. Or les locaux de la clinique mesurent environ 2 500 mètres carrés, ce qui revient à environ 33 euros par mois le mètre carré loué contre 15 euros en moyenne pour un local industriel et commercial dans la région. Cet état de fait laisse imaginer qu'il y aurait peut-être ici une part des anges dont le contribuable est en droit de se demander où elle s'envole, et c'est à l'État de lui apporter une réponse précise et sans ambiguïté sur le sujet. Des audits ont été commandés, payés par la puissance publique, notamment l'audit réalisé par la société Exco commandité par la direction générale de l'offre de soins, placée sous l'autorité de Mme la ministre. Or ils ne sont pas consultables. La direction de la clinique a tout d'abord indiqué à M. le député que cet audit est leur propriété privée, alors que payé par les deniers publics. Le directeur de l'Agence régionale de santé a ensuite précisé à M. le député que cet audit n'est pas transférable mais qu'il pourrait le consulter sur place à la direction régionale des finances publiques à Ajaccio qui en possède un exemplaire. M. le député a alors écrit à la direction régionale des finances publiques qui lui a répondu que l'audit n'est pas en sa possession. M. le député trouve extrêmement grave et désobligeant que la représentation nationale se fasse ainsi mener par le bout du nez, à la recherche d'un audit introuvable. Les citoyens et notamment les Porto-Vecchiais ont droit à plus de transparence. M. le député est favorable à ce que plus d'argent soit mobilisé en faveur de la santé, mais il ne souhaite pas que cet argent soit mobilisé en faveur de la captation de petites rentes, surtout quand c'est au détriment des moyens à engager dans des hôpitaux publics comme à Bonifacio mais aussi à Ajaccio et Bastia. En fin de compte, si M. le député ne peut obtenir de réponse concrète et un engagement ferme la part de Mme la ministre sur ces points précis, notamment concernant la mise à disposition transparente de l'audit, il se réserve la possibilité de saisir officiellement la Cour des comptes. Il souhaiterait donc connaître ses intentions sur le sujet.

Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2019

CLINIQUE DE PORTO-VECCHIO
M. le président. La parole est à M. Paul-André Colombani, pour exposer sa question, n°  751, relative à la clinique de Porto-Vecchio.

M. Paul-André Colombani. Je souhaite alerter le Gouvernement, ainsi que mes collègues, sur la situation préoccupante de la clinique de Porto-Vecchio.

Cet établissement privé de santé, absolument incontournable dans le sud de la Corse, perçoit de l'argent public de l'agence régionale de santé – ARS – afin d'assurer un service public en matière d'urgences et de maternité.

Or ce service public fonctionne mal, coûte cher, et s'endette de façon chronique. L'État signe un chèque en blanc sans remettre en cause le modèle de financement. Cette situation n'est pas tenable, mais l'ARS est pour l'instant contrainte de payer rubis sur l'ongle, sous peine de mettre en faillite la clinique et le service public qui va avec. Les usagers de l'extrême sud et les quelque 200 employés sont ainsi pris en otage par un modèle de financement qui est un tonneau percé.

Je ne donne ici qu'un rapide exemple : les charges locatives annuelles s'élèvent à 1 million d'euros, ce qui paraît disproportionné pour une surface commerciale à Porto-Vecchio. Cela laisse imaginer qu'il y aurait ici, peut-être, une « part des anges » dont le contribuable est en droit de se demander où elle s'envole.

Un audit a été commandé par la direction générale de l'offre de soins, donc payé par le ministère. Pourtant, la direction de la clinique me dit que l'audit est leur propriété privée. L'ARS me dit ensuite qu'il n'est pas transférable à cause du « secret industriel et commercial », mais que je pourrai le consulter à la direction régionale des finances publiques. Celle-ci me répond que cet audit n'est pas en sa possession. Je trouve extrêmement grave et désobligeant que la représentation nationale se fasse ainsi mener par le bout du nez, à la recherche d'un audit introuvable. Les citoyens, et notamment les Porto-Vecchiais, ont droit à une plus grande transparence.

Je suis favorable à ce que plus d'argent soit mobilisé en faveur de la santé, mais pas en faveur de rentes privées, surtout quand c'est au détriment des moyens qui doivent être engagés dans des hôpitaux publics, comme à Bonifacio mais aussi à Ajaccio et Bastia.

Sans réponse concrète, je me réserve la possibilité de saisir officiellement la Cour des comptes.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Nous nous rejoindrons certainement sur deux points, monsieur le député : d'une part, la clinique de Porto-Vecchio est un établissement de référence pour le sud de la Corse ; d'autre part, elle doit encore trouver son modèle économique.

Tout d'abord, la disparition de la clinique de Porto-Vecchio ne nous semble pas envisageable : la Haute Autorité de santé reconnaît la qualité des pratiques professionnelles et l'agence régionale de santé la nécessité de maintenir les activités, notamment d'urgence et de maternité.

Depuis la disparition des concessions de service public, la situation géographique et la faiblesse de l'activité compromettent de manière structurelle, c'est vrai, l'équilibre budgétaire de l'établissement. Une amélioration de l'organisation interne et du fonctionnement avec les médecins du territoire et les autres établissements de Corse doit toujours être recherchée ; la solution n'a pas encore été trouvée.

Un plan de retour à l'équilibre ambitieux doit être mené à bien. Une articulation complémentaire des activités d'urgence et de SMUR constituerait, nous semble-t-il, une piste importante d'efficience. Au regard des éléments qui nous ont été transmis, il apparaît nécessaire d'explorer cette piste.

Cette réorganisation devrait permettre à la clinique de trouver un équilibre budgétaire dans le droit commun. Dans ce cadre nouveau, le plan de retour à l'équilibre, ainsi que les conditions d'exercice des missions de service public et leur financement, seront contractualisés.

Enfin, permettez-moi d'ajouter que la situation spécifique de cette clinique justifie un soutien de l'État. Celui-ci appuie ainsi structurellement cet établissement par le versement d'une aide annuelle de 3,5 millions d'euros.

Nous souhaitons, vous l'avez compris, conforter cet établissement médico-chirurgical, acteur de référence en Corse du sud, mais un équilibre financier doit être trouvé.

M. le président. La parole est à M. Paul-André Colombani.

M. Paul-André Colombani. Merci de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État ; elle manque néanmoins de précision, notamment concernant l'accès à l'audit. J'espère que Mme Buzyn, qui est en déplacement en Corse aujourd'hui, nous apportera davantage de réponses. Il n'est pas normal que nous n'ayons pas accès à ce document.

Je vous le redis : ce système de financement est obsolète ; il engendre un déficit structurel, et il faut le changer. Ses conséquences sont délétères, tant sur les patients que sur les employés.

D'autres modèles existent, à La Ciotat, à Saint-Tropez, bientôt à Carpentras : des cliniques et des hôpitaux peuvent coexister dans les mêmes établissements, sans mélange d'argent public et d'argent privé. Tout le monde accomplit son travail de façon claire. Ce modèle peut facilement être transposé à Porto-Vecchio, à condition qu'il existe une volonté forte de l'État, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Ces problèmes doivent être réglés très rapidement, car les dysfonctionnements s'accumulent et finissent par aboutir à des drames humains, parfois fatals. J'ai ici une pensée pour M. Canonicci et pour sa famille.

Données clés

Auteur : M. Paul-André Colombani

Type de question : Question orale

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2019

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