Question orale n° 763 :
Logement social outre-mer

15e Législature

Question de : M. Jean-Philippe Nilor
Martinique (4e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Jean-Philippe Nilor attire l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur le logement social outre-mer.

Réponse en séance, et publiée le 19 juin 2019

LOGEMENT SOCIAL OUTRE-MER
M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour exposer sa question, n°  763, relative au logement social outre-mer.

M. Jean-Philippe Nilor. Monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, l'article 126 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, supprime l'allocation logement pour les dispositifs d'accession à la propriété et d'amélioration de l'habitat, ou APL accession.

La disparition programmée des principaux outils de la lutte contre l'habitat indigne met plusieurs centaines de familles dans l'impasse. En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion, on recense plus de 74 000 logements indignes.

S'ajoutant à l'arrêt brutal de la défiscalisation en faveur du logement social, la suppression de l'APL accession met en péril toute une filière économique. Cette dernière représente un chiffre d'affaires cumulé de plus de 75 millions d'euros par an pour les outre-mer et fait travailler plus de 500 très petites entreprises artisanales du bâtiment. Outre les 300 salariés des opérateurs agréés par l'État dans l'ensemble des outre-mer, plus de 3 000 emplois directs sont menacés. La totalité de l'expertise professionnelle de lutte contre l'habitat indigne et insalubre risque de disparaître. Faut-il rappeler qu'outre-mer, on compte 12,5 % de logements insalubres, contre seulement 1,2 % dans toute la France ?

La suppression de l'APL accession est venue fragiliser la capacité de financement des travaux pour les ménages les plus en difficulté qui ne peuvent financer le reste à charge en contractant un prêt. Or ce reste à charge est d'autant plus élevé dans les outre-mer que la problématique de l'amiante vient alourdir le coût des travaux de plus de 35 %.

Il n'est plus à démontrer que l'amélioration des logements et la construction de LES – logements évolutifs sociaux – constituent une réponse alternative au manque de logements locatifs sociaux. Le LES permet un parcours résidentiel pour les ménages aspirant à la propriété. Les familles sont dans l'attente depuis de nombreuses années, sans réponse ni perspective d'avenir.

À quand un dispositif pour compenser durablement la suppression de l'APL accession, momentanément rétablie en 2019 ? Ce rétablissement n'aura qu'une portée et un impact très limités, car il ne concerne que des dossiers engagés en 2018. Où en est le rapport de la mission confiée par le Gouvernement au conseil général de l'environnement et du développement durable, qui a rencontré tous les acteurs du secteur du logement au début de l'année 2019 ?

Monsieur le ministre, nous attendons des décisions politiques solidaires, ambitieuses et courageuses pour toutes les familles contraintes d'abandonner leurs projets de travaux, ce qui les condamne à vivre dans l'insalubrité durable. Qu'entend faire ce Gouvernement face au risque réel de tensions sociales extrêmement fortes, en particulier dans les quartiers couverts par les opérations RHI – résorption de l'habitat insalubre irrémédiable ou dangereux – ou marqués par l'insalubrité ?

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.

M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement. Je voudrais d'abord vous remercier pour votre question, monsieur Nilor, car je sais que nous avons en commun la volonté de lutter contre l'habitat insalubre et indigne, véritable fléau dans notre pays, en particulier sur nos territoires ultramarins.

Vous avez rappelé que ce fléau sévit malheureusement depuis des années, ce qui justifie les mesures fortes que nous avons prises dans la loi ELAN – portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique. Je pense par exemple à la lutte contre les marchands de sommeil ou encore aux dispositions sur les copropriétés dégradées. Je pense aussi, s'agissant des territoires ultramarins, à tout le travail engagé avec la ministre Annick Girardin dans le cadre de la Conférence logement outre-mer, que nous avons lancée il y a quatre mois et qui est en cours de travail. Je pense en outre à tout le travail accompli avec Action logement, cet organisme lié au 1 % logement : nous avons lancé ensemble un plan d'investissement volontaire de 9 milliards d'euros, sur lesquels nous avons décidé, avec les partenaires sociaux, d'octroyer 1,5 milliard – j'insiste sur ce montant – aux territoires ultramarins pour mener une vraie politique de renfort de la construction de logements abordables et de rénovation outre-mer.

Il nous faut aller encore plus loin. Vous évoquez le cas de l'APL accession : il s'avère que ce dispositif apportait un bénéfice très particulier, sur nos territoires ultramarins, dans la lutte contre l'habitat indigne. Fort de ce constat, nous l'avons réintroduite par un mécanisme transitoire, comme vous l'avez relevé, à très juste titre.

J'en viens précisément aux questions que vous posez.

Le rapport du CGEDD – le conseil général de l'environnement et du développement durable – vient de m'être remis. Ayant l'habitude de travailler en toute transparence, c'est avec grand plaisir que je vous le transmettrai pour que vous me donniez votre avis à son sujet et que nous puissions ainsi travailler en amont de la prochaine loi de finances pour voir quel pourrait être le meilleur mécanisme d'accompagnement. Il nous faut trouver une solution à court terme, dans la perspective d'un dispositif pérenne. Nous aurons forcément ce débat dans le cadre de la prochaine loi de finances puisque le mécanisme de l'APL accession, y compris dans ses modalités transitoires, s'arrête à la fin de l'année. Il est clair que lutter contre l'habitat indigne passe aussi par des mécanismes d'accession à la propriété. C'est un sujet sur lequel nous devons renforcer notre politique, en concertation avec vous, bien évidemment.

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. Monsieur le ministre, je vous remercie vraiment pour votre réponse très honnête, très franche. Nous sommes d'accord sur le diagnostic et sur l'urgence. J'aurais néanmoins préféré que vous preniez l'engagement non pas de me transmettre une réponse ou un document ultérieurement, mais de pérenniser des dispositifs salutaires. Faute de mieux, j'attendrai.

Données clés

Auteur : M. Jean-Philippe Nilor

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Outre-mer

Ministère répondant : Outre-mer

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 juin 2019

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