Hausse des frais d'inscription des étudiants étrangers- Université de Strasbourg
Question de :
M. Jean-Luc Reitzer
Haut-Rhin (3e circonscription) - Les Républicains
M. Jean-Luc Reitzer attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sur la hausse des frais d'inscription des étudiants étrangers dans les universités françaises et notamment sur la conséquence de cette mesure sur l'université de Strasbourg et sur celle de Haute-Alsace. En effet, l'université de Strasbourg accueille chaque année plus de 10 000 étudiants internationaux. Les deux tiers d'entre eux ne viennent pas d'Europe mais de pays comme le Liban, le Ghana ou encore la Colombie, pays dans lesquels le coût de la vie et les salaires sont bien inférieurs aux coûts français (à titre d'exemple, le salaire moyen mensuel en Colombie est de 250 euros). Ces étudiants ont déjà, pour la grande majorité d'entre eux, recours à l'emprunt, en plus de leurs économies, pour pouvoir étudier dans les universités françaises et vivre, un temps, dans le pays. La hausse des frais d'inscriptions pour les étudiants non-européens sera un frein à leur venue en France, fera courir un risque de décrochage de l'attractivité de l'enseignement supérieur français et créera une césure malheureuse et détournée des enjeux actuels, entre la France, ses universités, ses étudiants nationaux et le reste du monde. Au-delà d'un coup pour l'enseignement supérieur, cette hausse se traduira par un affaiblissement de l'attractivité du pays, mais également de ses régions, de ses territoires et de ses entreprises. Incarnant l'effort et le mérite, ces jeunes étudiants étrangers préféreront se tourner vers d'autres universités européennes alors qu'en venant étudier dans les universités françaises, ils représentent également l'avenir de la France et participent à son rayonnement à l'international. En Alsace, sur cette terre traditionnellement tournée vers l'Europe et le monde, l'absence d'étudiants étrangers non-européens sur les campus universitaires est inconcevable. Aussi, au vu des chiffres et des réalités du quotidien, il lui demande ce que le Gouvernement compte mettre en place pour que les étudiants étrangers puissent garder leurs places dans les universités françaises et contribuer ainsi, à renforcer l'attractivité de la France par le rayonnement à l'étranger des savoirs, de la recherche et de l'innovation.
Réponse en séance, et publiée le 19 juin 2019
HAUSSE DES FRAIS D'INSCRIPTION DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Reitzer, pour exposer sa question, n° 780, relative à la hausse des frais d'inscription des étudiants étrangers.
M. Jean-Luc Reitzer. Madame la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, je souhaite appeler votre attention sur la hausse des frais d'inscription des étudiants étrangers dans les universités françaises et, en particulier, sur les conséquences de cette mesure pour l'université de Strasbourg – ce qui intéressera certainement le président de séance – ainsi que pour l'université de Haute-Alsace.
L'université de Strasbourg accueille chaque année plus de 10 000 étudiants étrangers. Les deux tiers viennent non pas d’Europe mais de pays comme le Liban, le Ghana ou la Colombie, où le niveau de vie est nettement inférieur au nôtre. Ces étudiants ont déjà, pour la grande majorité d'entre eux, recours à l'emprunt, en plus de leurs économies, pour pouvoir étudier et vivre dans notre pays.
La hausse des frais d'inscriptions pour les étudiants non européens sera un frein à leur venue en France, nous fera courir le risque d'un décrochage de l'attractivité de notre enseignement supérieur et créera une césure regrettable entre notre pays, nos universités et le reste du monde. Cette hausse se traduira aussi malheureusement par un affaiblissement de l'attractivité de notre pays, de nos régions, de nos territoires et, à terme, de nos entreprises. Ces jeunes étudiants étrangers préféreront se tourner vers d'autres universités européennes, alors qu'en venant étudier chez nous, ils contribueraient à l'avenir de notre pays et participeraient surtout au rayonnement international de la France.
En Alsace, terre traditionnellement tournée vers l'Europe et le monde, l'absence d'étudiants non européens sur les campus universitaires est parfaitement inconcevable. Au vu des chiffres que j'ai cités et de la réalité que vivent les étudiants étrangers dans nos universités, quelles mesures pensez-vous prendre, madame la ministre, pour que ceux-ci puissent garder leur place dans nos universités et contribuer ainsi à renforcer l'attractivité de notre pays, à travers nos savoirs, notre recherche et notre innovation ?
M. Jean-Paul Dufrègne. Bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Monsieur Reitzer, l’objectif de la stratégie « Bienvenue en France » est d’attirer un plus grand nombre d’étudiants étrangers dans notre pays, en améliorant considérablement leurs conditions d'accueil ainsi qu'en triplant le nombre de bourses et d’exonérations pour que tous les étudiants qui veulent choisir la France puissent continuer à le faire. Pour la première fois, l’attractivité internationale de nos universités est devenue une priorité gouvernementale, comme l’a indiqué le Premier ministre le 19 novembre dernier. Cela passe par la simplification des procédures d’obtention et de renouvellement des visas, que nous avons conduite avec le ministère de l’intérieur. Cela passe également par la mise en place d’un système redistributif afin d’appuyer le financement d'un meilleur accueil de tous les étudiants étrangers.
Ce dont il s'agit, c'est de créer un lien de solidarité entre les étudiants étrangers qui auront la capacité de s'acquitter de ces droits différenciés et ceux qui ne le pourront pas. Ces derniers en seront tout naturellement exonérés, mais ils n'en bénéficieront pas moins de conditions d'accueil de qualité. Les étudiants non européens déjà engagés dans un cursus en France ne seront pas concernés, pas plus que les doctorants, qui seront exonérés. Les droits différenciés ne seront pas non plus applicables aux étudiants ayant le statut de résident fiscal en France, lequel s'obtient au bout de quelques années d'études.
Pour tous les autres, nous avons prévu la mise en place d’un système de bourses et d’exonérations, qui seront délivrées soit par les postes diplomatiques, comme c'était déjà le cas auparavant, soit directement par les universités, ce qui est nouveau. À l’échelle nationale, nous avons déjà multiplié par trois le nombre de bourses et exonérations notifiées aux postes diplomatiques. À l’échelle locale, chaque université a d’ores et déjà la capacité, dans le respect de son autonomie, d’exonérer ses étudiants non européens et de construire ainsi, progressivement, sur plusieurs années, une stratégie d’attractivité. Le décret d’application des droits différenciés permet en outre à chaque établissement de moduler le niveau d’exonération qu'il appliquera aux droits d’inscription des étudiants étrangers.
Enfin, dans la perspective de la rentrée prochaine, nous avons mis à disposition des établissements une enveloppe de 10 millions d’euros, qui permettra dès cette année la mise en place de guichets uniques, afin d'améliorer l'accueil des étudiants ainsi que le développement du français langue étrangère, dans le cadre d’un appel à projet.
Ces diverses mesures ont d’ores et déjà permis d’assurer la quasi-stabilité des demandes d’inscriptions en licence pour l’année prochaine – les admissions ne représentant qu'une petite fraction de celles-ci. Elles permettront aussi à chacun des établissements, y compris l’université de Strasbourg et l'université de Haute-Alsace, de projeter dans le temps sa stratégie d'attractivité tout en construisant sa politique de solidarité internationale, au bénéfice de l’ensemble de ses étudiants étrangers.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Reitzer.
M. Jean-Luc Reitzer. Madame la ministre, je prends acte de vos explications et des mesures d'accompagnement que vous appliquez.
Cela dit, les frais d'inscription n'étaient pas très élevés, et c'était l'un des atouts de notre enseignement supérieur. Pour compenser leur augmentation, vous prenez diverses mesures, incluant des mesures spécifiques pour certains lieux. Voilà qui me donne à penser, je le répète, que l'on est en train de construire une nouvelle usine à gaz ! C'est pourquoi je reste sceptique. Je pense que ces augmentations auront des conséquences désastreuses. Surtout, le message envoyé à travers le monde n'est pas très positif pour notre pays.
M. le président. Merci, cher collègue.
M. Jean-Luc Reitzer. Je vous donne rendez-vous dans deux ans – si toutefois nous sommes encore là – pour dresser un bilan.
Auteur : M. Jean-Luc Reitzer
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement supérieur
Ministère interrogé : Enseignement supérieur, recherche et innovation
Ministère répondant : Enseignement supérieur, recherche et innovation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 juin 2019