Exclusion numérique - Fracture sociale
Question de :
M. Stéphane Demilly
Somme (5e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants
M. Stéphane Demilly alerte M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique, sur l'exclusion numérique, qui n'a que trop duré, d'une grande partie de la population. Alors que le Gouvernement souhaite accélérer la transformation numérique de l'administration d'ici 2022, cette dématérialisation engendre de nouvelles formes d'exclusion liées à l'inégalité d'accès à internet et aux différents niveaux de compétences numériques. Selon une étude commanditée par le syndicat de la presse sociale en 2018, près d'un tiers des Français ont déjà renoncé à entreprendre des démarches parce qu'il fallait utiliser internet, et 23 % de Français ne sont pas à l'aise avec le numérique. Le Défenseur des droits alerte également sur les risques de « recul de l'accès aux droits et d'exclusion » liés à la dématérialisation. Ainsi, si la révolution numérique est en cours et crée de nouvelles opportunités, elle ne doit pas se faire en excluant une partie de la population, notamment les personnes les plus âgées qui se sentent méprisées d'être si peu considérées. Il souhaite donc savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour que la qualité du service public soit identique avec ou sans numérique et pour accompagner les personnes souhaitant acquérir ou améliorer leurs compétences numériques.
Réponse en séance, et publiée le 27 novembre 2019
EXCLUSION NUMÉRIQUE
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour exposer sa question, n° 819, relative à l'exclusion numérique.
M. Stéphane Demilly. Le numérique représente des opportunités incroyables et un formidable levier de développement économique, social et culturel. Mais dans la vie de tous les jours, pour certains, c’est un vrai cauchemar : impossibilité de régler ses factures, de contacter les services publics… Je garde à l’esprit la situation ubuesque vécue par une personne âgée qui, ayant réglé ses impôts par chèque, s’est vu renvoyer son moyen de paiement au motif qu’il fallait régler par internet. Ce cas n’est pas isolé. C'est vraiment dingue…
Le numérique est devenu tellement incontournable dans nos démarches quotidiennes que ne pas le maîtriser ou ne pas avoir d’accès à internet expose nos concitoyens à un risque d’exclusion rapide. Selon une étude commanditée par le syndicat de la presse sociale en 2018, près d'un tiers des Français ont déjà renoncé à entreprendre des démarches parce qu'il fallait utiliser internet, et 23 % des Français ne sont pas à l'aise avec le numérique. C’est considérable.
Dans son rapport annuel, le Défenseur des droits alerte également sur les risques de « recul de l’accès aux droits et d’exclusion » liés à la dématérialisation. Alors que le Gouvernement souhaite accélérer la transformation numérique de l’administration d’ici 2022, je voudrais insister sur le fait que celle-ci ne doit pas se faire en excluant une partie de la population, notamment les personnes les plus âgées, qui se sentent méprisées d’être si peu considérées.
Face au risque de nouvelles inégalités sociales, monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour que la qualité de service public soit identique, avec ou sans numérique ? Quelles mesures sont ou seront-elles prises pour accompagner les personnes souhaitant acquérir ou améliorer leurs compétences numériques ? Par ailleurs, utiliser internet suppose d’y avoir accès, ce qui malheureusement n’est pas le cas partout, loin s'en faut, notamment dans les territoires les plus ruraux.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d'État chargé du numérique. Monsieur Demilly, vous abordez une question absolument essentielle. Je dirais de manière assez abrupte que la fracture numérique vient s'ajouter aux fractures sociales et territoriales et est en partie au fondement de la colère que les Français ont pu exprimer. Vous l'avez dit, autant le numérique peut être un facteur extraordinaire de progrès et de simplification, qui évite, notamment aux personnes en situation de handicap, de se déplacer ou permet d'effectuer ses démarches à toute heure, autant, pour les 13 millions de Français qui estiment n'avoir aucune compétence numérique, la dématérialisation des services publics et l'évolution de notre monde en général, où quasiment tout doit être fait en ligne, constitue une violence sociale considérable.
Il y a trois axes dans l'action du Gouvernement – je mets de côté la question du réseau, des « tuyaux », parce que je pense que l'État a trop longtemps considéré qu'il suffisait de mettre en place ces réseaux, la fibre par exemple, pour permettre à chacun de s'en servir. Ce n'est pas le cas, et aujourd'hui, toute une partie de la population, y compris dans les métropoles, se sent exclue.
La première chose est de parer à l'urgence et de faire en sorte que quelqu'un puisse assurer les démarches en ligne des 6 millions de Français dont on estime qu'ils ne pourront pas être formés à l'utilisation d'internet. C'est tout l'objectif des maisons France services. Deuxièmement, nous faisons en sorte de former et de rendre autonomes les 6 à 7 millions restants. Je suis allé hier à Romans-sur-Isère visiter un de ces espaces de médiation numérique, dans un centre social, dans un quartier relevant de la politique de la ville. On y forme des personnes, âgées ou non – car les jeunes aussi peuvent poser problème : s'ils sont très forts pour aller sur Snapchat ou Instagram, ils ont beaucoup plus de mal à rédiger un curriculum vitae ou remplir une déclaration d'impôts !
Il faut donc faire en sorte de mailler l'ensemble du territoire, pour que chaque Français puisse trouver près de chez lui non seulement quelqu'un qui peut faire à sa place ces démarches en ligne, mais également un endroit où se former. Ces endroits sont en général des portes d'entrée vers d'autres problématiques, concernant les écrans, la gestion des données, la parentalité numérique, de façon à embarquer tout le monde dans cette révolution. Il n'y a pas de société possible là où 20 % de la population se sentent exclus.
J'accorde enfin beaucoup d'importance à la qualité même des sites de services publics et de la dématérialisation des démarches. Celle-ci a souvent été un peu rapide, faite sans penser à l'ensemble des citoyens. Nous l'avons tous vécu : vous allez en ligne, vous ne trouvez pas dans les listes déroulantes, il n'y a pas de numéro de téléphone ni d'adresse de courrier électronique…. et vous finissez par comprendre qu'il faut vous déplacer à la préfecture, qui est à 100 kilomètres et qui a des plages horaires peu étendues ! Bref, vous sentez que le service public n'est pas à la hauteur de ce qu'il devrait être puisqu'il devrait être accessible à tout le monde.
Sur ce sujet de l'inclusion et de la réduction de la fracture numérique, nous aurons l'occasion de faire des annonces importantes l'année prochaine. Nous travaillons déjà avec quarante-huit collectivités sur la question du pass numérique. Soyez assuré que c'est une de mes priorités pour les mois à venir.
Auteur : M. Stéphane Demilly
Type de question : Question orale
Rubrique : Numérique
Ministère interrogé : Numérique
Ministère répondant : Numérique
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2019