Question orale n° 821 :
Impact des zones de non traitement pour le monde agricole

15e Législature

Question de : Mme Marie-France Lorho
Vaucluse (4e circonscription) - Non inscrit

Mme Marie-France Lorho attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'impact des zones de non traitement pour le monde agricole. Le monde agricole souffre. Il souffre d'une absence de considération alarmante, d'un dénigrement perpétuel, alors qu'il est pourtant l'un des garants du rayonnement français à travers le monde. En Vaucluse, les agriculteurs font part de leurs inquiétudes profondes face à un Gouvernement qui ne daigne plus qu'à répondre à leurs interpellations par le silence. Les zones de non traitement assènent un coup fatal aux cultures. Elles vont engendrer une perte de surface considérable de terrain : pour certaines régions, ce sont près de 20 % des surfaces agricoles qui seraient rendues inutilisables. L'inquiétude des professionnels du secteur est partagée dans l'ensemble des disciplines agricoles. Dans le secteur du blé, certains n'hésitent pas à évoquer la mise à mort de l'agriculture. Dans le monde viticole, dont Mme la députée rappelle qu'il représente l'un des premiers postes sur la balance commerciale française, cet émoi est aussi particulièrement aiguisé. Pour les viticulteurs, ces zones de non traitement vont engendrer l'arrachage de plusieurs milliers d'hectares, puisque les pieds de vigne non traités peuvent entraîner la maladie de vignes qu'il faut arracher. Dans le Vaucluse, la Fédération des AOC du sud-est a estimé que la perte, en hectares plantés en AOC, provoquée par des zones de traitement entre 3 mètres et 10 mètres engendrait la perte de 10 à 14 % de la surface. En termes de perte de chiffre d'affaires, le bilan financier est accablant ! Il convient de ne pas confondre les tendances : ce sont les villes qui rongent les cultures et non l'inverse. L'établissement des zones de non traitements met à mal la souveraineté alimentaire du pays et résonne comme un couperet pour le monde agricole. Aussi, elle lui demande si le Gouvernement va renoncer à cette disposition dramatique.

Réponse en séance, et publiée le 27 novembre 2019

IMPACT DES ZONES DE NON-TRAITEMENT POUR L'AGRICULTURE
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour exposer sa question, n°  821, relative à l'impact des zones de non-traitement pour l'agriculture.

Mme Marie-France Lorho. Le monde agricole souffre. Il souffre d'une absence de considération alarmante, alors même qu'il est l'un des garants du rayonnement français à travers le monde. Dans le Vaucluse, les agriculteurs nous font part de leur profonde inquiétude face à un empilement de contraintes et d'augmentations de charges et de taxes.

Monsieur le ministre de l'agriculture, les zones de non-traitement assènent un coup fatal à nos cultures. Elles vont engendrer une perte de surface de terrain considérable : dans certaines régions, près de 20 % des surfaces agricoles seraient rendues inutilisables. L'inquiétude des professionnels du secteur est partagée par l'ensemble des disciplines agricoles. J'ai d'ailleurs récemment déposé une proposition de loi sur cette question grave, afin d'alerter le Gouvernement.

Dans le secteur du blé, certains n'hésitent pas à évoquer la mise à mort de l'agriculture. Dans le monde viticole, dont je rappelle qu'il représente l'un des premiers postes de la balance commerciale française, cet émoi est aussi particulièrement aiguisé. Pour nos viticulteurs, les zones de non-traitement vont engendrer l'arrachage de plusieurs milliers d'hectares, puisque les pieds de vigne non traités peuvent entraîner des maladies. Dans le Vaucluse, la Fédération des syndicats de producteurs de vins AOC – appellation d'origine contrôlée – du Sud-Est a estimé que la présence de zones de non-traitement de 3 à 10 mètres engendrait la perte de 10 à 14 % de la surface en hectares plantée en AOC. En termes de perte de chiffre d'affaires, le bilan financier est accablant !

Dans les autres domaines agricoles, les estimations sont tout aussi sombres : pour le seul Vaucluse, une perte potentielle de près de 630 millions d'euros par an est à prévoir – ce sont environ 209 millions de bouteilles de vin et 250 000 tonnes de productions fruitières qui risquent d'être perdues.

Monsieur le ministre, n'inversons pas les tendances : ce sont les villes qui rongent nos cultures et non l'inverse. L'établissement de zones de non-traitement met à mal notre souveraineté alimentaire et résonne comme un couperet fatal pour le monde agricole. Le Gouvernement entend-il renoncer à cette disposition dramatique ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. J'entends votre cri de désespoir, madame la députée, et votre soutien à l'agriculture française, mais prenons garde à ne pas trop en rajouter. Vous évoquez la mise à mort de milliers d'hectares, et l'absence de considération pour les agriculteurs : d'une partie de la population, peut-être, mais ni de l'Assemblée nationale, ni du Sénat, ni du Gouvernement, dont les agriculteurs savent qu'ils ont le plein soutien.

Sur le fond, c'est le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative, qui, considérant que les riverains étaient aujourd'hui insuffisamment protégés, a imposé au Gouvernement l'instauration des mesures. Ce n'est pas une lubie du Gouvernement ou de la majorité de l'Assemblée nationale, mais bien une injonction du Conseil d'État. Nous entendons y répondre avec rationalité et donc en nous appuyant sur les études menées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – ANSES –, qui est une autorité indépendante.

Par principe de précaution et pour assurer la préservation de la santé des riverains, l'ANSES recommande l'instauration de zones de non-traitement à 10 mètres des habitations pour les cultures hautes – vigne, arboriculture – et 5 mètres pour les cultures basses. Ces distances peuvent être respectivement ramenées à 5 et 3 mètres, voire zéro, s'il existe des murs ou des haies, ou si des chartes de riverains ont été signées. Telle est la situation sur laquelle nous travaillons. Nous ne voulons pas nous écarter de ces chiffres. Au-delà de 10 mètres, les mesures n'ont plus de raison d'être, car si les produits étaient nocifs à plus de plus de 10 mètres, ils ne se verraient pas délivrer d'autorisation de mise sur le marché.

Je tiens à être le plus rationnel possible. Demain, les agriculteurs manifesteront car ils considèrent qu'ils sont trop dénigrés, pas assez soutenus. J'entends ce mouvement ; je me bats tous les jours contre l'« agribashing », comme je crois l'avoir montré depuis que j'ai pris mes fonctions, sous l'autorité du Premier ministre et du Président de la République. Lors de l'édition 2019 du salon international de l'agriculture, le stand du ministère allait dans ce sens : arrêtons l'agribashing !

Ce week-end, dans la Drôme, des élevages ont de nouveau été attaqués et incendiés. Cela ne peut plus durer ! Il faut que la justice soit intransigeante, que les agriculteurs portent plainte et que la gendarmerie reçoive ces plaintes ; dans certains territoires, des observatoires de lutte contre l'agribashing ont été créés. Je le dis tout simplement : halte !

Nous devons œuvrer à la réconciliation entre les urbains et les ruraux ; il ne faut pas qu'une minorité puisse agresser et apeurer les agriculteurs, ce n'est pas possible. Ce matin, je tiens à dire à nouveau ici, à l'Assemblée nationale, combien les agriculteurs font un travail remarquable, combien l'agriculture française est durable, combien l'alimentation qu'elle permet est saine et sûre. Aujourd'hui, il existe trop de conflits et nous devons réconcilier l'urbain et le rural, l'agriculture et la société, les agriculteurs et les citoyens : voilà ce dont il s'agit.

J'entends et je comprends la colère des agriculteurs. Le Gouvernement essaie d'y répondre de manière rationnelle : nous avons fait appel de tous les arrêtés municipaux visant à interdire l'utilisation de pesticides dans des zones pouvant aller jusqu'à 100 mètres autour des habitations, car ils étaient illégaux. Il ne revient pas au maire de décider, et il n'est pas question de mener une politique politicienne sur un sujet aussi sérieux. Tout le monde, y compris les agriculteurs, a des enfants : je ne crois pas un seul instant que ceux qui travaillent de la terre et dans la terre veuillent la polluer.

Nous savons tous également que les agriculteurs aimeraient bien se passer des produits phytosanitaires, qui coûtent très cher. La transition agroécologique avance : jamais il n'y a eu autant de conversions au bio et de filières entrant dans une démarche de certification haute valeur environnementale. Nos concitoyens doivent comprendre que l'agriculture bouge, mais que sa mutation se fait au rythme des saisons, pas à celui des tweets. C'est la différence entre l'agriculture et la société de la vitesse.

Mme la présidente. Merci, monsieur le ministre, de vous battre contre l'agribashing !

Données clés

Auteur : Mme Marie-France Lorho

Type de question : Question orale

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2019

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