Plan Très haut débit en Bretagne
Question de :
M. Marc Le Fur
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Les Républicains
M. Marc Le Fur attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique, sur le déploiement du plan très haut débit en Bretagne. Le Gouvernement s'était engagé jusqu'ici à participer au financement du déploiement de la fibre optique dans les réseaux d'initiative publique (RIP). Il s'agit concrètement des subventions du plan France Très haut débit pour aider à financer les réseaux de fibre optique en zone rurale. Les collectivités impliquées dans le développement de ces réseaux jugeaient déjà trop chiche l'effort global promis par le Gouvernement. Elles sont désormais vent debout contre le projet de nouveau dispositif de subventions dévoilé cette semaine, un cahier des charges qu'elles estiment taillé pour en donner encore moins aux territoires. Concrètement, le Président de la République maintient l'objectif de la fibre pour tous en 2025 mais le Gouvernement réduit son financement rendant très difficile de remplir les objectifs du Président de la République. Pour y arriver, il faudrait dès à présent réserver 462 millions d'euros pour donner de la visibilité à plusieurs projets de RIP déjà dans les starting-blocks. En première ligne, ceux de la Bretagne et de l'Auvergne, qui nécessitent à eux seuls un appui de l'État estimé à 300 millions d'euros. Le Gouvernement propose en effet de nouvelles modalités de calcul de la subvention de l'État afin notamment de tenir compte des meilleures conditions économiques. Pour l'exécutif, les attributions des deux dernières années ont démontré un appétit certain des investisseurs pour les RIP, qui auraient ainsi moins besoin du concours de l'État. Les critères de subvention se révèleraient dans ce contexte plus restrictifs. On renoncerait à subventionner 100 % des locaux à fibrer en se fixant de façon arbitraire à 92 % des locaux à fibrer, à changer les plafonds de financement pour des zones pourtant plus coûteuses à couvrir... Mais on ferait disparaître également plusieurs postes de financement : collecte, raccordement de sites prioritaires, dont les entreprises, mise à niveau des réseaux antérieurs et raccordement final. Il lui demande comment il veut que les collectivités remplissent en même temps les objectifs du Président de la République et voient les aides de l'État diminuer.
Réponse en séance, et publiée le 8 janvier 2020
PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT EN BRETAGNE
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour exposer sa question, n° 877, relative au plan France Très haut débit en Bretagne.
M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, quelle est la politique du Gouvernement dans le domaine du très haut débit ? Au fond, telle est la question. Vous savez l'attente de nos concitoyens, des entreprises et des familles ; il y a peu de temps encore, des ministres – en particulier M. Denormandie – se sont répandus dans la France entière pour expliquer que tous nos compatriotes bénéficieraient du très haut débit en 2025. Or les financements ne suivent pas : la loi de finances est extrêmement décevante sur la question, puisqu'elle n'alloue que 140 millions d'euros à cette politique.
Quelles seront les conséquences pour nos régions ? La région Bretagne s'est beaucoup investie par le biais de la structure Mégalis, qui réunit la région, les départements et les collectivités ; à elle seule, la demande de la Bretagne représente 200 millions d'euros, sur lesquels nous comptions. Jusqu'à présent, nous recevions une aide de l'Union européenne, laquelle n'est plus à nos côtés ; l'État le sera-t-il, et pour quel montant ? Voilà ma question.
Plus précisément, un document publié à la fin de l'année 2019 a précisé le cahier des charges du financement des futurs projets de réseaux d'initiative publique en zone rurale. Jusqu'alors, on imaginait que l'État accompagnerait 100 % des familles. Or ce document évoque un autre chiffre : 92 %. Cela revient à laisser de côté 8 % des maisons, les plus isolées, celles pour lesquelles le coût du raccordement à la fibre serait le plus élevé. Vous imaginez les conséquences dans le monde rural, en particulier dans une région comme la Bretagne, où l'habitat est très dispersé. Monsieur le ministre, j'attends des réponses précises : combien la Bretagne recevra-t-elle au titre de son soutien à Mégalis ? Et qu'en est-il de cette nouvelle règle des 92 % ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.
M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Merci pour votre question précise, monsieur Le Fur, à laquelle je vais apporter la réponse préparée par Bruno Le Maire et Julien Denormandie. Je rappelle tout d'abord les objectifs du plan France Très haut débit, que vous connaissez : garantir à tous un accès au haut débit ou au très haut débit d'ici fin 2020 ; doter tous les territoires d'infrastructures numériques de pointe en donnant à tous accès au très haut débit d'ici fin 2022, avec 80 % de locaux raccordables en fibre optique.
Les derniers chiffres publiés par l'ARCEP – Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – sont encourageants : à la fin du troisième trimestre 2019, 22,4 millions de locaux étaient éligibles à des services à très haut débit, toutes technologies confondues, dont 16,1 millions en dehors des zones très denses. Pour ce qui est des zones rurales et des projets de RIP – réseaux d'initiative publique – que vous évoquez, sachez que l'ensemble des projets déjà financés devrait permettre d'atteindre une couverture de près de 92 % des locaux en fibre à l'horizon 2025, plaçant la France parmi les tout premiers pays européens en matière de déploiement de la fibre, ce qui est conforme avec l'objectif du très haut débit pour tous en 2022.
Votre question est pour moi l'occasion de réaffirmer la volonté du Gouvernement d'aller plus loin dans la couverture numérique de l'ensemble des territoires par la fibre optique. Le ministère de l'économie et des finances, en lien avec Mme Gourault et M. Denormandie, a proposé de généraliser la fibre dans tous les départements, et d'ouvrir à cet effet un nouveau guichet de financement pour accompagner les départements qui ne sont pas encore engagés dans cette démarche. Le Gouvernement s'est d'ores et déjà engagé à consacrer à cet objectif une enveloppe de 280 millions d'euros d'ici à 2022 pour accompagner les collectivités concernées, dans un souci de cohésion des territoires.
Les réactions des acteurs au nouveau projet de cahier des charges soumis à consultation publique en décembre 2019 ont été entendues et les services de Bercy réalisent actuellement la synthèse de toutes les contributions. Vous avez mentionné le fait que le nouveau projet de cahier des charges propose de nouveaux critères de subventionnement différents des précédents : c'est normal, car la situation d'aujourd'hui n'est pas celle qui prévalait au début de l'histoire du plan France Très haut débit. Il est donc logique de faire évoluer ces critères.
Nous partageons le même objectif : faire accéder le plus grand nombre aux infrastructures numériques. Votre question était précise, monsieur Le Fur, et la réponse préparée par mes collègues n'est pas complète ; aussi je m'engage à relayer votre demande auprès du ministre de l'économie et des finances et de Cédric O, secrétaire d'État au numérique, qui vous recevront pour spécifier les sommes qui peuvent être allouées spécifiquement à la région Bretagne.
Les éléments que je vous ai communiqués sont des objectifs globaux sur lesquels le Gouvernement s'est engagé avec force ; à ma connaissance, aucun gouvernement précédent ne s'était à ce point engagé à aider les opérateurs dans les zones AMII – appel à manifestation d'intention d'investissement – et à accompagner financièrement les collectivités territoriales à travers les syndicats mixtes et les structures régionales ad hoc, comme celle que vous avez mentionnée pour la Bretagne. Il s'agira de décliner ces éléments globaux dans chaque territoire. Je demanderai à mes collègues de se tenir à votre disposition, car je connais votre engagement de longue date sur le sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Je ne doute pas de votre engagement sur la question, monsieur le ministre, et je sais votre attachement aux secteurs ruraux, du fait de votre itinéraire normand. J'entends les propos très ambitieux du Gouvernement, mais je ne vois pas les financements suivre. Cent quarante millions d'euros au titre de la loi de finances pour 2020, et 282 millions jusqu'au terme du mandat, c'est peu de chose au regard de l'ambition nationale. Il y a un décalage considérable ! Vous ne me donnez pas le chiffre pour la Bretagne, ce que je comprends puisqu'il est encore en cours négociation, mais les budgets devront bientôt être votés : le budget de Mégalis sera voté dans quelques semaines, sans que l'on connaisse le montant du soutien de l'État ! Cela me paraît objectivement inquiétant.
Vous confirmez que l’État ne soutiendra les projets que pour 92 % des familles. Cela veut dire que 8 % des familles, celles qui sont les plus éloignées des réseaux et qui ont le plus besoin de la connexion, ne seront plus du tout soutenues. C’est redoutable ! L’universalité, que vous aimez tant invoquer, fait clairement défaut : on abandonne 8 % de notre territoire, contrairement aux promesses de départ. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour obtenir l’abandon de cette règle des 92 % et la couverture de 100 % des Français, et donc de 100 % des Bretons.
Auteur : M. Marc Le Fur
Type de question : Question orale
Rubrique : Télécommunications
Ministère interrogé : Numérique
Ministère répondant : Économie et finances
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 décembre 2019