Retraites des personnels de la police technique et scientifique
Question de :
M. Ugo Bernalicis
Nord (2e circonscription) - La France insoumise
M. Ugo Bernalicis alerte M. le ministre de l'intérieur sur l'actuelle mobilisation des personnels de la police technique et scientifique. Il l'interroge sur les suites qu'il entend donner aux deux projets qui avaient été établis avec l'intersyndicale de policiers scientifiques (SNIPAT, SNPPS et SNAPATSI) en 2015 sur une évolution de leur statut et qui restent pourtant d'actualité. Il souhaite également connaître sa position sur les conséquences de la réforme des retraites pour ces personnels de la police technique et scientifique au regard des contraintes, de la pénibilité et de la dangerosité de ce métier.
Réponse en séance, et publiée le 29 janvier 2020
RETRAITES DES PERSONNELS DE LA POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE
M. le président. La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour exposer sa question, n° 890, relative aux retraites des personnels de la police technique et scientifique.
M. Ugo Bernalicis. Monsieur le secrétaire d'État, les personnels de la police scientifique, ceux que l'on aime appeler « les experts », sont en colère. Cela fait longtemps que le ministère de l'intérieur affiche son mépris à leur égard. Mais je tiens à dénoncer ici la répression dont ils font l'objet, depuis décembre, de la part des hiérarchies policières locales.
En effet, alors que de très nombreux services de police technique et scientifique voulaient exercer leur droit de grève, droit à valeur constitutionnelle et dont ils bénéficient, nombre de hiérarchies leur ont fait subir une pression particulièrement forte, parfois illégale.
Les agents de la PTS, la police technique et scientifique, ont des revendications légitimes, anciennes, visant à faire évoluer leur statut. Je tiens à souligner l'abnégation de ces policiers, dont le travail mérite toute votre attention, monsieur le secrétaire d'État. Une intervention de PTS a lieu toutes les minutes. En 2016, 72 500 délinquants ont pu être identifiés grâce à 36 500 traces papillaires et 36 000 profils génétiques ; un million de fiches de signalisation ont été réalisées.
Or il n'est pas rare que les services soient composés seulement de trois ou quatre personnes. Outre leurs 40,5 heures hebdomadaires, elles assurent une astreinte de vingt et une heures à six heures du matin, et peuvent être rappelées en dehors de ces horaires. De nombreux exemples montrent que la durée légale de onze heures de repos entre deux prises de service n'est pas respectée.
Ces problèmes d'effectifs et d'amplitude horaire du travail entraînent une usure morale et physique. Après des années d'exercice, les policiers de la PTS passent des concours pour intégrer d'autres administrations ou demandent leur détachement à des postes administratifs, malgré la perte de salaire qui en résulte. D'où des conséquences sur leur santé, sur leur vie privée : divorce, prise de médicaments, burn-out…
Face à cette réalité, quelle est l’attitude du ministère de l’intérieur ? En 2015, deux projets avaient été établis à l'issue de négociations avec l’intersyndicale : syndicat national indépendant des personnels administratifs, techniques et scientifiques du ministère de l'intérieur – SNIPAT –, syndicat national des personnels de la police scientifique – SNPPS – et syndicat national Alliance des personnels administratifs, techniques et scientifiques du ministère de l'intérieur – SNAPATSI. Aucun de ces projets n'a abouti, du fait de l'opposition des syndicats d'actifs, commissaires, officiers, gradés et gardiens, comme Unité SGP police, ainsi que par manque de volonté politique.
Le gouvernement actuel ne procède pas autrement. L'intersyndicale a été reçue le 13 novembre dernier par le cabinet du Premier ministre, qui a estimé légitimes ses revendications statutaires, mais indiqué que la balle était dans le camp du ministère de l'intérieur. Or, occupé à passer leurs moindres caprices, telle l'augmentation substantielle des primes, aux syndicats d'actifs, le ministre de l'intérieur ignore les demandes des 2 600 personnels scientifiques. Pire, il feint de ne pas avoir conscience de la dangerosité de leurs missions, pourtant reconnue par les notes de service et instructions de commandement en vigueur dans la police nationale.
Il serait temps, monsieur le secrétaire d'État, de vous prononcer publiquement au sujet de ces revendications, et de nous faire part de votre position concernant la réforme des retraites des personnels de PTS.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Les personnels scientifiques contribuent en effet à l'élucidation des crimes et des délits de manière non seulement déterminante, mais croissante, car on demande de plus en plus à ces effectifs de se déplacer sur le terrain pour procéder au relevé des traces et indices.
Le ministère de l'intérieur a d'ailleurs créé en avril 2017 un service central de la police technique et scientifique, le SCPTS. Afin de poursuivre cette rationalisation, un service à compétence nationale de PTS sera créé en 2021. La situation des personnels scientifiques est donc un sujet important, et leur engagement unanimement reconnu.
Je tiens à souligner les avancées obtenues depuis 2015 pour les personnels de la PTS. Ils ont bénéficié d'améliorations dues au protocole de 2015 dit PPCR – parcours professionnels, carrières et rémunérations – et au protocole d'avril 2016 pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la police nationale. Par ailleurs, près d'un million d'euros ont été prévus pour payer, en décembre, les heures supplémentaires effectuées en 2019 par les agents spécialisés et techniciens de la PTS.
En 2019, nous avons travaillé, dans le cadre de discussions avec les organisations syndicales, à rehausser la filière. C'est ainsi que les agents spécialisés, de catégorie C, devraient passer en catégorie B, dans le corps des techniciens. Ce dernier corps sera « repyramidé » par une réforme des voies d'avancement aux différents grades et par l'augmentation des volumes d'avancement. Enfin, l'accès au corps des ingénieurs, donc à la catégorie A, sera facilité aux techniciens. Non seulement la réforme statutaire est d'actualité, mais le dossier a connu des avancées importantes et pourrait être concrétisé en 2020.
Pour tenir compte de l'évolution des métiers et des enjeux, le SCPTS a en outre élaboré en décembre une nouvelle instruction relative à la doctrine d'emploi de la PTS, remplaçant un texte qui datait de 1995. Toutes ces mesures découlent de l'engagement pris par Christophe Castaner à son arrivée au ministère de l'intérieur, et qui avait donné lieu à un courrier adressé aux organisations syndicales.
Enfin, dans le cadre de la concertation sur les retraites engagée par le Gouvernement, une réflexion a été ouverte au sujet des conditions d'application des règles envisagées pour le projet de système universel aux personnels de la PTS, en tenant compte de la diversité de leurs missions et de leurs affectations. Cette réflexion est conduite en lien étroit avec le secrétaire d'État aux retraites, et en liaison avec les organisations syndicales représentatives des personnels.
Monsieur le député, ces agents ont un statut administratif ; équipés de gilets pare-balles, ils accompagnent les policiers sur le terrain. De manière générale, leurs missions ont évolué : il faut donc prendre le temps de réfléchir à la nature de ces missions et aux conditions dans lesquelles ils les exercent. C'est ce que nous faisons actuellement avec les organisations syndicales.
Auteur : M. Ugo Bernalicis
Type de question : Question orale
Rubrique : Retraites : régimes autonomes et spéciaux
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 2020