Question orale n° 901 :
Ouverture des commerces les dimanches et jours fériés

15e Législature

Question de : Mme Laurence Maillart-Méhaignerie
Ille-et-Vilaine (2e circonscription) - La République en Marche

(Erratum publié le 28 janvier 2020)

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur l'importance d'inclure les accords locaux régulant les conditions d'ouverture des commerces, notamment des moyennes et grandes surfaces alimentaires le dimanche et les jours fériés, dans le cadre du droit à la différenciation territoriale. À l'échelle nationale, plusieurs territoires ont été des fers de lance pour mener des concertations avec les organisations représentant les entreprises du commerce de détail alimentaire ou à dominante alimentaire et les organisations syndicales représentatives des salariés dans les branches concernées. Des accords ont donc été conclus sur le fondement de l'article L. 3132-29 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Ces accords locaux présentent de nombreuses vertus. Ils promeuvent la culture du dialogue social pour définir en bonne intelligence un cadre adapté aux besoins des consommateurs et des acteurs économiques dans une zone géographique déterminée. Ils contribuent à préserver ou revitaliser les commerces de proximité dans les centres villes et les cœurs de bourgs, en cohérence avec le programme Action cœur de ville et la Stratégie nationale pour l'artisanat et le commerce de proximité. Ils visent à concilier la protection des droits des travailleurs avec la liberté du commerce et le droit de la concurrence. Mais, en l'absence d'une base légale solide, les arrêtés préfectoraux pris sur la base de ces accords locaux font l'objet d'annulations régulières par les juridictions administratives. Ainsi, l'arrêté n° 2016-19238 du préfet d'Ille-et-Vilaine entérinant les termes de l'accord local du Pays de Rennes a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 6 avril 2018. Aujourd'hui, les préfets ne peuvent donc plus venir sécuriser les accords locaux sans exposer l'État. Au regard de ce constat, elle souhaiterait connaître la position du Gouvernement pour sécuriser juridiquement ces accords locaux visant à réguler l'ouverture ou la fermeture au public des commerces, dans le cadre du projet de loi « Décentralisation, différenciation, déconcentration ».

Réponse en séance, et publiée le 29 janvier 2020

OUVERTURE DES COMMERCES LES DIMANCHES ET JOURS FÉRIÉS
M. le président. La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, pour exposer sa question, n°  901, relative à l'ouverture des commerces les dimanches et jours fériés.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie. Cette question devait initialement être posée par mon collègue François André, député d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas pu être présent aujourd'hui pour des raisons de santé. Je sais qu'il regarde les travaux de cet hémicycle, et je le salue.

Je souhaite appeler votre attention, madame la ministre, sur l'opportunité que représentent les accords locaux régissant les conditions d'ouverture des commerces – notamment des moyennes et grandes surfaces alimentaires – le dimanche et les jours fériés. Ces accords s'inscrivent pleinement dans les perspectives ouvertes par le droit à la différenciation territoriale. À l'échelle nationale, plusieurs territoires ont été les fers de lance de telles concertations, qui associent les organisations représentant les entreprises du commerce à prédominance alimentaire et les organisations syndicales représentatives des salariés.

Des accords ont ainsi été conclus sur le fondement de l'article L. 3132-29 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Ces accords locaux présentent de nombreuses vertus. Tout d'abord, ils promeuvent la culture du dialogue social pour définir, en bonne intelligence, un cadre adapté aux besoins des consommateurs et des acteurs économiques dans une zone déterminée. Ensuite, ils contribuent à préserver ou à revitaliser les commerces de proximité dans les centres-villes et les centres-bourgs, en cohérence avec le programme action cœur de ville, avec l'initiative petites villes de demain et avec la stratégie nationale pour l'artisanat et le commerce de proximité. Enfin, ils permettent de concilier la protection des droits des travailleurs avec la liberté du commerce et le droit de la concurrence.

Au vu des imprécisions de la loi, les arrêtés préfectoraux pris sur la base de ces accords locaux sont toutefois régulièrement annulés par les juridictions administratives. L'arrêté du 2 mai 2016 du préfet d'Ille-et-Vilaine, qui entérinait les termes de l'accord local conclu dans le Pays de Rennes, a ainsi été annulé par un jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 6 avril 2018.

Au regard de ces éléments, je souhaiterais connaître la manière dont le Gouvernement compte sécuriser juridiquement ces accords locaux. Le futur projet de loi « décentralisation, différenciation, déconcentration » me semble constituer un cadre adapté pour y parvenir.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Je vous livre ici la réponse de ma collègue Muriel Pénicaud, dont je tiens à excuser l'absence.

Vous nous interrogez sur l'importance, à l'échelle des territoires, des accords locaux visant à réguler les conditions d'ouverture des commerces les dimanches et les jours fériés, notamment pour les moyennes et grandes surfaces alimentaires.

Je rappelle que plusieurs dispositifs permettent de travailler le dimanche. Les commerces de détail alimentaire peuvent ainsi employer des salariés jusqu'à treize heures. Des possibilités d'ouverture au-delà de treize heures sont également prévues, mais elles s'assortissent de conditions particulières : les commerces peuvent y avoir accès s'ils sont situés dans une zone touristique internationale, sous réserve de la conclusion d'un accord collectif ; s'ils bénéficient d'un « dimanche du maire », dans la limite de douze dimanches par an ; ou s'ils bénéficient d'une dérogation du préfet, dont les conditions sont très strictes – risque d'atteinte grave au fonctionnement ou au public.

À l'inverse, la fermeture des commerces peut être imposée par le préfet pour toutes les activités d'un même secteur au sein d'une zone géographique donnée, après accord des acteurs concernés, c'est-à-dire d'au moins une organisation syndicale ou d'une organisation patronale traduisant l'avis de la majorité des professionnels du secteur. Cette notion de majorité est un élément essentiel, puisqu'elle conditionne la légalité de l'arrêté et évite qu'il fasse l'objet d'actions contentieuses, comme c'est arrivé dans le Pays de Rennes. Elle constitue un outil de régulation de la concurrence dont l'initiative appartient aux partenaires sociaux. Dans ce cas, les différentes dérogations au repos dominical ne s'appliquent pas.

Nous avons pleinement conscience des pratiques de dialogue social territorial qui existent, notamment dans le Pays de Rennes où, depuis 1997, la régulation est exercée par les élus, les acteurs du commerce et les partenaires sociaux, en cohérence avec la politique d'aménagement du territoire. Il conviendra d'appréhender plus largement le problème de la négociation locale, à laquelle nous sommes particulièrement attachés.

C'est la raison pour laquelle – et j'en viens à la réponse que vous attendez – nous étudions la possibilité de lancer, par le biais d'un prochain véhicule législatif, une expérimentation dans ces territoires, pour permettre l'expression des spécificités territoriales sur le fondement d'un consensus local.

Données clés

Auteur : Mme Laurence Maillart-Méhaignerie

Type de question : Question orale

Rubrique : Collectivités territoriales

Ministère interrogé : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Ministère répondant : Travail

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 2020

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