Autonomie de l'Université de Saint-Étienne
Question de :
M. Régis Juanico
Loire (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Régis Juanico attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sur le projet de fusion entre les universités de Lyon et de Saint-Étienne. Fortement incité par le ministère, le conseil d'administration de l'Université Jean Monnet envisage d'approuver prochainement les statuts de « l'Université de Lyon », faisant suite au document d'orientation stratégique créant « l'établissement expérimental - université de Lyon ». Ce vote revêt une importance capitale, vitale pourrait-on même dire, puisqu'il actera par là-même la disparition de l'université Jean Monnet comme établissement d'enseignement supérieur et de recherche autonome. Les collectivités locales, dont le département de la Loire, se sont fortement impliquées politiquement et financièrement depuis l'origine du collège universitaire, puis de cette université, dans ses actions de développement, qu'elles soient en direction des étudiants, de la recherche, de l'international, mais aussi et surtout en direction de ses infrastructures via des montants d'investissements importants. 1969-2019 : cinquante ans de lutte des élus de tous bords pour obtenir la création de l'université de Saint-Étienne et son autonomie. En octobre 2019, la bibliothèque universitaire était dénommée Michel Durafour, juste retour de la haute lutte menée par cet homme politique et homme de lettres, pour ne citer que lui, pour l'obtention de cet établissement universitaire. Bien sûr, des évolutions importantes sont intervenues durant ce demi-siècle : l'UJM compte aujourd'hui plus de 20 000 étudiants et nombre de ses laboratoires de recherche apportent leur pierre à l'édifice d'une coopération nationale et internationale et sont parfois même leaders en leur domaine. La disparition programmée de cette université trouve son origine dans une ambition de compter au plan international et d'obtenir l'éligibilité sous sa nouvelle appellation lyonnaise, à des financements supplémentaires du type programme IDEX, perspective qui reste soumise à l'appréciation des projets par un jury international, donc sans véritable garantie. La disparition de l'université Jean Monnet comme établissement d'enseignement supérieur et de recherche autonome locale s'accompagnera de la disparition de quasiment tous les pouvoirs décisionnels stéphanois. Pourtant, la coopération avec les établissements lyonnais existe déjà et l'ouverture sur le monde universitaire de l'UJM est grande depuis des années et doit naturellement se poursuivre. Toutefois, est-il indispensable d'opérer un choix aussi radical qui n'offrira aucune possibilité de retour en arrière, faisant définitivement de ce territoire une « banlieue académique de Lyon » ? En effet, d'autres statuts restent possibles et ont été choisis par d'autres établissements français : établissement associé, établissement-composante, lesquels assureraient à l'université la possibilité de participer à ces grands projets pour poursuivre cette marche en avant de 50 ans, tout en conservant une personnalité morale et juridique ainsi qu'une identité forte sur le territoire. S'il n'appartient pas aux élus de se prononcer sur les choix académiques, il est de leur compétence de préserver l'attractivité du territoire. L'UJM en tant qu'entité reconnue y participe pleinement et contribue à son rayonnement. Aussi, il souhaiterait savoir dans quelle mesure l'autonomie de l'université de Saint-Étienne pourrait être préservée.
Réponse en séance, et publiée le 29 janvier 2020
AUTONOMIE DE L'UNIVERSITÉ DE SAINT-ÉTIENNE
M. le président. La parole est à M. Régis Juanico, pour exposer sa question, n° 917, relative à l'autonomie de l'université de Saint-Étienne.
M. Régis Juanico. Suite au tollé suscité localement par l’annonce d’une absorption imminente de l’université Jean-Monnet-Saint-Étienne par l’université de Lyon, le vote des statuts d’un nouvel établissement unique par le conseil d’administration de l’université stéphanoise, qui devait intervenir mi-décembre, a été reporté.
Ce vote revêt une importance capitale, vitale pourrait-on même dire, puisqu’il actera la disparition de l’université Jean-Monnet comme établissement d’enseignement supérieur et de recherche autonome et celle de sa personnalité juridique et morale. Depuis cinquante ans, dans la continuité des décisions visionnaires de l’ancien maire Michel Durafour, des élus stéphanois de tous bords se sont battus pour obtenir la création de l’université de Saint-Étienne, son autonomie et une offre pluridisciplinaire de qualité dans le territoire stéphanois.
Cette université compte aujourd’hui plus de 20 000 étudiants, et nombre de ses laboratoires de recherche apportent leur pierre à l’édifice d’une coopération nationale et internationale. Certains sont leaders en leur domaine. La coopération avec les établissements lyonnais existe déjà, et elle fonctionne !
La dilution programmée de notre université trouve son origine dans une ambition de compter au plan international et d’obtenir l’éligibilité sous sa nouvelle appellation lyonnaise, à des financements supplémentaires du type programme IDEX – initiatives d'excellence –, sans garantie.
La disparition de l’université Jean-Monnet comme établissement d’enseignement supérieur et de recherche autonome s’accompagnera de la disparition de quasiment tous les pouvoirs décisionnels et de pilotage stéphanois, ce qui risquerait, au regard du déséquilibre entre les deux entités, de réduire l’offre d’enseignement supérieur des premier, second ou troisième cycles, à Saint-Étienne. Est-il indispensable d’opérer un choix aussi radical, lequel n’offrira aucune possibilité de retour en arrière, faisant définitivement de notre territoire une succursale académique de Lyon ?
En effet, d’autres statuts restent possibles et ont été choisis par d’autres établissements français dans le cadre de procédures de fusion ; ils permettraient à notre université de participer, en tant que composante à part entière, à ces grands projets, tout en conservant une personnalité morale et juridique ainsi qu’une identité forte dans notre territoire.
Que compte faire le Gouvernement pour préserver l'autonomie et le pouvoir de décision de l'université de Saint-Étienne dans le cadre de la nouvelle université de Lyon ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Vous avez évoqué la disparition de l'université de Saint-Étienne, mais je tiens à rappeler, en préambule, que l'enseignement et la recherche ont un bel avenir à Saint-Étienne. Ce pôle d'excellence a vocation à se développer et à s'affirmer à l'échelle internationale. Cette ambition de rayonnement est partagée par le Gouvernement, par vous-même, par l'université Jean-Monnet, forte de ses 450 enseignants-chercheurs, de ses 360 doctorants. D'ailleurs, vous l'avez rappelé, cette université est chef de file dans de nombreux domaines.
Cette ambition est au cœur du programme des investissements d’avenir qui comporte, vous l’avez rappelé, une action tout à fait spécifique, les initiatives d’excellences, les IDEX. Concrètement, cette action permet d’accompagner financièrement les politiques de recherche, de formation et d’attractivité internationale des universités les plus dynamiques afin de constituer des pôles universitaires de rang mondial comparables aux meilleures établissements mondiaux.
L’IDEX permet ainsi aux lauréats de bénéficier d’une dotation de plusieurs dizaines de millions d’euros permettant aux établissements porteurs de projets de mener une politique ambitieuse en matière de recherche et d’attractivité internationale. C’est un appui significatif pour attirer les meilleurs chercheurs internationaux, accompagner les laboratoires, soutenir les professeurs, les maîtres de conférences et l’ensemble de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche dans un site universitaire donné.
Les universités de Lyon I, Lyon III et de Saint-Étienne, mais également l’École normale supérieure de Lyon, sont engagées, depuis de nombreuses années dans la construction d’un projet susceptible de remporter l’IDEX. Le projet présenté par les établissements lyonnais et l’université de Saint-Étienne a été sélectionné en 2017, non pas par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation mais par le jury IDEX lui-même, qui est un jury international présidé par Jean-Marc Rapp, ancien recteur de l’université de Lausanne.
Le jury IDEX a néanmoins demandé dès 2017 au projet de Lyon et de Saint-Étienne des garanties en matière de gouvernance et d’organisation – les craintes exprimées à ce sujet ont donc été entendues. Le projet a ainsi reçu le label à titre probatoire. Chacun comprendra que l'émergence d'un site universitaire de rang mondial ne doit pas porter atteinte aux importantes missions de service public, en particulier l'accès des étudiants du territoire à l’enseignement supérieur, ce qui nécessite une coordination renforcée entre ses membres.
Le jury IDEX, de nouveau réuni en novembre 2019 pour un examen de mi-parcours, a conclu à la reconduction du financement de l’IDEX. Cette décision a été prise à l’unanimité du jury tant les garanties apportées par les établissements porteurs du projet ont été convaincantes.
L’ordonnance relative aux regroupements universitaires expérimentaux prise sur le fondement de la loi ESSOC – pour un État au service d'une société de confiance – permet en effet depuis le 1er janvier 2019 à chaque groupe d’établissements de repenser les institutions et les leviers juridiques permettant de travailler collectivement. Les porteurs du projet Lyon/Saint-Étienne ont fait le choix de s’orienter vers une université cible qui n’effacera en rien ni l’offre de formation ou de recherche, ni l’autonomie de la gouvernance du site de Saint-Étienne, qui sera pleinement intégré à l’université-cible. C’est d’ailleurs le point 2.6 du livre 1 du projet stratégique.
Autrement dit, ce projet d’IDEX ne vise nullement à restreindre la recherche ou la formation à Saint-Étienne, mais à la faire rayonner au niveau international.
M. Régis Juanico. J'aurais aimé vous répondre, mais vous avez épuisé tout le temps de parole !
Auteur : M. Régis Juanico
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement supérieur
Ministère interrogé : Enseignement supérieur, recherche et innovation
Ministère répondant : Enseignement supérieur, recherche et innovation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 2020