Violences policières lors des manifestations Gilets jaunes et retraites
Question de :
M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise
M. Alexis Corbière alerte M. le ministre de l'intérieur sur les nombreux cas de violences policières lors de différentes manifestations. 2 morts, 315 blessés à la tête, 24 éborgnés et 5 mains arrachées. Voilà le vrai bilan de son « dialogue respectueux et républicain ». Le « quota de bourdes journalières » explose : journalistes, manifestants, syndicalistes, étudiants, retraités, tous sont visés ! La répression des opposants à sa politique est de plus en plus virulente. M. le député pense par exemple à Irène, syndicaliste RATP à Montreuil qui a eu le crâne ouvert suite à de multiples coups de matraques reçus car elle avait simplement voulu ramasser son téléphone portable tombé à terre. Chaque nouvelle manifestation apporte son lot d'images de violences policières : croque-en-jambes gratuits, tirs de LBD à bout portant, passages à tabac de manifestants déjà à terre, etc. Quand même ceux qui doivent faire respecter la loi l'outrepassent, le climat ne peut s'apaiser ! M. le député a demandé, en 2019, l'interdiction des LBD et des grenades explosives, tout comme le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon. Mais non, M. le ministre s'obstine à maintenir leur usage, quitte à mettre en danger l'intégrité physique des citoyens. C'est irresponsable ! Pour que le maintien de l'ordre puisse se faire de manière paisible, il faut notamment que les consignes données soient proportionnées. Donner des ordres confus aux policiers afin de provoquer des tensions avec les manifestants est dangereux. La chaîne de commandement est la colonne vertébrale qui doit permettre un encadrement pacifique. Comme ministre de l'intérieur, c'est là sa responsabilité ! À ce jour 212 enquêtes ont été ouvertes par l'IGPN pour des soupçons de violences policières en lien notamment avec le mouvement des « Gilets jaunes ». 54 ont d'ores et déjà été classées sans suites et une seule condamnation d'un CRS, en décembre 2019, pour le jet d'un pavé lors de la manifestation du 1er mai. Les matraquages de manifestants à terre, les tirs à bouts portant, les jets de grenade à hauteur de visage, rien de tout cela n'a été sanctionné. M. le ministre lui-même a dit : « les échanges élèvent le débat, la violence le salit ». Il est temps qu'il mette fin à cette violence d'État en redéfinissant les méthodes du maintien de l'ordre et en rangeant pour de bon ses ordres violents et dangereux. Emmanuel Macron souhaite « des propositions claires pour améliorer la déontologie et le contrôle de l'action des forces de l'ordre ». Il lui demande donc quelles sont donc ses propositions.
Réponse en séance, et publiée le 5 février 2020
VIOLENCES POLICIÈRES
Mme la présidente. La parole est à M. Alexis Corbière, pour exposer sa question, n° 923, relative aux violences policières.
M. Alexis Corbière. Deux morts, 315 blessés à la tête, 24 éborgnés et 5 mains arrachées : voilà le bilan de ce que certains appellent un « dialogue respectueux et républicain » !
Le « quota de bourdes journalières » explose : des journalistes, des manifestants, des syndicalistes, des étudiants, des retraités ont été blessés au cours des récentes manifestations. Même des pompiers se sont fait frapper – nous l'avons tous vu dans les images diffusées à la télévision. La répression des opposants à votre politique est de plus en plus virulente et disproportionnée.
Je pense, par exemple, à Irène, cette syndicaliste de la RATP qui vit à Montreuil et que je connais bien : elle a eu le crâne ouvert à la suite de coups de matraque qu'elle a reçus parce qu'elle avait simplement voulu ramasser son téléphone tombé à terre – les images de cette scène ont beaucoup ému.
Chaque manifestation nouvelle apporte son lot d'images choquantes : des crocs-en-jambe gratuits, des tirs de LBD – lanceur de balles de défense – à bout portant, des coups portés à des manifestants déjà à terre. Quand même ceux qui doivent faire respecter la loi l'outrepassent, le climat ne peut s'apaiser !
J'ai demandé l'année dernière l'interdiction des LBD et des grenades explosives, tout comme le Défenseur des droits, Jacques Toubon, mais vous vous êtes obstinés à maintenir leur usage, quitte à mettre en danger l'intégrité physique de nos concitoyens. Nous venons d'apprendre que les grenades GLI-F4 ne seront plus utilisées dorénavant en raison de l'épuisement du stock, mais d'autres matériels dangereux vont les remplacer…
Pour que le maintien de l'ordre puisse se faire de manière paisible, il faut que les consignes données aux forces de l'ordre soient proportionnées. Donner des ordres confus aux policiers afin de provoquer des tensions avec les manifestants est dangereux. La chaîne de commandement est la colonne vertébrale qui doit permettre un encadrement pacifique, auquel il est de la responsabilité du ministre de l'intérieur de veiller.
À ce jour, 212 enquêtes ont été ouvertes par l'IGPN – inspection générale de la police nationale – pour des soupçons de violences exercées par des fonctionnaires de police, notamment sur des gilets jaunes : 54 ont d'ores et déjà été classées sans suite et, à ma connaissance, une seule condamnation a été prononcée, celle, en décembre 2019, d'un fonctionnaire des CRS – compagnies républicaines de sécurité – pour le jet d'un pavé lors de la manifestation du 1er mai 2019. Des coups portés à des manifestants à terre, des tirs à bout portant, des jets de grenade à hauteur de visage : sauf erreur de ma part, rien de tout cela n'a été sanctionné à ce jour.
Le ministre de l'intérieur a déclaré : « Les échanges élèvent le débat, la violence le salit. » Il est temps de mettre fin à cette violence en redéfinissant les méthodes du maintien de l'ordre et en bannissant pour de bon les ordres violents et dangereux.
Le Président de la République a souhaité « des propositions claires pour améliorer la déontologie » et le contrôle de l'action des forces de l'ordre. Monsieur le secrétaire d'État, quelles sont donc vos propositions ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Permettez-moi, monsieur Corbière, de rappeler tout d'abord le contexte dans lequel se sont déroulées les manifestations que vous avez évoquées – nous en avons déjà discuté à plusieurs reprises, notamment dans l'hémicycle. Vous le savez, ces manifestations ont été émaillées de nombreuses violences, des violences inédites, quoique des dégradations de commerces et des prises à partie des forces de l'ordre aient déjà été observées, sous le quinquennat précédent, lors du mouvement de contestation de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi El Khomri.
Depuis, la violence s'est intensifiée, au moment des premières manifestations de gilets jaunes, mais aussi, un peu avant, lors du 1er mai 2018. Il faut donc faire face à cette violence inacceptable, qui ne peut relever de la liberté de manifester.
Vous savez que les policiers et les gendarmes accomplissent un travail remarquable, que je tiens à saluer. Ils encadrent au quotidien, à travers le pays, de nombreuses manifestations, y compris bien évidemment celles organisées par des opposants au Gouvernement. Il ne s'agit pas de répression, mais d'un encadrement visant à garantir la sécurité des manifestations. Lorsque celles-ci suivent un itinéraire déclaré, que les forces de l'ordre sont en contact avec un responsable, et les choses se passent bien. Mais ce que nous avons vécu au cours de l'année écoulée est totalement différent : violences systématiques, fonctionnaires pris à partie, tentatives d'atteinte aux institutions, dégradation de commerces, le tout au cours de manifestations qui n'étaient quasiment jamais déclarées – les choses se passant mieux quand elles l'étaient. Il ne vous a pas échappé, monsieur le député, que certaines de ces manifestations ont été infiltrées par des individus de la mouvance ultra, dont le seul but est de commettre des violences.
Il a donc fallu adapter le dispositif de maintien de l'ordre public et permettre une action plus réactive des forces de l'ordre pour disperser les fauteurs de troubles et, si possible, les interpeller. C'est dans ce contexte que s'est déroulée l'action de la police et de la gendarmerie. Je tiens à le rappeler : 53 000 manifestations ont eu lieu l'année dernière. C'est un chiffre très important. Et c'est dans ce contexte que les policiers et les gendarmes se sont totalement engagés.
Vous évoquez un certain nombre de fautes. Elles ne sont pas contestées : oui, il y a eu des fautes commises par certains, mais en nombre extrêmement limité et qui, systématiquement, donnent lieu à l'ouverture d'enquêtes, notamment par l'Inspection générale de la police nationale ou par l'Inspection générale de la gendarmerie nationale. Ce sont des enquêtes supervisées par des magistrats. Vous avez cité une condamnation, mais il y en a d'ores et déjà deux. Au regard des nombreuses informations judiciaires ouvertes, il n'est pas exact de dire que ces fautes demeurent impunies. Et je répète que ceux qui les commettent sont très minoritaires. Je salue le courage remarquable des forces de sécurité intérieure qui, face à une violence inédite, ont su maintenir l'ordre républicain mais aussi – ne l'oubliez pas – ceux qui voulaient manifester pacifiquement et paisiblement. C'est le rôle, la fierté et l'honneur de la police nationale et de la gendarmerie nationale que d'avoir permis l'exercice de cette libre expression contre ceux qui voulaient y inclure de la violence.
Dénoncer de supposées violences policières ne doit pas être, en réalité, une façon d'occulter l'ultraviolence dont font preuve certains manifestants, et qui n'est pas acceptable.
Mme la présidente. La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour votre réponse, mais vous avez tort de justifier totalement l'ensemble des faits commis par des fonctionnaires de police. Nous soutenons les forces de l'ordre, c'est nécessaire, mais je crois qu'au fond de vous-même, vous ne pouvez que reconnaître qu'il s'est passé durant ces manifestations des choses intolérables, à une échelle désormais extrêmement importante. Il ne s'agit donc pas seulement d'une réponse proportionnée aux actes commis par les gens infiltrés que vous évoquez et qui sont là uniquement pour faire dégénérer les manifestations. La police, comme tout service public, doit être soutenue mais aussi critiquée quand cela se justifie. À cet égard, le faible nombre de sanctions prononcées après enquête de l'IGPN démontre une absence de célérité pour agir. La justice est pourtant beaucoup plus rapide pour sanctionner des manifestants, et dans des conditions parfois choquantes.
Auteur : M. Alexis Corbière
Type de question : Question orale
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2020