Question orale n° 937 :
Pénurie de vétérinaires

15e Législature

Question de : M. Rémi Delatte
Côte-d'Or (2e circonscription) - Les Républicains

M. Rémi Delatte interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la pénurie de vétérinaires ruraux déjà fortement ressentie au sein des exploitations d'élevage de bovins et de vaches laitières en Côte-d'Or et plus particulièrement dans sa circonscription où certains vétérinaires sont à plus de 40 kilomètres de leurs lieux d'interventions. Au niveau national sur 18 500 vétérinaires, seuls 4 000 interviennent en zone rurale, alors qu'ils sont dans ces secteurs, les garants de la sécurité sanitaire attendue tant des pouvoirs publics que des consommateurs. C'est un chiffre qui de plus, ne cesse de baisser, entraînant une pénurie de vétérinaires ruraux qui accélérera dans les 5 à 10 ans. Les raisons sont identifiées. Une réforme de la formation qui a accéléré cette crise de vocation en fusionnant les premières années d'études des étudiants voulant devenir ingénieur agronome et ceux voulant devenir vétérinaire, d'une part ; la difficulté de l'exercice en milieu rural qui nécessite un véritable engagement et la réalisation de gestes lourds comme des césariennes en cours de vêlages, d'autre part. Ainsi des 400 vétérinaires formés chaque année, un tiers n'exercera pas la profession et 80 % de ceux qui exerceront se consacreront exclusivement aux soins des chiens et chats en milieu urbain. Après la pénurie des médecins en milieu rural, les vétérinaires ruraux seraient-ils également une profession en voie de disparition entraînant un désarroi profond des éleveurs déjà très éprouvés par les conséquences des différentes crises sanitaires qui se succèdent ? Il souhaite connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour éviter cette pénurie annoncée.

Réponse en séance, et publiée le 5 février 2020

PÉNURIE DE VÉTÉRINAIRES RURAUX
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Delatte, pour exposer sa question, n°  937, relative à la pénurie de vétérinaires ruraux.

M. Rémi Delatte. Je souhaite interroger le ministre de l'agriculture sur le maillage de plus en plus distendu des activités vétérinaires agricoles, alors que celles-ci sont garantes de la sécurité sanitaire comme du bien-être animal, mais aussi indirectement de la sécurité sanitaire humaine. Au niveau national, sur 18 500 vétérinaires, seuls 4 000 interviennent en zone rurale et, parmi les 400 élèves formés chaque année, seuls deux tiers exerceront la profession, dont 80 % ne se consacreront qu'aux soins des animaux de compagnie en milieu urbain. À titre d’exemple, dans la deuxième circonscription de Côte-d’Or, le dernier vétérinaire de la rurale cessera son activité le 22 février, laissant un cheptel de 12 000 têtes de bovins sans vétérinaire à moins de 50 kilomètres.

Aussi, je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour assurer, d’une part, une meilleure attractivité de la formation vétérinaire rurale et, d'autre part, pour faciliter l'installation en milieu rural. Dans le premier cas, il pourrait s'agir d'ouvrir plus largement la formation aux élèves diplômés de l’enseignement agricole ou de spécialiser davantage l’activité agricole, voire de structurer une filière de formation spécifique qui pourrait être réduite à cinq ou six années. Quant à l'installation facilitée de la profession en milieu rural, elle pourrait passer par l’établissement de jeunes diplômés à l’issue de leurs études dans un maillage qui garantisse proximité et rapidité d’intervention, ou encore par une adaptation des conditions d’exercice aux nouvelles attentes des professionnels en matière d'exercice collectif de l'activité, de niveau de rémunération des actes ou de la délégation de certains actes. Enfin, on peut aussi prendre en compte les possibilités offertes par la médecine vétérinaire à distance et envisager une plus grande responsabilisation des éleveurs, couplée bien sûr à l’implication des vétérinaires dans la formation de ceux-ci.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Tout d'abord, monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser le ministre Didier Guillaume, qui ne peut être parmi nous ce matin.

La densité de vétérinaires en milieu rural est un sujet que le Gouvernement suit avec une vigilance particulière, tant elle est déterminante, vous l'avez rappelé, dans le dispositif de sécurité sanitaire au regard de la santé animale et de la santé publique ; elle fait d'ailleurs partie de l'une des 200 actions de l'agenda rural, tenu par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Depuis quelques années, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, quant à lui, a mis en place des stages tutorés de dix-huit semaines pour les étudiants en cinquième année d'école vétérinaire, dans le cadre d'un partenariat entre écoles et cabinets vétérinaires. Ces stages ont vocation à orienter les étudiants vers les productions animales. À ce jour, environ quatre-vingts d'entre eux en ont bénéficié grâce à un financement du ministère chargé de l'agriculture, 95 % ayant fait le choix d'exercer, à l'issue de leurs études, en productions animales. En outre, les ministres Didier Guillaume et Frédérique Vidal ont annoncé, fin 2019, la création d'une nouvelle voie d'accès aux écoles nationales vétérinaires pour les élèves de classe terminale : 160 places seront disponibles selon des modalités d'inscriptions prédéfinies, sur la base d'un dossier scolaire et d'entretiens. Ce mode supplémentaire de recrutement post-bac doit permettre de diversifier le recrutement des grandes écoles en permettant à des élèves ayant de bons résultats scolaires d'y accéder sans passer par la classe préparatoire, étape pouvant être perçue comme un obstacle. Il s'agit ainsi d'augmenter le nombre de vétérinaires formés pour la pratique rurale.

Les réflexions se poursuivent autour d'autres leviers d'action. D'une part, il s'agit d'assurer une pérennisation de la relation entre l'éleveur et le vétérinaire sur le plan technique et financier, des discussions étant en cours entre les organisations professionnelles agricoles et vétérinaires sur le principe d'une contractualisation intégrant l'obligation de soins, le suivi sanitaire du troupeau et le partage de données sanitaires. D'autre part, des initiatives locales ont vu le jour, et elles fonctionnent, telles que l'élaboration de chartes de bonnes pratiques. Permettre aux collectivités territoriales de mettre en place des mesures incitatives pour encourager et pour maintenir l'installation des vétérinaires en zone rurale fait ainsi partie de la deuxième série de mesures au titre de ces nouveaux leviers d'action. Enfin, il faut permettre la téléconsultation, en particulier dans les zones reculées. Sur ces bases, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation étudie les mesures législatives et réglementaires qu'il conviendrait de prendre pour conforter l'exercice de la médecine vétérinaire en milieu rural.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, des éléments d'information que vous venez de me transmettre. On voit bien que les stages que vous avez mentionnés sont une bonne formule pour inciter les jeunes à s'installer ensuite en milieu rural. La modification du recrutement post-bac est une autre mesure tout à fait intéressante, adossée bien sûr aux incitations qui peuvent être mises en place par les collectivités. Mais on voit bien qu'il y a tout de même un déficit démographique des vétérinaires, ce qui nécessitera, me semble-t-il, des mesures encore plus fortes, comme celle que j'ai mentionnée : la réduction de la formation à cinq ou six années.

Données clés

Auteur : M. Rémi Delatte

Type de question : Question orale

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2020

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