Mme Anne Le Hénanff, Députée, rapporteure de la section française, a participé à la réunion d’intersession de la commission des affaires économiques, sociales et environnementales de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), organisée à Luang Prabang, à l’invitation de la section du Laos, les 10 et 11 avril 2024.
Les représentants des sections de Belgique/Communauté Française/Wallonie‑Bruxelles, Bénin, Cambodge, Canada, France, Maroc, Québec étaient réunis sous la présidence par intérim de M. Lahmini Mohamed Réda (Maroc), vice-président de la commission des affaires économiques, sociales et environnementales.
Lors de la cérémonie officielle d’ouverture, M. Vongsavanh Thepphachanh, président de l’Assemblée populaire de la province de Luang Prabang, et M. Sommad Pholsena, vice‑président de l’Assemblée nationale de la République démocratique populaire lao, ont souhaité la bienvenue aux parlementaires francophones.
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Après l’adoption du compte rendu et du relevé de décisions de la précédente réunion de la commission, un tour de table a permis aux différents représentants des sections de présenter brièvement la situation économique de leur pays.
A cette occasion, Mme Virginie Dufour, rapporteure (Québec), a proposé qu’à l’avenir, cette présentation englobe les questions sociales et environnementales afin de répondre pleinement aux prérogatives de la commission nouvellement nommée depuis l’adoption des nouveaux statuts de l’APF. Les parlementaires présents ont souscrit à cette proposition.
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A la suite de la visite, la veille, des fermes Ban Suan Ai Aoun et Ban Suan Aounheuan, suivie d’un atelier de formation agroécologique, MM. François-Xavier Duporge, directeur du bureau local de l’Agence française de développement, Boris Gandon, en charge des alliances parlementaires à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), et Pierre Ferrand, en charge de l’agroécologie et des écosystèmes à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, ont présenté l’action de ces deux agences au Laos et plus particulièrement dans la région de Luang Prabang. Les représentants de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture ont ensuite fait part de leur disponibilité à accompagner les parlementaires francophones dans leurs études législatives en matière d’agriculture et d’alimentation. Ils ont proposé de communiqué aux parlementaires francophones les différents rapports des experts de la FAO pour une utilisation dans le cadre de l’élaboration de futurs corpus législatifs.
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Le point suivant de l’ordre du jour a vu Mme Virginie Dufour, rapporteure (Québec), présenter son rapport sur la protection et la préservation de la diversité biologique. La rapporteure a insisté sur le fait que la sixième phase d’extermination est en cours. Son rapport se base sur les résultats de la COP15 tenue à Montréal en 2022 qui a identifié 23 cibles pour freiner et inverser la tendance d’ici 2050. Le rapport présente à la fois les processus en cours dans l’espace francophone et partage de bonnes pratiques et des ressources.
Au cours du débat qui a suivi, Mme Anne Le Hénanff, rapporteure (France), a proposé que le rapport soit enrichi avec des exemples de lieux dans le monde où l’on voit l’impact d’une politique forte en la matière.
Pour M. Pierre Ferrand, expert de la FAO, le Costa Rica est l’exemple type de pays qui a massivement investi dans la préservation de la biodiversité à tel point que le résultat est négatif en termes d’émissions de gaz à effet de serre pour ce pays.
Le président par intérim Lahmini Mohamed Réda (Maroc) a confié à la rapporteure le soin d’élaborer une proposition de résolution sur le sujet pour la présenter lors de la 49e session plénière à Montréal le 9 juillet 2024.
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Mme Virginie Dufour, rapporteure (Québec), a ensuite présenté une communication portant sur le suivi des négociations commerciales internationales menées dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Elle s’est tout d’abord félicitée que la représentation francophone à l’OMC a été renforcée avec la récente accession des Comores le 26 février 2024. L’événement majeur à signaler a été la 13e conférence ministérielle tenue à Abou Dhabi du 25 au 27 février 2024. Cette conférence réunit les ministres du commerce tous les deux ans. Le bilan de la conférence de 2024 est nuancé avec certaines avancées mais aussi des blocages en matière de sécurité alimentaire et d’agriculture notamment. Sur les avancées, la rapporteure a indiqué que l’égalité de genre a été intégrée dans le commerce mondial ‑l’OMC appelle à un commerce inclusif et durable‑ et de nouvelles bonnes pratiques ont été intégrées comme la non-discrimination des fournisseurs de services. Différentes initiatives nouvelles ont également été signées sur la promotion d’un commerce mondial plus durable et respectant l’environnement, incluant l’élaboration d’un instrument contraignant. Des désaccords subsistent cependant sur l’agriculture : la mise à jour des règles sur la production alimentaire et agricole n’a pas pu être finalisée faute de consensus et les négociations se poursuivent.
En conclusion, la rapporteure a formulé deux suggestions. En premier lieu, elle a proposé que l’APF soit représentée au forum public 2024 et à la conférence parlementaire de l’OMC qui se tiendront à Genève du 10 au 13 septembre 2024. Ensuite, elle a suggéré d’organiser un séminaire d’information sur les questions commerciales et l’OMC au bénéficie des parlementaires francophones, sous la forme d’une visioconférence.
Au cours du débat qui a suivi, plusieurs parlementaires se sont exprimés. M. Pan Sorasak, député (Cambodge), a indiqué avoir été ministre du commerce du Cambodge pendant dix ans. Il a insisté sur la nécessité de respecter le régionalisme et de promouvoir le commerce entre pays d’une même région.
Mme Anne Le Hénanff, rapporteure (France), a fait observer que l’Europe et la France se sont dotées d’objectifs élevés en termes d’émission de gaz à effet de serre et œuvrent à un retour à une souveraineté alimentaire accompagnée d’une règlementation européenne sur les importations. Elle s’est interrogée sur les effets de ce durcissement des politiques européennes sur les accords commerciaux avec le reste du monde.
M. Sanya Praseuth, président de la section laotienne, a souligné combien ce thème est important pour le Laos et la francophonie et proposé que la section du Laos accueille en 2025 une nouvelle réunion de la commission des affaires économiques, sociales et environnementales pour prolonger cette discussion. Cette réunion pourrait être organisée dans le sud du pays, très fertile, qui exporte des produits agricoles. Une participation de représentants de la chambre de commerce du Laos pourrait être envisagée à cette occasion.
M. Lahmini Mohammed Réda, président par intérim (Maroc), a proposé que la délégation de l’APF qui se rendra à la prochaine conférence parlementaire de l’OM à Genève rencontre Mme Okonjo-Iweala, directrice générale de l’OMC.
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Mme Vénéranda Uwamariya, rapporteure (Rwanda), n’ayant pu faire le déplacement au Laos, l’examen de son rapport sur un titre foncier simplifié pour l’autonomie des femmes dans l’espace francophone africain a été reporté à la prochaine réunion de la commission.
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Concernant les prochains travaux de la commission, Mme Amnia Gerba, rapporteure (Canada), a proposé le sujet de l’entreprenariat des femmes pour leur autonomisation économique et de s’appuyer sur les travaux déjà menés sur ce thème à la fois par la commission elle-même et par le réseau des femmes parlementaires.
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Mme Anne Le Hénanff, rapporteure (France), a présenté les grandes lignes d’un projet de rapport sur la sécurisation et la régulation de l’espace numérique, articulé autour de cinq objectifs :
- réguler les pratiques commerciales des géants du numérique et proposer des actions pour limiter les abus de position dominante ;
- réguler les plateformes de l’e-commerce, et notamment les pratiques d’auto-préférence qui entravent la liberté des usagers ;
- protéger les usagers et les citoyens dans leurs pratiques au quotidien et inculquer le b.a.ba de l’hygiène numérique ;
- protéger les données, notamment stratégiques, des entreprises, des administrations publiques, des citoyens ;
- protéger les savoir-faire de nos acteurs économiques et nos patrimoines.
Pour la rapporteure, l’objectif de ce rapport est d’éclairer la communauté de l’APF sur les dangers actuels et de partager les moyens de se protéger. Elle a également souligné que réguler ne veut pas dire limiter le développement. Il faut à la fois protéger et développer, se guider en protégeant les libertés individuelles et les savoir-faire.
M. Lahmini Mohammed Réda, président par intérim (Maroc), a jugé la proposition très intéressante et proposé de mettre en place, le moment venu, un comité ad hoc pour travailler sur ce sujet et conduire ensemble le changement.
Mme Viriginie Dufour, rapporteure (Québec), a suggéré d’ajouter un volet social à la problématique, en insistant sur l’enjeu de l’accès à l’information sur le Web dans la mesure où les médias locaux sont fortement affectés par les géants du numérique.
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M. Lahmini Mohammed Réda, président par intérim (Maroc), a ensuite confié à Mme Virginie Dufour, rapporteure (Québec), et M. Maixent Djfigo, député (Bénin), la rédaction d’un prochain rapport sur l’économie circulaire.
M. Boris Gandon, FAO, a proposé le support technique des experts de la FAO sur le sujet. De la documentation est disponible sur la réduction des pertes et du gaspillage, sur la lutte contre les plastiques, sur la promotion des produits d’origine biologique, sur l’amélioration de la gestion du bétail, entre autres.
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Plusieurs informations ont ensuite été communiquées :
- Le premier corpus sur la lutte contre les changements climatiques a abouti à l’élaboration d’une véritable boîte à outils. Il a été intégré dans les programmes de coopération de l’APF, trois séminaires sur le sujet sont prévus pour 2024, en Mauritanie, en Guinée Equatoriale et dans un Etat insulaire, soit les Seychelles soit l’Ile Maurice, qui seront déclinés au niveau sous‑régional afin de permettre la participation d’un maximum de sections. Un rapport d’étape sera présenté après la première année de mise en œuvre.
Les prochains corpus législatifs traiteront de la budgétisation sensible au genre, projet piloté par le réseau des femmes parlementaires, la protection des lanceurs d’alerte, sous la responsabilité de la commission des affaires parlementaires. Les bailleurs de fonds prêts à financer ces deux études sont déjà identifiés et les experts sélectionnés.
Ensuite, d’autres sujets pourraient faire l’objet de nouveaux corpus comme la lutte contre les médicaments falsifiés, la biorésistance aux antibiotiques, l’agroécologie, la lutte contre les déchets plastiques, qui fait l’objet d’une coalition internationale de parlementaires. M. Bruno Fuchs, délégué général de l’APF, a décidé de soutenir cette initiative et adressé une circulaire en ce sens aux sections de l’APF. La commission des affaires économiques, sociales et environnementales pourrait suivre l’élaboration du corpus législatif correspondant.
M. René Collin, député (Belgique/Communauté Française/Wallonie-Bruxelles), a regretté que les situations des entités fédérées n’aient pas été prises en compte par l’experte qui a élaboré le premier corpus législatif sur les changements climatiques. En Belgique, de larges compétences sont confiées aux régions en matière de politique climatique. Il faudra veiller à mieux prendre en compte les prérogatives des entités fédérées pour les prochaines études.
Mme Viginie Dufour, rapporteure (Québec), a également regretté cette absence de prise en compte des compétences des provinces canadiennes et des parlements infrarégionaux. Elle a par ailleurs insisté sur la nécessité de mieux communiquer sur cette première expérience pour qu’elle soit largement diffusée et partagée. S’agissant du prochain sujet relatif à la lutte contre les médicaments falsifiés, il faudrait veiller à intégrer la problématique des produits vétérinaires, de même pour la résistance aux antibiotiques. Concernant la lutte contre les plastiques, les chaines d’approvisionnement et l’utilisation élevée de plastiques d’emballage sont un enjeu majeur.
Elle a proposé d’intégrer le travail déjà effectué par de nombreux experts québécois, qui disposent par ailleurs de financements. Elle a également alerté sur certaines alternatives aux plastiques qui parfois se révèlent pires, à l’instar des petits contenants en carton qui nécessitent un revêtement en composés perfluorés très dangereux. Enfin, elle a partagé l’initiative du Québec qui a introduit la responsabilité élargie des producteurs. Ceux-ci doivent récupérer leurs produits en fin de vie.
M. Boris Gandon, représentant de la FAO, a proposé de faire bénéficier l’APF de l’expertise de ses équipes. La FAO travaille avec le parlement panafricain sur deux modèles de lois portant sur le genre et le climat. En outre, la FAO dispose d’une plateforme sur la résistance antimicrobienne et souhaiterait inclure les parlementaires dans ce dispositif. La FAO mène également des travaux sur l’utilisation du plastique dans le secteur agricole. L’ONU a d’ailleurs sollicité l’organisation pour des recommandations juridiques et techniques.
Mme Anne Le Hénanff, rapporteure (France), a souscrit aux propos de Mme Virginie Dufour. La France a interdit la distribution de sacs en plastique dans les magasins. C’est une réussite culturelle. Néanmoins, les solutions de substitution proposées peuvent avoir des effets pervers. L’Assemblée nationale vient d’adopter une proposition de loi du groupe Ecologiste sur les polluants éternels, dont les impacts notamment sur la santé humaine sont dramatiques en termes de fertilité, de cancers, etc. Il faut en avoir conscience au moment de proposer des alternatives.
M. Lahmini Mohammed Réda, président par intérim (Maroc), a indiqué que la Maroc a également interdit, il y a quatre ans, les sacs en plastique. Malheureusement l’économie informelle continue à les proposer.
- Le prochain Sommet de la Francophonie se tiendra à Paris et Villers-Cotterêts les 4 et 5 octobre 2024. A cette occasion, l’APF publiera un avis à destination des Etats et des gouvernements de la Francophonie qui portera sur le thème « améliorer la mobilité citoyenne dans la Francophonie pour promouvoir la création, l’innovation et l’entreprenariat ». Les sections sont invitées à participer à la rédaction de cet avis.
En outre, la veille du Sommet, le 1er ou le 2 octobre 2024, un symposium sera organisé par l’APF à Paris sur ce thème. L’Agence française de développement (AFD) accompagnera l’organisation et le financement de ce symposium.
- Lors de la 49e session plénière de l’APF à Montréal en juillet 2024, une question sera posée au nom de la commission à la secrétaire générale de l’OIF, Mme Louise Mushikiwabo. Un projet sera diffusé prochainement aux membres de la commission.
- Concernant les prochains thèmes de travail de la commission, les propositions suivantes ont été émises : les énergies renouvelables, le numérique, l’IA, l’automatisation des dispositifs industriels, l’entreprenariat.
M. René Collin, député (Belgique/Communauté Française/Wallonie/Bruxelles), a insisté sur l’intérêt de la thématique des énergies renouvelables. Il est nécessaire d’obtenir un état des lieux, d’analyser les paramètres de rentabilité, les effets pervers, et d’aboutir à l’élaboration d’une boîte à outils comprenant les bonnes pratiques en la matière.
Mme Anne Le Hénanff, rapporteure (France), a demandé qu’un bilan des engagements pris et des réalisations soit fait, ainsi que des points d’étape réguliers.
S’agissant du point de l’ordre du jour consacré à l’actualité économique des sections, elle a rappelé que la section du Québec a demandé que ce point de situation inclue également les questions sociales et environnementales. Notant par ailleurs que beaucoup d’échanges sur ce sujet ont eu lieu en marge de la réunion, elle a plaidé pour qu’un débat puisse être organisé à la suite de ce tour de table. Les parlementaires ont besoin de réagir et d’interagir entre eux sur ces questions.
- La prochaine réunion d’intersession de la commission au printemps 2025 se tiendra en Hongrie, à l’invitation de la section hongroise.
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M. Sanya Praseuth, président de la section laotienne, a clôturé les travaux en saluant le succès éclatant de la réunion. Les échanges ont permis d’identifier plusieurs défis auxquels l’espace francophone est confronté et de découvrir de nombreuses bonnes pratiques pour relever ensemble, entre pays francophones, ces défis.