- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
- Mission visée : Relations avec les collectivités territoriales
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Supprimer cet article.
Cet amendement a été travaillé avec l'Association Départements de France.
En créant un mécanisme indifférencié d’écrêtement des recettes, habillé en « fonds de réserve », contre les collectivités territoriales, ce projet de loi de finances nie au moins quatre réalités :
1) les Départements ne sont pas responsables du creusement du déficit et de la dette publique ; 2) ils ont déjà largement participé à leur redressement depuis la fin de la crise covid ;
3) nombre d’entre eux considèrent que boucler leur budget 2025 n’est déjà pas tenable ;
4) ils disposent déjà de réels et solides mécanismes de précaution entre eux.
Dans le détail, les Départements totalisaient 44 Md€ de dette à fin 2023 soit moins de 1,5 % de la dette publique.
S’il est probable que cette dette se creuse compte tenu de la situation financière, elle reste maîtrisée. Surtout, depuis 2021 : les Départements ont absorbé l’inflation sur leurs propres dépenses, leur DGF n’a pas été indexée (soit 1,5 Md€ absorbés en 2022-2023), ils ont également dû prendre en charge des dépenses décidées par l’État et peu voire pas compensées (près de 3 Md€), ils ont fait face à l’augmentation importante de leurs dépenses sociales (estimée à environ 5% rien que pour l’année 2024). Sans compter les transferts masqués, au travers desquels les conseils départementaux réalisent dans de multiples domaines des missions que l’État ne prend plus en charge, par choix ou par impossibilité.
Pire, un tel mécanisme viendrait aggraver l’asphyxie budgétaire que connaissent les collectivités départementales, avec une hausse des dépenses non pilotables et une baisse des recettes. Les droits de mutation (DMTO) chutent depuis deux ans (-3,5 Md€ de DMTO à fin 2023 par rapport à 2022, sans compter 2024 dont la baisse peut raisonnablement être estimée à environ -2,5 Md€), et les autres recettes (principalement des transferts de TVA) sont inférieures aux prévisions[1].
Conscients de l’état des finances publiques de l’État, les Départements ont pour autant maîtrisé leurs dépenses et ont même respecté la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques, puisqu’en 2022 et 2023, leurs dépenses réelles de fonctionnement ont évolué en dessous des -0,5% par rapport à l’inflation après retraitement des allocations individuelles de solidarité et des dépenses d’aide sociale à l’enfance comme prévu par la loi (2,4% en deçà de l’inflation en 2022 et 0,7% en deçà en 2023 ; -5,6% et -1,8% si on soustrait également les dépenses supplémentaires imposées par l’État depuis 2022).
Ils se sont cependant engagés, à leur demande, dans des mécanismes de précaution au cours des dernières années : mises en réserve, fonds de péréquation horizontale créé en 2020 (1,9 Md€ en 2024, 1,45 Md€ prévu en 2025) et fonds de sauvegarde (qui va passer de 102 à 37 M€ si rien n’est fait), qu’il est nécessaire d’abonder.
On rappellera par ailleurs que les budgets de fonctionnement des collectivités territoriales sont obligatoirement votés à l’équilibre.
Dans l’hypothèse où l’État s’entêterait à réduire encore les moyens d’action des collectivités, l’investissement sera la variable d’ajustement de leurs budgets. Pour 2025, les constructions et rénovations de collèges, les dépenses d’intervention dans la culture, le tourisme ou le sport et le soutien au bloc communal (1,5 Md€ en 2023) feront certainement l’objet de coupes budgétaires.
Pour ceux les plus en difficulté (un tiers en 2025, soit deux fois plus qu’en 2024), la situation s’apparente même à une quasi-faillite.
Les Départements sont prêts à une réflexion au long cours sur l’autonomie fiscale, mais déplorent ce trouble dissociatif de Bercy qui, d’un côté, enjoint de réduire leurs dépenses et, de l’autre, valide des augmentations unilatérales de façon régulière.
Tous les derniers rapports, y compris ceux de la Cour des comptes, insistent sur la situation singulière des collectivités départementales. En fragilisant leurs recettes à un moment où celles-ci déclinent, cet article instaure une double peine.
Parce qu’elle pose la question même de l’avenir des Départements – que certains n’ont pas renoncé à supprimer – ce mécanisme, qui n’a rien de contractuel, mais tout de coercitif et contre-productif, est contraire aux demandes de proximité de nos concitoyens et à la volonté de dialogue et d’écoute affichée par le Gouvernement.
Il doit donc être supprimé.
[1] La révision de l’hypothèse d’évolution de la TVA à 0,8% au lieu de 5,4% dans le PLF 2024 représenterait une perte de recettes d’environ 960 M€ par rapport aux deux fractions de TVA prévisionnelles notifiées en début d’année.