- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
- Mission visée : Sécurités
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conséquences financières du renouvellement de la flotte des avions et des hélicoptères de la sécurité civile. Ce rapport fait état du calendrier prévisionnel de paiement et de livraison des aéronefs, des acquisitions envisagées à l’avenir, ainsi que des alternatives européennes et notamment françaises aux autres constructeurs étrangers.
Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport sur le renouvellement de la flotte des avions et des hélicoptères de la sécurité civile.
Cette flotte aérienne, actuellement composée de vingt-trois avions et de trente-sept hélicoptères, fait aujourd’hui face à un urgent besoin d’investissement. Ces dernières années, de nombreuses pannes, problèmes d’approvisionnement en pièces de rechange et difficultés de maintien en condition opérationnelle des aéronefs ont été constatés, avec seulement quatre Canadairs sur douze en état de voler certains jours durant la saison des feux cette année, ce qui a fortement limité leur capacité d’intervention.
Face à cela, la DGSCGC loue des avions et des hélicoptères afin de compléter sa flotte durant la saison des feux. Si ces locations constituent une solution d’appoint utile à court terme, elle ne peut qu’être ponctuelle et temporaire, d’autant qu’elle s’avère coûteuse d’année en année (les coûts de location s’élèveraient à 30 millions d’euros en AE et en CP dans le projet de loi de finances pour 2025, contre 7 millions d’euros l’année dernière). Il est donc essentiel que notre pays se dote en propre de nouveaux aéronefs.
Aussi, l’annonce du renouvellement de la flotte des hélicoptères EC145 par les nouveaux H145, et d’acquisition de nouveaux avions bombardiers d’eau DHC-515, conformément aux orientations définies dans la LOPMI, doit être saluée. Ces programmes sont les bienvenus face au vieillissement de la flotte et au réchauffement climatique, augmentant le nombre et l’intensité des feux de forêt, entrainant ainsi une sur-sollicitation des appareils, ce qui accélère leur usure et augmente le risque d’accident.
Les rapporteurs spéciaux émettent toutefois des doutes quant à la capacité du constructeur canadien De Havilland, en situation de monopole sur les canadairs, à relancer sa chaîne de production afin de respecter son calendrier de livraison des deux DHC-515 conclus par la France dans le cadre du programme européen RescUE. Alors que le premier avion devrait être livré en 2027, le directeur général de la sécurité civile a lui-même admis aux rapporteurs spéciaux lors de son audition que les appareils ne seraient vraisemblablement pas livrés avant 2029‑2030.
Par ailleurs, si le contrat prévoit la possibilité de commander jusqu’à quatorze appareils supplémentaires, seuls deux avions ont été signés à l’heure actuelle, si bien que l’objectif de seize nouveaux avions affichés dans la LOPMI est encore loin d’être atteint. Les rapporteurs spéciaux regrettent d’ailleurs que la mise en œuvre de la LOPMI ne s’appuie sur aucun document stratégique afin que la DGSCGC les décline dans des plans d’investissements pluriannuels, comme le soulignait la Cour des comptes dans son référé consacré à la flotte aérienne en juillet 2022.
De plus, les rapporteurs spéciaux déplorent que le décret d’annulation du 21 février 2024 annulant 52,8 millions d’euros en AE et en CP pour le programme 161 porte justement sur les crédits d’investissement dédiés à l’acquisition de ces nouveaux aéroenefs : il s’agit là d’un très mauvais signal envoyé aux acteurs de la sécurité civile, qui affaiblit la crédibilité même du projet.
Enfin, la dépendance de la France et de l’Europe à un constructeur canadien en situation de monopole pose la question de la souveraineté industrielle de notre pays, d’autant qu’il ne peut être exclu que ce constructeur favorise à terme sa demande domestique et celle des États-Unis. C’est pourquoi des projets d’avions bombardiers d’eau européens doivent pouvoirs être soutenus et développés.
Ces différentes lacunes et incertitudes ne sont pas acceptables sur un sujet aussi sensible que le dimensionnement de notre flotte à la hauteur des risques auxquels le pays est confronté. C’est la raison pour laquelle les rapporteurs spéciaux demandent au Gouvernement de remettre à la représentation nationale un rapport dressant un retour d’expérience des procédures d’acquisitions passées et en cours, décrivant sa stratégie de renouvellement de la flotte et étudiant les solutions alternatives à la reconduction de l’existant pour préserver notre souveraineté.