- Texte visé : Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, n° 325
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
- Code concerné : Code de la sécurité sociale
L’article L. 162‑5 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 8° est complété par les mots : « , notamment lorsqu’il s’agit d’installations dans les territoires où l’offre de soins est insuffisante, ou minorés lorsque l’offre de soins est considérée comme suffisante. » ;
2° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les conventions nationales sont adaptées par territoire en fonction de l’atteinte des objectifs d’égal accès aux soins, de continuité des soins et de l’équilibre territorial de l’offre de soins suivant les préconisations du conseil territorial de santé mentionné à l’article L. 1434‑10 du code de la santé publique.
« À titre expérimental pour une durée de trois ans, et dans cinq communautés professionnelles territoriales de santé volontaires, le représentant de l’État chargé de la mise en œuvre de la politique de santé dans ces départements, détermine par arrêté, après concertation avec ces communautés professionnelles territoriales de santé, les zones mentionnées au 2° de l’article L. 1434‑4 dans lesquelles est constaté un fort excédent en matière d’offre de soins. Le conventionnement d’un médecin libéral en application de l’article L. 162‑5 du code de la sécurité sociale est soumis aux zones d’exercice définies par l’agence régionale de santé ;
« Six mois avant la fin de l’expérimentation, un comité composé de députés, de sénateurs, de représentants des collectivités territoriales, des administrations compétentes de l’État et des ordres des professions de santé concernées procède à l’évaluation de sa mise en œuvre. Le rapport établi par ce comité est transmis au Parlement et au Gouvernement.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins, fixe les conditions d’application du présent article. »
L’égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire français est une priorité absolue. Le droit à la santé est un principe à valeur constitutionnelle reconnu par l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946.
Pilier de notre modèle social, l’Assurance maladie doit apporter un concours actif à transcrire cette priorité en une réalité pour chaque patient. Son effectivité est pourtant remise en question.
Bien que la cotisation soit la même pour l’ensemble des assurés sociaux, certains citoyens vivent une véritable rupture d’égalité. 87 % des Français vivent dans un désert médical et 6,7 millions de Français n’ont pas de médecin traitant.
Les déserts médicaux ne cessent de s’étendre et touchent en premier lieu le monde rural. Ces patients doivent alors parcourir des dizaines de kilomètres avant de trouver un médecin généraliste, tandis que les délais d’attente pour consulter un spécialiste peuvent atteindre plusieurs mois voire années. En conséquence les services d’urgence sont engorgés.
La société a changé, le vieillissement de la population et l’évolution des pathologies, désormais de plus en plus chroniques, créent un besoin croissant de la population en terme d’accès aux soins.
Selon une étude de mai 2023, réalisée par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, près de 80 % des médecins généralistes libéraux jugent aujourd’hui insuffisante l’offre de médecine générale dans leur zone d’exercice. En 2022, environ 65 % des médecins déclarent être amenés à refuser de nouveaux patients en tant que médecins traitants. La part de médecins ne pouvant plus suivre régulièrement certains patients s’est accentuée pour atteindre 44 % en 2022.
Rapporté à la population, le nombre de médecins varie en fonction des territoires. Selon les départements, les taux oscillent entre 49 et 409 médecins pour 100 000 habitants en 2023. Le Cher et l’Indre, les deux départements du Berry, ne comptent que 197 médecins pour 100 000 habitants.
L’enjeu, au-delà du nombre de médecin, est donc le maillage sur l’ensemble du territoire. Les inégalités sont aussi infra-départementales, les zones rurales ou en périphérie des villes sont particulièrement touchées ce qui accentue les inégalités.
La fin du numérus clausus, voté dans la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, a été complété par la loi du 7 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par la territorialisation et la formation. Ces mesures visent à former davantage de médecins en prenant en compte les besoins de santé du territoire par rapport aux capacités de formation des universités. Cependant ces mesures s’inscrivent sur le long terme, les effets ne sont pas attendus avant 2030. Or et les patients ne peuvent rester dans l’attente. La situation requiert des mesures de court terme en attendant que les nouveaux médecins formés complètent l’offre de soin actuelle.
Le conventionnement sélectif est tel que le conventionnement avec l’assurance maladie d’un professionnel de santé qui souhaite s’installer dans un territoire donné est subordonné à la cessation définitive d’activité dans la même zone d’un autre praticien de la même profession. Ce dispositif existe déjà pour faire face à la pénurie de professionnels de santé dans certaines zones pour les sages-femmes et les chirurgiens-dentistes (articles L. 162‑9, 8° , du code de la sécurité sociale), les infirmiers (articles L. 162‑12‑2, 3° , du code de la sécurité sociale) et les masseurs-kinésithérapeutes (articles L. 162‑12‑9, 3° , du code de la sécurité sociale).
Ce dispositif de conventionnement sélectif est mis en place en Allemagne, Autriche, Danemark, en Norvège ou encore au Royaume-Uni.
La santé des patients est la priorité des médecins, rappelée par le serment d’Hippocrate. Si le statut libéral des médecins de ville s’oppose à ce que soit pris à leur encontre des mesures coercitives, ces professionnels, acteurs majeurs de la santé des Français qui méritent notre entier respect, doivent être fortement incités à prendre une part active à cette égalité d’accès.
Cet amendement vise à mettre en place un dispositif de régulation du conventionnement incitatif pour assurer un meilleur maillage des médecins sur l’ensemble du territoire.