Fabrication de la liasse

Amendement n°AS8

Déposé le vendredi 15 novembre 2024
Discuté
Rejeté
(mercredi 20 novembre 2024)
Photo de monsieur le député Gaëtan Dussausaye

Au début du titre III du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :

« CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

« Encadrement des indemnités de départ pour les cadres dirigeants

« Art. L. 3230‑1. – Le présent chapitre s’applique aux cadres dirigeants ou aux mandataires sociaux, qu’ils soient ou non régis par le présent code, des sociétés, des groupements ou des personnes morales, quel que soit leur statut juridique, et des établissements publics à caractère industriel et commercial.

« Art. L. 3230‑2. – Sont interdites les indemnités de départ pour les cadres dirigeants ou les mandataires sociaux lorsque ces derniers quittent leurs fonctions de manière volontaire ou en cas de départ pour motifs de performance insuffisante ou de manquement aux règles de déontologie et de conformité applicables à leurs fonctions.

« Art. L. 3230‑3. – Toute indemnité de départ versée aux cadres dirigeants ou mandataires sociaux dans les cas non visés à l’article L. 3230‑2 remplit les conditions cumulatives suivantes :

« 1° Ne pas dépasser un plafond fixé par décret, proportionnel aux rémunérations annuelles perçues au cours des trois dernières années d’exercice ;

« 2° Être conditionnée à des critères de performance fixés préalablement dans le contrat de travail ou dans la convention d’entreprise et validés par le conseil d’administration ou l’organe de surveillance compétent ;

« 3° Être approuvée par l’assemblée générale.

« Art. L. 3230‑4. – Toute indemnité de départ versée en violation des articles L. 3230‑2 et L. 3230‑3 est nulle de plein droit et est restituée par le bénéficiaire à l’entreprise. »

Exposé sommaire

L’objectif de cet amendement est de mettre fin aux abus relatifs aux indemnités de départ excessives perçues par certains cadres dirigeants, indemnités qui sont souvent déconnectées de leurs performances réelles ou de leur impact social. Bien que la loi TEPA du 21 août 2007 ait introduit des premières mesures d’encadrement des « parachutes dorés », cette législation a démontré ses limites dans la prévention des dérives de ce type de versements.

En effet, malgré les intentions initiales de la loi TEPA, qui visait notamment à conditionner ces indemnités à la performance économique des bénéficiaires et à une décision de l’assemblée générale des actionnaires, plusieurs affaires médiatisées ont révélé les failles persistantes de ce cadre juridique. Un cas emblématique est celui d’Alstom en 2014, où des indemnités considérables ont été versées à des dirigeants malgré la cession d’une partie importante des activités stratégiques de l’entreprise. À l’époque, Patrick Kron, alors PDG d’Alstom, a perçu une indemnité de départ de plus de 4 millions d’euros, un montant choquant au vu des retombées économiques et sociales de la vente de la branche énergie d’Alstom à l’américain General Electric, vente qui a contribué à une perte d’autonomie industrielle pour la France. Cette indemnité, jugée excessive par de nombreux observateurs, a illustré le caractère souvent inapproprié des indemnités de départ pour des dirigeants dont les décisions ont des conséquences stratégiques majeures pour l’économie nationale.

Un autre exemple marquant de l’inadéquation du cadre actuel est la menace pesant actuellement sur la vente de la marque française Doliprane par le groupe Sanofi, qui envisage de céder cette division emblématique à un fonds d’investissement américain. Les craintes relatives à cette vente concernent la possible délocalisation de la production, ainsi que la perte d’un acteur majeur de la production pharmaceutique française. L’encadrement insuffisant des indemnités de départ pour les dirigeants de Sanofi pourrait permettre, dans ce contexte, le versement de compensations élevées en cas de départ, même si cette vente devait entraîner des effets délétères pour le marché de l’emploi et l’accès aux médicaments en France. Selon des estimations récentes, les indemnités de départ des cadres dirigeants de grands groupes du CAC 40 peuvent atteindre plusieurs millions d’euros, bien que des décisions stratégiques comme celle de Sanofi aient des conséquences significatives pour l’industrie nationale.

Ces exemples démontrent que la loi TEPA n’a pas permis d’empêcher les dérives relatives aux indemnités de départ, notamment lorsque des décisions sont prises à l’encontre des intérêts stratégiques français ou du bien-être des salariés. En renforçant les conditions d’octroi de ces indemnités et en restreignant les versements en cas de départ volontaire, de démission pour insuffisance de performance ou de manquements éthiques, cet amendement vise à pallier les lacunes de la loi TEPA et à restaurer une justice sociale et économique au sein des grandes entreprises opérant sur le territoire français.