Séance du lundi 08 septembre 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Ouverture de la session extraordinaire
- 2. Démission d’office de trois députés
- 3. Déclaration de politique générale, débat et vote sur cette déclaration
- Suspension et reprise de la séance
- Vote en application de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution
- 4. Levée de la séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Ouverture de la session extraordinaire
Mme la présidente
En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire convoquée par le président de la République par décret du 27 août 2025.
2. Démission d’office de trois députés
Mme la présidente
J’ai reçu du Conseil constitutionnel communication de trois décisions déclarant, en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral, Mme Brigitte Barèges, M. Jean Laussucq et M. Stéphane Vojetta inéligibles pendant un an à compter du 11 juillet 2025 et, en conséquence, démissionnaires d’office. Acte a été pris de ces communications au Journal officiel du 12 juillet 2025. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Plusieurs députés du groupe UDR
Quelle honte !
M. Emeric Salmon
Ça commence bien !
Mme la présidente
C’est une séance importante, je vous remercie de garder le silence.
3. Déclaration de politique générale, débat et vote sur cette déclaration
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la déclaration de politique générale du gouvernement faite en application de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution, le débat et le vote sur cette déclaration.
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Cette épreuve de vérité, comme chef du gouvernement, avec l’assentiment du président de la République, je l’ai voulue. J’ai voulu ce rendez-vous, et certains d’entre vous, les plus nombreux, les plus sensés probablement, ont pensé que c’était déraisonnable, que c’était un trop grand risque. Or je pense exactement le contraire. Le plus grand risque était de ne pas en prendre, de laisser continuer les choses sans que rien ne change, de faire de la politique comme d’habitude,…
Un député du groupe LR
Comme à votre habitude !
M. François Bayrou, premier ministre
…de vouloir durer sans prendre les décisions courageuses qui s’imposent, jusqu’au moment où l’irréparable est là et où l’on arrive au bord de la falaise.
Un député du groupe LFI-NFP
Ça fait huit ans !
M. François Bayrou, premier ministre
Car ce dont nous traitons aujourd’hui, ce n’est pas une question politique, c’est une question historique. (Sourires sur les bancs des groupes LFI-NFP et Ecos.)
Quelques députés du groupe LFI-NFP
Ah bon ?
M. François Bayrou, premier ministre
Les questions politiques, ce sont celles qui concernent les partis, les rivalités des uns avec les autres et les enjeux de pouvoir. Les questions historiques, ce sont celles qui concernent les peuples et les nations. Les questions politiques, ce sont celles qui concernent les adultes qui se disputent tout le temps. Les questions historiques, ce sont celles qui concernent les enfants et le monde que nous leur construisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.)
Mme Danielle Simonnet
Les applaudissements sont un peu mous !
M. François Bayrou, premier ministre
Les questions politiques, ce sont des questions pour la prochaine élection. Les questions historiques, ce sont des questions pour la prochaine génération, des questions pour demain qui se jouent aujourd’hui.
Tous, nous savons que notre pays, au-delà de l’orientation décisive qui sera tranchée aujourd’hui, se trouve devant un immense champ de questions qui appelleront, dans les années qui viennent, des changements profonds.
Je veux, en cinq minutes, vous citer les plus graves de ces questions. Nous sommes devenus, depuis l’an 2000, un pays qui produit moins que les autres, moins que ses voisins.
Un député du groupe RN
La faute à qui ?
M. François Bayrou, premier ministre
Mesuré par le PIB par habitant, notre retard de production sur nos voisins les plus proches, qu’ils soient allemands ou belges, est de 15 %. Sur nos voisins néerlandais, il est de plus de 30 %, et ce malgré les efforts faits ces dernières années sur la création d’entreprises, sur l’emploi et sur l’investissement, notamment avec France 2030.
Imaginez ce que seraient nos revenus familiaux et les ressources de l’État, si nous disposions de 15 ou de 30 % de plus à partager, si nos salaires étaient de 15 ou 30 % plus élevés et les ressources de l’État de 15 à 30 % plus abondantes. Si nous avions la production de nos voisins, la France n’aurait aucun problème de déficit ou de dette. La production, c’est donc notre urgence nationale.
Parallèlement, et non sans lien, nous sommes devant un immense problème d’éducation nationale.
M. Emeric Salmon
C’est le ministre de l’éducation nationale qui est en train de parler ?
M. François Bayrou, premier ministre
Notre école, notre collège, notre lycée, nos universités, jadis autant d’exemples pour la planète entière, sont aujourd’hui déclassés,…
M. Alexis Corbière
C’est pourquoi vous devez partir !
M. François Bayrou, premier ministre
…en raison de la chute de la maîtrise des fondamentaux, de l’écrit, de la lecture, de la langue, de l’arithmétique élémentaire ainsi que des difficultés rencontrées dans l’orientation qui est trop précoce, trop angoissante, trop mécanique et qui n’assure pas la promesse républicaine – égalité des chances d’où qu’on vienne et, s’il le faut, deuxième, voire troisième chance. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Philippe Brun
La faute à qui ?
M. Benjamin Lucas-Lundy
Qui gouverne ?
M. Jean-Paul Lecoq
Qui était ministre de l’éducation il y a trente ans ?
M. François Bayrou, premier ministre
Nous sommes devant une immense question de modèle social. Inventé il y a quatre-vingts ans, sous l’inspiration du Conseil national de la Résistance, celui-ci est aujourd’hui gravement déficitaire, car il est déstabilisé par l’évolution démographique, le vieillissement des Français et le déséquilibre du système de retraites.
Un député du groupe LFI-NFP
Et par vos politiques !
M. Thibault Bazin
Et par le faible taux d’emploi !
M. François Bayrou, premier ministre
Nous sommes devant une immense question de logement. Logement des familles, parcours de la location à la propriété pour ceux qui le souhaitent, logement des jeunes et des étudiants, logement d’urgence : le modèle est à réinventer.
Nous sommes le pays du monde qui a le mieux identifié l’enjeu écologique, le développement durable et la production décarbonée.
Mme Sandrine Rousseau
C’est une blague !
Mme Julie Laernoes
Et le moratoire sur les énergies renouvelables ?
M. François Bayrou, premier ministre
C’est une fierté, mais en un temps où cet enjeu est battu en brèche un peu partout sur la planète, c’est un défi de mobilisation générale.
Nous sommes devant une immense exigence et une inquiétude qui portent sur la sécurité, notamment la sécurité de tous les jours – le respect de l’intégrité des biens et des personnes. Nous savons que cette inquiétude, c’est d’abord celle des plus fragiles. Sécurité et justice sont les deux faces de notre premier devoir d’État.
Mme Christine Arrighi
Les réponses, c’est quand ?
M. François Bayrou, premier ministre
Nous sommes devant la question que les migrations posent à nos pays et à nos sociétés. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.)
Mme Sabrina Sebaihi
Les migrations ou l’immigration ?
M. François Bayrou, premier ministre
Les migrations sont liées aux différences de développement, à la misère chez les uns avec une démographie expansive, à l’abondance chez les autres avec une population déclinante, sans compter la déstabilisation climatique. Nous avons donc deux obligations : contrôler et maîtriser les arrivées et intégrer ceux qui sont – et seront – là, par le travail, par la langue et par l’engagement à respecter nos principes de vie. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Je dois ajouter l’aménagement du territoire dans l’Hexagone, touché par des déséquilibres entre les métropoles et les nouveaux déserts français. Transports, équipements, centres de décision : les territoires sont en demande et ont souvent l’impression que nul ne les entend. Je pense aussi à nos outre-mer, qui font face à des enjeux de vie quotidienne et de destin, dont nous savons qu’ils doivent être totalement réinventés. Ces enjeux, le gouvernement les a saisis dès son installation.
Tout cela est immense et urgent. C’est une magnifique cathédrale à reconstruire pour un peuple qui le mérite, un peuple avec des capacités à nulle autre pareilles, au premier rang dans le monde pour les sciences fondamentales, pour les mathématiques, pour la physique, pour la chimie, pour la génétique, pour la pharmacie, pour les technologies, pour le quantique, pour l’algorithmique, pour la robotique ; et au premier rang dans le monde, à l’égal des empires, pour le spatial, pour l’aviation, pour les hélicoptères, pour la construction navale, pour les sous-marins, pour les centrales nucléaires.
M. Laurent Jacobelli
Et pour la générosité sociale !
M. François Bayrou, premier ministre
Tout cela, c’est une économie qui a conquis les sommets et qui doit reconstruire les camps de base et rééquilibrer son commerce extérieur, en commençant par le développement de l’agriculture, de l’industrie, de l’automobile, où nous avons des atouts, jusqu’à l’équipement de la maison, dont nous sommes presque absents.
Mme Sophia Chikirou
Vous avez fait quoi au haut-commissariat au plan ? (Exclamations sur les bancs des groupes RN, EPR et DR.)
Mme la présidente
S’il vous plaît, madame Chikirou ! Vous n’avez pas la parole. Merci de laisser M. le premier ministre s’exprimer.
M. François Bayrou, premier ministre
Mais tout cela est aujourd’hui soumis à la question dont tout dépend, à la question vitale, d’urgence vitale – car notre pronostic vital est engagé – dont dépendent notre État, notre indépendance, nos services publics et notre modèle social : la maîtrise de nos dépenses et du surendettement. (« Oh là là ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Votre soutien, l’accord minimal sans lequel je ne pourrai pas poursuivre ma mission, je le demande à l’Assemblée nationale sur un seul point, qui est décisif : le constat de la situation du pays. La France n’a pas connu de budget en équilibre depuis cinquante et un ans.
M. Hervé de Lépinau
La faute à qui ?
M. François Bayrou, premier ministre
Depuis cinquante et un ans, tous les ans, les dépenses s’accroissent, les déficits se répètent et les dettes s’accumulent.
M. Laurent Jacobelli
Laissez la place !
M. François Bayrou, premier ministre
Tous les ans, nous dépensons plus – et souvent, beaucoup plus – que nos ressources de l’année. Cela se justifie, bien sûr, lorsqu’il faut passer des crises : la crise des subprimes, crise financière mondiale sous Nicolas Sarkozy, et l’incroyable succession de coups du sort depuis 2020 – le covid, la guerre en Ukraine, la crise énergétique, l’inflation et les menaces en tout genre. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Mais nous ne revenons jamais en arrière : nous continuons à dépenser. C’est devenu un réflexe – pire encore, une addiction. Les dépenses ordinaires du pays, les dépenses pour notre vie de tous les jours, pour les services publics, pour les retraites, pour le remboursement de nos feuilles de sécurité sociale, nous avons pris l’habitude de les financer à crédit.
M. Jean-Paul Lecoq
Et les cadeaux aux riches ?
M. François Bayrou, premier ministre
Cela entraîne donc un dépassement systématique des dépenses.
Tous les ans, pour acquitter chaque euro de ces dépassements de dépenses, il a fallu emprunter, comme un ménage ou une entreprise empruntent à la banque en cas de déficit. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Un euro de déficit, c’est un euro de dette supplémentaire. L’addition des déficits, qui atteint plusieurs milliards chaque année, nous a conduits à une écrasante accumulation – 3 415 milliards d’euros de dette à cette heure précise.
M. Christophe Bentz
À qui la faute ?
M. François Bayrou, premier ministre
Cette accumulation a un prix : la ponction que le service de la dette représente tous les ans, c’est-à-dire ce qu’il faut payer aux créanciers pour les intérêts et la part de capital qu’on doit rembourser. Impossible de ne pas l’acquitter ; sinon, c’est la banqueroute. Sans honorer ces paiements, nous ne trouverions plus à emprunter un centime. Or, dans un pays comme le nôtre, nous ne pouvons pas vivre sans emprunter : nous en avons besoin pour payer les fonctionnaires, financer les retraites et la sécurité sociale ainsi que pour remplir nos obligations d’emprunteurs.
Nos obligations de remboursement annuel – intérêts et part à rembourser du capital – dépassent d’ores et déjà, et de loin, ce que notre pays produit en plus chaque année grâce à la croissance et à ses progrès.
Il faut avoir les chiffres précis en tête : ils ne sont nullement abstraits, mais disent une chose évidente que nous ne pouvons pas faire semblant d’ignorer. À notre rythme annuel de croissance et d’inflation, la France produit chaque année un peu plus de richesses que l’année précédente, pour un montant de 50 milliards d’euros environ. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Or, en 2020, les annuités qu’il nous fallait verser représentaient environ 30 milliards ; en 2024, 60 milliards et cette année, 67 milliards. L’année prochaine, en 2026, cette somme devrait atteindre 75 milliards et 85 milliards l’année suivante. À la fin de la décennie, d’après la Cour des comptes, nous devrons verser 107 milliards. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Matthias Tavel
Et combien pour le capital ?
M. François Bayrou, premier ministre
Nous créerons donc 50 milliards par le travail et transférerons plus de 100 milliards à nos créanciers, soit le double !
Autrement dit, le fruit de tout le travail, de l’inventivité dont fait preuve le pays pour avancer chaque année, de tout ce progrès que nous voulons pour les nôtres, pour nos enfants, est entièrement reversé à nos créanciers !
M. Emeric Salmon et M. Frédéric Boccaletti
À qui la faute ?
M. Jean-Paul Lecoq
Qui gouverne ?
M. François Bayrou, premier ministre
La majorité de nos créanciers sont étrangers – 60 %. Ces dépenses obligatoires sont donc complètement improductives. Elles n’entraînent la création d’aucun emploi, l’amélioration d’aucun service, la construction d’aucun équipement.
Notre pays travaille et croit s’enrichir, mais s’appauvrit tous les ans un peu plus. C’est une hémorragie silencieuse, souterraine, invisible et insupportable.
M. Alexis Corbière
Comme votre politique !
M. François Bayrou, premier ministre
Or si c’est insupportable, on ne doit pas le supporter ! C’est le sens de la déclaration du gouvernement devant l’Assemblée nationale.
Comme capitaine du navire, informé de la voie d’eau qui s’élargit sans cesse, des flots qui envahissent nos cales, j’affirme que notre devoir à tous est d’abord de nous mettre à l’étancher sans attendre !
M. Jean-Paul Lecoq
Mais vous quittez le navire, tel un capitaine qui part en courant ! Normalement ce sont les femmes et les enfants d’abord, pas le capitaine !
M. Emeric Salmon
Il faut changer de capitaine !
M. François Bayrou, premier ministre
On me rétorque que ce n’est pas urgent, que cela peut attendre, que je suis trop impatient et que je veux aller trop vite. Le bateau flotte encore et il ne faut troubler ni les passagers, ni l’équipage ! Là est la confrontation des points de vue, là est la prise de responsabilité de chacun.
Je dis au contraire que si nous voulons la sauvegarde du navire sur lequel nous et nos enfants naviguons, il faut agir sans tarder,…
Mme Sophia Chikirou
Comme à Bétharram ?
M. François Bayrou, premier ministre
…et que ce n’est pas hors d’atteinte. Si nous nous y prenons à temps, cela demande seulement la mobilisation de tous et un effort modéré de chacun.
Mais il convient d’élargir l’analyse, même brièvement, de dépasser cette description des conséquences de la dette sur la vie des Français et d’envisager les implications pour le destin de la France.
M. Jean-Paul Lecoq
C’est de la politique-fiction !
M. François Bayrou, premier ministre
Nous tous, d’où que nous venions, sommes les héritiers de la France. C’est ce destin, unique entre les peuples, d’une puissance moyenne par le nombre de ses habitants, mais à vocation universelle, qui a fait de nous ce que nous sommes.
Aujourd’hui, le destin de la France, notre nation inscrite dans l’histoire, se trouve menacé par nos quotidiennes impérities. Pour une nation, la question de l’influence, sa capacité à faire rayonner ses valeurs, est vitale. Nos valeurs, françaises et universelles, partout menacées, les droits de l’homme, et d’abord le droit des femmes, le droit au respect et à la liberté des femmes, le droit des enfants (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS),…
Mme Sabrina Sebaihi
Et Bétharram, ça relève de quoi ?
M. François Bayrou, premier ministre
…le droit à la liberté et au respect de la vie privée, le droit à la libre opinion, à la libre conviction, le droit à la libre religion, à la libre philosophie, le droit à se former – cet ensemble de droits comme il n’y en eut jamais de plus complet dans le monde, depuis que le monde est monde, qui le défend, sinon la France ?
Comment la France peut-elle défendre cet ensemble de valeurs, lui donner du sens en son sein et à travers l’Union européenne, si elle s’avère faible, si elle a perdu sa crédibilité en perdant sa souveraineté ? Nous ne sommes donc pas, à cet instant, défenseurs de nos seuls intérêts, de notre santé et de notre prospérité, mais les défenseurs menacés d’un bloc de valeurs lui aussi en danger. Notre capacité d’influence dépend de notre indépendance et de notre souveraineté. Du respect que la France impose aux autres dépend le respect qu’on portera à ses valeurs.
M. Emeric Salmon
En Algérie, par exemple ?
M. François Bayrou, premier ministre
La soumission à la dette est similaire à la soumission par la force militaire.
Mme Sandrine Rousseau
Non, cela n’a rien à voir !
M. François Bayrou, premier ministre
Que nous soyons dominés par les armes ou par nos créanciers du fait d’une dette qui nous submerge, nous perdons notre liberté.
Mme Sandrine Rousseau
Mais arrêtez ! C’est honteux !
M. François Bayrou, premier ministre
Dans les deux cas, il ne tient qu’à nous de nous émanciper en retrouvant le chemin de la liberté. Cela ne demande qu’un effort sur nous-mêmes.
C’est pourquoi la France s’est dotée, sous l’autorité du président de la République et par le vote de ses parlementaires, d’un plan d’équipement de ses armées en hommes et en matériel, la loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, sur plusieurs bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes DR et HOR.)
Mme Danielle Simonnet
C’est mou !
M. François Bayrou, premier ministre
Cette loi doit non seulement être respectée mais aussi abondée par des investissements complémentaires décidés en raison des dangers de toute nature auxquels notre pays et notre continent sont exposés.
M. Jean-Michel Jacques
Il a raison !
M. François Bayrou, premier ministre
Ces investissements complémentaires nécessaires – 3 milliards supplémentaires dès cette année – sont inscrits dans le plan présenté aux Français au mois de juillet.
De la même manière, le gouvernement propose au pays un plan pour aller vers le désendettement, afin que la France échappe en quelques d’années à l’inexorable marée de dettes qui la submerge. Dans quatre années – c’est un délai raisonnable dans la vie d’un pays et de ses habitants –, la dette existera toujours, mais elle n’augmentera plus.
Voici le plan : atteindre en 2029 le seuil de 3 % de déficit public, seuil à partir duquel la dette n’augmente plus. Si la dette n’augmente plus, le travail des Français, leur inventivité, leur créativité, leur confiance retrouvée remettront le pays à flot, plus vite qu’on ne le croit.
Tout nous y invite : les technologies d’un monde qui va de révolution en révolution, l’intelligence artificielle, notre créativité intellectuelle, culturelle et artistique ainsi que notre recherche.
Si nous nous libérons de ces chaînes qui nous entravent, tous les épanouissements deviendront possibles pour les Français d’aujourd’hui et pour les générations qui viennent. Tout est prêt, tout est en germe. Ne manque que la détermination de ceux qui veulent s’en sortir.
Cela oblige à des efforts, mais à des efforts modérés,…
Une députée du groupe EcoS
On parle de 40 milliards !
M. François Bayrou, premier ministre
…qu’un pays doit considérer comme supportables. Il s’agit de dépenser un peu moins que ce qui était attendu ou programmé, de freiner les dépenses ou de les étaler dans le temps, tout en affirmant devant nos concitoyens et à la face du monde que si personne ne sera abandonné, ce sont d’abord et avant tout les plus jeunes d’entre nous dont nous devons nous occuper.
Mme Sandrine Rousseau
Oui mais pas trop quand même !
M. François Bayrou, premier ministre
J’ai été frappé des messages que j’ai reçus pour avoir évoqué les plus jeunes et le poids qui pèse sur leur génération.
Un député du groupe LFI-NFP
Et le climat ?
M. François Bayrou, premier ministre
Ils portent et porteront pendant vingt ou trente ans, peut-être davantage, le poids des milliers de milliards de dettes que leurs aînés ont contractées…
M. Emmanuel Fouquart
Que vous avez contractées !
M. François Bayrou, premier ministre
…et qu’ils devront endosser. Ces dettes n’ont pas été contractées pour équiper le pays comme il aurait convenu ou pour décider de l’avenir des jeunes. Ces milliers de milliards de dettes ont été consacrées à éponger les dépenses courantes de la vie de tous les jours, qu’un pays normal devrait assumer à chaque génération pour son compte.
M. Emeric Salmon
Et c’est le responsable de la situation qui s’exprime !
M. Jean-Paul Lecoq
Mais qui gouverne, qui est au pouvoir ?
M. François Bayrou, premier ministre
Depuis des décennies, nous avons rompu sur ce point le contrat de confiance entre générations qui est la base du contrat social. J’ai été frappé de constater combien les plus jeunes ont le sentiment d’être une génération sacrifiée.
M. Jean-Paul Lecoq
Tant que vous serez au pouvoir !
Mme Sabrina Sebaihi
Vous étiez ministre !
M. François Bayrou, premier ministre
Ils affirment qu’ils n’auront pas de retraite, que ce ne sera pas pour eux.
Le double défi qu’ils rencontrent… (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Je sais bien que vous voulez qu’on augmente encore les charges qui pèsent sur leurs épaules. Nous pensons exactement le contraire : il faut alléger ce poids pour les libérer de l’esclavage dans lequel on les plonge ! (Mêmes mouvements. – Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
Je vous en prie ! Un peu de silence !
M. François Bayrou, premier ministre
Ces jeunes rencontrent un double défi, souvent synonyme de double échec : la recherche d’un travail et celle d’un logement, notamment dans certaines villes et certaines régions – je ne parle même pas de la question du logement étudiant.
M. Inaki Echaniz
À qui la faute ?
Mme Sandrine Rousseau
Eh bien construisez des logements étudiants !
M. François Bayrou, premier ministre
Cette génération ne se voit pas d’avenir commun.
Un député du groupe LFI-NFP
Pourtant, ils ont voté pour nous !
M. François Bayrou, premier ministre
Cette situation est insupportable du point de vue démocratique et civique autant que du point de vue moral.
C’est aussi de cela qu’il faut prendre conscience. Les plus avancés en âge doivent unir leurs efforts pour alléger la dette que les plus jeunes devront acquitter. Ne leur dites pas que vous les aimez, que vous veillez sur eux, si vous faites semblant d’ignorer la charge écrasante qui s’accumule sur leurs épaules !
Mme Sophia Chikirou
Nous on ne protège pas des pédophiles !
M. François Bayrou, premier ministre
À chaque fois que vous criez, je peux prendre une gorgée d’eau, donc c’est une bonne chose ! (Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Je vous en prie, chers collègues !
M. Ian Boucard
Heureusement que nous ne sommes pas en Chine !
M. François Bayrou, premier ministre
Ayant vécu ces derniers mois cet exercice inédit, et je crois sans précédent, de transparence entre citoyens, j’ai vu la puissance des forces qui veulent qu’on continue à fermer les yeux.
Un député du groupe LFI-NFP
Comme à Bétharram ?
M. François Bayrou, premier ministre
Il y a certes un fait nouveau. Depuis le début du travail que nous avons engagé il y a quelques semaines, les représentants de ces forces commencent leurs discours par : « Nous ne nions pas la situation. » Mais ils ajoutent aussitôt : « Nous sommes en désaccord avec la méthode, les décisions prises, le rythme du désendettement, l’identification des causes, et nous combattrons tout cela de toutes nos forces. C’est pourquoi nous voulons faire tomber le gouvernement qui nous invite à l’effort. » (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Les uns disent – ne croyez pas que j’ignore l’efficacité de ce discours – que ce sont les immigrés qu’il faut mettre à contribution,…
M. Aurélien Le Coq
Votre ministre de l’intérieur le dit !
M. François Bayrou, premier ministre
…que ce sont les étrangers qui sont la cause de tout,…
M. Emeric Salmon
Pas du tout, vous avez une grande part de responsabilité !
M. François Bayrou, premier ministre
…et que c’est auprès de ceux-là que nous gaspillons notre argent et qu’il faut taper dans la caisse. Ils ont aussi une variante : la cause, c’est l’Europe, nous nous ruinons pour respecter nos engagements. Vingt milliards là, dix milliards ici – c’est plus facile.
Je l’ai dit : je suis d’accord pour qu’on vérifie, mesure par mesure, s’il y a des anomalies, des injustices commises au détriment de nos compatriotes.
M. Jean-Philippe Tanguy
On l’a fait !
M. Alexis Corbière
Quelle horreur !
M. François Bayrou, premier ministre
J’ai pris la décision d’intervenir au sujet de l’aide médicale de l’État pour faire entrer dans la norme les préconisations du rapport présenté par Claude Evin et Patrick Stefanini. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Je me suis réjoui qu’ils rappellent que nous sommes le premier gouvernement à prendre en compte ce rapport remis il y a deux ans. Mais j’ai entendu des voix qui disaient : « Tout cela nous soulève le cœur ! »
En tout état de cause, l’addition des économies est très loin de représenter un ordre de grandeur à la dimension du problème. Ou bien, autre discours : ce sont les riches qu’il faut faire payer. (« Oui ! » et applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR. – Mme Dieynaba Diop applaudit aussi.) Là encore, je ne sous-estime pas l’efficacité du discours. Bernard Arnault et ses semblables sont devenus les cibles emblématiques d’une pensée magique ; ils sont comme des poupées vaudoues dans lesquelles on plante des aiguilles pour les atteindre – j’imagine ! –, au portefeuille.
On m’accordera que je ne suis ni un défenseur attitré ni un stipendié de ces réussites. Mais je n’oublie pas ce qu’elles font tous les jours pour le pays.
M. Alexis Corbière
Ça se discute !
M. François Bayrou, premier ministre
L’excédent du commerce extérieur dans le secteur du luxe, ce sont 40 milliards d’euros par an ;…
M. Alexis Corbière
Grâce aux travailleurs !
M. François Bayrou, premier ministre
…et la valorisation de l’image de la France, qui contribue à l’industrie comme au tourisme, représente des dizaines de milliers d’emplois.
On nous dit qu’il suffit de leur prendre ce qu’ils ont, ou une large part de ce qu’ils ont, ou chaque année 2 % de ce qu’ils ont, et que les problèmes de la France seront réglés. On oublie deux choses essentielles : la première est qu’un pays comme le nôtre a besoin d’investisseurs. Le 1 % des plus hauts contribuables assume une large part de l’investissement privé dans l’appareil productif en France. Et on oublie une deuxième conséquence : dans le monde de frontières ouvertes où nous vivons (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP)…
M. Hadrien Clouet
Les fameuses frontières ouvertes !
M. François Bayrou, premier ministre
…ceux qui sont ciblés ont une réplique très simple et très immédiate : ils déménagent. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Mme Clémentine Autain
C’est faux !
M. François Bayrou, premier ministre
Ils ont pléthore de pays où ils peuvent trouver un refuge fiscal, en Europe même : le Luxembourg, la Belgique, la Suisse, les Pays-Bas, pour les entreprises.
M. Alexis Corbière
Lisez les rapports de vos propres services !
M. François Bayrou, premier ministre
Demandez à nos voisins britanniques ! Ils ont décidé de taxer les étrangers qui étaient exonérés de fiscalité.
M. Éric Coquerel
Ça n’a rien à voir !
M. François Bayrou, premier ministre
Ces derniers ont déménagé et cela a eu pour conséquence immédiate l’explosion du prix de l’immobilier à Milan. Mentionnons au passage, et François Hollande le sait bien (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP),…
M. Fabien Di Filippo
Vous avez appelé à voter pour lui à l’époque !
M. François Bayrou, premier ministre
…que ce type de fiscalité est interdit par le Conseil constitutionnel, qui l’a depuis longtemps déclaré confiscatoire, donc inconstitutionnel ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Arnaud Le Gall
Vous êtes le porte-parole des 1 % !
Mme la présidente
Chacun pourra s’exprimer, le moment venu. Merci d’écouter le premier ministre dans le calme.
M. François Bayrou, premier ministre
Mais je veux réaffirmer ici qu’il conviendra de trouver un type de contribution qui fasse que les très hauts revenus et les très hauts patrimoines soient appelés à participer spécifiquement à l’effort national ; un travail en profondeur doit être conduit pour éviter que soient mises en place ou que se perpétuent des stratégies d’optimisation fiscale manifestement antiégalitaires qui, bien que juridiquement correctes, sont moralement discutables.
M. Aurélien Le Coq
Juridiquement correctes à cause de qui ?
M. François Bayrou, premier ministre
J’ai proposé dès la mi-juillet que les commissions parlementaires soient invitées à participer au travail de mise au point de cette fiscalité de solidarité. Les solutions de facilité, celles qu’on vend aux Français à longueur de discours ne suffiront jamais.
Notons au passage qu’entre ceux qui affirment « Nous allons instituer 20 ou 30 milliards d’impôts nouveaux » et ceux qui stipulent « Pas un euro d’impôts supplémentaires ! », entre ceux qui disent « Nous allons prendre les ressources dépensées pour les étrangers » et ceux qui déclarent qu’ils s’y opposeront « jour et nuit et jusqu’au bout », la conjonction des forces qui annoncent qu’elles veulent additionner leurs voix pour faire tomber le gouvernement, c’est un tohu-bohu qui se prépare pour la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR.)
Et – pardonnez-moi de le rappeler à ce moment –, le problème, la menace, le risque pour la France demeureront entiers ! Parce que, mesdames et messieurs les députés, vous avez le pouvoir de renverser le gouvernement (« Oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), mais vous n’avez pas le pouvoir d’effacer le réel. Le réel demeurera inexorable ; les dépenses continueront d’augmenter, – plus encore ! –, et le poids de la dette, déjà insupportable, sera de plus en plus lourd et de plus en plus cher.
Mme Sabrina Sebaihi
Et la carte vitale ne fonctionnera plus, on sait !
M. François Bayrou, premier ministre
Il n’y a qu’un seul chemin pour que notre pays s’en sorte, aujourd’hui comme dans les années 1950, quand le général de Gaulle et, un peu plus tôt, Pierre Mendès France,…
M. Emmanuel Maurel
Laissez Mendès France tranquille !
M. François Bayrou, premier ministre
…affirmaient, tous deux dans le même sens : le premier, que l’équilibre des finances publiques ne devait pas se faire par l’accroissement chronique de la dette et, le deuxième, qu’« un pays qui n’est pas capable d’équilibrer ses finances publiques est un pays qui s’abandonne ».
M. Nicolas Meizonnet
Ils étaient démissionnaires !
M. François Bayrou, premier ministre
C’est précisément la question qui est posée aujourd’hui. Mesdames et messieurs les députés, dans cette démarche inédite qui vise à mettre tous les parlementaires face à leur responsabilité propre, personnelle, humaine – tous ceux qui voient bien que quelque chose ne va pas, même s’il est plus commode d’ignorer cette évidence –, dans cette démarche, il y a une certaine idée de la démocratie et du gouvernement d’un peuple. J’ai choisi de m’adresser à vous comme si le destin n’était pas écrit.
Un député du groupe RN
Vous vivez dans un monde parallèle !
M. François Bayrou, premier ministre
Comme si la réponse de l’Assemblée nationale à l’engagement de responsabilité n’avait pas été annoncée à cor et à cri, sur tous les tons et toutes les antennes, de la part du plus grand nombre des groupes de cette assemblée.
Un député du groupe RN
C’est ce qu’on appelle le déni !
M. François Bayrou, premier ministre
Je m’adresse à vous en prenant au pied de la lettre les principes énoncés à l’article 27 de la Constitution : « Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. ». Ce qui veut dire qu’en principe, les mots d’ordre n’ont pas leur place ici. Ce qui a sa place ici, c’est la conscience personnelle de chacun des députés de la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emeric Salmon
Nous représentons nos électeurs ! Ils nous demandent de voter contre !
Mme la présidente
S’il vous plaît !
M. François Bayrou, premier ministre
Tous les partis politiques qui ne font pas partie du gouvernement ont annoncé leur décision de le renverser. C’est un exploit tout relatif, permettez-moi de le signaler, puisque ce gouvernement est sans majorité, ni majorité absolue, ni majorité relative…
M. Alexis Corbière
En effet !
M. François Bayrou, premier ministre
…et que sa chute irrévocable était annoncée depuis la première minute de son existence.
M. Sébastien Chenu
La faute à qui ?
M. Pierre Cordier
Kamikaze !
M. François Bayrou, premier ministre
Je veux apporter ici une précision. J’ai une haute idée des mouvements politiques. Je me suis engagé quand j’avais à peine plus de vingt ans dans celui auquel j’adhère encore aujourd’hui. Je ne l’ai jamais quitté. Je l’ai défendu quand nous n’étions qu’une poignée à y croire encore. Je l’ai porté envers et contre tous et je suis fier de la génération de responsables qui m’entourent aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) Je suis certain que, sur beaucoup de ces bancs, vous partagez le même sentiment d’intime fidélité et de fierté vis-à-vis du parti auquel vous adhérez.
Mais les partis politiques ont aussi un défaut fondamental, qu’a si précisément vu, y compris à son détriment, le général de Gaulle,…
M. Arnaud Le Gall
Arrêtez de vous comparer avec lui, c’est ridicule !
M. François Bayrou, premier ministre
…c’est que leur logique toujours les conduit à la division. C’est une malédiction, que nous vérifions à cet instant. Notre pays a le plus urgent besoin de lucidité, il a le plus urgent besoin d’unité. Et c’est la division qui menace de l’emporter, qui menace son image et sa réputation. Les forces politiques qui annoncent qu’elles vont faire tomber le gouvernement…
M. Hadrien Clouet
Excellent !
M. François Bayrou, premier ministre
…ce sont les forces politiques les plus opposées entre elles, celles qui se désignent comme ennemies, celles qui sont incompatibles, par les idées autant que par les arrière-pensées, et qui échangent, d’un bout à l’autre de l’hémicycle, les injures et les mises en cause. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Emeric Salmon
Vous avez appelé à voter pour eux ! C’est vous qui les avez fait élire !
M. François Bayrou, premier ministre
Ce qu’elles préparent, si leur logique de division l’emporte, je l’ai déjà dit, c’est le tohu-bohu (Sourires), le désordre où chacun hurle dans son coin et dont rien de bon ne peut sortir.
Le gouvernement, par ma voix, engage devant vous sa responsabilité. Ce qui signifie que, par ma voix, à la tribune, il dit : « mesdames et messieurs les députés, le problème dont nous vous saisissons, comme représentants de la nation, nous paraît si grave, il implique si profondément chacun de nos concitoyens, qu’il requiert votre soutien. » Sans un soutien minimal de la part des Français, représentés ici par leurs députés, l’action exigeante et courageuse que la situation implique n’a aucune chance de pouvoir s’imposer.
Et sans ce soutien minimal, sans cette entente minimale entre les grandes sensibilités du pays, sur le constat et sur l’impérieuse trajectoire de redressement, alors l’action du gouvernement serait vouée à l’échec et, pire encore, elle n’aurait pas de sens. S’il s’agit toujours de faire semblant, de ménager la chèvre pour obtenir le chou, de se rendre aux logiques de marchandages et de divisions (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP),…
M. Pierre Cordier
C’est ce que vous avez fait pendant toute votre carrière !
M. François Bayrou, premier ministre
…de dissimuler l’essentiel pour communiquer sur le secondaire, en sachant qu’on continue la marche vers l’accident, je vous le dis : je ne serai pas l’homme d’une telle politique. Je crois aux compromis, mais aux compromis qui respectent l’essentiel. La vérité des hommes et des choses, la hiérarchie des ordres et des urgences.
M. Emmanuel Maurel
Vous n’êtes pas un homme de compromis !
M. François Bayrou, premier ministre
Je crois aux compromis qui ne se construisent pas sur l’ambiguïté. Requérir le soutien du pays quand il faut agir, c’est pour moi l’article 1er du contrat démocratique. Dans des domaines aussi sensibles, je n’ai jamais cru à l’épreuve de force.
M. Alexis Corbière
Et le 49.3 ?
M. François Bayrou, premier ministre
Je crois à la conviction partagée. Et je crois qu’il convient de vérifier cet accord de fond auprès des Français ou de leurs représentants chaque fois que c’est nécessaire. Ma conviction, c’est qu’au fond, au point où nous en sommes arrivés, il ne reste plus que deux chemins.
Le chemin sur lequel, sur toute la planète, le monde bascule : celui qui considère que la destinée des peuples, c’est d’obéir et que, pour que s’instaure cette logique autoritaire, contre le droit des peuples et le droit de l’homme et du citoyen, tous les coups sont permis ; celui qui considère que la fin justifie les moyens, notamment l’utilisation de tous les conflits, de toutes les mésententes, de toutes les calomnies, qu’il convient de faire flamber.
Et vous voyez sans peine, de l’Est lointain à l’Ouest qu’on croyait proche – l’ouest américain – combien cette conception de la politique au bulldozer…
Mme Sandra Regol et Mme Danielle Simonnet
Et le 49.3 ?
M. François Bayrou, premier ministre
…cette loi du plus fort, ce rapport de force brutal paraissent s’imposer ! Sous les applaudissements des uns et le découragement des autres.
Et nous, nous sommes là pour ranimer l’autre projet. Le projet même de la démocratie qui considère plus juste, plus intéressant, plus fructueux, de respecter le citoyen, même minoritaire, et de le considérer comme partenaire et coresponsable de son propre destin. Cette démarche, cette méthode, fait de la vérité partagée avec les Français son arme suprême. Cette démarche, cette méthode, conduit à l’unité du pays et elle écarte la malédiction de la division perpétuelle.
Le philosophe et militant Marc Sangnier, que j’aime beaucoup et qui siégea dans votre assemblée à deux reprises, après la première guerre mondiale et après la deuxième, a défini la démocratie comme l’organisation sociale qui porte à son plus haut la conscience et la responsabilité du citoyen.
Un député du groupe GDR
Et qui respecte le résultat des élections !
M. François Bayrou, premier ministre
La conscience, c’est-à-dire la plus juste, la plus lucide compréhension des choses et des événements. La responsabilité, c’est-à-dire l’engagement. Nous, citoyens, ne sommes pas là pour être condamnés soit à obéir, soit à la révolte. Nous sommes là pour prendre notre part du destin, les yeux ouverts, avec la vérité comme boussole.
Nous sommes un peuple qui s’interroge, non pas seulement sur son avenir, sur l’avenir du monde et de la planète, mais sur le chemin que l’on peut emprunter pour construire cet avenir. Ce que dit le moment que nous vivons, mesdames et messieurs les députés, c’est qu’il y a un chemin, et un seul, pour la France : celui de la vérité partagée, et du courage qu’on choisit ensemble. (Les députés des groupes EPR, Dem et HOR se lèvent et applaudissent. – Quelques députés du groupe DR applaudissent également.)
Mme la présidente
Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes. Pour les respecter, je vous remercie de quitter l’hémicycle en silence. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud (SOC)
Nous sommes convoqués ici à un rendez-vous que nous n’avons ni souhaité ni organisé. Nous n’ignorons rien de la gravité de la situation économique, financière, sociale et politique dans laquelle notre pays se trouve, ni du tragique de l’époque, qui menace en toute chose et à chaque instant d’ébranler le monde tel que nous l’avons connu. Mais il n’est qu’un responsable à la crise, à la débâcle, au désordre du pays : le président de la République et avec lui ses épigones aveugles, dont vous êtes, monsieur le premier ministre, le premier apôtre. Un président battu dont la politique, disqualifiée dans les urnes, nous a conduits à l’impasse dans laquelle nous sommes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Emmanuel Maurel applaudit également.)
La responsabilité politique, c’est l’obligation morale et publique, pour les dirigeants, de rendre compte de leurs actes. Vous aimez la vérité ? La voici : Emmanuel Macron n’a cessé d’abîmer le pays (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS. – Protestations sur quelques bancs du groupe EPR), d’appauvrir les pauvres, d’enrichir les riches, de tourner le dos à l’avenir, qui n’est plus que la somme de ses petites lâchetés et de ses grands renoncements, – sacrifiant l’école, l’hôpital, l’écologie, notre souveraineté. Vous nous demandez de partager avec vous le constat de la situation financière du pays : je vous confirme le bilan accablant du macronisme en la matière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.) En 2017, le déficit était de moins de 3 % du PIB, le voici à 5,2 % ; la protection sociale était excédentaire, la voici déficitaire ; la dette a augmenté de plus de 1 000 milliards d’euros. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
Chers collègues, s’il vous plaît !
M. Boris Vallaud
La vie est curieusement faite : quarante ans à dénoncer la dette, à peine huit ans à la creuser comme jamais. Monsieur le premier ministre, vous ne ferez pas aujourd’hui de votre défaite une victoire, de l’absurde un haut fait, du vide politique l’étoffe d’un destin. Non, vous soumettre à ce vote n’est pas un acte de courage, c’est une dérobade (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS), que dis-je, une pantalonnade ! Face à l’adversité, vous vous résignez. Face à la difficulté, vous reculez. Face à la responsabilité, vous vous effacez. Dans le grand silence de l’été, nous pensions que vous prépariez le budget : en réalité, vous prépariez votre sortie. Derrière votre geste politique, solitaire et désinvolte, votre faux sacrifice en dissimule un vrai : celui des millions de Français de l’Hexagone et des outre-mer, ces précaires, ces mères seules, ces travailleurs qui ne vivent plus de leur travail, tous ceux pour qui la vie est déjà dure. C’est sur leur dos courbé et las que vous voudriez écrire votre légende, celle d’un futur roi qui aurait raison contre tous, pour qui la fin personnelle justifie les moyens publics et politiques. Et cela, monsieur le premier ministre, n’est pas seulement une erreur politique funeste, c’est une faute morale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Jean-Louis Roumégas applaudit aussi.)
« La politique gouvernementale peut à chaque instant tendre à la consolidation des privilèges ou, au contraire, à l’extension de la démocratie ; elle peut être résignée à l’injustice ou animée d’une volonté irréductible de progrès ; un homme d’État se juge et se mesure à ce qu’il a voulu et pu faire à cet égard, à l’influence qu’il a exercée sur les réalités, aux effets concrets de son œuvre. » Monsieur le premier ministre, vous n’êtes décidément pas Pierre Mendès France, que je viens de citer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC ainsi que sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.) Après-demain, le 10 septembre, direz-vous, comme Louis de Funès dans La Folie des grandeurs, en entendant la colère des Français : « Ils m’acclament ? » Vous voulez poursuivre dans l’errance et dans l’erreur, car de quoi votre plan est-il le nom ? De la souffrance humaine, de l’injustice sociale, de l’inefficacité économique. C’est l’écrasement d’une croissance parmi les plus faibles d’Europe. C’est la restriction d’un pouvoir d’achat déjà atone. C’est l’augmentation promise du chômage. C’est l’abandon de l’impératif écologique. C’est l’étranglement des services publics. C’est ajouter de la crise à la crise. Il ne suffit pas d’être centriste pour être central ! Triste destin que celui que vous promettez à notre pays.
Madame la présidente, chers collègues, nous, députés Socialistes et apparentés, avons ces derniers mois exercé l’opposition comme on exerce le pouvoir, en toute responsabilité, en prenant des risques, en nous opposant chaque fois que les principes étaient en jeu et que se dessinait sous nos yeux l’union des droites, en faisant des choix parfois compliqués, en refusant de tenir a priori le compromis pour la part maudite de la politique ; en ne perdant jamais de vue, surtout, ni les raisons de se battre, ni les hommes et les femmes pour lesquels nous nous battons ici. Monsieur le premier ministre, vous n’avez pas été au rendez-vous. Nous n’aurons reçu que désinvolture, manœuvres dilatoires, fausses promesses et vraies trahisons. Nous sommes au regret de ne pouvoir vous faire confiance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
En votant aujourd’hui contre cette confiance, les socialistes prennent la responsabilité d’affirmer qu’ils sont prêts, avec la gauche et les écologistes, à gouverner (Mêmes mouvements. – Mme Dominique Voynet applaudit aussi),…
M. Pascal Lecamp
Avec qui ?
M. Boris Vallaud
…à rechercher dans un même élan la stabilité politique et la justice fiscale, sociale, territoriale. Nos choix ne sont pas les vôtres, ils sont ceux des Français : pas le travail, le capital ; pas les jours fériés, les héritiers ; pas le ruissellement, la redistribution ; pas les PME, les multinationales ; pas la récession, la relance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Pierre Cordier
La relance comme en 1981 !
M. Boris Vallaud
Nous proposons un autre chemin, celui des peuples qui refusent la résignation et regardent plus loin que leurs chaînes. Aux Français les plus modestes, lassés du sacrifice sans horizon, nous disons le droit de vivre de leur travail. La baisse de la contribution sociale généralisée que nous voulons, c’est 900 euros de plus par an pour un salarié au smic, 1 500 euros pour un couple gagnant 1 920 euros chaque mois.
M. Pierre Cordier
Et les recettes ?
M. Boris Vallaud
Aux richesses insolentes, aux fortunes doublées en dix ans, aux grandes entreprises qui paient moins que les PME et profitent davantage, nous disons : le temps du patriotisme économique et de la justice fiscale est venu. (Mêmes mouvements.) À la France, patrie du courage heureux, qui doute de son destin, nous disons : l’élan plutôt que le déclin. Un plan de relance réveillera nos territoires, réarmera nos usines, soutiendra hôpitaux et écoles, préparera l’avenir. À l’histoire, enfin, qui nous regarde, nous disons que nous réduirons les déficits et la dette, oui, mais sans écraser les existences. Ce n’est pas la vie qu’il faut taxer, c’est l’injustice qu’il faut abolir. Ce soir, nous ne passerons pas sous la tutelle du Fonds monétaire international, les cartes Vitale ne cesseront pas de fonctionner et la politique ne sera pas projetée hors de son orbite.
Mme Olivia Grégoire
Dormez, bonnes gens !
M. Boris Vallaud
Un nouvel horizon s’ouvre pour la gauche, pour le pays. À ceux qui nous font reproche de vouloir exercer le pouvoir, qui pensent que « gouverner, c’est trahir », je réponds : exercer les responsabilités, c’est être fidèle au contrat qui nous lie aux électeurs qui espèrent de la gauche un changement dans leur vie (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC),…
M. Pierre Cordier
Pour résumer : le changement, c’est maintenant !
M. Boris Vallaud
…aux classes populaires qui ont bien conscience de leurs intérêts, qui ne peuvent se payer le luxe d’attendre leur hypothétique délivrance par une nouvelle élection, qui préfèrent l’action, même imparfaite, au verbe impuissant et savent qu’un pas en avant vaut mieux que mille programmes. (Mêmes mouvements.) À ceux qui objectent l’absence de majorité, je dis qu’il en existe une dans le pays : la majorité des vies difficiles, la majorité absolue des Français exprimant leur colère et leur refus d’une politique qui, depuis huit ans, ne se préoccupe pas d’eux. Je dis qu’il en existe une ici : la majorité des députés élus dans l’élan du front républicain, tenus par un seul engagement, une seule promesse – ne rien céder à l’extrême droite. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Emmanuel Maurel applaudit également.) Députés du socle commun, je m’adresse à vous : si vous aimez la République, demeurez fidèle à ce serment. Si vous aimez la France, entendez le pays qui souffre. Si vous aimez la démocratie, acceptez le désir de changement des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Exclamations sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme Olivia Grégoire
Quelle leçon de démocratie vous nous donnez !
M. Boris Vallaud
Oui, c’est désormais à la gauche arrivée en tête de gouverner, à celles et ceux qui veulent assumer leurs responsabilités de prendre l’initiative. Comme socialistes, nous ne nous déroberons pas. Nous n’avons qu’une exigence : servir, avec une autre politique, mais aussi une autre méthode. Voilà pourquoi c’est au Parlement, sur la base de nos propositions, sans recours au 49.3, que nous chercherons des majorités, autour de quelques priorités qui répondent à l’urgence pour les Français, aux attentes du pays, jusqu’à la grande explication – jusqu’au grand rendez-vous démocratique de 2027. Négocier n’est pas capituler, ni renoncer à ses espérances. Ce n’est pas nier le dissensus, solder le désaccord, fabriquer des majorités artificielles. Vous êtes la droite, nous sommes la gauche. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Laurent Croizier
Plutôt que de penser à la droite ou à la gauche, pensez aux Français, ça vous changera !
M. Boris Vallaud
C’est là un acte de confiance dans la démocratie parlementaire, dans les forces républicaines qui peuplent notre assemblée et peuvent se retrouver dès demain. Chers collègues, parce qu’il haïssait les catastrophes et détestait les écroulements, Victor Hugo nous avertissait ici même, dans cette assemblée, il y a 175 ans : « Aux hommes assez insensés pour dire : L’humanité ne marchera pas, Dieu répond par la terre qui tremble ! » Aujourd’hui, aux hommes assez insensés pour espérer des artisans du naufrage les moyens de s’en sortir, le pays répond par un cri. Ce cri qui monte, il faut l’entendre. Il est encore celui de l’espoir ; ne le décevons pas. De là où il se trouve, il est désormais temps pour le président de la République de faire son devoir plutôt que de céder à son bon plaisir. Nous sommes prêts : qu’il vienne nous chercher ! (Les députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Wauquiez. Encore une fois, merci, pour qu’il puisse s’exprimer, de quitter l’hémicycle en silence.
M. Laurent Wauquiez (DR)
Nous y revoilà. Nous y revoilà donc : au bout d’à peine neuf mois, un gouvernement est de nouveau sur le point de tomber.
M. Erwan Balanant
Pas encore !
M. Laurent Wauquiez
Et à chaque étape, nous enfonçons encore plus notre pays dans la voie de l’instabilité. Quelles que soient nos opinions, quelles que soient nos convictions, sur tous ces bancs, personne ne peut s’en réjouir. Si nous sommes ici, c’est parce que nous aimons la République. Si nous sommes ici, c’est parce que nous voulons par notre engagement contribuer à la reconstruction de notre pays, parce que nous aimons la France ; nous ne pouvons que ressentir de la tristesse face à ce qu’est en train de devenir la politique française. Je me souviens de l’émotion que j’éprouvais en entrant pour la première fois dans cet hémicycle, lieu sacré de la politique de notre pays, où se sont fait entendre les voix d’Aristide Briand, le père de la laïcité, de Jules Ferry, Georges Clemenceau, Charles de Gaulle ou Philippe Séguin.
M. Jean-Paul Lecoq
Ou Georges Marchais ! (Sourires sur les bancs du groupe GDR.)
M. Laurent Wauquiez
Si différents soient-ils, tous ont incarné une part de la noblesse de ce qu’est la politique française ; or, cette politique que nous aimons, nous la voyons aujourd’hui à nouveau rongée par ses vieux démons – ceux de l’instabilité. L’instabilité, dans l’histoire de notre pays, n’est jamais quelque chose que nous devrions prendre à la légère. L’instabilité, dans l’histoire de la démocratie française, a souvent failli emporter notre République. N’oublions pas qu’ici, à l’époque de la IVe République, les gouvernements tombaient les uns après les autres ; la démocratie était menacée. Le général de Gaulle, avec les institutions de la Ve République, a redonné à la France sa stabilité. Son premier ministre, l’un des meilleurs que la France ait connus, Georges Pompidou, est resté six ans à ce poste, durée qui lui aura permis d’inscrire son action dans le temps long. Nous, au cours des deux ans qui viennent de s’écouler, nous avons connu quatre premiers ministres ! Ceux qui s’en amusent feraient bien de se rappeler à quel point l’instabilité politique est un poison économique.
M. Jérémie Iordanoff
C’est vous, l’instabilité ! Vous qui défendez la Ve République !
M. Laurent Wauquiez
Pendant qu’à l’Assemblée nationale, je le répète, certains s’amusent de tout cela, cherchent à en profiter, recourent à des invectives et des cris qui tiennent maintenant lieu de délibérations en vue du bien commun,…
M. Théo Bernhardt
Hypocrite ! Ils se sont désistés en votre faveur !
M. Laurent Wauquiez
…il y a dans notre pays des artisans, commerçants, professionnels libéraux, entrepreneurs, salariés qui, eux, savent le prix à payer lorsque l’on déstabilise l’économie et les institutions. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.) Tous les Français en paient les conséquences : le déficit, le surendettement, la désindustrialisation, l’insécurité et une immigration hors de contrôle.
Nous en sommes au point où la France s’endette à des taux supérieurs à ceux de la Grèce. Monsieur le premier ministre, vous avez raison de nous alerter sur ce point. Nous en sommes également au point où des narcotrafiquants versent des aides sociales aux habitants de nos cités. Ces deux symboles sont redoutables de ce qu’ils disent du déclin de notre pays.
Dans cette période, une personne agite tous les désordres parce qu’elle espère en profiter. Cette personne n’attend que le chaos parce qu’elle espère la révolution.
Cette personne, c’est Jean-Luc Mélenchon. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
La récupération politique qu’il cherche à faire du mouvement du 10 septembre est le signe de sa stratégie du chaos. Je le dis aujourd’hui plus que jamais : l’extrême gauche est le premier danger politique pour la République française. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.) La France insoumise,…
M. Louis Boyard
C’est nous !
M. Laurent Wauquiez
…menée par Jean-Luc Mélenchon, est le premier danger politique pour notre République. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)
Avec les députés de la Droite républicaine, nous serons le premier barrage face à cette menace. Nous n’accepterons jamais qu’un gouvernement comporte des membres de La France insoumise.
Mme Julie Laernoes
Et le RN, ça ne vous dérange pas ?
M. Laurent Wauquiez
Nous n’accepterons jamais que se mette en place ici le programme funeste du Nouveau Front populaire. (Mêmes mouvements.)
Cela vaut évidemment pour un gouvernement socialiste qui prônerait ou appliquerait ce même programme.
Monsieur le premier ministre, j’en viens à la question qui nous est posée : celle du redressement budgétaire de notre pays. Il nous est arrivé d’avoir des différends, et nous nous en sommes toujours expliqués avec franchise.
De la même manière, je vous ai immédiatement apporté mon soutien quand vous avez posé le diagnostic de la situation budgétaire. En effet, et je le reconnais, vous avez depuis longtemps eu le courage de dire la vérité sur l’état de nos finances et de poser ce débat fondamental pour l’avenir du pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et EPR.)
Oui, la situation budgétaire de la France appelle un sursaut collectif. C’est une évidence. Nous ne pouvons plus continuer à laisser filer notre dépense publique. Nous ne devons jamais oublier que si les Français sont accablés d’impôts et de charges, c’est parce que l’État dépense trop.
L’accumulation des dépenses publiques a une conséquence directe : on alourdit nécessairement les impôts qui pèsent sur la France qui travaille. Ceux qui prétendent qu’il y a de l’argent magique et des impôts à augmenter quelque part en protégeant les autres trompent les Français ; à l’arrivée, ce sont toujours les classes moyennes qui payent le fardeau de cette dépense publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Tout ceci a des conséquences. Plus encore que la dette, vous l’avez dit, c’est bien la charge des intérêts de la dette qui nous met en péril. Plus notre dette augmente, plus nos intérêts sont chargés. Chaque année, nous finissons donc par payer nos créanciers au lieu de préparer notre avenir. À ce rythme, nous allons bientôt dépenser plus pour payer les intérêts de la dette que pour former nos enfants. Cela en dit long sur la direction que prend notre pays.
M. Théo Bernhardt
C’est votre bilan !
M. Laurent Wauquiez
Face à cela, certains affirment que l’on peut dépenser sans compter ; que l’on peut continuer à augmenter les impôts dans un pays qui en détient déjà le record. Ça n’est pas un débat nouveau dans la démocratie. Nous siégeons dans cet hémicycle face à la tapisserie de l’école d’Athènes, qui illustre les philosophes de l’Antiquité grecque. Au IVe siècle avant Jésus-Christ, la démocratie athénienne,…
M. Alexis Corbière
Oh là là ! (Sourires.)
M. Laurent Wauquiez
…berceau de la démocratie, fait face aux assauts de Philippe II de Macédoine. Il y a alors, dans l’Ecclésia, un débat portant précisément sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui : la gestion de la dépense publique. Cela devrait vous inspirer un peu. Certains disent alors que l’on peut continuer à dépenser sans compter. Face à eux, Démosthène, cette belle figure de la démocratie athénienne, affirme que la réalité démentira leurs chimères, et dit « préférer les paroles qui sauvent aux paroles qui plaisent ». Je vous reconnais, monsieur le premier ministre, d’avoir fait ce choix. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe LIOT.)
Inlassablement, au cours des derniers mois, les députés de la Droite républicaine vous ont fait des propositions ; pas pour qu’il y ait moins d’économies mais pour qu’il y en ait davantage. Nous les avons formulées, nous les avons documentées, y compris en juillet, en proposant des économies plus importantes sur la bureaucratie administrative – les 80 milliards d’euros de dépenses que représentent ces agences et comités que les Français ne supportent plus – et sur les dépenses liées à l’immigration. Nous avons également proposé de faire des économies en luttant contre l’assistanat. Sur tous ces sujets, les députés de la Droite républicaine ne se sont jamais contentés de faire de la posture ; ils ont toujours été force de proposition.
M. Robert Le Bourgeois
Vous n’étiez jamais là ! Toujours absents, les LR !
M. Laurent Wauquiez
Monsieur le premier ministre, je regrette que ces propositions n’aient pas été reprises. C’est donc avec un sentiment de gâchis que je m’adresse à vous aujourd’hui. Nous vous avons toujours dit que nous ne signerions pas un chèque en blanc. Nous vous avons toujours dit que nous défendrions nos convictions. Nous étions prêts à nous engager collectivement pour le redressement budgétaire. Pourquoi avez-vous autant de mal à convaincre ? Je pense qu’il faut s’y arrêter un instant pour en tirer les leçons nécessaires.
Les Français ne sont pas aveugles à la situation budgétaire du pays. Je ne crois pas un instant que les Français refusent l’effort de redressement budgétaire ; je crois précisément le contraire. Ils ont simplement deux exigences très simples.
M. Jean-Paul Lecoq
La justice !
M. Laurent Wauquiez
D’une part, le redressement budgétaire doit passer par de véritables économies, et non par des augmentations d’impôts déguisées. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) D’autre part, les efforts doivent être partagés. Il est injuste que la France qui travaille ou qui a travaillé toute sa vie soit toujours celle qui paie. (Mêmes mouvements.)
Monsieur le premier ministre, le vote que vous avez sollicité est bien évidemment un vote sur le principe du redressement financier de notre pays. Nous n’avons aucun problème à ce sujet : je l’ai toujours dit, toujours porté et toujours mis en œuvre. En revanche, vous avez présenté avant l’été un chemin de redressement budgétaire. Nous ne pouvons pas l’ignorer. Les Français ont réagi aux pistes que vous avez mises sur la table. Dès lors, notre vote reflète également notre position quant à vos propositions.
Deux éléments ont suscité du rejet. D’abord, vous prévoyez des économies, et je le salue, mais vous prévoyez également des augmentations d’impôts déguisées. Je suis convaincu que c’est une erreur.
Ensuite, vous proposez une mesure qui a beaucoup fait réagir : la suppression de deux jours fériés. Cela revient à demander à la France qui travaille de travailler plus sans être rémunérée et de continuer à payer des impôts et des charges pour que d’autres continuent à toucher les aides sociales. (Mêmes mouvements.)
Vous connaissez nos convictions. Nous ne pouvons pas faire du bien à la France en faisant du mal aux Français qui travaillent. Plutôt que de supprimer deux jours fériés, nous proposons de s’attaquer aux 365 jours fériés de ceux qui ne travaillent pas et qui profitent du système et de l’assistanat. (Mêmes mouvements. – Vives protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Valérie Bazin-Malgras et M. Pierre Cordier
Très bien !
M. Laurent Wauquiez
Vous connaissez nos propositions. Nous avons proposé une loi de lutte contre l’assistanat…
M. Sébastien Delogu
C’est toi l’assisté !
M. Antoine Léaument
L’assisté en chef !
M. Laurent Wauquiez
…afin de créer une allocation sociale unique, qui fusionnerait toutes les aides sociales existantes. Le montant de cette allocation serait plafonné à 70 % du smic. L’objectif est simple : garantir qu’on ne gagne jamais plus d’argent en restant chez soi qu’en travaillant. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Notre position se résume ainsi : garder le social, bien sûr, mais arrêter l’assistanat (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP) et revaloriser le travail.
La clé du sursaut français est la revalorisation du travail.
Monsieur le premier ministre, vous m’aviez donné votre accord. Vous m’aviez dit que vous étiez prêt à prendre la parole pour clarifier votre position. Cette parole, nous l’avons attendue mais nous ne l’avons jamais entendue. Je le regrette, car si vous aviez écouté la France qui travaille, vous auriez aujourd’hui le soutien unanime des députés de la droite républicaine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Tel n’a pas été le cas. Nous ne vous demandions pas de vous renier. Je ne vous demandais pas moins d’économies, mais davantage d’économies. Vous avez fait un choix, je le respecte, mais je ne demande jamais aux députés de mon groupe de voter contre leur conscience. Tout à l’heure, lors du vote, certains voteront pour la confiance du gouvernement, sans enthousiasme ; ce sera mon cas. D’autres, dont la position est tout aussi respectable, ne voteront pas pour. Ils considèrent en effet que les intérêts de la France qui travaille, au cœur des convictions de notre groupe, n’ont pas été suffisamment pris en compte.
Pour ceux qui aiment la grande politique, faite de panache et d’audace, il n’y a rien de réjouissant dans la situation présente. L’Assemblée nationale est divisée. Il suffit d’écouter les commentaires qui fusent dans tous les sens pour le mesurer. Il n’y a pas de majorité absolue. La situation suppose des compromis, et nul ne peut prétendre plaider pour un gouvernement chimiquement pur ; ce serait mentir aux Français. Ces scénarios improbables, d’où qu’ils viennent, sont des chimères.
Dans ce contexte, nous entendons plusieurs voix s’élever. Certains prétendent qu’en ajoutant du blocage au blocage, tout ira mieux. D’autres plaident pour des élections législatives anticipées,…
M. Théo Bernhardt
Oui !
M. Laurent Wauquiez
…alors que tout montre qu’elles ne changeraient rien aux divisions de l’Assemblée et qu’elles renforceraient l’instabilité de la situation actuelle.
Dans cette période imparfaite, je crois que notre devoir est d’essayer d’accomplir un travail utile. La France a besoin d’un gouvernement, d’un budget et d’un minimum de stabilité. Nous devons tirer les leçons des erreurs du passé ; sinon, les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Ma conviction n’a pas changé. Pour assurer une stabilité suffisante à un futur gouvernement, il faut changer de méthode. On ne peut pas se contenter de nommer un premier ministre, quel qu’il soit, en lui signant un chèque en blanc, sans avoir préalablement défini un programme de travail. Aucune démocratie mature et sérieuse dans le monde ne procède ainsi. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et EPR.)
La nécessité de définir une coalition exige de privilégier le dialogue. Nous devons commencer par nous mettre autour de la table pour définir un programme de travail, même si nous ne partageons pas les mêmes opinions, plutôt que de fixer des lignes rouges insensées. C’est le seul moyen d’assurer une stabilité minimale. (Mêmes mouvements.)
Sans programme de travail fixé en amont, au fur et à mesure que le temps passe, les ambiguïtés et les supercheries se découvrent, le travail devient de plus en plus difficile, et rien ne peut tenir. Il faut tout avoir dit avant pour que l’on puisse faire après.
Le premier ministre doit soumettre un programme de travail à la discussion. C’est ce programme de travail qui permettra ensuite à l’ensemble des formations politiques de décider, en leur âme et conscience, si elles veulent y participer, si elles se contentent de le soutenir ou si elles souhaitent s’y opposer. Sans cela, il ne pourra y avoir de stabilité car nous serons ballottés au gré du vent sans même avoir pris la peine de définir le cap à suivre. (Plusieurs députés des groupes LFI-NFP et EcoS désignent la pendule.)
Mme la présidente
Merci de conclure.
M. Laurent Wauquiez
Le cap que la droite républicaine appelle de ses vœux est celui du redressement d’une France qui travaille et de la reconstruction de la France. Il nous faut agir, même dans cette période difficile. (Les députés du groupe DR se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS)
Monsieur le premier ministre, aujourd’hui, votre gouvernement tombera. Cela ne fait aucun doute. Il n’y a ni suspense, ni hésitation. Dans quelques heures, vous présenterez votre démission au président de la République sans que cela ne soulève ni tristesse ni regret. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
De vous, nous ne retiendrons que vos mensonges délétères concernant votre inaction face aux violences à Notre-Dame de Bétharram, votre sens hasardeux des priorités quand vous choisissez de prendre un jet pour Pau plutôt que d’être aux côtés des sinistrés de Mayotte, (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS) et votre impeccable sens du timing quand vous choisissez de redonner de la splendeur à votre bureau de maire alors que vous annoncez aux Français qu’ils vont devoir se serrer la ceinture.
Votre départ est un soulagement. Il serait presque une satisfaction s’il n’était pas accompagné de l’incertitude de la suite. En effet, le sujet du jour n’est pas tant votre gouvernement que ce qu’il adviendra dans les prochains jours.
La logique voudrait qu’après la fin précoce du gouvernement de Gabriel Attal, la censure de celui de Michel Barnier et l’échec de votre gouvernement, enfin, les choses changent. La lucidité impose de reconnaître que la crise que nous traversons n’est pas un problème de casting, que changer de visage sans changer de politique n’entraînera que davantage de déception et d’instabilité, (Mêmes mouvements) que, dans une assemblée sans majorité, personne ne peut imposer sa politique sans tomber, en particulier lorsque vous vous obstinez à mener une politique massivement rejetée par les Français.
Aucun chantage, aucun discours catastrophiste ni aucune tournée des plateaux de télévision ne permettront de construire une stabilité politique. La stabilité politique et le lent rétablissement du lien de confiance entre les citoyens et leurs élus ne peuvent advenir que d’une seule manière : par le respect du vote.
Le choix de près de 33 millions de Français nous oblige. L’histoire retiendra que face à la grenade dégoupillée d’Emmanuel Macron, face à son mépris, à sa brutalité, à son abus du pouvoir, le peuple français s’est levé. (Mêmes mouvements.)
Et alors qu’Emmanuel Macron fait toujours la sourde oreille, le peuple, persévérant, a décidé de se faire maître des horloges. Il a refusé massivement la loi Duplomb et il a lui-même convoqué les mobilisations du 10 septembre. Notre devoir, maintenant, est de lui prouver que sa voix est entendue, que son vote n’est pas vain.
Il se dégage trois faits indéniables des législatives anticipées de 2024, trois leçons qui doivent guider notre action : le rejet du Rassemblement national, à qui les Français ont bloqué l’accès à Matignon ; le refus de la politique d’Emmanuel Macron, puisque deux tiers des électeurs se sont exprimés en faveur d’un changement radical de politique ; une Assemblée nationale plurielle, où aucune force politique ne dispose d’une majorité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EcoS.)
M. Alexis Corbière
C’est vrai !
Mme Cyrielle Chatelain
Le premier impératif est donc de respecter le barrage républicain. Michel Barnier et vous-même, monsieur le premier ministre, avez pourtant tous deux fait le choix de vous appuyer sur l’extrême droite.
Pourquoi une telle dérive ? Parce que vous avez décidé de vous allier avec le parti de Bruno Retailleau, qui veut restreindre les droits des journalistes, qui souhaite arrêter le soutien aux énergies renouvelables, qui demande l’exclusion des femmes voilées des compétitions sportives et qui pense, comme le clan Le Pen, qu’il existe des Français de papier. Avec de tels alliés, rien d’étonnant à ce que l’extrême droite soit votre assurance vie !
M. Pierre Cordier
N’importe quoi ! Vous ne savez pas lire !
M. Patrick Hetzel
Vous êtes mal informée…
Mme Cyrielle Chatelain
Le Rassemblement national a d’ailleurs voté 90 % des textes présentés par votre gouvernement et, la moitié du temps, il vote avec les groupes de la majorité présidentielle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Chers collègues d’Ensemble pour la République, tant que vous continuerez cette alliance avec une droite qui n’a plus rien de gaulliste, vous serez prisonniers des filets du RN et vous continuerez de vous enfoncer dans l’erreur morale et la faute politique. Pour vous libérer de cette emprise, vous devez accepter de renoncer à imposer votre politique.
Le deuxième impératif est de rompre avec la politique d’Emmanuel Macron. Le bilan de sa présidence est en effet bien sombre, cela a été dit : multiplication de cadeaux fiscaux, épuisement de l’école et de l’hôpital public, abandon de l’environnement face aux lobbys et du logement face aux investisseurs. Cette politique a été rejetée dans les urnes et le serait encore plus violemment aujourd’hui, si l’on en croit les sondages.
Pour sortir de l’impasse, le président de la République n’a d’autre choix que d’accepter une cohabitation et de nommer un premier ministre issu des rangs du Nouveau Front populaire – non pas pour changer de visage, mais bien pour changer de cap. (Mme Sandrine Rousseau applaudit.) Car un gouvernement de gauche ne peut et ne doit pas être le gilet de sauvetage de la politique macroniste. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.) Le dialogue toujours, la compromission jamais !
Alors que deux gouvernements ont apparemment gouverné sans feuille de route pendant un an, celle de la gauche est connue. Il s’agit, déjà, de réparer ce que vous avez cassé et de refuser votre cure d’austérité dangereuse. Car votre diagnostic budgétaire est faux, monsieur le premier ministre : ce n’est pas l’augmentation des dépenses publiques – restées stables depuis 2017 – qui a creusé le déficit, mais la baisse des recettes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EcoS.) Vos 44 milliards d’euros d’économies ne feraient qu’aggraver la situation en ralentissant l’activité économique et en faisant augmenter le chômage. Et alors que vous êtes incapable de régler votre déficit de confiance avec les Français, vous n’êtes clairement pas le mieux placé pour combattre le déficit budgétaire ! (Mêmes mouvements.)
Nous remplacerons l’austérité par la justice fiscale. Nous mettrons un terme à l’injustice qui veut que quelques milliers de contribuables ultrariches soient deux fois moins imposés que le reste de la population.
M. Alexis Corbière
Oui !
Mme Cyrielle Chatelain
Nous mettrons en place la taxe Zucman pour les patrimoines de plus de 100 millions d’euros, et, sur ce sujet seulement, si aucun compromis ne se dégage, alors nous passerons par le référendum : ce sont les Français qui paient vos erreurs, c’est donc à eux de décider comment les corriger. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EcoS.)
Nous réformerons le pacte Dutreil, qui protège les héritages dorés, et, bien sûr, nous contrôlerons les 211 milliards d’euros d’aides aux entreprises et nous supprimerons les aides indues. Chaque entreprise, chaque association, chaque collectivité doit justifier du moindre euro dépensé, mais les grandes entreprises pourraient encaisser des milliards sans suivi, sans contrepartie, sans la moindre création d’emploi ? Ce n’est pas acceptable. Cet argent nous permettra de réduire le déficit, mais surtout d’investir dans l’école, dans la santé, dans la transition écologique, dans l’industrie, dans l’adaptation de nos sociétés face aux impacts du réchauffement climatique.
J’entends déjà les commentaires mesquins de certains sur ces bancs, mais, messieurs et mesdames de la majorité présidentielle, quand on a, en un an et demi, creusé un trou de 70 milliards d’euros, on se fait tout petit et on ne donne pas de leçons d’économie ! (Mme Dominique Voynet applaudit.) Je rappelle que cette somme – 70 milliards –, c’est ce que vous vouliez économiser avec la réforme des retraites ! (Mmes Sandra Regol et Sandrine Rousseau applaudissent.) Il nous faut un modèle économique plus viable.
Nous défendrons aussi le pouvoir de vivre dignement, grâce à la revalorisation des salaires, à la gratuité des premiers kilowattheures, à l’encadrement des loyers, à la lutte contre la vacance et le développement des logements Airbnb.
M. Pierre Cordier
On se croirait le 10 mai 1981, mais cette politique a échoué !
Mme Cyrielle Chatelain
Nous protégerons la santé par le refus du doublement des franchises médicales, l’abrogation de la loi Duplomb, la régulation de l’installation des médecins et la suppression de la majoration du ticket modérateur pour les patients qui n’arrivent plus à trouver un médecin traitant.
M. Pierre Cordier
Et les recettes ?
Mme Cyrielle Chatelain
Nous nous opposerons à la vague d’obscurantisme qui déferle depuis les États-Unis et qui est importée par la droite et l’extrême droite de cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Nous engagerons la planification écologique et nous respecterons nos engagements – baisse de 65 % des gaz à effet de serre d’ici à 2030, baisse de 90 % d’ici à 2040. Nous investirons pour réduire notre consommation d’énergie grâce à la rénovation thermique des bâtiments, au développement des transports en commun, aux investissements dans les énergies renouvelables. Le respect des connaissances scientifiques et une action politique résolue sont les deux seules manières de préserver la biodiversité et de réduire les impacts du réchauffement climatique.
M. Pierre Cordier
Il y a aussi des gens de droite qui sont écologistes !
Mme Cyrielle Chatelain
Malheureusement, la charge contre les savoirs scientifiques est un autre dégât collatéral de l’entente avec l’extrême droite.
Enfin, nous engagerons une lutte volontariste et résolue contre les discriminations et pour l’égalité, dans un moment où les faits racistes, antisémites et islamophobes explosent. S’agissant de l’accueil des migrants, il faut débloquer la situation dans les préfectures, qui, faute de moyens, sont devenues des usines à créer des sans-papiers.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement !
Mme Cyrielle Chatelain
Il faut enfin redonner à la France sa place dans le monde : elle doit être au premier rang pour refuser le chantage de Donald Trump et demander la révision de l’accord entre les États-Unis et l’Union européenne. Il faut agir résolument en soutien à la Palestine, en finançant l’Unrwa, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, et en interdisant les ventes d’armes à Israël. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Comment faire passer toutes ces mesures ? Par un changement de méthode. Rompre avec la politique d’Emmanuel Macron, c’est aussi rompre avec sa méthode et redonner du pouvoir à l’Assemblée. Il ne doit plus être possible de gouverner pendant des mois sans avoir demandé un vote de confiance. Il ne doit plus être possible d’imposer des lois par le 49.3. C’est notre engagement : un gouvernement de gauche doit demander immédiatement un vote de confiance et renoncer au 49.3. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EcoS.)
Nous l’avons entendu pendant l’intervention de M. Wauquiez, le socle gouvernemental se disloque sous nos yeux.
M. Sylvain Berrios
C’est vrai qu’à gauche…
Mme Cyrielle Chatelain
Ses députés ne savent pas quoi voter aujourd’hui.
Mme Anne-Laure Blin
Nous savons très bien, rassurez-vous !
Mme Cyrielle Chatelain
Ce qui renforce l’isolement présidentiel et l’hyperprésidentialisme d’une Ve République à bout de souffle.
Monsieur le président de la République, puisque vous êtes le point de blocage, entendez que la cohabitation décidée par les Français depuis déjà plus d’un an s’impose à vous ! (Les députés du groupe EcoS se lèvent et applaudissent.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
La parole est à M. Marc Fesneau.
M. Marc Fesneau (Dem)
En politique, la vérité doit parfois attendre le moment où l’on a besoin d’elle. Ce moment est venu et c’est ce rendez-vous que nous ne pouvons manquer. Reconnaître la vérité des chiffres, ce n’est pas imposer une politique, ce n’est pas dicter ce qu’il faut décider. Fonder une décision uniquement sur les chiffres ne garantit pas qu’elle soit bonne ou juste. Mais ignorer les chiffres, c’est les laisser s’imposer à nous et nous priver de toute capacité d’autonomie décisionnelle – lorsque la situation financière est hors de contrôle, il ne reste plus que la contrainte brutale des créanciers.
La déclaration que le premier ministre vient de faire nous rappelle de la manière la plus fondamentale que personne ne peut se dérober à la réalité et que nous, élus, avons à l’égard des Français un devoir de vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.) Ce discours de vérité, monsieur le premier ministre, vous le tenez depuis plusieurs décennies dans le débat public et les députés du groupe Démocrates l’ont maintes fois défendu ici même. C’est sur lui que doit se fonder notre responsabilité, celle que nous avons reçue des Français. Il nous appartient, au-delà de nos divergences, de conduire le pays en le préservant des périls les plus graves : la guerre, le changement climatique, le déclassement, l’asservissement économique, financier et, au bout du chemin, politique.
Il ne peut y avoir de préservation de l’intérêt commun sans une reconnaissance partagée de la réalité. Qui peut imaginer une politique climatique efficace si une majorité ne s’accorde pas sur l’existence et les causes mêmes du dérèglement ? Nous connaissons, hélas, des climatosceptiques. Reconnaissons qu’il est impossible de construire avec eux une politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Désormais, en France, de nombreux responsables se rangent manifestement dans la catégorie des « déficitosceptiques » (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Laurent Wauquiez applaudit également) : ceux qui croient, ou feignent de croire – ce qui est beaucoup plus grave –, que la dette n’a pas de conséquences et n’a pas grande importance.
C’est pourquoi la question qui nous est posée aujourd’hui n’est pas celle du sort d’un seul homme ou de son gouvernement, ni même celle des réponses précises à apporter. Elle est de savoir si nous avons, quelles que soient nos différences, le courage de voir la vérité en face. Dire les choses telles qu’elles sont, c’est reconnaître que, depuis cinquante ans, le choix de la facilité face aux attentes de l’opinion publique et la démagogie qui caractérise trop souvent la guerre rangée qu’est la politique ont conduit à accumuler une dette que nous ne pouvons plus supporter.
Nous en sommes tous responsables : ceux qui ont gouverné et ceux qui les ont poussés, sans gouverner, à la dépense. Depuis les années 1970, nous avons multiplié les engagements sans jamais solder les comptes. À chaque crise – financière, sanitaire, énergétique –, nous avons repoussé l’échéance, convaincus qu’un jour meilleur réglerait nos contradictions.
Mme Christine Arrighi
Eh oui, c’est ça le problème !
M. Marc Fesneau
Mais ce jour n’est jamais venu. L’irresponsabilité de certains, c’est d’avoir sans cesse réclamé plus de dépenses. La nôtre, sans doute, c’est de leur avoir trop cédé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
La vérité, c’est aussi que les conséquences de nos choix, ou plutôt de nos non-choix, ont été reportées sur ceux qui n’avaient pas voix au chapitre : les jeunes et les générations futures. C’est cette chaîne d’irresponsabilité que nous devons briser aujourd’hui, sans quoi nous ne leur léguerons pas un héritage, mais un fardeau, pas un espoir, mais un avenir entravé, pour ne pas dire impossible.
En 2025, le remboursement des seuls intérêts de la dette représente plus de 60 milliards d’euros, et 70 milliards dès 2026 si nous ne faisons rien. C’est treize fois plus que ce que rapportait l’impôt de solidarité sur la fortune en 2017, six fois le budget de la justice ! Ce sont autant d’investissements que nous ne pouvons pas faire pour le quotidien des Français, pour leur santé, leur logement, la transition écologique et énergétique, l’agriculture, la recherche et l’éducation. Autant d’aides que nous ne pourrons pas mobiliser pour soutenir de nouveau le pouvoir d’achat des ménages si une nouvelle crise inflationniste, sanitaire, énergétique ou géopolitique venait à surgir. Autant de moyens qui ne pourront pas accompagner les investissements des collectivités locales.
La vérité, c’est aussi que la spirale de la dette rend notre démocratie impuissante et menace notre souveraineté. Plus notre dette s’accroît, plus les marchés financiers sont en mesure d’influencer notre politique. Il n’est pas un pays qui y ait échappé – pas un !
Mais, mes chers collègues, il n’est pas trop tard pour faire face à ces réalités. Nous pouvons faire ensemble le choix d’affronter la vérité des chiffres pour reprendre le contrôle avant qu’ils ne s’imposent de manière irrémédiable au destin de notre pays. C’est même la condition sine qua non à l’émergence de compromis forts, équilibrés et surtout justes. C’est ce chemin que vous proposez, monsieur le premier ministre, avec cette déclaration, celui que nous avons toujours défendu au groupe Démocrates.
Nous sommes convaincus que cette assemblée n’est pas condamnée à l’affrontement stérile. Nous pouvons être les artisans d’un rassemblement de femmes et d’hommes qui cherchent des solutions plutôt que des slogans, qui veulent être utiles plutôt qu’applaudis, plutôt que populaires à bon compte, en cédant aux tentations populistes, qui mettent l’intérêt du pays au-dessus des partis et qui ne pensent pas que nous irions mieux avec le chaos – chaos que certains organisent tous les jours, jusque dans l’enceinte même de cette assemblée.
Voilà la méthode que nous devons revendiquer : partir de la vérité, dialoguer dans le respect et construire dans l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes EPR et DR.) Nous l’avons déjà fait. L’exercice budgétaire de 2025 l’a montré : un compromis est possible. Celui que nous avons trouvé a permis de faire passer le déficit de 6,2 % à 5,4 %. Pour la première fois depuis longtemps, le gouvernement dirigé par François Bayrou a su tenir cet objectif, malgré le contexte international difficile, sans casser la croissance, ni plonger la France dans l’austérité.
Si nous sommes responsables, nous pouvons respecter tous ensemble une trajectoire. Certes, la démocratie française n’est pas habituée au dialogue, mais la vérité oblige à dire aussi qu’il s’impose à nous tous. Personne ne peut à lui seul assurer la stabilité et imposer ses vues. Personne !
M. Erwan Balanant
Exactement !
M. Marc Fesneau
Si chacun cherche à être vainqueur au détriment de l’autre, alors tout le monde perdra.
M. Romain Daubié
Les Français, surtout !
M. Marc Fesneau
Au contraire, si chacun accepte une part de renoncement nécessaire sans se dévoyer et de manière transparente, sous les yeux des Français, alors nous réussirons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes EPR et DR.) Nous pouvons construire ce compromis avec méthode, en abandonnant les oukases et les lignes rouges intenables, les arrière-pensées permanentes, boutiquières ou électorales. Cela nécessite que nous n’ayons pas de tabous : ni sur la taxation des plus aisés, ni sur la nécessaire réduction des dépenses, ni sur les grands bouleversements qui préoccupent les Français.
M. René Pilato
Attention, vous allez finir à gauche !
M. Marc Fesneau
Si vous aviez suivi les débats budgétaires, vous n’auriez pas cet air étonné ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) La vérité, c’est aussi accepter que certains débats ne seront tranchés ni ici ni maintenant, que les Français seront appelés à se prononcer en 2027 et que d’ici là nous pouvons être utiles…
M. Erwan Balanant
Nous devons être utiles !
M. Marc Fesneau
…en faisant œuvre commune sur nombre de sujets. Ce temps est précieux et nous n’avons pas le droit de le gâcher sous les yeux désabusés des Français, qui sont de plus en plus en colère.
Ce que propose le premier ministre, c’est aussi de bâtir la confiance autour de l’idée de justice. Je sais, chers collègues, que nous partageons cette idée avec nombre d’entre vous. La justice ne peut être fondée sur la désignation de boucs émissaires : ni les riches, ni les chômeurs, ni les immigrés, ni les patrons, ni les travailleurs, ni les retraités, ni même, j’ose le dire, les responsables politiques.
La justice, c’est demander à chacun une contribution en proportion de ses moyens (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem)…
M. Jean-Paul Lecoq
C’est exactement ce qu’on demande !
M. Marc Fesneau
…et que, tel le colibri, chacun fasse sa part. Depuis 2017, notre groupe a fait des propositions concrètes en faveur de la justice fiscale : l’élargissement de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière, la taxation des rachats d’actions et des superdividendes et le rehaussement de la flat tax, entre autres, pour rapprocher taxation du travail et du capital.
Notre cohérence, c’est de ne pas considérer de la même manière ce qui participe au dynamisme de l’économie réelle et ce qui relève de la richesse improductive ou de la rente. C’est la rente pour la rente qu’il faut chasser sans relâche, pas ceux qui créent et qui développent : c’est valable pour les chefs d’entreprise comme pour chacun d’entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Défendre la justice, c’est aussi mieux répartir les efforts de la solidarité nationale, afin qu’elle ne décourage pas les plus jeunes, ceux qui veulent créer, produire et prendre des risques, dans le public comme dans le privé, ou encore ceux qui se lancent dans la vie avec la charge d’une famille.
Face à ces défis, la France a des atouts immenses : son travail, sa capacité productive, ses talents, sa créativité, sa recherche, son tissu d’entreprises, sa jeunesse. Nous avons des capacités industrielles extraordinaires dans de nombreux secteurs de pointe et d’avenir : chimie, mathématiques, aérospatial, armement, nucléaire, industrie du luxe, pharmacie, culture, intelligence artificielle. Nous avons – prenons-en vraiment conscience – la meilleure agriculture du monde. (Mme Justine Gruet et M. Laurent Wauquiez applaudissent.) Nous avons enfin un service public en situation de mal-être mais qui fait des envieux à l’extérieur de nos frontières.
C’est aussi cette vérité-là qu’il faut entendre : celle d’un pays qui dispose des moyens de son sursaut et qui ne peut, dès lors, accepter la domination et la tutelle des autres, et moins encore celle de marchés financiers étrangers. Il faut refuser le discours facile du déclin, celui qui cherche les boucs émissaires et les solutions simplistes, qui nourrit un désamour de la France quand nous devrions tant l’aimer, elle et les Français. La vérité, le compromis et la justice ne sont pas des mots creux : ils forment ensemble une méthode qui a déjà fait ses preuves et qui peut encore une fois donner à notre pays la force de surmonter les défis.
Nous vivons un moment charnière, monsieur le premier ministre, et ce combat de vérité, qui est celui d’une vie, celui de votre vie, chaque député démocrate le mène à vos côtés. Nous le menons dans l’adversité aujourd’hui et nous le poursuivrons demain avec vous.
En cet instant, chacun des députés de la nation détient une part de l’avenir de la France. Il se l’est vu confier lors des dernières élections législatives, selon une attente exprimée par chacun de nos concitoyens : celle de dialoguer, de travailler ensemble, de leur être utile. C’est sur ce mandat, et non sur le sort du gouvernement, que nous devons nous déterminer. Oui ou non, le sujet de la dette est-il urgent et grave pour notre pays et pour l’avenir de la jeunesse ? Oui ou non, pouvons-nous nous entendre sur ce sujet crucial et adresser ainsi un message de stabilité, d’unité et de force au reste du monde ? Oui ou non, pouvons-nous entamer un véritable dialogue, sans faux-semblant, pour trouver des solutions à la hauteur de notre devoir à l’égard des générations futures ?
Charles Péguy s’interrogeait : « Taire la vérité, n’est-ce pas déjà mentir ? » Il poursuivait en affirmant que « ceux qui ne crient pas la vérité, quand ils savent la vérité, se font complices des menteurs et des faussaires ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.) C’est le sens du rendez-vous que vous nous avez donné aujourd’hui, monsieur le premier ministre. Et c’est parce que notre groupe accepte de relever ce défi et de préserver notre pays du pire et des périls qui le menacent que nous voterons en faveur de votre déclaration. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Christophe.
M. Paul Christophe (HOR)
La situation financière actuelle de la France est plus que préoccupante : c’est bien ce constat qui devrait nous rassembler. Nous devons le partager collectivement et faire de lui la base de nos échanges. Comme l’a rappelé le premier ministre, notre déficit atteignait en 2024 5,8 % du PIB, soit le niveau le plus élevé de la zone euro. Notre dette publique s’élevant à plus de 3 400 milliards d’euros, nous assistons à une explosion des intérêts, qui ont tout simplement doublé entre 2021 et 2024. Cette situation nous expose à un risque dès aujourd’hui car elle freine la confiance des ménages et l’investissement de nos entreprises, et frappera directement les générations futures au cours des décennies à venir. Mesurons bien la charge que nous laisserons à nos enfants et qui, chaque heure, augmente de 18 millions d’euros !
Mme Christine Arrighi
Ce n’est pas comme si vous étiez au pouvoir !
M. Paul Christophe
Avec les crises politique et économique que nous traversons, nos objectifs doivent être résolument raisonnés. Pendant les deux prochaines années, nous nous devons de ne pas aggraver une situation déjà catastrophique.
Mme Christine Arrighi
On dirait que vous venez d’arriver !
M. Paul Christophe
La Cour des comptes l’a dit elle-même : « Chaque année perdue supplémentaire impliquerait des efforts futurs plus importants et plus douloureux. » C’est certain, le temps que nous perdons aujourd’hui, nous le paierons demain, ou plutôt nos enfants le paieront.
M. Nicolas Sansu
La faute à qui ?
M. Paul Christophe
Ne cherchons pas le budget miracle qui contenterait les desiderata de tous : il n’existe pas. Ne nous égarons pas non plus dans une guerre des générations : nous décevrions tout le monde, sans exception !
M. Jean-Paul Lecoq
C’était le discours du premier ministre !
M. Paul Christophe
Gardons bien à l’esprit que si nous ne faisons rien, nous aurons des jeunes endettés à outrance, des actifs étouffés par le poids des cotisations et des aînés dont on ne saura financer ni l’autonomie ni la dépendance. Viendra le jour où notre pays devra engager de profondes réformes structurelles et assumer des choix courageux pour sortir d’un modèle hérité du XXe siècle et aujourd’hui inadapté à notre démographie et à notre économie. Alors nous pourrons conduire les transformations indispensables et attendues par les Français. Mais ce moment n’est pas encore venu.
La France ne peut pour autant pas laisser sa situation budgétaire continuer de se dégrader. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder autour de nous les dégâts économiques causés par une année de nos querelles politiques stériles. Il devient crucial de prendre dès aujourd’hui des mesures pour assurer la bonne conduite des affaires de la nation. Pour qu’un effort soit accepté, il doit être compris.
M. Jean-Paul Lecoq
Et partagé !
M. Paul Christophe
C’est pourquoi je salue l’exercice de responsabilité et de transparence de l’actuel premier ministre et de son prédécesseur, qui, chacun à leur tour, ont tenu un discours de vérité, malgré l’impopularité de celui-ci. Les 43 milliards d’euros qu’il nous faut trouver pour le budget 2025 servent à enclencher une dynamique et à renverser la tendance pour proposer une autre trajectoire financière à nos concitoyens comme à nos partenaires.
Pour qu’un effort soit accepté, il doit être partagé. Aussi, dans un esprit de responsabilité, le groupe Horizons a-t-il travaillé à des propositions réalistes sans dépenses populistes ni recettes fantaisistes – je dis bien sans dépenses populistes ni recettes fantaisistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem.) Êtes-vous prêts, de votre côté, à prendre un tel engagement, chers collègues ?
L’effort doit être collectif, c’est vrai, mais en premier lieu l’État devra se montrer exemplaire en diminuant son coût budgétaire par des simplifications, dans la continuité du travail engagé par le ministre de la fonction publique, Laurent Marcangeli. Nous ne trouverons pas ces milliards présumés sous les matelas de l’État, comme le prétendent certains populistes, mais nous nous devons de montrer l’exemple et de mettre fin à des dépenses inutiles.
Chez Horizons, notre ligne directrice n’a jamais varié et nous l’assumons : nous pensons que nous devons dépenser moins et travailler plus. En effet, nous croyons qu’il est avant tout indispensable de réduire la dépense publique. Soyons honnêtes, le cercle vertueux des dépenses publiques est devenu un cercle vicieux dont nous n’arrivons plus à sortir. Nous croyons aussi à la valeur travail, à la nécessité de travailler plus et d’être plus nombreux à travailler. Ce n’est pas un gros mot de dire que la prospérité collective vient de l’emploi, ni de dire que l’emploi est aujourd’hui le meilleur moyen de sortir d’une précarité trop souvent subie. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Pour avoir des emplois, encore faut-il des entreprises qui recrutent et qui vont bien. C’est pourquoi nous ne souhaitons pas les taxer davantage. Nos entreprises subissent déjà avec violence l’instabilité politique due à l’inconscience de certains et à l’inconstance des autres.
Vous connaissez la formule : « L’histoire ne se répète pas, mais elle trébuche parfois. » Une fois n’est pas coutume, j’en appelle à Léon Blum, qui constatait après-guerre que « pour la première fois en France, la quasi-totalité de la représentation nationale va se partager entre trois partis. C’est une situation difficile en elle-même. Mais il se trouve que ces trois partis sont d’accord sur un programme d’action immédiate. » Dans ses interventions, il rappelait l’importance de l’unité et de la coopération pour reconstruire la France. De cette chambre tripartite sont nées de grandes réformes sociales et la réconciliation nationale.
Alors que la situation était bien plus sombre, les partis politiques ont su s’entendre, au profit de l’intérêt national, à l’inverse de vos discours, mes chers collègues, dont je ne retiens que des lignes rouges. Chacun tirant la couverture à lui laisse le pays à nu. Alliance des contraires,…
M. Julien Guibert
Vous vous y connaissez, hein !
M. Paul Christophe
…propositions enchanteresses et déraisonnables : les oppositions voudraient nous faire croire que la dette n’est qu’un souci comptable que nous pourrions remettre à plus tard. D’autres s’y sont essayés avant nous, avec les résultats que nous connaissons – je pense à la Grèce, au Portugal, à l’Espagne. Cette douce musique que j’entends sur les plateaux de télévision à longueur d’interviews contraste terriblement avec la souffrance des chefs d’entreprise et l’inquiétude des Français que je rencontre.
Pourtant, ces débats budgétaires nous offrent un cadre de discussion. Ils ne sont pas une démonstration d’affection pour telle ou telle personnalité politique. Nous nous devons de revenir à une trajectoire financière positive. De 2017 à 2020, nous avons baissé les impôts sans pour autant nous soustraire aux règles européennes. Nous empruntions alors à des taux négatifs… Que ce temps me paraît loin désormais !
Sans sécurité financière, voyez comme déjà notre pays se fige. Et un pays qui n’avance pas, croyez-le ou non, dans le monde que nous connaissons, est un pays qui régresse. Oui, le risque du surendettement de la France existe. Nos entreprises nous demandent la stabilité et la visibilité dont elles manquent cruellement depuis un an. Combien de fois l’ai-je entendu au cours des derniers mois !
Nos concitoyens sont consternés par le piètre spectacle que nous leur offrons, incapables que nous sommes de leur donner une perspective à plus de quelques semaines, faute de nous accorder sur une personnalité dont le choix semble désormais relever du miracle. Dans quelle situation désolante sommes-nous en train d’enfermer la France ? De motions de rejet en motions de censure, les oppositions bloquent le pays en jouant à la roulette russe avec les gouvernements successifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
M. Patrick Hetzel
Eh oui !
M. Emeric Salmon
Édouard Philippe a appelé à voter communiste !
M. Paul Christophe
Et que nous proposent-elles ? Rien, si ce n’est des dépenses nouvelles et des recettes insincères, aucun projet budgétaire qui n’obtienne ici plus d’un cinquième des voix. Parce qu’égoïstement elles ne veulent qu’exercer le pouvoir, elles ne pensent qu’au « qui » alors que se mettre au service de la France, c’est d’abord s’accorder sur le « quoi ».
Chers collègues, cessons ces guerres d’ego, mettons-nous ensemble autour de la table et trouvons des compromis. Nous nous devons de doter la France d’un budget avant la fin de l’année. C’est pourquoi le groupe Horizons votera bien évidemment en faveur de la stabilité. Pensons à la France, aux Françaises et aux Français, et c’est tout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Panifous.
M. Laurent Panifous (LIOT)
Monsieur le premier ministre, c’est avec une certaine circonspection que nous avons appris, à la sortie de l’été, votre choix d’engager la responsabilité du gouvernement sur la base de l’article 49.1 de la Constitution. Comme le dit le dicton populaire, la confiance – celle que vous sollicitez aujourd’hui – ne se réclame pas, elle se gagne.
M. Jean-Paul Lecoq
Elle se mérite !
M. Laurent Panifous
Aussi, pour les députés du groupe LIOT, la question est-elle de savoir si vous avez su gagner notre confiance, la confiance nécessaire à la poursuite de votre mission. Vous le savez, les parlementaires de notre groupe sont issus d’horizons divers, mais ils partagent le goût du dialogue, du dépassement de l’intérêt partisan et la conviction qu’il faut concourir à la recherche de solutions utiles pour le pays et pour nos concitoyens. Depuis le jour de votre nomination, nous avons donc fait savoir notre volonté de travailler à la construction d’un compromis. C’était le seul chemin à emprunter pour permettre à notre pays d’avancer après la dissolution hasardeuse de 2024.
Eu égard à votre parcours et à votre engagement de travailler en bonne intelligence avec tous les groupes politiques, nous avions, comme toujours, décidé d’être un groupe constructif, ayant à cœur de proposer des solutions. Pourtant, force est de constater que la méthode que vous avez adoptée nous a largement décontenancés. Alors même que la situation financière de notre pays est source de vives inquiétudes et promet des arbitrages difficiles, vous avez choisi d’avancer seul, dans une démarche que je qualifierai de « tout ou rien », à rebours de ce que vous avez toujours prôné. Alors que nous espérions depuis des mois un travail de fond sur la construction budgétaire, vous avez attendu que la session parlementaire soit clôturée pour présenter vos propositions d’orientation. Nous regrettons ce choix, d’autant que nous avions exprimé à de très nombreuses reprises, dans les mois qui ont précédé vos annonces, notre désaccord quant à votre méthode.
Convaincus de la nécessité d’amender profondément vos orientations afin de rétablir l’équité dans les efforts demandés à nos concitoyens, nous avons formulé d’autres propositions et fait savoir notre disponibilité pour participer au débat parlementaire qui devait s’ouvrir. Vous devinez donc notre incompréhension et notre déception face à votre décision d’engager la responsabilité de votre gouvernement alors même qu’aucun débat ne s’est engagé avec le Parlement et que nos propositions sont, à ce stade, restées lettre morte. Où est la concertation quand elle n’est envisagée qu’ a posteriori ? Où est la coconstruction lorsque nos propositions ne sont ni étudiées ni discutées ? Où est le dialogue, condition sine qua non de la production d’un consensus ?
Soyons clairs. Oui, nous nous accordons sur la nécessité d’agir face à la dégradation des finances publiques ; oui, nous sommes prêts à y prendre notre part ; et oui, nous sommes conscients qu’il nous faut faire un pas les uns vers les autres. Mais non, votre méthode du « à prendre ou à laisser » n’est pas une solution acceptable ; et non, le vote que vous sollicitez aujourd’hui ne se limite pas à un accord sur votre constat.
Vous l’aurez deviné, face à ces nombreuses incompréhensions, une large majorité des députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires ne vous accordera pas sa confiance. (M. Emmanuel Mandon s’exclame.) Soucieux de l’intérêt du pays et éloignés des contingences partisanes, nous redisons à la représentation nationale notre volonté d’agir et de participer à l’élaboration d’un chemin commun. Pendant les vingt mois qui nous séparent de la prochaine élection présidentielle, laquelle définira les grandes orientations de l’avenir de notre pays, et en l’absence d’une majorité politique au sein de notre assemblée, les responsables politiques que nous sommes…
M. Emmanuel Mandon
On entend bien la responsabilité dans votre discours !
M. Laurent Panifous
…doivent mesurer que c’est à nous, et à nous seuls, qu’il incombe de rendre le compromis possible. Entendons-nous bien, notre groupe ne se positionne pas comme un donneur de leçons ni comme le seul détenteur de la vérité, mais comme un acteur politique déterminé à ne pas faire perdre deux années à notre pays. En effet, comme tous ici, nous refusons de le voir s’enfoncer dans l’inaction. Nous mesurons quotidiennement l’exaspération et l’inquiétude de nos concitoyens de l’Hexagone et des outre-mer. Enfin, notre pays ne peut apparaître fragilisé dans un contexte international de grand désordre.
Nous voulons agir maintenant et concrètement avec des femmes et des hommes qui, disons-le simplement, ne pensent pas comme nous, mais ressentent comme nous l’urgence de la situation et ne parient pas sur le blocage ou sur le chaos. Réaliser des économies sans casser la croissance, renforcer l’efficience des politiques publiques, simplifier nos organisations, faire contribuer équitablement nos concitoyens à l’effort de redressement, encourager le travail, protéger les plus fragiles, garantir un service public de qualité ou encore préserver l’environnement : il me semble que toutes ces pistes, si elles donnent lieu entre nous à un dialogue franc, mais serein et constructif, peuvent nous conduire à élaborer des majorités de projet.
Bien évidemment, nous n’ignorons pas les échéances à venir. Le temps des joutes politiciennes viendra. Nous mettrons en scène bien assez tôt nos différences et nos désaccords, permettant ainsi aux Françaises et aux Français de faire un choix éclairé. Mais il est un temps pour tout. Soyons à la hauteur de la situation, que personne n’a souhaitée, mais que nous mesurons tous avec gravité.
Plutôt qu’à la politique du fait accompli, le temps est au dialogue exigeant et à la construction responsable d’un compromis pour la France. C’est en ce sens que mon groupe m’a donné mandat pour contacter les présidents de l’ensemble des groupes ne souhaitant pas emprunter l’impasse chaotique d’une dissolution, voire d’une démission du président de la République. Chers collègues, à cette tribune, devant la représentation nationale, je vous adresse à nouveau cet appel : réunissons-nous et trouvons le chemin du compromis. Nous sommes prêts à y prendre toute notre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes EPR, SOC, DR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu (GDR)
« Un acte vaut cinq dires », avait coutume de répéter Henri IV, l’un de vos héros, monsieur le premier ministre. Faute de dire, vous faites un acte, celui par lequel vous auriez dû commencer : vous demandez la confiance du Parlement, comme le suggère la Constitution.
Votre décision, que certains jugent courageuse, n’est à nos yeux qu’un péché d’orgueil. Vous posez la question alors que vous connaissez la réponse : vous n’avez pas la confiance d’une majorité de parlementaires, encore moins celle de la majorité du pays. Vous disiez en 2018 : « Quand on porte un projet, si ce projet est fort et juste, on n’est jamais seul. » Votre projet de budget pour 2026 n’est ni fort ni juste, et vous êtes bien seul. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR. – MM. René Pilato, Alain David et Jean-Claude Raux applaudissent également. – M. Emmanuel Mandon s’exclame.)
Éternels fusibles du président de la République, les premiers ministres de la Ve servent à le protéger. Tel le soldat Ryan, il vous faut sauver le président Macron. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.) Vous serez donc le quatrième en trois ans à tomber pour épargner le principal responsable de nos malheurs. (Mêmes mouvements.)
Ce que vous proposez : presser toujours plus les salariés, les retraités, les chômeurs, les malades, et épargner ceux qui se sont enrichis outrancièrement depuis 2017. L’écart de fortune entre les plus riches et les plus pauvres n’a jamais été aussi important depuis trente ans. Or nous sommes convaincus, avec une majorité de Français, qu’un pays où les inégalités s’accroissent est un pays qui régresse.
Votre discours crépusculaire, voire apocalyptique, sur la dette est contredit par nombre d’économistes parmi les plus sérieux. Vous utilisez la dette pour effrayer les Français et pour proposer le pire budget de la Ve République. Mais la dette peut être vertueuse si elle permet des investissements pour l’école, pour l’hôpital, pour les services publics ou encore pour la réindustrialisation de la France, et ouvre ainsi une perspective d’avenir pour le pays.
Vous avez balayé d’un revers de la main toutes les propositions alternatives de notre groupe ou de nos collègues de gauche qui étaient orientées vers les urgences sociales et climatiques. Pourtant, les Français – ils l’ont dit en 2024 et le répètent à l’envi – souhaitent que l’on change de politique. Pensez-vous que l’appel au mouvement social du 10 septembre aurait eu un tel écho si votre politique n’était pas aussi discréditée, rejetée et même détestée ?
Votre responsabilité personnelle est d’autant plus grande que vous avez été l’artisan de la victoire d’Emmanuel Macron en 2017, devenant ainsi son parrain et son tuteur. De plus, votre formation politique a été de tous les gouvernements : elle a soutenu toutes les lois, tous les budgets, toutes les politiques qui ont tant abîmé la France. Et vous voudriez nous faire croire qu’il faut vous sauver pour éviter le chaos, vous qui en êtes l’un des ingénieurs !
Vous semblez découvrir l’état de nos finances alors que vous n’avez eu de cesse de contribuer à les dégrader.
M. Jean-Paul Lecoq
Exactement !
M. Stéphane Peu
Vous ne pouvez pas vous dédouaner de vos responsabilités. Vous pouvez encore moins dire que vous ne saviez pas, vous qui avez quarante ans de politique derrière vous. Vous le savez, seuls les papes nouvellement élus découvrent les secrets du Vatican le jour de leur élection.
M. Pierre Cordier
Un communiste qui fait référence au pape…
M. Stéphane Peu
Après l’annonce de vos orientations budgétaires, vous n’avez entamé aucune discussion, aucune négociation, et vous avez une nouvelle fois méprisé le Parlement.
Mme Christine Arrighi
C’est sûrement parce que nous étions en vacances !
M. Stéphane Peu
Vous avez tenté de diviser les syndicats. Ils viennent de vous répondre par la mobilisation du 18 septembre, dans l’unité retrouvée la plus large. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Vos méthodes de discussion sont des leurres. Derrière chacune des mesures budgétaires que vous avez annoncées, qui ne sont pour vous que de froides colonnes de chiffres, je vois, moi, des visages et des familles de ma circonscription. Les familles qui survivent au-dessous du seuil de pauvreté représentent 15 % des habitants de notre pays, plus de 28 % de ceux de la Seine-Saint-Denis et 37 % des habitants de ma ville de Saint-Denis. Ce sont les chiffres de 2021 ; depuis, la situation s’est aggravée. Vous êtes l’homme de ce record jamais égalé depuis 1981.
Derrière les chiffres relatifs aux petites pensions et aux bas salaires, je vois des personnes âgées qui ont travaillé toute leur vie et se voient désormais obligées de frapper à la porte des associations caritatives. Je vois des salariés qui renoncent aux petits plaisirs de la vie, mais parfois aussi à l’essentiel, à cause de leur pouvoir d’achat en berne et de la faiblesse de leur salaire, très loin de suivre l’inflation des prix des biens de consommation courante. Je vois des étudiants obligés de se saigner aux quatre veines pour pouvoir étudier, manger ou se loger. Je vois des enseignants, des hospitaliers et des agents territoriaux souffrir parce que leur salaire et leurs conditions de travail se sont dégradés. Je vois des travailleurs qui vivent dans l’angoisse d’un licenciement ou qui sont livrés à l’ubérisation et à la précarisation du travail.
Ce qui vaut pour ma circonscription vaut pour l’ensemble du pays, et encore davantage pour les outre-mer. Là-bas, c’est vie chère, bas salaires, chômage endémique, mépris des revendications, scandales environnementaux, survivance du colonialisme. Votre politique a aggravé la situation de nos concitoyens ultramarins. Votre budget est un condensé de mépris de classe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)
En voulant faire entrer la France à marche forcée dans le carcan de la mondialisation libérale, vous avez à la fois aggravé la situation économique et sociale et plongé le pays dans une crise démocratique. Parce que le président de la République a refusé de tenir compte du résultat des dernières législatives, et alors que nombre de députés de votre rassemblement hétéroclite ont été élus pour faire barrage au Rassemblement national, ils n’ont eu de cesse de solliciter le soutien de l’extrême droite, ou du moins sa neutralité. Ne vous inquiétez pas pour elle : M. Bardella vient de recevoir l’onction patronale aux journées du Medef – je le précise surtout pour les Français qui auraient pu croire un instant que le RN s’attaquerait aux inégalités sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) À chaque fois que vous faites un pas vers l’extrême droite, vous la légitimez.
À l’image du président de la République, vous ne pensez qu’à diviser notre nation. À vous entendre, les chômeurs seraient des fainéants, les allocataires des minima sociaux seraient des assistés, les retraités des nantis, les malades des profiteurs. Les étrangers, quant à eux, cocheraient toutes ces cases et bien d’autres encore. Voilà votre fonds de commerce !
Vous le savez, notre devise est et restera Liberté, Égalité, Fraternité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Elle n’est pas et ne doit plus jamais être Travail, Famille, Patrie.
M. Hervé de Lépinau
Vous représentez le parti aux cent millions de morts, le parti communiste !
M. Stéphane Peu
Ce que veulent les citoyennes et les citoyens de notre pays, c’est la liberté, celle de critiquer et de manifester, alors que vous avez réprimé le combat politique et syndical ; c’est l’égalité devant l’impôt, l’égalité entre les femmes et les hommes, l’égalité dans l’accès aux services publics, alors que vous n’avez eu de cesse de les mettre en pièces ; c’est la fraternité, la fin des discriminations et une France qui combat tous les racismes. Ils veulent un pays qui dialogue avec les peuples du monde pour une planète de paix, un pays qui ne regarde pas ailleurs quand un peuple subit un génocide, comme c’est le cas en ce moment à Gaza. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Où est le François Bayrou de 2007 qui disait, lors d’un rassemblement électoral : « Les vrais ennemis, ce sont le chômage, l’échec de l’éducation, l’exclusion, la pauvreté, les fins de mois difficiles, l’inquiétude et le souci des familles » ?
M. Pierre Cordier
En campagne présidentielle, on raconte beaucoup de choses…
M. Stéphane Peu
Depuis votre nomination, vous n’avez rien fait pour rapprocher vos dires de vos actes. Vous aimez vous référer à Pierre Mendès France. Or si on se souvient de Mendès, c’est pour la fin de la guerre en Indochine, mais aussi pour le verre de lait dans les écoles. De vous, on retiendra que vous avez augmenté les dépenses militaires et que, dans la France d’aujourd’hui, des centaines de milliers d’enfants n’ont qu’un repas par jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Alain David applaudit également.)
À l’image de Margaret Thatcher hier, vous ne pouvez soutenir qu’il n’y aurait qu’une seule politique possible – surtout pas avec ce bilan. Vous n’aurez pas la confiance du groupe GDR. Nous continuerons d’agir et de proposer d’autres choix pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti (UDR)
Pour la première fois sous la Ve République, l’Assemblée nationale est amenée à valider une lettre de démission. (Sourires sur quelques bancs du groupe UDR.) Vous en conviendrez, c’est un moment étrange et inédit, qui, une fois de plus, dévalorise notre assemblée.
Vous avez décidé de partir en habillant votre démission d’une communication faussement habile, surtout destinée à vous servir de rampe de lancement pour une pseudo-candidature à l’élection présidentielle. Vous avez inventé la « démission-communication », mais personne n’est dupe ! Vous quittez le pouvoir sans avoir redressé le pays, que vous avez au contraire accablé. Vous nous tendez un piège rhétorique en construisant une opposition entre de prétendus vertueux et ceux qui seraient des irresponsables budgétaires. Mais les Français ne confondront jamais les pompiers et les pyromanes, monsieur le premier ministre. Or vous êtes un pompier pyromane.
M. Emeric Salmon
Oui !
M. Éric Ciotti
Vous refuser la confiance n’est pas un signe d’irresponsabilité mais un devoir, car la refuser à des irresponsables est un acte de courage.
Vous êtes d’abord des irresponsables politiques. Ainsi, en juin 2024, derrière Emmanuel Macron, avec le renfort d’Édouard Philippe, de Gabriel Attal, de Xavier Bertrand, de Valérie Pécresse et de tant d’autres, vous avez bâti une improbable alliance des contraires, une alliance de la honte,…
M. Emeric Salmon
Eh oui !
M. Benjamin Lucas-Lundy
La honte, il connaît !
M. Éric Ciotti
…allant de LFI jusqu’à LR.
Vous êtes irresponsables aussi du fait de votre coup de force démocratique : les partis de la Macronie ont été défaits dans les urnes – ils sont arrivés troisièmes aux législatives – mais ont continué à gouverner. C’est un déni démocratique inédit et majeur. Si le pays se retrouve dans une crise politique majeure, c’est d’abord, ne l’oublions jamais, à cause de cette alliance contre-nature que M. Macron a voulue. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Ensuite, vous êtes des irresponsables économiques. La France a accumulé 1 200 milliards d’euros de dette supplémentaire depuis 2017, sous la présidence d’Emmanuel Macron, après que celle-ci a augmenté de 400 milliards sous François Hollande, que vous avez soutenu et ainsi fait élire en 2012.
M. Pierre Cordier
Oui, c’est exact !
M. Éric Ciotti
La charge de la dette s’élèvera à 66 milliards en 2026, soit 60 % de plus qu’en 2017. Ce montant est supérieur au budget de n’importe quel ministère. Nous détenons le record européen de la dépense publique et le record mondial des prélèvements obligatoires. Vous êtes donc irresponsables et paralysés par une idéologie en tout point socialiste. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. François Hollande
Il en rit lui-même !
M. Éric Ciotti
Oui, monsieur le président, une idéologie très socialiste ! (Sourires.)
Monsieur le premier ministre, vous posez une fausse question, profondément hypocrite. Certes, la situation est dégradée. Nous la connaissons, nous la vivons et nous la subissons. Nous n’avons donc pas besoin de commentateurs pour nous la décrire ; nous n’avons pas besoin de constats, mais d’actes courageux.
Vous n’êtes pas l’homme du redressement ; au contraire, avec Emmanuel Macron, vous êtes les artisans de la débâcle française. Comment pourrions-nous faire confiance à ceux qui ont mis la France dans cet état ? Vous craquez des allumettes sur des flaques de kérosène depuis huit ans, mais nous devrions vous faire confiance pour éteindre l’incendie ? Quelle douce blague ! Par lâcheté, par absence de courage, vous avez reculé devant chaque réforme structurelle. Non, monsieur le premier ministre, la politique n’est pas l’art du commentaire, de la communication ; elle doit être l’art de l’action courageuse et vertueuse. Le budget n’est pas une tribune morale, mais l’instrument de la vérité et du courage. Or sur ces deux plans, vous avez largement failli.
Vous refusez de regarder le mal en face et vous cherchez des boucs émissaires pour dissimuler vos lâchetés, les retraités d’abord, coupables de tous les maux et auxquels vous voulez faire les poches – quelle honte ! De façon plus générale, vous avez injustement pris tous les Français pour cible. Vous les présentez comme des dépensiers tandis que vous seriez le vertueux gestionnaire – quelle supercherie ! Ce ne sont pas les Français qui sont responsables, mais tous ceux qui ont fait élire et qui soutiennent Emmanuel Macron depuis 2017. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Pire, vous avez flatté les bas instincts de la gauche, dans l’espoir d’un impossible soutien socialiste, en convoquant la fuite en avant fiscale – pas loin de la taxe à 75 % sur les très hauts revenus imaginée par M. Hollande (Exclamations sur quelques bancs du groupe SOC) –…
M. Jérôme Guedj
Vous l’adorez, en fait !
M. Éric Ciotti
…et même, pire encore, en insultant hier l’honneur de nos policiers, qui seraient coupables de prétendus contrôles au faciès. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Laurent Jacobelli
C’est inacceptable !
M. Emeric Salmon
Une honte !
M. Éric Ciotti
Je suis convaincu que M. le ministre de l’intérieur aura à cœur de les défendre face à ces attaques inopportunes et injustes.
En réalité, le mal français se trouve dans le poids exorbitant de la fiscalité et des charges qui pèsent sur ceux qui travaillent, dans un État hypertrophié au périmètre trop large, dans une bureaucratie tentaculaire et vorace, dans un système social dévoyé, dans des entreprises entravées par trop d’impôts, de normes et de règles.
La vérité est cruelle, mais entendez-la avant votre grand départ. Nous le savons, la messe est dite, mais le débat ne porte déjà plus sur vous, monsieur le premier ministre : il doit porter sur l’ensemble de l’œuvre macroniste. C’est l’ensemble de l’œuvre de M. le président de la République que nous devons juger dans quelques instants et à laquelle nous devons refuser notre confiance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) C’est à Emmanuel Macron, grand responsable de ce désastre, que nous nous adressons.
Nous ne voterons pas la confiance au président Macron parce que la France n’a plus le luxe d’attendre. En effet, l’heure n’est plus aux demi-mesures. Les Français veulent une rupture, pas un sursis.
M. Frédéric Petit
Ce n’est pas le Parlement qui vote pour le président !
M. Éric Ciotti
Nous ne voterons pas la confiance au président Macron, incapable de s’attaquer aux coûts et aux maux de l’immigration – lui qui a laissé entrer 500 000 immigrés par an depuis son élection – et de renvoyer dans leur pays les étrangers dangereux sous OQTF. (Applaudissements continus sur les bancs des groupes UDR et RN.) Nous ne voterons pas la confiance au président Macron, qui s’est agenouillé devant l’État voyou algérien, laissant Boualem Sansal mourir en prison. Nous ne voterons pas la confiance au président Macron, incapable de restaurer l’excellence à l’école, de sauver l’hôpital public, de défendre nos services publics. Nous ne voterons pas la confiance au président Macron, incapable de restaurer l’ordre dans la rue. Nous ne voterons pas la confiance au président Macron, qui a dangereusement affaibli la filière nucléaire voulue par le général de Gaulle et dont l’excellence est pourtant reconnue. Nous ne voterons pas la confiance au président Macron, qui s’apprête à reconnaître l’État terroriste du Hamas. (Mêmes mouvements.)
M. Laurent Jacobelli
Bravo !
M. Éric Ciotti
La seule issue à la crise de régime provoquée par Emmanuel Macron est simple : le retour au peuple. La dissolution ou la démission. Osez ce retour au peuple ! N’ayez pas peur du peuple de France ! Un énième gouvernement du socle minoritaire ne résoudra rien à votre situation minoritaire, qui paralyse le pays. Au fond, si vous refusez de donner la parole au peuple, c’est que vous craignez son verdict.
J’en appelle enfin à mes amis Les Républicains. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme Justine Gruet
Quand on a trahi, on n’est plus un ami !
M. Éric Ciotti
Combien de temps encore resterez-vous arrimés au Titanic macroniste ? Voulez-vous cautionner ce naufrage ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Refusez cette folie ! Mes chers collègues, le sursaut ne viendra pas des fossoyeurs de la nation. Par l’alliance que nous avons formée avec le Rassemblement national de Marine Le Pen, nous préparons l’alternance qu’espèrent les Français pour la France. Ce chemin d’espoir est devant nous et rien ne nous arrêtera.
Monsieur le premier ministre, nous avons un choix historique à faire : celui de mettre un terme définitif au macronisme, qui aura tant abîmé la France ! (Les députés des groupes UDR et RN se lèvent et applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen (RN)
Il est des moments politiques particuliers dans la petite histoire d’une mandature ou dans la plus grande histoire de la vie parlementaire d’un pays. Celui-ci en est un : c’est un moment de vérité. Nous voyons aujourd’hui les responsables du pays contraints d’étaler les résultats désastreux de cinq décennies de gestion dispendieuse, le spectacle piteux d’un effondrement, d’un désastre pour les Français et pour la nation, car les conséquences de cette situation engagent les générations de demain. (Mme Mathilde Panot s’exclame.) C’est dans ces moments de crise, dans ces moments où le roi apparaît nu, que se révèlent, dans le naufrage des formations déconsidérées, les petites et les grandes lâchetés, les opportunismes honteux, les connivences cachées – mais je n’aurai pas la cruauté de décrire les méprisables roucoulades d’aspirants ministres auxquelles nous assistons… (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Ce que l’on retiendra surtout, c’est la solidarité inébranlable et malvenue d’anciennes forces politiques qui ont en commun le poids d’un bilan déshonorant et pour seul projet de se maintenir au pouvoir coûte que coûte – « quoi qu’il en coûte », dirait quelqu’un… (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
Ce qui se joue aujourd’hui n’est pas le sort politique d’un homme, qui sait que les exigences du combat politique dépassent évidemment les personnes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Pierre Cordier
« Je fais à la France le don de ma personne » !
Mme Marine Le Pen
C’est l’honneur de la politique et c’est parfois une noble servitude que de l’accepter. C’est pourquoi je m’étonne que M. Bayrou ait pu un instant croire que je pouvais lier ma décision de voter ou non la confiance à mon intérêt personnel. (Mêmes mouvements.) C’est mal connaître le Rassemblement national et ignorer l’intensité de notre engagement exclusif au service de la France.
Ce moment marque la fin de l’agonie d’un gouvernement fantôme, qui n’eut de gouvernement que le nom. En huit mois, des ministres souvent invisibles ou transparents n’ont été capables de produire que cinq textes législatifs, dont trois sur Mayotte, en raison du dramatique épisode du cyclone Chido. À l’évidence, le pays n’est pas gouverné. Est-il seulement administré ?
Dès lors, à quoi bon maintenir un gouvernement qui ne gouverne pas ? Les Français ne s’y trompent pas puisqu’ils sont 75 % à souhaiter sa censure. Monsieur le premier ministre, vous êtes si habitué à la déconnexion de la représentation parlementaire avec l’opinion que vous vous étonnez que les députés, dans leur majorité, puissent exprimer cette volonté populaire.
Nous vivons l’effondrement d’un système qui croit pouvoir tirer du constat scénarisé de ses échecs une nouvelle virginité politique. Faut-il fonctionner en vertu d’une pensée magique pour croire qu’une sorte de nouvelle naissance, de born again selon l’expression d’évangélistes américains, permettrait d’obtenir le pardon céleste et l’onction démocratique divine, cette légitimité que le peuple, devant leur échec patent, ne reconnaît plus à des dirigeants qui ont failli ?
Dirigeants de droite comme de gauche, vous êtes coupables ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Protestations sur les bancs des groupes EPR et sur plusieurs bancs des groupes DR et EcoS.)
Plusieurs députés du groupe EPR
C’est vous qui êtes coupable !
Mme Marine Le Pen
Vous ne pouvez pas pleurer, devant les caméras, sur les conséquences des méfaits que vous avez vous-mêmes commis. (Mêmes mouvements.) Curieux procédé, en effet, que de brandir les dettes dont on est comptable, les déficits dont on est responsable, l’effondrement général dont on est coupable, pour chercher à obtenir la confiance du Parlement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Il n’est pas moins paradoxal, monsieur le premier ministre, au moment où vos fonctions vous donnaient le devoir d’appeler à l’unité du pays, de désigner à la vindicte publique une classe d’âge. Ne cherchez pas à vous exonérer à mauvais compte des responsabilités d’un système que vous soutenez vous-même depuis quarante ans et tout particulièrement, dans les rangs macronistes, depuis huit ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Vous cherchez à présenter les gouvernements passés comme irresponsables. Permettez-moi de vous le dire : si la classe politique qui a conduit la France dans le mur est bien irresponsable, ce n’est pas au sens où vous employez ce terme. Ce à quoi nous avons assisté durant la dernière année, c’est à un naufrage, un triste spectacle dont la seule vertu sera, je l’espère, de mettre fin au supplice des Français et, en accélérant l’histoire, de préparer la grande alternance. Les informaticiens parleraient de « reset », cette action qui consiste à réinitialiser la machine qui est étouffée par les bugs. (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.) Le vrai reset serait la démission du président mais cette décision ne dépend que de lui, puisqu’il est constitutionnellement élu pour cinq ans. Je ne m’attends à rien sur ce point, consciente que n’est pas le général de Gaulle qui veut. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Faut-il que LFI ait mauvaise conscience pour appeler à la destitution d’un président failli qu’elle a porté par deux fois au pouvoir (Mêmes mouvements), en toute connaissance de cause !
Mme Hanane Mansouri
Deux fois !
Mme Marine Le Pen
Nous, nous respectons les institutions, notamment l’institution présidentielle :…
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Et l’institution judiciaire ? Voleuse !
Mme Marine Le Pen
…nous n’appelons pas à la destitution. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) L’hypothèse de la démission étant a priori fermée, le président peut faire le choix de renommer un gouvernement, qui, au vu de l’équation politique, ne passera probablement pas la discussion budgétaire. Techniquement, cela nous conduira en décembre et le télescopage avec les élections municipales de mars rendra difficile l’organisation d’un scrutin législatif. Ce choix signerait donc l’enlisement institutionnel du pays.
Y a-t-il d’ailleurs simplement, au sein du bloc macrono-LR (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe EPR) ou chez ses supplétifs socialistes, une seule personnalité ayant suffisamment d’autorité pour gouverner en ces circonstances particulières, sans resservir le plat budgétaire avarié préparé par les cuisines de Bercy ? Je ne le crois pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Quel serait le sort d’un gouvernement de gauche, dont le projet gouvernemental se résumerait à 44 milliards d’impôts nouveaux, à des centaines de milliers de migrants supplémentaires et à l’aggravation du laxisme judiciaire ?
M. Laurent Jacobelli
Eh oui !
M. Antoine Léaument
C’est avec vous qu’elle est laxiste, la justice !
Mme Marine Le Pen
On le voit : les choix pour sortir de la crise – une crise parlementaire ou, peut-être, une crise de régime – se restreignent. Une démocratie ne se relève des situations de doute et de confusion qu’en retournant aux sources, en suivant le fil rouge qu’indiquent les institutions et, pour notre République, la loi fondamentale qu’est notre Constitution. Alors que vous vous enfoncez dans la IVe République, je vous appelle à revenir au texte de la Ve…
Mme Olivia Grégoire
Avec votre aide, bien sûr !
Mme Marine Le Pen
…et, en particulier, à son article 5, qui octroie au président de la République un pouvoir d’arbitrage, ainsi qu’à son article 12, qui prévoit la dissolution de l’Assemblée nationale.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Elle a certainement lu la version illustrée !
Mme Marine Le Pen
La dissolution n’est pas un caprice ; c’est un levier institutionnel pour sortir des blocages et permettre le fonctionnement démocratique, c’est-à-dire normal et fluide, des institutions. J’entends dire ici et là qu’il n’y aura pas de dissolution parce qu’Emmanuel Macron n’y aurait pas intérêt – mais ni les règles de la démocratie ni la Constitution ne prévoient que le président de la République agisse par intérêt ! Il doit agir par devoir et, en l’occurrence, dans l’intérêt supérieur du pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) S’il dispose de pouvoirs pour permettre l’exercice de la démocratie et le fonctionnement des institutions, c’est pour les mettre en œuvre quand la situation l’exige. Tout laisse penser, juridiquement, politiquement, voire moralement, que la dissolution n’est pas pour lui une option : elle est une obligation. Or, en dehors de la dissolution mécanique qui suit chaque présidentielle et de celle, ubuesque, de 1997, le droit de dissolution a trouvé, dans l’histoire, à s’appliquer dans plusieurs circonstances précises : en 1962, quand le gouvernement n’a pu disposer de majorité stable, ou en 1968, quand le pays fut soumis à une grave crise sociale et politique.
Eu égard à la pratique constitutionnelle, il n’est pas illégitime de dire qu’en ce 8 septembre 2025, il y a non pas une condition remplie mais bien deux, et même davantage : un, le pouvoir législatif est paralysé par une absence de majorité ; deux, le pays connaît une crise sociale latente, qui peut exploser à tout moment ; trois, il connaît une crise financière, le tout dans un contexte international instable et avec une guerre aux portes de l’Europe. Cet état de fait devrait suffire à dissoudre ! Un grand pays comme la France ne peut pas vivre avec un gouvernement de papier, surtout dans un monde tourmenté et dangereux ; les révolutions technologiques et les basculements géopolitiques historiques que nous vivons réclament des décisions immédiates.
En 2024, M. Macron n’a pas péché en prononçant la dissolution. Un président n’a jamais tort de s’en remettre au peuple ! Le scrutin des européennes de 2024 était à ce point accablant pour la majorité qu’il pouvait et même devait dissoudre. L’erreur d’Emmanuel Macron ne fut pas de dissoudre ; sa faute fut, entre les deux tours, de consacrer son énergie présidentielle et celle de ses amis politiques à fausser le fait majoritaire d’alternance qui se dégageait. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Sandra Marsaud
Ce sont les électeurs qui décident !
Mme Marine Le Pen
Après une présidentielle, il y a un fait majoritaire qui s’exprime naturellement aux législatives suivantes. Personne n’y trouve rien à redire ; cela s’inscrit dans une logique institutionnelle bien ancrée et permet au pays d’être dirigé et gouverné. Il arrive toutefois qu’en cours de mandat présidentiel, des élections législatives voient émerger un fait majoritaire d’alternance. Celui-ci doit être tout autant respecté, même s’il impose au président une cohabitation. Malgré tous ses défauts, François Mitterrand, alors président, a laissé se constituer, en 1986, une majorité alternative de droite. Il en fut de même pour Jacques Chirac en 1997, avec cette fois-ci une cohabitation socialiste.
Ces deux cas montrent que le président de la Ve République a le devoir de s’effacer devant le vote populaire qui s’exprime. Quand il y a blocage, le rôle d’arbitre, tel qu’il est dévolu au président par la Constitution, exige de renvoyer la représentation parlementaire vers le peuple et de laisser s’exprimer le choix des électeurs sans utiliser le second tour pour fausser les logiques électorales. Le procédé avait déjà été employé lors des régionales de 2015 quand, dans les Hauts-de-France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, le second tour fut utilisé pour interdire des alternances locales qui avaient été plébiscitées au premier tour ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Ces manœuvres d’instrumentalisation des seconds tours sont des dévoiements de la démocratie. Imaginerait-on un arbitre de football s’emparer du ballon parce que l’équipe qui a sa préférence est en train de perdre ? On le voit, tout réside dans l’impartialité et le sens des responsabilités démocratiques avec lesquels le président exerce son rôle d’arbitre.
Mme Laure Miller
Ce sont les Français qui décident !
Mme Marine Le Pen
À l’issue du vote, M. Macron doit se résoudre à sortir au moins une fois de son rôle de chef de la majorité pour enfin assumer – si toutefois il en est capable – son rôle de président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) En ces circonstances, le président n’a qu’une possibilité : convoquer de nouvelles élections et laisser le pays choisir – et le laisser choisir, s’il le décide, une majorité d’alternance. Si le président s’implique dans la campagne, s’il sort de son rôle d’arbitre pour devenir joueur, il accepte par avance d’en assumer les conséquences politiques en cas de défaite. (Mêmes mouvements.)
L’alternance n’est pas un gros mot : c’est une respiration normale de la démocratie. L’arbitrage, c’est revenir au peuple souverain ; laisser perdurer cette situation de blocage par des artifices laisserait le président en première ligne pour faire d’une crise parlementaire une crise de régime. Avec le mouvement du 10 septembre, LFI veut bloquer le pays ;…
M. Aurélien Le Coq
Les Français veulent bloquer le pays !
Mme Mathilde Panot
Vous avez peur ?
Mme Marine Le Pen
…sans dissolution, Emmanuel Macron bloque aussi le pays. Or ce dont la France a besoin, ce n’est pas d’un blocage, c’est au contraire d’un déblocage de la situation ; ce n’est pas d’un enlisement, c’est d’un élan. Les forces de blocage macronistes et Insoumises sont les seules responsables de l’enlisement et du désordre.
M. Aurélien Le Coq
Vous avez protégé Macron !
Mme Mathilde Panot
Vous avez peur du peuple !
Mme Marine Le Pen
Enfin, la dernière raison pour laquelle Emmanuel Macron doit dissoudre ressort de l’esprit des lois. Il y a la loi, le texte de la loi ; il y a aussi l’esprit de la loi et celui des institutions. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) L’esprit des lois, notamment celui de la loi fondamentale constitutionnelle, enjoint de ne rien faire qui puisse contrarier le fonctionnement des institutions. Si l’une d’elles dysfonctionne, c’est tout l’équilibre institutionnel qui vacille.
M. François Cormier-Bouligeon
Pas un mot sur les Français, rien !
Mme Marine Le Pen
Personne ne comprendrait que le président contribue à sa paralysie.
Vous le voyez, mon analyse de la situation provient de la haute conception que j’ai de nos institutions (Exclamations sur les bancs des groupes EPR et Dem)…
M. Philippe Vigier
Scandaleux !
Mme Karine Lebon
L’esprit du bien public ?
Mme Marine Le Pen
…et du rôle éminent et fédérateur que je crois être celui du président de la République.
M. Emmanuel Mandon
Vous parlez de vos liens avec Poutine ?
Mme Marine Le Pen
La crise parlementaire que nous traversons constitue un test quant à la conception que le chef de l’État a de sa fonction ; son issue témoignera également de la santé de nos institutions. Il n’y a pas besoin de je ne sais quelle VIe République, et le crime serait de revenir à la IVe. La Ve fonctionne merveilleusement bien (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) pour peu que l’on respecte sa lettre et que l’on retrouve son esprit.
Pour ce qui nous concerne, comme nous l’avons toujours fait, nous prendrons nos responsabilités : s’il n’y a pas de dissolution, nous continuerons, avec un esprit constructif mais sans faiblesse, de faire valoir les idées que nos électeurs nous commandent de défendre. Mais je le dis avec solennité : n’attendez pas que le groupe RN vous suive dans votre folie fiscale et migratoire, dans vos petits partis pris idéologiques qui vous empêchent de voir la réalité du pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) S’il y a une dissolution, nous accepterons le verdict des urnes ; si le peuple nous fait l’honneur d’un mandat clair, c’est-à-dire d’une majorité absolue, nous irons à Matignon pour mettre en œuvre sans attendre la présidentielle un programme de redressement national. Le changement n’attend plus ! (Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent longuement.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gabriel Attal.
M. Gabriel Attal (EPR)
Décrivant son siècle dans ce qui fut le journal de la Résistance, Combat, Albert Camus avait mis en garde. La France était en ruine. Le monde entier se remettait à peine d’une guerre dont on peinait encore à saisir toute la portée et l’horreur. Tout était à refaire, à reconstruire. Et face à ce siècle qu’il pensait être celui de la peur, Camus lançait un avertissement : « Nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison ».
Dans le cadre des débats qui nous animent aujourd’hui et, plus largement, depuis un an, voire depuis l’élection, en 2022, d’une Assemblée nationale sans majorité absolue, cette phrase doit résonner en nous. Oui, la politique est malade des certitudes.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Elle est malade du macronisme !
M. Gabriel Attal
La politique est malade des lignes rouges, des ultimatums, des oukases. La politique est malade de l’intransigeance, du refus obstiné de voir que l’Assemblée nationale issue du choix des Français n’a pas de majorité, ce qui nous impose de dialoguer. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs des groupes DR et HOR.) Pendant que la politique s’enferme dans ses certitudes, la France étouffe. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les Français. Ce sont les Français qui ne croient plus dans la politique et qui s’en désintéressent, voire la fuient.
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est de vous qu’ils ont marre !
M. Gabriel Attal
Ce sont les Français qui sont épuisés par la valse des ministères et par l’instabilité permanente. Ce sont les Français que la démocratie parlementaire, jouant avec le feu, finit par fatiguer et désabuser. La France étouffe par la lâcheté de ceux qui préfèrent attendre et voient l’inaction comme une planche de salut électorale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Elle étouffe des normes, des contraintes, des incertitudes qui empêchent l’action publique et gâchent la vie des gens. Elle étouffe du blocage permanent, alors même que tout devrait nous pousser à agir.
Nous n’avons pas une seconde à perdre. Nous vivons un moment exceptionnel de notre histoire, où la France et l’Europe sont au cœur de toutes les tensions et de tous les défis ; un moment où la guerre frappe au cœur de l’Europe, exigeant de nous de peser dans l’ordre mondial et d’assumer un leadership européen ; un moment où la guerre commerciale menace de nous frapper de plein fouet.
Nous vivons un moment d’accélération intense : le dérèglement climatique s’aggrave de jour en jour ; l’intelligence artificielle bouleverse déjà nos quotidiens ; le monde tel que nous le connaissions est en train de s’éteindre.
M. Aurélien Le Coq
Et vous avec lui !
M. Gabriel Attal
Dans ce monde, tous les pays accélèrent, décident, investissent, agissent.
M. Aurélien Le Coq
Et vous, vous imposez l’austérité !
M. Gabriel Attal
Et nous, nous serions condamnés au blocage ? Le monde avance : la France ne peut rester à quai. Chaque mois de blocage, ce sont des années perdues par rapport aux autres nations. Chaque mois d’incertitude ou d’indécision, c’est une hypothèque plus forte sur l’avenir des Français.
Malgré cela, certains font le choix, bien sûr, de la politique de la terre brûlée,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Et vous, celle de la terre polluée !
M. Gabriel Attal
…qui consiste à faire passer leurs intérêts propres avant ceux des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs des groupes DR et Dem.) Ces derniers jours, une fois de plus, les postures ont supplanté l’intérêt général. Une fois de plus, il n’aura pas fallu une heure pour que certains avancent à l’unisson, mus par un programme commun : le désordre (Mêmes mouvements) – le désordre à tout prix, car seul le calcul politique compte !
Avec un mépris absolu, ils appellent à faire revoter les Français, parce que ceux-ci auraient mal voté, et ils leur expliqueraient comment bien voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs des groupes DR et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) La réalité est ailleurs : ce n’est pas aux Français de régler les problèmes du Parlement, mais au Parlement de régler les siens et ceux des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs des groupes DR, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Emeric Salmon
La démocratie, vous connaissez ?
M. René Pilato
Vous avez perdu les élections !
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Usurpateurs !
M. Gabriel Attal
Face à eux, mon groupe et moi ne regrettons pas une seconde d’avoir été responsables,…
M. Emeric Salmon
En appelant à voter LFI ?
M. Gabriel Attal
…d’avoir toujours refusé la course aux postures et la collection de lignes rouges, d’avoir toujours préféré le dialogue et le débat, d’avoir toujours – toujours – fait le choix de la stabilité, même quand nous n’étions pas d’accord, même face aux différences ; d’avoir accepté par deux fois un gouvernement dirigé par une personnalité ne venant pas de notre parti politique. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emeric Salmon
Dites que vous avez appelé à voter LFI et fait élire des députés LFI !
Mme la présidente
S’il vous plaît, chers collègues !
M. Gabriel Attal
Jamais nous n’avons tenté de déstabiliser le gouvernement, parce que jamais nous n’avons voulu déstabiliser la France.
Avec les députés de mon groupe, je veux le dire aux Français : nous serons là.
M. Emeric Salmon
Pas pour longtemps !
M. Gabriel Attal
Nous serons là et nous resterons présents aux côtés des Français. Nous serons là et nous n’abandonnerons jamais les Français. Nous agirons et nous ne renoncerons jamais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mes chers collègues, c’est à nous, à nous toutes et tous, collectivement, au-delà des groupes, qu’il revient de prendre le risque du dialogue, qu’il revient d’avoir le courage du compromis. Oui, le compromis est un courage, quand la posture est un confort. Aujourd’hui, clairement, je tends à nouveau la main. Comme je l’ai proposé dès l’été 2024,…
M. Emeric Salmon
En votant LFI !
M. Gabriel Attal
…comme je l’ai proposé il y a dix jours encore lors de la Rencontre des entrepreneurs de France, je tends la main et je vous le demande : dialoguons, parlons-nous, trouvons des convergences ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Faire tomber un gouvernement, c’est un coup politique qui a un coût pour la France. C’est s’offrir, pour quelques heures, le parfum trompeur d’une victoire, mais enfoncer encore plus la France dans le brouillard.
Oui, le compte à rebours a commencé – le vrai compte à rebours, non pas celui jusqu’au vote de tout à l’heure, mais celui jusqu’à la seule échéance qui compte vraiment, celle qui compte le plus : le 31 décembre. Le 31 décembre, notre pays devra avoir un budget. Si ce n’est pas le cas, nous connaissons les conséquences. Les conséquences, ce sont des entrepreneurs qui hésitent à investir, parce qu’ils ne savent pas quel cadre fiscal et réglementaire les attend. Les conséquences, ce sont des salariés, des familles, qui ne savent pas de quelles aides, de quels accompagnements, ils pourront bénéficier.
M. José Beaurain
Et des cartes Vitale qui cessent de fonctionner ?
M. Gabriel Attal
Les conséquences, ce sont les programmes militaires retardés, alors même que nous avons besoin de nous réarmer d’urgence.
M. Emeric Salmon
Le report de charges existe déjà !
M. Gabriel Attal
Les conséquences, ce sont des recrutements de policiers, de gendarmes, de magistrats, de soignants, d’enseignants, qui sont retardés ; ce sont des décisions qu’on retarde encore et encore. C’est surtout, et peut-être plus que tout, la crédibilité de la France qui est remise en cause.
À force d’instabilité, nous prenons des risques inconsidérés :…
M. Matthias Renault
Il faut donc dissoudre tout de suite !
M. Gabriel Attal
…le risque de l’impuissance – l’impuissance face aux défis auxquels nous sommes confrontés, l’impuissance dans le concert des nations. Qui écouterait la voix d’un pays qui perdrait sa souveraineté économique et financière ? Ce risque est existentiel ; nous ne pouvons pas le prendre.
Pendant le covid, nous avons protégé les Français. Après la pandémie, au moment de la crise de l’inflation, nous avons pris les mesures qui s’imposaient pour protéger leur pouvoir d’achat. C’était impératif, et je mets au défi quiconque de nous dire qu’il aurait fallu abandonner nos entreprises et nos concitoyens, les laisser sans défense et sans protection pendant la crise du covid ou celle de l’inflation. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
L’heure est venue de réduire le poids de notre dette et de réduire nos déficits. C’est bien la question qui nous est posée aujourd’hui et la seule qui compte vraiment. C’est l’assurance-vie de notre nation. La France ne peut vivre éternellement à crédit. Notre dette publique atteint la cote d’alerte : 113 % du PIB.
Réduire la dette, ce n’est pas une obsession comptable ; c’est un enjeu vital. Réduire nos dépenses et le déficit,…
Une députée du groupe LFI-NFP
Augmentez les retraites !
M. Gabriel Attal
…c’est possible : en 2024, pour la première fois depuis près de quinze ans, les dépenses de l’État ont baissé par rapport à l’année précédente, parce que nous avons massivement annulé des crédits en cours d’année et pris des décisions difficiles.
M. Aurélien Le Coq
Les niches fiscales ont augmenté !
M. Gabriel Attal
Nous pouvons réussir, en demandant à tous des efforts justes, en réduisant le train de vie de l’État, en luttant contre toutes les fraudes, en examinant l’efficacité de nos dépenses, notamment de nos dépenses sociales. (M. Laurent Wauquiez applaudit.) Nous pouvons réussir, en lâchant les totems et en construisant des ponts. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Faire chuter le gouvernement, c’est nous mettre plus en retard encore par rapport au compte à rebours jusqu’au 31 décembre. C’est prendre le risque de nous condamner à échouer et d’ajouter un peu plus d’instabilité pour la France.
Ces derniers jours, et aujourd’hui encore à cette tribune, le premier ministre a rappelé, avec raison, que ce n’est pas de personnes ou de postes qu’il s’agit : c’est de la capacité de notre pays à avancer en se parlant, en dialoguant. Je veux saluer tout l’engagement du gouvernement, depuis neuf mois, pour y parvenir ; je veux saluer la volonté de transparence et de franchise qui a été celle du premier ministre et de son gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Nous avons tous des désaccords avec le budget présenté par le gouvernement.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quel soutien enthousiaste !
M. Gabriel Attal
S’agissant des jours fériés, nous l’avons dit : tout travail mérite salaire et il n’est pas acceptable de demander aux Français de travailler deux jours de plus sans rémunération supplémentaire.
Mme Sandrine Rousseau
Vous oubliez les Français au RSA ! C’est incroyable !
M. Gabriel Attal
Faut-il pour autant tout envoyer en l’air ? Faut-il tout casser, au risque de faire foncer la France dans le mur ? Évidemment que non !
Mme Mathilde Panot
C’est vous qui cassez tout ! Les casseurs, c’est vous ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Gabriel Attal
Tout à l’heure, aucun des députés de mon groupe ne votera pour donner un chèque en blanc au gouvernement ; aucun des députés de mon groupe ne votera pour valider le budget. Les députés de mon groupe voteront tout simplement pour l’intérêt général, pour la stabilité, pour éviter à tout prix de perdre un temps précieux, alors que nous avons besoin d’un budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)
M. Emeric Salmon
Venez rencontrer les Français, par exemple en Haute-Saône !
M. Gabriel Attal
Plutôt que de céder au plaisir des gros titres, ayons le courage de l’action ! Nous avons un devoir : protéger la France pour qu’elle reste debout. Avec mon groupe, nous serons toujours en première ligne pour une France debout !
Bien sûr, j’entends les désaccords – ils sont parfois profonds. Je ne nie pas nos divergences – elles sont parfois massives.
M. Alexis Corbière
Sans blague !
M. Gabriel Attal
Mais je ne demande à personne de renoncer à ses convictions.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Encore heureux !
M. Gabriel Attal
Je ne me fais aucune illusion. Je ne propose ni pacte de gouvernement ni contrat de coalition. Ce que je propose, c’est un accord : un accord d’intérêt général pour que les dix-huit mois devant nous soient utiles, qu’ils ne soient pas ceux du blocage à répétition et de l’impuissance publique.
Oui, nous avons dix-huit mois, non pas pour réécrire l’histoire ou pour promettre une révolution à crédit, mais pour chercher des convergences d’intérêt général, trancher les urgences, protéger les Français et préparer l’avenir. Alors, trouvons ensemble un budget et quelques réformes que nous sommes prêts à mener ensemble ; bâtissons cet accord d’intérêt général autour d’une feuille de route précise, que chacun, au sein des forces républicaines, pourra soutenir ; acceptons les uns et les autres le compromis ! Pour notre part, nous y sommes prêts. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudit également. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Aux compromissions aussi ?
M. Gabriel Attal
Faire chuter le gouvernement ne résoudra rien. Cela ne répondra ni aux défis de la France, ni aux problèmes des Français, ni à la dette, qui continuera à peser sur eux. Cela n’aura qu’un seul effet : nous retarder – nous retarder dans la course contre la montre pour bâtir un budget avant le 31 décembre ; nous retarder dans la compétition internationale ; nous retarder et retarder le pays tout entier. Alors, pour dix-huit mois, trouvons un accord d’intérêt général ! Et pour la suite, ne soyons pas dupes : nous aurons besoin de tout réinterroger, de tout revoir, de tout refonder.
Mme Marie Pochon
Vous êtes prêts à quoi ?
M. Gabriel Attal
Le moment que nous vivons n’est pas une crise de plus, une crise encore, une crise de trop. Il dit quelque chose de plus profond : nous traversons une crise de modèle. Notre modèle de société est né dans l’après-guerre, dans un pays à la natalité en plein essor, dans un monde où la mondialisation n’était pas même un concept et où les technologies étaient rudimentaires au regard des nôtres. À ce modèle, nous devons beaucoup : la protection, la reconstruction, l’ascension sociale de millions de familles.
Mais, aujourd’hui, tout a changé. L’intelligence artificielle est en train de bouleverser le monde…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous l’avez déjà dit !
M. Gabriel Attal
…et change jusqu’à nos manières de penser le travail, la santé, l’éducation. Le dérèglement climatique accélère et ses conséquences sont de plus en plus concrètes et destructrices pour nos concitoyens. Notre démographie change, rebattant toutes les équations de la solidarité. La démocratie elle-même, la République telle que nous la connaissons, est parfois remise en cause, soumise au doute ou à la tentation autoritaire.
La réalité, c’est qu’on ne peut pas faire tourner la France de 2025 avec un modèle de 1945 ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
Vive la VIe République !
M. Gabriel Attal
Et si l’examen du budget est devenu, année après année, un moment de crispation, d’affrontement, d’instabilité,…
M. Aurélien Le Coq
Un moment où l’on ne peut pas voter…
M. Gabriel Attal
…c’est parce qu’il met au jour, chaque année plus violemment, le fossé béant entre le modèle de l’après-guerre et les réalités du monde d’aujourd’hui.
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est vous qui avez 70 ans !
M. Gabriel Attal
Chaque fois, nous tendons un peu plus le fil, nous tordons un peu plus les faits, mais cela ne suffit plus, cela ne suffit pas, cela ne suffira pas. C’est un changement de modèle que nous devons effectuer.
Bien sûr, nous aurons tous l’occasion de proposer, de débattre, de nous opposer. Bien sûr, les Français trancheront sur le modèle qu’ils souhaitent voir émerger. Mais si nous ne réagissons pas, si nous ne nous entendons pas pour les dix-huit prochains mois autour d’un socle minimal pour le budget et de mesures très claires, il sera peut-être trop tard.
Je crois en la France. Je crois en les Français.
M. Benjamin Lucas-Lundy
L’inverse n’est pas vrai !
M. Gabriel Attal
Je crois qu’un chemin d’espoir est possible.
Évidemment, la situation est exceptionnelle dans l’histoire de notre pays. Depuis les débuts de la Ve République, jamais l’Assemblée nationale n’avait été aussi morcelée. Toutefois, si nous regardons nos voisins européens,…
M. Hadrien Clouet
Grand oral de Sciences Po !
M. Gabriel Attal
…notre situation n’a rien d’exceptionnel. Partout en Europe, des parlements aussi divisés sont élus ; pourtant, des majorités se forment, des accords se nouent, des gouvernements tiennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Laurent Wauquiez applaudit également.)
Cela suppose un changement de culture profond pour notre pays, vers la culture du compromis. Néanmoins, si nos voisins en sont capables, nous en sommes capables aussi. Nous en sommes capables, je le sais (M. Romain Daubié, M. Didier Le Gac et Mme Sandra Marsaud applaudissent), parce que la France, finalement, en a toujours été capable. C’est le Conseil national de la Résistance, où communistes, gaullistes et démocrates-chrétiens siégeaient côte à côte, qui a fondé la sécurité sociale.
M. Philippe Vigier
Eh oui !
M. Gabriel Attal
C’est une assemblée nationale sans majorité absolue qui a fondé les centres hospitaliers universitaires (CHU) et l’assurance chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
C’est possible. La France l’a fait.
M. Aurélien Le Coq
Et vous, vous le défaites !
M. Gabriel Attal
Nous l’avons fait ; nous pouvons le faire encore. D’autant qu’il ne s’agit ici que d’une chose : bâtir un budget et trouver, pour dix-huit mois, des convergences et un accord d’intérêt général.
Mme Marie Pochon
En faisant quels compromis ?
M. Gabriel Attal
Faire chuter le Gouvernement n’apportera rien, sinon un peu plus de défiance envers la politique et un peu plus de retard pour notre pays. Alors, faisons enfin passer les idées d’abord et ayons le courage du dialogue ! (Les députés du groupe EPR ainsi que certains députés du groupe Dem se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot (LFI-NFP)
Monsieur le premier ministre, comment pourrions-nous vous faire confiance alors que vous faites confiance à Emmanuel Macron ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ce jour est historique : pour la première fois en Ve République, un gouvernement tombe à la suite d’un vote de confiance. Toutefois, qu’on ne s’y trompe pas : ce n’est pas seulement vous, c’est votre politique et le monde qu’elle défend qui doivent être défaits. (Mêmes mouvements.)
En effet, monsieur le premier ministre, vous n’êtes qu’un visage du sursis que le président a souhaité accorder à sa politique, le dernier visage d’une politique illégitime et obstinée.
Mme Sandra Marsaud
Obstinée ? Tu t’es regardée ?
Mme Mathilde Panot
Incapables de susciter la moindre adhésion dans le pays, vous vous enferrez dans une succession de chantages mensongers. Il y a deux ans, M. Attal menaçait : « la réforme des retraites ou la faillite ». L’année dernière, c’était : « le budget ou la panne des cartes Vitale ». À présent, c’est : « l’austérité ou la mise sous tutelle du FMI ». Monsieur le premier ministre, vous ne laisserez derrière vous que le risque d’une crise financière, à force d’en agiter le spectre sur toutes les chaînes de télévision du pays. (Mêmes mouvements.)
Pour vous, le futur n’existe pas, car vous sentez bien que vous appartenez au passé. Impopulaire, minoritaire, détesté, le macronisme ne gouverne plus que par la peur.
Vous étiez pourtant si sûrs de vous ! Jamais un pouvoir ne s’était donné autant de mal pour faire passer en force sa politique : 49.3 en série, combines constitutionnelles, brutale répression des mouvements sociaux, piétinement de l’opposition, dissolution du Parlement, déni du résultat des élections, reconduite des perdants au gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Jean-Victor Castor applaudit également.) Tant d’efforts pour gouverner seuls contre tous et vous voilà à déplorer un déficit que vous avez vous-même creusé !
Mme Cyrielle Chatelain
Exactement !
Mme Mathilde Panot
Votre numéro de prophète de pacotille n’amuse plus personne.
Notre groupe parlementaire se félicite de n’avoir jamais adhéré à un seul de vos budgets qui nous ont conduits dans le mur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous ne partageons pas votre diagnostic, encore moins vos remèdes. Les spéculations hasardeuses du Mozart de la finance nous ont coûté 1 000 milliards de dette supplémentaire. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Alors que les besoins en santé, en éducation, en services publics, en investissements dans la bifurcation écologique ont explosé, vous avez privé la puissance publique de recettes précieuses. Vous avez appauvri l’État et affaibli nos services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous avez baissé l’impôt sur les sociétés, supprimé progressivement les impôts de production, supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune, mis à sac le financement de la sécurité sociale et arrosé les transnationales avec plus de 200 milliards d’aides publiques annuelles allouées sans contrepartie.
Les drogués à la dépense publique portent un nom : celui du Medef, aux côtés duquel vous gouvernez. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.) Depuis huit ans, vous avez fait du capitalisme financier le plus grand assisté de la République. Les cinq cents plus grands détenteurs de patrimoines de ce pays vous remercient : au cours de cette période, ils ont doublé leur fortune (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP ), tandis que vous promettez les larmes et la sueur à tout le reste du pays. Quelle indignité !
Multiplication historique des défaillances de petites et moyennes entreprises, fermetures d’usines, taux de chômage à la hausse, approbation d’un accord humiliant avec les États-Unis : la fable des gestionnaires raisonnables autoproclamés a assez duré. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. )
Vous en arrivez à demander aux salariés de travailler deux jours fériés gratuitement. Enlever deux jours fériés, c’est voler 4 milliards d’euros aux travailleurs, soit l’équivalent du montant de l’impôt de solidarité sur la fortune que vous avez supprimé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Voler deux ans de vie avec la retraite à 64 ans ne vous a pas suffi ! Pour gaver ceux qui avaient déjà tout, il fallait priver ceux qui n’avaient rien de la tranquillité même de ce rien. Vous resterez dans l’histoire comme une oligarchie rapace ne supportant pas que les gens puissent profiter des petits bonheurs de la vie : consacrer du temps à soi-même, aux siens et aux autres, jardiner, aller au restaurant, partir en week-end, admirer la mer ou un ciel étoilé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy et Mme Sandrine Rousseau applaudissent également.)
Monsieur le premier ministre, aujourd’hui est un jour de soulagement pour des millions de Français : soulagement de vous voir partir après vos mensonges lors du scandale Bétharram, du nom de cet établissement qui a mis des générations d’enfants en danger (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également) ; soulagement de ne plus avoir comme ministre de l’intérieur un homme qui, comme Pétain, parle de « Français de papier » et qui hurle : « À bas le voile ! » (Mêmes mouvements) ; soulagement que vous emportiez dans votre chute un projet de budget cruel et injuste visant à dépouiller le peuple de France.
Vous n’êtes pas seulement une imposture ; vous êtes aussi un danger pour le pays. La violence de votre politique s’abat dès le berceau : plus de 2 000 enfants naissent, vivent et meurent dans la rue aux côtés de 350 000 sans-abri – du jamais-vu depuis l’après-guerre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.) Notre taux de mortalité infantile est l’un des plus élevés d’Europe. La maladie du scorbut, que l’on croyait éradiquée depuis un siècle, touche désormais de jeunes enfants. (« Quelle honte ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous n’avez pas dépensé un centime pour protéger les enfants des violences sexuelles alors que dans chaque classe on compterait trois victimes d’inceste. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.) Vous n’avez rien fait pour démarchandiser le secteur de la petite enfance – pire : Mme Bergé a copiné avec les lobbys des crèches privées. Vous n’avez rien fait non plus pour les milliers d’enfants en situation de handicap, privés de scolarisation à la rentrée faute d’accompagnatrices. (Mêmes mouvements.)
Le macronisme est une fabrique de maltraitance infantile. À vous suivre, ces enfants-là n’avaient qu’à hériter. Emmanuel Macron avait oublié de le préciser : avec vous, l’argent ne ruisselle qu’à la naissance, sur les biens nés ! Vous avez fait de la France une société de caste archaïque où l’héritage concentre 60 % du patrimoine national. Comme au XIXe siècle, 80 % des actifs financiers et professionnels sont possédés par les 10 % les plus riches – mais comment vous en vouloir puisque vous en faites partie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP. – Mme Karine Lebon applaudit également.)
Pour appartenir à ces gouvernements éphémères mais très sélects, il faut posséder au minimum trois logements et il convient, de préférence, d’être millionnaire…
M. Emeric Salmon
Comme Mélenchon !
Mme Mathilde Panot
…comme c’est le cas de vingt-deux de vos ministres, qui ont généralement hérité de leur fortune. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le patrimoine cumulé des ministres au pouvoir représente 104 millions d’euros : la vérité de votre politique se trouve là !
Toutefois, vous n’êtes pas les seuls dans cette situation : l’extrême droite, votre assurance-vie, apprend beaucoup de vous. Après avoir refusé à huit reprises de voter la censure de votre gouvernement et empêché le débat sur la destitution d’Emmanuel Macron, la Lepénie pactise désormais avec les grands patrons. (« Eh oui ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Elle promet que son programme raciste maintiendra les fondamentaux d’Emmanuel Macron.
Mme Alma Dufour
Très juste !
Mme Mathilde Panot
Voilà que se dessine la ligne de partage entre les projets parmi lesquels notre pays devra choisir !
Le nôtre est connu (Exclamations sur les bancs du groupe RN) : diplomatie non alignée au service de la paix, relance de l’économie par la consommation populaire, justice fiscale, nouveaux droits, investissements dans la bifurcation et l’adaptation écologiques (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également), passage à la VIe République pour mettre un terme au pouvoir d’un seul au détriment de tous.
M. Emeric Salmon
Et voter Macron à chaque élection !
Mme Mathilde Panot
En face, du macronisme à l’extrême droite, tous s’accordent sur la destruction des conquêtes sociales, les politiques climaticides, le statu quo sur la Ve République, le tout-sécuritaire et le consensus islamophobe.
L’alliance entre Macronie et Lepénie contre le progrès social humain s’incarne au ministère de l’intérieur. En un an, Bruno Retailleau aura trouvé plus de temps pour tweeter sur chaque député Insoumis que pour réagir aux meurtres d’Aboubakar Cissé, de Hichem Miraoui ou de Djamel Bendjaballah par l’extrême droite. (« Quelle honte ! » et huées sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont les députés se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Quand il s’agit d’un défilé de néonazis, de l’agression par des fascistes du compagnon d’un député, d’une chasse aux personnes noires dans la Creuse ou encore des soixante-dix féminicides perpétrés sous son mandat, aucune trace de gesticulations de sa part. La ruine que vous avez produite n’est pas uniquement économique, elle est aussi morale !
À l’international, la voix de la France ne porte plus. France Diplomatie a laissé place à France Incantation. L’abominable génocide perpétré par l’armée israélienne à Gaza ne rencontre aucun obstacle du côté de la France, qui vient encore de livrer des dizaines de millions d’euros d’armes à un État dirigé par des criminels de guerre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées
Franchement !
Mme Mathilde Panot
Plus de 60 000 morts, dont un tiers d’enfants, 40 000 enfants blessés, dont la moitié est handicapée à vie, et toujours aucune sanction contre leurs bourreaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Alexis Corbière applaudit également.)
M. Emeric Salmon
Le Hamas est responsable !
Mme Mathilde Panot
« Soyez humains si vous voulez être original ; plus personne ne l’est », disait le poète Max Jacob. Aujourd’hui, il nous incombe de renverser non seulement un gouvernement mais aussi un monde fondé sur l’inhumanité, la brutalité sociale et l’absence de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également) Vos ricanements quand une femme atteinte du cancer vous reproche la loi Duplomb, votre morgue, vos calculs byzantins pour vous maintenir coûte que coûte,…
Mme Olivia Grégoire
Parce que vous n’en faites pas, vous ?
Mme Mathilde Panot
…les Français n’en peuvent plus.
Monsieur le premier ministre, personne ne doute que le président fera surgir mille avatars pour vous succéder. À MM. Darmanin, Lecornu et à tous ceux dont les appétits s’aiguisent à mesure que les places dans le radeau se libèrent, je déclare : sachez que vous êtes les noms génériques d’une politique avec laquelle les Français veulent rompre. Si les génériques sont généralement moins chers que les originaux, vous, vous ne valez plus rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous vous alertons solennellement : tous ceux qui tenteront de sauver le soldat Macron tomberont avec lui. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont plusieurs députés se lèvent.)
M. Emeric Salmon
Vous avez voté pour lui !
Mme Mathilde Panot
Les Insoumis ne se vendront jamais pour une place ni un ministère.
Monsieur le premier ministre, vos passages en force ne passent plus. S’ils atteignent leur apogée néocolonial à l’encontre de nos concitoyens d’outre-mer, le grand nombre s’est mis en mouvement et rien ne l’arrêtera : ni le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) ou le Raid – recherche assistance intervention dissuasion – déployés en Guadeloupe, ni la compagnie républicaine de sécurité 8 (CRS 8) envoyée en Martinique, ni l’armée présente en Kanaky-Nouvelle-Calédonie.
M. Philippe Vigier
N’importe quoi !
Mme Mathilde Panot
Saccager les conditions de vie de ceux qui souffrent sans qu’ils opposent de résistance, c’est fini ! Vous avez raison d’avoir peur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le dégoût suscité par votre politique s’est donné rendez-vous le 10 septembre. Ce jour agit comme un formidable encouragement à l’action. Avec la chute de votre gouvernement et la défaite de votre budget, le mouvement aura obtenu une victoire avant même d’avoir commencé ! (Mêmes mouvements.)
À présent, il ne reste plus beaucoup d’options au forcené de l’Élysée. Si le président ne souhaite pas changer de politique, il nous faudra changer de président ! Ne lui en déplaise, en cette rentrée, la souveraineté populaire revient à la mode – le dégagisme aussi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Partez aujourd’hui, monsieur Bayrou. Emmanuel Macron vous suit de près. Le peuple s’impatiente : il a tout un monde à inventer ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère (NI)
La France n’attend pas un gouvernement parfait ; elle attend des élus responsables. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) La proclamation des résultats du vote de ce soir, sous les applaudissements des uns et dans le silence des autres, ne fera pas disparaître les problèmes du pays. Ceux-ci seront toujours présents ; ils seront même aggravés.
M. Philippe Vigier
Eh oui !
M. Philippe Bonnecarrère
Nos concitoyens, nos entreprises, nos partenaires attendent de nous de la stabilité et de la responsabilité. L’objet de mon intervention est de formuler des propositions en ce sens.
Stabilité et responsabilité, proposition numéro un : que le bloc central bouge en matière d’optimisation fiscale des revenus des plus fortunés. Mes concitoyens du Sud-Ouest – les classes moyennes, pour simplifier – me disent quotidiennement que les économies doivent concerner tout le monde et non pas toujours les mêmes. Ils ne nous écouteront pas si une inflexion n’est pas clairement donnée dans cette direction.
Stabilité et responsabilité, proposition numéro deux – je donne de nouveau la parole aux Tarnais : l’exemple doit venir d’en haut, de Paris. La réduction du nombre d’agences, d’organismes publics, d’observatoires divers est nécessaire. Cela pourrait être inscrit formellement dans une annexe à la loi de finances, avec une liste et un budget consolidé, ce qui permettrait aux Français de suivre l’effort de réduction des dépenses. Il n’y a là nulle démagogie : le contrôle de l’efficience des politiques publiques est un prérequis pour être compris.
À l’image de l’excipient qui permet la diffusion du principe actif d’un médicament dans le corps, ces deux propositions constituent les excipients permettant l’acceptation par notre corps social des efforts et de la modération des dépenses publiques.
Stabilité et responsabilité, proposition numéro trois : formuler des alternatives. Pour donner un exemple : la nécessaire augmentation de notre production, donc de nos recettes, peut passer soit par des heures de travail supplémentaires, soit par une augmentation de la productivité grâce à un recours massif à l’intelligence artificielle, ce qui suppose de modifier nos organisations. Laissons autant que possible le choix à nos concitoyens !
Stabilité et responsabilité, proposition numéro quatre : l’Assemblée nationale – c’est-à-dire nous. Si le président de la République dispose du droit de la dissolution, il existe un autre mode de dissolution, l’autodessaisissement, c’est-à-dire la situation dans laquelle notre assemblée ferait le choix de ne pas décider, de ne pas donner de cap, de ne pas adopter de budget. Une démocratie parlementaire qui renoncerait à sa mission, ce n’est pas rien !
En transformant le scrutin majoritaire en une proportionnelle, les Français n’ont pas désigné de gagnant ; ils nous ont demandé de trouver des accords, sans attendre mai 2027. Malgré l’existence dans notre roman national de magnifiques références, je ne crois pas à l’homme providentiel ou à la femme providentielle. C’est à notre assemblée qu’il revient d’être à la hauteur des circonstances et d’engager un sursaut collectif.
Un accord comportant des concessions et des avancées réciproques – pour les uns sur l’autorité régalienne et sur les économies, pour les autres sur la justice sociale – ne serait pas parfait. Il ne satisferait pas toutes nos convictions – ni même les miennes. Cependant, il n’existe pas d’autre solution. Les Français l’exigent et l’exigeront chaque jour davantage car ils savent que si nous ne maîtrisons pas collectivement notre trajectoire, nous nous dessaisirons progressivement au profit de ceux qui nous l’imposeraient depuis Francfort ou Washington.
Les mots « coupables » ou « danger pour le pays » que je viens d’entendre dans la bouche de deux présidentes de groupes peuvent vite revenir comme un boomerang sur ceux qui ne cessent d’évoquer la censure, les lignes rouges, la démission ou la dissolution. Au risque de sortir de mon rôle, je ferai une dernière proposition : plutôt que de nommer un premier ministre, le président pourrait désigner un préfigurateur, une personne chargée de construire un projet et de trouver des partenaires. Si elle y parvenait, elle deviendrait premier ministre ; en cas d’échec, on passerait à une autre personne, le gouvernement démissionnaire assurant la continuité de l’État. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre. (« Oh non ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Aurélien Le Coq
Pour la dernière fois !
M. François Bayrou, premier ministre
Je ne répondrai pas aux polémiques ni aux propos insultants,…
M. Aurélien Le Coq
Ne répondez pas du tout, ce sera plus simple !
M. François Bayrou, premier ministre
…de même que je me suis efforcé, à la tribune, de ne prendre à partie ni les uns ni les autres.
M. Rodrigo Arenas
Vite, apportez-lui un verre d’eau ! (Sourires.)
M. François Bayrou, premier ministre
En effet, à mes yeux, le moment que nous vivons est important, non pas pour le premier ministre ni pour le gouvernement – pas du tout – mais pour le Parlement et pour le regard que les Français portent sur celui-ci.
Premièrement, je suis frappé par les messages que nous recevons tous, minute après minute. Ce dont ils témoignent, c’est que la violence des propos tenus – qui caractérise d’ailleurs la vie politique en général – a profondément heurté. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.– Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Aurélien Le Coq
Et la violence politique, qu’en faites-vous ?
Mme Sarah Legrain
Et la violence de la réforme des retraites ? Et la violence envers les gens qui se retrouvent à la rue ? Quelle indécence !
M. François Bayrou, premier ministre
Si nous pouvions, par notre attitude, cesser de renvoyer cette image de violence et de mépris,…
M. Pierre Cordier
De médiocrité !
M. François Bayrou, premier ministre
…nous rendrions service à la démocratie, ce modèle que nous défendons. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Deuxièmement, je veux dire à chacune et à chacun des membres du gouvernement – que je n’ai pas cités lorsque je me suis exprimé tout à l’heure à la tribune – que ces neuf mois ont procuré au premier ministre que je suis un profond bonheur. Nous avons en effet réussi – déjouant ainsi tous les pronostics – à former une équipe composée de nombreux poids lourds, unie par des liens de solidarité et d’amitié et qui, durant toute cette période, n’a pas connu une seule crise ni la moindre tension.
M. Aurélien Le Coq
Allez, au revoir !
M. François Bayrou, premier ministre
Or ce n’était pas si évident, au vu de la diversité des sensibilités représentées dans le gouvernement et des fortes personnalités qui les incarnaient. Nous avons donné l’image d’une équipe républicaine, honorable et active. Voilà pourquoi je voulais, au nom du gouvernement, remercier l’Assemblée nationale et, en tant que premier ministre, remercier les membres du gouvernement.
Troisièmement, je rappelle qu’une seule question était posée aujourd’hui : la situation du pays peut-elle vraiment s’accommoder de divisions supplémentaires,…
Mme Sandra Regol
Ce n’était pas du tout la question !
M. François Bayrou, premier ministre
…de retards supplémentaires, de procrastination supplémentaire ou exige-t-elle que nous prenions acte de la gravité et de l’urgence des enjeux ? On sait quel sera le résultat du vote – mais ce résultat, nous n’en mesurerons pas les effets ce soir ; nous les mesurerons dans les prochaines semaines et dans les prochains mois, avec l’évolution que subira notre pays si les choses ne tournent pas comme nous le souhaiterions et avec le jugement qui sera porté sur la lucidité de la classe politique française, sur sa capacité à relever des défis et à construire une unité au service du pays.
Je suis très heureux que nous ayons au moins pu défendre une vision – celle-ci : un pays ne peut aliéner son indépendance ni sa souveraineté, pas plus sur le plan militaire que sur le plan financier. Nous ne pouvons accepter d’être soumis ni à des dominants ni à des créanciers. Nous sommes responsables de l’avenir, notamment celui des plus jeunes. C’est la vision que nous avons défendue pendant neuf mois et, aujourd’hui encore, c’est la volonté que nous avons exprimée à la tribune.
Pour nous tous, cette séance fut un moment de vérité. Celui-ci ne s’effacera pas. Un vote n’efface pas la réalité. Ensemble, nous avons tenté de reconstruire. C’est très important pour l’avenir. Je suis heureux que nous ayons pu partager ce moment. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Le débat est clos.
Vote en application de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution
Mme la présidente
Le premier ministre ayant engagé la responsabilité du gouvernement, je vais mettre aux voix l’approbation de sa déclaration de politique générale.
Le vote se déroulera dans les salles voisines de la salle des séances.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Il est ouvert pour une durée de trente minutes. Il sera donc clos à 18 heures 50.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin sur la déclaration de politique générale du gouvernement :
Nombre de votants 573
Nombre de suffrages exprimés 558
Majorité absolue des suffrages exprimés 280
Pour l’approbation 194
Contre 364
L’Assemblée nationale n’a pas approuvé la déclaration de politique générale du gouvernement. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – Mme Karine Lebon applaudit également.)
Conformément à l’article 50 de la Constitution, le premier ministre doit remettre au président de la République la démission du gouvernement.
4. Levée de la séance
Mme la présidente
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra