Deuxième séance du mercredi 12 mars 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Renforcement du soutien à l’Ukraine
- Discussion des articles (suite)
- Article unique (suite)
- Amendement no 6
- Sous-amendement no 68 rectifié
- M. Laurent Mazaury, rapporteur de la commission des affaires étrangères
- M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe
- Amendements nos 16 et 11
- Rappel au règlement
- Article unique (suite)
- Amendements nos 47, 32 rectifié, 30, 12 et 5
- Sous-amendement no 71
- M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères
- Amendements nos 48, 28 et 17
- Rappel au règlement
- Article unique (suite)
- Rappels au règlement
- Article unique (suite)
- Article unique (suite)
- Explications de vote
- Vote sur la proposition de résolution
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Renforcement du soutien à l’Ukraine
Suite de la discussion d’une proposition de résolution européenne
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de résolution européenne appelant au renforcement du soutien à l’Ukraine (nos 916, 940, 1001).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen de l’article unique, s’arrêtant à l’amendement no 6. Il reste vingt-six amendements et sous-amendements à examiner. Le rythme n’était pas très rapide, mais les débats étaient plutôt intéressants.
Mme Brigitte Klinkert
Oui !
M. Charles Sitzenstuhl
Ils sont importants !
Article unique (suite)
Mme la présidente
Je suis saisie de demandes de scrutins publics : sur l’amendement no 11, par le groupe Rassemblement national ; sur l’amendement no 47, par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Bertrand Sorre, pour soutenir l’amendement no 6, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 68 rectifié.
M. Bertrand Sorre
Cet amendement de ma collègue Corinne Vignon appelle à exploiter les solutions satellitaires existantes pour assurer la connectivité dans les zones de conflit. En effet, dans l’attente du déploiement de la constellation européenne Iris2 – infrastructure de résilience et d’interconnexion sécurisée par satellite – et face à la domination des géants américains comme Starlink, il est crucial que l’Europe puisse s’appuyer sur des opérateurs privés, souverains et de confiance. L’exemple de l’Ukraine illustre parfaitement l’importance de cet enjeu : depuis l’invasion russe, elle a un recours accru à la constellation Starlink pour garantir la connectivité de ses forces armées. Et même si ce n’est plus d’actualité depuis hier, la suspension des aides à l’Ukraine durant quelques jours par le président américain, notamment l’accès à Starlink, soulève des inquiétudes quant à la pérennité de ces services.
D’ici à 2030, date prévue pour l’entrée en service d’Iris2, l’Europe doit impérativement renforcer son autonomie spatiale en s’appuyant sur des opérateurs privés pour répondre à l’urgence de la situation. D’autres acteurs internationaux, à l’image de la Chine, poursuivent une stratégie de space dominance et renforcent leur influence dans le domaine spatial. L’amendement invite donc la France et l’Europe à se doter d’une solution alternative souveraine en matière de connectivité satellitaire. Vous l’avez compris : il s’agit d’éviter une dépendance stratégique aux solutions américaine ou chinoise, de ne pas prendre un retard préjudiciable à notre sécurité et à notre défense dans l’espace, et de consolider notre poids diplomatique, notamment en soutenant l’Ukraine face à ces deux puissances dominantes. En attendant 2030, il est essentiel de pouvoir compter sur le type d’opérateurs que j’ai évoqués pour garantir notre autonomie dans l’espace.
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Mazaury, rapporteur de la commission des affaires étrangères, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement et pour soutenir le sous-amendement no 68 rectifié.
M. Laurent Mazaury, rapporteur de la commission des affaires étrangères
La commission est favorable à l’amendement. Je le suis également, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, qui vise à préciser la rédaction.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe, pour donner l’avis du gouvernement sur l’amendement et sur le sous-amendement.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe
J’émets un avis favorable sur l’amendement, modifié par le sous-amendement rédactionnel du rapporteur. Ils soulignent en effet la nécessité pour l’Europe de se doter de capacités souveraines en matière satellitaire, à plus forte raison depuis la guerre en Ukraine.
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin.
M. Arnaud Saint-Martin
J’aimerais tout de même quelques précisions sur le type de réseau satellitaire concerné par cet amendement : s’agit-il de celui d’Eutelsat OneWeb ?
M. Jimmy Pahun
Bonne question !
M. Arnaud Saint-Martin
Et de quel type de contrat s’agirait-il ? Tout cela reste assez allusif, y compris pour ce qui est de l’intention, sachant que nous avions déjà la possibilité depuis un certain temps de mettre en œuvre ce type de système, notamment en rachetant OneWeb beaucoup plus tôt, et de disposer ainsi d’une constellation souveraine au niveau français, avec des synergies possibles au niveau européen. Cette préoccupation est très tardive et je constate qu’en la matière, notre pays est quelque peu dans l’improvisation tout en étant dans la surenchère capacitaire, vu la compétition qui s’active avec Starlink – dont le réseau représente, soit dit en passant, une très mauvaise solution si l’on veut disposer de moyens souverains. Cet amendement paraît cosmétique et parfaitement incantatoire. C’est pourquoi nous, députés du groupe LFI-NFP, ne le voterons pas.
(Le sous-amendement no 68 rectifié est adopté.)
(L’amendement no 6, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian, pour soutenir l’amendement no 16.
M. Marc de Fleurian
L’alinéa 57 « invite les pays de l’Union européenne à poursuivre la formation de soldats ukrainiens directement en Ukraine […] ». Nous proposons de supprimer les mots « directement en Ukraine », pour deux raisons.
Premièrement, former des soldats ukrainiens sur place n’offre pas de valeur ajoutée par rapport aux formations que l’on peut dispenser de l’autre côté de la frontière, en Pologne, ou sur le territoire français – les deux dispositifs actuellement mis en œuvre.
Deuxièmement, si des soldats français encadrent des recrues ukrainiennes dans un camp de formation en Ukraine, celui-ci peut être touché par une frappe russe. On aura alors pris un tir de missile, un tir d’artillerie ou un bombardement russe. Nous souhaitons évidemment l’éviter. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN. – M. Éric Michoux applaudit également.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
L’amendement a été accepté par la commission. À titre personnel, j’y suis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
Avis défavorable. Le président de la République a rappelé lors de la conférence du 24 février 2024 que rien ne doit être exclu dans notre soutien à l’Ukraine. C’est tout l’enjeu de l’ambiguïté stratégique que de ne pas dévoiler à l’avance à la Russie nos intentions. Nous continuons le soutien aux forces armées ukrainiennes sur le plan capacitaire, sur le plan industriel et sur le plan de la formation. Nous dispensons cette formation sur notre territoire, mais il ne faut pas exclure a priori la possibilité de le faire plus avant.
M. Sylvain Maillard
C’est confidentiel ! Il a raison !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Cet amendement vise à revenir sur le seul amendement que j’avais proposé en commission des affaires européennes.
Tout d’abord, je relève une erreur surprenante : le retour d’expérience (Retex) des formations derrière le front apporte énormément par rapport à ce que nous faisons en Pologne et en France actuellement. Cela a à voir avec la tactique et le changement de tactique de l’armée ukrainienne.
Je rappelle que notre pays a commencé à dispenser des formations dès le 1er janvier 2023, avec des cadres, à raison de 200 soldats par tranche de six semaines. J’ai assisté à certains de ces exercices.
Dans les camps d’entraînement en France et en Pologne, on enseigne très bien à travailler en infanterie, sans « poussée de l’avion », en étant stratège, économe de ses moyens, avec des initiatives beaucoup plus décentralisées. Mais le Retex de formations à l’arrière du front permettrait de passer un palier, en particulier grâce à un entraînement au drone et au drone-artillerie, à une époque où l’on est passé à la guerre électronique. Il y aurait évidemment une certaine prise de risque, mais qui n’est pas de l’ordre de l’agression.
Je tiens à souligner que ces formations créent une fraternité d’armes – ce n’est pas une armée commune – et que les formateurs comme les formés demandent des entraînements plus près du front, afin d’avoir ce Retex immédiat.
(L’amendement no 16 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Chenu, pour soutenir l’amendement no 11.
M. Sébastien Chenu
Nous proposons de supprimer les dispositions qui appellent à renforcer les sanctions sur les énergies. En effet, votre logique est celle qui nous a amenés à abîmer l’économie de la France. On se souvient tous de Bruno Le Maire qui annonçait l’effondrement de l’économie russe. Or la Russie a aujourd’hui un taux de croissance deux à trois fois supérieur à celui de la France…
M. Sylvain Maillard
Elle consacre 40 % de son PIB à l’armée !
M. Sébastien Chenu
…et un endettement moindre. L’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) indique même qu’elle s’est renforcée dans un certain nombre de secteurs tels que le bâtiment et la logistique – ce n’est pas nous qui le disons, mais l’IHEDN. Avec votre savoir-faire habituel en économie, non seulement vous avez renforcé l’économie russe, mais vous avez abîmé la nôtre ! Et ce, dans plusieurs domaines : l’énergie, les matières premières, la finance, les investissements directs et, bien évidemment, les exportations.
Mme Danielle Simonnet
N’importe quoi !
M. Sébastien Chenu
Nous vous demandons d’arrêter la casse, d’arrêter d’abîmer l’économie française sans même affaiblir l’économie russe ! On vous voit à l’œuvre, tout ce que vous touchez, vous le transformez… je n’ose pas dire en quoi (Sourires sur les bancs des groupes RN et UDR), mais c’est toujours une catastrophe. Donc stop à la catastrophe, par pitié pour l’économie française ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Nous avons déjà eu un débat à ce sujet cet après-midi. L’avis de la commission est défavorable et le mien également, pour les mêmes motifs.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
Il est défavorable, pour deux raisons.
La première, c’est qu’aujourd’hui, les revenus du Kremlin proviennent pour un tiers des énergies fossiles, et que ces exportations financent bien sûr l’effort de guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine.
Deuxièmement, au-delà de ce constat, il s’agit de mettre fin à notre propre dépendance. Nous voyons bien la façon dont la Russie a utilisé ses liens énergétiques comme un levier d’influence sur les démocraties européennes – davantage chez nos voisins qu’en France, car nous étions moins dépendants de ces liens, notamment grâce au nucléaire. Nous voyons comment elle utilise l’énergie comme une arme politique et géopolitique.
En levant les sanctions, on se précipiterait une fois de plus dans les bras du Kremlin et dans la dépendance à l’égard de la Russie. On renforcerait l’agression de la Russie ; on réduirait la souveraineté et l’indépendance de la France et de l’Europe entière. Mais peut-être est-ce ce que vous recherchez à travers cet amendement ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) En tout cas, je réitère l’avis défavorable du gouvernement. (MM. Jimmy Pahun et Thierry Sother applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Damien Girard.
M. Damien Girard
Monsieur Chenu, vous proposez au fond de redonner des moyens à la Russie pour qu’elle puisse produire plus d’armes. Vous lui permettriez ainsi de retrouver de la puissance. C’est un soutien implicite à la Russie. Bien évidemment, le groupe Écologiste et social votera contre l’amendement et invite tous les collègues à faire de même.
On parle depuis le début de l’examen de ce texte d’autonomie stratégique. Or il faut savoir qu’elle repose sur la transition écologique, puisque celle-ci nous rend moins dépendants à l’égard des pays tiers, moins dépendants des importations, qu’il s’agisse des énergies fossiles ou de l’uranium.
Je le redis : il ne faut pas redonner des moyens à la Russie comme veut le faire le Rassemblement national à travers cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Laurent Jacobelli
Il n’y a guère d’applaudissements !
M. Pierre Meurin
Ce n’est pas mauvais, c’est très mauvais !
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Sother.
M. Thierry Sother
Cet amendement déposé par le collègue Chenu va à contresens de ce qu’il faut faire, à contresens de la politique de sanctions qui doit être la nôtre face à la Russie et même à contresens des déclarations faites par son propre groupe au cours de la séance précédente. Il n’est pas possible de continuer à laisser la Russie faire de l’argent grâce à l’exportation de matières énergétiques. Il faut au contraire renforcer les sanctions sur ce qui lui permet de financer l’économie de guerre, donc la guerre contre l’Ukraine.
Sortir de l’addiction à l’énergie russe permettra de parvenir à cette souveraineté énergétique européenne qui est nécessaire dans la construction du monde que nous souhaitons. Le groupe Socialistes et apparentés votera donc, lui aussi, contre cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Chenu.
M. Sébastien Chenu
J’ai entendu les arguments de notre collègue écolo. Cette soirée ne va pas commencer sous de bons auspices si on s’envoie au visage les influences supposées des uns et des autres. Chers collègues, c’est un député de votre groupe – même s’il venait des rangs macronistes –, M. Julien-Laferrière, qui a été poursuivi pour corruption à la suite d’ingérences du Qatar. Ne commencez donc pas la soirée en faisant des procès d’intention ! Balayez dans vos rangs,…
M. Damien Girard
C’est ce qu’on a fait !
M. Sébastien Chenu
…avec vos députés mouillés dans des histoires avec le Qatar, avant de donner la leçon aux autres ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Notre collègue du Rassemblement national vient de nous dire calmement : « Achetez russe ! » (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN.) La Russie attaque l’Europe, elle attaque l’Ukraine et le Rassemblement national se couche et dit qu’il faut continuer à acheter russe. Je préfère le comportement des Canadiens qui, face à l’agression des Américains, ont décidé de boycotter leurs produits. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et LIOT ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Il faudrait qu’on réussisse à avoir un débat serein et apaisé…
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour un rappel au règlement.
Mme Cyrielle Chatelain
Ce rappel au règlement, très apaisé, est fondé sur l’article 70, alinéa 3, du règlement. Très clairement, il y a une différence entre le Rassemblement national et les Écologistes. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
S’il vous plaît !
Mme Cyrielle Chatelain
Oui, lors de la précédente législature, un de nos collègues a été mis en cause. Il a immédiatement été exclu du groupe. Voilà comment nous réagissons. De votre côté, votre parti est financé par les Russes (Mêmes mouvements) et continue à se faire leur porte-voix. Voilà la différence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Article unique (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Le Gall.
M. Arnaud Le Gall
Cet amendement pose évidemment d’énormes problèmes. Toutefois, vous qui, au centre de l’hémicycle, vous y opposez, vous ne vous posez jamais la question des dépendances que vous avez créées et que vous ne cessez d’accroître. Évidemment qu’on ne va pas continuer à gaver la Russie en lui achetant du gaz et du pétrole. Mais quelle solution alternative proposez-vous ? Acheter du gaz américain ! Construire votre Europe de la défense, c’est acheter pour des dizaines et des dizaines de milliards des armements américains supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) Ce n’est peut-être pas le cas de la France, mais c’est celui de l’Europe de la défense. Des armements que les Américains pourront déconnecter le jour où ils le décideront. Même votre presse le dit : hier, Le Figaro écrivait que les Américains peuvent empêcher à distance un F-35 de décoller. C’est avec ça que vous voulez faire la guerre ?
M. Thibault Bazin
C’est n’importe quoi !
M. Arnaud Le Gall
Je ne parle pas de vous mais de votre Europe de la défense, que vous ne cessez de promouvoir et que vous présentez comme la garantie de l’indépendance alors qu’elle est la garantie de la vassalisation. Balayez devant votre porte au lieu de renvoyer tout le monde à des débats manichéens. Nous, c’est ni Trump ni Poutine, donc nous n’avons pas de problème.
M. Sylvain Maillard
On s’éloigne de l’amendement…
M. Arnaud Le Gall
Vous, c’est Trump ; eux, c’est Poutine… et un peu Trump aussi.
M. Thibault Bazin
Nous, c’est de Gaulle !
M. Arnaud Le Gall
Balayez devant votre porte ! C’est vous qui êtes au pouvoir depuis huit ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 11.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 185
Nombre de suffrages exprimés 178
Majorité absolue 90
Pour l’adoption 60
Contre 118
(L’amendement no 11 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Bouyx, pour soutenir l’amendement no 47.
M. Bertrand Bouyx
Il vise à préciser les domaines sur lesquels les États membres sont appelés à intensifier leur surveillance. Je fais ici référence aux mesures prises par la Russie pour échapper aux sanctions financières via des systèmes de transaction monétaire occultes, des sociétés écrans ou des sociétés offshore.
M. Patrick Hetzel
Il est très utile, cet amendement !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Cet amendement a été accepté par la commission. À titre personnel, je lui donne un avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
Favorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 47.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 194
Nombre de suffrages exprimés 175
Majorité absolue 88
Pour l’adoption 175
Contre 0
(L’amendement no 47 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 32 rectifié.
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Il vise à faire respecter par l’opérateur de satellites Eutelsat les sanctions européennes contre les entreprises russes. En effet, nous savons qu’Eutelsat permet encore de recevoir des chaînes de télévision qui ne devraient plus être diffusées en raison de l’embargo en vigueur. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons rappeler cet opérateur à l’ordre et demander au gouvernement de faire respecter cette décision.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Bien évidemment, la France soutient pleinement tous les efforts de lutte contre la désinformation russe.
(L’amendement no 32 rectifié est adopté.)
Mme la présidente
Sur les amendements nos 12 et 5, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 30 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 30, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian, pour soutenir l’amendement no 12.
M. Marc de Fleurian
Il concerne également les approvisionnements en énergie en provenance de Russie. J’espère que tous ceux qui vont voter en faveur de la résolution savent qu’on continue à acheter du gaz russe, soit directement, soit indirectement,…
Mme Léa Balage El Mariky
C’est bien le problème !
M. Marc de Fleurian
…et même qu’on l’achète plus cher, en raison de l’existence d’intermédiaires. Pourquoi se retrouve-t-on dans cette situation ?
Mme Léa Balage El Mariky
Parce qu’on n’a pas mis les écolos au pouvoir !
Mme Danielle Simonnet
Parce qu’on n’a pas assez investi dans les énergies renouvelables !
M. Marc de Fleurian
Parce qu’on a suivi vos amis écolos. Les Allemands, en particulier, sont en difficulté : ils sont dépendants du gaz russe parce qu’ils ont décidé d’arrêter le nucléaire. Résultat : ils ont du gaz et des éoliennes qui ne tournent pas. Ils se retrouvent donc à devoir chauffer au charbon pendant l’hiver et nous récupérons leurs poussières.
M. Arnaud Le Gall
Vos amis allemands de l’AfD font pareil !
M. Marc de Fleurian
Toute l’Europe est en difficulté énergétique. Vous avez accumulé des failles et des faiblesses, qui se sont révélées au grand jour. Quand nous voulons renforcer les nations d’Europe, vous voulez renforcer l’Europe via l’Union européenne. Il faut s’en donner les moyens. Maintenant, il est trop tard et nous sommes au pied du mur. Se limiter soi-même revient à s’affaiblir et à enrichir davantage la Russie et son complexe militaro-industriel. Il aurait fallu y penser avant. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
L’amendement a été accepté par la commission. Pour les raisons exprimées précédemment, j’y suis pour ma part défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
Il est défavorable. On ne peut pas prétendre renforcer l’Europe, ou ses nations, ou leur souveraineté et, à chaque occasion, demander la levée des sanctions et se précipiter dans la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie de Vladimir Poutine. La seule solution, c’est précisément de continuer à réduire nos dépendances et à investir dans l’autonomie stratégique et énergétique de l’Europe.
Mme la présidente
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
Chacun l’aura compris, perdurer dans les importations de combustibles fossiles, d’uranium enrichi ou d’engrais phosphatés revient à financer l’effort de guerre russe. Nous ne pouvons pas nous y résoudre. Et nous savons que la solution n’est pas de remplacer une dépendance polluante par une autre. Elle réside dans le financement et la montée en puissance des énergies renouvelables, choix qui a été fait dans toute l’Europe. Il est assez étrange que cela fonctionne partout, sauf en France.
Je ne me résoudrai jamais à l’idée selon laquelle il faudrait, pour limiter les importations de gaz russe, acheter du gaz de schiste américain. Je veux que l’on construise notre autonomie stratégique, tactique, politique et économique en réduisant nos importations d’énergies fossiles et en élaborant une politique française ambitieuse de recours aux énergies renouvelables. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
M. Emeric Salmon
Il ne fallait pas casser la filière nucléaire !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 12.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 191
Nombre de suffrages exprimés 189
Majorité absolue 95
Pour l’adoption 62
Contre 127
(L’amendement no 12 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l’amendement no 5, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 71.
Mme Constance Le Grip
Par cet amendement, cosigné par Gabriel Attal et Pieyre-Alexandre Anglade, nous souhaitons, au sujet du gel des avoirs russes, aller un peu plus loin que la rédaction initiale de la présente proposition de résolution européenne.
Comme Gabriel Attal l’a demandé à la tribune de l’Assemblée nationale le 3 mars, nous souhaitons que soit explicitement et vigoureusement posée la question de la saisie des avoirs russes gelés. De 210 à 220 milliards d’euros d’avoirs sont gelés dans des banques européennes depuis de très nombreux mois. Compte tenu des défis existentiels qui se posent tant à l’Ukraine qu’à notre continent, nous estimons que nous devons pouvoir récupérer ces sommes très importantes. Elles seraient affectées au financement de la résistance et de la reconstruction ukrainiennes ainsi qu’à la sécurité du continent européen.
Nous ne méconnaissons pas les arguments juridiques ou économiques divers qui peuvent légitimement être avancés pour faire état de réserves, voire de craintes, quant à la saisie de ces avoirs. Nous croyons toutefois qu’il faut explorer sérieusement cette piste. Nous utilisons déjà les intérêts qu’ils produisent. Nous avons même franchi récemment une étape supplémentaire en nous en servant comme collatéral pour gager un prêt de 50 milliards d’euros consenti à l’Ukraine. Selon nous, il est temps d’envisager sérieusement d’aller plus loin. C’est une question de réalisme, mais c’est aussi une question politique : faire payer… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Quelques députés du groupe EPR applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 71.
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Si l’amendement était adopté dans sa rédaction actuelle, cela nous exposerait à une grande insécurité juridique. Le problème qui nous occupe relève du droit coutumier, qui est reconnu en droit international. Il existe en la matière une forme de jurisprudence, qui résulte de six ou sept dossiers. Pour que la captation et l’utilisation des avoirs russes soient valides, deux conditions doivent être réunies. La première est qu’elles soient décidées au niveau européen – c’est bien ce que prévoit l’amendement. L’autre condition est que les moyens ainsi dégagés soient utilisés dans le cadre du conflit entre les belligérants en question.
C’est ce qui m’amène à proposer, par mon sous-amendement, de supprimer les mots : « de participer à renforcer les capacités de défense de l’Europe, de financer le développement et le déploiement de moyens stratégiques communs ». En effet, les moyens dégagés par la saisie des avoirs russes ne doivent pas servir à cet usage assez général ; ils doivent être dédiés dans leur ensemble au soutien à l’Ukraine « et à sa reconstruction » – termes que je propose d’ajouter. C’est un peu technique, mais la rédaction que je propose est conforme à la conclusion de tous ceux qui travaillent sur ce sujet depuis environ trois semaines.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement sur l’amendement et sur le sous-amendement ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
On parle ici des actifs de la banque centrale russe qui ont été immobilisés en Europe au lendemain de l’agression de la Russie contre l’Ukraine, le 24 février 2022. Comme Mme Le Grip l’a rappelé, les intérêts produits par ces avoirs gelés sont utilisés comme garantie dans le cadre d’un prêt à l’Ukraine, décidé au niveau du G7 et d’un montant de 50 milliards d’euros, qui sert à financer les dépenses militaires de l’Ukraine, sa reconstruction, et le soutien économique dont elle a besoin. L’Europe y participe à hauteur de 20 milliards d’euros.
Comme M. le rapporteur l’a dit, la saisie du principal de ces avoirs soulèverait des questions juridiques. Elle pourrait aussi représenter un précédent économique pour les investisseurs étrangers. Cela étant dit, comme l’a déjà indiqué le gouvernement, c’est un levier dont nous disposons dans le rapport de force et dans la négociation avec la Russie.
Toute décision sur ces avoirs gelés doit être prise collectivement, dans le cadre de l’Union européenne. Je rappelle d’ailleurs que ces avoirs ne se trouvent pas en France et que certains de nos partenaires et voisins européens sont plus exposés que d’autres dans ce dossier, d’où la difficulté. Néanmoins, je le répète, c’est un levier dont nous disposons. Le gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Louis Thiériot.
M. Jean-Louis Thiériot
Une résolution européenne n’est pas, en soi, un texte normatif.
M. Fabrice Brun
En effet, c’est une déclaration non contraignante !
M. Jean-Louis Thiériot
L’enjeu est de parvenir à utiliser tous les moyens à notre disposition, pour en faire un levier. La Russie est l’agresseur, l’Ukraine est l’agressé ; moralement et éthiquement, la saisie des avoirs russes ne pose évidemment aucun problème, mais je suis pleinement conscient des difficultés juridiques qu’elle peut soulever, y compris vis-à-vis d’autres acteurs. Le sous-amendement met le texte de l’amendement en conformité avec le droit international, sans ambiguïté possible. Utiliser le Parlement français, que j’espère aussi unanime que possible, pour peser dans les débats actuels et promouvoir la sécurité de l’Ukraine et la paix, a tout son sens. C’est pourquoi je voterai pour l’amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Fabrice Brun
Excellente intervention !
Mme la présidente
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.
Mme Léa Balage El Mariky
Que de temps perdu ! Voilà des mois – que dis-je, des années ! – que les Écologistes réclament la saisie des avoirs russes gelés. Je suis heureuse qu’enfin une majorité, sinon une forme de consensus – on verra les votes –, se dégage autour de cette proposition. Je me réjouis également de voir que la sagesse a éclairé le gouvernement, même s’il aurait pu se déclarer favorable à la mesure.
Il faut laisser de côté les craintes et sortir de l’hypocrisie : nous utilisons déjà les intérêts des avoirs russes gelés ; c’est donc possible en droit européen. Saisir le capital est indispensable du point de vue de notre indépendance, mais surtout de celui de la justice : c’est une mesure juste pour les Ukrainiennes et les Ukrainiens.
À cet égard, le sous-amendement du rapporteur vient sécuriser l’amendement de Mme Le Grip en rappelant que les avoirs russes doivent être utilisés pour le peuple ukrainien ; c’est pour lui que nous devons nous mobiliser et c’est à lui que nous devons penser ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Ce sujet, qui est au cœur de nos débats, est complexe. Du point de vue juridique, je reconnais qu’on n’est pas nécessairement en zone rouge, mais je maintiens qu’on est en zone grise. Depuis un an que cette idée circule, on confond les analyses fondées sur les droits nationaux et les analyses fondées sur le droit international. Il faut savoir que la quasi-totalité de ces avoirs russes se trouvent en Belgique, donc relèvent du droit belge ; pour les saisir, nous aurons donc besoin d’une décision d’un juge belge. Or le principe de séparation des pouvoirs, qui prévaut en démocratie, et celui de souveraineté des États interdisent que l’on donne un ordre à un juge, qui plus est de l’autre côté de la frontière.
On peut regretter le temps perdu, mais n’oublions pas un argument important : quels sont les besoins et les capacités d’absorption de la base industrielle de défense ? Je rappelle que la base industrielle de défense ukrainienne a une production qui est passée, en valeur, de 1 à 2 milliards en 2022 à 35 milliards aujourd’hui ; pour être à pleine capacité, il ne lui manque qu’une dizaine de milliards – dont nous disposons, le ministre délégué l’a rappelé, grâce à l’effet de levier induit par les seuls intérêts des actifs russes. Par conséquent, je serais d’avis de ne pas nous précipiter pour la saisie de ces avoirs.
Mme la présidente
Veuillez conclure.
M. Frédéric Petit
Je vous prie de m’excuser, madame la présidente, mais c’est important. (Exclamations.)
Mme la présidente
Certes, mais beaucoup de collègues souhaitent s’exprimer.
M. Frédéric Petit
Je termine. Tactiquement, nous avons intérêt à ne pas saisir les avoirs russes tout de suite. Je souscris en cela à l’idée défendue par le rapporteur dans son sous-amendement : les utiliser pour la reconstruction, car celle-ci ne fera pas partie du deal américain… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Nous parlons de 230 milliards d’euros : 210 milliards d’actifs de la banque centrale russe et 25 milliards d’actifs des oligarques.
D’après mon analyse, les 210 milliards de la banque centrale russe sont protégés par l’immunité consulaire ; le droit international nous interdit donc de les saisir. Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué qu’il existait six ou sept dossiers où cela a été fait ; pourriez-vous préciser lesquels, et dans quelles circonstances des avoirs ont pu être saisis ?
S’agissant des avoirs des oligarques, le groupe LFI-NFP est totalement favorable à leur saisie, mais nous n’avons pas d’outil législatif permettant de le faire. Le Canada, me semble-t-il, a essayé d’adopter une loi pour saisir des avoirs russes, mais s’est heurté au droit fondamental de la propriété. L’enfreindre nous exposerait à une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Voilà les freins qui nous bloquent. Si vous êtes capable, monsieur le rapporteur, de nous fournir des éléments précis à même de nous faire changer d’avis, pourquoi pas ; mais nous ne varierons pas sur la question du droit international.
Enfin, monsieur le ministre délégué, vous avez rappelé que le gel se décidait à l’unanimité. Il est renouvelé, je crois, tous les six mois ; pouvez-vous garantir que les avoirs russes resteront gelés à la prochaine échéance, c’est-à-dire au mois de juin ou juillet ?
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Sother.
M. Thierry Sother
Voyez le chemin que nous parcourons sur la question de l’usage des avoirs russes ! Il y a quelques semaines, leur saisie semblait impossible ; aujourd’hui, nous franchissons des pas en ce sens, et j’en suis très heureux.
Néanmoins, je rejoins M. le rapporteur : le droit coutumier international commande que cette saisie soit une contre-mesure de l’Ukraine à l’égard de la Russie qui l’a agressée ; ces avoirs doivent donc servir à l’Ukraine pour financer sa reconstruction et, plus largement, pour réparer les dommages causés par l’agression. Cela a d’ailleurs été rappelé par Enrico Letta la semaine dernière : la Russie devra payer ; en tant qu’agresseur, il est logique qu’elle participe à cet effort.
Je soutiens donc le sous-amendement de M. le rapporteur, qui vient border la disposition et permet de poursuivre le cheminement positif sur la question de l’usage des avoirs russes. S’il est adopté, nous voterons pour l’amendement de Mme Le Grip. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Harold Huwart applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Je ne partage pas votre lecture du droit international. Autant on peut, c’est évident, utiliser les intérêts des avoirs russes gelés, autant le droit international coutumier oblige, à la fin des fins, à restituer ces avoirs, même s’il autorise leur utilisation temporaire. (Rumeurs sur les bancs du groupe EPR.) Ce n’est pas moi qui ai écrit ces règles, mais c’est ainsi : les avoirs – et non les intérêts qu’ils produisent – doivent être restitués. Je propose donc que la résolution intègre cette exigence. En effet, si vous y introduisez un alinéa qui est contraire au droit international…
M. Fabrice Brun
Parce que Poutine, lui, respecte le droit international ?
M. Jean-Paul Lecoq
Je n’ai pas dit cela ! Face à un criminel, direz-vous : « Puisque c’est un criminel, pourquoi ne serions-nous pas, nous aussi, des criminels ? » Ce n’est pas ma façon de voir les choses. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Fabrice Brun
C’est une question de rapport de force !
M. Jean-Paul Lecoq
Le criminel, je veux qu’il soit jugé et condamné, mais je ne veux pas agir comme lui. Ce n’est pas parce que Poutine ne respecte pas le droit international que nous devons, nous, l’imiter. (Mêmes mouvements.)
M. Fabrice Brun
Il faut sortir de l’angélisme !
M. Jean-Paul Lecoq
Monsieur le ministre délégué, vous êtes garant du respect nos obligations. Les diplomates à l’ONU, solides et compétents, sont en mesure de vous préciser ce qu’il en est du point de vue du droit international ; je doute qu’ils vous aient dit que nous pouvons utiliser les avoirs russes de façon permanente, en les mettant à la disposition de l’Ukraine. Si vous avez vérifié ce point et que c’est totalement conforme au droit international, je veux bien retirer ce que je viens de dire ; mais je ne le crois pas. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Le groupe Rassemblement national votera pour le sous-amendement du rapporteur, qui précise à quelles fins les avoirs ont vocation à être utilisés. Financer les armes est une chose ; financer la reconstruction de l’Ukraine en est une autre. D’ailleurs, cela ne vous aura pas échappé, il s’agit d’un point d’interrogation dans la discussion en cours sur les minerais : la destination des montants du fonds n’est pas précisée dans l’accord-cadre ; dans une lecture qui aurait notre préférence, ils pourraient être également utilisés pour la reconstruction.
En revanche, nous voterons contre l’amendement de Mme Le Grip, précisément à cause de l’interrogation qui existe au regard du droit international – je note que M. le ministre délégué n’a pas apporté de réponse claire sur ce point. En réalité, la décision n’appartient pas au législateur, encore moins à travers une résolution, mais au juge étranger, plus précisément belge,…
M. Fabrice Brun
Ça s’appelle noyer le poisson !
M. Matthias Renault
…puisque c’est en Belgique que sont situés la plupart des actifs concernés – on parle ici des 210 milliards d’actifs de la banque centrale russe, et non des 25 milliards d’actifs privés. S’agissant de ces derniers, une saisie est possible : un ancien ministre de la justice avait d’ailleurs diffusé une circulaire qui la préconisait, notamment en cas de présomption de blanchiment.
Mme la présidente
La parole est à Mme Natalia Pouzyreff.
Mme Natalia Pouzyreff
En tant que législateur, nous devons donner à cette disposition une portée légale. Parce qu’elle est l’agresseur, la Russie devra à l’Ukraine des réparations, qui serviront à la reconstruction. Si la Russie refuse de les verser, les avoirs russes pourront automatiquement être saisis. Du point de vue légal, le sous-amendement apporte une sécurité utile ; je voterai donc l’amendement à condition que le sous-amendement soit adopté.
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Bouyx.
M. Bertrand Bouyx
Le groupe Horizons & indépendants soutiendra l’amendement de Mme Le Grip modifié par le sous-amendement du rapporteur. Nous sommes au cœur du sujet. Les Ukrainiens demandent depuis toujours la saisie des avoirs russes ; ne pas y procéder reviendrait à nous soustraire à notre responsabilité. Par ailleurs, en soutenant cette demande, nous renforcerons la position de l’Ukraine à la table des négociations. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe EPR. – M. Jean-Louis Thiériot applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères
Il faut aborder ce sujet avec beaucoup de précaution, car nous avons peu de visibilité sur l’impact de la mesure.
M. Fabrice Brun
Et sur l’impact de cette proposition de résolution européenne !
M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères
D’abord, les Américains nous engagent à le faire – c’est un premier élément d’alerte. Ensuite, rien n’empêche les Russes d’en faire autant avec nos avoirs à nous. Enfin, cela créera une forte défiance sur les marchés ; des investisseurs d’autres pays peuvent commencer à douter de l’espace européen, et réduire le volume de leurs investissements.
Il n’y a pas d’étude d’impact, mais il est fort possible qu’à dix ou quinze ans, le bilan de la captation d’actifs russes, qui ne peut se faire qu’à l’échelle européenne – vous l’avez dit, une grande partie de ces actifs est à Bruxelles, seuls 20 à 25 milliards se trouvent en France –, soit très nettement négatif. En effet, le coût de cette mesure peut s’avérer plus important que son bénéfice à court terme. Je n’affirme pas que c’est la réalité, mais c’est une des hypothèses. En l’absence d’étude d’impact, il faut légiférer avec beaucoup de prudence.
S’agissant du droit international, les choses me semblent très claires : d’abord, une telle saisie serait contraire à la Constitution française et au droit européen, qui garantissent le droit de propriété ; en outre, un traité bilatéral franco-russe protège les investissements de part et d’autre.
M. Fabrice Brun
Poutine tremble !
M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères
À ce stade, la saisie me paraît prématurée. Il faut faire preuve de prudence : je crains qu’à moyen terme, d’ici dix ou quinze ans, la mesure ne fasse plus de mal que de bien à l’économie générale.
M. Sylvain Berrios
Où serons-nous dans quinze ans ?
M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères
Néanmoins, cela peut constituer un élément de levier très fort : c’est un argument essentiel qui peut être utilisé dans le cadre de négociations de paix.
Je n’ai pas de certitudes, mais il faut procéder avec précaution. Le dispositif envisagé ne me semble ni juridiquement possible, ni économiquement efficace. (M. Aurélien Taché applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Il y a quelques instants, un collègue m’a demandé d’évoquer les cas précédents ; ils sont nombreux. J’espère que vous avez du temps : la liste est assez longue. Je pourrais vous en donner lecture intégrale, mais je vais essayer d’abréger.
Cela commence en 1928 par la condamnation de l’Allemagne dans l’affaire de Naulilaa. On peut également citer l’affaire de rupture de charge en pays tiers ayant opposé les États-Unis à la France en 1978 ; la Slovaquie contre la Hongrie à propos du projet de barrage sur le Danube en 1997 ; les États-Unis contre le Nicaragua au sujet des activités militaires et paramilitaires des premiers en 1986.
J’en viens plus spécifiquement aux actifs. Depuis que la République islamique d’Iran a été désignée comme un État soutenant le terrorisme, les États-Unis ont pris plusieurs mesures législatives, exécutives et judiciaires à l’encontre des actifs iraniens, dont les détails figurent dans ma note ; vous verrez que les choses vont très loin. En outre, comme je l’ai indiqué dans mon exposé liminaire, les États-Unis ont adopté en avril 2024 une disposition autorisant la saisie des actifs russes gelés, quoiqu’ils ne l’aient pas activée à ce jour.
Afin de vous rassurer, permettez-moi de rappeler que nous débattons d’une proposition de résolution européenne, qui vise essentiellement à disposer d’éléments de négociation, de moyens de pression. (Mme Dominique Voynet applaudit.) Si nous abordons ces négociations en laissant penser que nous hésitons, que nous avons peur, que nous craignons d’échouer, autant ne pas aller négocier ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LIOT, EPR, SOC, EcoS et HOR. – M. Jean-Louis Thiériot applaudit également.) C’est bien l’idée : nous verrons le moment venu !
D’après ce qu’indiquent nos services, cela devrait fonctionner. Il faut que nous adoptions la mesure tous ensemble et que nous allions négocier !
M. Nicolas Sansu
Qu’allons-nous donc négocier ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
À qui faisons-nous face, mes amis ? Qui ?
M. Jean-Louis Thiériot
Bien sûr !
M. Laurent Mazaury, rapporteur
C’est la raison pour laquelle je soutiens cette mesure avec encore plus de force que tout à l’heure. Je ne retire pas mon sous-amendement. Je pense qu’il faut y aller ! Il ne s’agit pas de nous emparer de leurs actifs, mais d’affirmer que nous le ferons. Et ils viendront négocier ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LIOT, EPR, DR, EcoS, Dem et HOR.)
M. Fabrice Brun
C’est un moyen de pression. Bravo, monsieur le rapporteur !
(Le sous-amendement no 71 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 5, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 260
Nombre de suffrages exprimés 253
Majorité absolue 127
Pour l’adoption 150
Contre 103
(L’amendement no 5, sous-amendé, est adopté ; en conséquence, les amendements nos 13, 61 et 62 tombent.)
(Applaudissements.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public, l’une sur l’amendement no 48 par le groupe Horizons & indépendants, l’autre sur l’amendement no 17 par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Bertrand Bouyx, pour soutenir l’amendement no 48.
M. Bertrand Bouyx
L’agression militaire menée par la fédération de Russie contre l’Ukraine constitue une violation du droit international et de la Charte des Nations unies. Le crime d’agression, l’un des plus graves en droit international, relève de la compétence des juridictions pénales internationales. Or la Cour pénale internationale (CPI) ne peut juger M. Poutine et Mme Lvova-Belova pour le moment en raison de limitations juridictionnelles.
Le Conseil de l’Europe, avec le soutien de l’Union européenne et de partenaires internationaux, a posé les fondements juridiques pour la création d’un tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine.
Le présent amendement vise à promouvoir la création d’un tribunal spécial disposant de ressources financières, techniques et juridiques. Un tel tribunal mènerait un travail complémentaire à celui de la CPI et des juridictions nationales compétentes, afin de faire reconnaître que la Russie est pleinement responsable du crime d’agression contre l’Ukraine. (M. François Cormier-Bouligeon applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Avis favorable, tant de la commission que de votre rapporteur.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
Avis favorable. La France est pleinement engagée dans le groupe de travail sur la création de ce tribunal spécial. Elle est déterminée à lutter contre l’impunité de tous les crimes – de guerre, d’agression et contre l’humanité – dont la Russie s’est rendue coupable.
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Le Gall.
M. Arnaud Le Gall
Nous n’avons rien contre la création d’un tribunal spécial. En revanche, il faut arrêter de faire circuler l’erreur, ou le mensonge, selon lequel la CPI ne pourrait pas juger un chef d’État en exercice. C’est faux. Cette interprétation, d’ailleurs démentie par les juristes, a été utilisée, et largement diffusée ici, pour un autre cas, celui de M. Netanyahou. Voilà tout. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Il est faux de dire que la CPI, en droit, ne peut pas juger un chef d’État en exercice. Se pose ensuite la question d’aller le chercher, qui est affaire de rapport de force. Mais ne dites pas cela, car ce n’est pas vrai !
Si vous voulez créer un tribunal spécial, je n’ai rien contre. Mais arrêtons de dire que la CPI ne peut pas juger un chef d’État en exercice, ce qui sert ensuite à expliquer pourquoi, quand ce sont des copains,…
Mme Sophia Chikirou
Genre Benyamin Netanyahou !
M. Arnaud Le Gall
…on ne fera rien et, même s’ils se trouvent sur le sol français, on ne les arrêtera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Je reviens sur ce qui est proposé dans l’amendement. Pour ma part, je plaide toujours en faveur de la CPI et du rôle de l’ONU.
Dans cette période, on a tendance à nier le droit international, le rôle des institutions internationales et la Charte des Nations unies, alors que la France est membre permanent du Conseil de sécurité, autrement dit l’une des cinq puissances qui en détient les clés, forte de son droit de veto. Nous devrions toujours plaider pour que les instances de l’ONU œuvrent dans de telles circonstances.
Si l’ONU considérait qu’il est nécessaire, compte tenu de la situation, de créer un tribunal spécial, en associant le cas échéant d’autres acteurs, je trouverais cela bien. Mais ne proposons pas de le faire dans le dos de cette institution ! Si nous continuons d’agir ainsi, nous allons la faire mourir ! La paix dans le monde doit s’appuyer sur le multilatéralisme. Notre pays, membre permanent du Conseil de sécurité, doit l’expliquer et le défendre sans relâche. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP. – Mme Christine Arrighi applaudit également.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 48.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 230
Nombre de suffrages exprimés 146
Majorité absolue 74
Pour l’adoption 115
Contre 31
(L’amendement no 48 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 28.
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Voyons si nous sommes vraiment courageux : cet amendement vise à condamner les propos hostiles tenus par le président Donald Trump.
Ses propos ont été très clairs : il a inversé les rôles, prétendant que l’Ukraine était à l’origine du conflit avec la Russie. Fin février, il a aussi affirmé que la présence du président ukrainien lors des négociations avec la Russie n’était « pas importante ». Or, sans l’Ukraine, les négociations seraient vaines, son absence entraînant une paix fragile et un sentiment d’impunité pour la Russie.
J’entends certes que, dans les dernières heures, M. Trump a un peu changé d’avis. Peut-être en changera-t-il encore demain, avant de nous expliquer, après-demain, que c’est de la faute des extraterrestres ! Quant à moi, je pense qu’il faut condamner ses propos pour qu’on entende dans le monde que nous n’acceptons le renversement de la vérité. C’est la raison pour laquelle j’espère que vous voterez ces amendements. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LIOT et SOC.)
Mme Sophia Chikirou
Mais quel courage !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Le Gall.
M. Arnaud Le Gall
Bien sûr, nous sommes pour l’amendement : « L’Assemblée nationale […] condamne… » Mais enfin, ici, nous ne parlons qu’à nous-mêmes ! (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Patrick Hetzel
C’est un expert qui parle !
M. Arnaud Le Gall
Nous nous apprêtons à condamner les propos de Donald Trump, mais vous validez une Europe de la défense pour laquelle il est question d’acheter des matériels au même Trump, pour plusieurs centaines de milliards ! Vous lui obéissez, le petit doigt sur la couture du pantalon ! Il vous demande un tribut ; l’Europe le verse. La France ne sera pas le principal tributaire – encore heureux, il nous reste quelques capacités autonomes –, mais les autres pays membres lui achèteront massivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mais bon, on va condamner les propos de Trump dans une résolution qui n’a aucun caractère contraignant. Très bien, nous y sommes favorables, mais allez au bout de la logique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Cher collègue, vous avez dit tout à l’heure que notre résolution était pro-américaine. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Bastien Lachaud
C’est bien le problème !
M. Frédéric Petit
C’est ce que vous avez dit en introduction : qu’elle était pro-américaine et qu’elle ne comportait pas un mot sur la fin de l’Alliance atlantique.
M. Arnaud Le Gall
Pas pro-américaine, atlantiste !
M. Frédéric Petit
Cet alinéa ne me semble tout de même pas très pro-américain.
M. Arnaud Le Gall
Vous vous donnez des frissons !
M. Frédéric Petit
Je militais déjà pour l’Union européenne à l’époque où se posait la question de la réunification allemande. Nous avions déjà affirmé la différence entre le modèle européen et le modèle américain. Pour ceux qui s’en souviennent, nous parlions de melting pot d’un côté, de stew pot de l’autre. Je ne suis pas un ami des Américains ! Il paraît que je serais également un ami des riches, c’est tout aussi faux. (Rumeurs.)
M. Fabrice Brun
C’est quoi l’objet du débat ?
M. Thibault Bazin
On peut avancer ?
M. Frédéric Petit
Bien sûr, le danger pour l’Union européenne vient aussi de l’Ouest : du modèle consumériste et communautariste des États-Unis. Cela n’empêche pas qu’ils restent nos alliés – jusqu’au divorce, on est marié. Ils sont aujourd’hui nos alliés ; cela ne signifie pas qu’ils sont nos amis. Je vous laisse opérer cette clarification à l’occasion de cet amendement.
(L’amendement no 28 est adopté.)
M. Aurélien Taché
Donald Trump va trembler !
Mme la présidente
La parole est à M. Jordan Guitton, pour soutenir l’amendement no 17.
M. Jordan Guitton
Je défends cet amendement de mon collègue Chenu, qui invite le gouvernement français à ne pas faire ce qu’il reproche parfois à certains gouvernements, à savoir s’ingérer dans les affaires d’autres nations.
Nous ne pouvons pas, comme Assemblée nationale, inviter les autres pays, en l’espèce le gouvernement des États-Unis, à changer de politique internationale. Chaque nation est indépendante. Notre conception est celle de l’Europe des nations. En tout cas, il convient de respecter la souveraineté de chaque nation, partout dans le monde.
Monsieur le ministre, si vous aviez écouté la conférence de Marine Le Pen sur les relations internationales, vous auriez beaucoup appris, notamment sur la stabilité des positions du Rassemblement national depuis 2017. (Sourires sur plusieurs bancs.) Nous sommes constants et nous continuerons à défendre la souveraineté des nations, de toutes les nations.
Quoi qu’on en dise, ce n’est pas nous, Assemblée nationale, qui pourront changer la politique étrangère d’un pays comme les États-Unis, État-continent qui compte plus de 400 millions d’habitants. Soyons sérieux !
En « invitant le gouvernement français à plaider auprès des États-Unis », cet amendement vise à remettre notre assemblée à sa juste place : le Parlement français légifère pour la France sans inviter les gouvernements d’autres pays à tel ou tel changement. C’est un amendement de bon sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Il a été accepté par la commission. À titre personnel, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
Avis défavorable. Je ne vois pas ce qui interdirait aux parlementaires d’adresser un message invitant un autre gouvernement ou leurs collègues étrangers à agir dans tel ou tel sens.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Chenu.
M. Sébastien Chenu
Votre démarche, monsieur le rapporteur, est de celles qui ridiculisent notre hémicycle : on prétend faire la leçon au monde entier, dire aux autres ce qu’ils doivent penser, ce qu’ils doivent faire et de quelle façon, et cela produit un effet exactement opposé.
Cela nous donne l’occasion de rappeler ici que les frontières sont nationales ; que la défense est nationale ; que la souveraineté est nationale, et rien d’autre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Oui, les frontières sont nationales, mais une frontière, en démocratie, c’est une ligne claire, pas une ligne rouge ! Voilà, c’est clair. (« Non ! » sur les bancs du groupe RN.) Cela signifie qu’une frontière définit aussi une responsabilité et peut être franchie. On peut travailler et coopérer par-dessus les frontières !
Ce que dit votre amendement, c’est une négation complète de ce que nous défendons ici depuis toujours – et pas seulement depuis cinq ou dix ans – et qui existe au niveau international : la diplomatie parlementaire.
M. Sébastien Chenu
C’est faux !
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Nos collègues d’extrême droite n’ont vraiment peur de rien. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Vous nous parlez du respect de la souveraineté des États et des frontières nationales, alors que la présidente de votre groupe a soutenu l’annexion illégale de la Crimée en 2014. Il faut le rappeler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes SOC et LIOT.)
Mme Ayda Hadizadeh
On ressort les archives !
M. Charles Sitzenstuhl
Pour qui vous prenez-vous en évoquant ainsi le respect de la souveraineté des États et des frontières protégées par le droit international ? En 2023, au cours de la commission d’enquête relative aux ingérences de puissances étrangères, malgré mes nombreuses questions, Mme Le Pen n’est jamais revenue sur les propos qu’elle a tenus en 2014 concernant l’annexion de la Crimée.
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Laurent Jacobelli
C’est un ancien conseiller politique de M. Le Maire ! Ça vous donne une idée du niveau…
M. Charles Sitzenstuhl
Au contraire, elle a continué à déployer la rhétorique de Moscou visant à expliquer que la Crimée appartenait de plein droit et de tout temps à la Russie, et qu’il était donc d’une certaine façon normal qu’en 2014, la Russie l’ait récupérée. Vraiment, n’allez pas sur ce terrain-là !
M. Nicolas Sansu
Avec Maurice Leroy ?
M. Charles Sitzenstuhl
Ne nous faites pas la leçon sur le respect des souverainetés et des frontières : vous êtes ici le parti qui les respecte certainement le moins. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et SOC. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Chenu, pour un rappel au règlement.
M. Sébastien Chenu
Je le formule sur le fondement de l’article 70, alinéa 3, de notre règlement, pour mise en cause personnelle de la présidente de notre groupe.
M. Pierre Cazeneuve
Non !
M. Sébastien Chenu
Monsieur Sitzenstuhl, il y a des chemins qu’il vaut mieux éviter d’emprunter. Vous siégez dans un groupe dont un ancien membre, l’ex-député macroniste de Paris Buon Tan, a été mis en cause comme étant un relais d’influence de la Chine ; il défendait les intérêts de la Chine. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Vous appartenez à un groupe dans lequel siégeait également M. Pierre-Alain Raphan, qui a été mis en cause comme relais d’influence de l’Azerbaïdjan.
M. François Cormier-Bouligeon
Ce n’est pas un rappel au règlement, madame la présidente !
M. Sébastien Chenu
Encore une fois, quand on veut donner des leçons au monde entier, on balaie devant sa porte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Article unique (suite)
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
Nous avons vu passer de nombreux amendements pour Poutine ; voilà que nous examinons les amendements pour Trump.
M. Jordan Guitton
Pour la France !
Mme Delphine Batho
Je suggère à tous les collègues qui sont favorables à cette proposition de résolution européenne de comprendre que certains se sont lancés dans un jeu qui consiste à faire durer les débats.
M. Emeric Salmon
Il ne reste que dix amendements !
Mme Delphine Batho
Or nous avons besoin que cette résolution soit adoptée. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.) N’entrons pas dans ce jeu et cessons de répondre aux provocations ! Le jeu est clair ; vos positions sont connues et limpides. Vous êtes contre les sanctions, vous l’avez toujours été,…
M. Thomas Ménagé
N’importe quoi !
Mme Delphine Batho
…et vous avez emprunté auprès de vos amis, ceux de la dictature de Poutine. Maintenant, avançons et allons au vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes EPR, SOC et Dem.)
Mme la présidente
Je mets donc aux voix l’amendement no 17.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 243
Nombre de suffrages exprimés 233
Majorité absolue 117
Pour l’adoption 76
Contre 157
(L’amendement no 17 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur les amendements identiques nos 34 et 63, par le groupe Ensemble pour la République, et sur l’amendement no 14, par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous en venons aux amendements identiques nos 34 et 63.
La parole est à M. Maxime Michelet, pour soutenir l’amendement no 34.
M. Maxime Michelet
Le groupe UDR demande la suppression de l’alinéa 69, qui appelle à l’extension immédiate des garanties de sécurité occidentales à l’Ukraine. Une telle disposition est tout simplement dangereuse : une extension « immédiate », en plein conflit, de ces garanties reviendrait tout simplement à nous faire basculer dans la guerre. Je sais ce que vous allez nous répondre : cette extension ne sera en réalité pas immédiate. Mais dans ce cas, ne dites pas qu’elle l’est !
Nous soutiendrons d’ailleurs l’amendement no 14 de nos amis du groupe Rassemblement national, qui propose de simplement retirer le mot « immédiate ». Quant à nous, nous souhaitons la suppression pure et simple de l’ensemble de l’alinéa, car il est à nos yeux emblématique de la surenchère guerrière qu’implique cette proposition de résolution européenne. En décalage total avec les négociations actuelles qui cherchent à bâtir la paix, cet alinéa semble vouloir prolonger la guerre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l’amendement no 63.
M. Jean-Paul Lecoq
Tel qu’il est rédigé, cet alinéa appelle « à l’extension immédiate des garanties de sécurité occidentales envers l’Ukraine ». Cela reviendrait à dire que nous entrons immédiatement en guerre, puisque nous considérons l’Ukraine comme étant protégée par les traités internationaux, notamment le traité de l’Atlantique Nord. On ferait comme si l’Ukraine était protégée par l’Otan. Ce n’est pas possible ! Cela nous engagerait immédiatement.
Il est vrai que cette résolution ne cherche peut-être qu’à faire peur ou à aider dans les négociations, mais qu’est-ce que c’est dangereux ! Comment les citoyens français apprécieront-ils cet alinéa ? Ils considéreront qu’il nous invite à entrer en guerre contre la Russie, dans le cadre du traité de l’Atlantique Nord. Ce n’est pas acceptable ! Nous demandons sa suppression.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Nous en avons longuement débattu en commission. Cet alinéa ne vise nullement au déclenchement du fameux article 5 du traité de l’Atlantique Nord ! J’ai d’ailleurs moi-même déposé un amendement, no 29, que nous examinerons ensuite et qui viendra préciser la rédaction de l’alinéa – je pense que vous serez définitivement rassurés à ce moment-là. Vous l’avez bien compris, monsieur Lecoq : il s’agit de peser, pas de déclencher ! Nous en avons déjà parlé ensemble.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
Avis défavorable. Nous devons élaborer dès maintenant des garanties de sécurité qui seront nécessaires pour maintenir une paix juste et durable en Ukraine. C’est pour cela que la France, avec ses partenaires européens, est pleinement mobilisée sur le plan diplomatique, d’abord pour trouver les conditions d’un cessez-le-feu, mais surtout pour faire en sorte que ce cessez-le-feu ne soit pas qu’une simple parenthèse que la Russie utiliserait pour se réarmer et réattaquer, comme cela s’est vu dans le passé – je pense notamment aux mémorandums de Budapest, dans les années 1990, ou aux deux accords de Minsk signés au début de la guerre, respectivement en 2014 et en 2015.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
La France et les Européens devront prendre leurs responsabilités pour ce qui est des garanties de sécurité. Nous devons travailler avec les Ukrainiens et nos partenaires pour garantir une paix juste et durable.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
La mention des garanties de sécurité que doivent apporter la France et l’Union européenne me semble en effet fondamentale. D’ailleurs, au moment où nous examinons cette proposition de résolution européenne et sans que nous l’ayons fait exprès, ce sujet est devenu infiniment d’actualité, notamment parce que les États-Unis, ces derniers jours et ces dernières semaines, ont appelé l’Europe à jouer ce rôle dans la résolution du conflit et dans la construction de la paix.
Compte tenu du désengagement des États-Unis, dont l’annonce a été retentissante dans l’ensemble du monde, on voit bien que c’est à la France et à l’Europe de prendre le relais pour apporter à l’Ukraine des garanties de sécurité, afin d’assurer une paix durable. Voilà ce dont nous parlons : comment la France et l’Union européenne peuvent-elles agir pour assurer une paix durable en Ukraine ? Voter cet amendement reviendrait à acter le désengagement total de la France et de l’Europe en la matière, et donc, évidemment, notre affaiblissement.
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian
Collègue Cazeneuve, quelles sont les garanties que vous voulez proposer à l’Ukraine de la part de l’Union européenne ? L’Union européenne, combien de divisions ? Combien d’états-majors capables de travailler ensemble ? Combien de soldats capables de se comprendre à la radio ?
M. Charles Sitzenstuhl
Mais vous ne voulez pas rendre cela possible !
M. Marc de Fleurian
Combien d’avions capables d’interopérer ? Combien de F-35 capables de décoller ? Vos garanties n’existent pas ! Comme je le disais tout à l’heure de manière un peu abrupte et percutante, l’Union européenne, ça n’existe pas ! Quant aux garanties de sécurité de cette Union européenne impuissante, puisque c’est ce que vous entendez par « occidentales », elles existent encore moins. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Saintoul.
M. Aurélien Saintoul
M. Cazeneuve vient de nous dire quelque chose d’assez stupéfiant. Il s’agirait désormais, pour l’Europe et pour la France, de prendre le relais des États-Unis pour garantir un accord auquel ni l’une ni l’autre ne sont appelées à être parties. C’est extraordinaire ! Nous aurions vocation à être la voiture-balai de Donald Trump. Celui-ci braque littéralement M. Zelensky, il obtient de vive force un accord qui rançonne les Ukrainiens, et voilà que nous devrions assurer son service après-vente ! Les troupes américaines n’étant pas en mesure d’apporter des garanties pour l’application de cet accord, ce sont des troupes françaises et européennes qui s’en chargeraient.
Mais enfin, respectez-vous ! Respectez notre pays ! Vous ne pouvez pas dire, assumant des décisions prises dans notre dos, que nous serons les garants d’un accord que nous n’avons même pas négocié ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous n’avons même pas été invités à la table des négociations. Un peu de sérieux, enfin !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit. (M. François Cormier-Bouligeon s’étant levé et approché des bancs du groupe RN, des éclats de voix se font entendre et un vif tumulte s’ensuit.)
Monsieur Cormier-Bouligeon, s’il vous plaît ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Inaki Echaniz
Cormier, tu n’as pas fini de bordéliser l’Assemblée !
Mme la présidente
Monsieur le député, retournez à votre place. (« Il a menacé un député ! » sur les bancs du groupe RN.)
Rappels au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Chenu, pour un rappel au règlement.
M. Sébastien Chenu
Madame la présidente, sur le fondement de l’article 70, alinéa 4, du règlement, je vous demande de prendre les sanctions qui s’imposent contre un député qui a recours à la violence en séance publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur les bancs des groupes EPR et HOR.) Cormier-Bouligeon s’est déplacé et a menacé, y compris physiquement, un de nos collègues. Je demande que le bureau de l’Assemblée soit saisi.
Mme la présidente
Nous verrons cela ; je n’ai pas entendu les propos qui ont été tenus. (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Quelle honte !
Mme la présidente
Il arrive que les parlementaires se déplacent ; je n’en sais rien.
M. Laurent Jacobelli
À d’autres !
Mme la présidente
S’il vous plaît ! Dans le brouhaha, il ne se passera rien.
M. Laurent Jacobelli
Soyez impartiale !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Valletoux, pour un rappel au règlement.
M. Frédéric Valletoux
Si le bureau est saisi, je me tiens à sa disposition pour répéter les mots, que je ne prononcerai pas tout haut, employés par un député à l’encontre de notre collègue Cormier-Bouligeon. Je viendrai témoigner de ce que j’ai entendu de ma place. Effectivement, la provocation vient de là. (L’orateur désigne les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, dont certains députés se lèvent, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Emeric Salmon
Et voilà qu’ils applaudissent !
Mme la présidente
Nous verrons cela. Nous ne réglerons pas cette affaire maintenant : nous nous y pencherons calmement, une fois les esprits apaisés.
M. Thibault Bazin
Carton rouge de chaque côté !
M. Vincent Descoeur
Chacun dix minutes dehors !
Article unique (suite)
Mme la présidente
La parole vous revient, monsieur Petit.
M. Frédéric Petit
Monsieur Saintoul, comme cela arrive souvent, ici ou sur les plateaux de télévision, vous confondez beaucoup de choses. On parle de garantir une paix, non pas de garantir un accord sur des métaux rares – un braquage, comme vous dites – ou sur quoi que ce soit d’autre, ni même un cessez-le-feu ! La paix, nous n’y sommes pas encore : un accord de paix, c’est compliqué à élaborer – on parle d’ailleurs d’« architecture de paix ».
S’agissant des garanties de sécurité, il y a une chose que l’Europe peut faire dès aujourd’hui et qu’elle fait déjà là où j’habite : la protection du ciel. Garantir la fin du pilonnage des civils au-delà du front, l’Europe sait le faire et peut le faire immédiatement ; c’est une garantie que l’on peut étendre.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 34 et 63.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 276
Nombre de suffrages exprimés 272
Majorité absolue 137
Pour l’adoption 110
Contre 162
(Les amendements identiques nos 34 et 63 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 50 et 29, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 50.
M. Bastien Lachaud
L’Assemblée ayant décidé de maintenir l’alinéa 69, nous vous proposons de le réécrire. Puisque le rapporteur nous a assuré qu’il ne s’agissait pas d’invoquer l’article 5 du traité de l’Otan, nous en déduisons qu’il n’est pas question d’élargir encore davantage l’Otan. Nous souhaitons par conséquent inscrire que l’Assemblée nationale appelle à veiller à ce que les garanties de sécurité nécessaires dans cette région de l’Europe ne s’inscrivent pas dans une logique d’expansion de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord à l’Ukraine, mais plutôt dans une démarche de désescalade et de sécurité collective, par l’intermédiaire des organisations multilatérales, dans le respect du droit international et des principes de souveraineté des États.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 29.
M. Laurent Mazaury, rapporteur
Nous ne sommes pas loin d’être d’accord, mais ma rédaction, quelque peu différente de la vôtre, me semble plus conforme à l’esprit de la proposition de résolution européenne. Je vous invite par conséquent à voter de préférence mon amendement. Vous verrez, en le lisant, qu’il y est bien indiqué ce que vous voulez inscrire : « indépendamment d’une éventuelle future adhésion de l’Ukraine à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et dans le respect du droit international et du principe de souveraineté des États ».
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
Avis favorable à l’amendement du rapporteur, mais bien défavorable à l’amendement no 50. Ce n’est pas le risque d’une expansion de l’Otan qui est responsable de la guerre. Les seuls responsables de l’escalade, ce sont Vladimir Poutine et la Russie. Je vais rappeler quelques faits essentiels, parce qu’on reprend à bon compte ici des éléments de propagande de la Russie, qui sont bien connus puisqu’ils reviennent régulièrement dans le débat médiatique et politique. En 2014, lorsque la Russie a annexé la Crimée et attaqué le Donbass, il n’y avait pas de débat sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan. Au contraire, celui-ci avait été clos lors du sommet de Bucarest en 2008, puisque les candidatures de la Géorgie et de l’Ukraine avaient été rejetées. C’est le drapeau européen qui était brandi à cette époque sur la place Maïdan par les manifestants ukrainiens (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem) et c’est la perspective européenne, synonyme d’un avenir démocratique et libre pour les jeunes Ukrainiens, qui était alors perçue comme une menace par le régime de Vladimir Poutine.
Ce n’est pas davantage la crainte d’une adhésion à l’Otan qui aurait pu justifier l’agression de la Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022, puisque ce projet n’était pas d’actualité à l’époque. Par conséquent, je le répète, l’expansion de l’Otan n’est pas le sujet du débat et il ne s’agit pas ici de retirer à l’Ukraine ce qui est son droit souverain de choisir ses alliances et de présenter sa candidature à l’organisation de sécurité collective de son choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. Frédéric Petit applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian
Je reviens sur ces garanties de sécurité occidentales qui ne doivent pas s’inscrire dans une logique d’expansion de l’Otan. Nous sommes ici au cœur du sujet, car jusqu’à présent, on a beaucoup brassé de vent, on s’est livré à une belle et longue profession de foi, mais j’attends de voir comment on délivrera les sacrements, si vous me permettez cette comparaison. En réalité, tout ce que nous avons voté aujourd’hui, c’est du vent, rien d’autre. Concrètement, les garanties occidentales que vous voulez étendre en dehors de l’Otan, cela n’existe pas ! Si vous voulez les étendre, vous êtes obligés, pour des raisons opérationnelles, de passer par l’Otan, parce que c’est le seul moyen d’être efficace. On peut être pour ou contre la tutelle politique de l’Otan, vouloir sortir du commandement intégré et j’en passe, mais c’est un autre sujet, dont il serait d’ailleurs tout aussi légitime de débattre. En attendant, faire interopérer des armées hors de l’Otan, c’est impossible.
Si vous vous intéressez un tant soit peu au fond du sujet, vous avez bien dû remarquer, collègue Petit, que sur le front, l’interopérabilité était compliquée, que les radios ne communiquent pas entre elles, etc. Vous venez de voter un amendement et d’en refuser un autre, ce qui est contradictoire, mais dans tous les cas, cela ne mène à rien puisqu’il n’y a aucune réalité concrète, opérationnelle, à ce que vous proposez. Vous êtes complètements largués dans le domaine opérationnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Le Gall.
M. Arnaud Le Gall
Le ministre se lance dans un débat pour savoir si c’est à cause de l’Otan que la guerre a été déclarée, mais ce n’est pas le sujet : on parle de l’avenir, des garanties de paix, de sécurité mutuelle. Vous avez d’ailleurs reconnu que, même sous le mandat Biden, les Américains ne voulaient pas que l’Ukraine entre dans l’Otan parce qu’ils savaient que c’était un point de crispation absolu avec la Russie, qui pouvait nous enliser pour des décennies dans une guerre sans issue militaire acceptable possible – simplement, ils ne le disaient pas trop fort pour ne pas casser le mythe. Et vous le savez fort bien ! Pourquoi donc sommes-nous là à bavasser sur ce sujet ? (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
Je suis désolé de vous le dire, mais là, nous ne faisons que nous parler à nous-mêmes. Soyons un peu concrets !
Mme la présidente
Excusez-moi, monsieur le député, mais à l’Assemblée nationale, nous ne bavassons pas. Ce n’est pas possible de dire cela, à moins que vous n’ayez une piètre idée de la représentation nationale. C’est vraiment pénible. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem et sur quelques bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Arnaud Le Gall
Disons plutôt « à débattre », alors – je retire le terme « bavasser ». Mais reconnaissez que nous sommes en train de nous parler à nous-mêmes, sans aucun souci des réalités. Ce débat est hors sol ! En attendant, le vrai sujet, c’est bien celui de l’expansion de l’Otan.
D’autre part, j’ai entendu le ministre Barrot déclarer il y a quelques jours qu’il était temps de prendre le pouvoir dans l’Otan – sous-entendu, les Américains vont partir. Mais ils n’ont pas l’intention de quitter l’Otan, les Américains ! Au contraire, ils sont bien décidés à y rester pour que vous continuiez à leur acheter plein d’armes pour votre Europe de la défense, intégrée à l’Otan. Ainsi, ils pourront débrancher et rebrancher à leur guise. Par conséquent, je vous pose la question : que proposez-vous concrètement pour assurer notre indépendance ? N’oubliez pas que l’unique raison pour laquelle la France est l’un des seuls pays en Europe, voire le seul, à pouvoir compter sur lui-même pour assurer son indépendance militaire, c’est qu’il y a presque soixante ans, nous avons pris des décisions totalement contraires à ce que l’Otan attendait de nous ! Soyons donc concrets. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Michel Jacques.
M. Jean-Michel Jacques
Les armées européennes peuvent être opérationnelles, je vous l’assure, tout simplement parce que la plupart d’entre elles sont déjà dans l’Otan et ont acquis des méthodes communes de travail et de communication. On peut très bien former une alliance européenne efficace sur le plan opérationnel et capable de mener une action militaire. La preuve en est qu’hier, les chefs d’état-major de différentes armées européennes se sont réunis. Je ne pense pas qu’ils s’en seraient donné la peine si notre collègue disait vrai. Je crois au contraire qu’il se trompe : l’Europe est forte et peut se battre si elle le souhaite. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
(L’amendement no 50 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 29 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 14 tombe.)
Mme la présidente
Sur les amendements nos 40 et 42, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 15 de M. Sébastien Chenu est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
La commission a accepté cet amendement, auquel je suis également favorable à titre personnel.
(L’amendement no 15, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 36.
M. Charles Sitzenstuhl
Il vise à ajouter un alinéa pour encourager le gouvernement français et ses partenaires européens à étudier l’éventualité d’un déploiement de forces européennes de maintien de la paix en Ukraine.
J’ai souhaité ainsi transcrire le message qu’a voulu délivrer aux Français le président de la République, chef des armées, le 5 mars. En effet, le règlement du conflit ne pourra se faire sans aborder la question de la garantie de paix qui devra être trouvée entre l’Ukraine et la Russie. Nous devons en discuter car il faudra, à un moment ou un autre, nous préparer à l’éventualité de déployer des forces européennes de maintien de la paix en Ukraine.
Voilà donc mon dernier amendement de la soirée. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Le sujet est important et j’assume de prendre le temps de débattre ! J’ai été heurté d’entendre dire, sur les bancs de l’extrême droite comme sur ceux de l’extrême gauche, dans un contexte aussi grave que celui de la guerre en Ukraine, que l’on brassait du vent ou que l’on bavassait. L’Ukraine se trouve dans une situation terrible et compte ses morts par centaines de milliers. On ne s’exprime pas avec autant de légèreté, chers collègues de l’extrême droite et de La France insoumise, quand un pays ami et proche de nous subit un tel sort. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Sophia Chikirou
Gardez vos leçons !
M. Charles Sitzenstuhl
Vous avez retiré vos propos, collègue Insoumis, c’est bien, mais je tenais tout de même à le dire.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
La commission a accepté cet amendement, auquel je suis aussi favorable à titre personnel.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian
J’ai en effet dit que nous brassions du vent, et je retire mes propos puisqu’ils vous gênent et que vous les trouvez déplacés vis-à-vis des centaines de milliers de morts. C’est précisément pour éviter que nous en déplorions encore davantage que je m’étais exprimé ainsi, mais je sais que nous avons des approches différentes.
Cependant, je suis désolé de devoir me montrer à nouveau désagréable, du moins sur le plan politique : les forces européennes que vous voulez déployer n’existent pas. Ce sont des soldats de plomb sur une étagère, des pin’s sur une carte d’état-major. Il n’existe pas de forces européennes, ce n’est pas un outil organique déployable, interopérable. Des armées nationales pourraient être déployées conjointement, mais ce n’est pas la même chose, puisqu’il n’y a pas d’organe de commandement commun. Vous apprendrez, à moins que vous ne le sachiez déjà, que pour déployer plusieurs armées nationales, il faut une nation cadre. Je le répète : les forces européennes n’existent pas. Ce sont des armées nationales qui se déploient sous le cadre d’un mandat de l’ONU, pourquoi pas de l’Union européenne si on suit votre logique, mais la formulation de « forces européennes » n’est pas bonne.
Pour finir, je dirai au collègue Jacques qu’en effet, les différentes armées nationales des nations européennes peuvent travailler ensemble en suivant les procédures Otan, tout simplement. Cela s’appelle l’Otan. Vous pouvez changer le nom, mais cela reste l’Otan, le matériel reste Otan, il reste soumis à la norme ITAR et à l’extraterritorialité américaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Pourquoi voulons-nous qualifier l’armée d’interposition d’armée européenne ? Vous le dites depuis le début, c’est un conflit entre deux continents. Dès lors que l’on parle du continent américain, cela veut dire que la partie adverse est un autre continent. La France a l’habitude de dire, quand éclate un conflit entre deux pays africains, que l’Union africaine serait bien avisée de « s’en mêler » et de déployer des forces d’interposition ou de maintien de la paix. En l’espèce, le conflit est intercontinental ; il revient donc à l’ONU d’intervenir. J’en suis d’autant plus convaincu que le secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des forces d’interposition est un Français – nous occupons ce poste en notre qualité de membre permanent du Conseil de sécurité. C’est donc un Français qui aura à œuvrer pour construire cette force d’interposition. Peut-être sera-t-elle 100 % européenne, composée uniquement d’armées européennes, mais peut-être pas. Au nom de quoi qualifierait-on d’emblée cette force d’interposition d’européenne ?
M. André Chassaigne
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
Je suis stupéfait par l’extraordinaire défaitisme dont vous faites preuve depuis quatre heures en cherchant à nous expliquer tout ce qu’il est impossible de faire. L’esprit capitulard vous va bien ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Ce n’est pas possible de se faire insulter ainsi !
M. Pierre Cazeneuve
Amendement après amendement, vous ne cessez de répéter à quel point l’Europe serait impuissante face aux grands défis de ce monde. C’est une grande différence entre nos deux groupes politiques.
M. Emmanuel Maurel
Insupportable !
M. Pierre Cazeneuve
Au groupe Ensemble pour la République, avec l’ensemble de la majorité présidentielle, nous pensons qu’il existe un chemin pour que la France retrouve une autonomie stratégique. (Mêmes mouvements.)
M. Emeric Salmon
Va chercher un fusil !
M. Pierre Cazeneuve
Le président de la République l’affirme, non depuis un mois ou quelques semaines, mais depuis maintenant huit ans : c’est en Européens que nous devons retrouver une autonomie stratégique. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) À cet égard, je vous invite à réécouter le discours prononcé à la Sorbonne en 2017. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Tout ce que nous avons fait depuis plusieurs semaines, les annonces de la Commission européenne concernant la mobilisation de 800 milliards d’euros pour réarmer à l’échelle des États et renforcer nos armées, permettent d’espérer que l’Europe soit demain en mesure d’assurer ces missions de sécurité – mais pas sous l’égide de l’ONU : la Russie, membre du Conseil de sécurité, y opposerait automatiquement son veto.
M. Jean-Paul Lecoq
Non !
M. Pierre Cazeneuve
Assumons le rôle à venir de l’Europe et ne capitulons pas, dans un esprit de défaite, avant même d’avoir commencé à combattre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Laurent Jacobelli
T’as fait ton service ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq.
Mme Émilie Bonnivard
Nous avons d’autres textes à examiner ensuite !
Mme Geneviève Darrieussecq
Je suis navrée d’entendre parler de l’Europe et de la défense européenne de cette manière dans cet hémicycle. Des choses fausses sont dites en cascade. Surtout, j’ai le sentiment que vous n’avez pas envie que cela fonctionne. C’est inquiétant et, vous le savez, cela va nous fragiliser. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et EPR.)
L’Europe de la défense,…
M. Laurent Jacobelli
Elle n’existe pas !
Mme Geneviève Darrieussecq
…ce ne sont pas des soldats européens mais des interactions entre les armées de chaque pays. Certes, le commandement soulève des questions, mais de même que nous sommes parvenus à trouver un système de commandement au sein de l’Otan, nous trouverons une organisation efficace.
M. José Beaurain
Allons-y, on verra après !
Mme Geneviève Darrieussecq
Arrêtons de dire que nous ne pouvons rien. Vous aimez cultiver ce sentiment d’impuissance, parce qu’il vous arrange : il convient aux politiques anti-européennes que vous voulez mener. Vous soutenez d’un côté M. Poutine, de l’autre M. Trump, personnalités qui veulent depuis toujours tuer l’Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et EPR et sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Jérémie Iordanoff applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Louis Thiériot.
Un député du groupe DR
La voix de la raison !
M. Jean-Louis Thiériot
Si la condescendance est une manière de faire de la politique, quand on parle de défense, c’est-à-dire de soldats – d’Europe, de France ou d’Ukraine – qui risquent leur peau, on ne dit pas des âneries. Pardonnez ma fermeté : non, en dehors de quelques avions Awacs, l’Otan ne dispose pas de son propre matériel. Le fait qu’une opération soit menée dans le respect des procédures de l’Otan ne signifie pas qu’il s’agit d’une opération de l’Otan. Lorsque nous intervenons de manière bilatérale avec d’autres pays, ce sont des interventions nationales de nations européennes et non des interventions de l’Otan. (Mme Émilie Bonnivard applaudit.) Pour finir, nous avons monté une intégration avec la Belgique dans l’armée de terre, la capacité motorisée (CaMo) : elle est régie par un mode de fonctionnement Otan, mais il s’agit d’une capacité bilatérale.
M. Emmanuel Maurel
Otan, suspends ton vol !
M. Jean-Louis Thiériot
Arrêtez de dire qu’il n’y a pas de défense de l’Europe : il y a des nations européennes qui défendent l’Europe, avec des commandements qui peuvent être Otan, nationaux ou européens. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR, EPR et Dem.)
(L’amendement no 36 est adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 51, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade, pour soutenir les amendements nos 40 et 42, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Pieyre-Alexandre Anglade
En effet, madame la présidente, puisque ces deux amendements sont liés.
La Russie nous menace, les États-Unis d’Amérique nous tournent le dos ; dans ce contexte, l’Europe n’a d’autre choix que celui de la puissance. Nous avons rappelé plusieurs urgences ce soir. La première est de bâtir des conditions de sécurité fiables et durables pour la paix en Ukraine ; cela inclut, notre collègue Sitzenstuhl l’a dit, le déploiement de troupes européennes une fois la paix conclue. La deuxième urgence est d’apporter un soutien dans la durée à la résistance ukrainienne ; la mobilisation des avoirs russes gelés, que nous venons de voter à raison, y servira. Enfin, nous devons défendre le renforcement de la défense de l’Europe ; le Conseil européen en a posé les bases la semaine dernière, mais il nous faut aller plus loin.
Les Européens y sont prêts. Mobilisons en commun des financements, avançons avec un grand plan d’emprunt européen commun, investissons dans des matériels et des programmes d’équipements militaires communs entre pays européens pour créer les conditions de cette défense européenne qui est la meilleure chance d’assurer notre sécurité. Pour y parvenir, posons les conditions d’un Buy European Act en matière de défense, pour acheter en priorité des équipements et des services européens et éviter que nos partenaires européens ne se fournissent chez nos partenaires américains. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
L’amendement no 40 a été repoussé par la commission. À titre personnel, dans le contexte de cette proposition de résolution de soutien à l’Ukraine, j’y suis défavorable, même si j’approuve la plupart des arguments exposés par M. Anglade. Selon moi, les deux amendements devraient faire l’objet d’un débat dans un autre cadre afin d’étudier ce sujet indépendamment du soutien à l’Ukraine.
L’amendement no 42 a été accepté par la commission, mais j’émettrai un avis défavorable pour la raison que je viens d’énoncer. J’espère que nous pourrons débattre de ce sujet dans l’hémicycle à une autre occasion.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
Nous donnerons un avis favorable à ces deux amendements. M. Anglade a raison de rappeler que derrière la question de l’Ukraine, il s’agit de la sécurité de notre continent. Depuis huit ans, le président de la République et la France promeuvent une ambition forte : l’autonomie stratégique européenne en matière de défense – en d’autres termes, le fait que l’Europe cesse de dépendre des États-Unis.
En dégageant des ressources financières supplémentaires pour que les États membres accroissent leurs investissements de défense, le Conseil européen de jeudi a franchi une première étape décisive dans cette voie. Nous devrons aller plus loin. Vous avez évoqué la piste de l’endettement commun, empruntée au moment de la crise du covid : les États membres sont parvenus à s’unir sous l’impulsion de la France, de l’Allemagne et de leurs partenaires, et ont surmonté des tabous historiques pour relancer leurs économies et faire preuve de solidarité. Nous devrons le faire de nouveau à travers un investissement commun dans la défense. Telle est notre ambition. Ces deux débats sont liés, car il s’agit d’assurer la souveraineté et la paix sur notre continent face à la menace que la Russie fait peser sur nos démocraties.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
L’amendement no 40, qui appelle à déroger aux règles budgétaires européennes en faveur de l’industrie de défense, sonne comme un aveu. Pour vous, quand il s’agit de l’éducation, de l’enseignement supérieur, de la recherche, secteurs qui conditionnent l’indépendance de la nation sur le long terme (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP – M. Hendrik Davi applaudit également), il n’y a pas d’argent !
Quand il s’agit d’investir dans les économies d’énergie et les énergies renouvelables afin de nous passer des combustibles fossiles et de réduire notre dépendance vis-à-vis de la Russie, des États-Unis, du Qatar ou d’autres pays, ce qui est la condition de notre indépendance énergétique pour les décennies à venir, il n’y a pas d’argent ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Mais pour la défense, vous en trouvez !
Quand il s’agit de nationaliser Vencorex pour garantir la défense et la souveraineté industrielle de la France, il n’y a pas d’argent ! Mais pour l’industrie d’armement américaine, il y a de l’argent européen ! (Mêmes mouvements.)
Tout à l’heure, vous nous avez donné des leçons de solidarité européenne, mais avec cet amendement, vous proposez d’utiliser les fonds structurels européens, c’est-à-dire les instruments budgétaires de solidarité entre les régions européennes, pour financer l’armement. Où est la solidarité dont vous parliez ? Elle n’existe pas !
De la même façon, dans les annonces faites par Mme von der Leyen, à qui aucun mandat n’a été donné par les traités européens pour s’occuper de questions de défense, il n’y a rien sur le soi-disant Buy European Act que vous évoquez. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Vous avez accepté des propositions de la Commission européenne sans aucune garantie que cet argent servira à la défense européenne, et a fortiori à l’industrie de défense nationale dont les Français ont besoin !
La bonne politique ne consiste pas à déroger à la règle des 3 % au bénéfice d’une économie de guerre, mais à abandonner purement et simplement cette règle : c’est la condition d’une économie de la paix et de la défense nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
Nous tomberons tous d’accord sur la nécessité de renforcer nos efforts, y compris budgétaires, en matière de sécurité collective.
M. Laurent Jacobelli
Rendez-nous Fessenheim !
Mme Dominique Voynet
En revanche, il serait déraisonnable de considérer que cette sécurité repose uniquement sur l’accroissement de nos dépenses militaires. Il serait erroné de mobiliser les fonds structurels européens au bénéfice de dépenses militaires, au risque de ne pouvoir financer les équipements qui nous permettront de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, de sécuriser notre approvisionnement alimentaire et notre capacité agricole à produire suffisamment d’aliments dans un monde bouleversé. Il serait aussi déraisonnable de nous priver des moyens budgétaires nécessaires pour renforcer le génie et les équipements de distribution d’eau potable ou de sécurité électrique.
L’amendement no 40 est bien trop complexe dans ses détails : il ne faut pas le valider hâtivement, car cela nous priverait d’un débat sur les ressources que nous devons mobiliser pour renforcer notre sécurité collective et – éventuellement – accroître nos dépenses militaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Sother.
M. Thierry Sother
Ces deux amendements de notre collègue Anglade retranscrivent en partie les éléments importants, complexes et essentiels du débat qui s’est tenu lors du Conseil européen du 6 mars. Nos longs débats de ce jour ont démontré l’intérêt de la représentation nationale pour ces questions. J’émets le souhait que dans les semaines à venir, nos commissions – de la défense, des affaires étrangères, des affaires européennes – puissent pleinement se saisir des sujets évoqués à l’occasion de l’examen de cette résolution, et en particulier des points abordés lors du Conseil européen du 6 mars.
Je l’ai dit lors de la discussion générale, nous soutenons l’exclusion des dépenses de défense des règles de discipline budgétaire et demandons un emprunt commun. Cependant, ma collègue Dominique Voynet l’a dit, les fonds structurels européens et la politique de cohésion ne nous paraissent pas constituer le bon outil financier pour réarmer l’Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.) Ces fonds sont vitaux pour le développement de nombreux territoires et il n’est pas bon d’utiliser des fonds de cohésion territoriale pour réarmer l’Europe. À mon sens, il faut étudier d’autres pistes.
Mme Sophia Chikirou
Taxer les riches !
M. Thierry Sother
Je ne doute pas que la réflexion collective en fera émerger un grand nombre. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian
Ces amendements appellent deux observations. En premier lieu, l’emprunt envisagé serait garanti sur le budget de l’Union européenne. Sans surprise, nous y sommes opposés.
Du point de vue opérationnel, il est nécessaire d’équiper lourdement nos armées nationales afin de se muscler avant de monter éventuellement sur le ring. Pour l’instant, on nous propose de monter sur le ring sans avoir jamais fait de boxe. Cela va se terminer rapidement, car nous ne faisons pas le poids.
La question de l’achat de matériels est intéressante. M. Thiériot rappelait tout à l’heure que mener une opération en respectant les procédures de l’Otan ne signifie pas être sous le commandement de l’Otan.
C’est très juste. Cependant, pouvez-vous nous dire – mais peut-être s’agit-il d’une donnée confidentielle – quelle est la part des armées européennes équipées de Galileo et donc indépendantes du système GPS ? Je ne donnerai moi-même pas de chiffre, car le sujet est sensible, mais il me semble qu’à ce jour, à moins de vouloir faire la guerre avec une boussole et une carte, on est sous domination américaine si l’on veut se servir d’un système de navigation par satellite. C’est triste, mais c’est comme ça.
Il faudra donc attendre plusieurs années, le temps de prendre un peu de poids et de voir le résultat affiché sur la balance, avant de monter sur le ring. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 40.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 288
Nombre de suffrages exprimés 280
Majorité absolue 141
Pour l’adoption 99
Contre 181
(L’amendement no 40 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 42.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 282
Nombre de suffrages exprimés 209
Majorité absolue 105
Pour l’adoption 154
Contre 55
(L’amendement no 42 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 51.
Mme Sophia Chikirou
Le cessez-le-feu accepté hier par l’Ukraine n’est pas une finalité. Pour l’heure, nous n’en connaissons pas les contours précis. L’Ukraine ne semble pas avoir obtenu de garanties concrètes à ce jour, si ce n’est le rétablissement de l’assistance de sécurité américaine. Malheureusement, il faut rappeler qu’elle a été contrainte d’accepter cet accord qui porte sur ses ressources critiques stratégiques et ses minerais.
Celui-ci apparaît néanmoins comme une ouverture vers la paix. Nous devons nous engouffrer dans cette brèche afin d’obtenir les conditions les plus justes possible pour les Ukrainiens et les plus acceptables possible pour les Français et les Européens.
Pour y parvenir, nous devons défendre un cadre multilatéral, comme je l’ai expliqué lors de la discussion générale. Nous avons donc besoin d’espaces de négociation de la paix et non d’espaces de conflictualité.
Cet amendement vise justement à rappeler l’existence de l’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, créée par l’acte final d’Helsinki en 1975 et qui présente l’avantage de réunir les pays européens, les États-Unis, l’Ukraine, mais aussi la Russie. Même si, à cause de cette dernière, l’OSCE ne fonctionne plus depuis plusieurs années, nous considérons qu’elle constitue le cadre idoine pour mener des négociations visant à aboutir à une paix durable.
C’est en son sein que devraient être discutés des principes, d’ailleurs adossés à la Charte des Nations unies, tels que le respect des frontières, l’intégrité territoriale des États ou le règlement pacifique des différends. Au-delà de la situation en Ukraine – car même si nous parvenons à y rétablir la paix, il existe d’autres situations de tension impliquant la Russie –, l’OSCE s’impose donc comme le cadre le plus adapté pour discuter des conflits liés à la remise en cause de frontières. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Mazaury, rapporteur
La commission a repoussé cet amendement. Vous savez cependant que c’est une proposition du groupe LFI, adoptée en commission, qui est à l’origine de l’alinéa 72, lequel mentionne le rôle que doit jouer l’ONU – dont nous avons beaucoup parlé ce soir. Il me semble préférable de nous en tenir à cette rédaction.
Par ailleurs, je partage votre souhait de revoir l’OSCE fonctionner. Si nous trouvons un moyen pour parvenir à ce résultat, je serai à vos côtés. Malheureusement, ce n’est pas le cas actuellement : les dysfonctionnements sont trop profonds. Recourir à l’OSCE aujourd’hui ne nous permettrait donc pas d’avancer comme nous le souhaitons. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
Défavorable. Nous estimons bien sûr nous aussi que l’acte d’Helsinki et les principes qu’il a fixés sont importants. Vous souhaitez faire appel à l’OSCE : pourquoi pas ? Toutefois, nous ne voyons pas pourquoi nous devrions nous limiter à une enceinte plutôt qu’à une autre, par exemple l’ONU ou une autre organisation internationale, pour mener les négociations visant à garantir la paix.
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Monsieur le ministre, il n’y a rien d’antinomique dans la position consistant à discuter à la fois dans le cadre de l’ONU et dans celui de l’OSCE. Je rappelle que lorsque François Mitterrand, après la chute du mur de Berlin, a décidé d’en faire l’espace pertinent pour assurer la sécurité européenne, il ne l’a jamais opposée à l’ONU ni au droit international.
Si l’on fait, à juste titre, le constat que l’OSCE est victime d’une panne – relative – due au fait que la Fédération de Russie s’en est elle-même exclue pour le moment, elle conserve toute sa pertinence d’un point de vue géographique. Car nous parlons tout de même de notre sécurité. Le souhait que l’OSCE soit, à tout le moins, associée à des négociations de paix me semble donc légitime.
Nous aurions pu reformuler l’alinéa 72 – comme quelques autres, d’ailleurs. Il me semble en tout cas que l’idée sur laquelle repose cet amendement – car avec cette résolution, nous souhaitons bien envoyer un message, exprimer des intentions – va dans le bon sens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophia Chikirou.
Mme Sophia Chikirou
Je regrette que vous ayez émis un avis défavorable, monsieur le rapporteur, car la réactivation de l’OSCE n’est pas contradictoire avec la convocation d’une conférence sur la paix à l’ONU. Bien au contraire : la question de la guerre et de la paix en Ukraine concerne le monde entier. Les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), pour ne citer qu’un exemple, ont leur point de vue sur le sujet. Tous les pays sont concernés par ces enjeux, y compris par la méthode employée pour régler le conflit. Il est donc légitime de passer par l’ONU.
Cependant, faire appel à l’OSCE est une manière de dire que nous devrons tous nous mettre autour de la table. Si vous voulez obtenir une paix durable et juste, il faudra bien, à un moment donné, s’asseoir avec les Russes, à plus forte raison si l’on souhaite éviter d’autres conflits – puisque certains ont fait part de leurs inquiétudes à propos de la Moldavie ou de la Géorgie.
La meilleure façon d’éviter la guerre, c’est bien de discuter autour d’une table. À cet égard, la réactivation de l’OSCE offrirait un cadre. Tous les pays concernés, y compris les États-Unis, pourraient être réunis en son sein alors que, je me permets de le rappeler, nous ne participons pas aux négociations qui se déroulent en ce moment – les Français et les Européens étaient absents de Djedda.
Les Ukrainiens ont gentiment demandé aux Américains s’ils voulaient bien intégrer les Européens dans le processus de négociations. Or un des moyens d’y prendre part est de s’inscrire dans le cadre de l’OSCE, espace à notre disposition. Il serait bon de se saisir de cette possibilité et de défendre cette méthode.
Je le dis aussi en pensant à M. l’ambassadeur d’Ukraine, présent dans les tribunes : l’OSCE constitue certainement un meilleur cadre de négociations pour une paix durable et juste en Ukraine que des rencontres informelles dans le Bureau ovale à Washington ou dans un pays du Moyen-Orient. Il est vraiment dommage de sacrifier l’OSCE. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Lecamp.
M. Pascal Lecamp
Comme d’autres députés, je fais partie de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. À ce titre, je veux rappeler à Mme Chikirou que depuis le lendemain du déclenchement de la guerre, la Russie ne siège plus à l’OSCE – elle ne paie même plus ses cotisations. Par conséquent, il est inutile de discuter dans ce cadre : nous n’aurons aucune chance de rencontrer ses représentants ou de nous asseoir autour d’une table avec eux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem, EPR, HOR et LIOT.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 51.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 290
Nombre de suffrages exprimés 209
Majorité absolue 105
Pour l’adoption 57
Contre 152
(L’amendement no 51 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Nous avons achevé l’examen de l’article unique de la proposition de résolution.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé qu’il serait procédé à un scrutin public sur la proposition de résolution.
Je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Explications de vote
Mme la présidente
Je vous propose, après en avoir discuté avec quelques présidents de groupe, que la durée des explications de vote soit limitée à deux minutes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et DR. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
Nous ne sommes pas d’accord !
Mme la présidente
Je pense que chacun a pu exprimer son point de vue tout au long de ces six heures de débats.
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani (LIOT)
Nous soutenons cette proposition de résolution dans un esprit de réalisme et de responsabilité. C’est notre avenir démocratique même qui est en danger. Depuis son agression contre l’Ukraine, la Russie apparaît toujours plus comme un pays potentiellement dangereux pour l’intégrité territoriale de certains pays de l’Union européenne et donc, par extension, pour la France et pour nos libertés.
D’autre part, nous tenons compte du nouveau positionnement diplomatique des États-Unis ainsi que des changements de point de vue et des agressions verbales de son président, qui sont autant de facteurs de déstabilisation du monde démocratique.
La France et l’Europe sont ainsi confrontées à une nouvelle réalité : les États-Unis ne représentent peut-être plus la garantie de sécurité et de stabilité qu’ils furent pendant fort longtemps. Face à ce contexte inquiétant, nous souhaitons bien sûr que l’accord trouvé à Djedda conduise à une solution pérenne, même si sur le fond, cela ne changera rien à la situation de la France et de l’Europe.
Nous devons nous adapter à ce contexte, d’abord en continuant à fournir à l’Ukraine un soutien en matière d’armement, de formation, de renseignement et d’aide humanitaire. Plus largement, nous n’oublions pas que nous vivons dans un monde dangereux et qu’il est du devoir de l’UE de trouver sa propre autonomie stratégique, de renforcer ses capacités militaires et de coordonner une politique de défense commune.
La dimension diplomatique est tout aussi importante que le volet militaire. Nous attendons des autorités françaises et de nos alliés, partout en Europe et dans le monde, qu’ils s’engagent non seulement, bien sûr, à protéger l’Ukraine aujourd’hui et demain, mais aussi, plus largement, en faveur d’une paix durable.
N’oublions pas que la guerre constitue le visage ultime de l’horreur. Nous devons répondre aux menaces qui pèsent sur l’avenir de nos enfants, non pas en nous livrant à une dangereuse escalade verbale ou diplomatique, mais en travaillant à l’établissement d’un ordre international marqué par la justice, la coopération et la paix.
Nous voterons donc cette proposition de résolution et remercions notre collègue Mazaury de l’avoir défendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes SOC et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR)
Paix pour l’Ukraine. Paix juste. Paix durable. Retour des enfants. Cessez-le-feu immédiat. Mobilisation des intérêts financiers et des avoirs dans le cadre du droit international. Force d’interposition internationale pour le maintien de la paix.
Si vous aviez fait figurer uniquement cela dans la résolution, nous l’aurions votée. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Mais vous avez profité de cette occasion pour assurer la promotion du président de la République et de son discours guerrier, pour faire un bond qui nous emmène vers l’Europe fédérale, pour nous inviter à soutenir l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et pour exprimer votre volonté de mobiliser l’Otan immédiatement.
Nous ne voterons pas cette résolution que vous avez détournée des idées généreuses et solidaires…
M. Laurent Croizier
« La guerre, c’est pas bien ! »
M. Jean-Paul Lecoq
…qui auraient rassemblé tout l’hémicycle – c’est plus fort que vous.
Si vous voulez que la France soit à la manœuvre, y compris dans un cadre multilatéral, sachez que nous avons déjà à l’ONU des responsabilités qui nous permettent d’agir. Il est ainsi possible d’organiser une conférence pour la paix et la sécurité en Europe. Par ailleurs, nous disposons d’outils pour garantir le maintien de la sécurité et de la paix en Europe, comme l’OSCE ou le Conseil de l’Europe, chargé de défendre nos valeurs et nos droits. Ils sont à votre disposition.
Que l’ONU fasse son travail, que la France l’aide dans cette tâche et que Paris joue de nouveau un rôle moteur dans la construction de la paix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Michelet.
M. Maxime Michelet (UDR)
Alors que les négociations se poursuivent sans nous, loin de nous, et que le peuple ukrainien et les États-Unis recherchent la paix, comme d’ailleurs la Russie, puisqu’elle sait qu’elle ne peut plus l’emporter dans ce conflit – bref, le monde entier se prépare à la paix –, nous n’avons parlé que de guerre. (Mme Béatrice Roullaud applaudit.)
Voilà le terrible décalage dont ce débat aura été le théâtre. Plus encore : alors que nous représentons ici le peuple français, nous aurons beaucoup parlé de l’Union européenne et bien peu de la France, preuve que l’européisme est la colonne vertébrale du parti unique qui siège sur ces bancs.
Face au monde, nous devrions agir en réalistes. Or vous choisissez d’agir en idéologues, en européistes, « en Européens » – pour reprendre les termes de votre novlangue –, au service de la souveraineté européenne, notion vide de toute réalité et sur laquelle vous voulez construire une chimérique et dangereuse Europe de la défense, étendue à l’infini.
C’est d’autant plus dangereux que vous n’avez pas les moyens de vos ambitions. Comme le disait Talleyrand, « Qui n’a pas les moyens de ses ambitions a tous les soucis. » Vous voulez faire gagner l’Ukraine, mais sans nous dire comment – cela vous contraindrait à dire que vous voulez la guerre. Plutôt que d’assumer les conséquences de vos discours martiaux, vous préférez les caricatures faciles, les mensonges les plus éhontés, les accusations diffamantes et les comparaisons historiques aussi indignes qu’insensées. L’alinéa 55 qui soutient l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne n’ayant pas été supprimé, nous ne voterons pas en faveur de la proposition de résolution ; mais puisque nous soutenons résolument le peuple ukrainien sans faillir et que nous refusons ce piège grossier, nous nous abstiendrons. Ce texte n’est de toute manière qu’une impuissante supplique.
Avec Emmanuel Macron, la diplomatie française n’aura cessé d’alterner entre naïveté et agitation – il a toujours pensé davantage en Européen qu’en Français. Pour notre part, notre position n’a pas bougé : ni pro-Trump, ni pro-Poutine, ni pro-je ne sais qui ou pro-je ne sais quoi, mais toujours et plus que jamais pro-France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian (RN)
Le RN soutient l’Ukraine depuis le premier jour de l’invasion. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes EPR et Dem.) Je vous en prie, nous parlons de sujets sérieux !
Mme Émilie Bonnivard
Votre cynisme est totalement désarmant !
M. Marc de Fleurian
Vous n’êtes pas du tout à la hauteur du moment. Nous parlons de centaines de milliers de morts et cela vous fait rire. Vous devriez avoir honte ! (Exclamations sur les bancs du groupe EPR. – Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Tout à l’heure, je me suis un peu disputé avec le collègue Sitzenstuhl, mais nous nous sommes réconciliés sur l’essentiel. Et vous, vous rigolez ! Vous n’êtes pas à la hauteur !
Mme la présidente
Monsieur le député, s’il vous plaît. Tenez-vous en aux explications de vote de votre groupe pour ce texte.
M. Marc de Fleurian
Le RN soutient sans ambiguïté l’Ukraine depuis le premier jour de l’invasion. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Damien Girard
Tartuffe !
M. Marc de Fleurian
Vous avez fait de la proposition de résolution un outil politicien et partisan. D’abord, vous avez introduit une ligne rouge pour le RN en promouvant l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne – l’entrée de ce pays dans l’UE tuera les agriculteurs français. Ensuite, une partie d’entre vous ont promu la saisie des avoirs russes, ce qui nous fera enfreindre le droit international et perdre notre légitimité. Cette mesure risque aussi de nous exposer à des mesures de rétorsion, dont on ne connaît pas encore les conséquences. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.) Enfin, l’extension des garanties de sécurité occidentales pourrait mener directement notre pays à la guerre – comme vous ne définissez pas le terme, on ne sait pas du tout où l’on va. Je vous encourage à commander d’emblée vos treillis et vos rangers à la bonne pointure pour aller au bout de vos convictions et mettre vos peaux au bout de vos idées ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Nous sommes contre l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne,…
M. Sylvain Berrios
Ce sont les votes qui comptent. Le reste, ce sont des paroles !
M. Marc de Fleurian
…contre l’extension des garanties de sécurité occidentales et contre l’utilisation des avoirs russes gelés en violation du droit international, mais nous sommes pour le soutien au peuple ukrainien, afin qu’il puisse retrouver sa souveraineté et sa liberté malgré vos basses pratiques politiciennes. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Sylvain Berrios
C’est courageux !
Mme la présidente
La parole est à Mme Constance Le Grip.
Mme Constance Le Grip (EPR)
Les députés du groupe Ensemble pour la République voteront avec détermination, gravité, responsabilité et conviction pour cette proposition de résolution européenne défendue par notre collègue Laurent Mazaury – je tiens à le souligner alors que M. l’ambassadeur d’Ukraine est présent dans les tribunes pour assister à la fin de nos débats et au déroulement du scrutin. Ce débat, qui a duré six heures, Mme la présidente l’a rappelé, honore notre assemblée. Des points de vue très différents se sont exprimés, avec passion, avec profondeur souvent – pas toujours. Dans tous les cas, l’engagement et la capacité à se projeter dans l’avenir ont caractérisé de nombreuses prises de parole des membres de cette assemblée.
Nous réaffirmons avec résolution et détermination que jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu et une paix juste, durable, solide, loyale soit assurée à l’Ukraine, nous soutenons ce pays et ses dirigeants, en particulier le président Volodymyr Zelensky, dans leur combat héroïque contre un agresseur. Ce débat a également permis de faire tomber quelques masques. Nous avons vu se profiler des positionnements ambigus :…
M. Jean-Paul Lecoq
Chez vous !
Mme Constance Le Grip
…certains, tout en affirmant la main sur le cœur qu’ils étaient favorables au peuple ukrainien, ne sont pas passés à l’acte. Nous avons résolument engagé un chemin vers la paix. Nous soutenons les amorces de négociations qui se sont tenues il y a quelques heures. Nous espérons qu’elles conduiront à un cessez-le-feu et, progressivement, à l’installation de garanties de sécurité et de paix pour l’Ukraine.
Mme Émilie Bonnivard
C’est fini ? Le temps de parole est le même pour tous !
Mme Constance Le Grip
Nous sommes également satisfaits d’avoir réussi à introduire dans le texte l’utilisation des avoirs russes gelés.
Mme Caroline Parmentier
Deux minutes !
Mme Constance Le Grip
Elle doit être envisagée comme un levier politique de pression (Exclamations sur divers bancs)…
Mme la présidente
Merci, madame la députée.
Mme Constance Le Grip
…dans le dialogue avec la Russie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud, qui souhaite intervenir un peu plus longtemps que deux minutes. Je l’invite néanmoins à ne pas être trop long.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP)
Des centaines de milliers de morts et de blessés, un pays détruit, ravagé par la guerre, des familles dévastées et endeuillées, des orphelins, des enfants, des femmes et des hommes traumatisés à vie par l’horreur des combats, des enfants qui ne sont pas nés, dans l’incertitude de la guerre, eux qui auraient été l’avenir de l’Ukraine, des enfants arrachés à leur famille, à leur culture et à leur pays pour être déportés en Russie. Ce crime de guerre parmi tant d’autres a conduit la Cour pénale internationale à émettre un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine – celui-là même qui, il y a trois ans déjà, a commencé cette guerre d’agression qui ravage l’Ukraine, en violation de toutes les règles du droit international ; celui-là même qui brutalise son propre peuple, ne tolère aucune contestation, au point que les opposants doivent fuir ou craindre pour leur vie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
La France se doit de défendre le droit international, partout et en tout temps. (Mêmes mouvements.) Cette rectitude et un positionnement non aligné nous permettraient d’avoir une voix singulière et utile dans le concert des nations. Il est de notre devoir, comme notre pays l’a fait depuis le début du conflit, de se tenir aux côtés du peuple ukrainien. (Mêmes mouvements.) Notre groupe parlementaire a toujours été en accord avec ce principe : nous devons aider l’Ukraine à résister à l’agression.
Mais ce soutien n’a de sens que si une issue diplomatique reste possible. Un conflit face à une puissance nucléaire comme la Russie ne peut être gagné seulement par les armes. S’engager dans cette voie est une impasse et condamne l’Ukraine à une souffrance sans fin. C’est l’erreur que certains commettent depuis le début et que vous risquez de poursuivre avec ce texte. Vous vous obstinez à considérer la reconquête militaire de l’ensemble du territoire ukrainien comme la seule option. Cette perspective irréaliste intervient à contretemps alors que la perspective de négociations est enfin ouverte.
Il faudra un accord de paix et il n’y aura pas de paix autrement qu’entre les deux parties. Des discussions entre Ukrainiens et Russes sont nécessaires pour que la guerre cesse. Notre tâche est de garantir qu’elles se déroulent dans les meilleures conditions pour le peuple ukrainien. Aujourd’hui, elles adviennent dans les pires conditions : elles sont menées directement entre Donald Trump et Vladimir Poutine – les Ukrainiens ont à peine leur mot à dire. La suspension d’une semaine du renseignement états-unien les a contraints d’accepter les conditions d’un cessez-le-feu dicté par les États-Unis, qui n’ont d’ailleurs en vue que le pillage des minerais du sol ukrainien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) À l’opposé de cette logique de la force, nous devons bâtir une paix juste et durable. L’Ukraine doit être présente à la table des négociations. Des garanties de sécurité mutuelles sont nécessaires.
Mme Émilie Bonnivard
Six heures de débat !
M. Bastien Lachaud
Il faut prévoir le déminage de la mer Noire comme du front terrestre, où les mines antipersonnel pourraient faire des ravages pendant des décennies, et assurer le droit au retour des réfugiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En cas de cession de territoire, il faut un vote des populations concernées, dans le respect du principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Tout cela n’est possible que sous le contrôle international de l’ONU. De même, si des troupes tierces devaient être déployées pour faire respecter l’accord de paix (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN, UDR et DR),…
Mme la présidente
Chers collègues, en l’absence d’accord unanime, le règlement fixe la durée des explications de vote à cinq minutes. La limitation du temps de parole à deux minutes est juste une convention.
M. Bastien Lachaud
…ce déploiement ne pourra se faire que sous le mandat et le commandement de l’ONU. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Pascal Lecamp
Tout cela pour ne pas soutenir l’Ukraine, bravo !
M. Bastien Lachaud
Plus largement, il faut prévoir une conférence des frontières sous l’égide de l’OSCE et de l’ONU. Lors de l’effondrement de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), aucune conférence des frontières n’a été organisée et de nombreux conflits frontaliers existent encore dans cette zone. Nous devons éviter une nouvelle guerre et régler ces conflits diplomatiquement. (Exclamations sur les bancs du groupe Dem.) Enfin, il faut établir un nouveau traité international sur les armes de portée intermédiaire qui menacent directement le continent européen.
Voilà ce qu’il faudrait faire, mais votre proposition de résolution veut tout le contraire. Son adoption marginaliserait encore un peu plus notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe Dem.) Que fera la France si votre texte est adopté et que l’Ukraine signe un accord de paix à d’autres conditions ? (Exclamations sur les bancs du groupe HOR.) Vous appelez de vos vœux la construction d’une défense et d’une autonomie stratégique européenne en dehors de tout vote démocratique et de toute perspective réaliste. Pas plus que nos partenaires européens, vous ne remettez en question le cadre de l’Otan. Les traités européens stipulent que celle-ci est le socle de notre défense (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) et 64 % des importations d’armes des pays européens proviennent des États-Unis. Cette prétendue Europe de la défense ne sera donc que le simple faire-valoir des États-Unis.
M. Sylvain Berrios
Vous soutenez l’Ukraine ou pas ?
M. Bastien Lachaud
Elle accentuera notre dépendance à l’égard de Washington, au moment même où il serait plus que jamais temps d’avancer sur la voie d’une diplomatie non alignée et au service de la paix. En somme, contrairement à ce que vous affirmez, ce texte ne renforcera en rien le soutien à l’Ukraine. (Protestations sur les bancs du groupe HOR.) C’est une déclaration de principe sur votre vision des relations internationales, en flagrant décalage avec la réalité qui se produit sous nos yeux – une vision qui enferme l’Ukraine et qui nous enferme tous dans une impasse.
M. Pascal Lecamp
Votez contre !
M. Bastien Lachaud
C’est pourquoi notre groupe votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont quelques députés se lèvent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Sother.
M. Thierry Sother (SOC)
Par souci de constance, de sincérité et de fidélité à ses valeurs, le groupe Socialistes votera pour cette proposition de résolution qui témoigne du soutien de la représentation nationale française à l’Ukraine. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EPR, Dem et HOR.) Je pense aux femmes et aux hommes ukrainiens qui combattent depuis trois ans l’agresseur russe – le débat a permis de rappeler qu’il y a bien un agresseur, la Russie, et un agressé, l’Ukraine. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Dem. – M. le rapporteur applaudit également.) Ne nous trompons pas de combat. Nous avons vu dans le débat qu’il y avait des patriotes de pacotille, des patriotes en carton. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, EPR, Dem et HOR.)
M. Emeric Salmon
On va se prendre une leçon de patriotisme !
M. Thierry Sother
Ils disent la main sur le cœur « oui, nous soutenons l’Ukraine », et dès qu’il faut agir, dès qu’il faut prendre une mesure, dès qu’il faut sanctionner, ils ne sont plus là ! Mais quand il faut acheter du gaz à la Russie, ils sont là ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EPR, Dem, HOR et LIOT.)
La situation politique internationale a changé. Le pivot des États-Unis n’est plus le même avec l’administration Trump. Il nous faut, nous Européens, prendre la mesure du moment que nous vivons. C’est un moment capital pour la construction européenne. L’Europe existe ! J’ai entendu dire ce soir qu’elle n’existait pas, c’est faux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EPR, Dem et HOR.) Je vois le drapeau européen dans cet hémicycle. Oui, l’Europe existe ! Cette Europe construite sur la paix, qui a agi pour la fraternité et pour la construction de la paix sur notre continent, doit perdurer et elle doit se préparer à des situations qui peuvent être terribles. Nous devrons poursuivre nos débats et nos échanges pour continuer la construction européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EPR, Dem, HOR et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Louis Thiériot.
M. Jean-Louis Thiériot (DR)
La proposition de résolution concerne bien plus que l’Ukraine.
M. Jean-Paul Lecoq
Oui !
M. Jean-Louis Thiériot
Au-delà de la sécurité de l’Ukraine et du peuple ukrainien sous les bombes, c’est la sécurité de notre continent qui est en jeu. (M. Laurent Croizier applaudit.) Un succès de la Russie signifierait le triomphe des puissances révisionnistes.
Un député du groupe LFI-NFP
Dites-le à Fillon !
M. Jean-Louis Thiériot
Aujourd’hui la Russie, demain qui d’autre ? L’Azerbaïdjan croquerait l’Arménie,…
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Jean-Louis Thiériot
…la Chine y verrait un permis d’envahir Taïwan, et ainsi de suite. Nous ne pouvons pas ne pas voter cette proposition de résolution. C’est un signal. N’exagérons pas notre influence : ces résolutions représentent juste la petite pierre posée par les nations européennes à travers leurs représentants. Puisqu’on nous a donné des leçons de réalisme, qu’on nous a dit que l’Europe n’existait pas et que la France était faible, je vous invite à réfléchir à ce qu’était le réalisme dans le passé. Le réalisme, c’était Montoire.
M. Jean-Philippe Tanguy
Ah !
M. Jean-Louis Thiériot
C’était ceux qui se disaient que la guerre était perdue et qu’il fallait capituler. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR.) L’idéalisme, c’était Londres et de Gaulle. Fidèle à ses traditions, le groupe Droite républicaine votera évidemment cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS)
Depuis quarante-huit heures, un cadre de négociations se dessine – un cadre certes insatisfaisant et contraint, mais un cadre dans lequel l’Ukraine est partie prenante. Dans cette situation, notre rôle est de porter clairement et fièrement le message de la France et de cette assemblée, à savoir le soutien indéfectible à la souveraineté et à la liberté du peuple ukrainien. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes EPR, SOC et Dem.)
Alors que se tenait aujourd’hui une réunion des ministres de la défense de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de la Pologne et du Royaume-Uni, notre rôle est également de rappeler l’importance de la diplomatie parlementaire et d’affirmer que si ces négociations sont cruciales, la résolution que nous votons et les heures de débat qui ont été nécessaires à son adoption revêtent aussi une importance fondamentale. Il s’agit de rappeler le rôle de l’Europe et de la France dans ces discussions, alors que nous sommes cruellement absents de la table des négociations.
Laisser l’Ukraine seule face à la Russie et aux États-Unis n’est pas possible. Dans notre cadre certes limité, l’objectif de cette résolution est d’affirmer que la France et l’Europe ont vocation à peser dans ces discussions : il s’agit d’une impérieuse nécessité, parce que ce n’est pas seulement l’avenir de l’Ukraine qui est en jeu, mais celui de toute l’Europe.
Nos débats devront se poursuivre et s’approfondir sur les questions de notre sécurité collective, de notre défense, de notre indépendance énergétique et de notre sécurité alimentaire. Mais sans attendre, nous devons avec clarté commencer à dessiner un chemin : face à l’agresseur qu’est la Russie, face au retour des impérialismes russe et américain, nous devons tracer une voie, celle de l’Europe, celle de la France, celle de la souveraineté des peuples et de leur liberté de choix, et surtout celle du droit international et de la démocratie, qui ne peut jamais être la loi du plus fort, l’écrasement par le plus équipé et le plus armé. (Mme Clémentine Autain applaudit.) Oui, la voie de la paix exige la fermeté et nécessite surtout que nous réaffirmions toujours le rôle des parlements en tant que représentations des peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes SOC et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabine Thillaye.
Mme Sabine Thillaye (Dem)
Le groupe Les Démocrates soutient sans hésitation cette résolution qui constitue un signal parlementaire. Nous parlons de vies humaines qui sont engagées et de gens qui se battent pour que le pouvoir ne prenne plus jamais le pas sur le droit – nous y étions parvenus depuis la deuxième guerre mondiale et nous devons continuer dans cette voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) Au mois de décembre dernier, avec mes collègues de la commission de la défense François Cormier-Bouligeon et Emmanuel Fernandes, nous étions en déplacement le long de la frontière germano-polonaise, où les militaires français entraînent des soldats ukrainiens.
Ces soldats étaient M. et Mme Tout-le-monde, cela aurait pu être toi, cela aurait pu être vous (L’oratrice désigne successivement les bancs voisins. – Sourires sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP), certains avaient presque 50 ans. Nous devions nous exprimer devant eux et nous l’avons fait avec hésitation, parce qu’ils sortaient des tranchées – je n’aurais jamais cru en voir après la seconde guerre mondiale.
M. Emeric Salmon
Plutôt la première !
Mme Sabine Thillaye
Nous leur avons parlé mais après, nous repartions bien au chaud dans notre pays, alors que ces hommes, au terme de cinq semaines d’entraînement, repartaient chez eux pour défendre nos valeurs et le fait que la puissance ne doit pas primer sur le droit.
Je suis aussi troublée par ce que j’ai entendu à propos de l’Union européenne. Je parle rarement de ma double nationalité et de mon passé allemand.
Un député du groupe RN
À chaque fois !
Mme Sabine Thillaye
Oui, peut-être à chaque fois, comme vous dites ! Mais quand j’étais adolescente, en Allemagne, j’ai ressenti une énorme admiration pour la France : je me suis toujours demandé comment une telle force de grandeur d’âme était possible lorsque, après la deuxième guerre mondiale et ses horreurs, Robert Schuman et Jean Monnet furent capables de tendre la main à l’Allemagne. Cela m’a toujours fascinée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC, DR, EcoS, HOR et LIOT.) Ce fut un geste politique extrêmement fort, résultat d’un courage politique et d’une vision qu’il fallait adopter.
M. Jean-Paul Lecoq
Faisons pareil avec l’Algérie !
Mme Sabine Thillaye
Je suis fière d’être ici et cette France-là, j’aimerais la retrouver. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, EPR, SOC, DR, HOR et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Bouyx.
M. Bertrand Bouyx (HOR)
Tout a été dit. Les démocrates que nous sommes envoient le message le plus simple possible : avec cette résolution, la France est avec l’Ukraine et soutient l’Ukraine. Le groupe Horizons votera cette résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, EPR, SOC, DR, Dem et LIOT.)
Vote sur la proposition de résolution
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article unique de la proposition de résolution.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 474
Nombre de suffrages exprimés 342
Majorité absolue 172
Pour l’adoption 288
Contre 54
(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble de la proposition de résolution.)
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Discussion de la proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences eau et assainissement ;
Discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires ;
Discussion de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra