XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Deuxième séance du samedi 17 mai 2025

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du samedi 17 mai 2025

Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Droit à l’aide à mourir

    Suite de la discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Olivier Falorni relative au droit à l’aide à mourir (nos 1100, 1364).

    Discussion des articles

    M. le président

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    Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1364 à l’article 2.

    Article 2 (suite)

    M. le président

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    Je suis saisi de sept amendements, nos 1364, 1384, 1883, 1894, 1888, 590 et 1837, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 590 et 1837 sont identiques.
    La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir les amendements nos 1364 et 1384.

    M. Nicolas Sansu

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    Nous abordons un sujet important et, pour ne pas le cacher, assez clivant : les directives anticipées. Avec plusieurs de mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, nous estimons que le choix libre et éclairé de l’individu doit pouvoir s’exprimer par tous les moyens, y compris par écrit ou par l’intermédiaire d’un tiers de confiance. Cela doit pouvoir se faire tout au long de l’évolution de la maladie, afin de confirmer ou d’infirmer le choix initial de la personne.
    La loi Claeys-Leonetti a mis en œuvre ces directives anticipées dans le cadre de la sédation profonde et continue –⁠ c’est bien normal. Nous devons envisager le cas d’une personne qui ne pourrait plus faire valoir son droit à l’aide à mourir après avoir eu un accident ou, tout simplement, parce que sa maladie lui fait progressivement perdre son discernement.
    Toutefois, la perte du discernement ne règle nullement le problème des douleurs réfractaires et de l’image que l’on renvoie à l’autre, à ses proches. C’est aussi l’un des enjeux de ce texte : permettre à chacun de préserver sa dignité, notamment auprès de ses proches. Je parle d’expérience, comme je l’ai dit au cours des débats sur les soins palliatifs.
    Je tiens à rappeler les conclusions de la convention citoyenne sur la fin de vie, selon laquelle le discernement peut être exprimé directement ou indirectement à travers les directives anticipées ou la personne de confiance. Cela étant, je sais que le texte issu des travaux de la commission est un compromis qui permettra d’inscrire l’aide à mourir dans la loi. Nous ne ferons donc pas obstacle au succès de la proposition de loi, monsieur le rapporteur.
    Nous reviendrons sur ce sujet quand nous débattrons de l’article 4, car je souhaite que vous preniez en compte la sérénité que procure à une personne la rédaction de ses directives anticipées. Souvent, c’est un grand soulagement pour elle et pour ses proches.

    M. le président

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    La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir les amendements nos 1883, 1894 et 1888, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    Mme Danielle Simonnet

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    La question des directives anticipées est importante. Revalorisées par la loi Claeys-Leonetti, elles permettent à chacun d’exprimer son choix en matière de fin de vie : poursuivre, limiter, arrêter ou refuser des traitements ou des actes médicaux. Elles ne sont pas utilisées si la personne peut s’exprimer normalement, mais elles anticipent justement les situations où celle-ci ne pourrait plus le faire.
    Il nous semble essentiel d’intégrer les directives anticipées dans la proposition de loi. L’amendement no 1883 tend à le faire en reprenant les mesures prévues par la loi Claeys-Leonetti. Quelle différence y a-t-il entre demander par anticipation la sédation profonde et continue si la situation médicale le réclamait un jour, et dire que l’on préférerait l’aide à mourir, parce que la sédation profonde et continue jusqu’au décès peut prendre plusieurs heures, voire plusieurs jours ?
    L’amendement no 1894 est un amendement de repli qui vise à prendre en compte la demande de droit à l’aide à mourir dans les directives anticipées ou par le biais de la personne de confiance, dans le cas où un malade ne pourrait pas réitérer cette demande en pleine conscience.
    L’amendement no 1888 anticipe une autre situation : la potentielle perte de conscience définitive d’une personne qui aurait préalablement exprimé son choix et remplirait toutes les conditions cumulatives d’accès à l’aide à mourir.
    J’appelle votre attention sur la situation inverse : si une demande orale, en pleine conscience, était exigée, une personne atteinte d’une maladie dégénérative, qui sait qu’elle perdra conscience à un moment donné, devra anticiper et décider de son propre décès avant la date qu’elle aurait souhaitée pour profiter des derniers moments où elle peut communiquer avec ceux qu’elle aime.
    Si nous voulons permettre à une personne de vivre chaque instant qu’il lui semble encore pertinent de vivre, garantissons son ultime liberté à travers les directives anticipées et les personnes de confiance. (Mme Marie-Noëlle Battistel applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Océane Godard, pour soutenir l’amendement no 590.

    Mme Océane Godard

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    Ce débat est sensible, parce qu’il est lié à l’impermanence de la vie, au fait que tout évolue. Cependant, je vous invite à considérer quel effet a l’écriture des directives anticipées, dès lors que le patient se sait voué à mourir à court terme, et non pas simplement dans le cadre de volontés anciennes.
    Je sais que, dans cet hémicycle, il y a des soignants et des médecins ; il y a aussi des psychologues, dont je suis. Je voudrais apporter mon éclairage : les directives anticipées peuvent être considérées comme une trace, une balise, une manière de dire : « Cette décision, c’est la mienne. » Ces directives apaisent, soulagent et permettent de ne pas faire reposer sur les proches le poids de décisions ultimes ou de pas leur faire subir les souffrances du malade et la vue de son corps qui se dégrade.
    La formulation des volontés par écrit permet de s’y confronter. J’y vois deux effets principaux : avoir dit ce que l’on voulait et exprimé son dernier choix procure une forme de soulagement ; et puis, quand on lit les témoignages, on s’aperçoit que cela fait parfois renoncer à une décision prise avant la maladie. Tel est le sens de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Danielle Simonnet applaudit aussi.)

    M. le président

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    Sur les amendements nos 1364, 1384, 1883, 1894 et 1888, ainsi que sur les amendements identiques nos 590 et 1837, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement no 1837.

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Cette proposition de loi est un texte de liberté, qui vise à prendre en compte, à chaque étape, la volonté des patients, laquelle doit être au cœur de tous nos débats. Cela concerne à la fois l’accès aux soins palliatifs partout sur le territoire, dont nous avons débattu la semaine dernière, et l’accès au droit à l’aide à mourir. C’est le respect de cette liberté qui doit nous guider tout au long des débats sur ce texte – en tout cas, c’est cela qui nous guide personnellement.
    Nous sommes nombreux à considérer que les directives anticipées doivent pouvoir être prises en compte quand une personne est dans l’incapacité de réitérer sa demande –⁠ je pense aux victimes d’accident, d’AVC ou à toute personne qui ne peut plus s’exprimer.
    Si nous n’inscrivons pas cette possibilité dans le texte, nous contraindrons les malades à souffrir, quelquefois de manière inhumaine, alors même qu’ils auront exprimé leur souhait de ne pas avoir à subir cela.
    Pour ces raisons, les demandes formulées dans les directives anticipées doivent être formellement respectées. Je rappelle qu’il est prévu qu’une personne de confiance puisse témoigner de cette volonté. Cette loi étant faite pour le patient, nous devons respecter sa volonté et ses directives anticipées. (M. Arthur Delaporte applaudit.)

    M. le président

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    Sur l’amendement n° 1251, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. le rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir, pour donner l’avis de la commission.

    M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir

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    Je tiens à remercier l’ensemble des députés qui ont présenté ces amendements, parce qu’ils évoquent un sujet important, qui ne pouvait évidemment se passer de débat. Comme je l’ai dit à la tribune, lors de la discussion générale, ce texte est équilibré et solide –⁠ et solide, car équilibré. Je persiste et signe : s’il reste équilibré, il aura une majorité.
    Le sujet des directives anticipées est clivant – cela a été reconnu par ceux-là mêmes qui défendent ce nouveau droit. Moi-même, lorsque j’ai déposé ma proposition de loi en 2021, j’y avais inclus les directives anticipées. Depuis, j’ai aussi beaucoup écouté ce qui se disait.
    Je dois avouer que l’an dernier et cette année, j’ai parfois été agacé d’entendre un certain nombre de collègues hostiles à ce texte dire, à chaque fois qu’était voté un amendement, même d’une modeste importance, que cela rompait l’équilibre. C’est totalement faux. J’affirme que les députés ont toujours su faire preuve de sagesse et de responsabilité, l’an dernier comme cette année, en commission des affaires sociales.
    Mais, en tant que rapporteur général, avec ma collègue Brigitte Liso, rapporteure, nous sommes les garants de cet esprit. Aussi, je le dis clairement : si ces amendements étaient adoptés, ils rompraient l’équilibre de ce texte.
    Je le répète, vous entendrez à de nombreuses reprises, touchant des sujets beaucoup plus annexes, que l’équilibre de ce texte aurait été transformé, et ce ne sera que de la mousse ; il n’en est pas moins vrai qu’en adoptant l’un de ces amendements, nous modifierions profondément ce même équilibre.
    Parmi ceux qui sont favorables à l’aide à mourir, il existe, encore une fois, des divergences : j’ai été marqué par ce que m’ont confié des médecins très favorables, qu’au moment de ce geste qu’ils auront accepté d’accomplir, ne faisant pas valoir leur clause de conscience, ils veulent, ils ont absolument besoin d’une ultime réitération –⁠ de cet échange, de ce nouveau « oui, docteur, je le veux », souvent accompagné d’un « merci, docteur ». Un certain nombre de députés, fervents partisans de l’aide à mourir, déclarent que les directives anticipées leur poseraient un cas de conscience au moment de voter pour ce texte. Tout cela, je l’ai entendu ! Pour toutes ces raisons, j’invite les collègues qui ont légitimement suscité ce débat dans l’hémicycle à retirer leurs amendements ; à défaut, avis très clairement défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, pour donner l’avis du gouvernement.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

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    À mon tour de vous remercier, car ces amendements ont le mérite de nous faire réfléchir, encore une fois, à l’importance de la volonté du patient. Madame Godard, vous disiez il y a un instant : « Cette décision, c’est la mienne ». Je partage l’idée que la décision de recourir à l’aide à mourir appartient exclusivement au patient, et ce, jusqu’au dernier moment ; c’est-à-dire qu’il est extrêmement important de respecter une des cinq conditions que nous examinerons lorsque nous parviendrons à l’article 5 –⁠ le discernement –, qui permet de formuler la demande, de la réitérer, comme vient de l’évoquer le rapporteur général et comme je le répète, jusqu’au dernier moment –⁠ la seule fois au cours de la procédure où l’on interrogera le patient, où on lui demandera s’il le souhaite, étant l’instant où l’on va administrer la substance létale. C’est dire si ce texte est empreint d’une volonté d’écouter le patient, de le laisser jusqu’au bout dire ce qu’il souhaite.
    Si je souligne ce point, c’est parce que j’ai, comme beaucoup d’entre vous, rencontré des patients : nombreux sont ceux qui insistent sur le fait que vous pouvez demander quelque chose étant bien portant, et ne pas avoir modifié vos directives anticipées alors que, dans le cheminement de votre maladie, votre avis peut avoir changé. C’est pourquoi la clé de voûte n’est autre que le consentement du patient, que nous devons être en mesure de recueillir à tout moment. L’an dernier, lorsque nous avions eu ce débat, je m’étais engagée auprès de vous à interroger de nouveau le Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Je vous donne donc lecture de la lettre, signée de son président, datée du 20 mars 2025 :
    « Dans le cadre de la future proposition de loi sur la fin de vie, vous m’avez adressé par courrier en date du 26 février dernier une demande portant sur la question des personnes éligibles à l’aide à mourir. Vous me demandiez comment envisager la situation de personnes qui perdraient leur capacité à exprimer une volonté libre et éclairée entre le moment où elles ont formulé la demande et le moment de l’acte. Vous souligniez que cette question se poserait en particulier dans le cadre des directives anticipées ou de la désignation de la personne de confiance.
    « Je vous réponds en tant que président du CCNE. Le Comité étant en cours de renouvellement partiel, il ne m’est pas possible de le solliciter en ce moment pour une prise de position.
    « Le sujet que vous soulevez est hautement complexe, difficile et humain. Il a été discuté par le CCNE lors de ses échanges ayant abouti à l’adoption de son avis 139 : ’’Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité’’.
    « Le CCNE a émis la recommandation suivante dans son avis 139 (recommandation 17) : ’’La demande d’aide active à mourir devrait être exprimée par une personne disposant d’une autonomie de décision au moment de la demande, de façon libre, éclairée et réitérée, analysée dans le cadre d’une procédure collégiale.’’ Le CCNE avait souligné à cette occasion (page 30 de l’avis 139) que ’’les demandes d’aide active à mourir évoluent dans le temps et se transforment, voire, parfois, s’estompent ou disparaissent’’. Il lui était donc apparu indispensable que le caractère persistant, éclairé et libre de la demande soit assuré.
    « La position que j’énonce aujourd’hui, en tant que président du CCNE, est celle que le Comité avait exprimée en juin 2022. Il n’y a pas eu de changement de la part du CCNE depuis cette date. »
    Tel est exactement le courrier qui m’a été adressé par le professeur Jean-François Delfraissy. Encore une fois, le rapporteur général l’a mentionné, et j’insiste sur ce point : un changement d’approche serait un changement majeur du texte, une sorte de rupture, j’ose le dire, par rapport aux conditions que nous souhaitons mettre à une autorisation de recours à l’aide à mourir. Par conséquent, demande de retrait ; à défaut, avis défavorable à tous les amendements.

    M. le président

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    Les demandes de prise de parole étant nombreuses, j’admettrai deux orateurs contre les amendements et deux pour.
    La parole est à M. Thomas Ménagé.

    M. Thomas Ménagé

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    Au sein de mon groupe, je fais partie, vous le savez, de la minorité favorable à une aide active à mourir. Je serais en faveur d’un texte équilibré ; or, vous l’avez rappelé, l’adoption de ces amendements ferait dès à présent basculer mon vote en défaveur de ce même texte, alors même que cette évolution correspond à l’attente d’une grande partie des Français qui nous écoutent –⁠ et qui, après l’échec de l’année dernière, espèrent un vote de l’Assemblée créant ce nouveau droit.
    L’exercice de ce dernier doit reposer sur un consentement libre et éclairé, un choix individuel, personnel. Le rendre possible en vertu des directives anticipées serait d’une totale incohérence avec la philosophie générale du texte, comme avec mon souhait d’ouvrir ce droit. Nous le voyons à l’étranger, nous le constatons lors de nos échanges avec les soignants, qui sont directement au fait des demandes d’aide à mourir : au fil de la vie, on évolue. Selon qu’on la formule à 20 ans, à 40 ans, à 70 ans, malade ou en bonne santé, une demande sera différente. Nous avons vu à l’étranger des personnes farouchement favorables à l’euthanasie qui, au moment où elles se trouvaient confrontées à cette situation, ne la demandaient pas, voire s’y montraient dès lors défavorables ; on connaît aussi, malheureusement ou heureusement, le cas de figure inverse. C’est le libre arbitre : la nature humaine est ainsi faite !
    Monsieur Sansu, vous proposez de passer au cran supérieur, c’est-à-dire qu’une tierce personne, désignée parmi les proches, puisse demander l’aide à mourir à votre place si vous n’êtes pas en mesure de le faire. Cela pose un problème d’insécurité juridique en cas de liens juridiques ou testamentaires, par exemple. Par ailleurs, je ne voudrais pas demander à mes proches de prendre une telle décision !
    Je vous invite donc, chers collègues, même si vous êtes favorables à l’aide à mourir, à vous opposer à ces amendements, dont l’adoption causerait indirectement la mort du texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Juvin.

    M. Philippe Juvin

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    Faut-il inclure dans mes directives anticipées le souhait de mourir, le jour où ma conscience ne me permettrait plus de les confirmer ? Je partage l’avis de M. le rapporteur général et de Mme la ministre pour une raison de fond, mais aussi pour des raisons d’application pratique.
    La raison de fond tient au fait que la demande de mort est fluctuante. Nous avons tous une vie plus ou moins autonome : savons-nous ce que nous voudrions vraiment, quel serait notre sentiment, le jour où nous serions sérieusement malades, profondément handicapés ? On apporte des solutions, des réponses, à la famille, à vos souffrances, à des situations diverses ; la demande de mort s’envole, puis réapparaît. Écrire sur un papier ce que l’on sentira, ce que l’on voudra, le jour où l’on ne sera plus capable d’exprimer son consentement, reste par définition impossible. Il faut absolument pouvoir, au dernier moment, dire non. Lors des sédations profondes et continues, auxquelles j’ai participé, il existe un protocole. Au moment d’appuyer sur la seringue électrique, on adresse au patient une ultime question, toujours la même : « Me confirmez-vous, monsieur, madame, que vous voulez vraiment dormir définitivement ? Est-ce que je dois appuyer sur le bouton ? » C’est ainsi que l’on procède en pratique ; évidemment, ce n’est pas applicable si les gens ne sont pas en mesure de vous répondre.
    La question d’applicabilité est la suivante : vous avez probablement tous une expérience personnelle de gens qui sont déments. Ils connaissent des phases de violence, d’agressivité, de déambulation. Parfois, pour des soins très banals –⁠ laver, donner à manger, faire une injection –, on est obligé de les contentionner : ils ne se laissent pas faire, ne comprennent pas ce qui se passe. Imaginez ce qu’il faudrait pour poser une perfusion, injecter un produit, à un patient qui ne le voudrait pas –⁠ parce qu’il est dément, je le répète, et ne comprend pas ce qui arrive ! On en arriverait probablement, comme lors d’un certain nombre de soins, à contentionner les gens. Personne, je pense, ne veut cela, ni même ne l’imagine. (Mme Sylvie Bonnet applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.

    Mme Christine Pirès Beaune

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    Les directives anticipées, instaurées il y a quelques années, sont une très bonne chose ; nous devons néanmoins reconnaître qu’il n’y a, je crois, que 12 % des Français qui en rédigent. Peut-être devrions-nous nous interroger au sujet de l’information relative à ce dispositif. Reste que si la future loi ne tient pas compte de ces directives, d’un souhait validement et préalablement exprimé, réitéré à plusieurs reprises, beaucoup seront empêchés d’accéder à l’aide à mourir, quand bien même ils l’auraient demandée en toute conscience. Permettez-moi, madame la ministre, de citer non l’un des cas célèbres en la matière, mais un exemple fictif : j’ai rédigé il y a dix ans mes directives anticipées, je les ai réitérées tous les ans, j’y ai très clairement écrit que si j’étais plongée dans le coma à la suite d’un accident de la route, je voulais avoir accès à l’aide à mourir. Quelle réponse m’apporterez-vous ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Danielle Simonnet applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Sansu.

    M. Nicolas Sansu

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    Ce débat est fort intéressant : il montre qu’en n’acceptant pas les directives anticipées, nous exclurons du dispositif tout un tas de personnes qui auraient pu faire valoir leur droit à l’aide à mourir. Comme Christine Pirès Beaune, j’insiste sur le fait qu’il s’agirait de directives réitérées, qu’aussi longtemps que nous sommes conscients, nous pouvons affirmer que nous ne souhaitons pas finir dans le coma, ou complètement dégradés. Le professeur Juvin a fait état d’un problème : l’impossibilité de la sédation profonde et continue lorsque les gens ne sont plus capables de confirmer qu’ils la souhaitent –⁠ ce que seules les directives anticipées permettraient de faire !
    Nous avons donc un réel souci sur ce point, qui aurait dû être abordé au sein du texte et mieux traité. Cela étant, je vais être extrêmement pragmatique : nous souhaitons tous que ce nouveau droit soit inscrit dans le code de la santé publique. Nous ne prendrons donc pas, en tout cas pas aujourd’hui, le risque d’entraîner le rejet de la proposition de loi. Je retire les deux amendements que j’ai soutenus (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN), ce qui n’exclut ni n’épuise le débat à ce sujet, les droits évoluant au fil du temps en fonction des demandes de la société.

    (Les amendements nos 1364 et 1384 sont retirés.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 1883.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        112
            Nombre de suffrages exprimés                101
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                23
                    Contre                78

    (L’amendement no 1883 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 1894.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        106
            Nombre de suffrages exprimés                99
            Majorité absolue                        50
                    Pour l’adoption                23
                    Contre                76

    (L’amendement no 1894 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 1888.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        113
            Nombre de suffrages exprimés                109
            Majorité absolue                        55
                    Pour l’adoption                32
                    Contre                77

    (L’amendement no 1888 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 590 et 1837.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        108
            Nombre de suffrages exprimés                99
            Majorité absolue                        50
                    Pour l’adoption                21
                    Contre                78

    (Les amendements identiques nos 590 et 1837 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1251.

    M. Christophe Bentz

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    Il vise à réaffirmer que la demande d’aide à mourir doit être répétée.
    Monsieur le rapporteur général, à travers tous nos amendements, ce que nous souhaitons, en attendant de rejeter l’article 2 et le texte tout entier, c’est encadrer, restreindre et contraindre pour sécuriser. Nous voulons graver dans le marbre certains garde-fous, même si nous avons conscience qu’au fil du temps, ils sauteront les uns après les autres.

    M. le président

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    La parole est à Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.

    Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des affaires sociales

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    C’est moi qui vous réponds, monsieur Bentz. Je suis désolée d’interrompre votre dialogue avec le rapporteur général ! (Mme la ministre rit. –⁠ Sourires sur les bancs du RN.)
    Les demandes réitérées sont déjà prévues dans la procédure. Je me permets d’ailleurs de souligner que M. Ménagé a fait un lapsus tout à l’heure en parlant de consentement plutôt que de demande de la personne –⁠ il est très important de faire la différence. (Mme Sandrine Rousseau applaudit.)
    Je rappelle la procédure : le patient formule sa demande, puis le médecin rend sa décision et le patient a quarante-huit heures pour réitérer cette demande ; lors de l’acte final, il est encore une fois interrogé par le médecin sur son souhait de bénéficier de l’aide à mourir. Au total, la personne est amenée par trois fois à se prononcer : « Je le souhaite », « Je le confirme », « Je le confirme ».
    Défendu. Pardon, défavorable ! (Exclamations.)

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Lapsus contre lapsus ! (Sourires.) Nous discutons ici d’un point très important. La première fois, il s’agit d’une demande du patient à l’équipe médicale. Compte tenu de son état de santé, le patient demande à bénéficier de l’aide à mourir. Une expertise médicale est alors conduite pour décider s’il est éligible ou non à cette aide. S’il l’est, il n’est d’ailleurs pas certain qu’il activera immédiatement la demande d’aide à mourir. Nous avons abordé ce cas tout à l’heure : certains patients la demandent parce qu’ils préfèrent avoir déjà été examinés si leur situation s’aggrave.
    La deuxième fois, le patient réitère sa demande de bénéficier de l’aide à mourir.
    La troisième fois, lors de l’administration du produit létal, c’est effectivement un consentement qui est demandé : c’est la seule fois où le patient est interrogé et où on lui demande s’il souhaite vraiment l’aide à mourir. Dans les trois cas, nous avons besoin que le patient dispose de tout son discernement.
    Bien sûr, nous examinerons un peu plus tard l’article 4, mais à ce stade votre amendement est satisfait, monsieur Bentz. Je demande donc son retrait.

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Lauzzana.

    M. Michel Lauzzana

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    Cet amendement me donne l’occasion de faire le lien avec la discussion précédente. La procédure de réitération de la demande est justifiée, mais elle ne peut pas s’appliquer à tous les cas. En cas de mort cérébrale ou d’état neurovégétatif, qu’adviendrait-il d’une personne qui aurait rédigé et réitéré des directives anticipées et désigné une personne de confiance ? Si la demande d’aide à mourir est lointaine, si elle date de dix ou quinze ans, on peut évidemment s’interroger, mais si elle a été réitérée régulièrement et de manière récente, on peut, sans trop se tromper, affirmer que la personne ne souhaiterait pas se voir dans cet état.
    Il s’agit d’une vraie question. La proposition de loi ne permet pas de traiter ce cas-là. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme Danielle Simonnet

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    Il a raison !

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel

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    Madame la ministre, comment le consentement ultime du patient sera-t-il matérialisé ? Peut-être ce point nous a-t-il échappé dans le texte, mais il semble que rien ne soit prévu en la matière. Un recours doit être possible et on nous a dit en commission qu’il le serait même pour des tiers a posteriori. Pour sécuriser la procédure, comment le consentement ultime sera-t-il matérialisé, de sorte qu’on en ait une trace quelque part ?

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Bentz.

    M. Christophe Bentz

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    Madame la rapporteure, vous n’interrompez pas mon dialogue avec le rapporteur général. Nous dialoguons tous ensemble et je m’excuse de ne pas vous avoir citée. Je le ferai désormais !
    Je sais que la notion de réitération apparaît dans plusieurs articles à venir, mais elle a sa place, si l’on veut sécuriser et encadrer le dispositif, dès l’alinéa 6 de l’article 2, qui définit l’aide à mourir. Je souhaite ce garde-fou et j’attends vivement de pouvoir rejeter l’article 2.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Rousseau.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Je rappelle que cette proposition de loi sur la fin de vie a été jugée nécessaire pour remédier à des situations extrêmement difficiles. Je pense au cas Vincent Humbert et aux personnes atteintes de la maladie de Charcot et de maladies neurodégénératives comme Alzheimer. Or si la proposition de loi était adoptée, elle ne répondrait à aucune de ces trois situations ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
    C’est tout de même un problème. La proposition de loi censée répondre à l’appel de citoyennes et de citoyens qui nous ont alertés sur des fins de vie difficiles –⁠ quand des personnes sont plongées dans un coma définitif et irréversible, ou sont atteintes de la maladie de Charcot et souffrent, dans un tiers des cas, de troubles cognitifs, ou sont atteintes de maladies neurogénératives – ne permettra pas de prendre en charge ces situations ! Voilà pourquoi une partie d’entre nous sommes favorables aux directives anticipées, qui donnent accès au droit à l’aide à mourir dans de telles situations. (Mme Danielle Simonnet applaudit, ainsi que plusieurs députés du groupe SOC.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 1251.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        110
            Nombre de suffrages exprimés                107
            Majorité absolue                        54
                    Pour l’adoption                40
                    Contre                67

    (L’amendement no 1251 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Rodwell, pour soutenir l’amendement no 756.

    M. Charles Rodwell

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    Je ne tire pas les mêmes conclusions que Mme Rousseau des manquements de la proposition de loi –⁠ notre collègue souhaite étendre son champ d’application alors que je suis opposé au texte –, mais nous soulignons tous deux des défauts de construction.
    Cet amendement de repli vise à renforcer les garanties encadrant le recours à l’aide à mourir en ajoutant une condition exigée dans la loi belge du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie. La question des pressions extérieures est un sujet extrêmement important et sensible qui sera abordé tout au long de l’examen du texte. Il y a les pressions évidentes, mais aussi les pressions ressenties. Je propose de donner une dimension légale à la notion de pression extérieure afin que toute décision liée à une aide à mourir en soit protégée.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Cette notion sera débattue à l’article 4 et lorsque nous reviendrons sur la procédure. À ce stade, nous sommes tous d’accord : une personne qui demande à bénéficier de l’aide à mourir doit manifester sa volonté de manière libre et éclairée –⁠ c’est écrit noir sur blanc. Dans le cas où un médecin estimerait que ce n’est pas le cas, la procédure s’interromprait. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Justine Gruet.

    Mme Justine Gruet

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    La notion de pression extérieure sera en effet examinée à l’article 4 puisqu’elle concerne le cinquième critère à remplir pour accéder à l’aide à mourir. La personne doit être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée, mais la vérification de ce point relève-t-elle d’un avis médical ? Je ne le crois pas. Un médecin est-il capable d’apprécier l’absence de pressions familiales, financières ou psychologiques ? Par ailleurs, quelle pression sociétale s’exerce-t-elle sur le patient, puisque, comme nous l’avons dit, toute la société est engagée dans cette évolution ? L’intervention possible d’un professionnel, dont nous rediscuterons à l’article 4, doit peut-être être envisagée.
    Quant aux directives anticipées, sur lesquelles je n’ai pas eu l’occasion de m’exprimer, elles constituent selon moi une aide à la décision médicale. Une personne doit dire quelle décision elle souhaiterait voir prise quand elle ne sera plus en capacité de se prononcer : elle ne souhaite pas être réanimée, elle ne veut pas d’acharnement thérapeutique, elle demande à bénéficier de l’aide à mourir. Si ces souhaits sont inscrits dans les directives anticipées, quels sont ensuite la chronologie et le timing ? Qui décide, quand la personne n’est plus en capacité de s’exprimer, que la substance létale doit être administrée ? Sur le plan éthique, je m’interroge fortement.
    Je reviens sur les pressions extérieures : à mon sens, ce n’est pas au médecin d’analyser ce critère. Nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous aborderons l’article 4.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je soutiens cet amendement de mon collègue Rodwell, qui a le mérite de faire référence à la loi belge. Le cas de la Belgique devrait nous faire réfléchir collectivement, que l’on soit pour ou contre la proposition de loi.
    Ce matin, l’arrêt Mortier a été cité sur les bancs socialistes. C’est un arrêt très intéressant, qui fait l’objet de vifs débats entre les spécialistes du droit. Il constitue sans doute un argument pour les partisans de l’aide à mourir, mais il montre aussi qu’un cadre juridique considéré comme strict n’empêche pas des dérives nombreuses et des manquements importants, qu’on pourrait même qualifier de systémiques, dans l’application de la loi.
    Tout ça pour dire que, concrètement, si le texte est adopté, tout cela débordera. Je pense qu’un certain nombre de collègues qui soutiennent ce texte le savent au fond d’eux-mêmes, parce que c’est précisément ce qui s’est passé en Belgique ou aux Pays-Bas.
    J’ai cité ce matin le professeur Theo Boer, qui soutenait les textes relatifs à l’euthanasie adoptés aux Pays-Bas. Il y a quelques semaines, dans le journal Le Monde, il écrivait  : « j’ai cru qu’un cadre rigoureux pouvait prévenir les dérives de l’euthanasie : je n’en suis plus si sûr. »

    (L’amendement no 756 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 12 et 1254, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 12.

    M. Patrick Hetzel

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    Cet amendement s’inscrit dans le prolongement de nos débats, et appelle l’attention sur le fait que l’on sort désormais du domaine habituel de la médecine et du soin. C’est la raison pour laquelle d’autres amendements ont été déposés, proposant de consacrer au moins un chapitre spécifique à ce sujet au sein du code de la santé publique.
    Il permet également de clarifier le fait que nous sortons clairement de la philosophie de la loi Claeys-Leonetti, qui ne mentionne à aucun moment l’intentionnalité de donner la mort. Cet amendement a donc pour objectif d’indiquer clairement et précisément la nouvelle philosophie introduite par les dispositions consacrant un droit à l’aide à mourir.

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1254.

    M. Christophe Bentz

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    Je ne sais pas si cet amendement est un amendement d’appel, mais il s’agit assurément d’un amendement de rappel. Il rappelle que ce qui est létal n’est pas thérapeutique. Ce sont deux caractéristiques de nature différente, qui sont même profondément opposées.
    Nous avons déposé plusieurs amendements de ce type, qui visent soit à neutraliser le texte, soit à le bousculer un peu, soit à le rendre inopérant, et ce par tous les moyens –⁠ quitte à inverser la vocation de la proposition de loi. Tout cela n’a qu’un seul but : rappeler que nous souhaitons nous cantonner aux soins à la personne en fin de vie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Sur l’amendement no 1254, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Par nature, un produit létal n’a pas de visée thérapeutique. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel

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    Je vous invite à écouter les propos du président du Conseil national de l’Ordre des médecins. Ils sont très explicites. Il dit qu’il est pertinent d’apporter cette précision pour lever toute ambiguïté et pour rassurer les soignants et les médecins. Cela permettrait en effet de leur indiquer explicitement que la démarche est bien différente des principes qui les ont conduits à prêter le serment d’Hippocrate.

    (L’amendement no 12 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 1254.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        111
            Nombre de suffrages exprimés                105
            Majorité absolue                        53
                    Pour l’adoption                40
                    Contre                65

    (L’amendement no 1254 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 2496, 13, 117, 517, 754, 1253, 1601, 1998, 2326, 203, 837, 2104, 382, 2650 –⁠ faisant l’objet du sous-admendement no 2675 –, 118, 201, 283, 498, 515, 863, 979, 1048, 1599, 1811, 2348, 846, 1399, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 13, 117, 517, 754, 1253, 1601 et 1998 sont identiques, ainsi que les amendements nos 2650, 118, 201, 283, 498, 515, 863, 979, 1048, 1599, 1811 et 2348.
    La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2496.

    M. Philippe Juvin

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    Le texte actuel prévoit deux modalités d’administration de la substance létale : une première par laquelle le patient ingérerait lui-même ladite substance, et une seconde par laquelle une personne tierce viendrait la lui injecter.
    Nous souhaitons que la seule possibilité d’administration soit la première, à savoir l’ingestion. C’est le mode d’administration pratiqué par exemple dans l’Oregon.
    C’est ce que prévoyait le texte initial, à l’exception des situations où le patient se verrait dans l’incapacité de procéder lui-même à l’ingestion. Dans ces cas-là, il était prévu de donner la possibilité à autrui d’injecter la substance.
    Or, sauf erreur de ma part, si le patient ne peut ingérer lui-même, cela signifie qu’il a besoin d’un outil pour se nourrir – grâce à la nutrition parentérale, à une gastrostomie ou à une sonde gastrique. Dès lors, le cas est couvert par la loi Claeys-Leonetti, qui permet de procéder à une injection par autrui. La disposition précisant que l’administration de la substance létale intervient par injection me paraît donc absolument inutile, à moins que l’on ne veuille en réalité faire dévier la procédure vers de l’euthanasie. Cet amendement est donc absolument nécessaire.

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 13.

    M. Patrick Hetzel

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    Nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre. Tel qu’il est arrivé en commission, le texte prévoyait clairement des dispositions que l’on pouvait qualifier de suicide assisté. Comme vient de l’indiquer excellemment mon collègue Juvin, des exceptions étaient admises lorsque le patient se trouvait dans l’impossibilité d’effectuer ce suicide assisté lui-même –⁠ ce sont des situations d’exception d’euthanasie.
    Or, lors des travaux en commission, une modification majeure a été apportée : on a considéré que l’une ou l’autre option pouvait s’appliquer indifféremment. Une ligne rouge –⁠ nous l’avons dit –  a alors été franchie.
    Dans les pays qui sont allés dans cette direction, l’administration par un tiers s’impose dans les faits. Or, ces deux modes d’administration sont de nature extrêmement différente.
    Notons que dans l’Oregon, un certain nombre de patients disposant pourtant d’une prescription ne vont pas chercher le produit létal, et ceux qui vont le chercher ne l’ingèrent pas forcément.
    Les dispositions ainsi prévues ne sont donc pas suffisamment restrictives.

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisabeth de Maistre, pour soutenir l’amendement no 117.

    Mme Élisabeth de Maistre

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    Cet amendement est celui de mon collègue Le Fur. L’euthanasie suppose, de la part des personnels soignants, un acte qui constitue une rupture avec leur mission, laquelle est de soigner. L’amendement propose donc de supprimer toute référence à l’euthanasie, dont il est question à mots couverts, afin de protéger les personnels soignants.

    M. le président

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    La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 517.

    Mme Justine Gruet

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    Je souhaite compléter les propos tenus brillamment par Philippe Juvin. C’est un vrai sujet, sur lequel je vous propose une analyse technique.
    Je répète que je n’ai pas d’opposition totale au suicide assisté ; éthiquement, celui-ci est différent de l’euthanasie, puisqu’il engage la responsabilité d’un tiers.
    J’aimerais que nous portions notre attention sur deux situations distinctes.
    D’une part, si le patient peut ingérer lui-même la substance létale, il s’agit d’une situation de suicide assisté.
    D’autre part, si le patient est dans l’incapacité de déglutir et d’ingérer la substance lui-même, cela signifie qu’il est maintenu en vie –⁠ par un système d’alimentation artificielle ou par un respirateur. Il relève donc de la loi Claeys-Leonetti, puisqu’il bénéficie d’un dispositif de maintien en vie pouvant légalement être arrêté conformément aux dispositions de cette loi.
    Je tiens à revenir sur cette précision, compte tenu de son importance en termes d’éthique. Je pense que la prise orale d’une substance létale est plus engageante pour le patient qu’une prise en intraveineuse.
    Madame la ministre, vous faites souvent le parallèle avec la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Or, nous ne nous situons pas dans le même cadre de discussion, puisque dans ce cas, le pronostic vital est engagé à court terme ; d’un point de vue éthique, c’est complètement différent. Cela implique un autre choix de société pour nos concitoyens.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Rodwell, pour soutenir l’amendement no 754.

    M. Charles Rodwell

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    Je serai bref parce que M. Hetzel et M. Juvin ont parfaitement résumé le propos technique. Je souhaite insister sur l’enjeu politique majeur que soulève ce débat. Le gouvernement et les différents rapporteurs s’étaient engagés à maintenir un cadre très spécifique et ferme sur le suicide assisté, sauf exceptions liées aux difficultés à s’auto-administrer le produit létal par ingestion.
    Désormais, cette écriture du texte donne place à une interprétation beaucoup plus extensive, qui vise tout simplement à légaliser l’euthanasie au sens large.
    Cet amendement propose de supprimer la fin de l’alinéa 6 et de revenir ainsi à l’origine du texte, puisque la sédation profonde et continue jusqu’au décès est instituée par la loi Claeys-Leonetti et peut d’ores et déjà s’appliquer à ces patients.

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1253.

    M. Christophe Bentz

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    Il s’agit encore d’un amendement de repli de repli de repli. Il vise à supprimer la mention au suicide délégué à une personne tierce –⁠ en l’occurrence, une personne soignante – au profit du retour à la seule mention du suicide assisté. C’était là le point d’entrée du texte initial. La seule différence est la main qui administre la substance létale ; l’acte n’en est pas moins grave sur le fond.
    L’amendement vise au moins à respecter l’engagement des soignants, et à permettre aux médecins de respecter le serment d’Hippocrate, qui leur interdit de provoquer la mort. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1601.

    M. Thibault Bazin

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    À la relecture, la rédaction de l’alinéa 6, en particulier la fin, pose question.
    Sandrine Rousseau l’a bien décrit ce matin. La mort planifiée, organisée avec des tiers, n’en reste pas moins une mort provoquée. D’aucuns prétendent qu’elle serait gage de sérénité, mais comment s’assurer de cette sérénité ? La sérénité a posteriori du soignant qui y participe est aussi en jeu.
    La fin de l’alinéa 6 pose problème : par la simple volonté de la personne qui la demande, la mort provoquée implique un tiers soignant, sans que son intervention soit pourtant nécessaire pour l’injection mortelle. Il convient de s’interroger sur les effets psychologiques d’un tel geste pour le tiers impliqué. Ne court-il pas un risque accru de troubles post-traumatiques ou de dépression ?
    Dans un communiqué de presse paru le 6 mai 2025, l’Académie nationale de médecine appelle à établir une distinction ferme entre euthanasie et suicide assisté, notamment au motif que « seul le suicide assisté respecte jusqu’au terme l’hésitation et l’incertitude du choix ultime de nombre de patients ». On le sait bien, plusieurs l’ont dit : la volonté des patients est fluctuante.
    L’Académie recommande même, dans son avis, « d’écarter l’euthanasie au regard de sa forte portée morale et symbolique » mais aussi du fait que certains professionnels et membres d’associations de l’accompagnement en fin de vie s’y opposent et redoutent cette pratique.
    De son côté, le Conseil national de l’Ordre des médecins met en exergue la relation de confiance qui lie le médecin au patient, et l’engage à être présent auprès de lui jusqu’à ses derniers moments, à assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, à sauvegarder la dignité du malade et à réconforter son entourage.
    On voit bien que la légalisation de la mort provoquée n’est pas qu’une question individuelle. Telle qu’elle est rédigée, la fin de cet alinéa implique fortement le soignant, alors même que ce n’est pas nécessaire. Cela pose problème.

    M. le président

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    La parole est à M. Vincent Trébuchet, pour soutenir l’amendement no 1998.

    M. Vincent Trébuchet

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    Il est certain qu’autoriser l’euthanasie, ce serait revenir sur 2 500 ans de serment d’Hippocrate. Les médecins le prêtent aujourd’hui de la manière suivante : « Je ne provoquerai jamais la mort. »
    Dans beaucoup de civilisations, l’interdit de tuer a été fondateur. Je voudrais évoquer ici cet héritage. On peut juger que ceux qui nous ont précédés ont été en quelque sorte des conservateurs, qu’ils n’ont pas osé faire les progrès que nous faisons. On peut aussi porter sur eux un autre regard, et se dire que tous ces hommes et femmes ont été, depuis deux millénaires, des gens comme nous, qu’ils ont été confrontés eux aussi à des situations de grande souffrance et qu’ils ont fait le choix de réaffirmer, d’année en année, de génération en génération, ces interdits fondateurs et qui garantissent notre vivre-ensemble.
    Soyons fidèles à ces principes. Je vous y engage : continuons à renouveler ces interdits porteurs d’une véritable fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    L’amendement no 2326 de M. Hervé de Lépinau est défendu.
    La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l’amendement no 203.

    Mme Sandrine Dogor-Such

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    Quand un médecin hospitalise un malade, quand il l’opère, son but est de le sauver. Il arrive pourtant que le patient décède, et j’ai rencontré beaucoup de médecins qui m’ont expliqué à quel point cela pouvait être dur pour eux –⁠ vous le savez comme moi.
    Ici, vous voulez faire le contraire. Ce sera très compliqué pour les médecins. L’amendement vise donc à leur garantir qu’ils n’auront pas à violer le serment qu’ils ont prononcé au début de leurs études.
    Je m’inquiète pour les futurs médecins : allons-nous leur dire qu’ils sont là pour soigner, certes, mais aussi pour provoquer la mort ?

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Oh là là !

    Mme Sandrine Dogor-Such

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    Cet amendement vise à donc à protéger la clause de conscience des médecins. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 837.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Il s’agit ici encore d’un amendement de repli, en désespoir de cause. Il consiste à retirer les infirmiers du texte.
    J’invite l’ensemble de nos collègues à bien examiner ce qui se joue à la fin de cet alinéa 6 : un médecin ou un infirmier pourront administrer la substance létale, c’est-à-dire mortelle.
    Il me semble important de distinguer deux termes, qui sont proches mais pas complètement synonymes : mourir et tuer, ce n’est pas exactement la même chose. Mourir, c’est quelque chose qui est omniprésent, en particulier dans le monde médical. Tout soignant est confronté à la mort tout au long de sa carrière, c’est un fait naturel.
    Tuer, c’est-à-dire provoquer, accélérer la mort, c’est autre chose. Si cette loi est adoptée, il y aura demain en France des médecins ou des infirmiers qui provoqueront la mort de Françaises et de Français. (Mme Élise Leboucher s’exclame.) Ils tueront.
    Il ne faut pas se voiler la face : ce texte prévoit que, demain, des malades pourront être tués par des médecins ou des infirmiers.

    Mme Danielle Simonnet

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    C’est déjà le cas !

    M. le président

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    La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 2104.

    M. Hadrien Clouet

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    Au risque de déranger les autres orateurs, je défends un amendement qui vise, au contraire des leurs, à étendre les libertés publiques et à accroître les droits fondamentaux.
    Ce sera sans doute la seule fois que nos amendements se trouveront en discussion commune avec ceux de collègues dont les analyses sont diamétralement opposées aux nôtres : nous voulons tous intervenir au même endroit du texte.
    Nous proposons, nous, de rappeler une position qui a été plusieurs fois majoritaire au sein de la commission des affaires sociales : le principe de liberté quant aux modalités d’administration de la substance létale.
    Principe de liberté ne veut dire ni anarchie, ni chaos ; cela veut dire que, si l’on estime que l’individu est libre de décider de sa fin, alors par cohérence il doit être libre d’en décider le moyen.
    Le choix entre l’auto-administration et l’administration par un tiers –⁠ un soignant, volontaire puisqu’il existe une clause de conscience, et non pas le premier venu que l’on aurait trouvé dans la rue – doit revenir à celui ou celle dont c’est le dernier acte. C’est à la personne qui exerce son droit à mourir qu’il revient de choisir qui lui administre la substance létale : elle-même, ou une personne qualifiée pour le faire.
    Sinon, nous restreindrions la liberté en fonction des capacités. C’est d’ailleurs le sens de l’amendement du Gouvernement, no 2650, auquel nous nous opposons vivement. La liberté humaine ne doit jamais être une histoire de capacités : c’est un principe de base de la République et des droits fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) L’individu doit pouvoir opérer ce choix indépendamment de son destin biologique et de ses capacités physiques immédiates.
    Soit nous rétablissons le principe de libre choix du mode d’administration, soit il y aura demain un risque que des personnes soient réduites à leur état physique ou biologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Océane Godard, pour soutenir l’amendement no 382.

    Mme Océane Godard

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    Grâce à l’adoption d’un amendement en commission des affaires sociales, l’administration par un médecin ou un infirmier dans le seul cas où la personne était « en incapacité physique de procéder à une auto-administration de la substance létale » a été supprimée. Cet amendement de clarification précise que la personne demandant une aide à mourir choisit pleinement le mode d’administration de la substance létale : auto-administration ou administration par un médecin ou un infirmier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)

    M. le président

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    Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.
    La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 2650.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    J’ai évoqué cet amendement dès la discussion générale, car il représente pour le gouvernement un point crucial.
    Il est consubstantiel à l’idée même d’autonomie et de liberté du patient de demander et donc de réaliser l’acte qu’il a lui-même choisi. Ce principe figurait dans le projet de loi d’origine, ainsi que dans la proposition de loi telle qu’elle a été déposée par le rapporteur général.
    Ce dernier acte doit à notre sens appartenir à l’individu. C’est son ultime libre choix, et nous voulons respecter son autonomie. Cela permet aussi de garantir qu’il s’agit là d’un acte personnel, et donc de répondre à celles et ceux qui s’interrogent sur le discernement du patient.
    Le principe est celui de la solidarité : le patient qui s’auto-administre la substance létale est accompagné d’un soignant, à même d’intervenir si le moindre problème se présente. C’est une garantie pour l’un comme pour l’autre : la clause de conscience du soignant est respectée, puisqu’il accompagne, mais que le geste est effectué par le patient, tandis que celui-ci n’est jamais abandonné, mais accompagné et surveillé jusqu’au bout.
    Dès lors, le principe doit être l’auto-administration, et l’intervention du soignant l’exception, justifiée par l’incapacité physique.
    Monsieur Clouet, nous ne restreignons pas la liberté du patient : s’il ne peut pas s’administrer le produit, alors il pourra demander à un soignant de le faire. Mais cela doit être pour nous l’exception –⁠ c’est là que nos lectures diffèrent.
    Je considère, moi, que nous parlons d’un acte de souveraineté que chacun accomplit sur sa propre existence, en cohérence avec le principe fondamental du droit au respect de l’autonomie et du consentement libre et éclairé. C’est la démarche cruciale d’un patient qui a été déclaré éligible et dont personne n’oublie qu’il est en fin de vie, que ses souffrances sont réfractaires et qu’il a décidé qu’il ne voulait pas aller plus loin.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir le sous-amendement no 2675.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Cet amendement a été déposé récemment, c’est intéressant de le noter pour mieux comprendre la dynamique de nos débats.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Mais pas du tout ! J’en ai parlé dès la discussion générale !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Il ne me convainc pas. C’est même à mon sens un amendement d’affichage.
    Sa formulation est floue ; la terminologie employée ne devrait pas avoir sa place dans un texte de loi. Elle est aussi sujette à interprétation. Que veut dire « être en mesure », ou pas ? C’est très subjectif. Soucieux, une fois encore, de choisir le moindre mal, je propose de raccourcir et de simplifier en utilisant le verbe « pouvoir », un peu plus clair, et qui renvoie à un peu plus de jurisprudence.
    Madame la ministre, si vous vouliez marquer très clairement une hiérarchie entre l’auto-administration et l’administration par un tiers –⁠ médecin ou infirmier –, il faudrait créer une seconde procédure distincte, en créant un nouvel alinéa, voire un nouvel article. Il serait ainsi plus clair que c’est seulement en ultime recours que le geste sera effectué par le médecin ou l’infirmier.
    Je pense, à vrai dire, que tout cela ne sera pas très opérant.

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisabeth de Maistre, pour soutenir l’amendement no 118.

    Mme Élisabeth de Maistre

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    Cet amendement de M. Le Fur vise à protéger les personnels soignants.

    M. le président

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    La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 201.

    Mme Josiane Corneloup

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    Le choix entre auto-administration du produit létal et administration par un médecin ou un infirmier ne peut pas être laissé à la libre appréciation de la personne ; il doit être dicté par sa capacité physique à s’auto-administrer le produit. Nous devrions revenir à la version initiale du texte, qui prévoyait le recours à un tiers, médecin ou infirmier, seulement si la personne n’était pas physiquement capable de s’administrer elle-même la substance.

    Mme Christine Pirès Beaune

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    Quid des raisons psychologiques ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l’amendement no 283.

    Mme Annie Vidal

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    Par cet amendement de ma collègue Pouzyreff, nous proposons de revenir à la formulation initiale. Lorsque nous avons examiné les dispositions relatives aux directives anticipées, nous sommes revenus sur l’un des critères essentiels : le consentement libre et éclairé de la personne. Par ailleurs, le principe d’auto-administration de la substance létale et le caractère exceptionnel de l’administration par un tiers ont été abandonnés en commission des affaires sociales. Cela me gêne d’autant plus que ces changements interviennent très tôt dans nos travaux.
    Même si j’entends vos arguments selon lesquels nous n’avons pas à parler de ce qui ne figure pas dans la proposition de loi, deux points essentiels sont bousculés ou sur le point de l’être, alors que nous n’en sommes qu’à l’article 2, qui définit l’aide à mourir.
    Je tiens à exprimer mes craintes, non pas sur le texte lui-même –⁠ je suis persuadée que les rapporteurs feront tout pour en préserver l’équilibre –, mais sur ce qui pourrait se passer après. Certains ont affirmé à plusieurs reprises en commission des affaires sociales que ce texte était une première étape. Je ne peux pas m’empêcher de penser à la vidéo d’un éminent collègue, pour lequel j’ai beaucoup d’estime, qui a été diffusée sur les réseaux sociaux, dans laquelle il dit : mettons le pied dans la porte, nous y reviendrons l’année prochaine et les années suivantes pour étendre ce droit.

    M. Thibault Bazin

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    Il annonce les propositions de loi suivantes !

    Mme Annie Vidal

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    Soyons très prudents et garantissons ce que nous pouvons garantir aujourd’hui : l’auto-administration.

    M. le président

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    L’amendement no 498 de Mme Marie-France Lorho est défendu.
    La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 515.

    Mme Justine Gruet

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    Le rapporteur a évoqué un texte équilibré. Outre le fait que nous n’ayons malheureusement pas réussi à insérer le mot « active » dans la définition de l’aide à mourir, alors que nous n’en sommes qu’au début de l’examen de l’article 2, j’ai déjà identifié deux points de bascule : l’aide à mourir a été catégorisée comme un soin et le caractère exceptionnel de l’administration par un tiers a été abandonné.
    L’euthanasie doit rester l’exception –⁠ c’était d’ailleurs la volonté exprimée dans le projet de loi l’année dernière et dans le texte déposé par M. le rapporteur.
    La rédaction actuelle n’offre pas la garantie suffisante que cette lourde responsabilité puisse ne jamais incomber à un tiers si la personne elle-même est capable de s’administrer la substance létale. Par cet amendement, nous proposons d’insérer les mots : « lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder ». La rédaction proposée vise à préserver d’un choc psychologique post-traumatique la personne ayant fait le geste, qu’il s’agisse d’un médecin ou d’un infirmier, lorsque la personne est capable de le faire elle-même. Rappelons que le pronostic vital n’est pas nécessairement engagé à court terme et qu’il peut encore y avoir une offre thérapeutique à proposer à ces patients.
    Cela permettrait également d’éviter aux proches qui auraient été témoin de l’aide à mourir de ressentir un sentiment de culpabilité. Si le patient est en capacité d’accomplir le geste létal et le fait lui-même, il aura pris ses responsabilités jusqu’au bout.

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement no 863.

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

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    Comme le montre le nombre d’amendements qui s’y rapportent, le recours à l’auto-administration ou à l’administration par un tiers, notamment par les soignants, est l’un des sujets sensibles du texte. J’ai un léger désaccord avec M. le rapporteur. Selon lui, hormis la prise en compte de directives anticipées, l’idée que les débats compromettraient l’équilibre du texte ne serait finalement que de la mousse. En l’occurrence, je ne pense pas que ce soit le cas ; il s’agit d’un sujet de fond.
    Le texte que nous examinons aujourd’hui est issu d’une longue réflexion collective. Depuis deux ans, dans notre recherche d’un modèle à la française, aux différentes étapes, nous avons toujours pris soin de nous en tenir à une auto-administration et de récuser l’administration par un tiers. Le CCNE avait été très prudent sur cette question. Une grande partie des organisations qui représentent les soignants ont toujours dit qu’ils se méfiaient de la responsabilité qu’on pourrait leur confier en s’appuyant sur eux pour procéder au geste létal.
    Même si je ne reprendrai pas à mon compte l’expression « rompt cet équilibre » –⁠ cela n’a pas de sens –, l’amendement adopté en commission, en revenant sur ce principe, ajoute un élément qui n’était pas dans le texte initial –⁠ cela n’avait pas lieu d’y figurer compte tenu de notre cheminement. Cette disposition mérite d’être supprimée pour qu’on aboutisse à un texte qui, sans forcément faire consensus –⁠ il n’est plus question des soins palliatifs –, puisse trouver une majorité dans cet hémicycle.

    M. le président

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    La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l’amendement no 979.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

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    L’adoption en commission d’un amendement qui substitue à l’auto-administration comme principe le libre choix de la personne entre auto-administration et administration par un tiers rompt l’équilibre du texte. Comme l’a dit M. Valletoux, le choix de l’auto-administration est le fruit de l’écoute des soignants dans la construction de ce texte. Beaucoup d’entre eux sont prêts à accompagner jusqu’au bout leurs patients, y compris dans le cadre d’une aide à mourir, à condition qu’on ne leur demande pas d’effectuer le geste létal.
    Le sondage publié dimanche dernier est très éclairant quant au chemin parcouru par les professionnels de santé : 71 % du corps médical pense que l’aide à mourir est compatible avec les soins palliatifs, 70 % des médecins pensent qu’elle est acceptable au même titre que la sédation profonde et continue jusqu’au décès, et 73 % souhaitent accompagner leurs patients jusqu’au bout sans rôle actif –⁠ j’insiste sur ce dernier point.
    L’auto-administration doit être la règle : puisque nous souhaitons que l’aide à mourir puisse avoir lieu à domicile, les malades doivent pouvoir être accompagnés par leur médecin traitant –⁠ nous devons préserver cette possibilité.
    Cette modification rompt l’équilibre entre l’autonomie du malade et la solidarité de l’accompagnement par le médecin. Et puis, M. Charles Sitzenstuhl a souligné la différence entre tuer et mourir. Je soumets à son attention la fin de l’article 4 de la loi Claeys-Leonetti : « Le médecin met en place l’ensemble des traitements analgésiques et sédatifs […] même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie ».

    M. le président

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    La parole est à M. Thomas Ménagé, pour soutenir l’amendement no 1048.

    M. Thomas Ménagé

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    Je soutiens bien entendu le retour à un texte équilibré –⁠ nous pouvons formuler les choses ainsi. Ce texte crée une nouvelle liberté, mais cela reste un choix personnel qui doit impliquer le moins de personnes possible. Si la personne qui est en capacité physique de faire ce geste n’est pas en capacité de le faire d’un point de vue psychologique, cela signifie sans doute que son choix n’est pas totalement éclairé et qu’elle n’est pas certaine de vouloir mourir au moment où elle en formule la demande.

    Mme Danielle Simonnet

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    Extrapolation !

    M. Thomas Ménagé

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    L’amendement vise aussi à protéger les soignants. Comme l’a bien souligné notre collègue Firmin Le Bodo, en majorité, ces derniers ne souhaitent pas accomplir le geste, qui est susceptible d’avoir sur eux un impact psychologique. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.) Nous le savons, il y a un mal-être chez les soignants. Les infirmières ne restent en moyenne que sept ans dans la profession. La désertification médicale frappe chacun de nos territoires. En dépit de la clause de conscience, dans les territoires où les médecins et les infirmiers sont peu nombreux, par empathie pour la personne qui le leur demande, il leur sera parfois difficile de refuser d’accomplir ce geste.
    Enfin, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, nous avons évoqué précédemment la domotique –⁠ mon collègue Juvin avait abordé le sujet et je l’avais soutenu. On est en 2025. Même si, je l’espère, l’euthanasie et le suicide assisté resteront exceptionnels, afin de protéger nos professionnels de santé, j’aimerais que nous réfléchissions dès aujourd’hui à la possibilité d’enclencher l’administration de la substance létale par des moyens domotiques pour les patients qui ne sont pas en capacité de le faire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1599.

    M. Thibault Bazin

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    En rétablissant la rédaction originelle de l’alinéa, considérant que l’euthanasie doit rester une exception, cet amendement identique au précédent vise à revenir sur une des dérives survenues en commission des affaires sociales il y a quinze jours.
    Lors de votre audition devant la commission des affaires sociales précédant la première lecture du présent texte, vous aviez rappelé, madame la ministre, qu’il s’agissait de répondre à « quelques situations, probablement rares mais bien réelles ».
    Or, de la suppression de la disposition qui conditionnait le recours à l’euthanasie aux situations d’incapacité physique du malade naît une ambiguïté qu’il convient de lever : s’agit-il de formaliser un ultime recours dans des situations exceptionnelles, avec des critères prétendument très stricts, ou bien de créer un nouveau droit largement accessible ? La proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, reste très floue, ambiguë et peu intelligible. Elle pourrait embrasser de très nombreuses situations, bien au-delà de ce qu’on nous avait fait croire.
    J’apprécie le fait que le gouvernement ait déposé un amendement pour revenir sur une des dérives opérées en commission. Beaucoup ont évoqué l’équilibre du texte. Cet équilibre apparaît très fluctuant : le texte a beaucoup évolué depuis un an. En commission spéciale, nous avions élargi les critères. Lors de l’examen du projet de loi en séance publique l’année dernière, nous avions prévu que des souffrances psychologiques réfractaires isolées suffiraient. En 2025, nous avons adopté en commission un amendement précisant que la mort intervenue en application de la présente proposition de loi serait considérée comme une mort naturelle.
    Vous recherchez un équilibre apparent –⁠ aux yeux de la majorité –, toutefois je m’interroge : avec tous ces amendements qui reviennent sur son équilibre, le texte est-il si équilibré que cela ? Et d’ailleurs, quelle est la nature de cet équilibre ? S’agit-il d’un équilibre entre la vulnérabilité et l’autonomie ? Dans l’alinéa 6, la liberté va très loin : on fait primer très largement l’autonomie du patient, sauf qu’elle implique ici un soignant qui, lui, devra vivre avec cet acte. À mon sens, nous devons faire primer l’éthique de la vulnérabilité de la personne qui restera.

    M. le président

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    La parole est à Mme Nathalie Colin-Oesterlé, pour soutenir l’amendement no 1811.

    Mme Nathalie Colin-Oesterlé

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    Le texte modifié par la commission prévoit le libre choix de la personne entre l’auto-administration et l’administration par un tiers. L’amendement vise à rétablir l’euthanasie comme l’exception, l’auto-administration de la substance létale devant demeurer la règle. Il convient de préserver l’équilibre entre la liberté du patient et celle du soignant, notamment du médecin traitant, qui souhaite accompagner ses patients jusqu’à la fin mais sans avoir à faire le geste.
    L’exemple de l’État de l’Oregon est éloquent : près de 40 % des personnes qui ont obtenu la dose létale choisissent finalement de ne pas l’ingérer. C’est la preuve qu’entre la demande initiale et le geste définitif, le temps peut parfois laisser place au doute et à la résilience. Chers collègues, revenons à l’équilibre initial du texte. L’auto-administration doit être la règle, l’administration par un tiers, l’exception, limitée à la stricte incapacité physique du patient. C’est une ligne rouge pour beaucoup d’entre nous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    L’amendement no 2348 de M. Julien Odoul est défendu.
    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir les amendements nos 846 et 1399, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Patrick Hetzel

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    Nous proposons de rétablir les dispositions prévues par la version initiale du texte, selon lesquelles le suicide assisté est la règle et l’euthanasie l’exception.

    M. le président

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    Nous sommes arrivés au terme de cette longue discussion commune.
    Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 2496, par le groupe Droite républicaine ; sur les amendements no 13 et identiques, par les groupes Rassemblement national et UDR ; sur l’amendement no 382, par le groupe Socialistes et apparentés ; et sur les amendements nos 2650 et identiques, par les groupes Rassemblement national, Droite républicaine et Horizons & indépendants.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Je salue l’arrivée de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui suit nos débats et a pu constater qu’ils font honneur à l’Assemblée nationale : nous pouvons être collectivement fiers, en tout cas à ce stade de la discussion. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN, EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Oui, on peut s’applaudir. On ne dit pas toujours du bien de nous, autant nous le dire nous-mêmes, ça ne fait pas de mal ! (Sourires.) Les échos que je reçois de la part de nos concitoyens sont d’ailleurs positifs, qu’ils soient favorables ou opposés au texte : ils apprécient que des députés se prononcent en conscience et non selon des postures ou des consignes. Nous donnons le meilleur de l’image de l’Assemblée nationale, nous avons tous à y gagner et je m’en réjouis.
    Une fois n’est pas coutume, madame la ministre, nous sommes en désaccord sur un point. Autant je serai très heureux de soutenir de toutes mes forces l’amendement que vous proposerez un peu plus tard pour inscrire dans ce texte la définition de la phase avancée, autant je suis en désaccord avec vous sur le sujet qui nous intéresse maintenant. Je vais d’abord m’efforcer d’être cohérent : j’ai dit que le vote en commission de l’amendement visant au libre choix entre autoadministration et recours à un soignant ne bouleversait pas l’équilibre du texte ; revenir à l’écriture précédente ne le bouleverserait donc pas non plus. Cela va de soi !
    En revanche, je récuse totalement le terme de dérive. Tâchons de revenir à ce que permet concrètement cet amendement que je soutiens, d’abord parce qu’il a été voté très largement par la commission des affaires sociales –⁠ ce n’est pas négligeable – (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ M. Nicolas Turquois applaudit également) et ensuite parce que je lui trouve des vertus. Tout d’abord, il ne bouleverse pas l’équilibre du texte. Chacun en conviendra, le fait d’ouvrir le libre choix n’élargira en aucun cas le nombre de personnes éligibles au droit à l’aide à mourir.

    Mme Christine Pirès Beaune

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    Exactement !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    C’est une évidence : le libre choix n’augmentera ni ne diminuera le nombre de malades éligibles. Pour employer un terme que je n’aime pas mais que j’ai entendu, cette mesure ne contribue pas à faire « déborder » le texte de son équilibre.
    De plus, cet amendement du libre choix n’a pas introduit l’administration de la substance létale par un tiers, déjà présente dans le texte initial. Lors du débat qui a eu lieu l’an dernier, l’Assemblée nationale, dans sa grande sagesse et dans une recherche d’équilibre, a d’ailleurs supprimé une mesure du texte initial, celle qui permettait à une tierce personne non soignante de réaliser le geste létal. Nous avons conservé uniquement le recours au médecin ou à l’infirmier.
    Quand on envisage la réalité et les aspects pratiques de la situation, on peut penser que le libre choix n’aura pas tant de conséquences que notre débat –⁠ un peu théorique à mon goût – pourrait le laisser supposer. En effet, même selon la rédaction initiale, le malade qui aurait obtenu le droit à l’aide à mourir bénéficierait obligatoirement, dans tous les cas de figure, qu’il soit ou non en mesure de réaliser le geste, de la présence à ses côtés d’un médecin ou d’un infirmier qui n’aurait pas fait valoir sa clause de conscience et qui adhère au principe de l’aide à mourir. Le libre choix ne change finalement pas grand-chose –⁠ c’est ce qui m’a convaincu de soutenir l’amendement en commission –, si ce n’est un point important à mes yeux : on n’ajoute pas de l’angoisse à la souffrance. (Mme Danielle Simonnet et M. Arthur Delaporte applaudissent.)
    Je le répète : dans les deux cas de figure –⁠ autoadministration et recours à un soignant ––, le médecin ou l’infirmier sera présent et adhérera au processus de l’aide à mourir. Le libre choix ne modifiera pas le nombre de médecins qui n’adhéreront pas au principe de l’aide à mourir ou le rejetteront, puisqu’ils y adhèrent ou non d’un point de vue philosophique.
    En revanche, si nous remettons en cause le libre choix, je redoute des situations où au dernier moment –⁠ et je rappelle que la réitération de la volonté se fera jusqu’au dernier instant –, un malade qui aura pourtant confirmé et réitéré à son médecin sa demande d’aide à mourir ne soit pas en mesure de s’administrer la substance, pour des raisons diverses –⁠ l’angoisse ou le stress – et alors qu’il n’a pas renoncé à sa volonté exprimée oralement.
    Que fera le médecin si le malade, au dernier moment, se trouve dans une situation de stress et d’angoisse qui ne lui permet pas de réaliser le geste alors qu’il a réitéré sa volonté ? C’est cette situation –⁠ et rien d’autre – qui me préoccupe et m’amène finalement à défendre le libre choix qui me semble nécessaire et conforme à la logique que nous défendons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR. –⁠ MM. Michel Lauzzana et Nicolas Turquois applaudissent également.)
    C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur l’ensemble des amendements, même ceux qui visent à compléter le libre choix. La rédaction actuelle, adoptée par la commission des affaires sociales, me convient.
    Enfin, et ce n’est pas le moindre argument, j’ai encore entendu hier la présidente de la Convention citoyenne sur la fin de vie, Claire Thoury, affirmer que le principe du libre choix était un point crucial pour la Convention citoyenne. Elle considère que le libre choix est un des points sur lesquels l’exigence des conventionnels a été forte. On ne peut à la fois saluer le travail remarquable de la Convention citoyenne –⁠ tout le monde en convient – et ne pas prendre en compte cette volonté très majoritaire –⁠ à plus de 76 % – en faveur d’une loi qui ouvre un droit et qui doit permettre le libre choix. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. –⁠ Mmes Stella Dupont et Danielle Simonnet applaudissent également.)

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Vous l’avez compris, nous avons avec votre rapporteur général une lecture différente sur la question du libre choix. Comme ce dernier l’a rappelé, la proposition de loi qu’il a déposée a repris en grande partie les résultats de nos travaux de l’an dernier, qui avaient d’ailleurs retenu l’autoadministration comme principe et fait du recours au soignant l’exception, lorsque le patient n’est pas en mesure de réaliser l’acte lui-même.
    En défendant son amendement, le président de la commission des affaires sociales a rappelé notre volonté de bâtir une aide à mourir à la française, dans la continuité de la loi Claeys-Leonetti de 2016 qui a autorisé la sédation profonde et continue. Pour les patients aux attentes de qui la loi ne permet pas de répondre, nous travaillons à la création d’un dispositif supplémentaire : c’est le sens de ce texte.
    Dans son propos, le président de la commission des affaires sociales a également rappelé que la proposition de loi de M. Falorni prévoit, même en cas d’autoadministration, la présence aux côtés du patient d’un personnel soignant qui veille sur lui. Vous évoquiez il y a un instant, monsieur le rapporteur général, l’angoisse du patient ; je veux y ajouter l’angoisse du soignant. Une partie de la communauté des soignants a d’ailleurs déclaré vouloir bénéficier d’une clause de conscience et ne pas accepter d’administrer le produit. Par conséquent, ces soignants demanderont à d’autres d’intervenir à leur place. Il convient de prendre en compte cet élément important.
    Comme je le disais en défendant l’amendement du gouvernement, dès lors que le patient s’autoadministre la substance létale, le soignant est présent pour l’accompagner mais ne fait pas lui-même le geste létal. Ce point est important : accomplir elle-même l’acte létal, c’est, pour la personne qui en fait la demande, réaliser sa volonté jusqu’au moment de l’exécution ; disposer de la présence d’un professionnel, c’est la certitude qu’il sera bien réalisé. L’autoadministration par le patient est l’expression de son discernement et de sa volonté, qui fondent l’équilibre du texte que nous examinons.
    Néanmoins, nous ne pouvons oublier les patients qui ne sont pas en mesure de procéder à l’autoadministration. C’est pourquoi le recours au personnel soignant est possible, par exception. Peut-être, monsieur le rapporteur général, pouvons-nous nous rejoindre sur un point. En effet, lorsque le patient a indiqué sa volonté de s’autoadministrer le produit mais qu’au moment de le boire ou de se l’injecter, il n’est plus en mesure de le faire, un accompagnement par le médecin ou l’infirmier est probablement nécessaire. En nous écoutant les uns les autres, peut-être avons-nous la possibilité d’avancer ensemble.
    En tout cas, le principe de l’autoadministration demeure pour moi l’élément ultime du discernement et de la volonté du patient. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable aux amendements identiques à l’amendement no 2650.
    J’en viens au sous-amendement de M. Sitzenstuhl. Vous avez fait remarquer, monsieur le député, que l’amendement du gouvernement avait été déposé tardivement. Vous aurez sans doute constaté que le texte issu de la commission avait été modifié en séance et qu’une semaine s’est écoulée entre les deux. On ne peut donc pas parler d’un dépôt tardif. De plus, dès lundi, j’ai expliqué la volonté du gouvernement de rétablir le principe de l’autoadministration. Enfin, je ne sais pas si votre sous-amendement propose une rédaction plus efficace que celui du gouvernement. Aussi émettrai-je un avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

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    Pour compléter les propos des différents orateurs, de M. le rapporteur général et de Mme la ministre, n’oublions pas une chose qu’expriment fortement les soignants : introduire le libre choix vient perturber la hiérarchie du système que nous construisons, à savoir que les soins palliatifs sont la règle commune et l’aide à mourir l’exception. Tout l’enseignement de la médecine se fait autour du soin et de l’accompagnement plus que de l’aide à mourir, qui est d’ailleurs proscrite par le code de déontologie des médecins.
    Or en l’état, l’article mettrait tous les médecins, par défaut et sauf exercice de la clause de conscience, face à l’acte de mort. Nous devons faire droit à cette préoccupation des médecins. La position des soignants est constante sur ce point : ils nous appellent à ne pas entrer dans un tel système.

    Mme Christine Pirès Beaune

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    Lisez le dernier sondage Ifop !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

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    Les soins palliatifs doivent rester la règle et l’aide à mourir l’exception, même s’il faut bien sûr accompagner les malades dans cette situation.

    M. le président

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    La parole est à Mme Élise Leboucher.

    Mme Élise Leboucher

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    Nous nous opposerons à tous ces amendements sauf à l’amendement no 2104 de M. Clouet. La rédaction actuelle nous convient. Nous considérons que revenir au principe d’autoadministration avec exception d’administration par un professionnel de santé entraverait le libre choix du patient. Laisser le choix à la personne éligible revient à reconnaître son libre arbitre jusqu’au bout, peu importe sa capacité physique à effectuer le geste létal. Cela permet de rassurer des personnes vivant une situation déjà très difficile et de privilégier la procédure qui engendre le moins de souffrance pour elles, ce qui est un facteur de sérénité tant pour la personne elle-même que pour le soignant.
    La Convention citoyenne a d’ailleurs appelé de ses vœux ce modèle mixte mêlant l’autoadministration à l’administration avec assistance. Les conventionnels ont plébiscité la solution consistant à proposer indifféremment les deux options. Ne faisons pas semblant d’oublier que les soignants disposeront d’une clause de conscience. Cette disposition ne bouscule pas l’équilibre du texte, car elle n’augmente en rien le nombre de personnes éligibles à l’aide à mourir.
    Quant au sondage Ifop, chacun fait dire aux chiffres ce qui l’arrange. Il est vrai que 73 % des soignants sont prêts à accompagner cette démarche sans y jouer de rôle actif, mais 58 % sont prêts à accepter d’y participer activement –⁠ proportion qui ne manquera pas d’augmenter lorsque ce droit existera et que la pratique se démocratisera. En outre, au-delà de la question de leur propre participation, 68 % des soignants se déclarent favorables à l’administration par un tiers et 60 % favorables à l’autoadministration. Cette lecture du sondage peut nous conduire à repousser les amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à M. Yannick Monnet.

    M. Yannick Monnet

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    Je suis opposé à l’amendement du gouvernement et aux amendements identiques. Je fais partie de ceux qui souhaitent faire de l’aide à mourir un droit d’exception, ce qui implique d’en faire un droit –⁠ j’ai d’ailleurs fait adopter en commission un amendement en ce sens. Or ces amendements créeraient une rupture dans l’accès à ce droit ; les personnes éligibles pourraient y avoir accès ou non selon leur état moral. S’ils sont adoptés, nous voterons une loi pour les forts.

    Mme Christine Pirès Beaune

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    Eh oui !

    M. Yannick Monnet

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    Parmi les personnes satisfaisant à tous les critères, celles qui ont la force morale de s’injecter une substance létale pourront bénéficier de l’aide à mourir mais non les autres.

    Mme Christine Pirès Beaune

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    Exactement ! Elles ne seront plus libres !

    M. Yannick Monnet

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    C’est en cela que vos amendements me posent un problème. S’ils sont adoptés, nous ne pourrons plus parler de droit à l’aide à mourir. Le texte deviendra une loi sur le suicide assisté avec exception d’euthanasie ; son message, pour le résumer un peu vulgairement, deviendra « d’accord pour la fin de vie, mais débrouillez-vous ». Tel est le sens qu’ont à mes yeux vos amendements, c’est pourquoi j’y suis profondément opposé. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et SOC et sur quelques bancs du groupe EPR. –⁠ Mme Stella Dupont applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Delautrette.

    M. Stéphane Delautrette

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    Nous nous opposerons à ces amendements visant à repartir en arrière et à revenir sur les travaux de la Convention citoyenne. Je crois utile de rappeler que cette dernière s’était prononcée pour la liberté de choix dans le mode d’administration de la substance létale.
    Madame la ministre, depuis le début de l’examen du texte, vous n’avez eu de cesse de parler de liberté : liberté de choix du patient, liberté de choix du professionnel de santé. Celle du professionnel de santé est protégée par la clause de conscience. Celle du patient ne consiste pas seulement à recourir à l’aide à mourir, mais aussi à décider des conditions dans lesquelles il la reçoit. Quand bien même nous voulons construire un modèle à la française, il est bon de rappeler que la très grande majorité des pays européens ayant produit une telle loi ont laissé à la personne malade le choix du mode d’administration.
    Par ailleurs, il ne faut pas confondre l’autonomie décisionnelle et la décision fonctionnelle. M. le rapporteur général l’a rappelé, il peut arriver qu’une personne disposant de toutes ses facultés et continuant d’affirmer sa volonté de mourir éprouve des difficultés à effectuer elle-même ce geste.
    Enfin, Mme la ministre a évoqué l’angoisse du soignant, mais il me semble que celle-ci peut aussi venir de l’incertitude. Il est angoissant pour un soignant de se dire que si, au dernier moment, le patient n’arrive pas à accomplir le geste, c’est lui qui devra remplir ce rôle. Je pense que le soignant, comme le patient, se prépare psychologiquement à cet événement et qu’il est rassurant pour lui de savoir à l’avance dans quelles conditions il se déroulera. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS. –M. Louis Boyard et Mme Stella Dupont applaudissent également.) Cela vaut mieux que de devoir endosser cette responsabilité à l’improviste, en dernière minute, face à un patient dans l’angoisse ; la conjonction d’un patient tétanisé et d’un médecin lui-même susceptible de paniquer pourrait provoquer des situations dramatiques.
    Pour toutes ces raisons, je crois que nous devons conserver le principe du libre choix du patient. Nous soutiendrons l’amendement no 382 de Mme Godard. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.

    Mme Nicole Dubré-Chirat

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    Au cours des années que nous avons passées à préparer ce texte, la position de chacun a évolué : celle des citoyens, dont 75 % sont désormais favorables à l’aide à mourir, celle des patients souhaitant engager une démarche volontaire d’aide à mourir et celle des soignants qui accompagnent les malades souffrant d’une pathologie grave et incurable. Ainsi, 58 % des médecins se disent désormais prêts à accompagner l’aide à mourir. Il en va de même de beaucoup de personnels paramédicaux, notamment d’infirmières, qui nous disent être prêts à accompagner les patients jusqu’au bout. Les professionnels qui ne le souhaitent pas n’y seront pas obligés : ils pourront faire valoir leur clause de conscience. (Mmes Christine Pirès Beaune et Sandrine Rousseau et M. Aurélien Le Coq applaudissent.) L’ensemble de la société ayant évolué, nous ne saurions revenir sur une rédaction, votée en commission par voie d’amendement, qui laisse au patient le choix du mode d’administration et au soignant la possibilité de refuser son concours.
    Je précise que le code de déontologie des médecins et celui des infirmières seront modifiés, une fois le texte voté, afin de protéger tous les soignants qui aideront un patient à mourir. Le principe du libre choix du patient, d’ailleurs, est cohérent avec la terminologie d’aide à mourir, alors que l’autoadministration comme seule méthode possible relèverait plutôt du suicide assisté. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, LFI-NFP et SOC. –⁠ Mme Brigitte Liso, rapporteure, applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.

    Mme Sandrine Dogor-Such

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    Je remercie M. le rapporteur général pour ses propos et me joins à lui pour saluer la bonne tenue du débat. Je remercie également M. Valletoux pour la manière dont il a présidé nos débats en commission des affaires sociales. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, EPR, DR et HOR. –⁠ Mmes Ayda Hadizadeh et Brigitte Liso, rapporteure, applaudissent également.)
    Le rejet des amendements nous inquiéterait. Il faut tenir compte des préoccupations des soignants ; or beaucoup nous disent qu’ils ne pratiqueront pas cet acte car ce n’est pas leur métier.

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Il y a la clause de conscience !

    Mme Sandrine Dogor-Such

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    Je précise qu’il n’existe aucun pays dans lequel plus de 2 % des médecins acceptent d’y participer. Au Canada, seuls 1,8 % d’entre eux le pratiquent, alors que 70 % s’y étaient déclarés favorables au départ.
    Avant que nous abordions les articles relatifs à la procédure, j’aimerais adresser à Mme la ministre une question que m’ont posée des soignants et à laquelle je n’ai pas su répondre. Si ces amendements ne sont pas adoptés, que se passera-t-il si l’autoadministration de la substance par le patient n’a pas les suites attendues, par exemple si le malade ne décède pas ou qu’il réagit mal au produit ? Comment le soignant doit-il réagir ? Avez-vous prévu ce cas ? Si le soignant doit intervenir pour assurer le succès de la procédure, nous en serons arrivés à promouvoir le secourisme à l’envers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Danielle Simonnet.

    Mme Danielle Simonnet

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    La proposition de loi vise à instaurer un droit, une liberté –⁠ soumise à des conditions très strictes, heureusement – consistant à pouvoir décider d’éteindre la lumière. Les modalités d’administration de la substance doivent dépendre de la volonté du patient.
    J’invite chacun à aborder le sujet avec humilité et avec humanisme. Quand on arrive à la fin de sa vie et qu’on n’en peut plus, que les souffrances sont insupportables, qu’on est atteint d’une maladie incurable qui ne laisse aucun espoir, et qu’on souhaite mourir parce que la vie qu’on mène n’est plus compatible avec l’idée qu’on a de sa propre dignité, devrait-on en plus être obligé de s’administrer soi-même la mort ? Pourquoi ?
    Le médecin, le personnel soignant qui a accepté d’accompagner la personne dans cette démarche y est prêt. Il sera d’accord. N’imposons pas, en adoptant l’amendement du gouvernement, le retour à l’état de fait dans lequel la personne ne pourra avoir recours à un tiers à moins d’être physiquement incapable d’accomplir elle-même le geste. (MM. Alexis Corbière et Arthur Delaporte applaudissent.)
    Quelle serait la conséquence d’un tel retour en arrière ? Si la personne panique et ne peut réaliser le geste –⁠ ce qui ne remet nullement en cause sa volonté –, le personnel soignant l’aidera, j’en suis persuadée, car être médecin ou infirmière, c’est d’abord être humaniste. Ce faisant, il se mettra dans l’illégalité. Il le fait d’ailleurs déjà ! Trêve d’hypocrisie –⁠ croyez-vous qu’aucun soignant n’aide autrui à mourir ? Si, cela existe, mais dans l’illégalité. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC. –⁠ Mmes Nicole-Dubré-Chirat, Véronique Riotton, Stella Dupont et M. Christophe Marion applaudissent également.) Ce texte va enfin dépénaliser, légaliser ce qui se pratique déjà.
    N’agissons pas hypocritement et garantissons cette ultime liberté. À cette fin, nous voterons contre tous les amendements sauf les amendements nos 2104 et 382 de nos collègues insoumis et socialistes qui réaffirment la nécessité de respecter la volonté de la personne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Nous ferons l’inverse de Mme Simonnet : nous soutiendrons tous les amendements sauf ceux de M. Clouet et de Mme Godard.
    Monsieur le rapporteur général, je reconnais votre perspicacité et votre cohérence, qui sont indubitables. Néanmoins, quand vous affirmez que l’intervention d’un tiers était déjà prévue dans le texte initial, je dois vous faire remarquer qu’elle l’était dans le cadre d’un régime d’exception. Ce caractère exceptionnel, ce n’est d’ailleurs pas nous qui en avons eu l’idée mais le Comité consultatif national d’éthique.
    Il y a une nuance entre la présence d’un tiers et sa participation. La participation elle-même, d’ailleurs, diffère selon qu’elle est nécessaire ou non.

    M. Patrick Hetzel

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    Oui, car elle engage la responsabilité du tiers !

    M. Thibault Bazin

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    Je suis très mal à l’aise de vous entendre invoquer l’argument de l’angoisse qui pourrait être manifestée au dernier moment par le patient. Faut-il vraiment, face à la panique du malade, continuer l’acte ? Ne faut-il pas, au contraire, y voir un signe que sa volonté n’est pas ferme ? La prudence n’exigerait-elle pas plutôt de tout interrompre ? (Mme Brigitte Liso, rapporteure, s’exclame.) Je m’interroge profondément sur ce que signifie cette hésitation du patient et sur le rôle qui revient alors au soignant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes RN, EPR et UDR.)
    Dans une telle situation, la sérénité que cet ultime recours était censé conférer est complètement absente. L’autonomie de la personne n’est pas ici le seul enjeu. Il faut prendre en considération l’impact de cet événement sur le tiers soignant et la vulnérabilité qu’il pourrait entraîner. Ne la négligeons pas ; prenons soin des soignants et de leur potentielle vulnérabilité a posteriori.
    Prudence donc, mes chers collègues, au moment de voter sur ces amendements. En effet, ce qui semble libérer les uns pourrait à terme peser sur les autres. Surtout, nous nous éloignons d’un régime d’exception. Et pour conclure, cette proposition de loi ne répond pas aux mêmes critères que la sédation profonde et continue jusqu’au décès, car le pronostic vital n’est pas engagé à court terme. L’ensemble des personnes concernées n’est pas le même, car la portée de ces dispositions est beaucoup plus large. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe RN ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Turquois.

    M. Nicolas Turquois

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    Nous tâchons ici d’élaborer une loi d’humanité, or en fin de vie, l’humanité, c’est l’accompagnement. Et la possibilité de s’appuyer sur un professionnel de santé est un élément majeur de la qualité de l’accompagnement.
    Je pense qu’une grande part des personnes qui pourraient faire appel à l’aide à mourir seront à quelques jours ou à quelques semaines de l’échéance fatale. Nous avons évoqué de nombreuses situations, mais je voudrais en évoquer une autre, celle de l’un de mes grands-pères. Suivant l’heure de la journée, son état était différent. Le matin, il était relativement en forme, et moi, adolescent, je reprenais espoir, alors même que la cause était entendue ; le soir, il était très éloigné et parfois même absent. Comment évaluerons-nous la capacité d’un patient à s’autoadministrer la substance létale quand son état varie autant au long de la journée ? La façon dont le médecin en a jugé ne conduira-t-elle pas à le mettre en cause sur le plan juridique ? De telles situations ne sont pas toutes blanches ou toutes noires. En outre, le médecin qui n’a pas fait valoir sa clause de conscience sait qu’il est susceptible de contribuer à l’acte final. Je m’oppose aux amendements de réintroduction de l’exception et je suis favorable à la position du rapporteur. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Nathalie Colin-Oesterlé.

    Mme Nathalie Colin-Oesterlé

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    Je rappelle à mes collègues que ce n’est pas parce qu’un amendement a été adopté en commission qu’on ne peut pas en débattre en séance.  Sinon, je ne sais pas bien ce que nous faisons ici ! (Mme Élise Leboucher s’exclame.)
    L’administration par un tiers doit rester une exception liée à l’incapacité physique du patient. Monsieur le rapporteur, je serais bien incapable de dire ce qui différencie l’angoisse au moment ultime du renoncement au dernier moment ou de la résilience. Êtes-vous certain que le renoncement des 40 % de personnes en Oregon qui ne prennent pas la substance létale qui leur a été délivrée soit lié à la seule angoisse ? Je ne sais pas comment vous pouvez l’affirmer. En tout cas, je considère qu’il faut maintenir l’autoadministration comme principe. (M. Dominique Potier applaudit.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 2496.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        141
            Nombre de suffrages exprimés                140
            Majorité absolue                        71
                    Pour l’adoption                57
                    Contre                83

    (L’amendement no 2496 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 13, 117, 517, 754, 1253, 1601 et 1998.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        140
            Nombre de suffrages exprimés                138
            Majorité absolue                        70
                    Pour l’adoption                55
                    Contre                83

    (Les amendements identiques nos 13, 117, 517, 754, 1253, 1601 et 1998 ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements nos 2326, 203, 837 et 2104, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 382.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        144
            Nombre de suffrages exprimés                142
            Majorité absolue                        72
                    Pour l’adoption                46
                    Contre                96

    (L’amendement no 382 n’est pas adopté.)

    (Le sous-amendement no 2675 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 2650, 118, 201, 283, 498, 515, 863, 979, 1048, 1599, 1811 et 2348.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        143
            Nombre de suffrages exprimés                142
            Majorité absolue                        72
                    Pour l’adoption                75
                    Contre                67

    (Les amendements identiques nos 2650, 118, 201, 283, 498, 515, 863, 979, 1048, 1599, 1811 et 2348 sont adoptés ; en conséquence, les amendements nos 846 et 1399 tombent.)
    (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN et sur quelques bancs des groupes
    EPR et UDR.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 1600 et 2488, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1600.

    M. Thibault Bazin

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    Par honnêteté, je dois dire qu’il reprend un amendement de notre collègue Geneviève Darrieussecq, ancienne ministre, qui avait été déposé mais n’a pas été soutenu lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales. En lisant les amendements que nous n’avons pas pu examiner, je l’ai trouvé intéressant et me suis permis de le reprendre en la citant dans l’exposé des motifs. L’article 2 pose la définition de la procédure d’administration d’une substance létale que la proposition de loi tend à légaliser impliquant potentiellement des tiers soignants qui accompagneront la personne et, si elle est dans l’incapacité physique de s’administrer le produit, accompliront l’acte lui-même, comme le prévoit l’amendement no 2650 que nous venons de voter.
    L’amendement no 1600 vise à préciser que le médecin qui administre cette substance doit être « volontaire ». Cette précision fait écho à la clause de conscience prévue par l’article 14. (Brouhaha.) Il est difficile de s’exprimer, parce que personne n’écoute ; mais cela veut sans doute dire que vous êtes tous d’accord. Je vous fais donc confiance et m’en remets à votre sagesse. (Sourires.)

    M. Xavier Breton

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    Très bien !

    M. le président

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    L’amendement no 2488 de M. Jorys Bovet est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Dès lors que la proposition de loi prévoit une clause de conscience pour tous les soignants, ils sont réputés volontaires s’ils ne la font pas valoir. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ces amendements ne tendent qu’à un moindre mal, mais ils sont intéressants car ils permettent de parler de ceux qui ne sont pas toujours évoqués alors qu’ils sont aussi au cœur de ce sujet : les praticiens, c’est-à-dire les médecins et les infirmiers. Certains collègues ont déclaré ou du moins sous-entendu de manière assez claire que le plus important, c’était les malades, ceux de nos concitoyens qui demanderaient l’aide à mourir si cette proposition de loi entre en vigueur. Néanmoins, on ne peut pas mettre de côté les professions médicales. J’aimerais rappeler certaines données pour que tout soit bien clair pour l’ensemble de nos collègues. Il y a à peu près 200 000 médecins et 600 000 infirmiers en France. Faites l’addition : cela fait un peu plus de 800 000 personnes qui, si le texte entre en vigueur, auraient la possibilité juridique –⁠ comme tend à l’établir l’alinéa 7 que nous nous apprêtons à examiner – d’administrer la mort. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
    Tous ne mesurent pas nécessairement cela : certains pensent que cette possibilité ne sera conférée qu’à un nombre très restreint de personnes sélectionnées, alors que la rédaction actuelle du texte donne à près de 800 000 personnes la possibilité juridique de donner la mort. Il me semble donc important que la notion de volontariat soit rappelée.
    Beaucoup de sondages sont utilisés, mais les comparaisons internationales montrent qu’en réalité, le nombre de médecins volontaires pour accomplir ce genre d’actes est très limité. Cela dit aussi beaucoup de choses.

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Madame la rapporteure, j’ai bien écouté votre argumentaire, comme j’ai écouté celui de la ministre, même s’il était un peu succinct. (Sourires.) Je ne comprends pas votre position étant donné le discours tenu depuis le début de l’examen de ce texte sur la liberté –⁠ liberté de la personne qui demande l’administration d’une substance létale et liberté du soignant. En introduisant dans le code de la santé publique une définition, vous insistez sur l’autonomie de la personne, comme vous le faites dans vos réponses aux amendements présentés par différents collègues. Ainsi mentionnez-vous la personne qui demande cet acte, non qui y consent. De la même manière, pourquoi ne pas préciser en écho dans cette définition que le médecin qui va intervenir est volontaire ? Cela ne mettra pas en danger votre proposition de loi et ce serait cohérent avec l’article 14. C’est juste une question de cohérence. Je m’arrête là pour laisser la parole à M. Monnet. (Sourires.)

    M. le président

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    La parole est à M. Yannick Monnet.
    M. Bazin vous donne la parole, vous avez de la chance ! (Sourires.)

    M. Yannick Monnet

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    Nous ne pouvons pas faire comme si l’amendement no 2650 et les amendements identiques n’avaient pas été votés. Par conséquent, l’amendement que Thibault Bazin soutient à présent ne se défend plus de la même façon. (M. Thibault Bazin proteste.) Si vous restreignez l’ensemble des personnes qui pourront administrer la substance létale aux personnes malades à qui leur état physique ne permet pas d’accomplir ce geste elles-mêmes –⁠ car l’amendement no 2650 ne prévoit l’administration par un tiers que dans ce cas –, il y a une chance pour que ces derniers ne puissent pas bénéficier du suicide assisté. Ne resserrez pas davantage encore cette possibilité ! Nous venons d’adopter un amendement qui change profondément le texte. Celui-ci n’est plus le même. Il faut en tirer les conséquences dans la défense de vos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    (Les amendements nos 1600 et 2488, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente.)

    M. le président

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    La séance est reprise.
    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 839.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Cet amendement de repli vise à restreindre le groupe des personnes habilitées à effectuer le geste létal, c’est-à-dire à tuer un malade. Le texte prévoit que la substance létale puisse être administrée « par un médecin ou par un infirmier ». Comme je l’ai indiqué, il y a en France 200 000 médecins et 600 000 infirmiers. Ce sont donc 800 000 personnes environ qui se verraient habilitées.
    Nous pourrions limiter les médecins habilités aux praticiens hospitaliers, soit à peu près 50 000 personnes. L’idée que 50 000 praticiens hospitaliers seraient habilités à effectuer ce geste létal reste pour moi vertigineuse, mais c’est un moindre mal.
    Je me pose tout de même beaucoup de questions sur les impacts qu’aurait cette proposition de loi, si elle était votée, sur le corps médical. Nombreux sont les praticiens qui nous écrivent pour nous alerter et nous indiquer que si elle entre en vigueur, elle modifiera profondément la façon d’appréhender le métier et son éthique.
    Mon amendement vise donc à limiter un peu la casse.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Défavorable.

    M. le président

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    Je mets l’amendement aux voix. (Les députés votent à main levée.) Il n’est pas adopté.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ce n’est pas certain, monsieur le président !

    M. le président

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    Pour ma part, je suis assez certain du résultat ; mais puisque vous demandez un second vote, nous allons organiser un scrutin public.

    Mme Christine Pirès Beaune et Mme Danielle Simonnet

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    Il faut faire sonner, dans ce cas !

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 839.

    M. le rapporteur général et Mme Danielle Simonnet

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    Ça n’a pas sonné !

    Mme Christine Pirès Beaune

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    Ce n’est pas possible d’agir ainsi, d’autres députés pourraient venir de l’extérieur !

    M. le président

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    J’ai lancé la procédure, le scrutin est ouvert !

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        63
            Nombre de suffrages exprimés                58
            Majorité absolue                        30
                    Pour l’adoption                26
                    Contre                32

    (L’amendement no 839 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 385.

    Mme Justine Gruet

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    Je souhaiterais faire un petit point au sujet de la qualité de nos débats. Je remercie M. le rapporteur général de l’avoir soulignée ; j’aimerais seulement que ce soit la norme et que nous ne soyons pas obligés de nous applaudir lorsque nos débats sont intelligibles et de qualité !
    Ce qui est surprenant, c’est que dans cette définition, on précise ce que vous voulez bien plus que ce que nous voulons. C’est malheureusement une réalité : vous n’avez pas souhaité qu’il soit fait mention de l’âge, des pressions extérieures ou de la réitération de la demande.
    Cet amendement tend à préciser que le médecin ou l’infirmier habilité à administrer la substance létale doit être en activité, c’est-à-dire qu’il soit inscrit à l’Ordre, ait une assurance en responsabilité civile professionnelle et, peut-être, soit soumis à une obligation de formation continue. Certes, on est médecin à vie, mais il ne m’en paraît pas moins important que le médecin –⁠ ou l’infirmier – qui effectue l’acte soit en activité.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    La référence à un médecin, sans plus de précision, dans le texte implique nécessairement qu’il soit en activité. C’est une règle de légistique, valable pour tous les textes. Vous avez raison : pour des raisons de sécurité et de responsabilité, il est important que seuls les médecins en activité, à l’exclusion des médecins retraités, soient impliqués dans la procédure d’aide à mourir. Votre amendement est donc satisfait, raison pour laquelle j’y donne un avis défavorable.

    (L’amendement no 385 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l’amendement no 1858.

    Mme Danielle Simonnet

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    Cet amendement peut susciter énormément de débats, mais il revêt une importance nouvelle puisque nous venons, dans cet hémicycle, de voter pour restreindre la liberté de choisir comment est administrée la solution létale. En effet, nous avons –⁠ ou vous avez, madame la ministre – fait voter cette assemblée pour que la personne qui souhaite recourir à l’aide à mourir ne puisse pas avoir le choix entre l’autoadministration et l’administration par un professionnel de santé.
    C’est une restriction de liberté très importante qui donnera lieu, à mon avis, à pas mal de cas problématiques, car –⁠ j’en suis intimement convaincue – si la personne ne souhaite pas s’administrer la substance, des soignants le feront ou des proches l’aideront à le faire.

    Mme Christine Pirès Beaune

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    Eh oui, en toute illégalité !

    Mme Danielle Simonnet

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    Ces soignants et ces proches seront dans l’illégalité totale.
    Nous écrivons une loi visant à légaliser des pratiques qui ont d’ores et déjà cours.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ah bon ?

    Mme Danielle Simonnet

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    Bien sûr ! Croyez-vous qu’aucun professionnel de santé n’accompagne les personnes ? Pas d’hypocrisie entre nous ! Vous le savez pertinemment !

    M. Thibault Bazin

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    C’est grave de dire des choses pareilles !

    Mme Danielle Simonnet

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    Il est difficile de demander cela à un proche. Je me mets à sa place : par amour, on peut dire oui et, du fait du même amour, il peut être très difficile d’accomplir cet acte. Néanmoins, comme je sais qu’il se trouvera des personnes pour aider par amour, je pense qu’il vaut mieux les protéger légalement, même si, intimement, on ne souhaite pas imposer aux proches un choix si terrible. Mais puisqu’en supprimant cette liberté de choisir le mode d’administration de la substance létale, vous n’avez pas permis que soient protégés les soignants et le patient, il faut protéger l’ensemble des proches susceptibles d’accompagner la personne dans son choix de fin de vie jusqu’à l’aider à administrer la solution létale.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Nous avons déjà longuement abordé cette question l’année dernière et cette année en commission. Par deux fois, la disposition que vous proposez a été rejetée. En effet, imputer cette charge mentale et morale à un proche ne peut être que douloureux. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Rousseau.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Je soutiens l’amendement de notre collègue Simonnet. Comme nous en avons voté un autre qui limite la possibilité de faire administrer la substance par un tiers médical, ce qui va se passer, très concrètement, c’est que le médecin sortira de la salle et qu’un proche l’administrera. Les personnes qui administreront la substance seront donc exposées à un danger, celui d’être attaquées par d’autres membres de la famille ou par des proches à la suite de leur geste humaniste. Je suis prête à parier que toutes les difficultés judiciaires suscitées par cette loi découleront de l’amendement que nous avons adopté tout à l’heure.
    Nous n’avons pas voté l’amendement de Danielle Simonnet en commission, car il nous semblait impossible de faire peser sur un proche la responsabilité d’un tel acte en raison de la charge émotionnelle, mentale et affective qu’elle représente. Mais aujourd’hui, du fait de l’amendement que nous venons de voter, adopter celui de Danielle Simonnet est la seule manière de protéger les gens qui l’accompliront dans le huis clos des chambres des malades. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel

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    Je voudrais revenir sur un certain nombre de points. Vous venez de le dire, madame Rousseau : il peut y avoir un conflit d’intérêts émotionnel (Mmes Marie-Noëlle Battistel et Sandrine Rousseau s’exclament), qu’il ne faut pas négliger. Par ailleurs, il peut y avoir un conflit d’intérêts matériel, raison pour laquelle, là aussi, nous avons à plusieurs reprises indiqué qu’une protection était nécessaire.
    Vient ensuite la question de la vulnérabilité de la personne en fin de vie. Ce que vous proposez par cet amendement peut susciter une situation qui rende de plus en plus difficile un choix libre et éclairé et donne lieu à un choix influencé, qu’on le veuille ou non. (Mme Marie-Noëlle Battistel s’exclame.)
    Cela pourrait également entraîner un renversement non négligeable des rôles : un proche deviendrait ainsi un agent actif contribuant à donner la mort, ce qui peut créer des traumatismes psychologiques. D’ailleurs, en Suisse, alors que la loi, très claire, n’autorise que l’autoadministration, le simple fait d’être présent au moment de l’acte crée des traumatismes psychiques, comme des études l’ont montré.
    Pour toutes ces raisons, il semble qu’il faut, par humanité, estimer la disposition que vous proposez contraire à l’intérêt des patients eux-mêmes. Je suis donc résolument opposé à un tel amendement.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Pour la bonne compréhension des uns et des autres, il est important de rappeler que ce qui a été voté, c’est le principe de l’autoadministration et, dès lors qu’elle est impossible,…

    Mme Christine Pirès Beaune

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    Impossible physiquement ! Uniquement physiquement !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    …l’administration par un professionnel de santé. L’important est que les proches pourront bien sûr être aux côtés de la personne pendant l’administration, mais pas y procéder eux-mêmes. C’est la raison pour laquelle j’ai émis un avis défavorable. (Mme  Annie Vidal fait signe qu’elle souhaite prendre la parole.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Karine Lebon.

    Mme Karine Lebon

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    Je suis défavorable à cet amendement, alors même que j’ai voté contre celui du gouvernement. Dans ce moment d’extrême fragilité où la fin de vie est imminente et souvent douloureuse, il est indispensable que nous, en tant que société, parvenions à protéger la personne qui souffre, mais aussi ceux qui l’aiment. Si l’on autorise un proche à administrer la substance létale, même à la demande expresse de la personne malade, cela reviendra à faire peser sur lui une responsabilité émotionnelle, morale et symbolique insoutenable.

    M. Patrick Hetzel

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    Évidemment ! Bien sûr !

    Mme Karine Lebon

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    Même si cette responsabilité est encadrée et balisée par la loi, une pression implicite, qu’elle soit familiale, psychologique ou contextuelle, peut s’exercer sur un proche. Ouvrir une telle possibilité brouillerait les rôles : le proche deviendrait celui qui fait mourir alors qu’il devrait demeurer celui qui accompagne, soutient, console, aime. Cela fait courir un risque de culpabilité durable, voire de traumatisme postérieur, à des proches qui n’ont pas à être placés face à ce dilemme éthique.

    Mme Annie Vidal

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    Ça suffit !

    Mme Karine Lebon

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    Le poids psychique et éthique attaché à ce rôle est dévastateur pour un proche et risque d’ajouter de la douleur à la douleur. Il est de notre devoir de tracer des lignes rouges protectrices –⁠ celle-ci en est une – pour éviter les dérives, préserver les familles et maintenir la dignité et l’intégrité de chacun.

    Mme Émeline K/Bidi

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    L’administration de la substance létale doit donc rester du ressort du personnel médical, ou évidemment de la personne elle-même.

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Delautrette, puis nous passons au vote.

    M. Stéphane Delautrette

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    Je vais présenter mon argument sous la forme d’une question adressée à Mme la ministre en reprenant ce qu’évoquait tout à l’heure notre rapporteur général : que va-t-il concrètement se passer le jour J si la personne qui a demandé à recourir à l’aide à mourir et accepté le principe de l’autoadministration confirme oralement sa volonté mais, prise de panique, se retrouve dans l’incapacité psychologique de passer à l’acte ? Va t-on considérer qu’elle est dans l’incapacité physique de s’administrer la substance létale et qu’il appartient par conséquent au médecin de le faire ? Qu’est-ce qui nous le garantit ? Si on laisse la faculté au médecin de déterminer s’il y a ou non incapacité physique, cela veut dire que certains jugeront, selon les cas, que le stress a créé une incapacité physique et pratiqueront l’acte, et d’autres non. Je pense que cela n’est pas acceptable mais j’attends votre réponse, madame la ministre.

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à Mme Annie Vidal, pour un rappel au règlement.

    Mme Annie Vidal

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    C’est la première fois depuis mon élection en 2017 que je fais un rappel au règlement. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

    M. le président

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    Sur le fondement de quel article ?

    Mme Annie Vidal

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    Sur le fondement de la bonne tenue de nos débats. (Mouvements divers.) Monsieur le président, j’aimerais que vous m’expliquiez comment vous distribuez la parole, parce que cela fait cinq fois que je la demande. Je vois votre regard balayer l’hémicycle, je vous entends donner la parole à des collègues, et vous me la refusez toujours.

    M. Thibault Bazin

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    Il doit avoir un strabisme divergent ! (Sourires.)

    Mme Élise Leboucher

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    Vous, vous êtes favorisé, monsieur Bazin ! (Sourires.)

    M. le président

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    Je vais vous expliquer, madame Vidal.

    Mme Annie Vidal

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    Merci !

    M. le président

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    Après que l’amendement a été défendu, je regarde la salle et je note au fur et à mesure, dans l’ordre, les mains qui se lèvent.

    Mme Annie Vidal

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    Non !

    M. le président

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    Si, madame Vidal. Je vous ai d’ailleurs inscrite. Mais comme vous n’avez pas été parmi les premiers, vous êtes plus bas dans la liste et je ne peux vous donner la parole après avoir pris déjà deux orateurs pour et deux orateurs contre. Si vous levez la main plus tard que les autres, je n’y peux rien. C’est ainsi que je procède.

    Mme Claire Marais-Beuil

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    Vous ne regardez jamais de notre côté non plus !

    M. le président

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    Je comprends qu’il y ait des frustrations, mais vous pouvez vérifier la répartition des dons de parole depuis ma présidence d’hier soir et vous constaterez qu’aucun groupe n’a été lésé. Si je donnais systématiquement la parole à un député de chaque groupe sur chaque amendement, cela ferait vingt-cinq minutes de discussion à chaque fois et on ne s’en sortirait pas. Je rappelle qu’il reste 1 890 amendements à examiner et je vous propose d’avancer.

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    On est d’accord.

    Article 2 (suite)

    (L’amendement no 1858 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Sur l’amendement no 2232, je suis saisi par le groupe Droite républicaine d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Karen Erodi, pour soutenir l’amendement no 2232.

    Mme Karen Erodi

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    Le choix d’éteindre la lumière est la condition sine qua non d’une fin de vie digne quand la personne est confrontée aux plus grandes difficultés physiques, à des douleurs réfractaires ou à une perte d’autonomie totale. Chers collègues, il ne s’agit pas d’inciter, mais d’en donner la possibilité. L’hypocrisie réside dans le fait que cette liberté existe ailleurs et que nombre de nos concitoyens y ont ainsi recours en passant la frontière –⁠ mais seulement celles et ceux qui en ont les moyens. Il paraît évident que ce choix doit être assorti du droit de désigner une personne de confiance pour l’administration de la substance létale. Si celle-ci l’accepte, elle doit pouvoir honorer cette dernière volonté, toujours dans des conditions strictes, dont un encadrement médical, avec le droit de se désister jusqu’au dernier moment. Cet amendement vise donc à consacrer la liberté de désigner une personne de confiance pour la personne recourant à l’aide à mourir, dans un cadre sécurisant pour elle-même et son entourage, et à empêcher toute criminalisation de proches qui assisteraient les personnes dans leurs derniers instants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Cet amendement étant vraiment très proche du précédent, l’avis sera défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Juvin.

    M. Philippe Juvin

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    Vous voyez, monsieur le président, que j’ai levé la main très rapidement. (Sourires.)
    Un proche ne peut en aucune manière administrer la substance létale.

    Plusieurs députées du groupe LFI-NFP

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    Mais pourquoi ?

    M. Philippe Juvin

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    Parce qu’il peut y avoir des conflits d’intérêts ou bien, et c’est un vrai sujet, un intérêt personnel au décès, ou bien encore des familles indifférentes, une lassitude des aidants –⁠ vous savez qu’on en vient souvent à hospitaliser les personnes âgées démentes ou en grande incapacité non pas parce qu’elles sont malades, mais parce que les aidants sont tellement fatigués et usés qu’ils doivent se reposer, c’est le fameux répit –, sans parler de la charge psychologique déjà évoquée et qui pèse sur le proche concerné. Je note que dans les cas de limitation d’accès aux soins –⁠ si on décide, par exemple, de ne pas passer quelqu’un en réanimation ou de ne pas l’opérer, la fameuse décision collégiale –, la loi prévoit qu’on doit prendre l’avis de la famille ou de la personne de confiance. Mais on ne leur demande pas de décider, parce que c’est une charge psychologique très importante. L’équipe médicale décide en prenant leur avis, pas en demandant leur accord. Repousser à une distance suffisante les proches pour ne pas trop les impliquer psychologiquement est très important.
    Enfin, en réponse à la question de M. Delautrette qui se demande ce qui se passerait si le patient décidait au dernier moment de ne pas ingérer la substance, j’espère que la question ne se pose pas ! S’il décide de ne pas la prendre, y compris parce qu’il panique, il ne la prend pas ! On ne va tout de même pas lui mettre de force dans la bouche ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes DR et RN ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR. –⁠ Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté, monsieur Delautrette !

    Mme Christine Pirès Beaune

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    Vous avez mal compris sa question !

    M. Philippe Juvin

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    J’ai compris que vous interrogiez Mme la ministre sur la conduite à tenir. À mon avis, il n’y a aucune ambiguïté : s’il ne veut pas la prendre parce qu’il panique, il ne la prend pas !

    M. le président

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    La parole est à M. Théo Bernhardt.

    M. Théo Bernhardt

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    Cela va désormais être la course à qui lèvera la main le plus vite pour obtenir la parole. (Sourires.)
    Je peux comprendre que permettre l’injection de la dose létale par un proche ou par un tiers parte d’une bonne intention –⁠ nous avons entendu les différents arguments en ce sens. Mais a-t-on pensé aux conséquences psychologiques que cela peut entraîner ? Prenons un exemple : l’injection se passe mal –⁠ c’est rare mais ce sont des cas qui arrivent – et le malade qui l’a demandée finit par souffrir. Quel sera alors l’état psychologique de la personne qui a injecté la dose létale ? N’aura-t-elle pas des remords ? N’y aura-t-il pas des conséquences psychologiques dévastatrices ? Quand on parle de protection, il faut aussi parler de la protection des proches et des tiers concernés. L’acte ultime doit en principe être réalisé par la personne elle-même, c’est ce que nous avons voté –⁠ le suicide assisté est la règle, l’euthanasie l’exception. Mais comment choisir le proche ou la personne tierce volontaire ? Est-ce un membre de la famille, un ami, une simple connaissance ? Même ce point amène à réfléchir.
    À titre personnel, et comme nombre d’entre nous sur tous les bancs, je suis plutôt favorable à ce texte, mais tout dépendra du contenu final. Et ce genre d’amendement pourrait, s’il était adopté, me faire changer d’avis. Je ne serais sans doute pas le seul. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Je vous entends râler, mais c’est un fait. Soyons sérieux et ne votons pas ce genre d’amendement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Delautrette, pour un rappel au règlement.

    M. Stéphane Delautrette

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    Comme Mme Vidal, c’est la première fois que je fais un rappel au règlement (Applaudissements sur de nombreux bancs), au titre de l’article 100, pour la clarté de nos débats. Je ne peux laisser interpréter mes propos. Que les choses soient très claires : ce que vous avez dit, monsieur Juvin, ne reflète pas mes propos. J’évoquais le cas où la personne aura bien confirmé, au moment de l’administration de la substance, sa volonté d’y recourir, mais sera psychologiquement dans l’incapacité d’y procéder elle-même. Va-t-on considérer alors qu’elle est dans l’incapacité physique de le faire ?

    M. Philippe Juvin

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    La réponse est oui.

    M. Stéphane Delautrette

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    Et puis je voudrais tout de même évoquer un sujet…

    M. le président

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    Ce n’est plus un rappel au règlement.

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

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    C’est un novice ! (Sourires.)

    M. Stéphane Delautrette

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    La suite de mon propos s’inscrit dans le prolongement, monsieur le président. Et je suis novice ! Qu’en est-il d’un professionnel de santé qui intervient…

    M. le président

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    Je ne peux pas vous laisser prolonger votre propos. Sinon, il y aura trop de rappels au règlement pour traiter de sujets de fond. Restons-en à l’amendement.

    Article 2 (suite)

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Saintoul.

    M. Aurélien Saintoul

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    Nous nous efforçons d’avoir une discussion de bonne foi. Je veux donc vous dire en toute bonne foi que notre groupe a laissé une liberté de vote sur cet amendement et que j’avais défendu l’idée de ne pas le voter. Mais le choix qu’a fait notre assemblée, il y a quelques minutes, d’empêcher l’administration de la substance létale par un tiers professionnel de santé me conduit à revoir ma position : je voterai cet amendement.
    Bien sûr, j’aurais préféré qu’on ne plaçât jamais personne face au dilemme évoqué dans ce débat, mais je ne veux pas non plus qu’on ôte la liberté fondamentale de mettre fin à sa vie que nous sommes en train d’octroyer à nos concitoyens, je ne veux pas qu’on les prive de cette liberté ; et je compte sur l’affection, sur le bon sens, sur l’amour des personnes qui seront désignées pour y contribuer et sur leur capacité à opiner librement. Cet amendement est d’ailleurs un peu plus protecteur que le précédent, puisqu’il précise que la personne en question doit être majeure, « apte à manifester sa volonté de manière libre et éclairée », et qu’elle pourra donc se substituer le cas échéant à la personne qui va mourir. Je voulais vous faire partager mon sentiment, qui est aussi une conviction. Vous en ferez ce que vous voudrez, mais j’espère que cet amendement sera adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur de nombreux bancs des groupes SOC et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur général.

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    À ce moment du débat, je crois vraiment qu’il faut se préserver d’une confusion, entretenue sciemment ou non –⁠ je crois que ce n’est pas sciemment dans votre cas, monsieur Juvin. Ne pas pouvoir, ce n’est pas forcément ne pas vouloir. Confondre les deux me pose un vrai problème. Il y a des situations où l’on ne peut pas, mais où l’on veut ! Je peux entendre que dans d’autres cas, on ne puisse pas parce que l’on ne veut plus.

    M. Philippe Juvin

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    C’est ça !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Comme nous demandons la réitération de la volonté au dernier moment, si la personne ne veut plus, elle le dira au médecin qui sera auprès d’elle : « Non, docteur, je ne veux plus. » Mais on peut continuer à vouloir même si on ne peut pas. En tout cas, je veux lutter contre cette association automatique du « pas vouloir » et du « pas pouvoir ». Il faut vraiment éviter de faire systématiquement le lien entre les deux, parce que c’est en réalité très loin d’être le cas. Voilà la précision que je voulais apporter.

    M. Philippe Juvin

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    Je suis d’accord, mais le problème, c’est la zone grise !

    M. Thibault Bazin

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    Le problème, c’est la zone grise, l’interprétation !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Je suis dans la même logique que M. le rapporteur général. On voit bien que s’il y a renoncement, on l’a toujours dit, le processus s’arrête. Il y a plusieurs types de renoncement, à commencer par le cas où le patient dit non avant le dernier moment ou bien au tout dernier moment, quand il s’apprête à prendre le produit. Dans les deux cas, le processus s’arrête : personne ne peut obliger le patient à continuer.
    Et il y a le cas où le patient ne peut pas, n’y arrive pas. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La présence à ses côtés d’un médecin ou d’un infirmier prend alors tout son sens. Le soignant constate l’incapacité du patient et, dès lors que la volonté de ce dernier est confirmée, administre le produit et accompagne la personne.

    M. Hadrien Clouet

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    Ce n’est pas ce que vous avez fait voter tout à l’heure !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Bien sûr, si le patient ne veut pas, tout est reporté.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 2232.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        115
            Nombre de suffrages exprimés                114
            Majorité absolue                        58
                    Pour l’adoption                45
                    Contre                69

    (L’amendement no 2232 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 330.

    Mme Justine Gruet

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    Une de nos collègues demandait tout à l’heure comment serait constatée l’incapacité physique à l’autoadministration. Mon amendement vise à préciser qu’elle l’est par un médecin. Par ailleurs, même si une demande d’avis de la Haute Autorité de santé (HAS) a été évoquée, nous devons nous interroger sur le mode d’administration de la substance. Voie orale ? Voie intraveineuse ? Il a été rappelé que si un patient ne peut pas ingérer un produit, c’est qu’il est maintenu en vie de manière artificielle et qu’en conséquence, il relève de la loi Claeys-Leonetti. Si le patient peut déglutir, il nous revient de déterminer si le soignant peut porter le produit à sa bouche. Dans tous les cas, je pense que le médecin a un rôle central dans l’évaluation de la capacité du patient à s’administrer lui-même le produit.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Ce que vous demandez est prévu par le texte puisque dans tous les cas, un soignant –⁠ médecin ou infirmier – sera présent et pourra juger de la capacité ou non du patient à s’administrer lui-même la dose létale. L’amendement étant satisfait, j’en suggère le retrait ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Rousseau.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Parfois, je me demande si vos arguments visent à protéger les personnes en fin de vie ou les soignants qui ne souhaitent pas administrer de substance létale. («  Les deux ! » sur les bancs du groupe RN.) Une personne atteinte de la maladie de Parkinson, par exemple, sera-t-elle considérée comme apte à l’autoadministration ? Si l’amendement de Mme Gruet est adopté, les personnes en fin de vie devront subir une évaluation supplémentaire pour déterminer si elles sont physiquement capables de prendre la substance létale. Cela revient à compliquer l’accès à l’aide à mourir alors que nous pensons qu’il faut en faire un droit pour offrir aux patients de la sérénité. L’enjeu est de ne pas avoir à passer quatorze examens avant de recevoir la substance létale et d’être en paix, serein, pour pouvoir ne penser qu’à ses proches et non à sa capacité ou à son incapacité de prendre un cachet ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Nos débats doivent retrouver de la sérénité. Déterminer qui est apte à l’autoadministration nécessite d’interpréter l’état du patient. M. le rapporteur général a dit que ne pas pouvoir ne signifiait pas ne pas vouloir. Je suis sensible à cette formule, mais qui vérifie cette capacité ? Ce point est très important parce que s’il est adopté, le texte devra être appliqué. Il faut protéger le patient qui fait la demande, le professionnel de santé qui va instruire cette demande et le soignant qui va juger qui est éligible à l’aide à mourir et qui est apte à l’autoadministration. Mme Rousseau nous accuse de n’être là que pour protéger les soignants.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Pas les protéger, les empêcher !

    M. Thibault Bazin

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    Nous protégeons aussi les malades, dont le pronostic vital n’est pas forcément engagé à court terme. Si on s’en tient aux critères définis par la rédaction actuelle, dont nous débattrons le moment venu, des demandeurs pourraient ne pas être en fin de vie. Nous nous interrogeons sur de telles demandes, qui pourraient ouvrir la voie à une autonomie sans limite.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Il y a des critères, des demandes écrites, tout ça !

    M. Thibault Bazin

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    Face à la vulnérabilité, l’éthique ne doit pas être oubliée. Je ne suis pas caricatural ; je veux qu’on se pose les bonnes questions.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Nos débats se compliquent car nous sommes en train de parler de la procédure de l’aide à mourir alors que l’objet de l’article 2 se limite à définir cette aide. Les alinéas 15 et 16 de l’article 6 précisent que lorsque le patient « a confirmé sa volonté, le médecin l’informe oralement et par écrit des modalités d’action de la substance létale » puis « détermine, en accord avec [lui], les modalités de l’administration et le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour l’administration de la substance létale ». Il serait préférable que nous prenions le texte article par article,…

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Dans l’ordre…

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    …oui, dans l’ordre, et que nous réservions l’ensemble de ces amendements pour le moment où nous débattrons de la procédure. Sinon, nous risquons de mal positionner dans le texte des éléments importants et par ailleurs prévus à une autre place.

    (L’amendement no 330 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 14, 119, 760 et 1336.
    Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe UDR d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 14.

    M. Patrick Hetzel

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    L’alinéa 7 de l’article 2 a pour objectif de dépénaliser l’aide active à mourir et d’inscrire cette dépénalisation dans le code pénal. J’en propose la suppression, car il fera naître des difficultés juridiques. J’en citerai trois. Premièrement, comment les magistrats pourront-ils s’y retrouver entre, d’un côté, cette dépénalisation et, de l’autre, la pénalisation de la non-assistance à personne en danger, définie par le code pénal, dont l’article 223-6 réprime « quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle [d’une] personne » qui « s’abstient volontairement de le faire » ? Cette disposition demeurant dans le code pénal, la dépénalisation prévue par l’alinéa 7 ne résoudra pas les difficultés de discernement des magistrats.
    Deuxièmement, des contentieux ne manqueront pas d’être ouverts en raison du distinguo à établir entre la provocation au suicide et le suicide assisté, si celui-ci est légalisé. Troisièmement, des tensions vont apparaître entre le délit d’entrave à l’aide à mourir qu’il est prévu d’instituer et l’interdiction de l’incitation au suicide. Les difficultés juridiques qui vont apparaître montrent que le vecteur choisi pour dépénaliser l’aide à mourir est problématique et tiennent pour partie au choix initial d’inscrire le dispositif créé dans le code de la santé.

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisabeth de Maistre, pour soutenir l’amendement no 119.

    Mme Élisabeth de Maistre

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    Il vise à supprimer l’alinéa 7. Plus largement, il est inopportun de maintenir l’article 2 tant que les mesures en faveur des soins palliatifs que nous avons adoptées au cours de la semaine écoulée ne sont pas effectives. Il serait intéressant de prendre le temps de voir quels seront leurs effets dans l’ensemble du pays et si elles modifient l’avis de nos compatriotes sur le suicide assisté et leurs demandes à ce sujet.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Rodwell, pour soutenir l’amendement no 760.

    M. Charles Rodwell

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    Je propose la suppression de l’alinéa 7 pour la seconde raison qui me fait pencher vers l’opposition à la proposition de loi. J’ai déjà beaucoup parlé de l’élargissement inévitable du champ d’application du texte. Ici, mon raisonnement est lié au déploiement –⁠ ou plutôt au non-déploiement – des soins palliatifs sur la totalité du territoire. Je respecte infiniment l’avis de ceux qui considèrent qu’adopter le texte créerait un nouveau droit et une nouvelle liberté. Quand j’échange avec eux, ils me vantent cette liberté de pouvoir choisir entre trois options pour une personne en fin de vie éligible à ce que propose le texte : souffrir et mourir d’une mort naturelle ; demander des soins palliatifs ou une sédation continue ; recourir à l’euthanasie ou au suicide assisté, selon le texte final.
    Mais, dans ma circonscription, l’unité de soins palliatifs de la maison de santé Claire-Demeure a fermé faute d’application de la loi Claeys-Leonetti et a été transférée vers un hôpital, La Porte verte, au prix d’une réduction drastique du nombre de lits disponibles. Je prends cet exemple pour montrer que, si une vingtaine de départements n’ont aucune unité de soins palliatifs, d’autres voient leur offre en la matière se réduire. Ainsi, le choix des habitants de ma circonscription tendra à se limiter à deux options puisque, faute d’application de la loi Claeys-Leonetti, ils n’ont pas accès à une unité de soins palliatifs : attendre une mort naturelle ou choisir l’euthanasie ou le suicide assisté. Je ne dis pas que c’est l’intention de ceux qui soutiennent la proposition de loi, mais je souligne que ce risque existe, notamment dans ma circonscription. C’est la raison pour laquelle je propose la suppression de l’alinéa 7, car je considère qu’il n’est pas opportun de légiférer sur l’euthanasie et le suicide assisté tant que la loi Claeys-Leonetti n’est pas totalement appliquée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme Sandrine Rousseau

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    Alors votez l’Ondam avec nous !

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 1336.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    L’alinéa 7 de l’article 2 est une des dispositions du texte qui me font le plus froid dans le dos, parce qu’il révèle ce dont il est question dans la proposition de loi. Il est ainsi rédigé : « Le droit à l’aide à mourir est un acte autorisé par la loi au sens de l’article 122-4 du code pénal », qui porte sur les causes d’irresponsabilité. Le texte dont nous débattons comporte une cause d’irresponsabilité parce que l’acte que seront amenés à effectuer des médecins et des infirmiers est une atteinte volontaire à la vie. Je ne vais pas plus loin dans la qualification, mais il s’agit d’un homicide.

    Mme Élise Leboucher et Mme Karen Erodi

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    Mais non !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    La définition de l’homicide est très claire, selon les textes du ministère de l’intérieur. Il s’agit de l’action qui consiste à donner la mort à un autre être humain.

    Mme Élise Leboucher, rapporteure

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    Soyez sérieux ! On ne peut pas laisser dire des choses pareilles !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Vous ne voulez pas voir ce qu’il y a dans ce texte ! Si j’avais tort, l’alinéa 7 de l’article 2 n’y serait pas présent, alors qu’il en est une des clés de voûte. S’il n’y figurait pas, les proches d’une personne ayant eu recours à l’aide à mourir seraient fondées à aller devant les tribunaux. Ils ne le pourront pas, en raison de l’existence de ce renvoi vers la cause d’irresponsabilité du code pénal. Il ne s’agit donc pas d’une disposition accessoire.

    M. Maxime Laisney

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    Comment appelez-vous ce qui se pratique déjà ?

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Les auteurs de tous ces amendements identiques ont un point commun : ils sont tous peu enclins à voter ce texte.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ça, c’est sûr !

    M. Thibault Bazin

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    Cela ne les disqualifie pas pour l’amender !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je n’ai pas dit cela !
    Monsieur Sitzenstuhl, c’est le Conseil d’État qui a demandé au gouvernement de préciser expressément dans la loi que l’aide à mourir constitue un acte autorisé au sens de l’article 122-4 du code pénal, afin de sécuriser juridiquement la procédure.
    Pour revenir, bien malgré moi, sur les soins palliatifs, le Nord, dont je suis députée, est mieux doté en soins palliatifs que la plupart des autres départements ; pourtant, c’est là qu’habitent 20 des 126 Français qui vont chaque année en Belgique pour obtenir une aide à mourir. La corrélation entre manque de soins palliatifs et volonté de solliciter l’aide à mourir n’est donc pas établie.
    J’émets un avis défavorable sur tous les amendements.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Avis défavorable également.
    Certains souhaitent supprimer cet alinéa parce qu’ils sont en désaccord avec le principe même du droit à l’aide à mourir. D’autres en soulignent le caractère superflu, redite de l’article 122-4 du code pénal. Le rôle de cet alinéa est pourtant de faire apparaître de manière expresse que les praticiens qui appliqueront la procédure prévue par la proposition de loi bénéficieront en effet d’une exonération de leur responsabilité pénale pour des actes qui, en dehors de ce contexte, seraient susceptibles d’être qualifiés pénalement.
    Je rappelle par ailleurs à M. Sitzenstuhl qu’il ne s’agit pas d’un homicide dans la mesure où c’est la personne qui demande à mourir ; c’est cette demande qui est le fait générateur de l’acte. (M. Charles Sitzenstuhl proteste.)

    M. le président

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    La parole est à M. Yannick Monnet.

    M. Yannick Monnet

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    Je suis surpris par ces d’amendements. Je comprends la stratégie d’obstruction, mais vous êtes visiblement prêts à faire adopter un texte qui pénalise un acte autorisé par la loi. Dans quelle situation mettez-vous les soignants ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Sandrine Rousseau applaudit également.) Être contre le texte est une chose, mais on ne peut pas voter n’importe quoi ! Si votre amendement est adopté, la loi autorisera l’injection d’une substance létale en cas d’impossibilité physique, pour le patient, de se l’auto-administrer ; mais le médecin qui le fera sera condamné par la loi. (Exclamations sur les bancs du groupe DR.) Il ne faut pas faire de l’obstruction gratuite ; la loi doit avoir une certaine intelligence, faute de quoi on mettra les gens dans des situations inextricables. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Justine Gruet.

    Mme Justine Gruet

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    On parle beaucoup du choix du patient, mais je souhaiterais mettre en perspective deux droits : celui à l’accompagnement et aux soins palliatifs, et celui à l’aide à mourir. L’aide active à mourir sera accessible immédiatement, alors que l’accès aux soins palliatifs fait l’objet de délais d’attente ; elle le sera sur tout le territoire, alors que l’accès aux soins palliatifs manque dans vingt départements ; elle le sera partout où le patient le souhaite, alors que les soins palliatifs ne peuvent pas toujours être administrés à domicile. On pourrait continuer la liste. On aura de facto deux droits inégaux, et le patient ne bénéficiera pas forcément d’un choix réel. Si, dans notre pays, l’accès aux soins –⁠ au-delà même des seuls soins palliatifs – était garanti pour tous, en tout point du territoire,…

    M. Nicolas Sansu

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    Il faut voter le budget !

    Mme Sandrine Rousseau

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    Votez l’Ondam !

    Mme Justine Gruet

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    …on pourrait envisager cette mesure. J’ai toutefois le sentiment qu’on appuie sur l’accélérateur de manière plus efficace et précipitée pour l’aide active à mourir que pour le déploiement des soins palliatifs. (M. Charles Rodwell et Mme Élisabeth de Maistre applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Danielle Simonnet.

    Mme Danielle Simonnet

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    Il y a une bonne nouvelle dans cette assemblée : dans quelques mois, quand on en sera au projet de loi de financement de la sécurité sociale, il y aura donc une écrasante majorité pour au moins doubler l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Excellent ! Vous arrêterez de soutenir toutes les exonérations sociales qui appauvrissent la sécurité sociale et on pourra enfin rattraper le retard dont pâtit l’hôpital public, notamment en matière de soins palliatifs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Arthur Delaporte et Mme Sandrine Rousseau applaudissent également.)
    Un peu de sérieux : arrêtez de comparer et d’opposer soins palliatifs et aide à mourir ! Il peut y avoir beaucoup de cas de figure différents, suivant la situation des patients. Certains seront dans un processus de soins palliatifs mais, ceux-ci n’étant pas magiques, ils pourront en avoir assez des souffrances réfractaires à tout traitement et souhaiter accéder à l’aide à mourir. Pour d’autres, les soins palliatifs pourront constituer une réponse en matière de douleur, sans pallier le problème d’une vie qu’ils percevront comme n’ayant plus de sens du fait d’une altération trop forte de leurs capacités d’autonomie. Le fait d’avoir accès aux soins palliatifs n’est pas forcément le critère déterminant pour souhaiter ou non recourir à l’aide à mourir.
    En revanche, savoir qu’on peut y accéder libère d’une partie des angoisses, puisqu’on sait qu’on a cet ultime recours –⁠ auquel on peut d’ailleurs renoncer précisément parce que, ayant moins d’angoisses, on vit la situation différemment. En tout cas, ces deux choses ne sont pas étroitement liées.
    On exerce toujours sa liberté dans un système de contraintes. Quand bien même il y aurait un problème d’accès aux soins palliatifs, voulez-vous condamner la personne qui n’en peut plus à supporter ses souffrances ? Moi non : je veux lui garantir sa liberté. C’est pourquoi il ne faut pas voter ces amendements de suppression, qu’il faut autoriser l’aide à mourir et ne pas poursuivre les soignants qui la fourniront.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    J’ai redemandé la parole car j’ai été interpellé à plusieurs reprises. Le simple fait que ces amendements aient été déposés nous fait débattre, et j’en suis heureux, même si nous ne sommes pas d’accord.
    Monsieur Monnet, je considère que l’alinéa 7 de l’article 2 est la clé de voûte du texte. Je n’en parle pas pour faire de l’obstruction, mais pour que nous débattions du fond.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Vous l’avez déjà dit quinze fois !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Sans cette phrase, le texte ne tourne plus. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Lorsque j’ai utilisé le mot d’homicide, des cris ont été poussés ; c’est pourtant un terme juridique présent dans le code pénal.

    Mme Karen Erodi

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    C’est la personne qui demande à mourir, ce n’est pas un homicide !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je ne comprends pas la réticence à nommer clairement ce qui figure dans le texte. On a mentionné l’avis du Conseil d’État ; en son point 39, qui concerne l’article 122-4 du code pénal, il précise en effet que cet alinéa est indispensable pour que le texte fonctionne. Lisons donc le point jusqu’au bout : « Le Conseil d’État souligne cependant qu’il ne peut être exclu que des manquements dans la mise en œuvre de la procédure prévue pour l’accès à l’aide à mourir puissent donner lieu à des poursuites, notamment pour le délit d’homicide involontaire, dans les conditions et selon les distinctions prévues par l’article 221-6 du code pénal. » Il fait donc bien référence à l’homicide, car c’est en effet à cela que renvoie cet alinéa.
    J’ai souhaité apporter ces précisions non pour jeter des grands mots, mais pour dire clairement ce qui figure dans le texte.

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Turquois, pour un rappel au règlement.

    M. Nicolas Turquois

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    Je me fonde sur l’article relatif à la bonne tenue des débats. Leur qualité a été soulignée ; cependant l’argumentation de M. Sitzenstuhl m’a donné l’impression d’être coupable de complicité d’homicide. Il faut choisir les mots ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS. –⁠ M. Charles Sitzenstuhl proteste.)

    Article 2 (suite)

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 14, 119, 760 et 1336.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        118
            Nombre de suffrages exprimés                117
            Majorité absolue                        59
                    Pour l’adoption                39
                    Contre                78

    (Les amendements identiques nos 14, 119, 760 et 1336 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi de cinq amendements, nos 2327, 120, 2498, 388 et 759, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 120 et 2498 sont identiques.
    La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 2327.

    M. Christophe Bentz

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    C’est par simple oubli que je n’avais pas déposé d’amendement tendant à supprimer l’alinéa 7, mais l’amendement de notre collègue Hervé de Lépinau me permet d’y réagir. Les questions que les collègues ont soulevées depuis tout à l’heure sont totalement légitimes et le débat –⁠ serein, mais grave – est bienvenu. Ce que l’on fait n’est pas rien : modifier le code pénal est lourd de conséquences. On est en train d’aller à rebours d’un principe universel qui consiste à ne pas provoquer volontairement la mort.
    Par l’alinéa 7, vous proposez d’autoriser dans le code pénal l’aide à mourir –⁠ que vous ne voulez pas qualifier de suicide assisté. N’étant pas juriste de formation, j’ai une question : si, demain, des actes étaient qualifiés de suicide assisté, seraient-ils autorisés par ce même code ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisabeth de Maistre, pour soutenir l’amendement no 120.

    Mme Élisabeth de Maistre

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    L’amendement déposé par Corentin Le Fur a pour objectif de substituer aux mots : « droit à l’aide à mourir est un acte autorisé », les mots : « suicide assisté et l’euthanasie sont des actes autorisés » Comme l’a rappelé notre collègue Sitzenstuhl, il est nécessaire de bien nommer les choses.

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour un rappel au règlement.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je me fonde sur l’article 70, alinéa 3, du règlement.
    Je voudrais dire à Nicolas Turquois que son intervention, il y a quelques instants, était vraiment dispensable. Chers collègues, je suis présent dans cet hémicycle depuis le début de la semaine,…

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Comme tout le monde !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    …comme beaucoup d’entre vous. J’ai un avis sur ce texte, que j’assume.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Comme tout le monde !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je pense faire preuve, dans la grande majorité de mes interventions, de recherches de fond : je fais l’effort d’aller chercher dans le code pénal, le code de la santé publique, divers textes de loi et notes de différentes autorités publiques des références pour appuyer mes arguments. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Ségolène Amiot

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    Vous n’êtes pas toujours de bonne foi !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Depuis le début de la semaine, je crois n’avoir attaqué personnellement aucun collègue, fait aucun procès d’intention. Je respecte toutes les convictions, y compris la vôtre, cher collègue Turquois ; mais ce que vous avez dit, honnêtement, n’était pas très sympathique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ M. David Amiel applaudit également.)

    Mme Ségolène Amiot

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    Parler d’homicide, ce n’est pas faire preuve de respect !

    Article 2 (suite)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2498.

    M. Philippe Juvin

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    S’il y a un endroit où les choses doivent être dites clairement, c’est bien le code pénal. D’interprétation stricte, il ne doit souffrir d’aucune imprécision, ce qui garantit les citoyens contre l’arbitraire et assure la prévisibilité des sanctions. Si le code pénal est imprécis, par exemple en refusant de nommer clairement l’euthanasie et le suicide assisté, nous nous exposons à une jurisprudence potentiellement problématique. Il faut donc absolument préciser cet alinéa.

    M. le président

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    La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 388

    Mme Justine Gruet

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    Au-delà de la sémantique, je tiens à faire état de mes incertitudes : Mme Simonnet –⁠ décidément, quand je veux lui parler, elle est absente –, semble ne voir qu’un aspect de la question. Elle a bien précisé que les personnes qui souhaitaient avoir accès à l’aide à mourir ne voulaient pas toutes des soins palliatifs. N’oublions pas ceux qui n’auront malheureusement accès qu’à l’aide à mourir, alors qu’ils souhaiteraient bénéficier de tels soins, auxquels la moitié de nos concitoyens n’ont pas accès. Quoi qu’on en pense, nous sommes donc en train de créer deux droits inégalement effectifs, du fait de l’inégal déploiement des soins palliatifs sur le territoire national.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Rodwell, pour soutenir l’amendement no 759.

    M. Charles Rodwell

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    L’amendement vise à supprimer la notion de droit de l’alinéa concerné. Cette notion risquerait d’accélérer l’élargissement du champ d’application des dispositions du texte dont nous discutons. Pour cette raison, je propose à mes collègues de la retirer de l’article.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    J’émets un avis défavorable sur l’ensemble des amendements. L’amendement défendu par M. Bentz vise à préciser que l’autorisation du suicide assisté constituerait un cas d’autorisation des « crimes d’empoisonnement et de meurtre ». Par définition, aucun acte autorisé par la loi ne constitue un délit ou un crime ; la précision n’est donc pas indispensable.
    Quant aux amendements suivants, ils portent encore sur des questions de sémantique, auxquelles nous avons déjà amplement répondu.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Je rappelle à Mme Gruet que, depuis lundi dernier, nous avons eu plus d’une occasion de débattre des soins palliatifs : en assurer le développement le plus étendu possible –⁠ et sous toutes leurs formes – constitue un objectif largement partagé dans cet hémicycle. Tous les départements ne disposent pas encore d’une unité de soins palliatifs (USP) –⁠ vous le rappelez à juste raison. Les hôpitaux comptent toutefois des lits dédiés, auxquels s’ajoutent les équipes mobiles. L’objectif est évidemment d’aller plus loin, plus vite, plus fort, d’où le plan dont nous avons discuté et les budgets qui vont avec. J’ai également pris bonne note de la volonté de l’Assemblée d’améliorer le financement de ces soins au cours des années à venir.
    Concernant les amendements à l’alinéa 7 de l’article 2, qui renvoie à l’article 122-4 du code pénal, je tiens à rappeler que l’aide à mourir n’est pas un homicide ou une infraction pénale, puisqu’elle est demandée par la personne. Ce dernier élément est très important, tout comme l’est, mesdames et messieurs les députés, la façon dont nous allons définir les conditions de sa mise en œuvre. En effet, si elle est pratiquée dans les conditions qui seront prévues par la loi, la clause d’irresponsabilité n’aura pas à être invoquée. Notre responsabilité commune est donc de déterminer avec précision ces conditions, de façon à sécuriser juridiquement cette pratique, tant pour les soignants que pour les patients.
    Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Le débat qui nous occupe depuis quelques minutes est intéressant puisqu’il porte sur le droit pénal, grand absent de nos discussions il y a deux semaines en commission.
    Plus j’examine ce qui est prévu à l’alinéa 7, plus je m’interroge. Nous avons entendu des points de vue intéressants à cet égard, notamment de pénalistes qui se sont eux-mêmes interrogés sur ce que vous prévoyiez. La rédaction ne résout pas les contradictions éventuelles entre ce que prévoit le texte et les dispositions du code pénal : vous avez précisé les choses relativement à l’article 122-4 du code pénal, mais vous n’êtes pas allés jusqu’à traiter de l’omission de porter secours à une personne en péril, infraction prévue à l’article 223-6, alinéa 2, du même code et susceptible de s’appliquer aux personnes, dont le médecin, qui accompagneraient le malade dans ses derniers instants.
    Ce manque de précision pose des problèmes de sécurité juridique. Devrions-nous préciser que les dispositions de l’article 223-6 ne s’appliquent pas, dès lors que les conditions prévues par le code de la santé publique sont remplies ? Des situations de contentieux pourraient survenir, par exemple lorsqu’une personne demanderait l’aide à mourir, alors que les conditions requises par le code de la santé publique, telles que nous sommes en train de les spécifier dans cette proposition de loi, ne seraient pas remplies. La responsabilité n’est manifestement pas la même. Ne faudrait-il pas créer une infraction dédiée, réprimant le fait pour un médecin de provoquer la mort d’un patient, à sa demande mais en violation des règles édictées par le code de la santé publique ? C’est toute la question du contentieux que ce texte –⁠ nous sommes en train de faire du droit – risque réellement de susciter.

    M. le président

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    La parole est à M. Louis Boyard.

    M. Louis Boyard

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    Merci, mes chers collègues, pour la qualité d’un débat qui, pour nombre d’entre nous, renvoie à des situations personnelles que nous avons connues ou que nous aurons à connaître. Cette qualité s’est dégradée dès lors que nous avons entamé la discussion de l’amendement no 2327 et du fait des propos que vous avez tenus, cher collègue Sitzenstuhl. Il n’est pas possible d’écrire dans un amendement qu’il s’agirait de légaliser le meurtre, sans faire franchir un seuil au débat puisque cela suggère que la personne qui administrera la substance sera un meurtrier. C’est pour la même raison, mon cher collègue, que beaucoup ont été heurtés lorsque vous avez parlé d’homicide : non, la personne qui administre la substance ne commet pas un meurtre.
    Je me permets de vous rappeler que du point de vue des personnes qui nous écoutent et qui sont favorables à cette proposition de loi, on ne peut qualifier les choses ainsi. Si vous voulez respecter le débat, je vous invite à respecter ce qu’a dit M. le rapporteur général –⁠ il m’a convaincu. On ne peut pas parler de suicide assisté car une aide à mourir n’est pas la même chose qu’un suicide –⁠ nous avons le devoir de protéger la personne en proie à des pensées suicidaires –, pas plus qu’il ne convient de parler d’euthanasie, le mot ayant été souillé. Alors que nous sommes sur le point de consacrer un droit historique, nous ne saurions le baptiser avec un mot souillé.
    M. Bazin, dont j’entends les arguments, soulève un débat intéressant sur les rapports entre les dispositions du texte et celles du code pénal. En revanche, quand certains parlent de légalisation du meurtre et d’autres d’homicide, pardon, mais pour les soignants concernés, j’estime qu’un seuil est franchi et surtout qu’une injustice leur est faite. Je tiens pour ma part à saluer leur courage : ces soignantes et soignants seront fiers en rentrant chez eux d’avoir respecté la liberté d’une personne, son droit le plus fondamental : celui de choisir la fin de sa vie. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Alors, pour que le débat puisse se poursuivre correctement, je vous en conjure : n’écrivez plus jamais dans un amendement qu’il serait question d’une légalisation du meurtre !

    M. Emeric Salmon

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    Le droit d’amender librement n’est pas encore restreint par des commissaires politiques !

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Bentz.

    M. Christophe Bentz

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    Madame la rapporteure, vous m’avez répondu sur le contenu de l’amendement de notre collègue Lépinau. Or, vous l’avez bien compris, cet amendement qui concerne l’alinéa 7 me donnait l’occasion de poser une question de droit –⁠ assez précise j’espère, sinon je vais la reformuler –, à laquelle je n’ai pas obtenu de réponse sur le fond.
    Il ne s’agit en rien d’un amendement sémantique, mais bien d’un amendement juridique ou judiciaire –⁠ je ne sais comment le qualifier. En effet, l’alinéa 7 tend à inscrire le droit à l’aide à mourir dans le code pénal. Je reformule donc ma question : si, demain, un acte de cette nature venait à être qualifié de suicide assisté, pourrait-il être autorisé par le code pénal ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

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    Nous voterons en faveur de l’amendement no 759 de M. Rodwell, à la fois pour une raison de fond –⁠ nous maintenons qu’il ne doit pas s’agir d’un droit, mais d’une possibilité – mais aussi parce que cet amendement peut être considéré comme rédactionnel. En effet, il ne me semble pas possible d’écrire « le droit à l’aide à mourir est un acte autorisé » dans la loi. Du point de vue rédactionnel, je ne crois pas qu’un droit puisse être un acte.

    (L’amendement no 2327, les amendements identiques nos 120 et 2498, et les amendements nos 388 et 759, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Joséphine Missoffe, pour soutenir l’amendement no 534.

    Mme Joséphine Missoffe

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    Je défends l’amendement de notre collègue Annie Vidal. Les propos que nous entendons depuis le début de nos travaux témoignent des interrogations que suscite la notion d’aide à mourir, et pour cause : elle reste floue, elle peut désigner aussi bien une sédation, un accompagnement palliatif que le recours à une substance létale, comme c’est le cas ici.
    Comme législateur –⁠ et personnellement en tant que soignante –, il me semble que nous devons faire preuve de rigueur dans le choix des mots. Cette proposition de loi introduit un droit nouveau et de nature à ébranler notre société. Ne pas le nommer avec précision revient à prendre le risque de l’ambiguïté et à entretenir une confusion, notamment chez les soignants, les patients et leurs proches.
    C’est pourquoi, à l’alinéa 7, je propose d’introduire l’expression d’aide active à mourir. Déjà employée par le Conseil économique, social et environnemental (Cese), par le CCNE et par l’Académie nationale de médecine, cette expression est approuvée par de nombreux collègues. Elle permet de distinguer clairement cette pratique –⁠ l’administration volontaire d’une substance létale – d’autres formes d’aide à mourir, qui n’impliquent pas un tel acte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Avis défavorable : il s’agit d’un amendement sémantique touchant à une question dont nous avons déjà beaucoup parlé.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Thomas Ménagé.

    M. Thomas Ménagé

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    Je soutiens cet amendement de Mme Vidal, dont la portée n’est pas seulement sémantique, mais aussi symbolique, puisqu’il permet de mettre en avant les personnes qui travaillent en soins palliatifs. En effet, nos médecins, nos infirmières, nos aides-soignantes qui, sur le terrain, accompagnent les personnes en fin de vie, les aident : ils aident à mourir.
    Peut-être pourrait-on distinguer l’aide active de l’aide passive que constitue la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Il convient en tout cas de ne pas laisser entendre que l’euthanasie et le suicide assisté –⁠ termes que je ne désavoue pas, bien que je sois favorable à cette proposition de loi – seraient les seules formes d’aide à mourir. Si nous voulons continuer à encourager le développement des soins palliatifs dans notre pays, évitons de témoigner du mépris aux soignants qui les prodiguent.
    La nuance ne me semble donc pas seulement sémantique, mais bien, j’y insiste, symbolique. Elle contribuerait aussi à l’intelligibilité de la loi.
    Comme notre collègue l’a très bien rappelé, il s’agirait de reprendre l’expression qui a été employée par ceux qui ont étudié cette question, aussi bien le Cese que le CCNE. Pour toutes ces raisons, parler d’aide active à mourir pour le droit que nous allons créer –⁠ qui implique le recours à une substance létale – me paraît beaucoup plus clair. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Justine Gruet.

    Mme Justine Gruet

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    Je ne sais si la chose est volontaire, mais je constate que l’expression d’aide active à mourir, avec l’adjectif « active », revient régulièrement. J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur général, il est cependant possible de changer d’avis au cours des débats, même s’il nous est bien difficile de faire entendre nos arguments, que je crois pourtant tout à fait sensés.
    Pour ce qui est de cette question de dénomination, pourquoi ne souhaitez-vous pas que nous puissions écrire : « aide active à mourir » ? J’ai bien entendu la comparaison avec « aide passive », mais je vous répète que l’expression d’aide à mourir laisse subsister une ambiguïté : l’aide à mourir risque notamment d’être confondue avec des mesures d’accompagnement qui existent déjà, alors que nous n’avons pas encore adopté cette nouvelle législation.
    Stéphanie Rist l’exprimait avec clarté ce matin : nous créons un droit nouveau, donnons-lui une dénomination nouvelle pour éviter toute ambiguïté.

    (L’amendement no 534 n’est pas adopté.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Thomas Ménagé, pour un rappel au règlement.

    M. Thomas Ménagé

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    Il se fonde sur l’article 100, relatif à la bonne tenue de nos débats. Nous avions demandé un scrutin public sur cet amendement, il y a environ dix minutes, mais il n’a pas été annoncé.

    M. le président

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    Il y a eu une petite erreur technique ; nous allons donc procéder à un scrutin public, de manière tout à fait exceptionnelle, sur cet amendement.

    Article 2 (suite)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 534.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        99
            Nombre de suffrages exprimés                98
            Majorité absolue                        50
                    Pour l’adoption                41
                    Contre                57

    (L’amendement no 534 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 1330.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je propose de compléter l’alinéa 7 en ajoutant que le droit à l’aide à mourir est un acte autorisé « sauf si le médecin ou l’infirmier […] a incité, quel qu’en soit le mode, la personne à y recourir ». J’ai déposé cet amendement pour plusieurs raisons mais il me semble surtout qu’il permet d’introduire un garde-fou, et cela va d’ailleurs dans le sens de ce que dit le Conseil d’État. Je vais relire le paragraphe que j’ai déjà cité, ce qui me permettra aussi de répondre aux arguments exposés par Louis Boyard.
    Avant cela, je voudrais faire remarquer qu’un député a la possibilité de se placer soit sur le plan politique, soit sur le plan juridique. J’ai compris votre intervention, monsieur Boyard, comme une prise de position plutôt politique et j’entends vos arguments qui sont tout à fait louables, puisque nous faisons tous de la politique ici. Mais en ce qui me concerne, s’agissant de cet alinéa 7, j’ai plutôt envie de me placer sur le plan juridique.

    M. Hadrien Clouet

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    « Le droit, c’est moi ! »

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Que dit le Conseil d’État ? Il souligne qu’« il ne peut être exclu que des manquements dans la mise en œuvre de la procédure prévue pour l’accès à l’aide à mourir puissent donner lieu à des poursuites, notamment pour le délit d’homicide involontaire, dans les conditions et selon les distinctions prévues par l’article 221-6 du code pénal. »
    Cet alinéa 7 impose donc une discussion juridique de fond ; le code pénal, en effet, ce n’est pas rien dans l’ordre juridique. Ce dont nous parlons –⁠ la vie et les atteintes à la vie –, ce sont des questions essentielles. L’amendement vise donc à sécuriser davantage le dispositif pour avoir la certitude que le médecin ou l’infirmier n’exerce aucune influence sur le malade.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Vous souhaitez conditionner le caractère légal de la procédure d’aide à mourir à l’absence d’incitation par le médecin ou par l’infirmier à recourir à ce type d’acte. Or je rappelle que la provocation au suicide est déjà réprimée par le droit. Par ailleurs, comment imaginer qu’un médecin inciterait un patient à recourir à l’aide à mourir ? Le texte dans son ensemble repose précisément sur le respect du cheminement et de la volonté affirmée du patient. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Maxime Laisney.

    M. Maxime Laisney

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    Je le reconnais volontiers : M. Sitzenstuhl contribue au débat en s’appuyant sur de vrais arguments et des données précises. Par ailleurs, je trouve normal que des avis divergents s’expriment sur cette proposition de loi.
    Pour ma part, je suis favorable au texte ; pourtant, il y a dix jours, j’ai passé trois quarts d’heure au téléphone avec un médecin en soins palliatifs, personne très connue pour ses positions –⁠ elle est contre ce texte –, qu’elle défend régulièrement sur les plateaux de télévision. J’avais envie d’entendre le point de vue d’une femme très impliquée dans ce domaine et confrontée au quotidien à la fin de vie. Ce qu’elle m’a dit en substance, en réponse aux nombreuses questions précises que je lui ai posées, c’est que dans l’intimité de la relation avec le patient –⁠ je reprends ses mots –, il arrive que des praticiens aident les personnes à partir un peu plus vite que prévu.

    Mme Nicole Dubré-Chirat et M. Jean-François Rousset

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    Eh oui !

    M. Maxime Laisney

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    Ma question est donc la suivante, cher collègue Sitzenstuhl : niez-vous cette réalité ? Si vous reconnaissez qu’elle existe, cela signifie-t-il que vous voulez, si l’on en croit ce que vous nous expliquez depuis tout à l’heure, que des médecins continuent de pratiquer des homicides et demeurent dans l’illégalité ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Ayda Hadizadeh applaudit également.)

    Mme Danielle Simonnet

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    Très bonne question !

    M. le président

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    La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.

    Mme Nicole Dubré-Chirat

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    Tout à l’heure, nous avons en quelque sorte fait sortir les soignants du dispositif, en supprimant leur participation à l’ingestion de la substance létale. Il ne faut donc pas s’étonner que l’aide à mourir devienne un suicide assisté, au cours duquel les soignants ne participent plus à l’accompagnement des patients. Ils sont ici directement mis en cause puisqu’ils sont accusés de pouvoir se rendre coupables d’homicide ou d’entrave à la décision du patient, ce qui est tout de même assez préoccupant.
    Je confirme ce qu’a dit notre collègue Laisney : toute l’année, des soignants accompagnent des patients qui en ont besoin en toute illégalité –⁠ ils ne sont pas traduits devant les tribunaux parce qu’il n’y a pas de recours possible. De fait, vous voudriez les condamner pour avoir aidé des patients ! Le parcours de ce texte risque d’être long –⁠ dans quelle mesure, je ne sais pas –, mais si cet amendement est adopté, nous risquons de voir des soignants mis en cause et traduits devant les tribunaux. Si l’objectif est de rechercher l’accord des soignants pour qu’ils acceptent de participer à l’accompagnement des patients dans le cadre de l’aide à mourir, nous sommes plutôt mal partis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle.

    Mme Colette Capdevielle

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    J’avoue qu’à ce stade des débats, je regrette, en tant que membre de la commission des lois, que celle-ci n’ait pas été saisie pour avis car de nombreux aspects du texte posent des problèmes juridiques –⁠ or nous sommes ici au cœur de ces difficultés juridiques. (M. Charles Sitzenstuhl opine du chef.)
    J’appelle à voter contre l’amendement de M. Sitzenstuhl parce qu’il est non seulement très dangereux mais aussi particulièrement sournois. Il constitue en effet une attaque en règle contre les médecins et témoigne d’un manque de connaissance flagrant de la pratique médicale, notamment celle qui se manifeste lorsque le médecin accompagne le malade jusqu’à la fin de sa vie. En creux, l’amendement met en garde les médecins : si l’on peut prouver qu’ils ont incité le malade à recourir à l’aide à mourir, ils pourront se retrouver aux assises, poursuivis pour avoir commis un crime. (Mme Élise Leboucher, rapporteure, applaudit.)

    Mme Ségolène Amiot

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    Eh oui !

    Mme Colette Capdevielle

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    Voilà le sens de cet amendement ! Il sert à faire peur aux médecins et à les dissuader de pratiquer l’aide à mourir. Il est tellement insultant pour le corps médical,…

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Il ne faut pas exagérer.

    Mme Colette Capdevielle

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    …tellement éloigné de la réalité, quand on pense à l’humanité dont font preuve les médecins quand ils accompagnent des personnes jusqu’à la fin de leur vie ! Cet amendement est vraiment honteux et j’espère qu’il sera rejeté par l’ensemble des collègues. En ce qui nous concerne, nous voterons bien évidemment contre un amendement, je le répète, aussi sournois et aussi insultant pour l’ensemble du corps médical. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Juvin.

    M. Philippe Juvin

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    En tant que médecin, je ne m’estime ni insulté ni menacé par l’amendement de M. Sitzenstuhl (Exclamations sur quelques bancs du groupe SOC),…

    M. Maxime Laisney

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    Vous êtes un médecin de droite !

    M. Philippe Juvin

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    …qui repose sur un argument juridique. Il pose une question qui est à mon sens essentielle et dont j’avoue que nous l’avons peut-être sous-estimée : quels effets aura cette loi sur l’architecture générale du code pénal ? Quand on observe par exemple que l’article L. 223-14 du code pénal réprime « la publicité […] en faveur de produits, d’objets ou de méthodes préconisés comme moyens de se donner la mort », on voit bien qu’il y a de potentielles interactions. Votre amendement, monsieur Sitzenstuhl, met l’accent sur la nécessité d’une mise à niveau plus approfondie du code pénal, par rapport à ce que nous avons fait un peu plus loin dans le texte. Je trouve qu’il a cette vertu de cadrer les choses.
    Quant à ce qui se passe en réalité, vous savez qu’il y a eu dans l’histoire assez récente des médecins ou des infirmiers qui ont été condamnés pour avoir délivré des substances mortelles en dehors de toute procédure. Ça arrive.
    Je trouve donc tout à fait normal que le code pénal se préoccupe d’un équilibre juste entre la protection des patients et leur droit à une fin de vie digne, dans le cadre de l’ouverture de ce nouveau droit, et je trouve que l’on fait un très mauvais procès à notre collègue.

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Bentz.

    M. Christophe Bentz

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    Notre collègue évoquait une femme médecin très investie en soins palliatifs et qui se rend régulièrement sur les plateaux pour défendre sa position –⁠ je crois savoir de qui vous parlez. Ce qui m’embête, c’est que vous la citez sans qu’elle soit là pour répondre. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Claire Lejeune

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    Vous doutez de la citation ?

    M. Christophe Bentz

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    Ce qui est certain, c’est que l’aide à mourir est pratiquée dans les centres de soins palliatifs. C’est évident puisque l’aide à mourir –⁠ nous vous l’avons dit et répété –, c’est l’accompagnement jusqu’à la fin de la vie : c’est précisément ce à quoi servent les soins palliatifs, notamment –⁠ mais pas seulement – la sédation profonde et continue jusqu’au décès, dont l’usage reste rare. Par définition, l’aide à mourir, comprise comme l’accompagnement des patients jusqu’à la fin de leur vie, est donc pratiquée en soins palliatifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Thibault Bazin

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    Chacun y voit ce qu’il veut et n’y voit pas ce qu’il ne veut pas !

    (L’amendement no 1330 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Les amendements nos 205 de Mme Marie-France Lorho et 1936 Mme Lisette Pollet sont défendus.

    (Les amendements nos 205 et 1936, repoussés par la commission et le gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir les amendements nos 15 et 16, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Patrick Hetzel

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    L’amendement no 15 vise à compléter l’article 2 par l’alinéa suivant : « La personne de confiance, un parent, un proche ou le médecin traitant s’assure que la personne ne se trouve pas en état de faiblesse ou d’ignorance. » Il a donc trait à une question essentielle, que j’ai déjà évoquée et à laquelle nous aurons sans doute l’occasion de revenir à propos d’autres articles du texte : celle de l’abus de faiblesse. Nous devons avoir en tête qu’une centaine d’affaires de ce type passent devant la justice tous les ans, et il pourrait sans doute y en avoir davantage si toutes allaient jusqu’à la judiciarisation. Ce n’est donc pas anecdotique : c’est suffisamment significatif pour que l’on s’en préoccupe. Il serait donc pertinent que nous tirions ce fil dans les différents articles, afin de nous assurer que la protection maximale des patients est garantie.
    Quant à l’amendement no 16, qui se place lui aussi dans la lignée d’autres amendements déjà défendus, il vise à préciser que l’aide à mourir ne peut être considérée comme faisant partie de la catégorie des soins. Il suffit d’aller voir ce que dit le code de la santé publique, à l’article L. 1110-5 : « Les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas […] faire courir [au patient] de risques disproportionnés […]. » L’aide à mourir entre dans une catégorie nouvelle ; il convient donc de le préciser. Cette demande a été formulée par plusieurs associations, notamment des associations de soignants et plus particulièrement celles qui œuvrent dans le domaine des soins palliatifs ; nous leur enverrions ainsi un signal positif.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Vous souhaitez prévoir qu’un tiers, par exemple la personne de confiance, s’assure que la personne ne se trouve pas en état de faiblesse ou d’ignorance. Je suis profondément convaincue que c’est essentiel. Je partage cette volonté et je vous invite à relire attentivement le texte qui prévoit que la demande d’aide à mourir doit être personnelle, libre, éclairée et réitérée.
    De surcroît, cette demande fait l’objet d’une évaluation médicale rigoureuse par plusieurs professionnels de santé et le médecin est tenu de s’assurer de l’autonomie de la décision du patient tout au long du processus. Ajouter une personne supplémentaire ne ferait qu’alourdir le dispositif, aussi serai-je défavorable à l’amendement no 15.
    Vous souhaitez par ailleurs préciser, par l’amendement no 16, que l’aide à mourir ne peut être considérée comme un soin. Le texte ne la qualifie à aucun endroit ainsi. Votre amendement est donc satisfait et j’y serai, là encore, défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je voterai bien entendu ces amendements car ils me semblent réduire les risques que nous fait encourir cette proposition de loi, en entourant de garde-fous certaines de ses dispositions. J’en profite, puisque nous restons sur le même sujet, pour répondre à Mme Capdevielle. Je suis d’accord avec le fait que l’examen de cet article 2 soulève des questions juridiques importantes autour d’un article fondamental du code pénal et qu’à ce titre, la commission des lois aurait dû être saisie pour avis. J’aurais apprécié que Mme Capdevielle, qui est par ailleurs avocate, s’en tienne strictement au droit, comme je l’ai moi-même fait en expliquant pourquoi je souhaitais compléter l’alinéa 7, plutôt que de basculer dans le registre de l’émotion en me prêtant des intentions qui ne sont pas les miennes. L’alinéa 7 est crucial et son examen pose des questions juridiques essentielles que le Conseil d’État est loin d’avoir expédiées en deux ou trois lignes. Je vous renvoie à la lecture du point 39 de son avis, qui est au contraire très étoffé et pose des questions fondamentales au regard du droit pénal, en particulier celle de l’atteinte à la vie.
    Peut-être le travail préparatoire aurait-il dû être plus fourni mais en tout état de cause, je tiens à rester sur le plan du droit. Pas de procès d’intention, s’il vous plaît.

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel

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    Qu’on soit bien d’accord, madame la rapporteure, la question du consentement que pose l’amendement no 15 continue de me préoccuper mais nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir lors de l’examen de l’article 9 car son alinéa 2 pose aussi le problème du consentement libre et éclairé jusqu’au bout, et la manière dont l’on peut s’en assurer.
    Pour ce qui est de l’amendement no 16, j’ai bien compris que le texte ne définissait pas l’aide à mourir comme un soin mais il serait souhaitable, ne serait-ce que pour les soignants, de le préciser pour lever toute ambiguïté car la codification prévue au sein de la première partie du code de la santé publique laisse planer le doute. Ce serait d’autant plus nécessaire que les amendements qui tendaient à créer une partie spécifique au sein de ce code ont été rejetés.

    (Les amendements nos 15 et 16, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Sur l’article 2, je suis saisi, par les groupes Rassemblement national, Ensemble pour la République, Droite républicaine et Horizons & indépendants, d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    L’amendement no 2595 de M. Philippe Juvin est défendu.

    (L’amendement no 2595, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 2.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        117
            Nombre de suffrages exprimés                116
            Majorité absolue                        59
                    Pour l’adoption                75
                    Contre                41

    (L’article 2 est adopté.)
    (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. –⁠ Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)

    Après l’article 2

    M. le président

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    La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 715 portant article additionnel après l’article 2.

    Mme Josiane Corneloup

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    Parce qu’il faut nommer les choses, l’amendement tend à insérer un article additionnel afin de préciser que la fin de vie correspond à l’euthanasie, à savoir l’usage de procédés qui permettent de hâter ou de provoquer délibérément la mort à la demande du malade désireux de mourir.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Il s’agit, là encore, d’un amendement sémantique auquel je serai défavorable pour les mêmes raisons.

    (L’amendement no 715, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Vincent Trébuchet, pour soutenir l’amendement no 1348.

    M. Vincent Trébuchet

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    La dénomination « aide à mourir » est à présent inscrite à l’article 2 tel qu’il a été adopté mais nous souhaiterions tout de même préciser, pour mieux les distinguer, ce que sont l’euthanasie et le suicide assisté, sans remettre en cause la dénomination « aide à mourir ». Une fois le texte adopté, les termes d’euthanasie et de suicide assisté continueront à être employés par nos concitoyens. Ce serait problématique de ne pas les définir dans la loi et de laisser perdurer le flou juridique.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Même avis défavorable pour les mêmes raisons.

    (L’amendement no 1348, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)

    Article 3

    M. le président

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    La parole est à Mme Karine Lebon.

    Mme Karine Lebon

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    L’article 3 vise à inscrire de manière claire et explicite le droit d’accéder à l’aide à mourir dans l’article fondamental du code de la santé publique qui consacre les droits des personnes malades.
    L’article L 1110-5 du même code, dans sa rédaction actuelle, reconnaît que toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé doivent mettre en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté.
    Il est temps de reconnaître que dans certaines situations de souffrance réfractaire, insupportable et sans issue, ce droit comprend aussi la liberté de choisir les conditions de sa propre fin de vie. Le texte que nous examinons prévoit un cadre strict et solennel pour permettre aux personnes en fin de vie de recourir à l’aide à mourir. Ce cadre n’ouvre pas un droit absolu à la mort, il organise une réponse exceptionnelle à des situations exceptionnelles. Il ne supprime ni les soins, ni l’accompagnement, ni les alternatives. Il offre une ultime possibilité lorsque tout a été tenté, que la médecine a atteint ses limites et que la dignité commande de ne pas imposer à une personne ce qu’elle ne peut plus endurer.
    Ce faisant, nous affirmons que le droit à la santé n’est pas seulement soigner pour guérir mais accompagner pour ne pas faire souffrir inutilement. Ce droit ne saurait être réservé à ceux qui peuvent se rendre à l’étranger ou qui disposent de soutiens particuliers. Il doit au contraire être garanti par la République pour tous et dans tout le territoire. Je vous assure qu’étant élue d’un département éloigné de 10 000 kilomètres de l’Hexagone, d’où partent à l’étranger pour bénéficier de ce droit les rares personnes qui peuvent se le permettre, je mesure combien ce texte est important pour toutes les autres.
    Nous devons faire preuve de cohérence : si nous créons une section législative pour encadrer l’aide à mourir, cette possibilité doit être reconnue comme une composante de la réponse que la médecine peut apporter, dans le respect de la volonté du patient. Cela ne signifie pas que ce sera la solution pour tous mais qu’elle existe pour ceux qui la demandent, dans les conditions rigoureusement définies par la loi. (Mme Danielle Simonnet applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.

    Mme Sandrine Dogor-Such

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    Par cet article, vous voulez inscrire l’aide à mourir dans le code de la santé publique, c’est-à-dire un droit subjectif, ce qui est inédit. Pour le défendre, vous affirmez que ce droit est plus large, qu’il englobe l’ensemble des dispositifs d’accompagnement des malades en fin de vie, en particulier les soins palliatifs. Or les soins palliatifs sont inscrits depuis la loi de 2002 à l’article L. 1110-9 du même code.
    L’aide à mourir, à savoir l’euthanasie et le suicide assisté, consiste à donner la mort aux patients par l’injection d’une substance létale lorsque le patient décide de cesser ses traitements. Il ne s’agit en aucun cas d’un soin et il ne saurait donc être inscrit dans le code de la santé publique. Ce n’est pas de la médecine mais un choix de société.
    Cette inscription alimentera la confusion qui existe au sein de la société française. Un sondage de LNA Santé a ainsi montré que 49 % des Français admettent ne pas connaître la différence entre l’aide à mourir, le suicide assisté et l’euthanasie. Nous dénonçons, depuis le début de l’examen de ce texte, la confusion que vous entretenez volontairement. Je voterai donc contre l’article. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Lauzzana.

    M. Michel Lauzzana

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    Cet article 3 est très important en ce qu’il vise à inscrire dans le code de la santé publique que le droit à une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance comprend la possibilité d’accéder à l’aide à mourir. Parce que je ne doute pas que cet article suscitera de nombreuses critiques qui se traduiront en autant d’amendements de suppression ou de considérations sémantiques, je voudrais rappeler qu’il est impératif d’adopter ce texte.
    En effet, s’il est une chose qui me tient particulièrement à cœur et dont on ne parle pas assez, c’est la dignité. La dignité peut être perçue comme une notion sociétale mais elle est avant tout personnelle ;…

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Très juste !

    M. Michel Lauzzana

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    …elle se mesure à l’aune de soi-même mais aussi des autres, du regard qu’ils porteront sur notre fin. Comment notre famille nous verra-t-elle lorsque nous serons arrivés à la fin de notre vie ? Comment les gens que nous aimons percevront-ils notre déclin, qui pourrait entamer notre dignité ? Réussir sa vie, c’est aussi, d’une certaine manière, réussir sa mort. Quand on en arrive à une situation si dégradée que l’on ne veut pas se voir, il me semble que l’on rate aussi, quelque peu, sa vie. J’y insiste : réussir sa vie, c’est aussi réussir sa mort.
    On peut et on doit vouloir être entouré de ceux que l’on aime, qui nous aiment, pour partir dans une certaine sérénité. C’est ce que permettra ce texte.
    Enfin, je dirai à ceux qui invoquent le serment d’Hippocrate que celui-ci a évolué avec notre société et qu’il continuera à le faire car il n’est pas inscrit dans le marbre –⁠ je le dis d’autant plus volontiers que je suis moi-même médecin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR et sur de nombreux bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Excellente intervention !

    M. le président

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    La parole est à Mme Océane Godard.

    Mme Océane Godard

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    L’article 3 de cette proposition de loi est d’une grande importance car il inscrit l’accès à l’aide à mourir dans le cadre du droit à une fin de vie digne. Ce droit, prévu à l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, garantit à chaque personne une fin de vie respectueuse, apaisée, en mettant fin aux douleurs réfractaires, qu’elles soient physiques ou psychiques.
    Je qualifierai cet article, déjà inclus dans notre droit positif, d’article d’amour destiné à accompagner nos concitoyens afin qu’ils ne courent pas de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. Cet article sera désormais complété par la possibilité de bénéficier de l’aide à mourir, définie à l’article  2 que nous venons de voter.
    Dans sa grande majorité, le groupe socialiste soutient pleinement cet article  3 car il repose sur le principe de liberté individuelle placé au cœur de notre vision humaniste de la société. Il permet aux femmes et aux hommes qui, atteints d’affection grave et incurable, subissent des souffrances réfractaires insoutenables, de bénéficier de l’aide à mourir s’ils le choisissent.
    Cet article s’inspire d’une recommandation du Conseil économique, social et environnemental (Cese) rappelant l’importance de garantir le droit à l’aide à mourir au nom de la liberté de choisir sa fin de vie. Il s’agit de respecter la volonté des femmes et des hommes qui n’en peuvent plus et qui veulent organiser la fin de leur vie. Vous l’avez compris, avec cet article –  que nous voterons – nous plaçons la personne au centre de sa vie et nous ouvrons un nouveau droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.–⁠ Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Le deuxième alinéa de l’article  L.  1110-5 du code de la santé publique dispose : « Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté. »
    Si, par l’article  3 de la présente proposition de loi, vous voulez compléter cet alinéa en incluant la mort provoquée, nous sortons de l’apaisement de la souffrance : avec la mort provoquée, on élimine le patient. Pourquoi vouloir modifier cet article, issu de précédentes lois inspirées par une philosophie différente, alors que vous avez déjà inséré à l’article 2 une section 2  bis dédiée à l’aide à mourir ? C’est inutile et je dirais même que cela est source de confusion.
    En établissant un parallèle entre le droit à l’aide active à mourir et le droit de recevoir les soins les plus appropriés, cet article assimile la mort provoquée à des soins. Or on n’est pas dans le même registre : l’apaisement de la souffrance par des soins, notamment palliatifs, est antithétique à l’acte de mettre fin prématurément, et surtout intentionnellement, à la vie d’un malade.
    Reprenons la définition du soin du code de la santé publique, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou même de l’Académie de médecine : « Un soin maintient ou améliore la santé » ; « Un soin est l’ensemble des mesures et des actes visant à faire bénéficier une personne des moyens de diagnostic et de traitement lui permettant d’améliorer et de maintenir sa santé physique et mentale ». En quoi administrer une substance létale en vue de provoquer la mort va-t-il améliorer ou maintenir la santé ? Ce n’est pas du tout le cas ! Vous le voyez, cet article-là est inutile ; il crée de la confusion ; il faut le supprimer.

    M. le président

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    Nous en venons à la discussion des amendements de suppression de l’article 3. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 17.

    M. Patrick Hetzel

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    Non seulement l’article 3 n’est pas nécessaire mais, de surcroît, il crée inutilement de la confusion.
    En effet, il est tendancieux d’affirmer que l’évolution législative envisagée assurera le même respect au droit de solliciter l’euthanasie ou le suicide assisté, qu’au droit, dit universel, de bénéficier des soins palliatifs.
    Ensuite, les acteurs des soins palliatifs ont le sentiment –  ils ont été nombreux à l’indiquer – de défendre, à contre-courant, une cause qui, en cas d’adoption de cette loi, sera désormais délégitimée par toutes sortes de propos réfractaires aux principes dont ils s’estiment garants auprès de leurs patients. Ces professionnels savent mieux que d’autres ce que signifie accompagner humainement une personne au terme de sa vie, accompagnement qui n’a rien à voir avec ce que d’aucuns, qui souhaitent l’instaurer, appellent l’aide active à mourir.
    Considérer que le professionnel de santé puisse à la fois être acteur du soin dans sa continuité jusqu’au décès et provocateur intentionnel de la mort remet en question l’essence même de l’acte de soin et la déontologie des professionnels de santé. Pour toutes ces raisons, je demande la suppression de cet article 3.

    M. le président

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    L’amendement no 121 de M. Corentin Le Fur est défendu.
    La parole est à M. Charles Rodwell, pour soutenir l’amendement no 761.

    M. Charles Rodwell

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    La principale raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement réside dans les dispositions de l’article  L.  1110-5 du code de la santé publique selon lesquelles « toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l’ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés ». Le débat sémantique me semble très important sur ce point. À titre personnel, je ne considère pas que l’aide à mourir soit un soin ; c’est un acte d’une autre nature. Voilà pourquoi je propose la suppression de l’article 3.

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 1041.

    M. Dominique Potier

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    Il s’agit de contrer l’argument principal des partisans de cette loi, abondamment répété, selon lequel elle n’ôterait rien à personne.
    Lorsque je lis l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, je vois un texte assez merveilleux qui correspond parfaitement à ce que j’aime dans la République, dans cette république sociale où nous prenons soin les uns des autres.
    Or l’ajout de la phrase prévue, au second alinéa dudit article, est de nature à tout perturber, bousculant l’éthique du soin énoncée par le code de la santé publique, changeant le regard sur les soignants et le regard que les soignants auront sur eux-mêmes. Enfin –⁠ c’est mon argument principal –, il modifie radicalement l’économie de la santé. Cette dernière, aujourd’hui, doit tendre en permanence à plus d’humanisme, plus de compassion, plus de moyens : c’est l’épopée des soins palliatifs qu’il nous faut accomplir.
    Or la dérive possible vers une autre solution, plus économe et plus performante, nous ramène à une trajectoire vertigineuse, celle de la prise en compte des questions suivantes : ma vie vaut-elle le coup d’être vécue ? Quel est le coût pour la société d’une vie prolongée dans l’affection et dans la compassion ?
    Margaret Thatcher disait –⁠ c’est un mot bien connu –⁠ : « Il n’y a pas de société », tandis qu’un grand penseur, Anglais lui aussi, George Orwell, affirmait pour sa part qu’il y avait une « décence commune ». Moi, je vous le dis avec force, mon camp est celui de la décence commune ! Je pense qu’il y a une société et je pense qu’introduire l’aide à mourir dessinerait une autre société, qui n’est pas celle que je souhaite. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe DR. –  M.  Charles Rodwell applaudit également.)

    M. le président

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    Sur les amendements no 17 et identiques, je suis saisi, par les groupes Rassemblement national et Droite républicaine, d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1255.

    M. Christophe Bentz

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    J’avais promis de vous parler beaucoup de l’aide à mourir à l’occasion du débat sur le texte consacré aux soins palliatifs et de vous parler beaucoup des soins palliatifs dans le débat sur le texte relatif à l’aide à mourir pour dénoncer l’absence d’étanchéité entre les deux textes.
    Il y a une injustice sociale et médicale dans l’accès aux soins palliatifs. La liberté de choisir l’aide à mourir existe-t-elle pour les 180 000 Français qui meurent chaque année dans la souffrance sans avoir accès aux soins palliatifs ? Y a-t-il une liberté lorsque le choix est entre souffrir ou mourir ? Cet amendement tente de supprimer ce texte par tous les moyens, au nom du soin et au nom de la justice médicale, sociale et territoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 1337.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je tiens par cet amendement de suppression de l’article 3 à marquer une fois encore mon opposition à ce texte sur l’euthanasie et le suicide assisté. À ce stade du débat, un point me gêne –⁠ je l’ai évoqué hier soir et à plusieurs reprises lors du débat sur les soins palliatifs –, c’est que nous ne disposons pas des données sur lesquelles repose cette proposition de loi. L’autre jour au banc, il a été dit que, jusqu’au début de l’année 2025, nous n’avions aucun chiffre public sur la sédation profonde et continue. Alors que l’argument de la sédation profonde et continue est souvent utilisé par les promoteurs du présent texte, ce point a été insuffisamment débattu.
    Hier soir, j’ai posé une autre question au rapporteur général et à la ministre : vous parlez de cas que la législation actuelle ne permettrait pas de traiter, quels sont-ils ? Je n’ai pas eu de réponse précise. Combien sont ces fameux cas ? Combien de personnes seront-elles éligibles au dispositif prévu, entre autres, par cet article 3 ? Selon vos anticipations, combien de personnes auront-elles recours, demain, à l’euthanasie et au suicide assisté ?

    Mme Élise Leboucher, rapporteure

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    Tous ceux qui doivent partir à l’étranger pour y avoir recours !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Pour éclairer la représentation nationale, nous aurions besoin d’avoir des données et je suis étonné qu’elles n’aient pas été communiquées. (M.  Charles Rodwell applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Yannick Monnet, pour soutenir l’amendement no 1441.

    M. Yannick Monnet

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    Je retire mon amendement et je vais vous en expliquer les raisons. Je voterai contre l’article 3 sans voter les amendements de suppression car –⁠ je l’ai dit hier – ils nous empêchent d’avoir un débat de fond, pourtant nécessaire.
    Nous voterons contre l’article 3 parce que nous considérons que l’aide à mourir ne peut en aucun cas être assimilée à un soin. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –  MM.  Dominique Potier, Charles Rodwell et Mme  Joséphine Missoffe applaudissent également.) Pour nous, elle ne peut pas être une solution alternative aux soins ; on décide de solliciter l’aide à mourir quand les soins sont mis en échec. Je l’ai dit tout à l’heure : je suis favorable à l’aide à mourir à condition d’en faire un droit exceptionnel, ouvert lorsqu’il n’existe plus aucune autre possibilité et que la personne concernée le décide.
    C’est un vrai débat de fond. Si on fait de l’aide à mourir une solution alternative aux soins, on met le doigt dans quelque chose d’autre que ce que nous cherchons. Tout compte fait, parfois il sera peut-être plus confortable de choisir cette solution que de se battre pour avoir des soins. Je ne prête pas de mauvaises intentions aux gens qui défendent cet article mais fondamentalement l’aide à mourir ne peut pas être un soin. Un soin, ça aide à vivre. Et l’aide à mourir, c’est quand il y a plus de moyens d’aider à vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –  M.  Dominique Potier applaudit également.)

    (L’amendement no 1441 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1602.

    M. Thibault Bazin

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    Je vais compléter mes propos liminaires par un peu d’archéologie législative. L’article L. 1110-5 du code de la santé publique est issu de la loi Kouchner de 2002, puis de la loi Leonetti de 2005, puis de la loi Claeys-Leonetti de 2016. Nous avons là un trésor…

    M. Dominique Potier

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    Un chef-d’œuvre !

    M. Thibault Bazin

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    …qui, d’une certaine manière, est à l’origine de l’ambition sur les soins palliatifs. Dès la version de 2002 de la loi Kouchner, le texte mentionne « le droit de recevoir les soins les plus appropriés visant à soulager [la] douleur ». Or ici il n’est plus question de soigner ou de soulager la douleur, mais d’éliminer le patient ! Ce peut être le choix fait par l’Assemblée nationale mais la philosophie n’est pas la même. D’ailleurs, vous ne cessez de parler de droit nouveau : ce n’est ni le même droit, ni la même philosophie que la loi Claeys-Leonetti.

    M. Dominique Potier

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    Exactement !

    M. Thibault Bazin

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    J’ai cité tout à l’heure la définition du soin donnée par l’Académie de médecine ; en octobre 2007, la Haute Autorité de santé (HAS) définissait un acte de soin comme « un ensemble cohérent d’action et de pratiques mis en œuvre pour participer au rétablissement ou à l’entretien de la santé d’une personne ». Quand on administre une substance létale en vue de provoquer la mort, où sont le rétablissement ou l’entretien de la santé d’une personne ? C’est profondément contradictoire.
    De plus, supprimer l’article 3 ne met pas en danger votre proposition de loi.
    Cet article est profondément inutile et je dirais même qu’il crée de la confusion. Depuis lundi, vous nous dites : ne vous inquiétez pas, nous n’enlevons rien, nous ne modifions rien à la loi Claeys-Leonetti, nous la laissons de côté et nous apportons une autre pierre. Ici, ne vous en déplaise, vous modifiez l’esprit de la loi Claeys-Leonetti. N’y touchez pas !

    M. le président

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    La parole est à Mme Lisette Pollet, pour soutenir l’amendement no 1937.

    Mme Lisette Pollet

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    Il vise à éviter que l’on puisse assimiler à un soin le fait de donner la mort. Que l’on veuille ouvrir la boîte de Pandore en créant un fait justificatif de consentement de la victime est une chose, que l’on habille un acte grave et moralement équivoque en soin en est une autre.
    Un soin vise à écarter la mort. À défaut de mieux, il vise à atténuer la souffrance –⁠ c’est le sens de la loi Claeys-Leonetti. Il ne saurait en aucun cas consister à donner la mort. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Vincent Trébuchet, pour soutenir l’amendement no 2002.

    M. Vincent Trébuchet

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    L’article 3 vise à inscrire l’aide à mourir dans la catégorie du soin, ce qui, personnellement, ne me semble pas pertinent pour des raisons déjà été énoncées.
    Je souhaite souligner un autre point : quand bien même l’aide à mourir serait classée parmi les soins, il existe au minimum une différence de temporalité entre les soins palliatifs, qui sont forcément pratiqués préalablement, et l’aide à mourir.
    D’ailleurs, ce sont les souffrances réfractaires qui sont à l’origine du présent débat, ce qui prouve qu’avant d’évoquer avec le patient l’aide à mourir, il faut lui avoir proposé, en amont, des soins palliatifs afin de soulager sa douleur –⁠ et qu’il ait pu bénéficier de ces soins. Or votre rédaction ne prend pas en considération cette chronologie. L’article 3 ne lève pas la confusion et il n’en est pas question non plus dans les articles suivants.

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2493.

    M. Philippe Juvin

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    La lecture de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique est très instructive car il définit, de façon à la fois concentrée et profonde, le soin et la prise en charge. Il n’y a pas un mot en trop, on va droit à l’essentiel. On peut y lire : « Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. » Ou encore : « Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. […] le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie […]. »
    Soit on considère que le suicide assisté et l’euthanasie sont un soin, et dans ce cas il faut l’inscrire après cet article du code de la santé publique –⁠ article que nous ne devons pas modifier car il décrit une étape qui intervient plus tôt –, soit on considère, comme moi, que ce n’est pas un soin et dans ce cas une telle mention n’a évidemment pas sa place dans l’article, lequel définit parfaitement, au mot près, sans ajout bavard et inutile, la prise en charge d’un patient, particulièrement en fin de vie.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

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    Contrairement à ce qui est affirmé dans tous ces amendements, l’article 3 n’assimile pas l’aide à mourir à un soin –⁠ je vous le dis et le répète. Il modifie le deuxième alinéa de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique qui porte spécifiquement sur l’accompagnement des personnes à la fin de la vie sans faire référence à la notion de soin.
    L’article L. 1110-5, que vous avez cité, ne porte pas uniquement sur les soins. Il mentionne également le traitement ou encore les actes de prévention et d’investigation. Je cite le premier alinéa : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l’ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire […]. Les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. »
    Surtout, le second alinéa, issu de la loi Claeys-Leonetti, prévoit : « Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté. »
    Or l’article 3 vise bien à compléter cet alinéa qui porte spécifiquement sur l’accompagnement des personnes à la fin de leur vie et ne mentionne pas le soin. Nous souhaitons ainsi indiquer que l’aide à mourir constitue l’une des modalités possibles de l’apaisement de la souffrance et l’une des façons de préserver la dignité des malades à la fin de leur vie, ce qui est conforme à l’esprit du texte et à l’esprit originel de l’article L. 1110-5. Je le dis et le répète : nous ne disons pas que l’aide à mourir est un soin. (M. Maxime Laisney applaudit.)
    Voilà pourquoi je suis défavorable à tous ces amendements de suppression.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Je rejoins les députés qui considèrent que l’aide à mourir ne constitue pas un soin. Cependant ce n’est pas ce que prévoit l’article dont nous discutons.
    Je n’ai aucune difficulté à dire que le droit à l’aide à mourir fait partie des droits dont peut bénéficier toute personne lorsqu’elle souhaite, à la fin de sa vie, avoir un accompagnement qui lui permette d’apaiser au mieux sa souffrance. Or c’est bien ce dont il est question dans l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, que je viens de relire moi aussi. C’est pourquoi je demande le retrait de ces amendements et émettrai, à défaut, un avis défavorable.
    M. Sitzenstuhl nous a demandé quels étaient les cas que la législation actuelle ne permettait pas de traiter. Je citerai par exemple le cas –⁠ qui existe malheureusement – d’une personne atteinte d’un cancer du pancréas métastatique qui entraîne la défaillance de tous ses organes. La mort est hélas inéluctable et le patient souffre de douleurs atroces et réfractaires. On peut imaginer que les soins palliatifs qui lui sont prodigués ne parviennent pas à atténuer celles-ci.
    Dès lors, que fait-on si le patient, en phase terminale, et atteint d’une maladie irréversible, dit qu’il ne veut plus subir ces douleurs réfractaires –⁠ nous aurons l’occasion de discuter des conditions d’accès à l’aide à mourir ? Faut-il attendre quelques jours, voire quelques semaines, pour que son cas entre dans le cadre de la loi Claeys-Leonetti ? Ne devons-nous pas entendre sa demande et examiner son éligibilité à l’aide à mourir ? C’est à ce type de situation que nous faisons référence.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Et combien de personnes sont concernées ?

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-François Rousset.

    M. Jean-François Rousset

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    À vous entendre, il semble que vous ne souhaitiez aucune évolution de la législation actuelle pour les patients qui ne peuvent être traités par les soins palliatifs.
    Le droit à l’aide à mourir est une preuve d’humanité.

    Mme Danielle Simonnet

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    Exactement !

    M. Jean-François Rousset

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    Vous réagissez de façon très froide face à ces situations. Vous vous retranchez derrière des articles de loi, vous livrez vos interprétations et vos interrogations sur le fait d’assimiler ou non telle pratique à telle autre.
    Or nous parlons de patients en fin de vie qui souffrent tellement qu’ils réclament le droit à mourir. Il y a une forme d’hypocrisie dans le fait de ne pas accepter cette réalité (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC et EcoS. –⁠ M. Maxime Laisney et Mme Brigitte Liso, rapporteure, applaudissent également.) Une telle situation peut se produire au domicile du patient, dans un hôpital périphérique, dans une clinique ou dans une structure de soins palliatifs.
    Avez-vous déjà vu une personne reprendre une vie normale après avoir été prise en charge en soins palliatifs ? Les patients qui bénéficient de ces soins sont dans un tel état qu’ils mourront des suites de leur maladie –⁠ le plus souvent un cancer.
    Lorsqu’on évoque le stade dépassé d’une maladie, c’est qu’il s’agit d’un cancer et, jamais, par exemple, d’une insuffisance rénale. Dans ce dernier cas, on parlera d’un niveau modéré, grave, ou qui justifie une dialyse. Il en va de même pour les autres pathologies liées à un élément mesurable, comme l’insuffisance respiratoire –⁠ après avoir mesuré la capacité respiratoire, on peut par exemple en conclure que l’installation d’un dispositif permettant d’apporter un peu d’oxygène la nuit est nécessaire.
    En soins palliatifs, on évalue la douleur et on soigne en fonction du niveau de douleur. Or il arrive un moment, selon le degré d’efficacité, où le médicament, ou les médicaments associés, que l’on administre au patient atteignent la dose létale. Voudriez-vous intenter un procès aux médecins qui ont recours à cette pratique ? Aux infirmières qui règlent le débit de la morphine ? Vous ne vous rendez pas compte de la réalité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
    Les gens demandent que ces situations soient traitées avec humanité, ils veulent qu’on prenne en considération ces patients qui n’en peuvent plus. Vous discutez depuis tout à l’heure de ce qui est un soin et de ce qui n’en est pas un. Allez donc poser la question aux personnes directement confrontées à cette situation. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Rousseau.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Aujourd’hui –⁠ et nous en avons peu parlé depuis le début de l’examen du texte –, de nombreuses personnes en fin de vie recourent à l’aide à mourir de façon clandestine. Certaines font appel à des médecins qui les accompagnent en dehors du cadre de la loi. D’autres se procurent des médicaments, parfois en contrebande. D’autres encore se suicident avec les moyens du bord. Il y a aussi des personnes qui, en secret, aident un proche à mourir ou le conduisent à l’étranger.
    Or ces pratiques clandestines mettent en danger aussi bien les proches et les médecins que les personnes désireuses de mourir elles-mêmes, qui n’ont pas forcément accès aux bons produits.
    Vous confondez le soin et l’acte médical. L’aide à mourir n’est peut-être pas un soin en tant que tel mais c’est bien un acte médical. Dès lors, il doit être inscrit dans le code de la santé publique puisque c’est le texte qui encadre les actes médicaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe SOC. –⁠ M. Maxime Laisney applaudit également.)
    Le fait de prétendre que ce texte assimile l’aide à mourir à un soin est une hypocrisie, une manière de ne pas débattre des vrais enjeux. Oui, avec cette loi, nous proposons d’inscrire dans la loi la fin de vie médicalement assistée.
    Une sédation profonde et continue n’est pas un soin à proprement parler. Cette pratique ne vise pas à soigner les personnes mais à soulager voire à éteindre la douleur. C’est donc un acte médical. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. Hadrien Clouet.

    M. Hadrien Clouet

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    Le collègue Bazin nous a invités tout à l’heure à faire de l’archéologie. Eh bien, creusons ensemble ! Vous avez cité l’article L. 1110-5 du code de la santé publique en lisant un extrait de la version de 2002 et en considérant qu’il y avait une contradiction entre le contenu de l’article 3 du présent texte.
    Or figurez-vous que, dans la version de 2002 que vous avez lue, juste après la phrase que vous avez lue, figure une dernière phrase. Je vous la livre afin que tout le monde soit éclairé : « Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort. »

    M. Thibault Bazin

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    Je l’ai lue aussi !

    M. Hadrien Clouet

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    Non, vous avez lu uniquement la phrase qui précède.

    M. Thibault Bazin

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    Je l’ai lue en introduction !

    M. Hadrien Clouet

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    Nous aurons donc le point de désaccord suivant –⁠ mais ce n’est pas grave, assumons ce débat. Selon nous, le fait d’« assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort », principe qui figure dans notre droit depuis plus de vingt ans, consiste aussi à soulager, le plus possible, les souffrances, en prenant en considération l’opinion du patient. (M. Maxime Laisney applaudit.)
    Il s’agit d’un droit fondamental, assuré par des praticiens de santé. Dès lors, il doit forcément figurer dans le code de la santé publique. C’est logique.
    Voilà pourquoi vos amendements ne doivent pas être adoptés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Justine Gruet.

    Mme Justine Gruet

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    Nous avons en effet de bons débats mais vous ne tenez pas beaucoup compte de nos interpellations. Que nous soyons d’accord ou non, je pense que nous ne pouvons pas prévoir des mesures contradictoires.
    Alors que nous inscrivons l’aide à mourir, qualifiée ou non de soin, dans le code de la santé publique, vous dressez souvent le parallèle avec ce qui existe dans d’autres pays européens : je vous signale que ces pays ont choisi de faire des lois autonomes qui ne se rattachent pas à leur code de la santé publique.

    M. Jean-François Rousset

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    Et alors ?

    Mme Justine Gruet

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    Par défaut, puisqu’il est trop tard, nous souhaitons reprendre ce que nous proposions à l’article 1er : créer une septième partie du code de la santé publique, dissociée des dispositions relatives à l’accompagnement et aux soins prodigués par les professionnels.
    Monsieur Rousset, nous nous référons à de nombreux articles de loi et à des codifications précises, parce que c’est notre rôle en tant que législateur : nous nous apprêtons à changer la loi. (M. Charles Rodwell applaudit.)
    Si nous lisons et interprétons le droit de différentes manières, en fonction de nos convictions, nous parlons bien là du même article du code de la santé publique, bien qu’il ne s’agisse pas du même alinéa. Quelle solution pouvons-nous trouver ?
    Si nous vous interpellons, ce n’est pas pour être désagréables. J’ai de nombreuses incertitudes et j’ai besoin que l’on borne concrètement ce nouveau droit. Ne pourrions-nous pas rattacher l’accompagnement d’une fin de vie digne à, je le répète, une septième catégorie, au lieu de le mettre dans le même article ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.

    Mme Sandrine Dogor-Such

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    Monsieur le rapporteur général, je vous ai bien écouté tout à l’heure. Pour vous, donc, tout cela ne pose pas de problème. Dans ce cas, quel est l’intérêt de l’article 3 ?
    Les soins palliatifs sont inscrits dans la loi depuis 2002. Maintenant, quand on vous dira que l’aide à mourir n’est pas un soin, vous pourrez répondre que si, puisque c’est dans le code de la santé publique. Si notre système de santé n’était pas en berne, nous ne débattrions même pas de ce sujet. Nous aurions fait une loi sur l’euthanasie ou le suicide assisté, et chacun aurait pu choisir.
    Dans ma circonscription –⁠ et je suis sûre que dans les vôtres aussi –, je ne rencontre pas un seul électeur qui ne me dise pas : « Aujourd’hui, dans notre société, il ne faut pas tomber malade. » Il faut des semaines pour trouver un médecin, plus d’un an pour consulter un spécialiste. C’est la vérité. La dignité est surtout liée aux soins et aux conditions de vie. Si la loi de 1999 et les suivantes avaient été appliquées, les Français auraient été accompagnés jusqu’à leur dernier souffle.

    M. Maxime Laisney

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    La médecine ne peut pas tout, chère collègue !

    Mme Sandrine Dogor-Such

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    Je suis très inquiète de la situation des personnes vulnérables. Chacun a la liberté de décider s’il souhaite ou non recourir à l’euthanasie ou au suicide assisté. Je l’admets. Toutefois, les personnes vulnérables n’auront pas ce choix, parce qu’elles n’auront pas été accompagnées. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Lauzzana.

    M. Michel Lauzzana

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    Je suis choqué que certains opposants à cette proposition de loi acceptent aussi bien la loi Claeys-Leonetti. Que prévoit cette loi ? Un acte : vous arrêtez les traitements d’une personne malade pour la conduire progressivement vers la mort, en lui donnant des doses de sédatif de plus en plus importantes.
    Quelle est la différence avec l’aide à mourir ? Je vais vous la dire : c’est la durée. Il y a des personnes qui mettent plus d’une semaine à mourir dans les conditions prévues par la loi. C’est une semaine de déchéance, d’image dégradée pour la famille et de perte de dignité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS.)
    Cela me choque. Monsieur Monnet, c’est un soin de les aider à passer un cap, qui est certes celui de la souffrance ultime, mais qui leur évite l’indignité en les aidant à mourir. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Tout a été dit sur l’histoire de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, qui a été façonné par des personnes comme Bernard Kouchner dans les années 1980 ou Alain Claeys et Jean Leonetti. Ils ont progressivement instauré un continuum législatif qui s’arrête à la limite que vous critiquez : celle des solutions prévues par la loi Claeys-Leonetti, qui ne franchit pas la barre de l’aide active à mourir, de l’euthanasie ou du suicide assisté. L’inscription de l’aide à mourir dans ce chapitre du code est inutile : elle ne changera rien à la proposition de loi. Il convient de respecter la dynamique des soins palliatifs et d’une certaine éthique du soin.
    Monsieur le rapporteur général, madame la ministre, lors des débats sur l’article 1er, vous avez fait grand cas de l’histoire des mots et de leur charge culturelle. Ainsi, par respect pour le monde des soins palliatifs et pour ceux qui ont bâti ce continuum, je vous demande de ne pas vous opposer à la suppression de l’article 3.
    Autrement, vous montreriez qu’au nom des libertés individuelles, vous menez une bataille culturelle contre tout ce qui peut faire société et tout ce qui est commun. Vous opposeriez un humanisme à un autre humanisme, une fraternité à une autre –⁠ personne n’en a le monopole –, ce qui est totalement inefficace. Respectez la rédaction actuelle de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle.

    Mme Colette Capdevielle

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    Je l’ai vérifié : ceux qui invoquent aujourd’hui la loi Claeys-Leonetti ont voté contre elle à l’époque. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    Mme Danielle Simonnet

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    Eh oui !

    M. Thibault Bazin

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    Non, pas moi !

    Mme Colette Capdevielle

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    Je parle de ceux qui étaient déjà députés ! Il est important de le rappeler, même si, je le reconnais, le temps passe.
    En tant qu’élue de Bayonne, je voudrais évoquer une affaire qui a défrayé la chronique, il y a quelques années, pour montrer que l’accompagnement d’une personne en fin de vie a déjà été jugé comme un acte médical : je parle de l’affaire Bonnemaison.
    Entre 2010 et 2011, Nicolas Bonnemaison, urgentiste à l’hôpital de Bayonne, a aidé des patients très malades, âgés de plus de 90 ans, en fin de vie. Le ministère public l’a poursuivi pour sept crimes et il a été jugé par la cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques. Deux familles seulement s’étaient constituées partie civile, parce qu’elles voulaient savoir ce qui s’était passé, sans demander d’argent.

    M. Thibault Bazin

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    Quel est le rapport avec l’article ?

    Mme Colette Capdevielle

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    Au terme de ce procès, Nicolas Bonnemaison, qui est resté médecin, a été acquitté en juin 2014 par la cour d’assises, c’est-à-dire par des jurés populaires. Pourquoi ? Parce qu’à l’époque, il y a onze ans, la justice avait estimé que les actes qu’il avait commis étaient destinés à donner médicalement à ces personnes la possibilité d’arrêter de souffrir, parce que ces dernières n’en pouvaient plus, parce qu’elles étaient au bout du chemin. (M. Maxime Laisney applaudit.) Personne n’est éternel, nous finirons tous un jour par nous éteindre.
    Il faut conserver l’article 3, qui est fondamental : aider quelqu’un à terminer le chemin, c’est un acte médical, et rien d’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Meurin.

    M. Pierre Meurin

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    Je n’ai pas un niveau d’expertise très élevé sur ce texte, mais je sais qu’il traite d’un sujet d’éthique majeur. Je prends la parole pour la première fois sur la question. L’intervention de Mme Rousseau au cours de la discussion de ces amendements de suppression m’a fait bondir. Rendons-nous compte de ce que nous sommes en train de faire : nous décorrélons l’acte médical du soin. Cela signifie qu’un acte médical n’est plus nécessairement un soin. Or, en vertu du principe primum non nocere, croyez-vous vraiment que les médecins et tous les personnels soignants seront d’accord avec cela ?
    Vous avez dit que, pour éviter que les gens en viennent à se suicider « avec les moyens du bord » (Mme Sandrine Rousseau opine du chef), vous souhaitiez demander aux soignants d’être des auxiliaires de suicide. Dans quel monde vivons-nous ? (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
    Revenons à l’essence de cet amendement. Décorréler l’acte médical du soin est une rupture civilisationnelle.

    M. Aurélien Saintoul

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    Eh bien, vous n’avez pas manqué au débat, vous !

    M. Pierre Meurin

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    À titre personnel, cela me plonge dans un abîme de perplexité. Qu’on soit pour ou contre ce texte, pour les soignants et pour nous-mêmes, reconnaissons que la brèche dans laquelle nous nous engouffrons sera terrible. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Sandrine Rousseau

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    Dans ce cas, revenons à la loi Claeys-Leonetti !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Il y a au moins un point commun sur tous les bancs : la recherche de l’apaisement de la souffrance d’une personne en fin de vie. (Mme Justine Gruet applaudit.) C’est cela que nous recherchons tous. Certes, les voix divergent mais, jusqu’à maintenant, samedi à 19h55, nous avons réussi à nous écouter les uns les autres et à reconnaître que les professionnels des soins palliatifs, en particulier les soignants, méritaient tout notre respect,…

    M. Aurélien Le Coq

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    Mais aussi des budgets !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    …et que les malades méritaient toute notre écoute et notre attention. Ne commençons donc pas à nous jeter des anathèmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
    Monsieur Potier, j’ai beaucoup de respect pour ce que vous êtes et pour ce que vous dites. Même si nous n’avons pas la même lecture de l’alinéa 2 de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, il n’en reste pas moins vrai que ce qui nous préoccupe, c’est l’apaisement de la souffrance. J’espère que cette cause peut nous rassembler. Je réitère donc l’avis du gouvernement : demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 17, 121, 761, 1041, 1255, 1337, 1602, 1937, 2002 et 2493.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        117
            Nombre de suffrages exprimés                114
            Majorité absolue                        58
                    Pour l’adoption                43
                    Contre                71

    (Les amendements identiques nos 17, 121, 761, 1041, 1255, 1337, 1602, 1937, 2002 et 2493 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra