Troisième séance du lundi 19 mai 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Droit à l’aide à mourir
- Discussion des articles (suite)
- Article 4 (suite)
- Amendements nos 606, 25, 459 et 1308
- Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des affaires sociales
- Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
- Amendements nos 1357 rectifié, 494 et 294
- M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
- Amendements nos 307 rectifié, 1897, 2006, 686, 872, 2346, 918, 1311, 1611, 1856, 2474, 1713 rectifié, 1715, 1044, 142, 2497, 2345, 881, 922, 903, 1029, 324 et 394
- M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
- Mme la présidente
- Rappel au règlement
- Article 4 (suite)
- Amendement no 939
- Rappel au règlement
- Article 4 (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Article 4 (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Droit à l’aide à mourir
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir (nos 1100, 1364).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 769 à l’article 4.
Article 4 (suite)
Mme la présidente
L’amendement no 769 de M. Charles Rodwell n’est pas défendu.
Sur les amendements nos 25 et identiques, je suis saisie par le groupe Droite républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 606, 25, 459 et 1308, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 25, 459 et 1308 sont identiques.
L’amendement no 606 de Mme Sandrine Dogor-Such est défendu.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 25.
M. Patrick Hetzel
Il tend à prêter une attention particulière aux potentiels abus de faiblesse, particulièrement préoccupants, qu’entraînerait la création de ce droit. En tant que législateur, notre rôle est de protéger les plus vulnérables.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 459.
M. Charles de Courson
Nous sommes tous d’accord pour renforcer la protection des personnes vulnérables. L’amendement fait référence à l’article 223-15-2 du code pénal, sanctionnant l’abus de faiblesse. Les personnes en fin de vie sont particulièrement vulnérables, notamment en raison du droit à bénéficier des assurances vie ouvert par l’article 19 de la présente proposition de loi.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, pour soutenir l’amendement no 1308.
Mme Anne-Cécile Violland
Mes collègues l’ont dit : il s’agit de renforcer la protection des personnes vulnérables en réprimant l’abus de faiblesse dans le cadre du droit à mourir, en ajoutant à l’alinéa 9 que la personne qui veut accéder à cette aide doit être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée « sans pression extérieure susceptible d’être poursuivie au titre de l’article 223-15-2 du code pénal ».
Mme la présidente
La parole est à Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur cette série d’amendements.
Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des affaires sociales
Nous avons déjà évoqué ce point cet après-midi : la proposition de loi prévoit déjà de protéger la personne qui demande l’aide à mourir, notamment au moyen de la vérification répétée de la manifestation libre et éclairée de sa volonté. En cas d’abus frauduleux de la situation de faiblesse, des dispositions pénales existent ; elles figurent à l’article du code pénal que vous avez cité, punissant « l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ». Je suis donc défavorable à l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, pour donner l’avis du gouvernement.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Même avis.
(L’amendement no 606 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 25, 459 et 1308.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 74
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l’adoption 26
Contre 47
(Les amendements identiques nos 25, 459 et 1308 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 1357 rectifié et 494, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 1357 rectifié de M. Alexandre Allegret-Pilot est défendu.
La parole est à Mme Élisabeth de Maistre, pour soutenir l’amendement no 494.
Mme Élisabeth de Maistre
Il me tient particulièrement à cœur et vise à compléter l’alinéa 9 par la phrase suivante : « Les majeurs protégés au sens de l’article 425 du code civil ne peuvent accéder [à l’aide à mourir]. » Les majeurs protégés, sous tutelle ou curatelle renforcée, peuvent en l’état du texte accéder à l’aide à mourir. Alors qu’ils ne peuvent pas, légalement, accomplir un acte de disposition – comme acheter un appartement ou disposer de leurs biens –, ils pourraient décider si elles vont vivre ou mourir ? Il est hallucinant de ne pas les protéger davantage. J’ai reçu des associations de familles d’enfants handicapés très inquiètes quant à l’avenir de leurs enfants quand elles ne seront plus là pour les protéger. Il faut absolument exclure les majeurs protégés du droit à l’aide à mourir. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Nous avons déjà eu ce débat. Je rappelle que l’article 4 vise spécifiquement à définir les conditions d’accès à l’aide à mourir. Je suis défavorable à l’exclusion de telle ou telle catégorie de personnes ; cela serait susceptible de constituer une rupture d’égalité et risquerait de fragiliser le texte.
Mme Élisabeth de Maistre
C’est honteux !
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Je l’ai déjà dit, en ce qui concerne les majeurs protégés, le principe qui prime – et nous guide depuis le début de l’examen du texte – est celui de l’autonomie. Au reste, de nombreuses garanties sont prévues aux articles 5 et 6, relatifs à la procédure. Je vous prie donc de retirer vos amendements ; à défaut, j’y serais défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Depuis la Convention de l’Organisation des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, nous tendons à renforcer l’autonomie des personnes protégées, en particulier dans la sphère personnelle ainsi qu’en matière de santé. Cette évolution rend cohérent le fait d’inclure les majeurs protégés dans le dispositif envisagé par le présent texte, comme ils le sont – aux mêmes conditions que toutes les autres personnes – dans ceux, actuellement en vigueur, relatifs à l’arrêt des traitements et à la sédation profonde et continue.
Des garanties spécifiques sont néanmoins prévues pour les majeurs protégés : lors de la demande d’aide à mourir, ces personnes doivent informer le médecin de leur statut ; le médecin informe ensuite la personne chargée de la mesure de protection, il recueille et tient compte des informations qu’elle transmet, le cas échéant, et informe de la décision d’accès à l’aide à mourir. Enfin, le dispositif d’examen des demandes d’aide à mourir est en lui-même protecteur, puisque les conditions d’éligibilité font l’objet de vérifications, en particulier celle de l’existence d’une volonté libre et éclairée – quelle que soit la situation du demandeur. Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à vos amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Vous avez fait référence à l’article suivant, madame la rapporteure, relatif à la procédure. Je tente pour ma part d’en rester aux critères, qui font l’objet de l’article 4, car on ne sait pas ce qui sera voté à l’article 5. Madame la ministre, il vous est arrivé à vous aussi de vous faire l’écho d’amendements que nous n’avons pas encore votés… J’aimerais cependant être rassuré : nos amendements sur les majeurs protégés seront-ils votés lorsque nous discuterons de la procédure ?
Vous indiquez que le médecin demande à la personne si elle fait l’objet d’une mesure de protection juridique. Mais que se passera-t-il si la personne ne l’en informe pas ? L’article 5 prévoit également que le médecin doit vérifier ces informations « en ayant accès au registre mentionné à l’article 427-1 du code civil ». Or ce registre, prévu par la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie, ne fonctionnera pleinement que d’ici à un an et demi, me semble-t-il. J’ignore combien de temps durera la navette, mais nous nous apprêtons à fixer dans la loi la vérification d’un registre qui n’existe pas encore – c’est tout de même inquiétant, sachant qu’il est arrivé que des registres prévus par des textes de loi ne voient jamais le jour ! Nous avons connu cela, madame la présidente, vous qui étiez présidente de la commission des lois, y compris avec des lois entrées en vigueur ! Vos propos ne sont donc pas de nature à nous rassurer, madame la ministre.
Enfin, requérir le consentement libre et éclairé de personnes vulnérables pour l’arrêt d’un traitement, ce n’est pas la même chose que pour une mort provoquée ! Nous devrions prendre plus de précautions. (Mme Justine Gruet applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
J’entends vos arguments, monsieur Bazin et vous avez raison : le registre mentionné à l’article 5 est encore en travaux, mais il existera en 2026. Nous sommes le 19 mai 2025, nous n’en sommes qu’à la première lecture du texte, sur les quatre prévues. L’objectif est évidemment de disposer du registre lorsque le texte sera voté, la loi promulguée et ses décrets d’application publiés.
(Les amendements nos 1357 rectifié et 494, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marine Hamelet, pour soutenir l’amendement no 294.
Mme Marine Hamelet
Il précise que le discernement du malade ne peut pas être considéré comme éclairé « si la personne a exprimé la demande de bénéficier de soins palliatifs et n’a pas pu y avoir accès ». Le Conseil d’État va dans le même sens : « l’expression d’une demande d’aide anticipée à mourir ne devrait jamais naître d’un accès insuffisant à des soins palliatifs ». Il poursuit : « L’accès à des soins palliatifs de qualité constitue […] une condition indispensable à l’expression d’une volonté libre et éclairée du patient dans les derniers moments de la vie ». Force est de constater – nous en convenons tous – que les lois se succèdent sans que l’accès à ces soins palliatifs ne s’améliore – un Français sur deux n’y a pas accès, nous l’avons dit, et 500 Français meurent chaque jour sans avoir pu en bénéficier ! Vous avez indiqué, madame la ministre, que nous manquions de professionnels. Nous sommes d’accord. Néanmoins vous savez très bien que, malheureusement, il n’y en aura pas davantage dans les années qui viennent…
Mme Marie Mesmeur
Où étiez-vous quand nous examinions le texte sur les déserts médicaux ?
Mme Marine Hamelet
Les gens seront donc placés devant un dilemme : ils auront le choix entre l’euthanasie et rien. C’est tout le problème. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir.
M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
Vous proposez d’introduire des conditions, à la fois subjectives et difficilement appréciables, qui reviennent en réalité à imposer le recours aux soins palliatifs ; or certains malades ne souhaitent pas en bénéficier. Je rappelle le principe fondamental de l’autonomie du patient, que nous avons déjà évoqué cet après-midi, en référence à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner. Je rappelle aussi que, la semaine dernière, nous avons examiné la proposition de loi, déposée par Mme Annie Vidal, relative aux soins palliatifs et d’accompagnement, dont l’article 4 va jusqu’à prévoir des voies de recours en urgence – en référé – pour que le droit à ces soins soit garanti. Ce texte est par ailleurs complété par une stratégie décennale ambitieuse, dont la mise en œuvre a commencé, laquelle a bénéficié dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de près de 100 millions d’euros de crédits. Bref, même si nous avons séparé le texte sur les soins palliatifs de celui que nous examinons à présent, ne négligeons pas les avancées du premier, que nous approuverons, je l’espère, en même temps que celui-ci, le 27 mai prochain.
Et puis je vous rappelle que votre amendement est satisfait par l’alinéa 10 de l’article 5. En effet, celui-ci dispose que le médecin « informe la personne qu’elle peut bénéficier de l’accompagnement et des soins palliatifs définis à l’article L. 1110-10 et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective ». Ce que vous demandez est permis à la fois par le texte actuel sur l’aide à mourir mais aussi par le texte relatif aux soins palliatifs qu’il nous reste à adopter par vote solennel. Pour ces deux raisons, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
J’abonde dans le sens du rapporteur général. Sur proposition du groupe LFI, nous avons voté le droit opposable aux soins palliatifs. Certes, il est juste de rappeler que cela n’est pas suffisant et que dix-neuf départements en sont encore dépourvus. C’est pour cela que nous regrettons que l’amendement écologiste qui proposait de doubler les sommes qui leur sont allouées pour qu’ils se développent plus vite n’ait pas été adopté. J’espère que la navette parlementaire nous offrira l’occasion de mettre en place des soins palliatifs dans tous les départements et, dans ce cas-là, il n’y aura plus aucune crainte à avoir.
Nous voterons contre cet amendement car, non seulement il n’est pas à sa place, mais il démontre que vous ne croyez pas dans la mise en œuvre de la proposition de loi que nous venons de consolider et d’approuver ensemble.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marine Hamelet.
Mme Marine Hamelet
Je répète que cela fait trente ans qu’on vote des lois qui ne sont pas appliquées. J’aurais donc souhaité qu’on fasse en sorte qu’il y ait suffisamment de places en soins palliatifs avant de s’attaquer à cette proposition de loi sur la fin de vie. Ce n’est pas parce qu’on vote des lois qu’elles sont appliquées, et cela fait trente ans qu’on attend. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Madame Hamelet, j’entends votre préoccupation. Vous avez rapporté des propos que j’ai tenus et, rassurez-vous, je ne me dédirai pas. Je rappellerai toutefois que nous avons, en matière de soins palliatifs, trois niveaux d’intervention. Il est vrai que tous les départements ne sont pas encore dotés d’une unité de soins palliatifs (USP) et que c’est le point le plus problématique, puisque l’ouverture d’un service nécessite effectivement des personnels formés. Mais on dispose aussi de lits identifiés de soins palliatifs (Lisp) et d’équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP). Il existe donc des solutions dans chaque département.
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Hamelet a raison de rappeler que ce n’est pas parce que plusieurs lois ont été votées que l’accès aux soins palliatifs est effectif en toutes circonstances, et il n’était pas forcément nécessaire d’inscrire un droit opposable dans la loi pour qu’il le devienne.
Mme Danielle Simonnet
Apparemment si ! C’est un moyen de pression !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Je crois qu’il ne faut pas opposer soins palliatifs et aide à mourir. N’oublions pas que certains de nos concitoyens ne souhaitent pas bénéficier des soins palliatifs, ce qui ne les empêchera pas d’être éligibles à l’aide à mourir.
Nous sommes tous conscients que la priorité des priorités c’est bien de développer les soins palliatifs partout, les unités de soins pour la prise en charge des cas les plus difficiles mais aussi les soins palliatifs à domicile. En tout cas, n’opposons pas l’aide à mourir aux soins palliatifs, ce n’est absolument pas l’objet de cette proposition de loi.
(L’amendement no 294 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie d’une série amendements, nos 307 rectifié, 1897, 2006, 686, 872, 2346, 918, 1311, 1611, 1856, 2474, 1713 rectifié, 1715, 1044, 142, 2497, 2345, 881, 922, 903, 1029, 324 et 394, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 142 et 2497 sont identiques.
L’amendement no 307 rectifié de Mme Sylvie Bonnet est défendu.
La parole est à M. Vincent Trébuchet, pour soutenir l’amendement no 1897.
M. Vincent Trébuchet
Si vous le voulez bien, madame la présidente, je défendrai également l’amendement no 2006.
Il s’agit toujours de demander que le passage par les soins palliatifs soit considéré comme nécessaire pour les patients qui souhaiteraient requérir l’aide à mourir. Vous dites, madame Firmin Le Bodo, que certains patients peuvent ne pas souhaiter recourir aux soins palliatifs – ce que j’entends. Rappelons cependant que, dans les conditions cumulatives pour être éligible à l’aide à mourir, figurent le fait d’être atteint d’une affection grave et incurable et celui de présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection. Or quel est le but des soins palliatifs ? De soulager la douleur.
Si je peux entendre qu’à l’issue d’un parcours en soins palliatifs certaines personnes persistent dans leur demande d’aide à mourir, je m’interroge sur la position de ceux qui, sur ces bancs, ne veulent pas que les patients recourent au préalable aux soins palliatifs, au moins pour expérimenter la possibilité que leur offre la société de soulager leur douleur. Partant, je m’interroge sur notre précipitation à légiférer.
Je ne vais pas répéter tout ce qu’a dit mon excellente collègue, mais quand on constate à quel point a fait défaut la volonté politique pour soutenir les soins palliatifs, le fait que l’on rejette tous les amendements qui évoquent la possibilité ou la nécessité d’une prise en charge préalable me conduit à m’interroger sur les intentions de ceux qui souhaitent faire progresser la législation sur l’aide à mourir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
L’amendement no 686 de Mme Anne-Laure Blin est défendu.
Sur l’amendement no 872, je suis saisie par le groupe UDR d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Gérault Verny, pour le soutenir.
M. Gérault Verny
Cet amendement vise à subordonner l’accès à l’aide à mourir à la preuve que la personne a bénéficié d’une prise en charge palliative complète. En effet, avec la rédaction actuelle, il serait possible, dans le système de soins français, que des patients formulent une demande d’aide à mourir sans jamais avoir reçu les soins palliatifs auxquels ils ont droit. Non par choix mais faute d’accès, faute d’information, par absence d’organisation. Or l’intention de cette loi n’est pas d’offrir la mort comme substitut à une prise en charge défaillante. Ce texte ne peut pas devenir, à son insu, le cache-misère des lacunes de notre politique de fin de vie.
Ce que propose cet amendement, c’est de graver dans la loi une exigence de rigueur : ne pas autoriser une décision aussi extrême que l’aide à mourir tant qu’un accompagnement palliatif réel, complet et structuré n’a pas été proposé et mis en œuvre. Cela signifie que la douleur a été prise en charge avec les moyens les plus avancés, que la souffrance psychologique a été accompagnée, que la personne n’a jamais été laissée seule face à sa peur, son épuisement ou sa perte d’autonomie. Ce n’est pas une restriction de liberté, c’est la condition même de la liberté véritable, celle de choisir en connaissance de cause et jamais par défaut. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 2346.
M. Christophe Bentz
Cet amendement de mon collègue Julien Odoul vise à ajouter que le patient doit « avoir bénéficié, sauf impossibilité médicale dûment constatée, d’un accompagnement en soins palliatifs adapté à sa situation ».
Bien entendu, tous les patients conserveront le choix de bénéficier ou non de soins palliatifs – nous l’avons dit dans la proposition de loi précédente et nous le réaffirmons. Ce principe, nous l’avons approuvé à l’unanimité mais, ce que nous voulons faire passer comme message, c’est que les soins palliatifs sont un progrès magnifique, une petite révolution, à la fois médicale, sociale et humaine. Nous voulons protéger les patients, leur permettre d’y accéder, les y inciter sans les forcer, pour leur bien, pour privilégier avant tout le soin du corps et de la vie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 918.
Il est à peu près identique à celui que vous venez de défendre.
M. Gérault Verny
Cet amendement prévoit qu’avant toute instruction d’une demande d’aide à mourir, la personne doit être prise en charge par une unité mobile de soins palliatifs, car ces derniers représentent la réponse la plus complète et la plus humaine aux souffrances de la fin de vie. Ces équipes mobiles interviendraient au domicile ou en établissement et offriraient une prise en charge globale – physique, psychologique, sociale et spirituelle –, adaptée aux besoins spécifiques du patient.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
C’est déjà prévu par la loi que nous avons examinée la semaine dernière !
M. Gérault Verny
Ce passage par les soins palliatifs permettrait d’évaluer la douleur, la détresse, les attentes réelles du patient et de sa famille et d’apporter un soulagement efficace, là où la souffrance paraît insupportable. Souvent, la demande d’aide à mourir naît d’un sentiment d’abandon, d’incompréhension ou d’un accompagnement insuffisant.
Cet amendement vise à éviter que l’aide à mourir soit sollicitée faute d’une prise en charge palliative adéquate. Il protège également les professionnels de santé, en garantissant qu’ils ont proposé toutes les solutions existantes avant d’envisager l’acte létal. C’est donc un garde-fou, un engagement éthique fort en faveur d’une fin de vie véritablement accompagnée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, pour soutenir l’amendement no 1311.
Mme Anne-Cécile Violland
Il n’est pas question d’opposer les soins palliatifs et l’aide à mourir. L’amendement que je propose précise qu’il faut s’assurer que la personne qui demande l’aide à mourir a bien bénéficié de soins palliatifs, « sauf si elle le refuse explicitement » – puisque ce n’est pas une obligation.
Il est important de pouvoir affirmer que, même si demain, comme nous le souhaitons et comme c’était l’objet de la proposition de loi rapportée notamment par Mme Vidal, notre territoire est entièrement doté de soins palliatifs sous les différentes formes qu’a évoquées Mme la ministre, l’aide à mourir ne tendra pas à s’y substituer. Il s’agit simplement de s’assurer que le patient ait pu entendre cette proposition, qu’il ait pu en bénéficier ou la refuser, selon son choix.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1611.
M. Thibault Bazin
Dans le même esprit, nous demandons que le patient qui demande l’aide à mourir ait reçu au préalable, si son état de santé le requiert, et « sauf s’il le refuse », des soins palliatifs.
Il y va de la cohérence avec l’article suivant, relatif à la procédure, dont l’alinéa 10 dispose que le médecin « informe la personne qu’elle peut bénéficier de l’accompagnement et des soins palliatifs définis à l’article L. 1110-10 et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective ».
Que se passera-t-il si, en réalité, elle n’y a pas accès ? Cet accès aux soins palliatifs est-il considéré comme un critère d’éligibilité à la demande d’aide à mourir ? Il faut que les critères et la procédure retenus soient cohérents. C’est l’objet de notre demande, qui va dans le sens d’une étude du Conseil d’État publiée en 2018 et intitulée « Révision de la loi bioéthique : quelles options pour demain ? », dans laquelle il est noté que « l’expression d’une demande d’aide anticipée à mourir ne devrait jamais naître d’un accès insuffisant à des soins palliatifs. L’accès à des soins palliatifs de qualité constitue ainsi une condition indispensable à l’expression d’une volonté libre et éclairée du patient dans les derniers moments de la vie et, plus largement, un préalable nécessaire à toute réflexion éthique aboutie sur la question de la fin de vie ». En somme, le Conseil d’État nous met ici en garde contre le risque que la mort provoquée ne s’impose aux patients par défaut d’accès aux soins nécessaires.
Nous sommes tous d’accord ici pour dire qu’il faut garantir un accès effectif aux soins palliatifs à tous et dans tout le territoire. Ce doit être l’une des conditions pour accéder à la mort provoquée, sans quoi celle-ci deviendrait une solution par défaut ; or cette option n’est pas acceptable.
Mme la présidente
Sur l’amendement no 1856, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Yannick Monnet, pour le soutenir.
M. Yannick Monnet
Je pense, moi aussi, que l’accès aux soins palliatifs doit être le sixième critère autorisant la demande d’aide à mourir si l’on veut aboutir à un texte d’équilibre. (Mme Justine Gruet et M. Dominique Potier applaudissent.) Autant je suis favorable à l’aide à mourir, autant j’estime qu’elle ne doit pas constituer une alternative aux soins, mais l’aboutissement d’un processus. J’ai entendu les engagements du gouvernement sur le développement des soins palliatifs ; néanmoins on ne peut pas complètement s’en satisfaire.
Je pense que mon amendement est mieux formulé que celui de mes collègues, non pas parce que c’est le mien mais parce que poser cette condition en termes de temps passé en soins palliatifs ne veut rien dire et parce que plusieurs de ces amendements, soit ne disent rien des conditions d’accès aux soins palliatifs, soit n’évoquent pas le choix du patient. Je propose pour ma part comme critère que le patient ait, « à sa demande, effectivement bénéficié d’un accompagnement et de soins palliatifs accessibles au regard de ses conditions physiques, psychologiques et de vie ». En effet, si on ne précise pas ce que sont des conditions acceptables, on peut toujours considérer que des soins palliatifs situés à 100 kilomètres du domicile d’un malade sont accessibles.
Il faut pouvoir accéder à ces soins dans un périmètre acceptable : cela doit être l’une des conditions centrales du droit à l’aide à mourir. Il est fondamental de permettre aux patients de bénéficier de l’aide à mourir, tout en leur garantissant un accès effectif aux soins palliatifs. Sinon, cette loi sera déséquilibrée.
Mme la présidente
La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l’amendement no 2474.
Mme Angélique Ranc
L’accès à l’euthanasie ou au suicide assisté doit être strictement conditionné à une prise en charge préalable en soins palliatifs, afin d’éviter que le défaut de traitement de la douleur pousse les patients à choisir la mort.
Le Conseil d’État soulignait déjà en 2018 que la volonté du malade dépendait fortement de la qualité de la prise en charge de sa douleur. Or, selon la Cour des comptes, en 2023, seuls 48 % des besoins en soins palliatifs étaient couverts en France. Il est donc essentiel de garantir un accès effectif à ces soins avant d’envisager toute aide à mourir.
Il serait inacceptable de proposer l’aide à mourir dans des zones où les patients n’ont pas accès à un accompagnement psychologique ou à un moyen de soulager leur douleur. Cet amendement vise donc à garantir que l’aide à mourir ne puisse être envisagée qu’en dernier recours, après un accès effectif aux soins palliatifs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bartolomé Lenoir, pour soutenir les amendements nos 1713 rectifié et 1715, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Bartolomé Lenoir
Ces amendements visent à renforcer le texte relatif aux soins palliatifs, en lui donnant une obligation de résultat. Un département comme celui de la Creuse n’a pas d’unité de soins palliatifs. Il importe de rééquilibrer la répartition de ces unités entre les zones urbaines et les campagnes, qui en ont beaucoup moins. Cette différence est inacceptable.
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 1044.
M. Dominique Potier
On peut être en désaccord avec ce texte pour des raisons philosophiques, anthropologiques, et – la laïcité ne nous empêche pas de le dire – pour des raisons spirituelles. Mais une chose devrait nous réunir, c’est l’esprit de la République. On ne peut pas prendre la liberté sans l’égalité et la fraternité.
La fraternité, c’est l’accompagnement par les soins palliatifs. L’égalité, c’est l’égal accès aux soins pour tous. Or, si la moitié de nos concitoyens, ceux qui sont les plus socialement défavorisés, ou qui vivent dans les zones géographiques les plus éloignées, n’ont pas accès aux soins palliatifs, nous créons de fait une inégalité républicaine.
Je ne veux pas être le législateur d’un pays qui aurait créé cette inégalité ignoble, indigne : il serait inacceptable que certains de nos concitoyens, demain, demandent l’aide à mourir parce qu’ils n’ont pas accès aux soins, particulièrement aux soins palliatifs.
Au-delà de nos différences, nous devrions au minimum nous rejoindre sur ce point. Et, parce qu’il est bien rédigé, et qu’il vient d’un homme de gauche (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR), je propose que l’on vote tous l’amendement de M. Monnet, qui avait déjà proposé comme titre, pour la proposition de loi que nous avons examinée la semaine dernière : « « visant à garantir les droits des malades et l’égal accès de tous aux soins palliatifs et d’accompagnement ».
Ce serait l’honneur de ce Parlement de faire de l’universalité de l’accès aux soins palliatifs un préalable à la liberté d’accéder à une mort provoquée, si celle-ci devait être votée.
Mme la présidente
Je suis saisie deux demandes de scrutin public : sur les amendements nos 142 et identiques, par le groupe Droite républicaine ; sur l’amendement no 2345, par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 142 de Mme Marie-Christine Dalloz est défendu, de même que l’amendement no 2497 de M. Philippe Juvin.
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 2345.
M. Christophe Bentz
Nous sommes nombreux à considérer que l’aide à mourir est une forme d’abandon des patients, d’échec collectif des gouvernements qui se sont succédé, et de démission dans le soin.
Nous proposons que toute personne qui formule une demande d’aide à mourir ait reçu au préalable « une information sur l’ensemble des alternatives disponibles » au suicide assisté et au suicide délégué, notamment les soins palliatifs. Ces derniers sont tout sauf un abandon de la personne. Notre devoir, celui de l’État, c’est de prendre en charge la douleur et la souffrance. Nous préférons l’accompagnement de la personne, dans toutes ses dimensions – le soutien, le secours, l’aide, donc les soins palliatifs – à l’abandon. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir les amendements nos 881, 922, 903 et 1029.
Dans la mesure où ils disent tous la même chose d’une manière différente, je vous invite à les défendre ensemble.
M. Gérault Verny
Je ne suis pas de votre avis, malheureusement.
L’amendement no 881, tout d’abord, pose une évidence éthique. On ne peut pas demander à mourir si l’on ignore que l’on peut encore être soigné. L’information sur les soins palliatifs n’est pas un détail. C’est la condition minimale pour que la demande d’aide à mourir repose sur une base éclairée.
Trop de patients ignorent encore ce que les soins palliatifs permettent réellement : soulagement de la douleur, accompagnement psychologique, maintien du lien, refus de l’acharnement thérapeutique. Si cette information n’est pas délivrée, on ne peut pas parler de libre choix mais d’un choix biaisé, fruit de l’ignorance, ou d’un désespoir mal fondé.
Prenons l’exemple d’un patient récemment diagnostiqué d’un cancer avancé qui demande à mourir, convaincu qu’il ne lui reste plus d’autre option. Or, s’il n’a jamais entendu parler de la sédation palliative, ni rencontré une équipe dédiée, sa demande n’est pas libre ; elle est dictée par l’ignorance, et c’est ce qu’il faut éviter.
Je propose de garantir que la personne sache ce qui existe, ce qui est offert, avant de demander ce qui est irréversible.
Mme la présidente
Je vous remercie.
M. Gérault Verny
Je n’ai pas fini, madame la présidente. (Protestations sur de nombreux bancs.)
M. Emmanuel Grégoire
Oh non ! On n’en veut pas davantage ! Il faut tourner la page.
M. Gérault Verny
L’amendement no 922 ne répète pas le précédent, contrairement à ce que vous sous-entendez. Il le complète en établissant une hiérarchie entre les différents modes de prise en charge de la fin de vie. L’aide à mourir ne peut pas être proposée comme une option équivalant aux soins palliatifs.
Mme Stéphanie Rist
On l’a déjà entendu !
M. Gérault Verny
Ce serait un glissement inacceptable. Elle ne doit jamais apparaître comme une réponse aussi naturelle, aussi immédiate, que l’accompagnement médical, humain, global, que sont les soins palliatifs. Ce que je dis, c’est : les soins palliatifs, d’abord ; l’aide à mourir en dernier recours, seulement si tout le reste a été tenté ou refusé.
C’est un rappel de bon sens, un cadre éthique. Il ne s’agit pas d’interdire, mais de prévenir une banalisation qui transformerait l’aide à mourir en réponse de facilité. Il faut réaffirmer cette hiérarchie dans la loi pour garantir que l’accompagnement reste toujours la voie prioritaire. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
J’imagine que vous allez à présent défendre l’amendement no 903 ?
M. Gérault Verny
Tout à fait, madame la présidente. (Exclamations sur de nombreux bancs.) Ce troisième amendement vise à renforcer la qualité de l’information délivrée au patient en fin de vie, en rendant obligatoire une information localisée sur l’accès aux soins palliatifs, car entre l’existence théorique d’une unité de soin et sa disponibilité réelle, il y a parfois un gouffre.
Quels établissements sont compétents ? Quels sont les délais d’admission ? Y a-t-il des lits disponibles ? Une équipe mobile ? Un transport adapté ? Un accompagnement à domicile ? Ce sont des questions concrètes, vitales, auxquelles le patient et ses proches doivent obtenir des réponses précises. L’objectif est d’éviter la situation où une personne formule une demande d’aide à mourir par méconnaissance de l’offre réelle, ou en supposant à tort que ces soins ne sont pas disponibles.
L’accès inégal aux soins palliatifs sur le territoire national est documenté. Dans certains départements, comme l’a rappelé mon collègue Bartolomé Lenoir, l’offre est insuffisante ou mal connue, y compris des professionnels.
Mme Danielle Simonnet
C’est bon, là…
M. Gérault Verny
En demandant que cette information soit transmise par un médecin, cet amendement renforce la fiabilité du processus. Il ne s’agit pas d’un simple document d’information générique, mais d’un échange personnalisé, adapté à la situation médicale et géographique du patient.
Ce dispositif permet de mieux objectiver la demande d’aide à mourir, en s’assurant qu’elle intervient après que le patient a pris connaissance des alternatives thérapeutiques disponibles localement. C’est un élément de rationalisation du parcours de fin de vie au bénéfice de la clarté et de la décision librement prise. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
Nous en arrivons donc à votre dernier amendement ?
Mme Stéphanie Rist
Il en a encore 300 !
M. Gérault Verny
Le dernier amendement est l’aboutissement du raisonnement.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Ah, quand même !
Mme Marie Mesmeur
Donc les précédents ne servaient à rien ?
M. Gérault Verny
Il ne s’agit plus d’information, ni de hiérarchie, ni d’accès, mais de vécu. On ne peut pas demander à mourir sans avoir été réellement accompagné dans la douleur, soutenu dans l’épreuve. Concrètement, cela signifie que la personne concernée doit avoir bénéficié d’une évaluation et d’un accompagnement par une équipe composée au minimum de médecins, d’infirmiers et, si nécessaire, de psychologues…
M. Hadrien Clouet
Mais on dirait du ChatGPT !
M. Gérault Verny
…ou d’autres professionnels impliqués dans le soulagement de la souffrance. Ce critère vise à objectiver la qualité de la prise en charge et à s’assurer que la demande d’aide à mourir ne soit pas le reflet d’un sentiment d’abandon…
M. Philippe Vigier
On a compris !
M. Gérault Verny
…d’isolement, ou d’absence de solutions thérapeutiques.
Il permet également de protéger la qualité du consentement, en réduisant le risque qu’une demande soit influencée par un défaut de soin, par une douleur mal soulagée ou par l’absence de soutien rationnel. L’amendement introduit donc un critère de réalité clinique qui renforce la cohérence du parcours de fin de vie, dans le respect du discernement du patient, comme de la responsabilité des professionnels. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDR et RN.)
Mme Sandrine Rousseau
Quel talent dans la défense des amendements ! Mettez-y un peu de conviction !
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l’amendement no 324.
Mme Annie Vidal
Cet amendement vise, comme les précédents, à réaffirmer la nécessité d’un droit opposable à l’accès aux soins palliatifs, que nous avons voté dans la précédente proposition de loi. Je ne vais pas développer davantage, car je pense que cela fait plutôt consensus.
Je trouve, sans flagornerie, que c’est la rédaction de M. Monnet qui est la meilleure, même s’il y manque, selon moi, la notion du refus du patient.
M. Yannick Monnet
Elle y est.
Mme Annie Vidal
Ah, excusez-moi, elle m’a échappé. Sinon, je souhaitais proposer une suspension de séance (Protestations sur de nombreux bancs) pour sous-amender votre amendement.
M. Yannick Monnet
J’ai écrit : « à sa demande » !
Mme Annie Vidal
Je pense que le refus de la personne, l’information de celle-ci et la possibilité d’accéder aux soins palliatifs sont les trois éléments les plus importants.
Ce sixième critère est extrêmement pertinent. S’il ne devait y avoir qu’une seule passerelle entre les deux textes, ce devrait être celle-ci.
Mme la présidente
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 394.
Mme Justine Gruet
Je propose de préciser que toute personne souhaitant formuler une demande d’aide à mourir doit « avoir refusé une prise en charge adaptée en soins palliatifs dans le lieu de son choix, sans que ce refus soit lié à l’impossibilité de le mettre en place de manière effective ». Vous n’avez pas voulu inscrire un certain nombre d’éléments dans la définition, en disant qu’ils figuraient déjà dans la suite du texte.
Mais les cinq critères sont la première réponse que l’on va faire aux patients avant l’enclenchement de la procédure. L’aide à mourir ne doit pas être l’ultime recours par défaut de soins palliatifs, dans un contexte où ils ne sont pas déployés sur l’ensemble du territoire. Comme l’a dit Thibault Bazin, le Conseil d’État a indiqué que le soin palliatif était indispensable dans l’accompagnement de la fin de vie.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Ces nombreux amendements demandent tous que le fait d’avoir bénéficié d’une information, d’un accès ou d’une prise en charge préalable en soins palliatifs soit une condition pour accéder à l’aide à mourir.
Le rapporteur général a déjà détaillé sa réponse à ce sujet tout à l’heure : je ne ferai pas mieux et vous y renvoie. Monsieur Monnet, votre amendement est satisfait par l’alinéa 10 de l’article 5, qui dispose que le médecin qui reçoit la demande doit informer « la personne qu’elle peut bénéficier de l’accompagnement et des soins palliatifs définis à l’article L. 1110-10 et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective » .
M. Thibault Bazin
Mais l’article 5 définit la procédure, pas les critères !
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
L’article 4, je le répète, concerne les conditions, ou les critères, d’accès à l’aide à mourir, tandis que l’article 5 décrit le déroulement de la procédure : c’est la manière dont ce texte a été conçu. Comme vient de le rappeler la rapporteure, l’alinéa 10 de l’article 5 précise bien que le médecin doit s’assurer que le patient a effectivement bénéficié, s’il le souhaitait, de soins palliatifs. Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Compte tenu du nombre d’amendements déposés qui font le lien entre soins palliatifs et aide à mourir, il y aurait là quelque chose à creuser. Et sans doute cela doit-il se faire à l’alinéa 10 de l’article 5. Tout le modèle français auquel nous réfléchissons depuis des semaines, voire des mois,…
Mme Catherine Vautrin, ministre
Si ce n’est des années !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
…s’appuie sur l’idée que les soins palliatifs constituent la règle et l’aide à mourir, l’exception. C’est ainsi que les choses doivent s’articuler.
Monsieur Verny, un petit mot. J’ai présidé les travaux de la commission des affaires sociales sur ce texte dans une ambiance de travail faite de sérieux et d’écoute, malgré les divergences. Elle a été appréciée par tous les membres de la commission.
M. Sébastien Peytavie
C’est vrai !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Les nombreux Français qui suivent nos débats depuis plusieurs jours apprécient sûrement la qualité du travail que nous réalisons. Vous avez déposé, à vous seul, plusieurs centaines d’amendements. Jusqu’ici, nous avons évité l’obstruction et chaque amendement a été examiné, mais rien que sur l’article 4, vous avez déposé plus d’une centaine d’amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem, HOR et LIOT.) À raison de deux minutes par amendement, il nous faudrait quatre heures rien que pour vos amendements. Non pas pour en discuter, mais simplement pour vous écouter !
M. Anthony Boulogne
Le droit d’amender est le droit de tout parlementaire !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Bien sûr, personne ne le nie. Mais si nous voulons continuer d’offrir aux Français des débats de qualité, il serait raisonnable que vous ne défendiez que les amendements qui vous paraissent les plus importants et qui synthétisent votre analyse du sujet. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem, HOR et LIOT ainsi que sur les bancs des commissions.)
Mme la présidente
Il faudrait au moins les regrouper quand ils sont aussi similaires. Ce serait apprécié de tous. Les débats se déroulent très bien. Notre assemblée peut en être fière, car nous en sommes tous responsables, que l’on soit pour ou contre ce texte. L’Assemblée montre en ce moment le plus beau de ses visages. Continuons ainsi : nous en sortirons tous grandis. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et RN ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et DEM.)
M. Philippe Vigier
Très bien !
Mme la présidente
Face aux nombreuses demandes de prise de parole, je vous propose d’en prendre trois pour et trois contre.
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
J’apprécie l’honnêteté dans un débat. J’aimerais que celles et ceux qui suivent nos discussions sachent qu’avant de débattre sur la fin de vie, nous avons débattu des soins palliatifs. J’aimerais qu’ils sachent que lorsque le groupe Écologiste et social a déposé un amendement pour doubler les moyens alloués aux soins palliatifs dans la stratégie décennale, la droite et l’extrême droite ont voté contre. (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Vous avez voté contre ! Qui a défendu le droit opposable aux soins palliatifs ? Nous ! Ne soyez pas hypocrites !
M. Frédéric Weber
Vous avez parlé trop vite, madame la présidente !
M. Théo Bernhardt
Qu’est-ce que c’est que ça ?
Mme Danielle Simonnet
Je m’opposerai à tout amendement qui tend à ajouter un critère. D’abord, parce que vous êtes en train de créer une double peine. Celles et ceux qui n’ont pas accès aux soins palliatifs seraient condamnés à souffrir sans avoir le droit d’exercer leur ultime liberté ?
Ensuite, parce que les soins palliatifs ne résolvent pas toutes les situations, hélas. Il est des souffrances réfractaires à tout traitement, insupportables malgré les soins palliatifs.
Notre principe en matière de santé est le libre choix. L’article L. 1110-10 du code de la santé publique dispose : « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. » Nous n’allons pas obliger les patients à séjourner en soins palliatifs pendant 45 jours !
M. Frédéric Weber
Son temps de parole n’est pas écoulé ?
Mme Danielle Simonnet
Enfin, lorsque vous souhaitez rendre l’accès aux soins palliatifs effectifs, ce à quoi les groupes du Nouveau Front populaire sont très attachés, sachez que la loi que nous examinons s’y engage à son article 5, dans ses alinéas 9 et 10 : « [Le médecin] informe la personne sur son état de santé, sur les perspectives d’évolution de celui-ci [et] qu’elle peut bénéficier de l’accompagnement et des soins palliatifs. »
M. Nicolas Meizonnet
Ce n’était pas terrible !
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Les critères pour accéder à l’aide à mourir, définis à l’article 4, sont précis : souffrances réfractaires à tout traitement, maladie grave et incurable qui engage le pronostic vital et qui est en phase avancée ou terminale. Toute la semaine dernière, vous avez répété que vous ne vouliez pas que l’on crée de pont entre le texte sur les soins palliatifs et celui sur l’aide à mourir. Pourtant, c’est exactement ce que vous faites. Ayez au moins la décence de la cohérence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
Pour notre part, nous n’opposons pas les soins palliatifs et l’aide à mourir. Parce qu’un patient peut décider de recourir à l’un et à l’autre, à l’un puis à l’autre, à l’un ou à l’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ce qui suppose de ne pas les opposer. Au demeurant, nous sommes tous pour le développement des soins palliatifs.
La semaine dernière, à l’initiative du groupe La France insoumise et des autres groupes de gauche, nous avons fait adopter la stratégie décennale, le droit opposable, l’interdiction du privé lucratif. (Mêmes mouvements.) Vous, vous avez voté pour supprimer la formation aux soins palliatifs et contre l’augmentation des budgets.
Mme Lisette Pollet
Ce n’est pas vrai !
M. Matthias Tavel
Collègues de la Droite républicaine, je vous rappelle que vous participez au gouvernement en place et que le ministre de la santé est issu de vos rangs. Où sont ses engagements budgétaires en faveur des soins palliatifs ? (Mêmes mouvements.) Alors, ne venez pas faire de procès d’intention à ceux qui défendent l’aide à mourir.
Mme Laurence Robert-Dehault
Ce n’est pas un peu hors sujet ?
M. Matthias Tavel
Enfin, l’article 5, que nous pourrons examiner sitôt que vous aurez retiré vos amendements d’obstruction, prévoit que les médecins doivent s’assurer que le patient qui demande à bénéficier de l’aide à mourir a eu un accès effectif aux soins palliatifs. Retirez ces amendements et permettez-nous d’examiner l’article 5, qui satisfait vos demandes, si c’est bien la liberté de choix que vous voulez garantir. Par contre, si vous voulez imposer les soins palliatifs ou priver une personne de l’aide à mourir au prétexte que son département est privé de soins palliatifs, alors nous ne vous suivrons pas, parce que ce n’est pas une liberté que vous défendez, mais sa négation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Marie Mesmeur
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je suis convaincu que l’on n’est libre que quand on a le choix. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR ainsi que sur les bancs du groupe DR. – MM. Dominique Potier et Emeric Salmon applaudissent également.)
M. Philippe Juvin
Très bien !
M. Yannick Monnet
Je ne doute pas des intentions de mes collègues, mais si l’on veut que le choix soit libre et éclairé, il faut un vrai choix. Si les gens n’ont pas le choix, alors il ne peut pas être libre et éclairé !
M. Philippe Juvin
Très bien !
M. Yannick Monnet
C’est pourquoi, contrairement à Mme Vidal, je n’ai pas évoqué le refus du patient. Je préfère écrire que le patient doit avoir, « à sa demande », bénéficié de soins palliatifs. S’il n’y a pas eu accès, il ne doit pas pouvoir bénéficier de l’aide à mourir. Cette précaution doit devenir un critère, qui me paraît fondamental pour maintenir l’équilibre du texte. (M. Dominique Potier applaudit.)
Monsieur le rapporteur général, madame la ministre, si l’on n’a pas de doute sur le fait que les soins palliatifs vont se développer, alors il ne faut pas avoir peur de cet amendement. Et s’il est satisfait, alors n’ayez pas peur de le voter, parce que je pense qu’il contribue à l’équilibre du texte : il est de nature à rassurer à la fois ceux qui craignent le nouveau droit de l’aide à mourir et ceux qui craignent le non-développement des soins palliatifs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDR. – M. Dominique Potier applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Il a été demandé que le texte soit scindé en deux. Tout le monde n’y était pas favorable, mais c’est fait, il y a deux textes. Le premier porte sur les soins palliatifs et il n’oblige pas le patient à y avoir recours. Cela dépend de son souhait d’y recourir et de l’accès effectif aux soins palliatifs, que ce soit en unité de soins palliatifs, en Lisp ou à domicile. Il s’agit d’un continuum dans la prise en charge. Ne mélangeons pas tout !
Je ne peux pas vous laisser dire que rien n’a été fait. Il y a eu des créations de lits, l’ouverture d’USP, la création d’équipes mobiles et la stratégie décennale permettra de continuer à en créer.
Monsieur Bentz, vous parlez d’abandon et d’échec collectif. Soyez respectueux des soignants qui, au quotidien, accompagnent des personnes en fin de vie, partout. Les patients ne sont ni abandonnés ni victimes d’un échec collectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes Dem et LFI-NFP.)
M. Emeric Salmon
Il ne parlait pas des soignants, mais des politiques ! Des gens comme vous !
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Ce sont des amendements de précaution qui visent à garantir l’accès aux soins palliatifs. Ce n’est pas une surprise, cela fait trente ans qu’ils sont attendus. Chacun sait que même si le texte relatif aux soins palliatifs est adopté, nous resterons à la merci du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Ça suffit !
Mme Sandrine Dogor-Such
Madame la ministre, vous avez évoqué les Lisp. Les hôpitaux en accueillent, mais ils sont à bout de souffle. Dans certains départements, les soignants aimeraient pouvoir accompagner ces patients en fin de vie et leur tenir la main, mais ils n’en ont pas le temps. Les moyens humains sont insuffisants.
Les équipes mobiles de soins palliatifs, également évoquées, sont très efficaces pour intervenir à domicile, mais la plupart du temps, c’est du personnel hospitalier qui fait le déplacement. Les soignants manquent déjà à l’hôpital, voilà qu’on les déplace ailleurs.
On aimerait garantir l’accès aux soins palliatifs, non pas parce qu’ils seraient un livre de recettes pour la bonne mort, mais parce qu’ils s’inspirent avant tout d’une philosophie qui place la relation humaine au cœur du soin. Ils sont un éloge du regard. Quand les patients sont soignés en USP, ils retirent leur demande d’aide à mourir, d’autant plus qu’ils sont 15 % à en sortir guéris. Il faut le prendre en compte.
Les soins palliatifs constituent un progrès inouï, car ils permettent de vivre dignement jusqu’au dernier souffle. Les patients sont fragiles et vulnérables. Prenons soin d’eux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Blandine Brocard.
Mme Blandine Brocard
Chers collègues, que veut-on ? Que propose-t-on ? Nous voulons atténuer les douleurs et accompagner le patient jusqu’au bout de sa vie. Les soins palliatifs offrent cette possibilité
Il ressort des discussions que j’ai eues ce week-end encore que les gens attendent que nous fassions quelque chose. Ce qu’il faut faire, c’est éviter aux gens de souffrir, leur permettre d’aller jusqu’au bout de leur vie en paix, mais sans forcément y mettre un terme.
Excusez-moi pour l’expression que je vais employer, mais j’ai l’impression que l’on met la charrue avant les bœufs. On sait que 3 % des patients qui entrent en USP demandent à bénéficier de l’euthanasie, mais au bout de quelques jours, cette proportion descend à 0,3 %. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et DR. – M. Dominique Potier applaudit également.) Parce que les soignants, les bénévoles, les aides prennent le temps d’accompagner le patient dans toutes ses dimensions.
Alors, s’il vous plaît, donnons à tous la possibilité d’accéder à ces soins et formons les étudiants à les dispenser. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Arnaud Simion
C’est ce que vous avez refusé !
M. Thibault Bazin
Mais laissez-la parler !
Mme Blandine Brocard
Seules dix heures de formation sont consacrées aux soins palliatifs pendant toute la durée des études de médecine ! Ce n’est qu’une fois qu’on aura amélioré l’organisation de ces soins, ce n’est qu’une fois que tous les Français pourront y accéder que nous pourrons – alors seulement, alors peut-être – nous poser la question de l’aide à mourir.
Certains d’entre vous parlent d’une ultime liberté, mais est-on vraiment libre quand on n’a pas le choix ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et DR. – M. Dominique Potier et Mme Annie Vidal applaudissent également.)
(Les amendements nos 307 rectifié, 1897, 2006 et 686, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 872.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 245
Nombre de suffrages exprimés 240
Majorité absolue 121
Pour l’adoption 79
Contre 161
(L’amendement no 872 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 2346, 918, 1311 et 1611, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1856.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 244
Nombre de suffrages exprimés 238
Majorité absolue 120
Pour l’adoption 108
Contre 130
(L’amendement no 1856 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 2474, 1713 rectifié, 1715 et 1044, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 142 et 2497.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 246
Nombre de suffrages exprimés 240
Majorité absolue 121
Pour l’adoption 104
Contre 136
(Les amendements identiques nos 142 et 2497 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2345.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 245
Nombre de suffrages exprimés 242
Majorité absolue 122
Pour l’adoption 103
Contre 139
(L’amendement no 2345 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 881, 922, 903, 1029, 324 et 394, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian, pour un rappel au règlement.
M. Marc de Fleurian
J’évoquerai un sujet déjà abordé tout à l’heure, celui des très nombreux amendements déposés par mon ami et collègue Gérault Verny.
M. Nicolas Sansu
Quel est le fondement du rappel au règlement ?
Mme Élise Leboucher, rapporteure de la commission des affaires sociales
À quel article du règlement faites-vous référence ?
M. Marc de Fleurian
Il se fonde sur l’article 100 du règlement, relatif à la bonne tenue des débats.
M. Pierre Cazeneuve
Ça n’existe pas, la bonne tenue des débats.
M. Marc de Fleurian
Ce grand nombre d’amendements marque la gravité du sujet que nous abordons. Il faut l’avouer, certains ici ne se montrent pas toujours à la hauteur.
Mme Ayda Hadizadeh
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Marc de Fleurian
M. Verny défend ses convictions et le nombre d’amendements qu’il a déposés est proportionnel à la profondeur de celles-ci. Ses convictions sont personnelles et politiques et de très nombreux Français, de très nombreux soignants, de très nombreux malades les partagent : ils nous ont demandé de les faire entendre dans l’hémicycle.
Mme la présidente
Soyez rassuré, M. Verny aura la parole autant que de besoin. On lui demandait simplement de synthétiser son propos, puisque ses amendements sont très proches les uns des autres.
Mme Ayda Hadizadeh
Voilà !
Mme la présidente
C’est ce que l’on fait dans cette assemblée depuis la nuit des temps et c’est à cet usage qu’on l’invite à se conformer. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Article 4 (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 939.
M. Gérault Verny
Je m’étonne que les stratégies d’obstruction adoptées par différents groupes lors de l’examen d’autres textes, comme le budget, n’aient donné à lieu à aucune réaction.
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Quel aveu !
Mme Ayda Hadizadeh
Et vous, vous n’en faites pas, de l’obstruction ?
M. Gérault Verny
L’aide à mourir ne peut pas être une réponse improvisée ; elle ne peut pas émerger d’une conversion ponctuelle, dans un moment de crise, entre un patient accablé par la douleur ou le découragement et un médecin confronté à une situation difficile, souvent dans un contexte de surcharge, d’isolement ou de manque de moyens.
Mme Ayda Hadizadeh
Vous ignorez le vécu des Français !
M. Gérault Verny
La demande d’aide à mourir ne peut pas être le fruit de l’émotion du moment ou d’une pression implicite, née du regard des proches, de la peur de peser, de la solitude ou même du regard du corps médical.
Ce type de demande, pour être moralement recevable et humainement juste, suppose une réflexion longue, progressive et réitérée. Il faut du recul, du silence, du temps ; parfois même des hésitations.
C’est pourquoi la rédaction de directives anticipées est capitale. Elle permet de sortir de l’instant, de penser sa fin de vie avec plus de recul, avant que la souffrance ou la dépendance ne trouble le discernement. Elle oblige à poser les mots, à réfléchir à ses propres limites, à discuter avec ses proches et ses soignants et à revenir si nécessaire sur ses premiers choix.
M. Philippe Vigier
J’en ai ras-le-bol.
M. Gérault Verny
Ce n’est qu’à cette condition que l’aide à mourir peut être considérée comme un acte personnel, véritablement réfléchi et libre, et non comme une réponse de circonstance à une détresse aiguë. Pour garantir que cette décision soit bien le fruit d’un choix personnel et libre, la présence de deux témoins constitue une protection minimale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – Mme Justine Gruet applaudit également.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Merci pour votre aveu. En somme, vous nous avez dit que puisque d’autres avaient fait de l’obstruction autrefois, vous pouviez vous y livrer à présent.
Mme Ayda Hadizadeh
Ah !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Vous avez assumé vouloir faire de l’obstruction, mais laissez-moi vous dire une chose : on ira jusqu’au bout ! Vous pouvez présenter tous vos amendements : on ira jusqu’au bout !
Mme Ayda Hadizadeh
Voilà !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
On y passera nos jours et nos nuits, mais on ira jusqu’au bout ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem, SOC et EcoS.) Je vous donne donc rendez-vous ce week-end et on s’assurera que vous soyez là du samedi matin à 9 heures jusqu’au dimanche soir minuit ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem et LIOT.)
M. Philippe Vigier
Très bien.
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Je ne manquerai pas de souligner vos absences si elles devaient être constatées. (Protestation sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Claire Marais-Beuil
On ne va pas laisser passer cette attaque.
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Vous desservez votre cause. Vous avez remarqué qu’avec ma collègue la rapporteure, nous prenons la peine de répondre sur le fond à chaque amendement – et c’est légitime. Vous pouvez ne pas être d’accord avec nous, mais nul ne peut nous reprocher de ne pas avoir répondu de manière argumentée à tous les amendements. S’agissant des vôtres, nous nous en tiendrons désormais à un seul mot : défavorable.
Mme Ayda Hadizadeh
Bravo !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Aucun échange n’aura lieu, car votre stratégie empêche le dialogue et le débat. Nous avons répondu aux amendements du groupe RN et à ceux du groupe UDR.
M. Frédéric Weber
Ça y est, c’est reparti !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Nous avons répondu à ceux de MM. Trébuchet et Allegret-Pilot, par exemple, et même si ce dernier n’en retire pas la satisfaction qu’il espérait, nul ne pourra nier que nous avons répondu sur le fond.
Vous avez vous-même reconnu que votre attitude visait à l’obstruction. Notre avis sera donc défavorable sur le fond et même défavorable sur la forme : elle n’est pas à la hauteur du sujet ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS et Dem.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Meurin, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Meurin
La discussion d’un tel sujet de société exige que nos débats se passent bien.
Mme Ayda Hadizadeh
Sur quel article se fonde le rappel ?
M. Pierre Meurin
Sur l’article 100. Monsieur le rapporteur général, votre posture triomphaliste et votre mépris à l’égard des amendements de nos collègues dénote votre sectarisme. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme Ayda Hadizadeh
Quel est le rapport avec l’amendement ?
M. Pierre Meurin
C’est avec sectarisme que vous considérez la position de tous les collègues opposés à l’aide à mourir, ou simplement sceptiques.
Mme la présidente
Ce n’est pas un rappel au règlement.
M. Pierre Meurin
Si, madame la présidente !
Mme la présidente
Je ne laisserai pas le débat être gâché par de pareilles manœuvres. Avançons, respectons-nous et écoutons-nous.
Article 4 (suite)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 939.
(L’amendement no 939 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 1353.
M. Gérault Verny
Monsieur le rapporteur général, je ne comprends pas votre attitude. Il n’y a pas d’obstruction, puisque les amendements sont systématiquement justifiés.
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Vous venez pourtant de dire le contraire.
M. Gérault Verny
Non, ce que je viens de dire n’a aucun rapport. L’amendement no 1353 complète le précédent. Il tend à instaurer un délai de six mois entre la rédaction de directives anticipées et la demande d’aide à mourir, ce qui permettra de s’assurer que la demande ne résulte ni d’une impulsion passagère ni d’une détresse momentanée, mais d’une réflexion mûrie dans le temps.
Avec ce délai minimal, la portée de la volonté éclairée sera renforcée et fondée sur une anticipation lucide de l’évolution de l’état de santé.
Par ailleurs, la rédaction préalable des directives anticipées confère une cohérence et une continuité au parcours décisionnel. Ce document écrit et daté, élaboré hors de toute situation d’urgence ou de crise, offre une preuve solide de la constance et de la détermination du patient.
Il faut inscrire la demande dans un cadre rigoureux et, sur un sujet aussi sensible que celui de l’aide à mourir, la loi ne peut pas se contenter d’imprécisions ou laisser des marges d’interprétation trop larges. Elle doit rigoureusement baliser le cadre d’application de l’aide à mourir, pour protéger les personnes concernées et les professionnels de santé.
En tendant à fixer un délai minimal de six mois entre la rédaction des directives anticipées et la demande formelle, cet amendement introduit un critère objectif et vérifiable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Le groupe La France insoumise ne réagira qu’à cet amendement, car les autres sont tous du même tonneau.
Disons les choses une bonne fois pour toutes : les collègues d’extrême droite veulent ajouter de nouvelles conditions à l’aide à mourir, en l’occurrence, celle d’avoir rédigé des directives anticipées au moins six mois plus tôt.
On peut en tirer plusieurs conclusions. D’abord, vous êtes devenus favorables aux directives anticipées : deux heures, c’est le temps qu’il vous aura fallu pour changer de position ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous venez ensuite d’inventer les directives anticipées pour quelqu’un qui serait encore vivant au moment de leur application. C’est très original, mais ça n’a évidemment aucun sens, comme l’ensemble des amendements du même type d’ailleurs.
Enfin et surtout, vous venez d’imaginer quelque chose d’extraordinaire. Avec votre proposition, une personne malade souffrant abominablement qui découvrirait l’aide à mourir devrait rédiger des directives anticipées puis patienter six mois avant de formuler sa demande. Vous venez d’inventer une torture de six mois pour les patients ! (Mêmes mouvements.)
Voilà les conséquences concrètes de votre amendement. Tout le reste est à l’avenant, entre l’obligation – totalement délirante – de lire un rapport et le fait de rebaptiser l’aide à mourir en homicide ou injection létale.
Mon intervention vaut pour tous les amendements déposés par M. Verny : ils sont tous pitoyables et nous voterons contre eux tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Nous en sommes à la saison 2 de nos débats sur la fin de vie et j’avoue que, la semaine dernière, j’étais trop concentrée sur mes dossiers pour dresser le tableau des présences en séance, lorsque nous débattions des soins palliatifs.
Monsieur Clouet, comme nous l’avons dit plus tôt dans la discussion, nous ne sommes pas opposés au principe des directives anticipées :…
Mme Marie-Noëlle Battistel
Vous n’en voulez pas !
Mme Sandrine Dogor-Such
…nous souhaitons simplement que la demande soit renouvelée, pour permettre la prise en compte de l’évolution de la maladie. Quand un patient est pris en charge dans une unité de soins palliatifs, une maison d’accompagnement ou qu’il consulte un médecin, il est informé d’emblée des différentes options qui s’offriraient à lui si un dramatique changement de situation survenait dans les semaines ou les mois à venir – c’est violent. Il faut donc laisser du temps au patient pour rédiger ses directives anticipées. Cet amendement et les suivants introduisent un délai, ici de six mois, entre la rédaction des directives anticipées et la demande d’aide à mourir, ce qui assure un temps de réflexion.
Jusqu’à présent, les débats se sont très bien passés. Nous espérons que cela continue ainsi. (Mme Stéphanie Galzy applaudit.)
Mme la présidente
Nous l’espérons aussi !
(L’amendement no 1353 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Loir, pour soutenir l’amendement no 2271.
Mme Christine Loir
Ce texte ouvre la possibilité d’un accès à l’euthanasie et au suicide assisté. Il faut que le patient exprime clairement et directement sa volonté de recourir à ces moyens très tôt, dès la rédaction de ses directives anticipées. En intégrant cette condition, nous ajoutons une garantie, afin que la décision ne soit jamais prise à la légère. Le patient pourra exprimer en amont sa volonté de recourir à l’euthanasie et au suicide assisté ou de les refuser. C’est une mesure de clarté.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
L’un des critères d’éligibilité à l’aide à mourir est l’aptitude du patient à manifester sa volonté de façon libre et éclairée, non seulement au moment de la demande, mais tout au long de la procédure. Il revient au médecin d’évaluer si la décision est vraiment libre et éclairée. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre amendement.
(L’amendement no 2271 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Je sollicite une suspension de séance d’une durée de cinq minutes.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
L’amendement no 1457 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Cet amendement permet de poursuivre la discussion sur les soins palliatifs, ce qui me paraît indispensable alors que nous entamons la deuxième semaine de débats sur ces textes. Beaucoup de collègues nous ont rejoints en cours de route, sans avoir participé au débat sur les soins palliatifs – ce n’est absolument pas un reproche, car nous avons tous nos obligations, notamment en circonscription.
Ce que j’ai retenu de la discussion du texte précédent, c’est que nous naviguons à vue depuis vingt ans. Je rappellerai une fois de plus, et continuerai à le faire toute cette semaine, que nous avons eu le chic de voter plusieurs lois sur les soins palliatifs, notamment la loi Claeys-Leonetti, sans prévoir aucun indicateur permettant de les évaluer. Nous savons simplement que vingt départements ne disposent pas d’unités de soins palliatifs. En revanche, nous ne disposons toujours pas de chiffres précis sur les sédations profondes et continues, comme cela a été dit. (Exclamations sur quelques bancs du groupe Dem.) Soit, nous en savons plus depuis janvier 2025, très bien !
Cette loi porte sur l’euthanasie et le suicide assisté. Le manque de données devrait faire réfléchir. Le principe de la sédation profonde et continue est souvent rappelé par les promoteurs de ce texte, alors que nous n’avons pas donné sa chance à ce dispositif. Surtout, nous ne disposons d’aucun outil pour évaluer ou quantifier les pratiques déjà autorisées.
L’amendement de Mme Colin-Oesterlé et les amendements similaires sont absolument fondamentaux. Ils mettent en lumière que l’intention derrière ce texte sur l’aide à mourir est différente de celle affichée. Il s’agit d’abord de créer un nouveau droit ou une nouvelle liberté, pour reprendre vos mots, celle de l’euthanasie et du suicide assisté, pas de poser la question de la souffrance et des soins palliatifs.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Nous soutenons cet amendement car il a une première vertu : c’est un amendement commun de députés des groupes Droite républicaine et Horizons & indépendants.
Un Français sur deux ayant besoin de soins palliatifs n’y a pas accès. Par cet amendement, nous souhaitons faire en sorte que l’aide à mourir ne puisse pas être demandée uniquement en raison de l’inaccessibilité des soins, en l’occurrence des soins palliatifs. C’est une de nos craintes, que je sais partagée sur tous les bancs. J’aurais aussi pu parler des consultations contre la douleur : selon les départements, il faut attendre deux à neuf mois avant de pouvoir consulter un spécialiste dans ce domaine. On risque de se retrouver dans une situation très paradoxale, où il sera plus rapide d’obtenir l’aide à mourir qu’une consultation contre la douleur. La difficulté d’accès aux soins, en particulier aux soins palliatifs, implique que nous devons absolument nous assurer que l’aide à mourir n’est pas demandée pour cette raison. (Mme Justine Gruet applaudit.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1457.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Le scrutin public n’a pas été annoncé !
Mme la présidente
En effet, il n’a pas été annoncé. Je le relancerai quelques instants après l’avoir annoncé.
Sur l’amendement n° 1457, je suis saisie par les groupes Droite républicaine et Horizons & indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous sommes prêts à relancer le scrutin public : êtes-vous d’accord pour y procéder ? (Assentiment.)
Je mets aux voix l’amendement no 1457.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 167
Nombre de suffrages exprimés 136
Majorité absolue 69
Pour l’adoption 46
Contre 90
(L’amendement no 1457 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 876.
M. Gérault Verny
Il introduit une réitération obligatoire de la demande d’aide à mourir à trois reprises, espacées d’un mois chacune. Pourquoi cette exigence ? Si nous reconnaissons le droit à mourir, il faut impérativement reconnaître le droit à changer d’avis. Il faut pouvoir revenir sur sa décision. La volonté de mourir à un instant donné, aussi sincère soit-elle, peut évoluer : la souffrance peut être soulagée, la solitude peut être rompue, un lien, une parole, un geste peut redonner le goût à la vie. La personne en fin de vie reste un être humain traversé par des émotions, des doutes, éprouvant des hauts et des bas. La tentation du renoncement peut être forte, mais le désir de vivre renaît parfois là où on ne l’attendait plus.
L’exigence d’une triple réitération permet d’honorer cette possibilité, en garantissant que la décision finale n’est pas celle d’un moment, mais celle d’un cheminement. Dans un monde où tout va vite, cette clause impose un temps de respiration, une pause avant l’irréversible.
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 929, 901 et 1440, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 929 et 901 de M. Gérault Verny sont défendus.
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour soutenir l’amendement no 1440.
M. Alexandre Allegret-Pilot
La décision de recourir à l’aide à mourir est suffisamment grave et irréversible pour que la société s’assure qu’aucun doute n’est permis s’agissant du discernement et de la motivation du patient. Pour cela, l’amendement tend à imposer que le patient n’ait pas changé d’avis, quant à sa volonté de bénéficier de l’euthanasie ou du suicide assisté, dans les cinq années précédant la demande. Si ce n’est pas le cas, on pourra légitimement considérer que le doute au regard de sa volonté et de sa motivation est largement suffisant pour ne pas mettre fin à sa vie.
M. René Pilato
N’importe quoi !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Je me réjouis que l’on puisse revenir à un débat argumenté. MM. Verny et Allegret-Pilot souhaitent que la personne ne puisse avoir exprimé de volonté contraire durant les cinq mois ou les cinq ans qui précèdent la demande d’aide. Ce cadre temporel est arbitraire ; il est aussi superflu, puisque la procédure prévoit déjà la réitération de la volonté. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
(Les amendements nos 876, 929, 901 et 1440, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2621.
M. Philippe Juvin
Il est retiré, madame la présidente.
(L’amendement no 2621 est retiré.)
Mme la présidente
L’amendement no 2624 de M. Philippe Juvin est défendu.
(L’amendement no 2624, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur les amendements nos 685 et identique, 30 et identique, 1613 et 2619, je suis saisie par le groupe Droite républicaine de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de neuf amendements, nos 685, 1902, 978, 30, 877, 139, 1613, 1941 et 2619, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 685 et 1902 sont identiques, de même que les amendements nos 30 et 877.
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 685.
M. Philippe Juvin
Nous souhaitons inscrire dans le texte qu’une personne qui ferait l’objet d’une mesure de protection juridique – curatelle ou tutelle – ne puisse pas bénéficier de l’aide à mourir. En effet, il paraît illogique d’interdire à quelqu’un toute une série d’actes de la vie quotidienne, par exemple de signer un chèque – ce qui peut être le cas lorsque la personne est sous tutelle –, tout en lui laissant la possibilité de prendre une décision aussi lourde de conséquences que l’aide à mourir. D’autant qu’en cas de demande par une personne placée sous tutelle ou curatelle, il n’est pas prévu de recours au juge qui a décidé de la mesure de protection.
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour soutenir l’amendement no 1902.
M. Alexandre Allegret-Pilot
D’après l’article 425 du code civil, « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre ». Les personnes se trouvant dans les cas évoqués par M. Juvin ne sont pas en mesure de faire preuve de discernement et ne peuvent pas s’engager dans des actes relativement simples sans le contrôle d’un juge ; or je rappelle qu’aucun contrôle par le juge n’est prévu par le texte. Comment pourrait-on permettre à ces personnes, dont le discernement est particulièrement altéré, d’être mises à mort ? (Murmures sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
L’amendement no 978 de M. Gérault Verny est défendu.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 30.
M. Patrick Hetzel
Il s’agit d’exclure du dispositif les personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique. En effet, si ces personnes font l’objet d’une telle mesure prévue par le code civil, c’est parce qu’on considère qu’elles ne sont pas en capacité de protéger leurs intérêts.
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 877.
M. Gérault Verny
C’est un amendement de cohérence. Les mesures de protection juridique ne sont jamais prononcées à la légère ; elles traduisent une altération du discernement, partielle ou totale, constatée par un juge sur le fondement d’une expertise médicale ; elles visent à protéger une personne fragilisée dans sa capacité à faire des choix éclairés. En l’occurrence, il ne s’agit pas de signer un contrat ou une procuration de vote, mais de demander la mort, ce qui est l’acte le plus grave qu’un individu puisse poser ; la société se doit de l’encadrer. Peut-on, en conscience, autoriser une personne reconnue juridiquement vulnérable à demander un geste létal ? Peut-on, dans ce genre de cas, garantir l’absence de pressions familiales, sociales ou économiques ? Rien ne serait plus cruel que de transformer une mesure de protection en un laissez-passer vers la disparition. Cet amendement ne retirerait rien aux droits fondamentaux des personnes protégées ; il rappelle simplement que la liberté de mourir suppose une pleine capacité à décider. Là où le droit reconnaît une fragilité, le texte sur la fin de vie doit poser une limite.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 139.
Mme Marie-Christine Dalloz
Je suis bien placée pour évoquer le cas des personnes sous curatelle ou sous tutelle puisque j’ai dû affronter, lors des législatives de juillet 2024, un candidat du Rassemblement national qui était sous curatelle renforcée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, SOC, EcoS et Dem. – Sourires sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Ces mesures de protection ne reconnaissent pas seulement une incapacité à défendre ses intérêts, comme Patrick Hetzel l’a souligné, mais une altération globale de la personne, qui n’a pas conscience de ce qu’elle fait – et qui peut, par exemple, se porter candidat à une élection alors qu’elle sait n’en avoir pas la capacité juridique. Il convient donc d’exclure de l’aide active à mourir ces personnes particulièrement vulnérables qui ne jouissent plus de leur capacité juridique ni financière.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1613.
M. Thibault Bazin
Je compléterai les arguments avancés à propos des majeurs protégés. Madame la ministre, vous aviez soumis le projet de loi initial à un avis du Conseil d’État qui a, de façon intéressante, jugé que les dispositions propres aux majeurs protégés étaient insuffisantes. Vous aurez beau jeu, alors que nous examinons les conditions d’accès, de me renvoyer à la procédure : l’alinéa 7 de l’article 5 prévoit en effet que « le médecin demande à la personne si elle fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne ». Le médecin doit par ailleurs vérifier ces informations sur un registre qui n’existe pas encore, mais qui devrait être créé d’ici dix-huit mois, puisque vous prévoyez que la navette n’aboutira pas avant cette date – ce qui est censé nous rassurer !
L’alinéa 7 de l’article 5 poursuit : « Le cas échéant, le médecin doit à la personne protégée une information loyale, claire et appropriée sur son état. Cette information est délivrée à la personne de manière appropriée et adaptée à ses facultés de discernement. Son consentement est systématiquement recherché. En cas de doute ou de conflit, le juge des tutelles ou le conseil de famille, s’il est constitué, peut être saisi. » La procédure prévoit que la personne chargée de la mesure de protection pourra être informée et qu’on recueillera peut-être ses observations : c’est loin d’être suffisant !
Vous allez très loin dans l’éthique de l’autonomie, ce qui est respectable s’agissant de l’autonomie du majeur protégé. Cependant, ce dernier souffre d’une vulnérabilité particulière, si bien que son autonomie ne peut pas être considérée de la même façon que pour les autres personnes majeures. Pour assurer un équilibre entre l’éthique de l’autonomie et l’éthique de la vulnérabilité, il faut pouvoir vérifier que le majeur protégé manifeste son consentement de façon libre et éclairée.
Le texte tel qu’il est rédigé, notamment en ce qui concerne la procédure, ne nous rassure pas. Soit nous prévoyons une sécurité supplémentaire dans les critères, soit vous vous engagez à donner un avis favorable et à encourager l’adoption de plusieurs de nos amendements portant sur la procédure. Tant qu’on ne sera pas rassuré sur ce point, mieux vaut voter nos amendements portant sur les critères.
Mme la présidente
L’amendement no 1941 de Mme Lisette Pollet est défendu.
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 2619.
Mme Justine Gruet
Il importe de s’arrêter sur cette question éthique essentielle. Cet amendement, déposé à l’initiative de mon collègue Philippe Juvin, vise à compléter l’article 4 par l’alinéa suivant : « Lorsque la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation, le juge des contentieux de la protection confirme le caractère libre et éclairé du consentement. »
J’ai été interpellée, dans ma circonscription, par une personne sous tutelle favorable à l’aide active à mourir. Cette personne m’a indiqué que, si la possibilité de demander une telle aide devait un jour se présenter à elle, elle souhaiterait pouvoir donner son propre avis, qui touche à l’intime, sans que son tuteur ait son mot à dire. La protection des majeurs protégés à l’égard de l’aide à mourir doit effectivement être différente de celle exercée par le tuteur ; ce n’est pas à ce dernier de prendre la décision de recourir à une telle aide, mais bien au juge des contentieux de la représentation. Tel est l’intérêt de cet amendement, qui assurera ainsi une symétrie dans la prise de décision.
Nous devons, en tant que législateur, nous interroger sur les dérives possibles du texte. Faisons le parallèle avec les mineurs : dans leur cas, nous avons convenu qu’il était compliqué, d’un point de vue éthique, de leur permettre d’accéder à l’aide à mourir. N’est-ce pas aussi notre rôle de législateur d’encadrer plus strictement le recours à cette aide pour les majeurs protégés ? Le majeur protégé doit pouvoir demander cette aide en exprimant son avis de façon libre et éclairée, mais il doit revenir au juge, et non au médecin, d’évaluer si la personne est en pleine capacité de prendre une décision aussi importante que celle de mettre fin à ses jours.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces neuf amendements en discussion commune ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Je partage la nécessité de prévoir des garanties spécifiques pour les personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique et c’est bien, je le rappelle, ce que fait le texte. Le Conseil d’État a considéré, dans son avis sur le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, publié en avril 2024, que « l’inclusion des majeurs protégés » était « cohérente » avec « les évolutions législatives récentes […] tendant à privilégier une approche plus respectueuse du droit des personnes et des libertés individuelles et renforçant l’autonomie du majeur protégé. »
De plus, les mesures de protection juridique sont diverses et font l’objet d’une gradation en fonction de la vulnérabilité de la personne. Comme le soulignait le Conseil d’État, il n’est pas possible « d’exclure qu’une personne bénéficiant d’une mesure de protection juridique puisse être en mesure d’exprimer sa volonté de façon libre et éclairée. » Les exclure du dispositif constituerait une discrimination injustifiée.
M. Sébastien Peytavie
Tout à fait !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
La procédure de l’aide à mourir a précisément pour objet d’évaluer le caractère libre et éclairé de la demande. Des garanties très fortes sont déjà prévues pour tous les majeurs, protégés ou non, et des garanties spécifiques sont apportées pour les majeurs protégés : le médecin doit informer la personne chargée de la mesure de protection ; il doit recueillir et tenir compte des observations qu’elle transmet et informer celle-ci de la décision d’accéder à l’aide à mourir ; de plus, à la suite d’un amendement de Yannick Monnet adopté en commission, il a été précisé que « en cas de doute ou de conflit, le juge des tutelles ou le conseil de famille, s’il est constitué, peut être saisi ».
N’inscrivons pas dans le texte des mesures qui seraient profondément discriminatoires et considérons bien toutes les garanties qui y figurent déjà. Elles me semblent parfaitement correspondre à ce que nous souhaitons en matière de protection, tout en préservant l’autonomie de la personne.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je souscris aux arguments qui viennent d’être exposés et j’ajouterai que le texte répond à tous les éléments mis en avant par le Conseil d’État. M. le rapporteur vient de lire l’alinéa 7 de l’article 5, qui répond précisément à la question importante qui est soulevée.
De la même manière, je proposerai un amendement à l’article 6 qui prévoit que le médecin chargé d’évaluer le choix du patient recueille l’avis d’un psychiatre ou d’un neurologue dès lors qu’il y a un doute sur son discernement. Cet examen par un psychiatre ou un neurologue pourra concerner d’autres personnes que les personnes sous tutelle ou curatelle : c’est une étape supplémentaire qui pourra être sollicitée pour tous les patients.
C’est la raison pour laquelle j’estime que ces amendements sont satisfaits. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Je ne pense pas que les amendements soient satisfaits, car la rédaction de l’alinéa 7 de l’article 5 n’est pas assez précise : en réalité, c’est le médecin qui peut saisir le juge en cas de doute. Par parallélisme des formes, il serait pertinent que le juge soit saisi dès lors qu’un adulte fait l’objet d’une mesure de protection juridique.
Dans un dossier médical, il y a les antécédents du patient. Dans un dossier juridique, en général, il y a les antécédents juridiques, que le médecin ignore. Si nous voulons véritablement assurer une bonne protection, il serait pertinent que le juge soit saisi dans ces cas précis, puisque c’est lui qui décide de la mesure de protection.
Ce qui est en jeu, c’est, comme le prévoit le code civil, la protection des patients et la prévention des abus. Encore une fois, le corps médical ne connaîtra pas les antécédents juridiques. Le dire n’est pas une marque de défiance envers les médecins, car ils le reconnaissent eux-mêmes.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie
La question de la protection juridique pose un vrai problème. La France a d’ailleurs été condamnée à plusieurs reprises par l’ONU pour cette raison. Son application entraîne en effet des discriminations, dont celle que vous avez évoquée, madame Dalloz : le fait qu’une personne sous protection juridique ne puisse pas être candidate aux élections pose un problème au regard de l’égalité des droits.
Comme l’a dit M. Falorni, il est essentiel de vérifier le consentement et le discernement de la personne.
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Tout à fait !
M. Sébastien Peytavie
Or une personne souffrant d’un handicap mental léger peut avoir du mal à gérer ses comptes, mais cela ne veut absolument pas dire qu’elle ne pourrait pas formuler clairement sa demande d’aide à mourir si elle souffrait de douleurs réfractaires causées par un cancer de l’œsophage, par exemple. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et EPR. – Mme Stella Dupont applaudit aussi.)
Comprenons-le bien : derrière les exemples que vous évoquez pour faire peur, il peut y avoir une douleur réfractaire, causée par une pathologie. Même si la personne est schizophrène ou souffre d’un handicap mental, si elle comprend bien les conséquences de sa demande, je ne vois pas pourquoi on lui refuserait l’aide à mourir au motif qu’elle est sous protection. Il y va du respect de la liberté et de l’égalité des droits. Son discernement devra faire l’objet de vérifications. Le collège se réunira et, au moindre doute, la décision sera évidemment refusée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je m’oppose à ces amendements, pour trois raisons. D’abord, le texte prévoit toutes les précautions nécessaires. Ensuite, pour reprendre les arguments de mon collègue Peytavie, vous parlez de personnes qui vivent, qui respirent, qui souffrent, qui ont conscience de leur corps et qui sont capables de dire si elles ont mal ou non.
Enfin, n’y voyez pas de mépris, mais vous connaissez mal le sujet. Vous confondez les différents types de protection : la sauvegarde de justice et la curatelle sont des mesures d’assistance, tandis que la tutelle est une mesure de protection. Vous ne pouvez pas les mettre toutes au même niveau.
La personne qui fait l’objet d’une mesure d’assistance n’est pas contrainte, elle est seulement accompagnée dans sa vie quotidienne. Ce n’est pas le cas des personnes sous tutelle, mais je rappelle que ces dernières ressentent aussi des émotions et sont capables de dire si elles souffrent ou si elles sont malades. Il y a un enjeu de liberté et d’autonomie dans l’accès à l’aide à mourir. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS. – Mme Stella Dupont applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Les personnes faisant l’objet de mesures de protection peuvent-elles vraiment être considérées comme aptes à exercer leur volonté de façon libre et éclairée ? J’en doute.
Je m’inquiète que l’article 4 n’écarte pas expressément les majeurs protégés de l’aide à mourir. L’imprécision des critères de vérification – « être apte à manifester sa volonté » – autorisera ce que l’on observe à l’étranger : les autistes, aux Pays-Bas, et les personnes aux facultés altérées, au Canada, ont accès à ce droit. Nous n’avons pas abordé la situation des autistes au cours des débats, mais ils sont bien concernés.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 685 et 1902.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 235
Nombre de suffrages exprimés 232
Majorité absolue 117
Pour l’adoption 88
Contre 144
(Les amendements identiques nos 685 et 1902 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 978 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 30 et 877.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 230
Nombre de suffrages exprimés 227
Majorité absolue 114
Pour l’adoption 86
Contre 141
(Les amendements identiques nos 30 et 877 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 139 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1613.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 234
Nombre de suffrages exprimés 233
Majorité absolue 117
Pour l’adoption 92
Contre 141
(L’amendement no 1613 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 1941 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2619.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 235
Nombre de suffrages exprimés 233
Majorité absolue 117
Pour l’adoption 93
Contre 140
(L’amendement no 2619 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements nos 2581, 1612 et 2558, par le groupe Droite républicaine ; sur l’amendement no 1273, par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 935.
M. Gérault Verny
Il tend à soumettre la personne souhaitant recourir à l’aide à mourir à l’assistance d’un tuteur de conscience agréé. Le rôle de celui-ci serait de garantir la sincérité, la liberté et la stabilité de la décision. Par des entretiens réguliers et approfondis, ce professionnel indépendant accompagnerait la personne dans sa réflexion, l’aiderait à clarifier ses motivations et veillerait à détecter toute pression extérieure, qu’elle soit morale, psychologique ou sociale. Il s’assurerait que la volonté exprimée est véritablement libre et qu’elle n’est pas influencée par un état de vulnérabilité passager.
Sa présence permettrait aussi de sécuriser la procédure. Elle offrirait aux professionnels de santé un appui supplémentaire, une tierce expertise venant confirmer la cohérence et la constance de la demande. Le tuteur ne se contenterait pas d’être un simple témoin : il agirait comme un véritable garant éthique, protégeant la personne contre les dérives potentielles liées à la souffrance, à la solitude ou à la détresse psychologique.
Cette proposition vise à concilier le respect de la volonté individuelle et le devoir de prudence. Elle inscrit le choix de mourir assisté dans un cadre rigoureux, humain et respectueux, afin d’éviter que la solitude ou l’isolement n’altère la portée d’une décision irréversible. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Avis défavorable : cela alourdirait considérablement la procédure.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable. J’ai écouté avec intérêt la défense de l’amendement. Monsieur Verny, pourriez-vous me dire quel est le statut d’un tuteur de conscience agréé ? Où le situez-vous parmi les dispositifs de protection des majeurs ?
(L’amendement no 935 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de neuf amendements, nos 2581, 140, 1612, 2557, 1273, 460, 550, 1442 et 2558, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 550 et 1442 sont identiques.
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2581.
M. Philippe Juvin
Nous commençons une série d’amendements portant sur la question des maladies psychiatriques. Nous sommes à un tournant crucial : la psychiatrie en France est sinistrée, …
Mme Mathilde Panot
La faute à qui ?
M. Philippe Juvin
…l’état psychique de nombreux citoyens est très préoccupant et la priorité devrait être d’améliorer l’accès aux ressources psychiatriques, en ville comme à l’hôpital.
Nous souhaitons que les troubles psychiatriques soient explicitement exclus du champ de la loi. J’entends bien ce qu’a dit notre collègue Peytavie : certains malades psychiatriques, souffrant par exemple d’un cancer de l’œsophage, pourraient bénéficier de l’aide à mourir. Vous avez raison : dans certains cas, ce serait justifié.
Toutefois, permettez-moi de vous lire un extrait de la lettre que les psychiatres nous ont adressée à tous ces derniers jours : « Apprécier la capacité d’une personne à exprimer une volonté libre et éclairée est un acte complexe, particulièrement en présence de troubles psychiques. »
Nous considérons que le risque est trop grand, compte tenu de la situation de la psychiatrie française et de la grande difficulté à accéder à un psychiatre. Nous devons donc exclure de principe les maladies psychiatriques, en particulier la bipolarité, la schizophrénie et les syndromes dépressifs, du recours à l’aide à mourir.
Mme la présidente
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 140.
Mme Josiane Corneloup
Cet amendement vise à protéger les personnes sujettes à des troubles psychiatriques, afin de ne pas ouvrir la voie à des dérives comme celles qui peuvent être observées dans certains États. Aux Pays-Bas, les euthanasies pour troubles psychiatriques ont augmenté de 30 % depuis 2019. En Belgique, les euthanasies pour troubles mentaux ont bondi de 78 % en 2023.
M. Sébastien Peytavie
Ça n’a rien à voir !
Mme Josiane Corneloup
Ces patients, souvent sans pronostic vital engagé, présentent des profils fragiles. Il convient donc d’exclure les patients souffrant de pathologies psychiatriques diagnostiquées par un médecin psychiatre de l’accès au droit à l’aide à mourir.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1612.
M. Thibault Bazin
Il y a dans notre pays un véritable enjeu concernant l’accès aux soins en matière de santé mentale et les difficultés de prise en charge. « La faute à qui ? » me direz-vous. Beaucoup ici n’étaient pas députés il y a vingt ans, ni même il y a dix ans,…
M. Sébastien Peytavie
Ni même quatre ans !
M. Thibault Bazin
…étant donné le taux de renouvellement des parlementaires. Néanmoins, cela cache un problème plus profond. (Brouhaha.) C’est compliqué !
Mme la présidente
S’il vous plaît, chers collègues !
M. Thibault Bazin
Ce problème tient au fait qu’une affection grave et incurable – l’un des critères d’accès à l’aide à mourir – se double parfois, de façon masquée, de pathologies touchant la santé mentale. En soins palliatifs, la question de ces syndromes est importante. Or, le consentement libre et éclairé constituant également un critère, il ne faudrait pas, surtout compte tenu des fluctuations de la volonté, que l’aide à mourir devienne une option faute de prise en charge d’une telle pathologie. Les plus fragiles, surtout les malades psychiatriques, sont à cet égard particulièrement vulnérables, puisque leur capacité à exercer leur volonté de manière libre et éclairée est problématique. Entre éthique de l’autonomie et éthique de la vulnérabilité, les personnes souffrant de maladies mentales doivent faire l’objet d’un regard spécifique. Il faudrait que cela constitue l’une de nos préoccupations ; or, tel qu’il est rédigé, madame la ministre, le texte ne sera pas suffisant. (Mme Justine Gruet applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2557.
M. Philippe Juvin
Un collectif de psychiatres nous a écrit récemment : « Chaque jour, nous recevons des patients persuadés que leur souffrance est sans issue. Notre mission est de leur montrer qu’il existe des moyens de l’apaiser, de redonner du sens à leur existence. Si la mort provoquée devient une option légale pour eux, elle enverra un message contradictoire. Alors que nous luttons pour détourner nos patients du suicide, la société leur dira que dans certains cas, leur disparition est acceptable. C’est un paradoxe qui fragilise notre travail et érode la confiance des patients souffrant de maladies mentales qui cherchent une issue à leur détresse. » Alors même que, malheureusement, nous n’avons pas suffisamment de moyens pour répondre à la détresse des patients souffrant de maladies psychiatriques, nous souhaitons par principe, pour toutes ces raisons, les exclure de l’aide à mourir.
Mme Sandrine Rousseau
En France, 13 millions de personnes !
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1273.
M. Christophe Bentz
Si l’on en croit l’ancien député Jean-Louis Touraine et sa théorie du pied dans la porte, un jour viendra peut-être où les malades psychiatriques – et les mineurs, au passage – pourront accéder à l’aide à mourir. Comme mieux vaut prévenir que guérir, si j’ose m’exprimer ainsi, nous vous proposons de les protéger par un garde-fou : exclure du dispositif les personnes qui font l’objet de soins psychiatriques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 460.
M. Charles de Courson
Il vise à compléter l’article par l’alinéa suivant : « Les personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement ne peuvent être regardées comme manifestant une volonté libre et éclairée. » Vous me direz que cette mesure de protection figure à l’article 6, mais mieux vaut la situer à l’article 4.
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l’amendement no 550.
Mme Annie Vidal
Il tend également à préciser que les personnes dont une maladie psychiatrique altère le discernement…
M. Sébastien Peytavie
C’est pas pareil !
Mme Annie Vidal
…ne peuvent formuler de demande d’aide à mourir. Nous sommes nombreux – M. Juvin vient d’en parler – à avoir été alertés à ce sujet par les professionnels ; s’y ajoutent les parents, les mamans que nous avons auditionnées, qui nous ont confié à quel point elles étaient inquiètes de ce qui pourrait, après leur disparition, arriver à leur enfant – il s’agit là de l’angoisse majeure des parents qui ont des enfants dans cette situation. J’entends déjà les rapporteurs nous affirmer que ces amendements sont satisfaits…
M. Sébastien Peytavie
C’est vrai !
Mme Annie Vidal
…par la procédure prévue, mais inscrire ce principe au nombre des critères d’accès enverrait aux professionnels comme aux parents un message très fort. Vous le savez tous, cette question du discernement est extrêmement difficile à appréhender, en particulier s’agissant des enfants, des adolescents atteints de pathologies psychiatriques, qui peuvent soutenir quelque chose, en paraître convaincus, alors qu’ils sont très influençables. À ce titre, il nous faut les protéger. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement identique no 1442.
M. Dominique Potier
Beaucoup d’arguments ont été tirés des exemples étrangers, plutôt terrifiants, et des difficultés d’accès aux soins psychiatriques, la discipline étant sinistrée. J’insisterai pour ma part, même si la question de ces interactions est complexe, sur la prévalence des maladies psychiatriques dans les milieux les plus pauvres, les plus dégradés en matière de relations sociales et familiales. Nous craignons qu’au nom d’un principe d’égalité que, dans l’absolu, je conçois, cette prise en compte maladroite, imparfaite, se traduise dans la réalité, la pâte humaine de notre société, par la discrimination sociale, psychologique et psychiatrique des plus fragiles – c’est ce que nous observons dans d’autres pays. Le devoir du législateur, notre devoir à tous, consiste ici à protéger, à faire la loi, par une mesure de sagesse, non pour les forts, mais pour les plus faibles d’entre nous, en défendant ces amendements. (Mme Justine Gruet applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2558.
M. Philippe Juvin
Je le répète avec gravité, nous devons écouter et entendre les psychiatres qui s’adressent à nous, nous mettent en garde ! (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Ils nous disent que la psychiatrie française est très fragile, l’état de santé psychique des Français extrêmement précaire ;…
Mme Élise Leboucher, rapporteure
Vous ne les écoutez pas quand nous discutons des projets de loi de financement de la sécurité sociale !
M. Philippe Juvin
…ils demandent comment nous pouvons prétendre prévenir le suicide tout en légitimant dans certains cas la mort provoquée. « Cela va créer un trouble majeur chez les patients, chez les professionnels chargés de la prise en charge », écrivent-ils. J’ai expliqué pourquoi il conviendrait d’exclure du dispositif les patients atteints de maladies mentales, en particulier de schizophrénie, qui concerne 1 % des Français – or il s’agit d’un trouble majeur, qui gêne la socialisation et, qu’on le veuille ou non, altère le discernement. La meilleure preuve en est le fait que la plupart des schizophrènes sont placés sous neuroleptiques,…
M. Sébastien Peytavie
Donc stabilisés !
M. Philippe Juvin
…molécules que l’on qualifiait naguère de camisole chimique. Autant dire qu’en pareil cas votre jugement est tout sauf totalement libre ! Je vous en prie, excluez donc au moins les schizophrènes de cette capacité à avoir accès à l’aide à mourir.
M. Sébastien Peytavie
Et les paranoïaques ?
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Nous avons un double impératif : protéger et ne pas stigmatiser.
Mme Danielle Simonnet
Là, on est mal barrés !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Ne stigmatisons pas davantage ces personnes, ne portons pas atteinte au principe d’égalité. Le texte protège : il prévoit exactement la « nécessité d’appréhender les demandes d’aide à mourir dans le cadre d’un processus délibératif structuré et pluridimensionnel » mentionnée par la Haute Autorité de santé (HAS) dans son avis du 30 avril 2025. Les personnes en cause seront protégées aussi bien par les conditions d’accès à l’aide à mourir – dont celle d’« être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée » – que par la procédure, qui prévoit la réitération de l’expression de cette volonté, excluant les personnes atteintes d’une maladie psychiatrique dont le discernement serait altéré. Par ailleurs, Mme Vidal, avec son honnêteté coutumière, a évoqué l’alinéa 3 de l’article 6 : « La personne dont le discernement est gravement altéré par une maladie lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peut pas être regardée comme manifestant une volonté libre et éclairée. » Il faut, je le répète, protéger et ne pas stigmatiser ; ce texte protège et ne stigmatise pas. Restons-en à ces deux bases essentielles. Avis défavorable à tous les amendements.
Mme Ayda Hadizadeh
Voilà !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Comme chacun d’entre nous, je suis préoccupée par ce sujet – il s’agit en effet de protéger mais ne pas stigmatiser. M. Juvin, à l’instant, évoquait une fois encore – nous l’avons tous fait à plusieurs reprises – le courrier que nous a adressé le conseil national professionnel de psychiatrie. Celui-ci demande que soient prises trois « précautions [...] indispensables ». La première consiste en « l’instauration d’une évaluation psychiatrique indépendante chaque fois que jugée nécessaire par les équipes soignantes ou les proches lors d’une demande d’aide à mourir » : j’ai déposé en ce sens l’amendement no 2657 à l’article 6. La deuxième porte sur « un délai minimal de réflexion, permettant d’évaluer la stabilité et la cohérence de la demande dans le temps, et de s’assurer qu’elle ne relève pas d’une réaction aiguë ou transitoire » ; ce point a fait l’objet d’amendements. La troisième est « un rappel clair des principes et des objectifs de la prévention du suicide ».
Les auteurs concluent : « Nous avons pleinement conscience de la complexité de ce débat. Mais le respect de l’autonomie doit se construire dans un cadre rigoureux, éthique et protecteur. Ce cadre doit garantir à toutes les personnes, y compris celles atteintes de troubles mentaux, un accès équitable aux soins, sans stigmatisation ni abandon. » Voilà les termes exacts de la lettre. Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable à cette série d’amendements. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS. – Mme Stella Dupont applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie
Ces amendements posent problème, car ils laissent entendre que l’on pourrait demander une aide à mourir en raison d’un trouble psychique ou psychiatrique ; ce n’est absolument pas ce que permettra le texte. Pour reprendre mon exemple de tout à l’heure, admettons que quelqu’un qui souffre de schizophrénie, par exemple, ou d’un trouble bipolaire, ait un cancer de l’œsophage : les médecins qui l’entourent peuvent vérifier qu’il ressent une douleur, qu’il reconnaît sa douleur, comprend ce qu’implique sa demande. En revanche, que le fait d’être atteint d’un trouble psychiatrique exclue de facto du dispositif suscite un réel problème.
M. Philippe Juvin
C’est vrai !
M. Sébastien Peytavie
S’y ajoute un autre problème encore. J’ai travaillé quelques années en psychiatrie : imaginez-vous le nombre de personnes souffrant de troubles psychiatriques qui ne sont pas soignées pour leurs troubles physiques, parce qu’on ne les croit pas ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, EPR, SOC, EcoS et GDR. – Mme Stella Dupont applaudit aussi.) Le nombre de troubles psychiques qui en sont accentués, par exemple lorsqu’un fécalome n’est pas pris en compte ? Tel malade a mal au ventre, il ne fait que se plaindre, il y en a marre de ses plaintes ! Ces patients ne sont pas respectés ; d’où l’importance de la demande de la personne, de vérifier ce qu’il en est, de l’appuyer si elle répond à des règles écrites très précises. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Mme Brigitte Liso, rapporteure, applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Rousset.
M. Jean-François Rousset
Il faut d’autant moins stigmatiser ces malades que la demande générale est que les services psychiatriques s’ouvrent aux médecins généralistes, organiques. Un patient en psychiatrie peut avoir un problème de dents, un ulcère aigu de l’estomac, un cancer ; sa plainte doit être considérée comme organique, il doit être examiné par des spécialistes des maladies organiques. Je me rappelle un jeune handicapé cérébral qui s’est mis à s’agiter ; il devenait excessivement violent. On l’a placé en psychiatrie, sous neuroleptiques. Il avait en fait un abcès dentaire ! Ces cas existent, je le sais.
Considérons donc que les personnes atteintes de maladies psychiatriques peuvent aussi souffrir de maladies organiques qui nécessitent une aide à mourir ou des soins palliatifs.
Enfin, il faut rompre avec le cloisonnement entre les hôpitaux psychiatriques et les hôpitaux généraux. De même que, dans le cadre de l’exercice collégial, les médecins demandent l’avis d’un psychiatre, voire d’un second psychiatre le cas échéant, les services de psychiatrie doivent très rapidement demander l’avis d’un médecin spécialiste de l’organe. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, SOC et EcoS. – Mme Stella Dupont applaudit aussi.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Chenu.
M. Sébastien Chenu
La demande émise par un patient souhaitant bénéficier de l’aide à mourir doit émaner d’une volonté libre et éclairée – c’est ce qui est écrit dans le texte. Or nous sommes tous d’accord pour dire qu’une maladie mentale altère cette volonté. C’est là un point qui devrait faire consensus.
Je ne parle pas d’un trouble psychiatrique, mais bien de maladie mentale. Certains amendements emploient le terme de maladie mentale, d’autres celui de trouble pyschiatrique. Pour ma part, je serais plutôt enclin à voter ceux qui parlent de maladie mentale.
Il n’y a aucune stigmatisation. Je fais partie des députés qui ont envie de voter ce texte, mais qui ont besoin d’un certain nombre de garde-fous.
Mme Danielle Simonnet
Arrêtez de parler de garde-fous !
M. Sébastien Chenu
Les amendements proposés sont des garde-fous utiles ; ils sont en mesure de rassurer le grand public, auquel je m’identifie volontiers ici. C’est pourquoi je les soutiendrai. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Nous débattons d’un sujet extrêmement sensible sur lequel il faudra, tôt ou tard, prendre une décision. Un équilibre délicat est à trouver entre la volonté du patient, d’une part, et sa protection, d’autre part.
Un certain nombre de maladies psychiatriques engendrent de très fortes probabilités d’altération du discernement – nous le savons. Cela aura nécessairement une incidence sur l’aptitude à manifester une volonté libre et éclairée. Dès lors, nous devons mettre en place des procédures de protection.
Mme Ayda Hadizadeh
C’est déjà dans le texte !
M. Patrick Hetzel
Non ! Nous souhaitons que cela soit précisé dès l’article 4 !
Madame la ministre, vous avez annoncé que vous défendrez un amendement gouvernemental à l’article 6. Encore faut-il qu’il soit adopté !
L’ensemble des amendements examinés au cours de cette discussion ont un fil conducteur : il s’agit de protéger les personnes fragiles et de garantir que le droit à l’aide à mourir reste strictement encadré par les principes d’autonomie véritable et de discernement éclairé. C’est aussi notre rôle. Il est important de tenir compte de cette dimension, sans regarder notre vision comme totalement décalée par rapport à la réalité.
La protection des personnes vulnérables est un enjeu que nous ne pouvons ignorer sans fuir notre responsabilité première : celle de protéger l’ensemble de nos concitoyens.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2581.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 211
Nombre de suffrages exprimés 206
Majorité absolue 104
Pour l’adoption 83
Contre 123
(L’amendement no 2581 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 140 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1612.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 209
Nombre de suffrages exprimés 208
Majorité absolue 105
Pour l’adoption 82
Contre 126
(L’amendement no 1612 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 2557 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1273.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 210
Nombre de suffrages exprimés 204
Majorité absolue 103
Pour l’adoption 75
Contre 129
(L’amendement no 1273 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 460 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 550 et 1442 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2558.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 208
Nombre de suffrages exprimés 200
Majorité absolue 101
Pour l’adoption 79
Contre 121
(L’amendement no 2558 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 2005, par le groupe UDR, et sur les amendements no 26 et identique, par les groupes Droite républicaine et Horizons & indépendants.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 2005, 1128, 1136, 1130, 26, 1802, 713, 1241, 1139 et 2156, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 26 et 1802 sont identiques.
La parole est à M. Vincent Trébuchet, pour soutenir l’amendement no 2005.
M. Vincent Trébuchet
Il vise à interdire de proposer ou d’appliquer l’euthanasie et le suicide assisté – pardon, l’aide à mourir – aux personnes atteintes de déficience intellectuelle.
Monsieur le rapporteur général, vouloir protéger, ce n’est pas vouloir stigmatiser. Il ne faut pas nous faire un mauvais procès : nous voulons protéger ces personnes, et pas nécessairement les stigmatiser.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la déficience intellectuelle comme une capacité réduite à comprendre une information nouvelle. N’est-ce pas là une affection grave et incurable ? Cela signifie que ces personnes seront éligibles à l’aide à mourir.
Vous me direz que le consentement sera requis de manière éclairée. Permettez-moi de citer une étude publiée par la Cambridge University Press en 2023 portant sur les Pays-Bas, État où l’euthanasie a été légalisée en 2002. Cette étude prouve que des personnes ont été euthanasiées sur le seul fondement de leur déficience intellectuelle. Si nous souhaitons protéger ces personnes, et non les stigmatiser comme vous nous en accusez, c’est bien parce qu’il existe un risque que l’euthanasie ou le suicide assisté leur soit appliqué.
Enfin, ces personnes ont une capacité plus grande à intérioriser les désirs que leur entourage nourrit pour elles. Leur vulnérabilité est donc plus grande. Pour toutes ces raisons, il me semble que notre assemblée s’honorerait à les protéger dès maintenant (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir les amendements nos 1128, 1136 et 1130, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Dominique Potier
Ces trois amendements disent exactement la même chose – seule la rédaction diffère légèrement. Il s’agit de protéger les personnes souffrant de déficience intellectuelle en interdisant de leur ouvrir l’aide à mourir.
L’ensemble des dispositions présentes dans ce texte ont leur part de subjectivité. Notre honneur est d’éviter que, par un phénomène de subjectivité ou par un glissement progressif, des personnes souffrant d’un handicap ou d’une déficience intellectuelle se voient proposer l’aide à mourir alors qu’elles n’ont pas leur plein discernement.
Les personnes les plus engagées en faveur de la protection des personnes vulnérables sont les premières à formuler cette demande. Nous pouvons réfléchir sur la théorie, débattre sur des points juridiques, mais les personnes les plus concernées – les collectifs, les parents, les professionnels du secteur médico-social, les psychiatres – nous alertent sur les risques de l’ouverture du droit à mourir aux personnes souffrant de déficience intellectuelle.
Je m’étonne au passage du peu de cas qu’on a fait de la parole des personnes engagées dans les soins palliatifs et de leur témoignage sur la vulnérabilité de la fin de vie.
On peut bien sûr, au nom de grands principes, au nom de la liberté qui a été amplement invoquée dans cette assemblée, défendre le principe de non-discrimination. Mais le champ du réel se rappelle à nous par les personnes concernées, leurs proches et ceux qui les accompagnent. Il me semble qu’on peut leur faire crédit et faire preuve de prudence.
Pourquoi ne pas envisager, dans le cadre de la navette parlementaire, une exception à cette interdiction dans certaines situations ? Cela pourrait constituer une voie de repli dans un second temps. Mais à ce stade de nos débats, il me semble absolument indispensable d’exclure les personnes souffrant de déficience intellectuelle du droit à l’aide à mourir.
Leur inclusion, alors même que le principe de liberté a été affiché tout au long du texte, est tout simplement aberrante. Cela pourrait nous conduire à une situation d’inhumanité qui, je le crois, est loin d’être notre objectif collectif. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 26.
M. Patrick Hetzel
Les médecins indiquent que les personnes atteintes de déficience intellectuelle peuvent présenter des altérations significatives de leurs facultés cognitives, de leur capacité à comprendre la finalité d’un acte, à en mesurer les conséquences irréversibles ainsi qu’à exprimer une volonté de manière autonome et stable.
Ces altérations varient selon les situations individuelles, mais elles compromettent souvent la possibilité de garantir les conditions strictes d’une volonté libre et éclairée.
La Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée à ce sujet. Elle met en avant deux grands principes qu’il nous faut garder à l’esprit : le devoir de protéger les personnes vulnérables, y compris contre des agissements par lesquels elles menacent leur propre vie, doit être garanti par la loi et par les États ; l’obligation d’empêcher un individu de mettre fin à ses jours est absolue dès lors que sa décision n’a pas été prise librement et en toute connaissance de cause. Nous voyons bien que nous nous heurtons ici à une difficulté majeure. C’est la raison pour laquelle nous défendons ces amendements.
Mme la présidente
L’amendement identique no 1802 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé est défendu.
L’amendement no 713 de M. Alexandre Portier est défendu.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, pour soutenir l’amendement no 1241.
Mme Anne-Cécile Violland
Il est retiré.
(L’amendement no 1241 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 1139.
M. Dominique Potier
Je me permets d’ajouter un dernier argument que je n’ai pas mentionné tout à l’heure. Il existe, pour ces personnes, une solution qui correspond parfaitement à leurs attentes dans 999 cas sur 1 000 : il s’agit tout simplement des soins palliatifs.
C’est le lieu de la compassion, de l’accompagnement pour une personne déficiente intellectuelle qui peut être désespérée. Cet environnement extraordinaire, humaniste, a été inventé pour cela. C’est, me semble-t-il, la seule épopée dont on pourra s’enorgueillir un jour. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et RN. – Mme Blandine Brocard applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l’amendement no 2156.
Mme Annie Vidal
Cet amendement poursuit le même objectif : protéger les personnes atteintes de déficience intellectuelle compte tenu de leur particulière vulnérabilité. Nous avons été alertés par leurs familles, par les professionnels qui les entourent, par des associations engagées auprès d’elles.
Nombre d’études montrent que les personnes en situation de vulnérabilité sont davantage soumises à des phénomènes de maltraitance. Ce sont des phénomènes complexes, qui renvoient à des situations très différentes. Il me semble donc que ces personnes ont besoin de plus de protection que d’autres catégories de la population. Notre objectif n’est pas de les stigmatiser, mais bien de les protéger pour qu’elles soient exemptes de toute pression et ne formulent pas une demande d’aide à mourir dans un moment d’incompréhension. Il s’agit vraiment d’une mesure de protection supplémentaire.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Ces amendements visent à interdire l’accès à l’aide à mourir aux personnes atteintes de déficience intellectuelle. Bien sûr, l’objectif est de protéger cette population vulnérable. Néanmoins, j’y suis opposée. Je ne reviendrai pas sur les arguments déjà invoqués tout à l’heure ; je dirai simplement que le texte permet déjà de protéger ces personnes. Dans l’esprit, tous les amendements sont donc satisfaits. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Chaque membre de la population doit être protégé. Cela va de soi, les populations vulnérables doivent l’être encore davantage.
Oui, les altérations peuvent être variables.
Oui, le travail des équipes en soins palliatifs mérite d’être souligné et reconnu ; nous l’avons fait à différentes reprises depuis le début de nos débats il y a maintenant une semaine.
Oui, le discernement est incontestablement l’une des conditions prévues à l’article 4, mais je rappelle que ce n’est pas la seule. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à Mme Justine Gruet.
Mme Justine Gruet
Vous nous avez beaucoup parlé de témoignages ; nous en avons reçu nous aussi. Ce texte inquiète. Madame la ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues qui êtes favorables à ce texte, que vous ont dit les personnes proches de personnes déficientes intellectuelles ? On ne peut pas choisir certains témoignages et en écarter d’autres. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR et RN. – M. Charles Sitzenstuhl applaudit également.)
Les personnes déficientes intellectuelles doivent être explicitement exclues de l’accès à l’aide active à mourir ! Cela fait des heures que vous nous écoutez sans répondre concrètement à nos incertitudes et à nos interpellations. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Ici, vraiment, il faut qu’un médecin qui lit ce texte sans en être expert voie que les personnes déficientes intellectuelles ne sont pas concernées. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR, RN et UDR. – M. Charles Sitzenstuhl applaudit également.)
Notre rôle de législateur est de protéger les personnes vulnérables ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes DR et RN ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – M. Dominique Potier applaudit également. – Protestations sur de nombreux bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Théo Bernhardt.
M. Théo Bernhardt
Dans la suite de nos discussions sur les maladies psychiatriques, nous abordons maintenant la question des personnes déficientes intellectuelles. Les sujets sont donc de plus en plus précis, et tant mieux : les cas de figure sont nombreux et ils doivent tous être pensés.
Il faut absolument borner ce texte. Vous devez nous rassurer, nous, les députés qui voudrions voter en faveur de ce texte. Cela a déjà été dit.
Il a également été rappelé que les malades psychiatriques et les personnes qui souffrent de déficience intellectuelle n’ont pas le discernement nécessaire pour faire le choix irréversible de mettre fin à leur vie.
Je me suis posé la même question que M. Juvin : les traitements que prennent ces personnes permettent-ils que le discernement soit là ?
Monsieur le rapporteur général, vous avez tenu à notre égard des propos caricaturaux. Nous ne voulons stigmatiser personne.
Mme Danielle Simonnet
C’est raté !
M. Théo Bernhardt
Nous voulons seulement protéger et proposer des soins plus adéquats.
Madame la ministre, vous considérez ces demandes comme satisfaites ; alors rassurez-nous, et donnez un avis favorable à nos amendements afin que le texte soit clair et précis.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie
De quelle déficience intellectuelle parlez-vous, chers collègues ? Légère, modérée, profonde ? Car ce sont là des situations très différentes.
Mme Sandrine Rousseau
Très bien !
Mme Danielle Simonnet
Absolument, il n’y en a pas qu’une !
M. Sébastien Peytavie
Reprenons la situation dans laquelle quelqu’un est porteur d’une trisomie 21 et souffre d’un cancer de l’?sophage. Cette personne, qui témoigne de sa douleur, que l’on peut aussi observer, peut-elle être écoutée ? Je vous renvoie à ce que nous avons adopté dans la première proposition de loi : des moyens de communication faciles à lire et à comprendre doivent permettre de s’assurer que les personnes, quel que soit leur handicap, ont accès aux soins palliatifs.
Mais si les traitements ne fonctionnent pas, peut-on alors entendre la douleur de cette personne ? Peut-on vérifier qu’elle comprend bien les conséquences de ce qu’elle demande, qu’elle comprend bien ce qu’elle veut ? Si c’est le cas, peut-on accepter cette demande ?
Tout repose sur la vérification du discernement. C’est un point essentiel, qui figure dans le texte. Si l’on vérifie que la personne est consciente de ce qu’elle demande, si l’on vérifie son discernement, alors on peut le faire.
C’est la seule question qui vaille. Ce que vous dites, c’est qu’il faudrait exclure quelqu’un parce qu’il serait porteur d’un type de handicap. Que lui dirions-nous ? « Toi, tu souffres, mais tu es handicapé intellectuel, alors tu n’as pas les mêmes droits que les autres ? » On ne peut pas l’entendre. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC. – M. Philippe Vigier applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Falorni, rapporteur général.
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Je ne voudrais pas que nous nous quittions ce soir en laissant subsister la moindre ambiguïté.
Monsieur Bernhardt, je ne vous ai pas accusé de stigmatiser des gens. Je ne vous ai pas fait ce procès. J’ai dit que ces amendements pourraient donner le sentiment à ces personnes d’être stigmatisées, ce qui n’est pas du tout la même chose.
À vous écouter, on pourrait aussi avoir le sentiment que ce texte évacue le sujet central : la notion de discernement. C’est le contraire, nous avons vraiment veillé à l’inscrire au cœur du texte, de façon très précise. Lisez tous l’alinéa 3 de l’article 6 avant d’aller faire dodo, et vous dormirez plus sereinement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Nous pouvons conclure nos travaux de ce soir, notre septième jour de débats, en reconnaissant que depuis la première minute nous recherchons tous la réponse la plus adaptée possible. Nous avons tous rencontré des familles, des associations, des professionnels : il n’y a pas d’un côté ceux qui les écouteraient et de l’autre ceux qui seraient enfermés dans un débat théorique. C’est un procès que nous ne devons pas nous faire.
Notre responsabilité est de trouver la meilleure solution, la plus adaptée.
S’agissant de ces personnes qui ont besoin d’être protégées parce qu’elles sont plus vulnérables, c’est une question qui s’est beaucoup posée dans le travail sur ce texte. Elle s’était beaucoup moins posée au cours de l’examen de la loi Claeys-Leonetti : je le vois comme un progrès.
M. Dominique Potier
C’est très différent !
M. Thibault Bazin
C’est l’intention de donner la mort qui compte, ce n’est pas pareil !
Mme Catherine Vautrin, ministre
La finalité n’est pas si différente, monsieur Potier, permettez-moi de vous le dire. (Mme Blandine Brocard et M. Charles Sitzenstuhl protestent.) Nous savons tous qu’avec une sédation profonde et continue, l’endormissement est irréversible, pour reprendre les mots mêmes du texte. (Mêmes mouvements.)
Enfin, le gouvernement a déposé à l’article 6 un amendement, no 2657, qui tend à permettre qu’un psychiatre ou un neurologue donne un avis en cas de doute sérieux sur le discernement, afin de renforcer cette protection des personnes.
Nous débattons ici de l’article 4, il y en a vingt dans ce texte : continuons ensemble notre démarche, qui est de chercher les moyens de protéger les personnes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2005.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 181
Nombre de suffrages exprimés 176
Majorité absolue 89
Pour l’adoption 65
Contre 111
(L’amendement no 2005 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 1128, 1136 et 1130, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 et 1802.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 182
Nombre de suffrages exprimés 176
Majorité absolue 89
Pour l’adoption 68
Contre 108
(Les amendements identiques nos 26 et 1802 ne sont pas adoptés.)
(Les amendements nos 713, 1139 et 2156, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Nous avons examiné aujourd’hui 326 amendements ; il nous en reste donc 1446.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au gouvernement ;
Suite de la discussion de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mardi 20 mai 2025, à zéro heure dix.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra