Troisième séance du mardi 17 juin 2025
Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035
Suite de la discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi portant programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035 (nos 463, 1522).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant aux amendements identiques nos 477 rectifié de M. Jean-Luc Fugit et 500 rectifié de M. le rapporteur, visant à rétablir l’article 2. Sur ces amendements, qui ont été présentés par leurs auteurs, le gouvernement s’en est remis à la sagesse de l’Assemblée.
Article 2 (suite)
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Quelle est la stratégie du gouvernement sur la taxe carbone ? Peut-être vais-je enfin avoir une réponse à cette question ! Notre collègue Fugit et M. le rapporteur proposent la réécriture d’un alinéa de l’article L. 100-2 du code de l’énergie, mais ils se contentent de mélanger les mots et la disposition reste en réalité la même.
Je pose de nouveau la question : quelle est votre stratégie ? Les gouvernements de François Hollande puis d’Emmanuel Macron ont prévu une taxe carbone dont le montant devait atteindre 100 euros en 2030. Elle a été gelée à la suite de la mobilisation des gilets jaunes, mais vous ne l’avez pas retirée du code de l’énergie, où la date de 2030 figure toujours.
Une fois de plus, c’est à ne rien y comprendre ! Il y a aucune stratégie et on ne sait pas où vous voulez en venir. Allez-vous, du jour au lendemain, rétablir la trajectoire de la taxe carbone, comme les textes européens vont vous l’imposer ? Sans parler des effets de la réforme de l’ETS, le système communautaire d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne. Quelle est votre stratégie ? Nous discutons de programmation énergétique sans aucune idée de la vision du gouvernement. Nous n’avons droit qu’à des principes généraux et à des lieux communs.
Monsieur le ministre Ferracci, vous n’avez exposé aucune stratégie sur le gaz ou le pétrole et, sur la taxe carbone, vous n’avez pas de position non plus. Où emmenez-vous la France et les Français ? Allez-vous rétablir ou supprimer la taxe carbone ? Allez-vous mettre en place les nouvelles réformes européennes ? Nous parlons d’une augmentation de 23 centimes par litre de gazole et d’essence à partir de 2027 pour tous les Français et toutes les Françaises qui possèdent un véhicule !
Pourrait-on enfin avoir une réponse ou un argument du gouvernement, une esquisse de trajectoire, ou allez-vous rester silencieux toute la soirée ?
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 477 rectifié et 500 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 67
Majorité absolue 34
Pour l’adoption 18
Contre 49
(Les amendements identiques nos 477 rectifié et 500 rectifié ne sont pas adoptés.)
Article 2 bis
M. le président
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir l’amendement no 517.
Mme Julie Laernoes
Il vise à donner un nouveau souffle à l’article L. 100-3 du code de l’énergie en affirmant clairement que la fiscalité des énergies doit contribuer au financement des énergies renouvelables. Plutôt qu’abroger cet article comme l’a proposé M. le rapporteur en commission, le groupe Écologiste et social considère qu’il faut au contraire le réactualiser, le renforcer et lui donner une utilité stratégique.
Cet article fonde la fiscalité des énergies sur trois principes utiles : elle tient compte des effets de chaque type d’énergie, elle vise un traitement équilibré entre elles et elle cherche à rendre les énergies renouvelables compétitives. Ces dernières le sont devenues et leur problème n’est plus technique, mais financier. Selon le think tank I4CE, l’Institut de l’économie pour le climat, il manque chaque année près de 87 milliards d’euros d’investissements à l’échelle européenne pour tenir la trajectoire climat d’ici à 2030 et une part majeure de ce déficit concerne les énergies renouvelables. À cet égard, les signaux envoyés par l’État sont inquiétants. Je pense à la révision à la baisse de l’arrêté tarifaire du 6 octobre 2021 (S21) pour les projets photovoltaïques, qui entraîne des reports d’installations, le découragement des acteurs et la déstabilisation des filières. Ce n’est pas ainsi que l’on construit une politique industrielle – nous avons pourtant un ministre en charge à la fois de l’énergie et de l’industrie !
Par cet amendement, nous proposons une clarification de l’article L. 100-3 du code de l’énergie : il doit être inscrit dans la loi que la fiscalité énergétique contribue au maintien d’un niveau d’investissement suffisant pour les renouvelables. Notre amendement représente un levier de stabilité et un moyen de sortir enfin du cycle de stop and go. Il est nécessaire car si la transition énergétique ne se décrète pas, elle doit être organisée, financée et surtout sécurisé.
M. le président
Sur l’amendement n° 517 et l’article 2 bis, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Antoine Armand, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement no 517.
M. Antoine Armand, rapporteur de la commission des affaires économiques
Chers collègues, vous proposez que la fiscalité énergétique permette de financer des investissements dans les énergies renouvelables. Vous avez dû rencontrer un problème au moment de la rédaction de votre amendement puisque vous oubliez d’y préciser que vous voulez également soutenir le nucléaire, pourtant si utile à la décarbonation et à la baisse des émissions de gaz à effet de serre. En l’absence de la mention du nucléaire, je vais devoir donner un avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Joël Bruneau.
M. Joël Bruneau
J’imagine que l’amendement défendu par notre collègue part d’un bon sentiment, mais le vrai sujet n’est pas tant d’encourager les énergies renouvelables que de subventionner les moyens de se passer des énergies fossiles. Plutôt que de donner de l’argent à des filières qui génèrent une production intermittente, mieux vaudrait aider directement nos concitoyens à changer de véhicule ou de chauffage. Là est la solution pour faire baisser le poids des énergies fossiles en France.
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Je continue ma croisade pour essayer d’arracher un mot à M. le ministre de l’énergie. (« Oh ! » sur les bancs du groupe EPR.) Exprimera-t-il une position autre que « Même avis » ?
M. Philippe Schreck
C’est un ministre qui a peu d’énergie…
M. Jean-Philippe Tanguy
On parle de la fiscalité du carbone, qui n’a fonctionné ni en France, ni en Europe, ni ailleurs dans le monde. Je n’évoquerai pas les fraudes monumentales que ce système a engendrées en France et au niveau de l’Union européenne. Ce serait faire offense au Parlement que de lui rappeler à quel point il s’est fait flouer par certaines promesses.
Vous continuez de croire qu’une fiscalité punitive modifie les comportements. Au sein d’un marché libéralisé des énergies, ça ne marche pas. Vous avez aidé des gens qui n’avaient pas besoin de l’être et vous en avez accablé d’autres qui auraient mérité qu’on les laisse vivre avec le peu de moyens qu’ils ont.
Vous continuez de croire que la fiscalité carbone fonctionne alors que tous les retours d’expérience montrent le contraire. Aucun système n’a eu d’effet, ni les crédits carbone, ni la taxe carbone incluse dans la fiscalité indirecte sur les carburants, le fioul, le gaz et même l’électricité. Vous continuez de vouloir aller dans cette direction sans prendre la peine de justifier votre efficacité auprès du Parlement, pourtant le garant de la fiscalité des Français.
Votre défaite, pour ne pas dire votre humiliation, sur les zones à faibles émissions (ZFE) ne vous a pas servi de leçon. Vous persistez à croire que vous détenez une vérité incarnée et que vous pouvez accabler les Français avec des taxes carbone qui ne servent à rien, sinon à remplir les caisses de l’État. (M. Charles Sitzenstuhl s’exclame.) Le Rassemblement national ne va pas continuer à voter et à soutenir des mesures qui ne fonctionnent pas et qui n’ont jamais fonctionné.
Pourrait-on avoir un débat sur la pertinence de la fiscalité carbone et sur la façon dont vous l’avez instaurée ou allons-nous continuer comme si de rien n’était en évoquant le sujet au moment de l’examen du projet de loi de finances (PLF), sans jamais avoir de retours de la part de Bercy ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Antoine Armand, rapporteur
En réponse à M. Tanguy, je veux revenir sur le vote qui vient d’avoir lieu. Avec mon collègue Jean-Luc Fugit, nous proposions de faire évoluer la rédaction de l’article 2 pour qu’il prenne en compte l’acceptabilité sociale de la fiscalité, c’est-à-dire le mode de vie des ménages. Il s’agissait de sortir de la fausse évidence, à laquelle nos compatriotes croient, selon laquelle une fiscalité écologique serait forcément punitive et toucherait d’abord les plus modestes.
M. Thierry Tesson
Oui, c’est le bon sens populaire !
M. Antoine Armand, rapporteur
Nous avons tous le projet de faire sortir le pays de cette perception et c’était le but de notre amendement, mais vous avez voté contre, comme le Nouveau Front populaire. Vous ne pouvez pas à la fois nous reprocher de ne pas avancer sur le sujet et vous opposer à nous quand nous le faisons.
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est parce que votre amendement était du baratin !
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Les débats sur la fiscalité carbone sont récurrents et nous en avons débattu lors de l’examen du texte en commission des affaires économiques, notamment parce qu’une grande partie de la population vit cette fiscalité de manière injuste. D’où vient ce sentiment ? Les classes populaires voient que les factures d’énergie représentent une part d’autant plus forte de leurs revenus que ceux-ci sont faibles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Dominique Voynet applaudit également.) Dans le même temps, les 10 % les plus riches des ménages rejettent trois à cinq fois plus de gaz à effet de serre que les 10 % les plus modestes, qui subissent pourtant le plus fortement la fiscalité carbone. Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ?
Malheureusement, nous n’examinons pas un projet de loi, mais une proposition de loi, qui ne peut englober toutes les questions – c’est bien là le problème, monsieur le ministre.
M. Thierry Tesson
Bonne remarque ! J’achète !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Si cela avait été le cas, nous aurions pu aborder la question d’un développement massif des transports en commun favorisant une perception moins négative et moins injuste de la fiscalité carbone. Vous auriez aussi pu envisager de revenir sur le gel de MaPrimeRénov’ en allouant plus de moyens à la rénovation thermique, au moins pour les ménages les plus modestes, ou de rétablir les aides à l’achat de véhicules propres, y compris d’occasion. (M. Matthias Tavel applaudit.) Autant de dispositifs qui placeraient la fiscalité carbone dans une écologie populaire et qui lui éviteraient d’être perçue au contraire comme antipopulaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Pour aller dans le même sens que Mme la présidente de la commission, je ne peux pas, monsieur le rapporteur, vous laisser procéder à une sorte de blanchiment de politique fiscale injuste. Vous venez de nous expliquer que vous voudriez que la fiscalité carbone soit juste pour les ménages les plus modestes. Pourtant, la politique fiscale menée depuis huit ans est foncièrement injuste. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Elle ne profite qu’aux plus riches et, sans avoir vu le début du commencement d’un ruissellement, nous avons assisté à une belle évaporation.
Ainsi, le premier 49.3 utilisé par le gouvernement Borne en 2022 l’a été au soir d’une séance où nous avions augmenté massivement les crédits de la rénovation énergétique et du transport ferroviaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Marie-Charlotte Garin applaudit également.)
Alors que c’est pour refuser ces investissements écologiques qu’il y a trois ans vous dégainiez le 49.3, vous venez nous dire qu’il n’y a pas assez d’argent pour la rénovation énergétique ! Un gouvernement dont deux tiers des membres sont millionnaires et qui refuse la taxation des milliardaires n’a pas de leçon à donner en matière de justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Si vous voulez trouver de l’argent, regardez dans vos déclarations de patrimoine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Un député du groupe RN
Et Mélenchon, quel est son patrimoine ?
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 517.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 115
Majorité absolue 58
Pour l’adoption 35
Contre 80
(L’amendement no 517 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 2 bis.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 91
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l’adoption 23
Contre 56
(L’article 2 bis n’est pas adopté.)
Après l’article 2 bis
M. le président
Je suis saisi d’un amendement, no 183, portant article additionnel après l’article 2 bis.
Cet amendement fait l’objet du sous-amendement no 763.
Sur l’amendement et sur le sous-amendement, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de deux demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Joël Bruneau, pour soutenir l’amendement.
M. Joël Bruneau
Il convient de rappeler qu’il doit y avoir sur le réseau une intensité électrique à peu près stable – pardonnez-moi si je n’emploie pas les termes techniques exacts. Dans le système électrique français, il est demandé aux énergies nucléaire et hydraulique d’assurer la modulation en fonction de l’intensité de la production des énergies renouvelables liées au vent ou au soleil, qui, par définition, sont des énergies intermittentes ; la production d’énergie nucléaire ou d’hydraulique s’en trouve pénalisée, puisqu’elle doit « s’effacer » afin de laisser la place aux autres types de production électrique. L’objet du présent amendement est d’essayer d’établir une forme d’équité entre les diverses productions électriques décarbonées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Henri Alfandari, pour soutenir le sous-amendement no 763.
M. Henri Alfandari
Comme notre collègue veut établir une forme d’équité entre les diverses productions d’énergie décarbonnée, je vous propose de revenir sur une décision qui a été prise hier soir, à savoir l’exclusion du solaire et de l’éolien des énergies décarbonées. La réécriture de l’article 1er A que j’avais proposée n’avait pas cet objet. Il s’agissait au contraire de ne pas discriminer les types d’énergie décarbonnée entre elles et d’assurer la transparence des prix. C’est pourquoi le sous-amendement vise à préciser que l’éolien et le solaire font partie des énergies décarbonnées au sens du 2o de l’article L. 100-1 du code de l’énergie.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Je ne suis pas opposé par principe à un débat sur les coûts complets, bien au contraire ; nous avons d’ailleurs commencé à aborder – certes rapidement – la question hier soir, à l’occasion de l’examen de l’amendement de M. Alfandari qui a été adopté.
Néanmoins, je pense qu’il faudrait séparer la question fiscale de la question des coûts complets. Autant je pense que nous devons avoir une discussion sur les coûts complets – d’autres amendements nous en fourniront bientôt l’occasion –, autant il ne me semble pas pertinent d’aborder ici la question de la fiscalité, parce que cela n’emporterait aucune conséquence – à moins que ceux qui jugeaient il y a quelques minutes qu’une telle rédaction n’avait pas de portée normative aient entre-temps changé d’avis.
M. Mathieu Lefèvre
Très bien !
M. Antoine Armand, rapporteur
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 763.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 141
Nombre de suffrages exprimés 140
Majorité absolue 71
Pour l’adoption 25
Contre 115
(Le sous-amendement no 763 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 183.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 132
Nombre de suffrages exprimés 131
Majorité absolue 66
Pour l’adoption 58
Contre 73
(L’amendement no 183 n’est pas adopté.)
Article 3
M. le président
Je suis saisi d’une série d’amendements, nos 397, 396, 518, 116, 257, 587, 588, 165, 503, 562, 667, 642, 423, 395, 15, 92 et 422, visant à rétablir l’article 3, supprimé par la commission.
Les amendements nos 503, 562 et 667 sont identiques, ainsi que les amendements nos 15, 92 et 422.
Plusieurs de ces amendements font l’objet de nombreux sous-amendements.
Il s’agit donc d’une longue discussion commune.
Sur l’ensemble des amendements et des sous-amendements, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Julien Brugerolles, pour soutenir l’amendement no 397.
M. Julien Brugerolles
Je commencerai par défendre l’amendement no 395, qui arrive un peu plus loin dans la discussion commune, car les amendements nos 397 et 396 sont des amendements de repli.
L’amendement no 395 vise tout simplement à rétablir l’article 3 dans la rédaction issue des travaux de la commission des affaires économiques – avant qu’il ne soit finalement rejeté. Il serait en effet paradoxal qu’un texte de programmation jusqu’en 2035 écarte le volet énergie nucléaire, qui représente, je le rappelle, entre 60 % et 70 % de notre mix électrique.
Il faut impérativement préparer l’avenir et, en particulier, éviter l’effet falaise, du fait de la fermeture progressive des réacteurs. La priorité est donc de prolonger jusqu’à cinquante ou soixante ans, en fonction des normes de sûreté, la durée de vie des cinquante-six réacteurs nucléaires existants.
Il convient aussi de préparer le déploiement du nouveau nucléaire et des réacteurs de type EPR, avec des capacités permettant d’éviter l’effet falaise ; on lancerait la construction de six EPR en 2026 et de huit à partir de 2030.
Nous proposons en outre de rétablir un volet absolument essentiel de la politique nucléaire, à savoir la relance de la filière des réacteurs à neutrons rapides de quatrième génération, afin d’essayer de rattraper l’erreur commise avec l’arrêt du programme de réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle (Astrid).
M. le président
L’amendement no 396 de M. Julien Brugerolles est défendu.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir l’amendement no 518.
Mme Julie Laernoes
Puisque, dans sa grande sagesse, la commission des affaires économiques a supprimé l’article 3, le présent amendement vise simplement à réintroduire la question du nucléaire existant – sous réserve bien évidemment que l’ensemble des conditions strictes de sécurité et de sûreté nucléaires soient réunies.
Rassurez-vous, mes chers collègues : les écologistes n’opèrent aucun revirement. Nous sommes et resterons résolument opposés au nucléaire.
M. Jean-François Rousset
Quelle erreur !
Mme Julie Laernoes
Nous l’avons toujours été et nous le serons toujours.
M. Sylvain Maillard
Quel dogmatisme !
Mme Julie Laernoes
Pourquoi ? Parce que le nucléaire n’est pas résilient face au dérèglement climatique, qu’il coûte extrêmement cher – beaucoup plus que les énergies renouvelables ou que la réduction de la consommation énergétique – et qu’alors que la filière nous avait promis de résoudre tous les problèmes relatifs aux déchets radioactifs dangereux, il n’en est rien : on reprend des solutions déjà testées par le passé, mais qui avaient été abandonnées parce qu’elles ne fonctionnaient pas ou qu’elles étaient trop coûteuses. De surcroît, le nucléaire nous rend extrêmement vulnérables dans un monde où la politique et la géopolitique se sont complexifiées ; chaque centrale nucléaire est un point de vulnérabilité dans un contexte aussi dangereux. Enfin, les écologistes sont pour le progrès et l’innovation.
M. Sylvain Maillard
Ah !
M. Thierry Tesson
La bougie ?
Mme Julie Laernoes
Or le progrès et l’innovation se trouvent non pas dans les vieux mirages du passé, mais dans les énergies renouvelables, qui n’ont pas les mêmes inconvénients.
Alors, pourquoi présentons-nous cet amendement sur le nucléaire existant ? Tout simplement parce que nous avons pris énormément de retard en matière d’énergies renouvelables ; nous sommes les seuls en Europe à en avoir pris autant – du fait de notre aveuglement et de notre volonté de ne rien changer et de tout miser sur le nucléaire. De fait, nous avons engagé 55 milliards d’euros entre 2020 et 2025 – la facture s’étant encore alourdie – pour effectuer le grand carénage et pour maintenir notre parc en état de fonctionnement dans le respect des normes de sûreté. Or 55 milliards d’euros, c’est plus que le soutien total aux énergies renouvelables au cours des quinze dernières années.
M. Maxime Amblard
N’importe quoi !
Mme Julie Laernoes
Cet amendement vise donc à avaliser ce qui est en cours. Les écologistes restent résolument opposés au nucléaire, mais ils démontrent ainsi leur pragmatisme et leur réalisme. Notre modèle énergétique passe par une sortie progressive du nucléaire. Nous n’avons pas d’autre choix que de le prolonger le temps qu’il faudra,…
M. Thierry Tesson
C’est une révolution !
Mme Julie Laernoes
…sous réserve du respect de toutes les normes de sécurité, sur lesquelles nous n’avons d’ailleurs aucune certitude : la corrosion sous contrainte pourrait très bien réapparaître et l’état des cuves laisser à désirer. D’où l’amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir les amendements nos 116 et 257, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Maxime Amblard
Ces amendements visent à rétablir l’article 3 afin de redonner une véritable ambition nucléaire à notre pays, qui en a cruellement besoin. Il s’agissait initialement d’un amendement unique, qui a malheureusement été découpé par les services de l’Assemblée. Du coup, l’adoption de l’un ferait tomber l’autre. C’est pourquoi je vais retirer les deux, au bénéfice de mes sous-amendements à l’amendement du rapporteur – qui, pour sa part, n’a pas été découpé… –, afin de redonner un peu d’ambition à la politique de relance du nucléaire en France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
(Les amendements nos 116 et 257 sont retirés.)
M. le président
La parole est à M. Karim Benbrahim, pour soutenir les amendements nos 587 et 588, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Karim Benbrahim
L’amendement no 587 vise à inscrire dans la proposition de loi la stratégie proposée par le groupe socialiste en vue de réaliser une transition écologique juste ; il concerne plus particulièrement le volet nucléaire.
La stratégie énergétique que nous proposons repose sur trois objectifs essentiels : réussir la transition écologique ; garantir une énergie accessible à l’ensemble des consommateurs, foyers et entreprises, à un prix abordable ; renforcer notre souveraineté, tant énergétique qu’industrielle.
Pour atteindre ces objectifs, nous proposons quatre leviers. Le premier consiste bien évidemment à faire des efforts de sobriété dans la consommation énergétique et à accroître l’efficacité énergétique. Le deuxième passe par un investissement massif dans le développement des énergies renouvelables. Le troisième est l’électrification des usages, par exemple en passant du véhicule thermique au véhicule électrique. Le quatrième, c’est le levier nucléaire.
Le développement des énergies renouvelables est un outil central de cette stratégie. Il est créateur d’emplois et il nous permettrait de disposer d’un productible indépendant de puissances étrangères qui pourraient nous être hostiles. Toutefois, le développement des énergies renouvelables a pris du retard. La pilotabilité d’un système électrique qui reposerait à 100 % sur des énergies renouvelables pose encore des problèmes techniques.
Pour faire face à ces défis, nous proposons donc, d’une part, la prolongation jusqu’à soixante ans de la durée d’exploitation des réacteurs existants, bien évidemment sous la surveillance et avec l’autorisation de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, d’autre part, la mise en service de huit nouveaux réacteurs. Face à l’arrêt programmé d’un certain nombre de tranches et au trop faible développement des énergies renouvelables, l’investissement dans ces deux leviers nucléaires nous paraît indispensable tant pour assurer la sûreté du système électrique que pour garantir des prix abordables.
En revanche, nous refusons la vision quasi religieuse du nucléaire défendue sur certains bancs de cette assemblée. Nous nous opposerons à l’inscription dans le texte d’un plus grand nombre de réacteurs nucléaires à construire dans la mesure où nous manquons aujourd’hui de visibilité sur leur coût réel et sur la capacité industrielle et financière de réaliser de tels investissements.
Nous nous opposerons aussi à l’inscription d’objectifs quantifiés de développement des SMR, les petits réacteurs modulables. Ceux-ci posent un problème de sûreté car ils favorisent la dissémination du risque nucléaire dans le territoire, sans que nous disposions d’une doctrine quant aux avantages que ces réacteurs pourraient présenter sur les plans technique et économique.
L’amendement no 587 vise à inscrire cette stratégie dans le code de l’énergie, cependant que l’amendement no 588 constitue un amendement de repli : il vise à garantir que des décisions majeures, qui engagent notre pays à long terme sur des enjeux essentiels – notre indépendance, notre compétitivité, la sécurité de notre alimentation –, reposent sur des éléments techniques et scientifiques.
Nous faisons deux propositions pour trouver un compromis sur le développement de l’énergie nucléaire. La première consiste à inscrire dans le texte une clause de revoyure au bout de cinq ans – comme chacun sait, la loi de programmation doit être révisée tous les cinq ans – concernant la construction de tout nouveau réacteur nucléaire en sus des huit dont nous soutenons la construction dans l’amendement no 587. La décision pourra alors être prise à la lumière du retour d’expérience de la première tranche de construction, notamment en ce qui concerne les coûts.
La seconde est de construire une doctrine relative à l’exploitation des SMR en examinant leurs avantages et leurs inconvénients, les problèmes de sûreté qu’ils posent et les moyens de les résoudre. Il s’agirait de profiter des cinq prochaines années pour mener des études et prendre des décisions éclairées à l’échéance de la clause de revoyure de 2030.
M. le président
Les amendements nos 397 et 396 de M. Julien Brugerolles sont retirés.
(Les amendements nos 397 et 396 sont retirés.)
M. le président
La parole est à M. Joël Bruneau, pour soutenir l’amendement no 165.
M. Joël Bruneau
Cet amendement tend à rétablir l’article 3, malencontreusement éliminé en commission, mais non sans y introduire quelques modifications. Ainsi, l’objectif d’intensification de l’effort de recherche et d’innovation en faveur de l’énergie nucléaire est maintenu, mais la liste des projets à soutenir est supprimée, car elle ne nous paraît pas relever du domaine de la loi.
L’amendement inscrit dans le code de l’énergie un objectif de maintien de la part des énergies pilotables à 60 % de la production d’électricité au moins, afin de garantir la sécurité d’approvisionnement et la résilience de notre système électrique.
Il reprend l’objectif de construction de six nouveaux EPR d’ici la fin 2026 et l’étude de huit EPR complémentaires d’ici 2030, conformément aux annonces du président de la République et surtout au contrat de filière signé le 10 juin dernier. Nous défendrons d’ailleurs un amendement invitant le gouvernement à clarifier les modalités de financement du prochain programme, ce financement posant problème quoi que l’on puisse en dire.
Il prévoit le maintien et l’optimisation des installations nucléaires actuelles, pour autant que les mesures de sécurité le permettent.
Enfin, il soutient le retraitement et la valorisation des combustibles usés tout en tenant compte de l’alerte de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).
M. le président
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 503, 562 et 667.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 503.
M. Antoine Armand, rapporteur
L’article 3 prévoyait une relance du nucléaire ; il a été supprimé en commission ; je vous propose de le rétablir dans une rédaction plus ambitieuse que la version initiale du Sénat. Certains ajouts me paraissent indispensables à la clarté de ce débat.
Comme vous le savez, chers collègues, et j’y reviendrai en donnant mes avis sur l’ensemble des amendements, jamais le nucléaire n’a été inscrit dans la loi en France. Jamais l’attachement au parc nucléaire ne l’a été, ni à sa construction lors du lancement du plan Mesmer, ni lorsque son maintien a été décidé, ni lorsqu’une relance potentielle a été envisagée. Pro- et antinucléaires peuvent unanimement le regretter.
La présente proposition de loi nous donne enfin l’occasion de choisir d’inscrire ce sujet dans la loi, que nous soyons pour ou contre cette source d’énergie. L’article 3 de la proposition de loi du sénateur Gremillet et l’amendement de rétablissement que je vous propose tendent à le faire.
Afin que les choses soient claires pour tout le monde, voici la liste des principaux ajouts proposés dans cet amendement no 503.
Le premier porte sur la nécessité d’améliorer la transparence sur les coûts du système de production électrique, en particulier sur les coûts liés à la construction et au fonctionnement des réacteurs électronucléaires. Cette question a commencé de nous occuper hier, donnant lieu à des échanges assez vigoureux. Que l’on soit pro- ou antinucléaire, il est en tout cas fondamental de pouvoir présenter en toute transparence les coûts de l’énergie nucléaire, comme ceux des autres énergies, si nous voulons pouvoir décider rationnellement. Ainsi que pour d’autres filières industrielles, nous pouvons faire baisser les coûts de l’énergie nucléaire en France – il s’agit de ma conviction personnelle, mais je crois qu’elle est partagée, puisque cela a été souligné hier sur de nombreux bancs.
Les normes – procédurales, de fond, de construction, d’autorisation et de fonctionnement – se sont multipliées sans améliorer la sécurité pour autant. Cette évolution, jointe à celle de la taxation, a fait croître non le coût de production réel, mais les coûts additionnels du nucléaire, dont le prix s’est trouvé plus élevé dans notre pays que dans de nombreux autres. Nous n’avons aucune raison de nous y résoudre, que nous soyons pro- ou antinucléaires, puisque nous partageons tous le souci de garantir des prix de l’énergie abordables.
Le deuxième ajout concerne le rétablissement de l’effort de recherche et d’innovation dans le domaine de la production d’énergie nucléaire – j’y reviendrai –, notamment sur le cycle du combustible, sur les réacteurs thermonucléaires – il s’agit du projet de réacteur thermonucléaire expérimental international (Iter) – et sur le couplage entre l’énergie nucléaire et l’hydrogène bas carbone.
Le troisième, absolument central, concerne le parc existant. Tel que mon amendement tend à le rétablir, l’article 3 prévoit non seulement le maintien en fonctionnement de l’ensemble des installations nucléaires existantes, mais il fixe aussi deux objectifs aussi clairs qu’ambitieux : assurer la production d’au moins 63 gigawatts d’énergie électronucléaire, soit l’équivalent de la puissance actuellement installée, et le renouvellement du parc.
Sur d’autres points, l’amendement tend simplement à rétablir la rédaction initiale. Ainsi, concernant la relance de la filière nucléaire, il fixe les objectifs de construction effective suivants : « tendre vers 27 gigawatts de nouvelle capacité installée de production d’électricité d’origine nucléaire […] à l’horizon 2050 », dont au moins 10 gigawatts d’ici à 2026 et 13 autres gigawatts en 2030 au plus tard.
Il prévoit également « de maintenir en fonctionnement toutes les installations nécessaires à la mise en œuvre du retraitement et de la valorisation des combustibles usés ». Je le redirai tout à l’heure, mais il est important de souligner que la France possède une capacité industrielle unique au monde pour traiter une partie de son combustible et le recycler, ce qui peut lui permettre de recourir à certains procédés nouveaux et laisse entrevoir la fermeture du cycle, ce dont nous avons besoin, même pour le parc nucléaire existant. C’est ce qui explique la volonté de pérenniser, de renouveler et de compléter les usines de retraitement-recyclage, notamment les installations du Cotentin, au-delà de 2040.
Il prévoit ensuite de « recourir à une part de matières recyclées dans les combustibles nucléaires utilisés pour la production d’électricité d’origine nucléaire » – ce sujet fait d’ailleurs l’objet d’un amendement judicieux. Trop souvent, en France, nous avons pensé la production d’électricité de façon isolée au lieu de considérer le cycle du combustible dans son ensemble. Cette disposition est cohérente avec la « valorisation des matières radioactives », reprise au treizième alinéa de mon amendement, et avec la possibilité qu’un article ultérieur ouvre à l’autorité administrative, c’est-à-dire à l’autorité de sûreté, la possibilité « de requalifier ces matières radioactives en stock stratégique » – j’y insiste, car cette disposition figure dans la partie du texte sur laquelle la commission du développement durable a été saisie au fond. En effet, dans la perspective de la fermeture du cycle, ces matières peuvent fournir de nouveaux combustibles.
La fermeture du cycle, qui me tient particulièrement à cœur, comme à de nombreux collègues, fait l’objet d’un dernier ajout. Il ne s’agit plus de l’évoquer en formant des vœux pieux au sujet de la quatrième génération, mais d’inscrire dans la proposition de loi que la construction d’un démonstrateur de réacteur à neutrons rapides sera engagée au plus tard en 2030, non seulement à des fins de recherche, mais en vue d’un déploiement industriel de cette technologie, déjà utilisée dans plusieurs autres pays.
M. le président
La parole est à M. Jean-Luc Fugit, pour soutenir l’amendement no 562.
M. Jean-Luc Fugit
Le rapporteur a bien précisé le contenu de cet amendement, dont je tiens à souligner l’importance pour notre groupe. En effet, il vise à rétablir un article essentiel de cette proposition de loi, dont la suppression en commission nous a beaucoup étonnés – je le disais hier –, car cet article fixe des objectifs ambitieux pour l’avenir de la filière nucléaire, donc pour notre programmation énergétique.
Nous sommes confrontés à une double exigence de souveraineté énergétique et de décarbonation. Dans un tel contexte, le nucléaire s’impose comme l’un des piliers de notre stratégie énergétique, au même titre que les énergies renouvelables. Principale source de la production d’électricité bas-carbone en France, le nucléaire représente les deux tiers de la production en 2024, un petit tiers revenant aux renouvelables – 150 térawattheures. Cette source d’énergie est évidemment compétitive, sûre et déployée à grande échelle. L’amendement vise donc aussi à donner une vision de long terme à cette filière, dont les acteurs s’interrogent sur les intentions de la représentation nationale depuis la suppression de l’article 3 en commission. Il est de notre responsabilité de les rassurer.
L’article à rétablir fixe un cap : le maintien d’au moins 63 gigawatts de capacités installées d’ici à 2035 et le développement de 27 gigawatts supplémentaires en 2050. Il prévoit aussi de soutenir la recherche sur le cycle du combustible et sur le couplage nucléaire-hydrogène bas-carbone. Comme je l’ai dit hier au cours de la discussion générale, nous soutenons l’innovation tant pour les énergies renouvelables que pour le nucléaire. En cette heure d’urgente transition énergétique, nous ne pouvons nous permettre de nous passer de ce savoir-faire industriel d’exception de notre pays. Omettre cet atout majeur dans notre loi de programmation serait irresponsable. Nous voulons au contraire affirmer qu’il s’agit d’un levier central de notre stratégie énergétique.
Avec l’article 5, l’article 3 constitue le cœur de ce texte et de notre stratégie de sortie progressive des énergies fossiles.
M. le président
L’amendement no 667 de M. Philippe Bolo est défendu.
M. le président
Nous en venons à une longue série de sous-amendements à ces amendements identiques.
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir le sous-amendement no 714.
Mme Dominique Voynet
Monsieur le rapporteur, il convient en effet d’assurer la transparence totale des coûts du nucléaire. J’y veille personnellement – je sais que cela vous fait plaisir (Sourires) – dans le cadre de mon mandat au Haut comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire (HCTISN).
Mme Justine Gruet
On sait ce que vous en faites, on n’a pas oublié !
Mme Dominique Voynet
Le démantèlement doit être inclus dans l’estimation des coûts car ce n’est ni une option ni une étape secondaire. On voit bien que l’on peut séparer l’évaluation des coûts de la filière des combustibles et celle des réacteurs. Or le démantèlement est un processus long, complexe, coûteux, mobilisant des moyens financiers, techniques et humains pendant plusieurs décennies.
Le coût du démantèlement de la centrale de Fessenheim, pourtant programmé dès 2018, est estimé à 800 millions d’euros. Encore n’est-ce que le début puisqu’un rapport de la Cour des comptes de février 2020 soulignait déjà que les estimations étaient largement sous-évaluées. Nous pourrions également parler du démantèlement de la centrale expérimentale de Brennilis en Bretagne : bien qu’elle soit toute petite, son coût est évalué à 850 millions d’euros, soit deux fois plus que le montant initialement prévu.
Mettre fin à cette opacité budgétaire et assumer la responsabilité des centrales du berceau à la tombe suppose certes de planifier les constructions et de prévoir les prolongations, mais à l’heure où vous parlez de relance du nucléaire, oublier ce qu’il adviendra des installations une fois leur cycle de vie achevé reviendrait à cacher la vérité des coûts. Inscrire le démantèlement dans les coûts, c’est faire preuve de rigueur, de transparence et de responsabilité à l’égard des générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir les sous-amendements nos 723 et 724, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Julie Laernoes
Le sous-amendement no 723 vise à supprimer les alinéas qui renforcent encore les soutiens publics à la recherche nucléaire. En 2023, 45 % de la recherche et développement publique dans l’énergie étaient déjà captée par le nucléaire, ce qui représentait un total de 1,23 milliard d’euros et une hausse de 40 % par rapport à 2022. À titre de comparaison, seuls 78 millions étaient consacrés au solaire et 18 millions à l’éolien. Pour quel résultat ? On dépense encore et toujours plus d’argent public pour des technologies qui, depuis des décennies, enchaînent les échecs.
Superphénix a été abandonné après avoir englouti des milliards et Astrid a été enterré en 2019, faute de viabilité. (M. Thierry Tesson s’exclame.) Quant à Iter, le projet de réacteur expérimental de fusion nucléaire, il a pris dix ans de retard, son budget a été multiplié par cinq et aucun résultat n’est attendu avant 2080 ! Que fait-on d’ici là ? Et que dire de Cigeo, à Bure, toujours inabouti après trente ans ? Le site est censé fermer au terme du processus mais cela n’empêche qu’il ne recycle rien et produit des déchets qui seront encore plus complexes à gérer.
Soutenir ces programmes, c’est prolonger une fuite en avant technologique et financière alors que l’urgence climatique impose des solutions concrètes, disponibles et éprouvées : efficacité énergétique, sobriété, renouvelables. Il est vraiment temps de sortir des mirages pour revenir au réel ; c’est une question de cohérence, de responsabilité et de crédibilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Le sous-amendement no 724 est un sous-amendement de repli qui vise à élargir l’orientation de la recherche publique en y ajoutant explicitement les énergies renouvelables. En effet, dans la rédaction actuelle de votre amendement, monsieur le rapporteur, les efforts de recherche sont fléchés uniquement vers la fermeture du cycle du combustible, le couplage nucléaire-hydrogène et la fusion, trois axes exclusivement nucléaires fondés sur des promesses technologiques irréalistes, qui concentrent déjà l’essentiel des investissements publics.
Tous les scénarios élaborés par RTE – Réseau de transport d’électricité –, y compris ceux qui supposent une relance du nucléaire, reposent sur une montée en puissance massive des énergies renouvelables : dans les six trajectoires modélisées, la part des renouvelables atteint entre 50 et 100 % du mix électrique d’ici 2050.
Autrement dit, avec ou sans nouveaux réacteurs, le socle renouvelable reste incontournable. Malgré cela, la recherche publique en la matière reste absolument marginale ; ce déséquilibre est profond et dangereux. Cessons de présenter le nucléaire comme l’unique horizon technologique ! Nous devons reconnaître que l’innovation, ce n’est pas la fusion nucléaire pour 2080 : c’est la production décentralisée, le stockage, la flexibilité et les réseaux intelligents. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir le sous-amendement no 715.
Mme Dominique Voynet
Au-delà de l’aspect financier sur lequel je reviendrai, Iter représente un pari technologique majeur. De nombreuses voix scientifiques se sont élevées pour mettre en doute la pertinence de ce projet coûteux, dont l’issue reste incertaine. Même au cas où l’on réussirait à produire du plasma, ce qui n’est à ce jour qu’une hypothèse théorique, la résistance des matériaux utilisée n’est pas garantie. Nous en sommes déjà à vingt ans de recherches et 25 milliards auraient été dépensés pour ce projet ! (« L’éolien, c’est combien ? » sur les bancs du groupe RN.) La direction d’Iter a annoncé l’an dernier huit nouvelles années de retard, pour l’instant, et un surcoût du même ordre que ce qui a déjà été dépensé, pour assez peu de résultats. Pour le moment, on a surtout coulé du béton : je rappelle que le complexe tokamak est composé de 400 000 tonnes de béton et de ferraille.
Je veux ici de nouveau souligner, parce que nous serons immanquablement caricaturés, que nous ne sommes évidemment pas hostiles à la recherche. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Cependant, nous souhaitons éviter que se reproduisent certaines erreurs du passé, puisqu’il est arrivé que l’on passe trop vite de travaux théoriques, validés ou pas en laboratoire, à des installations expérimentales, puis à des infrastructures d’une ambition considérable ; or cela pénalise nos marges de manœuvre financières et nous empêche de financer les énergies renouvelables.
Nos citoyens attendent des résultats concrets à court terme face à l’urgence climatique, mais nous sommes en train de leur dire que, dans huit ou dix ans, nous saurons peut-être, à coups de milliards, s’il est possible de continuer à développer un projet tel qu’Iter. Je propose pour ma part d’orienter ces milliards vers les énergies renouvelables, solaire, éolienne et même hydrogène, qui sont bien plus rapidement mobilisables, plutôt que de parier sur une chimère technologique à l’horizon incertain. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Vincent Rolland, pour soutenir le sous-amendement no 772.
M. Vincent Rolland
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que ce sous-amendement du groupe Droite républicaine est aux antipodes de ceux qui viennent d’être défendus. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Nous proposons d’assurer le maintien en activité, « aussi longtemps que possible », de l’ensemble des installations de production d’électricité d’origine nucléaire. Si notre pays a un bilan carbone plutôt favorable, comparé à celui des autres pays développés, c’est justement grâce – entre autres – à l’énergie nucléaire, et donc au programme qui avait été engagé il y a maintenant plusieurs décennies,…
Mme Dominique Voynet
C’est un argument des années 1980 ! Ça ne nous rajeunit pas !
M. Vincent Rolland
…avant d’être arrêté puis de subir un stop and go qui nous a hélas fait perdre du temps. Ce n’est sans doute pas étranger aux difficultés que nous avons rencontrées ces dernières années en matière d’approvisionnement.
M. le président
La parole est à M. Karim Benbrahim, pour soutenir le sous-amendement no 746.
M. Karim Benbrahim
Comme je le disais tout à l’heure quand j’ai présenté l’amendement du groupe Socialistes et apparentés, face au retard pris dans le développement des énergies renouvelables et aussi aux questions techniques qui se posent concernant la pilotabilité d’un mix énergétique 100 % renouvelable, nous pensons que nous devons continuer à utiliser une part de nucléaire – ce qui est en jeu, c’est la sûreté de l’alimentation en électricité de notre pays.
Nous faisons par ailleurs face à un arrêt programmé massif de ce que l’on appelle le nucléaire historique, c’est-à-dire les réacteurs nucléaires qui arrivent en fin de durée d’exploitation. Nous proposons donc d’investir dans la prolongation de la durée de vie de ce nucléaire historique. C’est aussi ce que vous proposez à l’alinéa 9 de votre amendement, monsieur le rapporteur, où vous mentionnez « le maintien d’une capacité installée de production d’au moins 63 gigawatts ». Notre sous-amendement vise à préciser que cet objectif ne concernera que les réacteurs historiques : il ne s’agit pas de compenser une éventuelle baisse par le développement de nouveaux réacteurs, au gré des fermetures programmées.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Jean-René Cazeneuve
Pour le bon déroulement de nos débats, je signale que la présente discussion commune comporte une centaine d’amendements et de sous-amendements. Il serait cohérent que nous allions jusqu’au vote ce soir, mais le temps imparti risque de ne pas être suffisant. Pouvons-nous nous engager collectivement à prolonger un peu la discussion, le cas échéant (« Non ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), pour éviter qu’elle ne soit scindée en deux parties ?
M. Maxime Laisney
Sur la simplification, ça ne vous a pas empêchés de dormir !
M. le président
Il est absolument impossible de prévoir le rythme de la discussion. Le temps de parole étant libre sur ce texte, bien que contraint par le temps programmé, je ne peux pas moi-même accélérer ou ralentir les débats. Je ne peux donc m’engager sur le prolongement de la séance au-delà de minuit.
Article 3 (suite)
M. le président
Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 725 et 749.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir le sous-amendement no 725.
Mme Julie Laernoes
Il vise à supprimer l’objectif de maintien d’une capacité installée nucléaire d’au moins 63 gigawatts d’ici à 2035. M. le rapporteur a passé son temps, en commission des affaires économiques, à nous expliquer qu’il était impossible d’établir un objectif chiffré, que ce soit en pourcentage ou en valeur absolue, s’agissant des énergies renouvelables ; or il en introduit un ici pour le nucléaire, se contredisant une nouvelle fois.
Cet objectif revient en pratique à prolonger la quasi-totalité du parc existant, sans distinction, sans nuances et surtout sans évaluation de sûreté.
M. Antoine Armand, rapporteur
N’importe quoi, franchement !
Mme Julie Laernoes
La faisabilité même de cette prolongation, sur le plan tant technique que financier, est incertaine. Ces réacteurs ont été conçus pour durer quarante ans.
M. Raphaël Schellenberger
C’est faux !
Mme Julie Laernoes
Pour le coup, c’est vrai ! Ils ont été conçus pour quarante ans, relisez les déclarations de Marcel Boiteux à ce propos ! Aller au-delà demande des investissements massifs et des contrôles complexes et soulève des enjeux majeurs de sûreté.
Je veux rappeler ici les mots très clairs prononcés en 2023 par Bernard Doroszczuk, ancien président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), devenue l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), lors de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France – peut-être vous en souvenez-vous, monsieur Schellenberger : « Il ne faudrait pas que la poursuite d’exploitation des réacteurs nucléaires soit la variable d’ajustement [de la] politique énergétique » française. (M. Matthias Tavel applaudit.)
En fixant un objectif chiffré de maintien à tout prix, on envoie un signal très dangereux à l’ASNR : qu’importe l’état des installations, il faudra continuer à produire au moins 63 gigawatts. Ce n’est pas une planification : c’est une pression politique exercée sur une autorité indépendante, qui risque de fragiliser encore davantage notre modèle de sûreté. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Matthias Tavel applaudit également.)
Nous devons pouvoir ajuster le parc en fonction de critères techniques, économiques et environnementaux et non d’un chiffre gravé dans la loi ; c’est une question de prudence, de responsabilité et de respect de nos propres procédures de sûreté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir le sous-amendement no 749.
M. Matthias Tavel
De quoi parlons-nous ? Si vous essayez de réintroduire cet article 3, c’est qu’il a été supprimé. Or s’il a été supprimé en commission, ce n’est pas, comme vous avez voulu le faire croire, sur un malentendu, mais parce qu’il n’y a pas, dans l’hémicycle, de majorité pour le programme de quatorze réacteurs de type EPR 2 – huit autres se sont ajoutés aux six initialement prévus – que M. Macron veut imposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il n’y a pas de majorité pour construire six puis huit EPR 2…
M. François Cormier-Bouligeon
C’est bien dommage !
M. Matthias Tavel
…et c’est bien pour cela que l’article 3 a été supprimé en commission et que vous tentez de le réintroduire. Mais s’agit-il vraiment d’un programme de construction d’EPR 2, ou avez-vous en tête l’utilisation d’une autre technologie, par exemple celle des réacteurs coréens, comme le propose le Rassemblement national ? (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Ce n’est pas une question mineure ! Vous-même semblez un peu hésiter, peut-être parce que vous avez lu, comme nous, le rapport de la Cour des comptes selon lequel « l’accumulation de risques et de contraintes pourrait conduire à un échec du programme EPR 2 ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous sommes en train de décider de la poursuite ou de l’arrêt d’un programme qui, s’il venait à échouer, comme le craint la Cour des comptes, entraînerait un manque considérable de production d’électricité pour notre pays d’ici quinze à vingt ans. Nous ne pouvons pas faire dépendre l’approvisionnement électrique du pays d’une technologie qui n’est pas maîtrisée ! Ce serait prendre un risque considérable pour la sécurité d’approvisionnement du pays. (Mêmes mouvements.)
Imaginez une seule seconde que le fiasco de Flamanville 3 se reproduise à l’échelle des quatorze réacteurs que vous proposez : comment alimenterez-vous les Français en électricité ? Allez-vous être de nouveau obligés de rouvrir des centrales à charbon, comme vous avez dû le faire lorsque des phénomènes de corrosion sous contrainte ont été détectés sur plusieurs de nos réacteurs nucléaires ? Allez-vous devoir de nouveau construire des terminaux méthaniers flottants provisoires parce que vous craignez de ne pas avoir assez d’énergie pour le pays ?
M. François Cormier-Bouligeon
Parlez pour vous ! Vous verrez !
M. Matthias Tavel
Nous ne pouvons pas faire dépendre l’approvisionnement électrique de la France de réacteurs EPR 2 dont personne n’est capable de dire s’ils fonctionneront un jour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est un pari fou pour un pays comme le nôtre. Au demeurant, le groupe EDF a annoncé qu’il transmettrait des éléments relatifs au coût et au calendrier de ce programme à la fin de l’année. Pourquoi, alors, voulez-vous légiférer aujourd’hui sans éléments de coût, sans éléments de calendrier et sans que le design des réacteurs soit finalisé ? Ce n’est pas sérieux !
Par ailleurs, je suis très inquiet, monsieur le rapporteur – mais peut-être ai-je mal compris votre explication : dans votre amendement, que vous présentez comme ambitieux et que je qualifierais plutôt de fuite en avant, vous évoquez à la fois le maintien d’une capacité installée de 63 gigawatts et l’objectif de « tendre vers 27 gigawatts de nouvelles capacités ». Ces 27 nouveaux gigawatts s’ajoutent-ils au renouvellement des 63 existants ? Êtes-vous en train de défendre un programme de 90 gigawatts de nucléaire, qui nécessiterait donc, si je ne me trompe pas, cinquante-six EPR 2 ? Est-ce bien ce que vous proposez, monsieur le rapporteur, dans votre amendement ?
M. Maxime Laisney
Il n’a pas l’air de savoir !
M. Matthias Tavel
Cela paraîtrait tout de même assez incongru, mais peut-être est-ce le prix à payer pour votre alliance, qui semble se dessiner, avec le Rassemblement national ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) D’ailleurs, ce ne serait pas la première incongruité.
De quoi parle-t-on ? Nous sommes censés débattre d’une loi de programmation pour les dix ans qui viennent. Or, dans les dix ans qui viennent, il n’y aura pas un seul nouveau réacteur nucléaire (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), que vous le vouliez ou non, même en allant chercher les Coréens, comme le proposent les patriotes de pacotille du Rassemblement national.
M. Jean-Philippe Tanguy
Oh, ça va !
M. Matthias Tavel
Vous nous expliquez que l’on ne peut pas, dans ce texte, inscrire d’objectifs chiffrés pour les énergies renouvelables, car cela reviendrait à corseter l’action du gouvernement. Pourtant, s’agissant du nucléaire, vous fixez des objectifs chiffrés, et plutôt deux fois qu’une ! Vous vous moquez du monde.
Vous voulez non pas une loi de programmation énergie et climat, mais une loi d’accélération du nucléaire (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), car vous vous rendez compte que, malgré la précédente loi d’accélération du nucléaire que vous avez fait voter, il faut compter avec un délai supplémentaire de trois ans pour le programme EPR 2. Continuez à faire des lois d’accélération qui reportent les échéances toujours plus loin ! Cela s’appelle tout simplement courir après des chimères. (Mêmes mouvements.)
Pour notre part, nous ne courons pas après les chimères. Nous voulons bien discuter du nucléaire existant – personne ne propose de fermer tous les réacteurs en moins de dix ans –, mais nous refusons de vous suivre dans la folie énergétique qui consiste à faire croire que le pays peut avancer grâce à un nouveau nucléaire aussi peu connu et maîtrisé, dont les coûts et les délais, de surcroît, ne sont pas tenus ! Vous ne parviendrez ainsi qu’à faire couler le pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Jean-Louis Roumégas applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir le sous-amendement no 825.
M. Maxime Amblard
Mon intervention sera moins longue que ce tunnel d’inepties. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Vous proposez, monsieur le rapporteur, que la politique énergétique nationale ait notamment pour objectif « d’augmenter la capacité des capacités [nucléaires] installées ». Je suppose que vous parlez du facteur de charge, question qui fera d’ailleurs l’objet d’un amendement ultérieur. En tout cas, je propose de remplacer le mot « augmenter » par le terme « maximiser ». En effet, en maximisant la disponibilité de notre parc nucléaire, donc sa production, nous ferions mécaniquement baisser les coûts de production – tout le monde en serait ravi, même les écologistes, j’espère.
M. Thierry Tesson
Ils ne sont jamais contents !
M. Maxime Amblard
Cet objectif serait plus concret. Augmenter la production, c’est bien – il faudrait d’ailleurs savoir jusqu’où ; la maximiser, c’est mieux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Thierry Tesson
Très juste !
M. le président
Le sous-amendement no 779 de M. Joël Bruneau est défendu.
La parole est à M. Charles Fournier, pour soutenir le sous-amendement no 726.
M. Charles Fournier
Nous vous proposons une clarification de bon sens : inscrire clairement dans le texte que tout maintien en fonctionnement d’un réacteur sera expressément conditionné à un avis favorable de l’ASNR. En effet, la prolongation de l’exploitation d’un réacteur ne saurait résulter d’une simple prise de position politique ; nous avons besoin d’une prise de position technique. En inscrivant l’exigence d’un avis favorable de l’ASNR, nous garantissons que les impératifs de sécurité nucléaire ne seront jamais subordonnés à des considérations politiques ou industrielles – c’est un principe fondamental.
Par ce sous-amendement, nous ne bloquons rien, nous rappelons simplement que la sécurité doit primer et qu’il appartient à l’ASNR, non à la majorité du moment, de trancher sur la prolongation du fonctionnement d’un réacteur. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir les sous-amendements nos 716 et 717, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Dominique Voynet
L’amendement no 716 est facile à défendre : il vise à ce que toute prolongation du fonctionnement d’une centrale existante soit conditionnée à la garantie d’un niveau de sûreté au moins équivalent à celui requis pour les centrales neuves qui seraient mises en service au même moment. Nous ne sommes pas prêts à renoncer à un haut niveau de sûreté, lequel est garanti par l’ASNR, comme vient de le rappeler Charles Fournier.
L’amendement no 717 vise à supprimer une obligation irréaliste : le renouvellement de l’ensemble des installations nucléaires sans évaluation préalable de la faisabilité technique et du coût.
Depuis hier, nous avons évoqué à plusieurs reprises le cas de la centrale de Civaux, une des plus récentes du parc. On y a détecté, en juin 2025, de nouvelles microfissures dues à la corrosion sous contrainte sur des tuyauteries qui avaient été remplacées à peine deux ans auparavant. Or certaines parties de ces circuits, notamment celles qui sont situées autour du circuit primaire, ne pourront jamais être intégralement changées car elles sont inaccessibles une fois le béton coulé ou intégré dans l’enceinte de confinement.
Résultat : des coûts de fonctionnement qui explosent, une surveillance renforcée, des modélisations qui prennent beaucoup de temps, des arrêts prolongés. Tout cela pèse lourd. Vouloir moderniser à tout prix la totalité du parc existant, y compris là où c’est techniquement impossible, c’est s’engager dans une spirale d’investissements inefficace.
Rappelons que, selon la Cour des comptes, la construction de six nouveaux réacteurs coûtera déjà 51,7 milliards d’euros – chiffre provisoire qui sera réévalué.
Un député du groupe RN
À la louche !
Mme Dominique Voynet
Précisément ! C’est un vrai problème ! Quand on pose des questions précises, on nous répond toujours que c’est une estimation « à la louche ».
M. Thierry Tesson
Eh oui !
Mme Dominique Voynet
Je suis étonnée que vous ne soyez pas plus curieux, chers messieurs d’en face !
Je ne compte même pas les 23 milliards déjà engloutis dans Flamanville. Avons-nous les moyens de financer en parallèle de nouvelles installations et un renouvellement complet des installations plus anciennes ? J’en doute.
M. le président
Nous en venons à deux sous-amendements identiques, no 727 et 740.
La parole est à Mme Lisa Belluco, pour soutenir le sous-amendement no 727.
Mme Lisa Belluco
L’objet de ce sous-amendement est d’éviter la relance massive et précipitée du nucléaire. Cette fuite en avant technologique repose sur l’illusion d’une maîtrise totale. La filière nucléaire française est enlisée dans des dérives économiques et techniques majeures. Le nucléaire est devenu synonyme de promesses non tenues, de coûts publics vertigineux et de dépendance industrielle persistante. C’est aussi une technologie fondamentalement dangereuse, reposant sur une fausse promesse de contrôle absolu – ma collègue Dominique Voynet vient une nouvelle fois de le démontrer très clairement.
Qui plus est, la question de la gestion des déchets est systématiquement mise sous le tapis, repoussée aux décennies, voire aux siècles qui viennent. On ne veut pas laisser de dettes aux générations futures ; par contre, leur laisser des poubelles radioactives ne pose manifestement aucun problème !
Plutôt que de relancer tous azimuts la filière nucléaire, nous préférons mener des politiques pour réduire nos besoins énergétiques, améliorer l’efficacité énergétique et développer les énergies renouvelables pour couvrir les besoins restants. Cela nécessite des moyens budgétaires, une planification à long terme et du courage politique.
M. le président
La parole est à M. Maxime Laisney, pour soutenir le sous-amendement no 740.
M. Maxime Laisney
Nous avons déjà développé quelques arguments techniques, économiques et industriels sur la question du nucléaire. J’y reviendrai dans d’autres interventions. Dans celle-ci, je voudrais élargir la focale et dire ce qu’il faut penser, à mon avis, de l’obsession nucléariste, voire du nucléaire de transition, qui est l’option de nos collègues socialistes. Je ne parle pas du nucléaire existant, qui est de mon point de vue une énergie du passé – qui continue certes, pour l’instant, à produire de l’électricité ; je vous parle de l’obsession pour le programme de nouveau nucléaire.
Cette obsession nous fait courir six risques systémiques, qui s’enchaînent dans un jeu de dominos un peu macabre. Le premier risque a été évoqué précédemment par mon collègue Tavel : c’est le blackout.
M. Maxime Amblard
Parlez-en aux Espagnols !
M. Maxime Laisney
En réalité, c’est vous qui nous ferez retourner à la bougie à force de procrastiner en matière de sobriété énergétique, d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.) En effet, comme il n’y aura pas de nouveaux réacteurs avant dix, quinze ou peut-être vingt ans, et comme, sur le parc existant, treize réacteurs en moyenne seront en arrêt pour visite décennale chaque année dans les dix ans qui viennent, nous risquons de manquer d’électricité au cours de cette période. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Deuxième risque : si nous n’avons pas assez d’électricité, nous allons devoir en importer à partir des marchés européens de l’électricité, comme nous l’avons fait en 2022-2023, entre autres raisons parce que la corrosion sous contrainte avait mis en carafe près de la moitié de notre parc. Or, si nous sommes obligés d’acheter de l’électricité à l’étranger, les factures vont exploser.
Le troisième risque, conséquence du deuxième, est l’augmentation de la précarité pour nos compatriotes. Le Médiateur national de l’énergie signale être intervenu plus d’un million de fois l’an dernier pour des coupures d’électricité. Outre le risque de précarité, si l’électricité coûte très cher, nos concitoyens ne pourront pas procéder à l’électrification de leurs usages quotidiens.
Le quatrième risque est la conséquence analogue pour les entreprises : si l’électricité est beaucoup trop chère, celles-ci ne pourront pas décarboner leurs procédés de production et choisiront sans doute de mettre la clé sous la porte ou d’aller voir ailleurs. Autrement dit, la réindustrialisation que vous nous promettez n’aura pas lieu.
Le cinquième risque découle des deux précédents : s’il n’y a ni électrification des usages quotidiens ni décarbonation de l’industrie, nous ne remplirons pas nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le sixième et dernier risque est le corollaire des cinq autres : que ferez-vous si ces cinq risques se réalisent ? Vous allez vouloir prolonger la durée de vie des réacteurs existants au-delà du raisonnable. M. Bernard Doroszczuk, dernier président de l’Autorité de sûreté nucléaire – avant sa fusion avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire –, avait prévenu que la prolongation du fonctionnement des réacteurs existants ne devait pas être la variable d’ajustement d’une politique énergétique mal conçue. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Or je crois que nous sommes en plein dedans !
Je répète la position de notre groupe : nous pensons qu’il est urgent de planifier la sortie du nucléaire ; surtout, il ne faut pas en construire de nouveaux, ni parier sur des chimères. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Dominique Potier applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir le sous-amendement no 804.
M. Maxime Amblard
Mes collègues d’en face ne vont pas être déçus ! (Sourires.)
Le programme du Rassemblement national fixe l’objectif de décarboner notre mix énergétique, mais pas au prix de l’appauvrissement de la France et des Français. Il s’agit de garantir une production d’énergie finale d’environ 1 400 térawattheures d’ici à 2050, sans recours aux énergies fossiles. En cohérence, nous avons une ambition forte sur le nucléaire, car c’est la seule source d’énergie décarbonée, pilotable et concentrée qui nous permette de satisfaire à ces exigences.
Au Rassemblement national, nous proposons trois phases de construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Ainsi, la construction d’au moins 12 gigawatts de nouvelles capacités serait engagée au plus tard d’ici à 2026, pour une mise en route commerciale entre 2034 et 2037 – désolé, monsieur le ministre, nous sommes plus ambitieux que le gouvernement !
Puis, la construction d’au moins 12 gigawatts de nouvelles capacités serait engagée au plus tard d’ici à 2030, pour une mise en route commerciale entre 2037 et 2040.
Enfin, pour anticiper et compenser la fermeture progressive des réacteurs du parc historique – chaque fermeture sera décidée par l’ASNR sur des bases techniques et scientifiques, personne ne le remet en question, étant entendu que ces réacteurs avaient été conçus pour fonctionner non pas quarante ans précisément, mais au moins quarante ans –, la construction d’au moins 46 gigawatts de nouvelles capacités serait engagée au plus tard d’ici à 2035, pour une mise en route commerciale après 2040. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Karim Benbrahim, pour soutenir les sous-amendements nos 761 et 759, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Karim Benbrahim
Je présenterai d’abord le no 759, car c’est un sous-amendement de repli par rapport au no 761.
Par votre amendement, monsieur le rapporteur, vous proposez de lancer la construction de quatorze nouveaux réacteurs EPR 2 à l’horizon 2030. Or aucun de ces projets n’est encore engagé. C’est donc un risque pris sur l’avenir, sans considération des capacités techniques et financières permettant de réaliser de tels investissements. Vous le savez d’ailleurs très bien, puisque c’est une des raisons pour lesquelles vous ne souhaitez pas confier à EDF le monopole de la construction des futurs réacteurs. Le Rassemblement national, qui nous présente des objectifs totalement délirants, plus élevés encore que les vôtres, en a lui aussi pleinement conscience puisqu’il va jusqu’à proposer de confier la construction de ces réacteurs à des acteurs étrangers, notamment coréens.
Par le sous-amendement no 759, nous vous proposons d’inscrire l’objectif suivant dans le texte : engager la construction de huit nouveaux réacteurs EPR à l’horizon 2035, dont six dès 2026. Il s’agit du nombre de nouveaux réacteurs strictement nécessaire pour assurer la sécurité de l’alimentation de notre pays en électricité et la pilotabilité de notre réseau électrique.
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------
Mme Julie Laernoes
Surtout, le mox ne peut être recyclé qu’une seule fois. Après la première utilisation, il devient encore plus complexe de le retraiter, car il contient des matières radioactives hautement instables pour lesquelles aucune solution de retraitement n’existe. Autrement dit, on ne recycle pas : on complique et on ne maîtrise rien. Ce n’est pas un progrès, c’est un alourdissement de l’héritage nucléaire, un report des problèmes vers les générations futures.
Cette stratégie donne à croire que le nucléaire pourrait devenir une filière circulaire et propre. C’est totalement faux. Derrière le vernis du mot « recyclage » se trouve une chaîne technologique fragile, gourmande en argent public, génératrice de déchets toujours plus ingérables. Cessons d’entretenir cette illusion ! Pour sortir des impasses du nucléaire, arrêtons d’inscrire ces objectifs dans la loi.
M. le président
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement no 829.
M. Marc Ferracci, ministre
Il vise à préciser au 5o quinquies que l’objectif du gouvernement est de tendre vers la fermeture du cycle du combustible nucléaire sur le long terme.
Je ne reviendrai pas sur les arguments qui sous-tendent cet objectif, mais l’enjeu de souveraineté posé par l’approvisionnement le justifie en grande partie. Les travaux entrepris cette année sous l’autorité du Conseil de politique nucléaire, réuni à l’initiative du président de la République, devraient déboucher sur la rédaction d’une feuille de route.
L’alinéa 12 tel qu’il est rédigé est redondant avec l’alinéa 11, puisque celui-ci prévoit déjà le maintien en fonction et le renouvellement des usines de traitement-recyclage. Il est également redondant avec l’article L. 542-1-2 du code de l’environnement, qui prévoit que la « réduction de la quantité et de la nocivité des déchets radioactifs est recherchée notamment par le retraitement des combustibles usés […] »;
Nous proposons une rédaction du 5o quinquies qui intègre une perspective, plus ambitieuse, de fermeture sur le long terme.
Mme Julie Laernoes
Plus ambitieuse, mais techniquement irréalisable !
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir le sous-amendement no 718.
Mme Dominique Voynet
Nous proposons de remplacer le terme « recyclées » par celui de « retraitées ».
Parler de recyclage constitue en effet une forme de vérité alternative, relève de la pensée magique. Le retraitement est en fait une opération partielle, coûteuse et polluante. Il s’agit de fracturer, de séparer des produits radioactifs, d’isoler du plutonium, des actinides, des déchets de haute activité et à vie longue, des déchets à vie longue de faible ou de moyenne activité. En outre, on ne parle jamais de l’usage massif de produits chimiques, présenté comme accessoire.
Maxime Laisney a décrit l’aval du système, qui conduit à stocker jusqu’à 90 tonnes de plutonium sur des étagères et à refroidir des combustibles complexes dans des piscines saturées, qui doivent être à leur tour refroidies.
Sachez que la majorité des pays nucléarisés ont abandonné le retraitement, jugé non-viable économiquement et trop risqué. Alors qu’Orano vend à des pays comme les États-Unis des conteneurs pour y entreposer des matières radioactives non retraitées, la France n’envisage pas cette option. Le seul pays qui pratique aussi le retraitement est la Russie… c’est vraiment encourageant.
Appelons un chat un chat, faisons preuve d’honnêteté intellectuelle. Si vous voulez la transparence, parlez de « retraitement », non de « recyclage ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir les sous-amendements nos 719 et 720, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Dominique Voynet
Le premier vise à supprimer le 5o sexies, qui permettrait de requalifier les déchets radioactifs en matières valorisables, afin d’en retarder l’élimination définitive et de changer les termes économiques du bilan des industries du secteur.
Mais gère-t-on vraiment ces déchets ? D’après l’inventaire dressé par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), 1,76 million de mètres cubes de matière radioactive étaient stockés en France en 2021, dont une grande partie en attente d’une solution pérenne – c’est bien plus aujourd’hui.
Pour les déchets à haute activité et à vie longue, qui concentrent 99 % de la radioactivité totale, nous ne disposons toujours pas de solution opérationnelle. Peut-être y aura-t-il un jour un site de stockage dans la Meuse,…
Mme Laurence Robert-Dehault
Le projet aboutira !
Mme Dominique Voynet
…mais en attendant, on les accumule dans des piscines de refroidissement ou des entrepôts – une solution provisoire qui dure depuis trente ans.
S’agissant de l’uranium appauvri, la réalité est triviale. On dispose de ce produit en quantités phénoménales sans pouvoir l’utiliser, à court ou à moyen terme.
Les déchets, ce sont des matières pour lesquelles il n’existe aucune perspective de valorisation dans des conditions économiquement acceptables et maîtrisées techniquement. Nous proposons de ne pas prolonger indéfiniment leur entreposage, en retardant le stockage définitif, au motif d’une potentielle valorisation dans un futur hypothétique. Ce ne serait pas raisonnable.
Le no 720 est un amendement de repli qui introduit un avis contraignant de l’ASNR lorsqu’il s’agit de requalifier les déchets nucléaires en matières valorisables.
M. le président
Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 731 et 730.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir le sous-amendement no 731.
Mme Julie Laernoes
L’objectif, au 5o septies, de soutenir le développement des réacteurs de quatrième génération, est relancé.
M. Raphaël Schellenberger
Vous persistez dans la bêtise !
Mme Julie Laernoes
C’est vous qui persistez dans la fable, le mythe, le cauchemar, la bêtise : les réacteurs de quatrième génération ne relèvent pas de la politique énergétique, mais d’un acte de foi technologique. Cela fait quarante ans qu’ils nous sont vendus comme la solution miracle, parce qu’ils généreraient aucun déchet, qu’ils fonctionneraient en cycle fermé et qu’ils produiraient une énergie en quantité infinie. Quarante ans que les promesses se fracassent contre le réel.
M. Jérôme Nury
Croyez au progrès !
Mme Julie Laernoes
Le Superphénix ? Douze milliards d’euros engloutis pour cinquante-trois mois de fonctionnement réel. Un record d’inefficacité industrielle. Les comptes publics ? Ils ne comptent pas !
Astrid a été abandonné en 2019, faute d’intérêt technique ou économique crédible, y compris chez les industriels.
M. Jérôme Nury
Qui l’a arrêté ?
Mme Julie Laernoes
Relancer ces projets dans un contexte d’urgence climatique, c’est détourner des milliards de fonds publics de là où ils sont nécessaires : isolation des bâtiments, transports propres, énergies renouvelables. C’est aussi faire le choix d’une technologie à très haut risque, complexe, instable, encore plus vulnérable aux accidents et génératrice de matières difficilement contrôlables. Dans un contexte de prolifération nucléaire, c’est un sujet qu’on ne peut pas balayer du revers de la main.
M. Hervé Berville
C’est du dogmatisme !
Mme Julie Laernoes
Enfin, l’opacité démocratique est totale, car derrière des formules vagues comme « soutien aux technologies innovantes », on engage à nouveau des milliards, sans débat, sans transparence, sans dresser le bilan de tous les échecs passés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. Matthias Tavel
Elle a raison ! Vous le savez !
M. le président
La parole est à M. René Pilato, pour soutenir le sous-amendement no 750.
M. René Pilato
Nous souhaitons aussi supprimer l’alinéa 14, tant le 5o septies est un aveu d’échec. Le pari des réacteurs quatrième génération a été perdu. Combien de temps pourrons-nous faire tourner les réacteurs nucléaires avant d’épuiser les stocks d’uranium ? Avec la consommation actuelle, quatre-vingt-quinze ans. Avec une croissance modérée de la consommation, environ soixante-quinze ans. Si la croissance de celle-ci est forte, alors il nous reste quarante-huit ans ; et avec une croissance très forte, telle que souhaitée par le président de la République, trente-deux ans… ce qui nous amène à 2057.
Si, dans le meilleur des cas, les réacteurs de type EPR2 deviennent opérationnels à partir de 2045, vous aurez tout cet argent pour douze ans d’utilisation. Drôle de pari ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous parlez sans arrêt de souveraineté, mais l’uranium en France est importé à 100 %. Qui le fournit ? Entre avril 2024 et mars 2025, 14 000 tonnes d’uranium ont été importées du Kazakhstan, du Niger et de l’Ouzbékistan ; 20 % des 377 tonnes d’uranium enrichi ont été importées de Russie. Au cas où cela tournerait mal avec ses fournisseurs, la France vient de signer un accord avec la Mongolie… Tu parles d’une souveraineté ! C’est hallucinant ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Hervé Berville
Vous préférez le gaz russe !
M. René Pilato
Quand on aura fini d’investir pour seulement 20 réacteurs, nous pourrons les exploiter pendant douze ans. Tout cela est un gâchis inadmissible eu égard à la souveraineté. Je vous invite à reprendre ces chiffres : si vous les invalidez, je reverrai ma position.
M. Hervé Berville
Chiche !
M. René Pilato
En attendant, nous allons dans le mur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir le sous-amendement no 721.
Mme Dominique Voynet
Pourquoi s’en tenir à la quatrième génération ?
M. Raphaël Schellenberger
Oui !
Mme Dominique Voynet
Tant qu’on y est, investissons pour la cinquième et la sixième génération,…
M. Raphaël Schellenberger
Oui !
Mme Dominique Voynet
…pour démontrer notre confiance dans le nucléaire !
M. Raphaël Schellenberger
Oui, trois fois oui !
Mme Dominique Voynet
La LPEC court sur dix ans. Les difficultés rencontrées par les EPR2 ne sont plus à démontrer : douze ans de retard et une facture estimée à 23,7 milliards d’euros – sept fois plus que ce qui était prévu initialement. Pourtant, l’alinéa 14 prévoit le déploiement des réacteurs de quatrième génération dans les dix prochaines années, puisque le titre de la loi a été modifié pour couvrir la période 2025-2035. Qui peut sérieusement affirmer qu’un réacteur de quatrième génération sera opérationnel d’ici là ?
M. Hervé de Lépinau
Certainement pas celle qui a sabordé le nucléaire français !
Mme Dominique Voynet
Il n’y a donc aucune raison de ne pas prévoir la construction des réacteurs de cinquième ou de sixième génération, dont la maturité technologique est à peu près équivalente.
En l’absence d’étude d’impact environnemental, à l’heure où les derniers glaciers français – ceux qui permettaient de maintenir les débits d’étiage l’été et qui se reconstituaient l’hiver – fondent à grande vitesse, la question qui devrait se poser est celle de l’eau et des conflits d’usage. Faudra-til arbitrer entre l’usage agricole, dans un contexte de chaleur et de sécheresse toujours plus intenses, le soutien aux barrages hydroélectriques et le refroidissement des centrales ? Accumuler encore et encore les déchets nucléaires sans solution de refroidissement pose un problème stratégique.
M. Hervé de Lépinau
Il y avait Superphénix comme solution !
Mme Dominique Voynet
Vous ne pouvez pas vous empêcher de revenir à Superphénix !
M. Hervé de Lépinau
Évidemment !
Mme Dominique Voynet
Je vous rappelle qu’il a été arrêté il y a un quart de siècle et qu’aucun gouvernement, ni même personne ici, n’a jamais insisté pour relancer cette filière. (« Nous si ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) J’ai entendu votre sainte patronne plaider pour la sortie du nucléaire il y a encore quelques années ! Votre conversion à cette technologie est donc toute récente !
M. le président
La parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir le sous-amendement no 753.
M. Jérôme Nury
Il vise à nous doter d’un calendrier ambitieux en mettant la filière nucléaire au défi de déployer les réacteurs de quatrième génération d’ici 2040.
M. le président
La parole est à M. Henri Alfandari, pour soutenir le sous-amendement no 799.
M. Henri Alfandari
Il tend à compléter le dernier alinéa de l’article, par souci de cohérence : la préparation du combustible des réacteurs de quatrième génération doit intervenir dès 2040, afin de réaliser les tests nécessaires.
M. le président
La parole est à M. Joël Bruneau, pour soutenir les sous-amendements nos 781 et 774, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Joël Bruneau
L’amendement no 781 tend à intégrer à la liste des objectifs de la politique nationale de l’énergie celui de veiller à une trajectoire conforme entre production et consommation, puisque dans un système comme le nôtre, la surproduction engendre d’importants problèmes. Une partie du surplus produit peut être exportée, mais sa gestion devient compliquée lorsque le pic de production est lié au développement rapide des énergies renouvelables.
L’amendement no 774 vise à demander au gouvernement de remettre au Parlement un rapport lui permettant d’apprécier la cohérence de la production et de l’augmentation de la consommation d’électricité, liée – il faut l’espérer – à la décarbonation de notre économie.
M. le président
La parole est à M. Henri Alfandari, pour soutenir les sous-amendements nos 800 et 801, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Henri Alfandari
Le premier vise à inscrire dans la loi la nécessité de développer les moyens de flexibilité du système électrique – modulation de la consommation et de la production, recours stockage –, en cohérence avec les dispositions de l’article L. 100-1 du code de l’énergie.
L’amendement no 801 tend simplement à inscrire parmi les orientations stratégiques l’exploration du potentiel des courants marins et fluviaux pour la production d’électricité.
M. le président
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir les sous-amendements nos 803, 806 et 807, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Maxime Amblard
L’amendement no 803 vise à introduire un objectif de développement de la production de chaleur. Le rendement électrique d’une machine thermique fonctionnant au charbon, au gaz ou grâce à un combustible nucléaire est d’environ 33 % – c’est ainsi que fonctionne une cocotte-minute –, mais la cogénération est possible pour valoriser la chaleur résiduelle.
J’en profite pour soumettre l’idée que la chaleur destinée aux réseaux de chaleur urbains pourrait être produite par de petits réacteurs calogènes.
Les amendements nos 806 et 807 pourraient fournir une réponse que l’extrême gauche, faute de maîtriser le sujet, peine à apporter à sa propre question : comment produire plus d’électricité dans les dix années qui viennent, avant que les nouveaux réacteurs soient mis en service ?
En commençant par augmenter le facteur de charge du parc nucléaire d’au moins 72 % en 2030, et de 85 % en 2050, pour une production supplémentaire d’électricité de 40 térawattheures par an. Les États-Unis ont déjà relevé le facteur de charge de leurs réacteurs.
M. Maxime Laisney
Pourquoi produisent-ils moins d’électricité qu’avant alors ? Expliquez-nous !
M. Maxime Amblard
Ensuite, en augmentant la puissance des réacteurs du parc existant – ce que le gouvernement avait déjà autorisé pour faire face à une précédente crise de l’électricité. Variant entre 3 % et 5 % selon les réacteurs, cette augmentation procurerait 3 gigawatts d’électricité supplémentaire, soit 30 térawattheures par an.
M. Maxime Laisney
Pour quel coût ?
M. Maxime Amblard
Au total, ce sont 70 térawattheures de plus qui pourraient être produits chaque année, si ces amendements étaient votés et leurs mesures appliquées. Dans la dernière PPE, le développement excessif de l’éolien et du photovoltaïque était justifié par la recherche de 80 térawattheures : avec mes propositions, ne peut-on pas considérer que ce problème est réglé…
M. Maxime Laisney
Sur le papier seulement !
M. Maxime Amblard
… et qu’on peut se passer de sources d’énergies intermittentes ?
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Combien ça coûte ?
M. Damien Girard
Le nucléaire, c’est toujours formidable en théorie !
M. le président
Nous en avons terminé avec cette série de sous-amendements.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 642, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
M. Marc Ferracci, ministre
Il reprend fidèlement l’amendement no 503 du rapporteur Antoine Armand, mais s’en distingue sur deux points. D’abord, l’amendement du rapporteur, dont on peut saluer l’optimisme de la volonté, pour reprendre des termes gramsciens,…
M. Pierre Pribetich
Est-ce à dire que le rapporteur démontre un « pessimisme de la raison » ?
M. Marc Ferracci, ministre
…tend à fixer à six le nombre de nouveaux réacteurs dont l’installation serait engagée avant 2026 et à huit celui des nouveaux réacteurs dont l’installation serait engagée avant 2030. Or, si le gouvernement soutient la mise en service des premiers, il a réservé à la fin de l’année 2026 sa décision quant à la construction des seconds.
Mme Anne-Laure Blin
Les territoires attendent !
M. Marc Ferracci, ministre
Autre nuance, notre amendement tend, au 5o quinquies, à substituer à la référence à l’utilisation de matière recyclée une référence à la fermeture du cycle. C’était l’objet du sous-amendement no 829.
M. le président
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir le sous-amendement no 823.
M. Maxime Amblard
Inspirés par une bonne idée du rapporteur, nous proposons d’ajouter un objectif d’amélioration de l’information et de la transparence sur les coûts du nucléaire, sujet que nous n’avons pas peur d’aborder.
Je relève que, bien que M. Armand manifeste une ambition très forte pour l’industrie nucléaire, le gouvernement ne parvient même pas à exprimer ses visées pour l’avenir du pays. Pourtant, les ministres n’ont pas à craindre d’avoir des comptes à rendre puisque, a priori, ils ne seront plus là dans cinq ou dix ans.
M. Marc Ferracci, ministre
Mais qu’est-ce qu’il raconte ?
M. Maxime Amblard
Le gouvernement manque d’ambition, de courage et de volontarisme.
M. Marc Ferracci, ministre
N’en jetez plus !
M. Maxime Amblard
Il renonce à relancer avec ambition le nucléaire, quand le rapporteur, qui est pourtant de son bord, se propose de le faire. Il est assez fou que ce soit au Rassemblement national d’améliorer l’amendement d’un gouvernement totalement dépourvu d’ambition en y reportant le volontarisme du rapporteur !
M. le président
Sur l’amendement no 642 et le sous-amendement no 623, je suis saisi de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Les sous-amendements nos 696, 697, 704 et 815 sont défendus.
Sur l’amendement no 815, je suis saisi d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Sébastien Martin, pour soutenir le sous-amendement no 777.
M. Sébastien Martin
Les centrales n’ont pas une durée de vie fixée d’avance : ce sont les visites décennales et les examens très approfondis dont elles font l’objet qui permettent de la prolonger.
Élu d’un département dans lequel sont implantés plusieurs sites industriels de Framatome, je rappelle que ce texte tend à redonner à la filière nucléaire de la visibilité, alors qu’il y a quelques années, on s’attachait consciencieusement à la démanteler. Faut-il alors s’étonner que certains projets mettent du temps à voir le jour ?
Aujourd’hui, l’usine Framatome de Saint-Marcel, en Saône-et-Loire, compte 1 400 salariés. On en dénombrait 400 seulement il y a vingt ans : placée sous assistance respiratoire, sans doute ne pouvait-elle plus produire et jouer le rôle d’outil industriel performant qu’elle est en train de retrouver ! Si nous voulons accompagner la création, en Bourgogne-Franche-Comté, de centaines d’emplois, il faut donner de la visibilité à la filière nucléaire.
Mme Anne-Laure Blin
Il a raison ! Dans la région Pays de la Loire, c’est pareil !
M. Sébastien Martin
Il faut être fier de la réussite du nucléaire dans notre pays et compter sur lui pour garantir notre autonomie énergétique, sans nécessairement l’opposer aux énergies renouvelables.
M. le président
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir le sous-amendement no 699.
Mme Julie Laernoes
Il tend à préciser que le maintien en fonctionnement des installations de production d’électricité d’origine nucléaire est conditionné à l’avis favorable de l’ASNR.
Même les défenseurs du nucléaire sont coscients du rôle de cette autorité et de l’importance de ses avis. Nous nous sommes opposés à la manière, bien peu transparente, dont la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a été organisée,…
M. Jean-Luc Fugit
N’exagérons rien !
Mme Julie Laernoes
…mais alors que les objectifs que vous proposez d’inscrire dans la loi sont déraisonnables, voire irréalisables, et que, de ce fait, l’ASNR pourrait être mise sous pression, il importe de rappeler sans ambiguïté que tout maintien en fonction doit être soumis à son avis.
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir le sous-amendement no 707.
Mme Dominique Voynet
J’ai défendu un sous-amendement similaire à l’amendement no 503 du rapporteur, mais je n’ai pas obtenu de réponse à ma question. Il s’agit d’introduire une exigence explicite de sûreté pour les réacteurs dont la durée de vie pourrait être prolongée, ce qui n’a rien d’évident quand des pressions politiques s’exercent et qu’aucune technologie alternative ne sera disponible avant dix ou quinze ans. Si la loi devait prévoir la prolongation de la durée de fonctionnement d’un réacteur, elle devrait aussi garantir que celui-ci réponde aux normes de sécurité les plus strictes, identiques à celle des nouvelles installations.
L’approche proposée aujourd’hui nous paraît insuffisante et incertaine. Notre question, relative à la découverte de nouveaux stigmates de corrosion sous contrainte dans le réacteur no 2 de la centrale de Civaux n’a pas encore obtenu de réponse. Rappelons que ce réacteur, d’une centrale récente, a déjà réparé, après détection du même problème en 2022 et que sa tuyauterie a été changée. À l’époque, le président de l’ASN nous avait lui-même nous alertés et invités à ne pas baisser la garde.
La sûreté ne peut pas être la variable d’ajustement du système nucléaire français. Exiger un niveau de sûreté équivalent à celui applicable à un réacteur neuf en vue de la prolongation de la durée de vie d’installations plus anciennes, ce n’est pas du luxe !
M. le président
Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 698 et 735.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir le sous-amendement no 698.
Mme Julie Laernoes
Il tend à supprimer la mention de l’objectif de maintien d’une production installée de 63 gigawatts d’ici 2035, car son inscription dans la loi vaudrait décision de prolonger la durée de vie du parc existant.
Les réacteurs subissent des visites préalables à la prolongation de leur fonctionnement – douze ont déjà eu lieu et cinq sont en cours. Écrire dans le code de l’énergie l’objectif du maintien d’un tel niveau de décision reviendrait à devancer les décisions de l’ASNR et à transiger sur le caractère absolument fondamental de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires.
En outre, l’entrée de cet objectif dans la loi résulterait de l’adoption d’un amendement à une proposition de loi et ne serait donc assortie d’aucune étude d’impact sérieuse, ce qu’a relevé le rapporteur lui-même en commission : c’est hallucinant !
L’absence d’étude d’impact serait d’autant plus grave que dans le domaine du nucléaire, les normes en matière de sûreté et de sécurité sont très élevées. Le démantèlement de l’IRSN et sa fusion avec l’ASN n’auraient-ils eu pour objectif que de s’asseoir sur la sûreté nucléaire en France, le pays le plus nucléarisé au monde ?
Inscrire un objectif chiffré de maintien des capacités installées et le développement de nouvelles installations, c’est faire fi de toutes les préconisations en matière de sûreté. Il est donc essentiel de retirer sa mention de la proposition de loi.
Monsieur Armand, je vous vois froncer les sourcils, mais en fixant dans la loi des objectifs valables jusqu’en 2035, vous retirez à l’ASNR la possibilité de demander la fermeture d’une centrale, après y avoir détecté un problème, alors que nous ne connaissons pas les effets du vieillissement des réacteurs. Il est absurde de procéder ainsi, sans étude d’impact sérieuse ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Dominique Voynet applaudit également.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur les sous-amendements nos 698 et identiques, 812, 700 et identiques.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Maxime Laisney, pour soutenir le sous-amendement identique no 735.
M. Maxime Laisney
Il va exactement dans le même sens et vise à supprimer l’objectif de « maintien d’une capacité installée de production d’origine nucléaire d’au moins 63 gigawatts jusqu’en 2035 » à la fin de l’alinéa 6. Vous refusez de fixer de tels objectifs pour les énergies renouvelables. On ne comprend pas très bien pourquoi il faudrait le faire pour le nucléaire. Nous vous invitons à la cohérence. Si le groupe LFI-NFP n’est pas partisan de la fermeture du parc nucléaire du jour au lendemain, un tel objectif est néanmoins déraisonnable. Tâchons de dire la vérité aux Françaises et aux Français qui nous écoutent peut-être encore à cette heure : en 2035, l’âge moyen des réacteurs existants sera de 49,5 ans ; or ils ont été conçus pour durer 40 ans. Ceux qui veulent prolonger leur activité soutiennent qu’aux États-Unis ils fonctionnent durant 80 ans. C’est faux : les États-Unis veulent prolonger leur durée de vie jusqu’à cette limite ! En réalité, aucun réacteur dans le monde n’a encore fonctionné jusqu’à 60 ans – une telle durée de vie constitue donc déjà un pari fou, aller au-delà ne serait pas raisonnable.
À propos de la corrosion sous contrainte qui a affecté la moitié du parc nucléaire français, l’ASNR explique que les experts, à l’heure actuelle, ne sont pas capables d’identifier avec certitude les causes du phénomène. On ne peut donc garantir qu’il ne se reproduira pas, y compris dans les nouveaux réacteurs. Prolonger la durée de vie du parc existant n’est envisageable qu’à la condition de satisfaire tous les critères de sécurité. On ne peut pas se fonder sur des arguments économiques, ou en avançant l’idée d’un manque d’électricité futur – lié, comme je l’ai indiqué plus tôt, à votre obsession nucléariste : seule l’ASNR peut prendre une telle décision.
Ne croyez pas pour autant que les décisions de l’ASNR ne nous inquiètent pas. Emmanuel Macron a en effet forcé la fusion de l’ASN et de l’IRSN au sein de cette nouvelle institution pour deux raisons – cela a été souligné dans un rapport resté malheureusement confidentiel (M. Jean-Luc Fugit s’esclaffe) : d’abord, parce qu’une décision du président de la République, comme celle de prolonger la durée de vie des réacteurs, se doit d’être appliquée jusqu’en bas, quand bien même l’autorité de sûreté la jugerait mauvaise ; ensuite parce qu’il ne fallait pas trop enquiquiner l’exploitant. Quoique nous soyons très sceptiques quant à la nouvelle ASNR, issue de la fusion, nous souhaitons néanmoins que cette dernière soit seule habilitée à autoriser la prolongation d’un réacteur en fonctionnement.
M. le président
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir le sous-amendement no 812.
M. Maxime Amblard
Il vise à rétablir l’ambition de l’amendement no 503 de M. le rapporteur au sein de l’amendement no 642 du gouvernement. Augmenter la disponibilité des capacités installées était une ambition louable. Je ne comprends pas que le gouvernement l’abandonne. Il revient donc au Rassemblement national de faire correspondre les ambitions du rapporteur avec celles de son propre gouvernement.
M. le président
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir le sous-amendement no 775.
Mme Anne-Laure Blin
Trois ans déjà nous séparent du discours de Belfort, dans lequel le président de la République annonçait vouloir « reprendre en main notre destin énergétique ». Depuis, les territoires se sont organisés en conséquence : ainsi de la communauté de commune Chinon, Vienne et Loire, candidate à l’accueil d’un des huit EPR 2 que vous avez évoqués, monsieur le ministre. Au-delà de leur intérêt à accueillir de telles installations sur leur territoire, les élus sont persuadés qu’il est nécessaire de déployer une stratégie bas-carbone pour garantir un prix juste de l’électricité, la sécurité des réseaux ainsi que la souveraineté énergétique de la nation, et ce grâce notamment au développement de la filière du nucléaire civil dans la durée. Force est néanmoins de constater qu’ils ne bénéficient pas d’une vision à long terme de la part du gouvernement – votre amendement le prouve. Or les élus ont besoin de savoir s’ils accueilleront des installations, et selon quelles modalités pratiques ; ils ont besoin de s’organiser. À cet égard, la discussion que nous avons est indispensable. Pour sa part, la communauté de commune Chinon, Vienne et Loire est prête à accueillir un EPR 2, et elle attend des réponses rapides – le message est passé, monsieur le ministre.
M. le président
Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 700 et 732.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir le sous-amendement no 700.
Mme Julie Laernoes
Il vise à supprimer l’objectif de construire, grâce à de nouveaux réacteurs nucléaires, 10 puis 13 gigawatts de capacités supplémentaires.
Je rappelle que la présente proposition de loi, si l’on se réfère à son titre actuel, porte « programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035 ». La France disposera-t-elle de nouveaux réacteurs au cours de cette période ? Non. Le nouveau nucléaire produira-t-il un gigawatt, ou ne serait-ce qu’un kilowatt supplémentaire ?
Mme Dominique Voynet
Non !
Mme Julie Laernoes
Non plus. Nous avons l’impression – mais ce n’est pas qu’une impression – que le gouvernement et le rapporteur, main dans la main avec l’extrême droite climatosceptique, carbofasciste, qu’importe comment on la nomme (Exclamations sur les bancs des groupes RN et DR),
Mme Anne-Laure Blin
Toujours les mêmes rengaines avec les écolos !
Mme Julie Laernoes
…en tout cas main dans la main avec l’extrême droite qui nie l’existence même du changement climatique, ne se soucient de fixer un objectif chiffré – 10 plus 13 gigawatts – que pour le nucléaire !
M. Damien Girard
Elle a raison !
Mme Julie Laernoes
On ne sait même pas combien ça coûtera car on ne dispose pas d’étude d’impact. N’avions-nous pas un problème de finance publique ? Visiblement, s’agissant du nucléaire, quand on aime, on ne compte pas ! Vous refusez cependant de fixer, pour cette même période de temps, des objectifs chiffrés et tangibles pour toutes les filières des énergies renouvelables, alors même qu’il serait facile de les planifier clairement grâce aux outils de prédiction dont nous disposons. Pourquoi ? Serait-ce parce que, contrairement à ce que vous prétendez, vous souhaitez uniquement développer le nucléaire ? Il semble bien que ce soit le cas. Le texte ne porte donc pas sur une programmation « énergie et climat », mais bien sur une programmation « nucléaire » – tel est le vrai titre la proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et DR.) Vous n’avez en fait aucun égard pour les finances publiques, ni pour la sûreté de nos concitoyens, ni pour les réalités techniques et les capacités énergétiques réellement envisageables !
Mme Anne-Laure Blin
Les finances publiques, parlons-en !
Mme Julie Laernoes
Sans même parler du changement climatique, vous envoyez la France, les Français et leurs factures dans le mur, à coup sûr ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. Hervé de Lépinau
Sans vous tout se passera très bien !
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir le sous-amendement no 732.
M. Matthias Tavel
Julie Laernoes vient de répéter un certain nombre de vérités : vous voulez engager le pays dans un programme qui coûtera « un pognon de dingue », pour reprendre une expression devenue célèbre. Au vu de la manière dont vous les avez gérées depuis des années, on a compris que vous faisiez très peu de cas des finances publiques,…
M. Vincent Rolland
Parlez pour vous !
M. Matthias Tavel
…d’autant que vous refusez toujours de remplir les caisses en taxant les plus riches ! L’horizon de 2035 n’a rien à voir le texte et posera du reste un grave problème d’approvisionnement électrique si nous nous reposons, comme vous l’envisagez, sur le nouveau nucléaire ; ce n’est pas sérieux.
En attendant, monsieur Amblard propose d’augmenter le facteur de charge des réacteurs existants. Ce n’est pas sérieux non plus, collègue ! Vous voulez augmenter leur puissance sans même vous demander pourquoi elle atteint ce niveau aujourd’hui. Ce n’est pas parce que Dominique Voynet est à la tête d’EDF ! (Sourires.)
M. Hervé de Lépinau
Surtout pas, quel cauchemar !
M. Matthias Tavel
La cause est plutôt à chercher du côté des visites décennales, qui obligent à arrêter les réacteurs. Or comme ils sont plusieurs de la même génération, les visites des uns et des autres sont très rapprochées dans le temps. Le vieillissement est une autre explication, car il entraîne des arrêts de sécurité afin de vérifier l’absence de problème ; citons aussi la corrosion sous contrainte – un problème qui n’est d’ailleurs pas derrière nous, comme le cas de la centrale de Civaux l’a montré. N’oublions pas non plus que le refroidissement des centrales dépend de cours d’eau, lesquels sont soumis au changement climatique, aux canicules, aux sécheresses, et que ce sera toujours le cas demain – gérer le parc nucléaire implique aussi de tenir compte de cette limite, à moins que vous ne souhaitiez vous passer de mesurer le débit des fleuves et la température de l’eau, au motif que le nucléaire serait plus important que la vie humaine et que la vie de l’ensemble de l’écosystème ! Bref, ce n’est pas sérieux.
Puisque Marcel Boiteux a été plusieurs fois évoqué, je vous renvoie à une archive, visible sur le site de l’INA, datée de 1979 – ce n’est pas si récent –, où celui-ci évoque déjà la découverte, au cours des années 1970, de fissures dans le parc nucléaire français.
M. Hervé de Lépinau
Ah, Marcel Boiteux, l’inventeur de la tarification de l’électricité !
M. Matthias Tavel
Que dit-il dans cet entretien ? Que la longévité de l’acier des centrales a été calculée « pour 12 000 cycles ». Le journaliste Jean-Louis Servan-Schreiber lui demande alors : « C’est-à-dire 40 ans ? » Ce à quoi Marcel Boiteux répond : « Un peu plus de 30 ans. » Si l’on veut être fidèle à Marcel Boiteux, il ne faut donc pas prolonger la durée de vie des centrales ; il ne faut pas faire des paris aussi hasardeux, mais faire preuve de sérieux, se montrer raisonnables et privilégier la sobriété, l’efficacité énergétique ainsi que les énergies renouvelables – tout ceci, nous savons le faire vite et bien, en tout cas plus vite et mieux que le nouveau nucléaire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir le sous-amendement no 798.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Je défendrai également le no 797, si vous me le permettez, monsieur le président.
M. le président
Bien sûr.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Le no 798 est un sous-amendement de repli qui concerne le format du nouveau programme électronucléaire. Le groupe Socialistes et apparentés propose une solution alternative à celle du rapporteur – solution qu’a d’ailleurs très bien décrite notre collègue qui défendait l’amendement no 588 visant à trouver compromis général au sujet de la place du nucléaire dans le mix électrique.
Par ce sous-amendement, nous proposons d’abord de maintenir le principe d’un nouveau programme électronucléaire et le lancement de six premiers réacteurs dès 2026, ainsi que la cible d’un format à huit réacteurs, conformément au scénario « N1 » de RTE.
Nous proposons ensuite un compromis : d’une part, en ce qui concerne d’éventuels réacteurs supplémentaires, nous proposons que la création d’une tranche supplémentaire de réacteurs de grande puissance soit renvoyée à la prochaine loi de programmation énergie et climat – laquelle devrait être votée à l’horizon 2030, si l’on se fie à la loi de 2019 qui en a fixé la cadence ; s’agissant des petits réacteurs modulaires, d’autre part, nous proposons que soit fixé un objectif d’évaluation de leur pertinence économique et industrielle, notamment au regard des enjeux de sécurité et de sécurité qui leur sont propres.
Le sous-amendement no 797 reprend quant à lui, sur ce même sujet du format du nouveau programme électronucléaire, le contenu de l’amendement no 587 qui reflète la position du groupe Socialistes et apparentés, laquelle consiste à proposer de « construire huit nouveaux réacteurs nucléaires, avec l’objectif que la construction d’au moins 10 gigawatts de nouvelles capacités soit engagée au plus tard en 2026 ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
Sur le sous-amendement n° 830, je suis saisi par le groupe 0 d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------