Deuxième séance du jeudi 19 juin 2025
- Présidence de M. Jérémie Iordanoff
- 1. Programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035
- Discussion des articles (suite)
- Après l’article 5 (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Article 6
- M. Matthias Tavel
- Mme Sandrine Rousseau
- M. Jean-Philippe Tanguy
- M. Pierre Meurin
- Mme Julie Laernoes
- M. Karim Benbrahim
- Mme Marina Ferrari
- M. Jean-Philippe Tanguy
- M. Nicolas Bonnet
- Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
- M. Marc Ferracci, ministre
- M. Jérôme Nury
- M. Antoine Armand, rapporteur
- Mme Louise Morel
- M. Jean-Luc Fugit
- Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
- Suspension et reprise de la séance
- Suspension et reprise de la séance
- Amendement no 230
- Rappel au règlement
- Article 6 (suite)
- Rappel au règlement
- Article 6 (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Article 7
- M. Eddy Casterman
- Amendement no 377
- Article 8
- M. Eddy Casterman
- Amendements nos 341 rectifié, 30, 31, 630 et 215
- Après l’article 8
- Article 9
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035
Suite de la discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi portant programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035 (nos 463, 1522).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles de la proposition de loi, s’arrêtant aux amendements nos 22 et identique portant article additionnel après l’article 5.
Après l’article 5 (suite)
M. le président
Les amendements nos 22 et identique ne sont pas défendus.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir l’amendement no 336.
M. Matthias Tavel
Il vise à fixer un objectif de production d’énergies renouvelables identique à celui qui a été adopté à l’article 5. Je vais donc le retirer.
J’en profite pour souligner que s’il subsiste dans ce texte une seule référence à un objectif de production d’énergies renouvelables, c’est à la gauche que nous le devons.
(L’amendement no 336 est retiré.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 319, 320 et 328, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir les amendements nos 319, 320 et 328, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Matthias Tavel
Ils visent à inscrire dans la loi des objectifs de développement des capacités installées de production d’électricité – pour l’éolien terrestre s’agissant des amendements nos 319 et 320, pour l’éolien maritime s’agissant du no 328.
Cela permet de poursuivre la discussion que nous avons eue hier ; c’est en quelque sorte une session de rattrapage que nous proposons aux collègues macronistes. Je me permets d’insister, non pas pour ralentir nos débats, mais parce que le sujet est important. Il est indispensable de donner de la visibilité aux industriels afin qu’ils puissent procéder aux investissements nécessaires.
L’inscription de ces objectifs dans la loi leur offrirait des garanties sécurisantes. En effet, il a été dit que la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), établie par décret, pourrait être modifiée après cette loi. Nous ne sommes donc pas à l’abri qu’un décret vienne abaisser les objectifs de développement de l’éolien terrestre ou maritime. Or ce serait une catastrophe pour la filière industrielle, en particulier en matière d’éolien maritime. Cette dernière implique de grands projets pour les quais portuaires, les câbles sous-marins ou les sous-stations électriques. Les usines comme celle de General Electric à Saint-Nazaire ont cruellement besoin de pouvoir se projeter pour surmonter les difficultés qui les attendent dans les années à venir.
À défaut d’un engagement du gouvernement sur la pérennité de ce dernier site, il est de notre devoir d’inscrire ces objectifs dans la loi. Le Parlement, au moins, aura ainsi fait son travail. J’espère par ailleurs voir un jour un gouvernement s’engager à ce que ce site ne ferme pas ; je crains que l’actuel ne le fasse pas.
M. le président
La parole est à M. Antoine Armand, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.
M. Antoine Armand, rapporteur de la commission des affaires économiques
Je profite de la discussion commune de ces amendements pour apporter quelques précisions plus générales. Ce n’est pas parce que nous avons choisi de supprimer les objectifs énergie par énergie que le débat sur les filières industrielles ne mérite pas d’avoir lieu.
J’irai dans le sens des propos de notre collègue Matthias Tavel sur l’éolien en mer.
Premièrement, l’éolien en mer contribue grandement au mix énergétique. Force est de constater que le foisonnement du vent lui permet de disposer d’un facteur de charge nettement supérieur aux autres énergies électriques renouvelables, qui font souvent l’objet de critiques sur ce point. Dès lors, elle apporte, parmi ces sources d’énergie, l’une des contributions les plus significatives au système électrique.
Deuxièmement, les filières de l’énergie renouvelable électrique installées en France ne sont souvent pas fondées sur des outils industriels français ou européens. Cela a souvent été mentionné et nous sommes nombreux à le déplorer. Nous nous mobilisons au niveau européen pour favoriser la production d’outils industriels en France – ce fut le cas lors du dernier Conseil compétitivité, à travers le règlement « industrie zéro émission nette » ou par le biais d’autres mesures.
Sur le plan offensif, nous insistons pour avoir des capacités de production installées en France. Cela relève de la politique industrielle de filière que nous voulons développer.
Sur le plan défensif, nous agissons pour assurer que les composantes des énergies renouvelables électriques importées depuis le reste du monde soient produites dans des conditions sociales, économiques et environnementales conformes à une juste concurrence. Sous le contrôle de M. le ministre, il me semble que des travaux sont en cours pour mieux prendre en compte le critère de composante carbone dans la production des éléments destinés aux secteurs photovoltaïque et éolien.
C’est seulement en activant ces deux volets offensif et défensif de notre politique industrielle que nous pouvons espérer agir sur ce point.
De plus, vous avez mentionné les nombreux emplois directs et indirects qui ont été ou qui seront créés dans votre circonscription et dans les territoires alentour. J’aimerais souligner les graves dangers qu’un moratoire sur les énergies renouvelables, qu’il soit assumé ou déguisé, ferait peser sur les emplois existants. Dans le contexte industriel fragile que nous connaissons, où le gouvernement se bat pour éviter des fermetures de sites et pour encourager l’ouverture de nouveaux sites de production d’énergie décarbonée, un tel moratoire serait particulièrement préjudiciable. Nous jetterions une pierre dans notre propre jardin et nous nous mettrions nous-mêmes en difficulté quant à nos objectifs de résilience industrielle, de souveraineté et, bien sûr, de décarbonation.
Troisièmement, il convient d’être attentif à ce que le rythme d’installation des nouvelles infrastructures corresponde bien au rythme de développement de la filière. Plusieurs collègues sont directement concernés par cette préoccupation dans leur circonscription ; leur avis en la matière serait particulièrement bienvenu.
Cela pose deux questions.
D’une part, les projets industriels sont-ils assez mûrs pour suivre le rythme affiché ? L’ancien ministre Berville mentionnait, hier, le pacte éolien en mer entre l’État et la filière ; je n’y reviendrai pas, mais il s’agit d’un élément important de sécurisation et de crédibilité pour notre ambition industrielle dans ce secteur.
D’autre part, la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a renouvelé le cadre relatif aux modalités de débat public, notamment en élargissant le débat portant sur le document stratégique de façade. Ce cadre est-il suffisant pour garantir la crédibilité des objectifs de cette nature et selon cette temporalité ? Sur ce point, je ne vous cache pas que j’éprouve un doute, que je suis toutefois prêt à lever en fonction des réponses qui me seront apportées.
Enfin, s’agissant de vos amendements, vous proposez de fixer deux objectifs industriels spécifiques. Ils interviennent certes pour la bonne cause – de votre point de vue du moins –, mais je suis en délicatesse avec le fait de leur donner un avis favorable étant donné la constance que je m’efforce modestement de maintenir en la matière. Mes propos ne vous étonneront donc pas. Sous réserve des explications que vous pourrez apporter, c’est donc une demande de retrait.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Je rejoins les propos du rapporteur, particulièrement en ce qui concerne la nécessité de veiller au maintien et à la consolidation de nos filières industrielles liées aux énergies renouvelables.
J’apporterai quelques compléments concernant nos actions au niveau européen. Grâce aux dispositions du règlement « industrie zéro émission nette » que nous sommes en train de concrétiser, nous aurons la possibilité d’appliquer des critères pour que les industries – en particulier les industries vertes – bénéficient d’une préférence en fonction de leur localisation. La concurrence provenant de certains pays comme la Chine dans plusieurs domaines industriels – les batteries, l’éolien, le photovoltaïque – est aujourd’hui très largement déloyale ; le nouveau cadre permettra de rétablir le caractère loyal de cette concurrence.
Au-delà des infrastructures que sont les turbines, les pales d’éoliennes ou les panneaux photovoltaïques, il convient de mentionner les enjeux de raccordement électrique. À l’heure actuelle, un projet d’usine de câbles sous-marins est porté par Réseau de transport d’électricité (RTE). Il a vocation à se situer sur le territoire français et nourrira les besoins de l’ensemble de notre réseau, en particulier les besoins de raccordement liés à des énergies renouvelables et à des installations nouvelles.
Nous avons un cap clair : celui de faire de notre souveraineté énergétique une opportunité pour nos filières industrielles. Nous luttons à l’échelle européenne contre la concurrence déloyale dans le secteur des technologies et industries vertes et nous lançons ou soutenons des projets pour créer de l’emploi dans nos territoires. Nous avons des intérêts communs à faire valoir en la matière.
M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Au-delà de la discussion très intéressante que nous venons d’avoir, je souhaite mentionner un élément qui, me semble-t-il, sera très utile pour la suite de l’examen de ce texte.
Nous parlons du développement des filières de capacité. Souvent, sur ces bancs comme sur le terrain, nous avons tendance à confondre l’énergie – qui se compte en mégawattheures – et la capacité. Il est fondamental de bien distinguer ces deux notions et de les présenter conjointement.
Lorsqu’un amendement – que nous examinerons tout à l’heure – propose de fixer un objectif de production pour une énergie renouvelable ou bas carbone en mégawattheures, il faut absolument indiquer avec quelles capacités cet objectif pourra être atteint. Nous ne pouvons pas savoir par avance comment le vent soufflera en 2030.
Si nous voulons être sûrs, en 2030, de produire, de consommer, d’utiliser un certain niveau d’énergie bas-carbone, nous devons aussi annoncer avec quelle capacité nous voulons le faire.
La différence entre capacité de production et énergie produite, entre térawatts et térawattheures, est fondamentale.
Ces informations s’adressent en effet à des filières différentes ; elles emportent des conséquences industrielles différentes. Du côté de la capacité, ce sont des filières de construction, du bâtiment et travaux publics (BTP), par exemple ; de l’autre, ce sont des activités où l’on fait intervenir de la sobriété, de l’économie d’énergie, de la recherche.
J’appelle votre attention sur le fait que ces deux notions doivent être bien distinguées, mais aussi annoncées ensemble.
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
C’est vrai, derrière les questions d’énergies renouvelables, il y a des enjeux de filières industrielles décisifs. Dans le cas de l’éolien en mer, nous avons une filière française d’excellence – ce qui n’est plus le cas pour d’autres énergies renouvelables : il faudrait donc s’en inspirer.
Cette filière rassemble des productions de pales – au Havre, à Cherbourg –, de turbines – au Havre, à Saint-Nazaire –, de sous-stations électriques – aux Chantiers de l’Atlantique de Saint-Nazaire. Ce sera, demain, si nous donnons la visibilité suffisante, l’usine de câbles sous-marins pour les raccordements que vous venez d’évoquer. Il existe d’autres possibilités de développement sur les contenus locaux, notamment les composants des sous-stations électriques.
Cette filière est composée de PME nombreuses, qui construisent par exemple des roulements à billes en Vendée.
Toutes ces entreprises ont besoin de visibilité.
Vous me demandez, monsieur le rapporteur, sur quoi je me fonde. Je vais essayer d’être aussi clair que possible.
Premièrement, des investissements portuaires sont nécessaires pour accueillir et assembler les éoliennes flottantes, notamment, dans les temps. À Saint-Nazaire – mais c’est le cas à Brest, à La Rochelle, ailleurs –, il y a des projets qui manquent aujourd’hui de financements publics. Il est prévu que celui de Saint-Nazaire soit achevé en 2030, afin de servir au parc éolien flottant prévu à cette date au sud de la Bretagne. Si le quai n’est pas disponible, nous ne pourrons pas installer le parc flottant.
Deuxièmement, les grands industriels du bassin nazairien nous disent – je ne trahis aucun secret – qu’ils ont besoin d’un rythme d’installation d’au moins 1,5 gigawatt par an pour rentabiliser les investissements nécessaires à l’augmentation des capacités de production et de la taille des constructions : assembler des nacelles pour des turbines de 8 mégawatts ou, demain, peut-être, pour des turbines de 14 ou de 20 mégawatts, ce n’est pas la même chose. Je ne rentre pas dans les détails de l’utilisation de courant alternatif ou continu, etc.
Leur horizon, c’est donc cet objectif de 18 gigawatts en 2035 – en fixant ce chiffre, on ne tranche d’ailleurs pas entre le posé, le flottant… Ce travail de cartographie a été fait, il doit encore évoluer.
Les industriels ont besoin de cet objectif et de ce rythme pour investir les centaines de millions d’euros nécessaires. RTE le dit aussi au sujet de l’usine de câbles : il ne peut pas soutenir un tel projet, voire participer à son financement, pour quelques parcs ; il a besoin d’être sûr que cet investissement en vaudra la peine.
Voilà les arguments industriels qui vont dans le sens de la fixation de ces objectifs. Il faudrait aussi mentionner l’importance du prix, qui doit mieux rémunérer les industriels français, ou le fait que certains concurrents devraient être écartés avant même de pouvoir répondre aux appels d’offres parce qu’ils ne présentent pas les garanties nécessaires en termes de respect des droits humains, de contenu carbone, de sécurité des systèmes d’information…
Dernier exemple de cette importance à la fois de l’objectif et du calendrier, celui de l’usine General Electric de Saint-Nazaire – mais ce serait la même chose au Havre pour Siemens Gamesa. Son carnet de commandes est vide après 2027. Nous savons que, si nous passons les commandes maintenant, elles ne se traduiront pas dans ces usines avant 2030 au mieux. Il y aura donc de toute façon un creux à passer. Ce sera possible s’il ne dure que quelques années. Mais si nous ne donnons pas rapidement une perspective, s’il est possible que ce creux ne dure pas trois ou quatre ans mais six, sept ou huit, alors ces usines fermeront.
Monsieur le ministre, j’aimerais vous entendre vous engager sur deux points.
D’abord, si l’objectif de 18 gigawatts pour 2035 pour l’éolien en mer n’est pas voté, pouvez-vous vous engager sur le fait qu’il figurera bien dans le décret fixant la PPE ?
Ensuite, l’usine d’assemblage de General Electric à Saint-Nazaire sera en 2027 la dernière usine française d’assemblage de nacelles – après la fermeture de celle du Havre dont la production doit être réorientée vers les pales. L’État utilisera-t-il tous les moyens en sa possession pour que ce site stratégique ne ferme pas ? J’ai évoqué une nationalisation ; si vous trouvez un repreneur européen, regardons. Mais je vous demande de prendre l’engagement que l’État ne laissera pas General Electric fermer ce site stratégique pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Je souligne que les industriels mentionnés par M. Tavel ont besoin d’une visibilité en gigawatts. Très souvent, ici, nous essayons de leur garantir une production de térawattheures. Nous avons ici la preuve que si nous n’associons pas ces deux grandeurs, c’est-à-dire les notions de puissance installée et de production, ils ne sont pas rassurés.
Ce n’est pas en entendant que la France doit produire tant de térawattheures éoliens en 2035 qu’un leader de filière de capacité, c’est-à-dire quelqu’un qui doit investir pour construire des usines de câbles, par exemple, va se lancer : ce chiffre ne lui donne aucune garantie. C’est comme si vous disiez à un constructeur d’autoroute qu’une usine produira des voitures quand ce qu’il veut, c’est savoir jusqu’où ira l’autoroute.
Nous devons donc donner à la fois nos objectifs de production et de consommation et nos objectifs de capacités. Sinon, les industriels seront toujours frileux. M. Tavel l’a bien dit, et je l’en remercie : les industriels lui parlent en gigawatts. Les engagements en térawattheures ne les intéressent pas ; si vous leur parlez d’installer 1,5 gigawatt par an, alors ils pourront prendre des risques.
M. Antoine Armand, rapporteur
C’est vrai !
(Les amendements nos 319, 320 et 328, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 332 et 334, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour les soutenir.
M. Matthias Tavel
Ces amendements reprennent la logique que des précédents, mais pour l’éolien terrestre. Ici, l’enjeu est de reconstruire la filière française, ce qui suppose évidemment des mesures de protection contre les concurrences déloyales et de soutien à l’investissement, mais aussi de la visibilité sur nos objectifs.
Je suis très désappointé : pour l’éolien en mer, nous disposons d’une filière d’excellence. Elle demande de la visibilité mais vous n’êtes pas capables de la lui donner, alors que nous l’avions fait en commission en adoptant un amendement de M. Fugit.
Je pose à nouveau mes questions, monsieur le ministre : pouvez-vous vous engager sur la présence dans la PPE de cet objectif de 18 gigawatts en 2035 ? Pouvez-vous vous engager sur le fait que l’État ne laissera pas fermer l’usine General Electric à Montoir-de-Bretagne ?
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Je voudrais expliquer mon vote de tout à l’heure. Je maintiens que les objectifs de puissance – en gigawatts – et de production – en térawattheures – doivent être inscrits…
M. Matthias Tavel
Nulle part !
M. Frédéric Petit
…au même endroit, à l’article L. 100-1 A du code de l’énergie. Vous verrez que c’est ce que je propose plus tard avec un sous-amendement.
(Les amendements nos 332 et 334, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Les amendements nos 323 et 326 de M. Maxime Laisney et 333 de Mme Anne Stambach-Terrenoir sont défendus.
(Les amendements nos 323, 326 et 333, repoussés par la commission et le gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir l’amendement no 331.
M. Matthias Tavel
Cher collègue Petit, je ne vois pas votre sous-amendement. Je comprends votre raisonnement, mais le résultat de votre vote est que l’objectif en gigawatts ne sera écrit nulle part dans le texte : en l’occurrence, le mieux est l’ennemi du bien. L’offensive pour un moratoire sur ces filières est constante et dangereuse pour notre pays.
L’amendement no 331 vise à inscrire dans le texte l’objectif d’atteindre une capacité installée de production d’énergie hydrolienne de 250 mégawatts d’ici 2035. Cela concerne essentiellement le Cotentin – dans le raz Blanchard – et la Bretagne.
La filière est prête à démarrer, après beaucoup d’atermoiements. Elle a besoin de visibilité. L’objectif proposé est modeste et n’aura pas un impact financier considérable, mais il peut permettre de donner une impulsion à cette filière dont la technologie et les usines sont françaises.
Il s’agit ici d’une énergie renouvelable qui est tout à fait prévisible, puisque nous savons dire très longtemps à l’avance quels seront les horaires et la force des marées comme des courants sous-marins qui les accompagnent. Elle apporterait ainsi de la prévisibilité à notre réseau électrique.
C’est enfin une filière qui serait ainsi à même de répondre aux besoins d’autres pays, notamment le Royaume-Uni et le Canada, mais aussi de pays asiatiques. Elle pourrait ainsi contribuer à nos exportations de technologies dans le domaine des énergies renouvelables.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Le sous-amendement que j’évoquais modifie l’amendement no 259 de M. Alfandari, après l’article 12.
(L’amendement no 331 n’est pas adopté.)
M. le président
Sur les amendements nos 486 et 86, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir l’amendement no 486.
M. Jérôme Nury
Nous avons émis des réserves sur l’article 5 : si nous ne sommes pas opposés aux technologies de l’éolien et du photovoltaïque, nous considérons que certains territoires arrivent à saturation. Ces énergies posent aussi un risque d’accaparement des terres agricoles. Selon le calibrage de ces sources d’énergie intermittentes, le blackout est également à craindre.
Nous estimons qu’un moratoire de trois, cinq, voire dix ans sur les énergies renouvelables serait salutaire pour les territoires ruraux. Cependant, dans une démarche constructive, et comme nous avons jusqu’ici travaillé en bonne intelligence, nous avons retiré tous les amendements sur le sujet, à l’exception du no 486, qui laisse plus de marge de manœuvre et n’oblige pas à s’engager sur une durée précise. Nous entendons prouver ainsi notre bonne volonté.
Par cet amendement, nous proposons donc de faire une pause en attendant de disposer d’une vraie étude chiffrée et objective sur le coût de la poursuite du développement des énergies renouvelables intermittentes et sur leurs répercussions sur la facture d’électricité des Français.
L’étude en question qui doit nous éclairer pourra ne durer que quelques mois.
J’entends l’émoi que peut susciter cet amendement.
M. Jean-Luc Fugit
En effet !
M. Jérôme Nury
C’est pourquoi, si vous vous engagez, monsieur le ministre, à diligenter cette étude, à en communiquer les résultats et à suspendre les nouvelles autorisations en attendant, nous pourrions retirer cet amendement. La balle est maintenant dans votre camp !
M. Jean-Luc Fugit
Ah !
M. le président
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir l’amendement no 86.
M. Maxime Amblard
Vous l’attendiez impatiemment,…
M. Nicolas Bonnet
Pas vraiment, non !
M. Maxime Amblard
…le voici enfin : l’amendement du Rassemblement national appelant à un moratoire sur les énergies intermittentes.
Contrairement à notre collègue des Républicains, nous ne pensons pas seulement qu’on les développe trop, mais qu’on ne devrait pas les développer du tout. Ces sources d’énergie font en effet structurellement monter les prix de l’électricité. Il ne faut pas seulement prendre en compte le coût de production en sortie de turbine – comparer ce coût avec celui d’énergies pilotables revient à comparer des choux et des carottes –, mais aussi celui du raccordement au réseau et des systèmes d’équilibrage nécessaires pour rendre ces énergies plus pilotables. Tous ces coûts s’additionnent.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié des études sur la question : plus la part des sources d’électricité intermittentes dans le mix énergétique est importante, plus le taux de pénétration de ces énergies est élevé, plus le coût de l’électricité augmente à une vitesse fulgurante – pas seulement le coût de production, mais le coût système. J’ai déjà insisté pour que nous prenions en compte ce coût système.
Continuer à prôner le recours aux énergies intermittentes revient donc à appauvrir les Français et la France et à alourdir les factures d’électricité, soit directement, par l’augmentation des prix, soit indirectement, par l’augmentation des subventions.
Tout à l’heure, j’ai entendu des choses qui m’ont fait bondir.
M. Jean-Luc Fugit
Nous aussi !
M. Maxime Amblard
Quand les prix de l’électricité ont augmenté, l’éolien, notamment, a rendu de l’argent à l’État.
Mme Julie Laernoes
C’est vrai !
M. Maxime Amblard
Vous démontrez par là qu’il faut que le prix de l’électricité augmente pour que l’éolien devienne rentable. Vous reconnaissez donc vous-mêmes qu’à l’arrivée, le prix de l’électricité avec ces sources d’énergie est plus élevé que celui dont nous bénéficions par le passé avec le nucléaire et l’hydraulique.
M. Jean-Luc Fugit
Pff !
M. Matthias Tavel
C’est faux !
M. Maxime Amblard
Si, c’est vrai, désolé ! Quand les prix de l’électricité sont redescendus à un niveau habituel, on s’est remis à devoir dépenser de l’argent pour subventionner des systèmes qui ne sont absolument pas concurrentiels.
Cent trente-huit euros le mégawattheure à Flamanville !
Si vous êtes convaincus que ces systèmes de production d’électricité sont viables, retirons toutes les subventions ! Nous verrons alors qui sortira gagnant de cette situation !
M. Matthias Tavel et Mme Sabrina Sebaihi
Alors enlevons aussi les subventions dont dépend le nucléaire !
M. Maxime Amblard
Le nucléaire n’est pas subventionné ! (Rires et exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Sabrina Sebaihi
Si, indirectement !
M. Maxime Amblard
Il est amorti, monsieur ! Mais il est vrai que vous avez du mal à distinguer subventionnement et amortissement, puisque vous n’avez guère suivi de cours d’économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Je demande à leurs auteurs de retirer ces amendements, à défaut de quoi je leur donnerai un avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà évoquées. Les questions posées par M. Nury s’adressent surtout au gouvernement ; je ne saurais m’exprimer à sa place.
M. Matthias Tavel
Il pourrait aussi répondre à ma question !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Avis défavorable sur l’amendement no 86 de M. Amblard.
Monsieur Nury, je pense comme vous qu’il faut étudier les effets de la composition de notre mix énergétique, non seulement en matière de coût, mais aussi sur les populations locales, comme vous le mentionnez dans l’exposé sommaire. Ces conséquences doivent être appréciées de manière très large.
Nous avons lancé une étude similaire à celle que vous appelez de vos vœux. À la demande des commissions d’enquête sur l’énergie de l’Assemblée et du Sénat, RTE a pris la décision d’associer pour la première fois des parlementaires à la démarche.
Cela étant dit, je pense qu’il faut faire droit à votre demande. Je m’engage donc à diligenter une étude tenant compte des souhaits des parlementaires et des critères qu’ils veulent retenir.
Dans l’exposé sommaire de votre amendement, vous appelez à suspendre les autorisations. Vous proposez de retirer votre amendement si j’approuve cette pause, mais cela revient justement à appliquer votre amendement !
Soyons clairs : le gouvernement s’engage à rendre compte de l’ensemble des coûts engendrés par le développement des énergies renouvelables, dans le cadre des études menées par RTE, notamment celle de 2023 et celle en cours, qui associe les parlementaires. Je vous invite à participer à ces travaux – je donnerai des consignes en ce sens – afin de faire valoir tous les critères que vous jugez pertinents.
Comme nous nous engageons très clairement à soutenir cette étude, je vous demanderai de retirer votre amendement.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je souhaite expliquer pourquoi la commission des affaires économiques a rejeté ces amendements. J’aborderai la question du point de vue de l’emploi, des entreprises et de la souveraineté économique, qui sont au cœur des préoccupations de notre commission.
Abordons d’abord la souveraineté économique. Le déficit commercial est dû pour deux tiers aux importations énergétiques. Or tous les scénarios de RTE, y compris celui dont s’inspire plus ou moins l’article 3 tel qu’il a été rétabli, impliquent notamment une montée en charge très importante de l’éolien et du photovoltaïque. Il n’y a pas d’autre solution si nous souhaitons être souverains en matière énergétique : il faut multiplier par sept la production d’énergie photovoltaïque d’ici 2050. Le facteur est encore plus important pour l’éolien terrestre et maritime.
Par ailleurs, la relocalisation des filières est un défi de taille. Je suis d’accord, l’importation de turbines ou de panneaux photovoltaïque chinois pose un problème. Mais c’est justement en fixant en ce domaine des objectifs très clairs de développement que nous pourrons donner de la visibilité aux acteurs et aux entreprises français. Cela implique aussi – je m’adresse ici au gouvernement – que l’État soit beaucoup plus actif qu’il ne l’est actuellement pour protéger et soutenir nos entreprises, par le biais de subventions et de soutiens ciblés.
Comme l’indique le rapport de la Cour des comptes de 2023, le coût de l’éolien a très fortement baissé grâce à des avancées technologiques.
C’est vrai, le montant des aides publiques à ce secteur est important. Mais n’oublions pas non plus l’ampleur des retombées fiscales pour les collectivités locales.
M. le président
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Si une énergie coûte plus cher à produire qu’une autre, comment la facture pourrait-elle être moins élevée ? Je ne sais pas quels cours d’économie vous avez suivis, mais, en général, plus la production coûte cher, plus le prix payé par le consommateur est élevé. Mais peut-être disposez-vous d’une baguette magique pour qu’il en soit autrement ?
M. le ministre met beaucoup d’empressement à donner raison aux Républicains, qui exigent une nouvelle étude sur les énergies renouvelables. Pourtant, les seules sources d’énergie dont le coût est réellement chiffré dans la troisième PPE et dans les rapports, ce sont précisément les énergies renouvelables.
Vous avez évoqué les coûts de raccordement. Quoi qu’il en soit, il faut investir dans nos réseaux. Cela n’a rien à voir avec les énergies renouvelables.
M. Joël Bruneau
Si !
Mme Julie Laernoes
Non ! Il faut rendre les sous-stations plus robustes face au réchauffement climatique et remédier à la surchauffe qui peut faire fondre certains réseaux, enfouir les réseaux aériens…
Ainsi, pour raccorder Flamanville au réseau, il a fallu construire la ligne à très haute tension (THT) Cotentin-Maine, qui a nécessité 350 millions d’investissements publics. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
Un dernier élément très basique d’économie. Dans le cadre de la commission d’enquête sur la souveraineté énergétique de la France, nous avons auditionné plusieurs acteurs, dont M. Pouyanné. M. Pouyanné n’est pas un grand philanthrope : il cherche à placer son argent de façon à en tirer le plus grand profit possible. Il a peu d’égard pour l’environnement ou pour sa propre contribution au réchauffement climatique – tout le monde en a conscience. Or M. Pouyanné, interrogé sur le nucléaire, explique qu’il n’engagerait jamais une entreprise privée dans cette forme d’énergie. Celle-ci ne peut être développée que par le public, qui ne rechigne pas à la dépense. Aucun investisseur privé n’a les reins assez solides pour procéder à des investissements absolument colossaux dans l’espoir d’un rendement hypothétique. Le nucléaire ne fonctionne que grâce à des investissements publics massifs.
Nous pourrions diligenter une étude sur le rendement comparé des investissements publics dans les énergies renouvelables et dans le nucléaire. Vous verriez que le rapport serait extrêmement défavorable à ce dernier. Je souhaite tordre le cou à une idée que vous ne cessez de marteler : le nouveau nucléaire coûte trois fois plus cher à produire que nombre d’énergies renouvelables !
M. Matthias Renault
D’où sortez-vous ces chiffres ?
Mme Julie Laernoes
Et nous ne savons même pas s’il verra le jour. Vous mentez, mes chers collègues,…
M. Maxime Amblard
Et toi, tu ne comprends rien !
Mme Julie Laernoes
…quand vous prétendez que grâce au nucléaire, les factures des Français n’augmenteront pas ! Si vous nous enfermez dans le nucléaire, c’est au contraire à cause de lui que les factures flamberont !
Un député du groupe RN
N’importe quoi !
Mme Julie Laernoes
Que s’est-il passé en 2022 et 2023 ? Pourquoi les factures ont-elles flambé ? C’est évidemment en partie dû au renchérissement des énergies fossiles consécutif à la guerre en Ukraine. Mais il faut aussi dire qu’en réalité, la moitié de nos réacteurs étaient à l’arrêt. Nous avons dû acheter de l’électricité au prix fort sur le marché européen de l’électricité en raison du pic de la demande d’électricité en hiver, dont nous sommes responsables pour moitié – c’est la spécificité française, merci le nucléaire ! Les factures ont donc flambé à cause du nucléaire. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Arrêtez de vous fonder sur un postulat issu du passé. Vous semblez très nostalgiques, mais nous sommes en 2025, pas en 1960 – on ne peut pas raisonner de la même manière.
Comme ce texte est une proposition de loi, nous ne disposons pas d’étude d’impact chiffrée. Le montant nécessaire pour atteindre les objectifs adoptés à l’article 3 n’a ainsi pas été évalué. Personne n’est capable de donner les chiffres ! Il y a deux ans, le coût des nouveaux réacteurs de type EPR était estimé à 65 milliards. Aujourd’hui, EDF nous dit qu’il donnera une réponse à la fin de l’année, si c’est possible, en raison du changement de direction. Le nouveau dirigeant n’a pas su nous répondre sur ce point lors de la table ronde organisée conjointement par la commission des affaires économiques et celle des finances. On nous dit simplement qu’on nous donnera la facture, qui est pour l’heure estimée à 100 milliards d’euros et qui risque encore de grimper.
Le coût du nucléaire n’est donc absolument pas transparent. En revanche, on est certain qu’il revient infiniment plus cher que les énergies renouvelables. Vous proposez donc aux Français de voir leurs factures augmenter considérablement dans les prochaines années.
M. Philippe Ballard
Personne n’applaudit… (Mme Sandrine Rousseau applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Je suis d’accord avec vous sur un point : on ne peut pas dire que le nucléaire n’a pas été subventionné – même si les choses sont un peu compliquées. Il coûte très cher, mais l’argument selon lequel qu’aucun investisseur privé ne se lancerait dans le nucléaire est surtout valable pour les grosses installations sous pression. On peut citer néanmoins une expérience de réacteur à pression atmosphérique qui a marché dans les années 1970 aux États-Unis – elle a permis de produire de l’électricité en grande quantité. Il y a des gens qui investissent dans certains types d’équipements nucléaires.
Je ne suis pas d’accord avec vous quand vous affirmez que c’est à cause du nucléaire que nous avons eu un pic de 50 %. (Mme Julie Laernoes s’exclame.) Je vous ai bien écoutée, madame Laernoes, écoutez-moi. La spécificité de la France, en particulier en comparaison de l’Allemagne, c’est que nous avons électrifié davantage d’usages. L’augmentation du nombre de véhicules électriques pose d’ailleurs un problème à cet égard. Il faut être beaucoup plus précis dans l’analyse, sous peine d’aller contre cette tendance à l’électrification. Ne confondons pas les problèmes : ce n’est pas parce que nous sommes enfermés dans le nucléaire que nous rencontrons des difficultés, mais parce que nous électrifions énormément d’usages et que nous allons continuer à le faire.
Les énergies renouvelables, le gestionnaire de réseau est content de les avoir, mais un mix composé à 100 % de ces dernières serait impossible à atteindre – c’est le fameux scénario M0 de RTE. Le mouvement d’électrification a provoqué un très grand foisonnement des usages, donc l’énergie doit foisonner. Le mix énergétique ne doit pas reposer exclusivement sur la production des très grosses turbines – sinon, on jette de la chaleur et de l’électricité aux oiseaux –, mais il est essentiel qu’il associe le nucléaire et les énergies renouvelables.
M. le président
La parole est à M. Jérôme Nury.
M. Jérôme Nury
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre approche constructive ; votre réponse va dans le bon sens. Toutefois, en l’absence d’éléments précis, nous nous interrogeons sur le planning de l’étude lancée par RTE. Par ailleurs, est-ce qu’elle évaluera l’effet concret du futur mix énergétique sur les factures d’électricité auxquelles les Français sont chaque mois confrontés ?
Je vous demande de faire encore un pas dans notre direction. Nous sommes encore dans le brouillard – en particulier les territoires ruraux, qui accueillent de nombreuses installations photovoltaïques et éoliennes. Dans l’attente de la publication de cette étude, qui pourrait intervenir dans les prochaines semaines si les services de RTE sont aussi efficaces que nous le pensons, vous engagez-vous à ce qu’il n’y ait pas d’attribution de nouveaux lots ou d’émission d’appels d’offres en matière d’énergies renouvelables ? Tel est le véritable enjeu de cet amendement.
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Nous ne pouvons pas laisser passer certains des arguments avancés par les députés de gauche et d’extrême gauche, en particulier l’affirmation selon laquelle le coût du nucléaire serait infiniment supérieur à celui des éoliennes. Vous avez estimé le coût complet de l’éolien à 40 ou 50 euros le mégawattheure. D’où sortent ces chiffres ? Vous opérez une hiérarchie entre le nucléaire et les énergies renouvelables en invoquant les coûts complets – depuis l’investissement jusqu’au démantèlement en passant par le raccordement –, mais vous ne citez pas vos sources, ce qui montre bien que vos éléments de langage reposent sur du vent.
Certes, le calcul du coût complet est une notion compliquée et débattue – il serait souhaitable que la Cour des comptes nous apporte un éclairage approfondi sur la question. Cependant, il y a un élément objectif : le coût de rachat de l’électricité par EDF est de 102 euros le mégawattheure pour l’éolien terrestre et de 195 euros le mégawattheure pour l’éolien en mer. Si vraiment le coût complet de production était de 40 ou 50 euros, cela poserait un petit problème, vous le voyez bien !
Concernant le montant des subventions aux éoliennes, nous disposons de rapports de la Cour des comptes. Dans le cadre de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie, le montant des subventions aux énergies renouvelables a été estimé à 100 milliards d’euros sur quinze ans. Enfin, le coût du raccordement pour l’éolien en mer a été estimé à 37 milliards d’euros d’investissement public d’ici à 2040.
Quant au coût du démantèlement, on en parle peu. Il y a quelques mois, un article assez piquant du Canard enchaîné citant le cas de mon département, la Somme, a révélé qu’aucun contrat d’exploitation d’éolienne ne précisait qui devrait prendre ce coût en charge. Le démantèlement d’une éolienne de 3 mégawattheures coûte entre 100 000 et 190 000 euros. Or, pour l’instant, cet aspect n’est pas abordé dans le business model des exploitants, ce qui pose un vrai problème.
Enfin, rappelons que le dernier rapport de RTE, intitulé Futurs énergétiques 2050, qui définit différents scénarios de mix énergétique, concluait que plus il y a de nucléaire dans le mix énergétique, plus son coût global est faible – à défaut de disposer d’un comparatif des coûts complets entre les différentes énergies, c’est un indicateur assez solide. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 486.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 131
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 65
Contre 62
(L’amendement no 486 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 86, 252 et 410 tombent.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Antoine Armand, rapporteur
Nous venons de décider, à l’initiative du groupe Droite républicaine, un moratoire sur les énergies renouvelables qui représente une catastrophe économique et industrielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, dont certains députés se lèvent.) Le sénateur Gremillet avait pourtant jugé sage, en dépit de ses réserves sur le sujet, d’essayer de trouver un compromis, ne serait-ce qu’au nom de l’emploi local. Par cet amendement adopté avec le soutien du Rassemblement national, la proposition de loi, pourtant elle-même issue des Républicains du Sénat, vient d’être radicalement modifiée. Monsieur le président, je demande une suspension de séance – je crois qu’elle est de droit – afin que chacun puisse retrouver ses esprits. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Elle est accordée, monsieur le rapporteur, pour cinq minutes.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures.)
M. le président
La séance est reprise.
Chacun a-t-il repris ses esprits ?
M. Théo Bernhardt
On ne les a jamais perdus, nous !
Article 6
M. le président
Nous allons entendre les députés inscrits sur l’article.
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Je profite de cette intervention en tant qu’inscrit à l’article 6 pour mettre en lumière ce qui vient de se passer.
M. Théo Bernhardt
C’est très bien, ce qui vient de se passer !
M. Matthias Tavel
L’Assemblée vient d’adopter un amendement signé par les membres d’un groupe représenté au gouvernement, qui propose un moratoire sur les projets d’éolien terrestre et maritime (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR) contre l’avis du gouvernement et contre l’intérêt du pays.
Vous applaudissez le fait que la France ne disposera pas de l’électricité dont elle a besoin dans les cinq ou les dix ans qui viennent. Vous venez de voter la mise en danger de l’approvisionnement électrique du pays. Voilà ce que vous êtes : des gens qui menacent l’intérêt du pays ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme Caroline Colombier
Ça ne marche plus !
M. Matthias Tavel
Politiquement, en revanche, nous venons d’assister à quelque chose d’extraordinaire (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe RN) : c’est le sabotage délibéré et organisé par un parti gouvernemental contre le gouvernement et l’intérêt du pays. Au point où en est arrivé l’examen de ce texte absurde et rempli d’incongruités, le plus sage serait désormais de le retirer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Emmanuel Fouquart
C’est toujours pareil quand on ne vote pas dans votre sens !
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Après avoir voté hier la réouverture de la centrale de Fessenheim (Applaudissements sur les bancs du groupe RN), qui était en cours de démantèlement, on vient de voter, dans l’indifférence générale, un moratoire sur les énergies renouvelables. (Mêmes mouvements.)
M. Théo Bernhardt
Pas dans l’indifférence !
Mme Sandrine Rousseau
Ce qui est fabuleux, c’est qu’en plus, vous en tirez fierté. (Mêmes mouvements.) C’est incroyable ! Ce matin même, les chercheurs soulignaient que nous n’arriverions pas à atteindre l’objectif de l’accord de Paris de ne pas augmenter les températures de plus de 1,5 degré. La semaine dernière, les chercheurs – les représentants de la science – nous informaient que nous avions perdu 85 % des insectes en trente ans.
M. Alexandre Loubet
Quel est le rapport ?
Mme Sandrine Rousseau
La semaine précédente, les mêmes chercheurs nous expliquaient que 85 % des coraux étaient menacés par l’augmentation de la température des océans. Et vous, vous tirez fierté d’avoir voté un moratoire sur les énergies renouvelables décarbonées. Regardez vos enfants en face et dites-leur ce que vous êtes en train de faire ! Agir ainsi, c’est mettre leur vie et la nôtre en danger !
M. Matthias Renault
Nous protégeons les finances publiques et nos paysages !
Mme Sandrine Rousseau
Ce que vous faites est extrêmement dangereux pour nous qui sommes présents dans l’hémicycle, mais aussi pour la démocratie et pour l’humanité dans son ensemble. (Mme Julie Laernoes applaudit. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. le président
Ce n’est pas la peine de crier, vous pourrez répondre calmement.
Mme Caroline Colombier
On n’a le droit de crier que d’un seul côté !
M. le président
C’est valable pour tout le monde.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Je comprends que vous soyez en colère d’être défaite sur votre ligne politique. Je ne vous fais pas le reproche de l’avoir développée auprès des électeurs mais vous ne pouvez pas non plus nous reprocher d’avoir proposé une mesure – vous l’avez dit vous-même – qui figurait au cœur du programme de Marine Le Pen, des députés du Rassemblement national et de nos alliés de l’UDR. Ce moratoire était au centre de nos propositions ; nous le proposons et il est voté.
Mme Sophia Chikirou
Ce n’est pas le RN, c’est la droite républicaine qui l’a proposé !
M. Jean-Philippe Tanguy
Où sont vos députés ? Où sont les députés écologistes qui auraient pu faire barrage à ce qui menace l’humanité ? Visiblement, madame Rousseau, le texte ne semble pas menacer suffisamment l’humanité pour mobiliser vos collègues de gauche ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Le comportement de vos collègues est donc très éloigné de vos incantations.
En outre, ce que vous avez dit est faux. Je ne vois pas en quoi le développement des éoliennes permet de sauver les insectes.
Mme Sandrine Rousseau
C’est qu’il y a un réchauffement climatique, en fait ! Renseignez-vous !
M. Jean-Philippe Tanguy
D’autres facteurs sont liés à la disparition des insectes – j’en conviens – mais vous pourriez mieux choisir vos arguments.
Mme Sandrine Rousseau
Lisez la science !
M. Théo Bernhardt
On la lit !
Mme Sandrine Rousseau
Non, vous ne la lisez pas !
M. Jean-Philippe Tanguy
Que cela vous plaise ou non, le nucléaire a bien plus décarboné l’économie occidentale et l’économie chinoise que n’importe laquelle de vos éoliennes et de votre énergie photovoltaïque. Tout cela n’a pas de sens.
Beaucoup d’enjeux écologiques imposent de prendre des décisions sérieuses qui n’ont rien à voir avec le développement de l’éolien et du photovoltaïque, rien du tout ! Arrêtez de lever les yeux au ciel ! Les panneaux photovoltaïques que l’Union européenne importe de Chine pour un montant annuel de 21 milliards d’euros sont fabriqués dans des conditions écologiques que vous ne valideriez pas, madame Rousseau. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Respectez l’intelligence collective !
Mme Sandrine Rousseau
C’est plutôt la bêtise collective !
M. Jean-Philippe Tanguy
Si vous alliez visiter les usines chinoises de panneaux solaires, vous savez très bien que vous ne valideriez pas leur modèle. Respectez vos propres engagements !
Mme Sandrine Rousseau
Respectez vos enfants, alors !
M. Jean-Philippe Tanguy
Aux élections européennes, vous avez proposé une ligne aux Français et aux Européens : votre candidate a recueilli 5,1 % des suffrages. Nous avons proposé la nôtre : notre candidat Jordan Bardella a obtenu 34 % ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
La réalité est que vous n’avez pas convaincu les électeurs, nous si. Même s’ils ne vous conviennent pas, les votes d’aujourd’hui reflètent la démocratie. Ils reflètent aussi l’hypocrisie du gouvernement. On ne peut pas prétendre gouverner avec une coalition allant de Mme Pannier-Runacher – à qui il faut reconnaître le courage d’assumer ses opinions en faveur du développement de l’éolien et du photovoltaïque – à Bruno Retailleau qui promet un moratoire sur l’installation des éoliennes et les panneaux photovoltaïques.
Vous êtes donc confrontés à cette absurdité (Mme Béatrice Roullaud applaudit), qui vient du fait que vous avez raconté n’importe quoi aux électeurs lors des dernières législatives, prétendant que vous pouviez former une coalition qui n’existait pas. (Mêmes mouvements.) Vous vous heurtez en permanence à votre mensonge. Nous, nous n’avons pas menti : nous avons annoncé ce que nous ferions et nous l’avons voté aujourd’hui. De même s’agissant de Fessenheim : on l’avait promis, on l’a fait. Vous n’êtes pas contents mais nous respectons nos promesses.
Vous avez dit aux Français de ne pas s’inquiéter, prétendant que vous pourriez gouverner d’ici jusque là. (L’orateur désigne les quatre travées centrales de l’hémicycle). C’est faux : sur des sujets aussi structurants que l’énergie, on doit faire de vrais choix.
Mme Sandrine Rousseau
Alors, assumez votre climatoscepticisme ! Dites-le clairement !
M. Jean-Philippe Tanguy
On ne peut pas en permanence avancer à la godille, faire tout et son contraire, relancer le nucléaire, l’arrêter puis le relancer encore, stopper l’installation des éoliennes dans la Somme puis la relancer, faire de même avec les panneaux photovoltaïques qu’on n’arrive plus à financer. Vous êtes confrontés à vos incohérences.
Mme Sandrine Rousseau
Votre climatoscepticisme, il est cohérent, lui !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous vous heurtez au mur de la réalité économique et budgétaire et à celui de votre impasse politique. Vous êtes tellement sûrs d’avoir tort que vous n’êtes même pas présents dans l’hémicycle. Au Rassemblement national, nous n’allons pas nous excuser d’avoir raison et d’être présents pour voter nos promesses. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin.
M. Pierre Meurin
Chers collègues écologistes et de l’extrême gauche, nous vous voyons fort marris de vos défaites successives de ces derniers jours. C’est en effet une magnifique semaine pour le Rassemblement national dans sa lutte contre l’écologie punitive. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) Nous venons de vider de sa substance le zéro artificialisation nette (ZAN), nous avons purement et simplement supprimé les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) et nous en sommes très fiers. Enfin, nous venons de voter un moratoire sur l’éolien.
Mme Sandrine Rousseau
Ah, bravo, vraiment !
Mme Sabrina Sebaihi
N’oubliez pas les pesticides !
M. Pierre Meurin
Ce que nous souhaiterions, c’est que vous retrouviez le sens de l’histoire avec nous. Par pédagogie, nous voudrions vous avoir avec nous pour partager nos analyses.
Mme Sabrina Sebaihi
Non, ce n’est pas le sens de l’histoire !
M. Pierre Meurin
Je vais vous donner un exemple qui n’a pas encore été versé au débat sur les éoliennes. Pour fabriquer des pales d’éoliennes, il faut du balsa qui provient de la forêt amazonienne. Quarante arbres doivent être débités pour une éolienne. Vous validez donc la déforestation du poumon de la planète. Le parc éolien français a nécessité la coupe – j’ai fait un petit calcul tout à l’heure – de 388 000 arbres de la forêt amazonienne.
M. Sébastien Martin
N’importe quoi !
M. Pierre Meurin
Chers amis écologistes qui nous donnez en permanence des leçons de morale sur la biodiversité et sur l’écologie, vous ne voulez pas voir que vos énergies intermittentes sont en réalité bien moins efficaces en matière de carbone que les solutions que nous vous proposons, avec Jean-Philippe Tanguy et Maxime Amblard, depuis le début de l’examen de cette proposition de loi.
Revenez à la raison ! Nous voudrions vous emmener avec nous dans le sens de l’histoire…
Mme Sabrina Sebaihi
Certainement pas ! Vous êtes à contresens de l’histoire !
M. Pierre Meurin
…pour éviter que vous soyez tristes. Vous êtes très tristes depuis le début de la semaine mais si jamais vous êtes convaincus de nos nombreuses solutions de bon sens, nous sommes prêts à vous accueillir dans nos rangs pour lutter contre l’écologie punitive.
Mme Sabrina Sebaihi
Certainement pas !
M. Pierre Meurin
Enfin, arrêtez les contrevérités que vous proférez depuis des années pour alimenter votre écologie punitive ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Julie Laernoes. (« Aïe ! » sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme Julie Laernoes
Voilà l’absurdité d’un modèle énergétique factice qui va peser sur la société française et nos très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME), qui va détruire des emplois dans chacun de nos territoires et qui ne va pas protéger les citoyens qui souffrent le plus de la précarité énergétique, de la chaleur et des factures d’énergie élevées.
Selon tous les scénarios énergétiques – chacun le sait –, le nouveau nucléaire ne verra pas le jour avant au moins quinze ans, si tant est qu’il arrive. Dans l’intervalle, nous n’aurons pas non plus, grâce au Rassemblement national et à la Droite républicaine, de nouvelles installations d’énergie renouvelable. Votre position est en effet cohérente : vous ne croyez pas au réchauffement climatique,…
M. Théo Bernhardt
C’est faux !
Mme Julie Laernoes
…vous croyez au dogme et au mythe du nucléaire qui n’arrivera pas et qui est trop cher – dois-je rappeler en outre que nous n’avons toujours pas trouvé de solution au traitement des déchets radioactifs ?
M. Pierre Meurin
Et la déforestation de l’Amazonie ?
M. Sébastien Martin
Ah, ça va !
Mme Julie Laernoes
Chers collègues du socle commun, vous n’avez pas eu le courage de proposer un projet de loi pour consolider la PPE, sur laquelle nous sommes et avons toujours été prêts à travailler pour parvenir à un modèle énergétique équilibré et cohérent. À la place, vous avez choisi le véhicule d’une proposition de loi de la Droite républicaine, qui vient elle-même de faire adopter un moratoire sur les énergies renouvelables. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Nous voilà donc avec un texte proposé par une coalition plus que baroque et profondément divisée. Je vous demande solennellement de retirer ce texte dont la rédaction initiale n’avait déjà ni queue ni tête et qui a de moins en moins de cohérence au fur et à mesure de nos débats. (M. Raphaël Schellenberger s’exclame.)
Si vous croyez que la réouverture de Fessenheim et l’absence d’objectif tangible pour les filières des énergies renouvelables, voire l’absence totale de développement de celles-ci, sont les ingrédients crédibles d’une stratégie énergétique française, dites-le nous. Pourtant, je ne vous fais pas l’injure de croire que c’est votre conception. C’est pourquoi il est important que vous vous exprimiez très clairement et que vous mettiez fin à cette farce qui dure depuis trop longtemps.
Retirez la proposition de loi Gremillet et revenons à la raison. C’est l’avenir qui nous jugera,…
Mme Caroline Colombier
Ce n’est pas vrai !
Mme Julie Laernoes
ce sont les factures des Françaises et des Français qui feront foi. Laissez les climato-négationnistes œuvrer dans leur coin (Exclamations et rires sur quelques bancs du groupe RN),…
Un député du groupe RN
Pourquoi pas carbo-fascistes ?
Mme Julie Laernoes
…démontrez l’absurdité totale de leur stratégie et retirez la proposition de loi Gremillet !
M. le président
La parole est à M. Karim Benbrahim.
M. Karim Benbrahim
Ce matin, on nous présentait cette proposition de loi comme un texte historique, au motif que nous avions inscrit dans l’article 5 l’objectif de produire au moins 200 térawattheures issus de sources renouvelables. Cet après-midi, on vote un moratoire sur le développement des énergies éolienne et photovoltaïque. Quelle est la cohérence du texte ? Comment atteindrons-nous l’objectif de 200 térawattheures si nous suspendons le développement de tout projet éolien ou photovoltaïque ? On le voit, ce texte n’a ni queue ni tête, il dit à la fois blanc et noir. Ce brouillard ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui : il a commencé dès le début de l’examen, lundi, lorsque nous avons adopté l’amendement no 279 à l’article 1er A, déposé par M. Alfandari, sous-amendé par le Rassemblement national de manière à exclure l’éolien, le photovoltaïque et l’hydrolien du champ des énergies décarbonées.
La proposition de loi prétend défendre la décarbonation, la transition écologique, la maîtrise des coûts ou encore la réindustrialisation, mais les objectifs fixés dans les différents articles sont insuffisants pour relever ces défis. Nous vous demandons donc solennellement de procéder sans attendre au retrait de ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC), qui ne dotera pas notre pays d’une stratégie énergétique ambitieuse, réaliste, rigoureuse et capable d’atteindre les objectifs que nous souhaitons nous fixer. (Mêmes mouvements.)
M. le président
La parole est à Mme Marina Ferrari.
Mme Marina Ferrari
Monsieur Tanguy, vous déplorez que la France importe des panneaux photovoltaïques chinois – ce qui est vrai –, mais que direz-vous aux industriels français et européens qui sont en train de développer deux grands projets de gigafactory en France (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Philippe Brun applaudit également), lesquels représentent près de 5 000 emplois et des milliards d’euros d’investissement ? Leur direz-vous que l’industrie du photovoltaïque n’offrira plus aucun débouché, alors que nous avons l’occasion historique, après l’effondrement de cette filière, de reconstruire une industrie du panneau photovoltaïque en France et en Europe ? Vous avez une lourde responsabilité.
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Je n’ai aucune responsabilité dans ce que vous avez fait pendant tant d’années. Si la filière française et européenne s’est effondrée, c’est entièrement de votre responsabilité. Nous accuser d’empêcher la refondation d’une filière que vous avez poussée à l’effondrement, c’est une inversion accusatoire fabuleuse !
Mme Marina Ferrari
Mais non !
M. Jean-Philippe Tanguy
La filière dont vous parlez n’existe pas ! Ce qui existe en France, c’est le nucléaire et l’hydroélectricité, vendue à General Electric et que nous récupérerons.
J’en viens au fond, c’est-à-dire à la demande de certains collègues de retirer le texte. Souvent, les gauches accusent la Macronie de ne pas respecter le Parlement lorsque celui-ci vote à rebours de ce qu’elle voudrait. La Macronie a souvent eu recours au 49.3, mais je ne l’ai jamais vue retirer un texte parce qu’il prenait une direction qui ne lui plaisait pas. Les gauches, en revanche, tombent dans le travers que nous dénonçons souvent en matière d’écologie. Quand un vote est gagné contre votre volonté, par exemple un référendum concernant un aéroport en Loire-Atlantique, vous considérez qu’il ne vaut rien et vous allez contre la démocratie. (Mme Julie Laernoes s’exclame.) Quand vous perdez les élections, vous considérez que le vote ne vaut rien. Le texte que nous examinons suit un parcours parfaitement démocratique,…
M. Karim Benbrahim
Les articles se contredisent les uns les autres !
M. Jean-Philippe Tanguy
…il n’y a eu ni mauvais coup ni manœuvre. Vous êtes minoritaires, nous sommes majoritaires. Le texte avance, mais comme il n’avance pas dans votre sens, vous demandez qu’il soit retiré. Qu’est-ce que c’est que cette conception de la démocratie ? Vous n’avez plus aucune leçon d’autoritarisme parlementaire à donner à la Macronie ! Il n’y a donc plus que le Rassemblement national et l’UDR pour respecter le Parlement et le parcours normal d’un texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Si vous vouliez que le vote se déroule différemment, il fallait que vos députés soient présents ! Ils sont absents et tous les Français le verront ! (M. Matthias Tavel s’exclame.) Personne ne sera dupe de votre cinéma qui consiste à refuser le résultat des votes.
M. Manuel Bompard
Oh ! Il n’est pas content !
M. Matthias Tavel
Ouin, ouin !
M. Jean-Philippe Tanguy
Le Parlement a voté, vous devez l’accepter. L’examen de ce texte doit se poursuivre. Si vous n’en êtes pas contents, vous voterez contre le texte final. Il suivra son parcours normal ; il ira en commission mixte paritaire et sera soumis à un vote définitif, comme le veut la procédure parlementaire. C’est tout de même incroyable de faire un énième caca nerveux parce que les choses ne se déroulent pas comme vous le voulez ! (Rires sur quelques bancs du groupe RN.)
C’est grave ; nous parlons de la politique énergétique de la France. Cela me rappelle une réaction similaire de votre part, tout aussi grave : quand, au moment de la réforme des retraites, le Rassemblement national a gagné le tirage au sort qui a permis à sa motion référendaire d’être examinée plutôt que la vôtre, vous avez refusé de soumettre la réforme des retraites au peuple français, uniquement parce que votre motion n’avait pas été tirée au sort – comme des enfants ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.) Vous continuez d’agir de même. Vous avez un rapport puéril à la politique. Ce ne serait que consternant si cette puérilité n’avait pas conduit à confier la direction de la France à une coalition sans queue ni tête.
Depuis les élections de 2024, nous avons perdu presque un an. Le monde avance, et la France reste paralysée par vos mensonges. L’examen du texte prouve que vous n’aviez aucun programme à proposer aux Français : vous n’êtes même pas d’accord entre vous ! Il est absolument consternant de compter le nombre de votes divergents entre les socialistes, les communistes, les Verts et les Insoumis.
Mme Sabrina Sebaihi
Ce sont des divergences assumées !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vos groupes n’ont pas de ligne politique commune, vous n’en partagez donc a fortiori aucune avec le bloc central. C’est cela que vous avez proposé à la France qui, pendant ce temps, s’enfonce ! Les Français sont inquiets. C’est consternant car, pour notre part, lorsque nous avons gagné, en nombre de voix, les élections législatives, nous savions dans quelle direction mener le pays. Vous nous avez fait perdre un temps précieux et nous vous en voulons beaucoup. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Bonnet.
M. Nicolas Bonnet
Je remercie M. Meurin de nous avoir interpellés sur l’intéressante question de la production des pales d’éoliennes. Il est vrai que certaines sont fabriquées à partir de bois de balsa, principalement tiré de la forêt amazonienne. Néanmoins, d’autres possibilités existent désormais. La plus grande société danoise de production d’éoliennes a mis au point une pale à base de RPET – polyéthylène téréphtalate recyclé –, recyclable à hauteur de 85 ou 90 %, et travaille à l’élaboration d’une pale 100 % recyclée. Si c’est vraiment la déforestation en Amazonie qui vous dérange, ne bloquez pas le développement de l’éolien ; déposez plutôt un amendement visant à ce que les pales utilisées en France ne contiennent pas de bois de la forêt amazonienne. Ce serait constructif !
Au lieu de cela, vous nous imposez votre doctrine anti-éolienne, alors que, selon un récent sondage Ifop – commandé par Engie, pas par des écologistes –,…
M. Aurélien Dutremble
Cela revient au même !
M. Nicolas Bonnet
…78 % des Français ont une image « plutôt bonne » ou « très bonne » de l’éolien, contre 61 % seulement pour le nucléaire. Il est faux de dire que les Français rejettent l’éolien ; c’est vous qui êtes contre, par doctrine. Il vaut mieux écouter les techniciens experts en matière d’énergie, qui ont réalisé des scénarios de transition énergétique. Je pense à RTE, dont vous ne contesterez sans doute pas la légitimité, à l’Agence de la transition écologique (Ademe) – vous contesterez peut-être son expertise, mais nous sommes nombreux ici à la reconnaître – et à l’association négaWatt. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Un député du groupe RN
Ce sont des militants !
M. Nicolas Bonnet
Tous construisent leurs scénarios à partir d’énergies renouvelables ; certains incluent une part de nucléaire, d’autres s’en tiennent aux sources renouvelables. Aucun d’entre eux ne propose d’avoir recours uniquement au nucléaire. Votre vision nucléocratique du système électrique français ne s’appuie ni sur la science, ni sur la technique, mais sur une vision dogmatique de la société ! (Mme Eva Sas applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Le vote qui vient d’avoir eu lieu est contraire à celui qui s’est tenu en commission. Ma première réaction concerne l’économie. La filière des énergies renouvelables existe bel et bien : elle représente 100 000 emplois et des milliers d’entreprises. Ce vote aura de terribles répercussions, y compris du point de vue de la souveraineté économique et énergétique. Sachant qu’il n’y aura pas d’EPR 2 avant 2040, comment produirons-nous de l’électricité d’ici là, si ce n’est avec des énergies fossiles importées ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – MM. Jean-Luc Fugit, Matthias Tavel et Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudissent également.)
M. Jean-Luc Fugit
Elle a raison !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Tous ceux qui croient dans la souveraineté économique nationale devraient se demander comment nous l’atteindrons, privés d’énergies renouvelables par un tel moratoire.
Mme Sabrina Sebaihi
Ils sont pour l’importation d’énergies fossiles en provenance de Russie !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je souhaite également m’adresser au gouvernement. Ce vote résulte aussi du fait que le gouvernement n’a pas voulu assumer un projet de loi en bonne et due forme et nous contraint à passer par une proposition de loi mal fagotée d’un collègue sénateur. Ce texte qui, par ailleurs, ne reflète pas l’équilibre des forces à l’Assemblée nationale, n’a pas d’étude d’impact, pas de vision d’ensemble et ne pose pas la question des modalités d’installation des projets. Certains collègues ont soulevé la question légitime des impacts négatifs liés à certaines sources d’énergie. Comment pourrions-nous y répondre dans le cadre de cette proposition de loi ? En outre, les objectifs de production d’énergie sont nécessairement liés aux moyens que l’on y consacre, lesquels auraient pu être définis si le texte était un projet de loi. À mon sens, ce qui vient de se passer s’explique donc aussi par la situation politique actuelle (M. Matthias Tavel applaudit), particulièrement par la pratique qui consiste à s’en remettre systématiquement à des propositions de loi sénatoriales mal fagotées, pleines d’angles morts et dépourvues d’étude d’impact. Voilà où cela nous a menés !
Mme Sophia Chikirou
Exactement !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je regrette par ailleurs que le bloc présidentiel soit si peu mobilisé (Rires sur plusieurs bancs du groupe RN)…
M. Théo Bernhardt
Et le Parti socialiste ?
M. Kévin Mauvieux
Regardez les rangs de la gauche !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
…et qu’il apparaisse divisé. C’est l’une des causes de ce vote.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre
Une fois n’est pas coutume, je rejoins les propos de Mme la présidente de la commission. Je ne suis pas certain que l’ensemble des députés qui ont voté l’amendement en mesurent pleinement les conséquences. Elles sont dévastatrices. Indépendamment du chemin que suivra ce texte, dont l’examen n’est pas encore terminé – la procédure démocratique ira à son terme –, le signal qui vient d’être envoyé a déjà des répercussions. Pour quiconque se préoccupe un tant soit peu d’emplois industriels, de cohésion territoriale ou de dynamique économique, l’amendement qui vient d’être adopté est – je le dis avec gravité, avec solennité – parfaitement irresponsable. Chacun assumera ses responsabilités.
M. Alexandre Sabatou
Aucun problème !
M. Marc Ferracci, ministre
Le gouvernement assumera les siennes, jusqu’à la fin du texte, dans le respect des procédures démocratiques.
Mme Sophia Chikirou
Tiens, c’est nouveau !
M. Marc Ferracci, ministre
Je tenais simplement à vous dire que ce qui s’est passé est particulièrement grave.
Mme Caroline Colombier
Pour nos électeurs, c’est très bien !
M. le président
La parole est à M. Jérôme Nury.
M. Jérôme Nury
Je vois l’enthousiasme comme la stupeur qu’a suscités l’adoption de notre amendement. Je vois aussi l’approche politicienne qu’en font certains. Je sais cependant qu’elle rassure nombre de nos concitoyens, vivant notamment à la campagne, qui n’en peuvent plus des énergies intermittentes.
Je m’étonne par ailleurs qu’on remette en cause une décision démocratique et qu’on remette en cause la légitimité de notre assemblée à légiférer en amendant un texte issu du Sénat. Le jour où il ne sera plus possible à un député, dès lors qu’il appartient au même parti que la majorité sénatoriale, d’amender un texte venant du Sénat, il faudra supprimer l’Assemblée nationale !
M. Rodrigo Arenas
C’est le Sénat qu’il faut supprimer !
M. Jérôme Nury
Je ne comprends donc pas ces remarques.
Enfin, sans faire l’exégèse de notre amendement, je rappelle que le moratoire qu’il vise n’est pas définitif mais temporaire.
M. Marc Ferracci, ministre
Qu’est-ce qu’un moratoire définitif ?
M. Jérôme Nury
Il ne durera que jusqu’à la publication de l’étude indépendante que j’ai demandée à M. le ministre. J’invite donc tant le gouvernement que les députés à garder leurs nerfs et à s’abstenir de toute invective. L’examen du texte continuera en deuxième lecture au Sénat ; je suis d’ailleurs sûr que nos collègues pourront améliorer cette mesure.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Antoine Armand, rapporteur
J’aimerais demander un éclaircissement au groupe de la Droite républicaine. Vous avez déposé un amendement, adopté souverainement par la représentation nationale, visant à instaurer un moratoire sur les projets d’énergie renouvelable électrique. Plus tôt, votre groupe – une personne était présente – a voté l’amendement no 601 de Mme Battistel tendant à porter à au moins 200 térawattheures la production d’énergie renouvelable électrique sur le sol français. J’ai pris note des propos que vous venez de tenir, monsieur Nury, et j’y vois un signe d’ouverture, après la fermeture totale que représentait votre amendement. Pour que nous puissions poursuivre les débats sereinement, peut-être pourriez-vous formuler le souhait que cette disposition évolue, puisque votre groupe a voté pour l’objectif consistant à produire 200 térawattheures d’énergie renouvelable électrique ?
M. le président
La parole est à Mme Louise Morel.
Mme Louise Morel
À mon tour, je voudrais réagir brièvement à l’adoption de l’amendement no 486. Dans quelques heures, je serai de retour en circonscription, et je ne sais pas ce que je vais pouvoir dire aux électeurs. Je m’explique. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Claire Marais-Beuil
Dites-leur que vous n’étiez pas présents !
Mme Louise Morel
Hier, un de vos collègues du Rassemblement national s’émouvait qu’une entreprise de sa circonscription qui fabrique des pompes à chaleur soit menacée de fermeture en raison d’une politique mal conduite. Dans la circonscription où je suis élue, des acteurs économiques de talent créent depuis des années des panneaux photovoltaïques. Ils ont été les premiers à s’engager dans cette démarche et ont beaucoup investi dans la recherche et développement. Vous critiquez les installations d’énergies renouvelables au motif qu’elles ne sont pas toujours belles, que les éoliennes enlaidissent les paysages, mais permettez-moi de vous dire que grâce à la recherche et développement, il existe de nouveaux produits qui s’intègrent mieux sur les bâtiments et dans les paysages. Par exemple, les panneaux photovoltaïques existent en différentes couleurs. Pourtant, en votant cet amendement, vous envoyez un signal à tous ces salariés en leur disant que leur travail ne sert à rien, qu’il n’a pas de valeur, que de toute manière vous souhaitez revenir en arrière. In fine, puisque vous n’êtes pas partisans des énergies renouvelables, cela pourrait aboutir à la suppression de leur activité.
C’est avec une grande émotion que je les reverrai ce week-end, mais en réalité, je ne serai pas fière de ce qui a été voté dans cette assemblée, et en particulier des positions du Rassemblement national. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) J’ose espérer que ses membres assumeront dans toutes les villes alsaciennes où de nombreuses personnes travaillent sur ces sites le fait que pour le Rassemblement national, leur travail n’a pas de valeur. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Luc Fugit.
M. Jean-Luc Fugit
Je me suis suffisamment exprimé depuis le début de la semaine pour expliquer que pour la quasi-totalité de notre groupe, il faut aller vers un mix énergétique reposant sur la complémentarité du nucléaire et des énergies renouvelables. L’année dernière, nous avons produit 150 térawattheures d’électricité grâce aux énergies renouvelables sur le sol français. Ce matin, nous avons voté en faveur d’un amendement du groupe Socialistes et apparentés – sans nous, il n’aurait pas été adopté – pour aller jusqu’à 200 térawattheures minimum en 2030, car nous pensons que ces énergies sont importantes. Au passage, je rappelle que les 150 térawattheures ne sont pas produits par une opération du Saint-Esprit ; il y a bien des gens qui travaillent et qui investissent pour produire cette électricité. Nous pensons donc qu’il faut travailler à la fois sur le nucléaire et sur les énergies renouvelables. Au lieu de cela, encore une fois, vous êtes en train de regarder l’avenir avec les lunettes du passé, en opposant systématiquement énergies renouvelables et nucléaire, alors que ce débat d’un autre temps est stérile. Je regrette que nous en soyons encore là en 2025 !
Je le regrette d’autant plus que chaque année, nous dépensons près de 70 milliards d’euros pour importer des énergies fossiles, soit180 millions d’euros par jour. Visiblement, cela ne vous pose pas de problème, mais à moi oui ! Je préfère développer de manière harmonieuse, contrôlée, les énergies renouvelables et le nucléaire sur le sol français, car c’est bon pour la balance commerciale, mais aussi pour la souveraineté, le climat, pour contenir le coût de l’énergie et enfin pour créer de l’emploi, ce qui contribue à protéger le modèle social auquel nous sommes tous attachés.
Je suis gêné par le contenu de cet amendement. Je ne sais pas si tous ceux qui l’ont voté l’ont lu. Je lis donc le premier alinéa : « I. – À compter de la promulgation de la présente loi – étant donné le tour que prennent les débats, j’espère qu’elle ne sera jamais promulguée –, il est instauré un moratoire sur l’instruction, l’autorisation et la mise en service de tout nouveau projet d’installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent éolien, terrestre ou maritime, ainsi que l’énergie solaire photovoltaïque »– toutes les énergies renouvelables y passent. Tous les jours, nous recevons des photons, de la lumière, en très grande quantité. Les végétaux l’utilisent pour la photosynthèse ; avec des panneaux photovoltaïques, nous essayons simplement d’en récupérer un maximum pour faire de la chaleur, du froid ou des électrons, c’est-à-dire pour la transformer en électricité. Il est incompréhensible de décider d’un moratoire là-dessus.
Ensuite, il est précisé que « Ce moratoire restera en vigueur pendant toute la durée nécessaire à la réalisation d’une étude objective et indépendante – ce qui sous-entend que toutes les études réalisées jusqu’à présent ne l’étaient pas – visant à déterminer le mix énergétique optimal pour la France, sur les plans économique et environnemental. » Il va donc falloir chercher ce que signifie « le mix énergétique optimal ». Les études publiées en 2021, qui présentaient plusieurs scénarios, avaient demandé deux ans de travail aux scientifiques ; elles avaient été élaborées à partir de plus de 2 000 contributions. Il faudra tout refaire, et pendant ce temps on ne fera rien.
Pourquoi ? En raison des dispositions du deuxième alinéa de l’amendement : « II. – En conséquence, aucune nouvelle demande d’autorisation, de permis ou de raccordement concernant de telles installations ne pourra être déposée ni instruite par les autorités compétentes pendant la durée du moratoire. » Si le moratoire dure deux ans, pendant cette durée, toutes celles et ceux qui travaillent par exemple sur les réseaux se retrouveront au chômage technique. Au passage, on crée donc un problème social.
« III. – Les installations existantes restent soumises à la réglementation en vigueur et peuvent continuer – merci pour elles – à fonctionner jusqu’à la fin de leur durée d’exploitation autorisée, sans possibilité de renouvellement ou d’extension au-delà de cette échéance. » Non seulement l’amendement vise à interdire de nouvelles installations d’énergies renouvelables, mais il fixe une date limite d’utilisation aux installations existantes. Franchement, je ne comprends pas comment nous pouvons en arriver là en 2025 ; vous gardez les lunettes du passé pour opposer les énergies renouvelables au nucléaire. Il y a de quoi se poser des questions sur ce que pense la représentation nationale des questions énergétiques. Il est urgent d’aller tous suivre quelques cours d’explication sur ce qu’est l’énergie ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Julien Limongi
Quel mépris !
M. le président
La parole est à Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
Je parlerai de ce que je connais un peu : la Normandie. Elle concentre des énergies, puisque c’est la quatrième région productrice d’électricité en France ; elle abrite le premier réacteur EPR de génération III, les deux plus gros sites de raffinage européens et cinq parcs éoliens en mer. C’est la troisième région française pour la méthanisation, la première à adopter un plan hydrogène et la première pour la consommation de bois énergie. Chers collègues du Rassemblement national, savez-vous combien d’emplois directs représente le secteur de l’énergie en Normandie ? Il y en a 36 000. (M. Philippe Brun applaudit.)
Un député du groupe RN
Vous mélangez tout !
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
Comme vous, vous mélangez tout ! Je voulais simplement faire ce rappel : en Normandie, première région productrice d’énergie en France, 36 000 emplois directs relèvent de ce secteur. Avant le vote sur ce texte, je vous dirai combien d’emplois risquent d’être touchés directement par l’adoption de l’amendement no 486. (M. Philippe Brun applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je demande une suspension de séance de cinq minutes.
M. le président
Elle est de droit.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.)
M. le président
La séance est reprise.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Antoine Armand, rapporteur
Je demande une suspension de séance de cinq minutes.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
M. le président
La séance est reprise.
Sur l’article 6, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir l’amendement no 230.
M. Matthias Tavel
Il n’y a pas de sens à poursuivre la discussion de ce texte sans queue ni tête : de toute évidence, il n’est pas soutenu par le gouvernement, puisque le parti du ministre de l’intérieur vient de faire obstacle à ce qui était censé être sa position.
Le moratoire sur l’éolien terrestre, maritime et photovoltaïque a été voté à l’initiative du groupe LR, dans le cadre d’une proposition de loi du même groupe, grâce à – ou à cause de – l’abstention des collègues des groupes Horizons & indépendants et Ensemble pour la République. Par conséquent, le gouvernement et le soi-disant bloc central sont entièrement responsables de ce naufrage.
C’est d’abord un naufrage énergétique, car notre production d’électricité sera insuffisante si ce moratoire sur les énergies renouvelables est maintenu. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) C’est aussi un naufrage industriel, car ce moratoire entraînerait le plus grand plan social qu’ait jamais connu notre pays : des dizaines de milliers d’emplois seraient supprimés.
C’est enfin un naufrage politique, puisque nous venons d’assister à un sabotage en bonne et due forme du texte par le groupe LR, le gouvernement et le bloc central. Depuis le début de la semaine, ces derniers ont systématiquement refusé toutes nos propositions de compromis. Qu’il s’agisse des objectifs de la PPE pour les filières ou des installations nucléaires existantes, vous avez tout refusé avec dédain, mépris et sectarisme.
Dans ces conditions, il n’y a pas d’autre solution que de retirer ce texte de l’ordre du jour. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) Le gouvernement en a la possibilité. C’est la seule manière pour qu’il règle, avec le bloc central, les problèmes qui sont à l’origine de la stratégie funeste qui les a conduits à s’allier avec l’extrême droite pour faire passer leur politique de relance du nucléaire. C’est un choix politique, vous en payez le prix. Le problème, c’est que vous allez aussi en faire payer le prix aux Français et à la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Pour notre part, dès le début, nous vous avons invités à regarder vers la gauche de l’hémicycle pour trouver une majorité conforme à l’intérêt général, à l’accord de Paris et aux filières industrielles françaises. Vous n’avez pas voulu le faire ; maintenant, prenez vos responsabilités et retirez ce texte ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Aurélien Dutremble
Ils sont où, vos collègues ?
Mme Edwige Diaz
Il n’y a que deux écolos et trois insoumis !
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?
M. Antoine Armand, rapporteur
J’en profite, monsieur le président, pour vous remercier de nous avoir accordé une deuxième suspension de séance.
J’ai deux choses à vous dire. Premièrement, je suis défavorable à l’amendement no 230. Deuxièmement, j’ai exprimé tout à l’heure mon désaccord profond avec l’amendement qui a été voté mais je veux aussi exprimer mon désaccord profond avec l’idée selon laquelle, parce que la représentation nationale adopte un amendement avec lequel on est fondamentalement en désaccord, on devrait éteindre la lumière et arrêter d’examiner un texte. Ce n’est pas ma conception de la démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR. – Mme Sophia Chikirou s’exclame.)
Vous pouvez me crier dessus : ça ne changera pas grand-chose, madame Chikirou.
M. Rodrigo Arenas
Vous avez des supporters de l’autre côté de l’hémicycle !
M. Antoine Armand, rapporteur
Quel que soit notre avis sur l’amendement qui a été adopté et sur l’article qui a été amendé, il y aura un vote, au cours duquel chacun pourra s’exprimer en conscience. Je n’ose imaginer l’image que nous renverrions à nos concitoyens si, dès qu’un amendement qui nous est insupportable est voté, nous arrêtions de discuter et nous rentrions chez nous. Ce n’est pas, à mon avis, une bonne manière de discuter de la politique énergétique en général, ni de ce point en particulier.
Mme Sophie Taillé-Polian
Allons-y pour un 49.3, alors ! Puisque le gouvernement en fait tout le temps !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Le groupe Écologiste et social demande solennellement le retrait de ce texte.
Un député du groupe RN
Une vraie démocrate !
Mme Julie Laernoes
Ce texte n’a jamais eu de vocation énergétique. Sa seule vocation a toujours été d’éviter une censure du Rassemblement national et de ne pas froisser vos alliés qui font partie du bloc gouvernemental au Sénat, c’est-à-dire Les Républicains. Ces derniers vous ont remerciés en déposant un amendement fondamentalement contraire aux objectifs que nombre d’entre nous étaient censés partager, qui prévoit un moratoire sur les énergies renouvelables.
Vu le nombre d’inepties qui se sont glissées dans ce texte, vu l’absence de stratégie commune au sein du gouvernement sur un texte et une stratégie énergétiques et parce qu’on ne joue pas l’avenir énergétique de la France comme on joue au poker ou pour conserver un peu plus longtemps son siège de ministre, il paraît nécessaire que le bloc, désormais complètement morcelé, qui soutient le gouvernement clarifie sa position sur la stratégie énergétique française. Est-il favorable aux énergies renouvelables ? Permettez-nous d’en douter, quand on voit que l’amendement mettant fin aux énergies renouvelables provient de ce même socle gouvernemental ! Nous avons besoin d’une clarification et d’un retrait de ce texte, qui n’a jamais constitué une stratégie énergétique pour la France. Il faut revenir à la raison !
Nous avons proposé un certain nombre d’objectifs que vous avez tous repoussés, tout simplement parce que vous aviez peur de la censure du Rassemblement national et de fracturer votre bloc gouvernemental, qui l’est aujourd’hui totalement.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je formule une demande solennelle : nous serons là pour défendre nos amendements mais cette mascarade a assez duré. Nous ne sommes pas en train de débattre de l’avenir énergétique du pays ; nous prenons seulement part à une opération qui vise à sauver vos fesses au gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
Mme Caroline Colombier
C’est très élégant !
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Ces discussions sont intéressantes. Non seulement vous remettez en cause le fonctionnement normal de l’Assemblée en demandant, parce qu’un vote ne vous convient pas, de tout arrêter. Mais en plus, et c’est un élément nouveau dans votre argumentaire, vous remettez en cause le principe même de cette loi de programmation de l’énergie.
Mme Julie Laernoes
C’est faux !
M. Matthias Renault
C’est exactement ce que vous avez dit en faisant la généalogie de cette loi et en disant qu’elle était arrivée devant cette assemblée parce qu’il y avait une menace de censure de la part du Rassemblement national – ce qui est tout à fait vrai politiquement. Je rappelle toutefois que c’est le code de l’énergie qui prévoit que la programmation pluriannuelle de l’énergie fasse l’objet d’une loi et non d’un décret. D’ailleurs, lors des discussions budgétaires en commission des finances, comme le premier projet de budget – le deuxième aussi, du reste – contenait des dispositions fiscales qui relevaient en réalité d’une programmation pluriannuelle de l’énergie, tous les groupes d’opposition avaient demandé que le Parlement se saisisse de cette question, conformément au code de l’énergie.
Non seulement vous remettez en cause le fonctionnement de l’Assemblée, mais vous tenez, maintenant que vous avez perdu, un double discours. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Karim Benbrahim.
M. Karim Benbrahim
Monsieur le rapporteur, arrêtez d’être méprisant : voyez où cela nous a menés. Ce texte n’a désormais plus aucune cohérence. Le moratoire que nous avons adopté sur l’éolien et le photovoltaïque n’est certes pas acceptable, mais au-delà du résultat de ce scrutin, ce sont les incohérences du texte que nous dénonçons vivement. Comment l’objectif de 200 térawhattheures de production électrique annuelle à partir d’énergies renouvelables pourra-t-il être atteint si nous stoppons tout projet éolien terrestre, éolien en mer ou photovoltaïque ? Comment la sécurité de l’alimentation électrique du pays sera-t-elle assurée, alors même que le nouveau nucléaire n’arrivera pas avant 2038, au mieux, et que nous faisons tous des efforts d’électrification de nos usages, ce qui entraînera une augmentation de la consommation d’électricité ?
Monsieur le rapporteur, arrêtez d’être méprisant. Ce matin, vous avez traité avec dédain les propositions que les députés du groupe Socialistes et apparentés vous ont faites pour sortir de cette impasse,…
M. Pierre Meurin
Vous êtes quatre dans l’hémicycle !
M. Karim Benbrahim
…notamment celle d’inscrire dans le texte des objectifs de développement des énergies renouvelables et une stratégie nucléaire cohérente avec nos objectifs environnementaux, économiques et sociaux.
Nous faisons tous le constat des incohérences de ce texte. Il n’a ni queue, ni tête ; il dit à la fois blanc et gris.
M. Matthias Tavel
Mais pas vert !
M. Karim Benbrahim
Il ne dit pas tellement vert, c’est vrai. Il fixe seulement cet objectif de 200 térawhattheures, que nous ne pourrons pas atteindre, du fait de ce moratoire. Monsieur le ministre, ma question est simple : que nous proposez-vous ? Quelle est votre stratégie pour sortir de cette impasse ?
M. le président
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Monsieur le ministre, il y a eu tout à l’heure deux suspensions de séance, durant lesquelles des conciliabules ont manifestement eu lieu. Or vous êtes revenu et avez repris l’examen du texte comme si de rien n’était, sans nous informer de la teneur de vos discussions.
Vous venez de qualifier d’inacceptable l’amendement qui a été adopté et dont tout le monde comprend qu’il va causer une catastrophe industrielle et écologique, sauf le Rassemblement national – qui est peut-être quand même en train de prendre conscience qu’on ne peut pas dire tout et n’importe quoi et qu’il importe de faire des propositions sérieuses. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Monsieur le ministre, quelle est votre stratégie ? Vous estimez que cet amendement est inacceptable ; or il a été adopté et fait maintenant partie du texte de loi. Vous nous dites qu’on ne va pas mettre un terme à la discussion et qu’on va la poursuivre jusqu’au bout.
Mme Caroline Colombier
C’est la démocratie !
M. Manuel Bompard
Je pense qu’aucun parlementaire, quelle que soit son opinion sur ce texte, n’a l’intention de travailler pour rien. Mardi, au moment du vote solennel, le gouvernement appellera-t-il les députés du bloc central, les députés macronistes, à adopter ce texte ou à le rejeter ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) C’est une question simple ! Si vous appelez à rejeter ce texte mardi, monsieur le ministre, alors il sera rejeté. Et si tel est le cas, tout notre travail, celui que nous allons continuer à faire ce soir, n’aura servi à rien. Alors, par respect pour le travail des parlementaires, pouvez-vous au moins nous éclairer sur vos intentions quant à la suite de l’examen de ce texte ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre
Monsieur Bompard, je ne sais pas si vous étiez dans l’hémicycle quand j’ai pris la parole, mais en général, je fais attention à ce que je dis et je vous prie de ne pas me prêter des propos que je n’ai pas tenus. Je n’ai jamais dit que l’amendement était inacceptable, car j’accepte toujours le verdict de la représentation nationale. En revanche, mon rôle est de vous alerter sur les conséquences de l’adoption de cet amendement. Je ne reviens pas sur ses conséquences économiques, industrielles, humaines et sociales, qui sont extrêmement lourdes. J’ai utilisé le terme « dévastateur », et je le maintiens.
Vous me demandez quelle est ma stratégie. Vous me dites qu’il faut respecter le travail des parlementaires ; c’est ce que je fais et je vais continuer à le faire. Je vais continuer à respecter les votes et nous allons cheminer dans l’examen de ce texte. Pour le reste, je vais répéter ce que j’ai déjà dit : toutes les options que nous offrent nos institutions sont ouvertes. C’est la seule réponse que je peux faire à votre question.
M. Manuel Bompard
Ce n’est pas une réponse !
M. Emmanuel Maurel
Ça ne ressemble pas vraiment à une réponse !
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Meurin
Je souhaite faire un rappel au règlement sur la base de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui énonce que « la loi est l’expression de la volonté générale ». Quelque chose me semble très grave dans les propos qui ont été tenus sur les bancs de la gauche : alors que le Parlement s’est exprimé souverainement en adoptant un amendement, l’extrême gauche demande le retrait du texte ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je ne suis pas certain qu’il s’agisse d’un rappel au règlement. Vous pouvez poursuivre, mais cela sera décompté du temps de parole de votre groupe.
M. Pierre Meurin
Peu importe. Il me paraît gravissime de dire que l’adoption d’un amendement par la représentation nationale nécessiterait le retrait d’un texte. Nous sommes là pour faire la loi et l’adoption de cet amendement résulte d’un vote souverain. Comment voulez-vous expliquer au peuple que ce vote nécessite le retrait du texte ? En réalité, vous révélez votre vrai visage : la démocratie, ce n’est clairement pas votre truc ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Article 6 (suite)
M. le président
La parole est à M. Matthieu Bloch.
M. Matthieu Bloch
Décidément, certains ici ont du mal avec l’exercice démocratique ! Ils ont du mal avec la démocratie quand les représentants du peuple français prennent position sur un texte, comme ils ont eu du mal l’année dernière à accepter le résultat des élections européennes et celui du premier tour des élections législatives. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Vous avez décidément beaucoup de mal avec la démocratie qui, chez vous, est à géométrie variable.
Sur la forme, la demande de retrait de ce texte est absolument indigne. Sur le fond, Mme Rousseau nous a parlé tout à l’heure, à propos du réchauffement climatique, de notre responsabilité vis-à-vis de nos enfants et des générations futures, et on nous accuse d’être climatosceptiques. La question n’est évidemment pas là et je pense que les parents qui siègent de notre côté de l’hémicycle sont tout aussi responsables.
Puisque vous parlez de responsabilité, la vôtre, c’est d’avoir massacré depuis des années la filière nucléaire française (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR), qui était l’héritage de nos pères, l’héritage des Trente Glorieuses, l’héritage du général de Gaulle, de Georges Pompidou, de Valéry Giscard d’Estaing, qui avaient une vision pour l’énergie de la France et qui nous ont permis, ne vous en déplaise, d’avoir une énergie peu chère et totalement décarbonée. Les irresponsables, c’est vous. C’est Mme Voynet, qui a massacré la filière nucléaire. Et nous, tout ce que nous essayons de faire, c’est de rétablir ce que nous avons perdu en héritage à cause de vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour un rappel au règlement.
M. Antoine Armand, rapporteur
J’anticipe que ce n’en est pas un…
M. Dominique Potier
Je sais que cela ne changera rien au décompte du temps, monsieur le président, mais je tiens à m’exprimer sous la forme du rappel au règlement, au titre de l’article 100, relatif à la bonne tenue des débats : vous allez comprendre pourquoi.
Depuis hier, quelque chose nous habite, un non-dit, un peu comme l’éléphant au milieu de la pièce ; je voudrais nommer cet éléphant. Depuis hier, un septième des membres du groupe Rassemblement national ont donné délégation de vote pour des raisons sanitaires. Je le dis avec une certaine gravité : soit il existe un problème épidémiologique et il faut saisir l’autorité, soit c’est un problème de fraude sociale et donc un scandale, soit il s’agit d’un problème de démocratie et tel est le sens de l’interpellation qui est en train… (Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Pierre Meurin
Ça, c’est très grave !
M. Dominique Potier
C’est le sens du… (Les exclamations se poursuivent.) Monsieur le président !
M. Pierre Meurin
Rappelez-le à l’ordre, monsieur le président ! Vous ne pouvez laisser dire ça !
Mme Caroline Colombier
Avez-vous vu combien nous sommes et combien vous êtes ?
M. Théo Bernhardt
Les complotistes ont de beaux jours devant eux !
M. Matthias Renault
Voilà le soi-disant bloc central modéré !
M. Dominique Potier
Je répète que tel est le sens du courrier…
M. Matthias Renault
C’est une mise en cause du vote. Incroyable ! Imaginez que le RN remette en cause le résultat des élections !
M. Rodrigo Arenas
Vous direz ça au juge !
M. Dominique Potier
Serait-il possible de s’exprimer, monsieur le président ?
M. le président
Achevez, monsieur Potier.
M. Dominique Potier
Je voudrais simplement vous informer que le président du groupe Socialistes, Boris Vallaud, est en train d’interpeller par écrit la présidente de l’Assemblée nationale pour lui signaler cette situation. Quand on a triomphé sur un sujet aussi délétère, à trois voix près, avec dix-sept délégations, cela mérite pour le moins un éclaircissement, et en aucun cas les leçons de morale que vous nous assénez ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. – Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Caroline Colombier
Vous n’êtes que trois socialistes dans l’hémicycle !
M. Théo Bernhardt
Vous perdez, vous êtes jaloux, c’est tout !
Article 6 (suite)
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Je prends note de ce que vient de dire le collègue Potier. Une collègue du Rassemblement national, Mme Lavalette, ayant délégation, tiendra tout à l’heure une réunion publique dans sa circonscription ; peut-être y a-t-il là une incohérence qui mériterait d’être examinée, car le trajet de Paris à Toulon demande un certain temps, et nous ne l’avons pas vue cette semaine. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Par ailleurs, vous vous méprenez, collègues : nous répétons depuis le début qu’il est inacceptable de discuter de la programmation de l’énergie sur la base d’une proposition de loi sénatoriale. Nous l’avons dit lors de l’annonce du dépôt de ce texte, nous l’avons dit en commission, je l’ai dit en séance publique dès la discussion générale ; nous n’avons cessé de rappeler que nous voulions un texte du gouvernement, un projet de loi en bonne et due forme.
Au demeurant, si nous demandons le retrait de ce texte, ce n’est pas en raison de l’adoption de telle ou telle disposition en elle-même, mais pour deux raisons. La première réside dans son incohérence énergétique : comment produire 200 térawattheures d’électricité renouvelable sans éolien terrestre, sans éolien maritime, sans photovoltaïque ?
M. Jean-Luc Fugit
C’est vrai !
M. Matthias Tavel
On sait que vous ambitionnez de noyer à peu près toutes les vallées françaises pour construire des barrages, mais même en pareil cas, j’imagine qu’en 2030 ils ne seront pas encore achevés ! Par conséquent, je le répète, il existe au sein de la proposition de loi une incohérence qui fait que l’on ne peut plus parler sérieusement ; pour venir à bout de cette incohérence, il faut retirer le texte. La seconde raison tient à son incohérence politique : amendement LR, texte LR, soutenu par un gouvernement qui compte des ministres LR. Nous voulons bien participer à la discussion, mais il y a là un trou noir politique, qui va se traduire par un trou noir industriel et énergétique ; le mieux, là encore, serait de faire la lumière en retirant le texte. Monsieur le ministre, vous avez déclaré que toutes les options constitutionnelles restaient ouvertes. Le gouvernement envisagerait-il d’engager sa responsabilité sur cette proposition de loi ? Nous annoncez-vous un 49.3 mardi ?
Mme Sophia Chikirou
Ce serait trop beau !
M. Matthias Tavel
Compte tenu de ce que vient de dire M. le ministre, je pose la question, naïvement : nous savons qu’il s’agit là d’une habitude de votre part ! Enfin, collègues des groupes Horizons, Démocrates et EPR, puisque ce texte est dévastateur, vous apprêtez-vous à le rejeter mardi ? Cette question mérite une réponse ; nous voulons simplement savoir à quoi servirait la suite de la discussion.
Mme Sophia Chikirou
Voilà !
M. le président
La parole est à M. Karim Benbrahim.
M. Karim Benbrahim
Tout à l’heure, monsieur le ministre, le député Bompard et moi vous avons demandé comment vous envisagiez de sortir des incohérences dans lesquelles est plongé ce texte ; vous nous avez fait une non-réponse. Nous apprenons par la presse que le gouvernement annonce vouloir demander une seconde délibération de cet article : pouvez-vous nous confirmer cette information ?
Mme Sophia Chikirou
Il la découvre !
M. Matthias Tavel
Il n’était pas au courant !
M. le président
La parole est à M. Nicolas Bonnet.
M. Nicolas Bonnet
Je souhaiterais expliquer ce que M. Potier a voulu dire tout à l’heure. En comptant dix-sept délégations, sans doute s’est-il inquiété : lorsque seize membres du même groupe parlementaire tombent malades, c’est que l’appartenance à ce groupe est nuisible pour la santé ! (« C’est honteux ! Là, c’est sanctionnable ! » sur les bancs du groupe RN.) Dans cette inquiétude personnelle, je vois beaucoup de bienveillance. Ne croyez pas à de mauvaises intentions : ce qu’il veut, c’est avant tout prendre soin de votre santé !
M. Matthias Renault
Ils sont payés pour quoi, vos collègues ?
M. Nicolas Bonnet
Par ailleurs, j’ai été sensible au propos de M. Meurin, qui nous a également fait part de son inquiétude, mais concernant le fait que le retrait du texte nous empêcherait de continuer d’en débattre. Je m’étonne toutefois qu’il ait fait cette remarque : il n’y a pas si longtemps – je pense que vous vous en souvenez –, nous devions examiner la proposition de loi dite Duplomb, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Étrangement, nous n’avons pu le faire ; il me semble, chers collègues du Rassemblement national, que vous avez toutes et tous voté – vous n’étiez d’ailleurs pas les seuls – pour que nous ne discutions pas de ce texte.
Mme Caroline Colombier
C’est faux !
M. Philippe Ballard
Vous aviez déposé 3 000 amendements !
M. Nicolas Bonnet
Notre situation est analogue : on estime visiblement – mais ce sera au bloc central de voir – que, par l’adoption d’un amendement, a été franchie une ligne telle que lors du vote solennel, le texte, en l’état, ne pourra passer. C’est pourquoi nous proposons tout simplement de ne pas poursuivre son examen, puisqu’il est clair que pour la majorité des groupes, plus précisément pour des groupes représentant à eux tous la majorité de l’Assemblée, il ne saurait être adopté. À quoi cela servirait-il de continuer, sinon à passer pour rien du temps en discussions, ce que, je le répète, vous avez décidé il y a peu de ne pas faire pour la proposition de loi Duplomb ? La logique est la même ; je vous invite à faire preuve de cohérence et, encore une fois, à ne pas poursuivre le débat pour rien ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Manuel Bompard
Va-t-il nous faire part de son intention de vote ?
M. Frédéric Petit
Je voudrais dire plusieurs choses.
M. Pierre Meurin
Pas trop, quand même !
M. Frédéric Petit
S’agissant de notre position, tout d’abord, ce texte est en effet devenu incohérent – pas uniquement en raison de l’adoption de l’amendement, d’ailleurs. Je pense à Fessenheim : ce n’est pas aux parlementaires de décider de la réouverture d’une centrale nucléaire fermée depuis quelque temps. Le texte dérape par son incohérence, et c’est celle-ci, non le fait qu’un vote soit perdu, qui nous met mal à l’aise pour continuer d’en discuter. Cela dit, si je me regarde dans une glace et que je m’interroge en toute honnêteté, je pense sincèrement – je l’ai dit au début de l’examen de cette proposition de loi – que nous avons rencontré des problèmes, ne serait-ce qu’en matière de classement des amendements – je n’insisterai pas pour ne pas m’attirer une remarque de la présidence. Nous ne pouvons débattre davantage. Il y a ici une énorme majorité en faveur du développement accéléré des énergies renouvelables (M. Karim Benbrahim applaudit)…
Mme Caroline Colombier
Où est-elle ?
M. Frédéric Petit
Chers collègues du Rassemblement national, je vous rappelle que cet amendement ne venait pas de vous ! Vous avez voté pour, c’est très bien. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) C’est très bien ! Je dis simplement qu’en toute logique, si nous étions dans des institutions comme j’en connais dans d’autres pays, qui…
M. Jean-Philippe Tanguy
Merci, Père Castor ! (Sourires sur les bancs du groupe RN.)
M. Frédéric Petit
Monsieur le président, c’est insupportable ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous n’avez pas regardé Les Histoires du Père Castor ?
M. Frédéric Petit
Je vous respecte tous autant que vous êtes – vous comme vos collègues, monsieur Tanguy. J’ai travaillé avec tous vos collègues en tête à tête, en petit groupe ; je le fais systématiquement.
M. Jean-Philippe Tanguy
On connaît ça !
M. Frédéric Petit
Encore une fois, il existe des parlements où l’on est capable d’éviter les blocages absurdes que nous connaissons : on discute, on anticipe. Ce que nous avons à faire – une programmation de l’énergie – est faisable, compte tenu du résultat des législatives de 2024. Nous avons déposé, avec certains collègues, des amendements visant à encadrer de manière bien plus logique, à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, l’élaboration de la programmation énergétique, qui nous donneraient la main sur celle-ci afin que nous la rendions aussi consensuelle, du moins aussi peu conflictuelle que possible – ce à quoi nous arriverions. La situation surréaliste dans laquelle nous nous trouvons doit nous inviter à revoir, peut-être à moderniser notre manière de débattre, qui est vraiment archaïque.
M. Philippe Ballard
Tiens, le dernier député LR présent vient de quitter l’hémicycle. Oraison funèbre !
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Certains ont la défaite amère : on peut le respecter, d’autant qu’il y a derrière des engagements politiques. D’autres ont la défaite ignoble, immonde, odieuse, sans limites.
Mme Ayda Hadizadeh
Oh là là !
M. Jean-Philippe Tanguy
Votre naufrage politique est tel que vous ne l’acceptez pas ; vous livrez en pâture le nom de collègues, vous inventez des complots et des forfaitures qui n’existent que dans votre esprit. Si vous saviez par exemple – elle m’a autorisé à le dire – pourquoi Laure Lavalette est absente en ce moment, vous auriez honte d’avoir tenu de tels propos à son sujet. En fait, je ne sais même pas si vous auriez honte, si les socialistes sont encore capables d’avoir honte d’eux-mêmes !
Mme Ayda Hadizadeh
Vous n’avez pas honte de Mme Parmentier !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous venez ici parler de souveraineté, de politique énergétique, alors que vous n’osez même pas assumer le mandat de François Hollande, les trahisons subies par Alstom, par Technip, par Alcatel, bref par toutes les entreprises que vous avez sabotées ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Vous avez tellement honte que vous êtes prêts à relancer une partie du nucléaire que vous aviez annulé pour vous soumettre au reste de la gauche. Vous pouvez me sortir des trucs qui n’existent pas, une phrase inventée ou détournée par vos soins, par votre propagande (M. Philippe Brun et Mme Ayda Hadizadeh s’exclament) : ce n’est qu’une phrase, en contrepoids de deux réacteurs que vous avez fermés ! Tout n’est pas égal à tout, même si pour vous tout est relatif ! J’en serais presque – je n’irai pas jusqu’au mot « heureux », mais au moins les choses sont dites : les Françaises et les Français verront qui vous êtes.
Mme Ayda Hadizadeh
Quelle mise en scène ! Ce n’est pas la Comédie française, ici !
M. Jean-Philippe Tanguy
Derrière votre petit vernis de bons bourgeois de gauche, qui fait croire à tort que ce sont les Insoumis qui sont les malpolis, nous vous connaissons bien, vous, les socialistes. (Mme Ayda Hadizadeh s’exclame.) Quand la meute des médias et du système se retourne contre des membres de votre coalition, vous êtes les premiers à les lâcher et encore une fois, nous voyons qui vous êtes ! Peut-être sont-ils impolis, mais vous, vous êtes odieux, ignobles, indignes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Ayda Hadizadeh
« Au théâtre ce soir » !
Mme Sophie Taillé-Polian
On ne va pas passer notre après-midi à discuter comme ça, sans objet !
M. le président
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
L’information vient de tomber : EDF annonce envisager de diminuer dès mercredi la production d’électricité du parc nucléaire, à cause de la canicule. Vous voyez que le nucléaire n’est pas résilient au changement climatique : nous sommes au mois de juin, très loin du cœur de l’été. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Voilà le système énergétique que vous décrivez comme tellement pilotable !
M. Pierre Meurin
C’est vrai qu’il n’y a pas plus résilient qu’une éolienne !
Mme Julie Laernoes
Par ailleurs, je voudrais en revenir à notre rapport à la démocratie. Pour définir une stratégie énergétique française, nous avons besoin d’un projet de loi étayé, d’une étude d’impact digne de ce nom, d’une étude financière du coût des différentes options. Nous ne disposons de rien de tout cela. Dès le début de l’examen de ce texte, dès la discussion générale, voire avant, nous avons dénoncé cette situation – vous pouvez vérifier nos propos. Nous avons réclamé au gouvernement un projet de loi, nous lui avons enjoint de laisser faire le groupe de travail demandé par le premier ministre, de ne pas le court-circuiter par une proposition de loi, afin d’avoir un vrai débat, pas une espèce de foutoir. Excusez-moi, chers collègues, mais nous ne travaillons pas en vue de l’intérêt général : nous travaillons à des slogans, à des mesures que vous-mêmes savez irréalisables ! Pensez-vous sérieusement qu’après avoir fermé une centrale nucléaire, on puisse la rouvrir ?
Visiblement, vous pensez sérieusement qu’on peut se passer des énergies renouvelables, mais vous ne vous en êtes pas moins amusés à déposer des amendements divers et variés qui montrent que vous ne prenez pas au sérieux l’intérêt énergétique des Françaises et des Français. (M. Charles Sitzenstuhl s’exclame.)
M. Pierre Meurin
Un peu de correction dans vos propos !
Mme Caroline Colombier
Vous êtes sérieux avec trois députés présents ?
Mme Julie Laernoes
Vous parlez au groupe écologiste, monsieur Sitzenstuhl. Je vous invite à examiner tous nos votes sur l’article 1er. Mais vous et nous ne suffisions pas face au grand n’importe quoi ambiant.
Nous pensons que dans une République française dotée d’une tradition politique et d’institutions démocratiques, il convient de respecter ces dernières et de ne pas céder au magouillage politique pour faire passer un texte aussi climatosceptique que possible dans le but que M. Bayrou puisse rester vissé à son siège cet été. Ce n’est pas digne d’un débat sur la politique énergétique. La démocratie ne nous pose aucun problème, mais quand ça suffit, il faut le dire.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Antoine Armand, rapporteur
Je demande une suspension de séance de cinq minutes pour échanger avec l’ensemble des groupes qui le voudront bien.
M. le président
Elle est accordée.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.)
M. le président
La séance est reprise.
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre
À la suite de nos échanges durant la suspension, je souhaite dire deux choses simples. D’abord, le gouvernement souhaite que l’examen du texte aille jusqu’à son terme dans le cadre du temps législatif programmé. Chaque groupe pourra donc s’exprimer pendant le temps qu’il lui reste. Notre prochain rendez-vous relatif à ce texte est le vote solennel qui aura lieu mardi.
Je dirai ensuite – puisqu’on m’a interpellé à ce sujet – qu’absolument aucune décision n’a été prise par le gouvernement, à l’heure où je vous parle, concernant la position qu’il adoptera au moment de ce vote solennel et les options que nous ouvrent nos institutions. Je démens par là l’information parue dans la presse à ce sujet…
M. Manuel Bompard
C’est le gouvernement qui l’a fait fuiter !
M. Marc Ferracci, ministre
…et invite chacun et chacune à ne pas trop laisser la presse entrer dans nos débats ni les commentaires immédiats y jeter de la confusion.
(L’amendement no 230 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 6.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 91
Nombre de suffrages exprimés 90
Majorité absolue 46
Pour l’adoption 79
Contre 11
(L’article 6 est adopté.)
Article 7
M. le président
La parole est à M. Eddy Casterman.
M. Eddy Casterman
Cet article prévoit de faire passer de 1 % à 5,5 % la proportion de biocarburants avancés et de carburants renouvelables non biologiques dans le mix énergétique. Ce chiffre de 5,5 %, sorti du chapeau bruxellois, n’est pas issu d’une étude solide du potentiel de développement de ces nouveaux carburants. Il est surtout la transcription d’objectifs fixés au pifomètre européen s’agissant des énergies renouvelables.
Les biocarburants avancés présentent un potentiel intéressant et leur production passe par la valorisation, entre autres, des huiles usagées et des résidus sylvicoles et agricoles. En revanche, je doute de la pertinence économique des nouveaux carburants renouvelables non biologiques, dits e-fuels, à base d’hydrogène et destinés notamment au secteur aérien. On peut évidemment se réjouir de la parfaite maîtrise de cette technologie mais il faut rester prudent quant à son potentiel réel de décarbonation de notre aviation, car le rendement énergétique des e-fuels dépasse à peine les 20 %. La production de ces carburants est donc coûteuse et ne valorise ni les déchets, ni les ressources agricoles, au contraire des biocarburants de première génération.
Je regrette que le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie ait fait l’impasse sur le potentiel des biocarburants de première génération, notamment du bioéthanol produit à partir des betteraves sucrières. Ce carburant, à la fois bon pour le climat – il réduit de 50 % les émissions polluantes – et pour le pouvoir d’achat des Français, fait aujourd’hui rouler plus de 400 000 véhicules. Une meilleure valorisation du bioéthanol, au-delà du plafond des 7 % imposé par Bruxelles, aurait permis de diversifier les revenus agricoles de nos planteurs de betteraves – comme ceux de mon département de l’Aisne, durement touchés par les importations de sucre en provenance d’Ukraine – et de pérenniser nos sucreries-distilleries, qui sont menacées de fermeture, mais aussi de réduire la dépendance de la France aux importations brésiliennes et américaines, en hausse constante depuis 2020. C’est aussi un enjeu de souveraineté et d’autonomie énergétique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Julien Brugerolles, pour soutenir l’amendement no 377 tendant à supprimer l’article 7.
M. Julien Brugerolles
Cet article vise à intégrer les carburants renouvelables d’origine non biologique, donc issus des déchets, aux côtés des biocarburants conventionnels dans la définition des objectifs de consommation du secteur des transports et à mettre à jour nos objectifs d’utilisation de ces carburants pour atteindre au moins 5,5 % de carburants renouvelables d’ici 2030. Compte tenu de l’adoption d’un amendement portant sur la définition d’une stratégie nationale de mobilisation de la biomasse, fixer un tel objectif nous paraît prématuré. Nous souhaitons vraiment que cette stratégie soit définie avant de se fixer des objectifs d’incorporation de biocarburants, essentiellement pour éviter des conflits d’usage et une mobilisation de biomasse excessive pour ce secteur. Enfin, nous avons besoin d’une véritable étude d’impact, ce que cet article ne prévoit pas.
(L’amendement no 377, repoussé par la commission et le gouvernement, est adopté ; en conséquence, l’article 7 est supprimé.)
Article 8
M. le président
La parole est à M. Eddy Casterman.
M. Eddy Casterman
Chers collègues, je ne sais pas si vous vous rendez compte du niveau de déconnexion de cet article, qui vise à durcir encore les objectifs de réduction de la consommation d’énergies fossiles, c’est-à-dire du pétrole, du gaz et du charbon. Pour la consommation finale de gaz et de pétrole, vous voulez passer d’un objectif de 20 % de réduction à un objectif de 30 %… Au pifomètre et sans même prévoir comme condition de sa réalisation que notre système soit capable de maintenir un plancher de production énergétique suffisant pour assurer l’autonomie énergétique de la France, faire tourner ce qui nous reste d’industrie et d’agriculture et chauffer les foyers de nos compatriotes, y compris et surtout les plus modestes.
Permettez-moi de vous ramener à un peu de bon sens et au principe de réalité. Entre 2012 et 2023, la consommation de pétrole a baissé de 17 % et la consommation de gaz de 24 % en France ; mais dans le monde, elle a augmenté respectivement de 13 % et de 21 %. Pendant ce temps, l’industrie française est passée sous le seuil des 10 % du PIB : elle a quitté la France, comme elle quittera l’Europe demain si nous continuons dans cette voie. Chers collègues des blocs socialiste, macroniste et écologiste, je vais vous rappeler une vérité qui dérange : vous n’avez pas décarboné notre industrie, vous l’avez effondrée ; vous n’avez pas électrifié nos usines, vous les avez délocalisées en Chine ; surtout, vous avez organisé la décroissance industrielle au point que désormais, la moitié des émissions de gaz à effet de serre est issue des importations. Vous n’avez pas sauvé le climat : vous avez juste sabordé l’économie française. Revenons tous ensemble à la raison. Soit vous votez les excellents amendements de mes collègues Amblard et Loubet, soit nous voterons contre cet article. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN. – M. Olivier Fayssat applaudit également.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 341 rectifié et 30, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Joël Bruneau, pour soutenir l’amendement no 341 rectifié.
M. Joël Bruneau
Cet amendement vise à se fixer un objectif en valeur absolue et non pas en pourcentage, tout en restant dans l’épure prévue par la proposition de loi originelle.
M. le président
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir l’amendement no 30.
M. Maxime Amblard
Je voudrais mettre en perspective certains des amendements qui vont suivre en soulignant qu’ils visent à faire fortement chuter la consommation d’énergie finale d’ici cinq ans. Les uns proposent de la réduire de moitié par rapport à 2012, les autres de 40 %. Je tiens à expliquer à ceux qui nous écoutent ce que cela signifie in fine : même durant le covid, nous n’avons pas vécu une baisse de la consommation annuelle aussi importante, et pour y parvenir, il faudrait baisser notre consommation chaque année plus que durant cette période, et cela pendant cinq ans. Réalisez-vous ce que cela signifie ? La destruction industrielle du pays. La réindustrialisation, on ferait une croix dessus ; de même pour la fabrication de vos éoliennes. Certes, les importations de pétrole baisseraient, mais à quel prix ! Nous partageons tous cet objectif, mais il est totalement déraisonnable d’imaginer y parvenir d’ici cinq ans.
Votre programme derrière cet article, c’est l’appauvrissement des Français, y compris de vos électeurs qui n’ont déjà, à mon avis, pas grand-chose à se mettre sous la dent – comme souvent les nôtres malheureusement. Je ne vous cache pas que j’ai moi aussi éprouvé de l’écoanxiété à une époque, mais pour calmer la vôtre, vous êtes prêts à sacrifier un pays tout entier ! Faut-il rappeler que nous ne représentons que 1,5 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales ? Si vous acceptez d’aller un peu moins vite dans le rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, cela ne représentera même pas une année d’émissions de gaz à effet de serre de la Chine. Revenez un peu sur Terre, s’il vous plaît ! Revenons à la raison et adoptons des objectifs certes un peu moins ambitieux, mais plus raisonnables et qui ne risquent pas de mettre à plat toute notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Avis favorable à l’amendement de M. Bruneau. J’en avais déposé un presque identique, mais moins bien rédigé, que j’ai retiré avant la séance. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, je suis favorable à des objectifs de consommation d’énergie exprimés en térawattheures. M. Petit rappelait tout à l’heure que gigawatt et térawattheure constituent évidemment la meilleure des coordinations, mais l’amendement de M. Bruneau permettra déjà d’appréhender ces objectifs et de savoir où l’on va. La réduction fixée en pourcentage – 30 % – est transcrite en térawattheures – 1220 térawattheures. Demande de retrait pour l’amendement de M. Amblard.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Avis défavorable à l’amendement de M. Bruneau. Il propose de cibler une consommation finale énergétique tendant vers 1220 térawatheures d’ici 2030, mais la directive relative à l’efficacité énergétique, qui a été révisée en 2023, fixe un objectif de réduction de consommation d’énergie de 29 % à horizon 2030, soit 1243 térawattheures. L’adoption de cet amendement reviendrait donc à surtransposer la directive, ce que nous ne souhaitons pas.
M. le président
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Pour éclairer le débat sur ce texte aussi climatosceptique que possible et expliquer la raison de l’opposition des écologistes, je vais vous lire le résumé exécutif du rapport annuel du Haut Conseil pour le climat (HCC) pour 2024. Peut-être en tirerez-vous quelques enseignements. « Les Français affichent une forte inquiétude vis-à-vis du changement climatique, dont les impacts s’aggravent. Alors que l’exposition accrue de la population, des écosystèmes, des infrastructures et des activités économiques à ses conséquences présente des risques majeurs pour la société, il devient crucial que l’action climatique protège efficacement les ménages et les entreprises. Celle-ci doit tenir le cap de la décarbonation et renforcer l’adaptation pour anticiper les caractéristiques à venir d’un climat qui se réchauffe vite.
« La France a connu, pour la première fois en 2023 (hors crise covid), un rythme de baisse de ses émissions de gaz à effet de serre dont l’ampleur – si elle se maintient dans les années à venir – est cohérente avec une trajectoire de décarbonation permettant d’atteindre ses objectifs pour 2030. Les choix sociaux et économiques nécessaires pour tenir le cap de la décarbonation dans la durée commencent à se dessiner en France, dans un contexte également caractérisé par une attention accrue aux questions de réindustrialisation et de souveraineté énergétique et alimentaire.
« Ces évolutions encourageantes ne pourront se maintenir que sous certaines conditions. Les conditions de réussite de l’action pour le climat, dans la durée, comprennent : la lisibilité et la cohérence dans le temps ; la mise en place de trajectoires d’incitations publiques (dont une trajectoire des prix du carbone), d’investissements verts, de renouvellement des infrastructures et de régénération des écosystèmes forestiers ; et l’anticipation des besoins de résilience et des contraintes sur les ressources en eau et la biomasse.
« Actuellement, le retard de plus d’un an dans la publication des documents cadres relatifs à l’énergie et au climat entraîne des dérives de calendrier et un manque de clarté et d’appropriation des objectifs à horizon 2030. Ni la loi de programmation sur l’énergie et le climat, ni la stratégie française pour l’énergie et le climat, ni la troisième stratégie nationale bas carbone, ni le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, ni la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie n’ont été formellement adoptés, en dépit des obligations législatives. Le renouvellement de ces documents cadres est désormais urgent pour maintenir la structuration de la politique nationale de réduction des émissions et d’adaptation au changement climatique et donner à chaque acteur la visibilité nécessaire pour agir en cohérence dans la durée. Le Haut Conseil pour le climat exprime une vive préoccupation sur ces délais qui fragilisent la crédibilité de la politique climatique de la France.
« Malgré ces retards, l’évolution du cadre d’action des politiques publiques et des émissions sur la période du deuxième budget carbone (2019-2023) permet de conclure pour la première fois que l’objectif 2030 du paquet Fit for 55 est accessible, à condition de consolider rapidement et de poursuivre les efforts actuels dans la durée, mais aussi de préserver les capacités d’absorption des puits de carbone forestiers. Cependant, un renforcement des actions structurelles est indispensable, avec un cap clair pour la décennie 2030-2040, pour se doter de la capacité d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. L’alignement des politiques en place avec l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 est actuellement insuffisant.
« Les efforts d’adaptation commencent à être institutionnalisés en France, mais restent en décalage par rapport aux vulnérabilités et aux besoins, comme le montre l’aggravation des impacts au cours des dernières années. Un changement d’échelle dans l’adaptation, combiné aux efforts de décarbonation, est essentiel pour mieux anticiper les conséquences du réchauffement et limiter les impacts pour les ménages et les entreprises.
« Les impacts du changement climatique se multiplient, s’intensifient et se cumulent en France, en Europe et dans le monde, et leurs conséquences pour la société s’aggravent. Les besoins d’adaptation s’accroissent avec chaque incrément de réchauffement supplémentaire et seront d’autant plus importants et coûteux qu’ils seront pris en considération tardivement.
« Au cours de la dernière décennie, la France a fait l’expérience de l’aggravation d’un ensemble d’impacts attribuables au changement climatique dû aux activités humaines, notamment ceux induits par les extrêmes chauds (canicules, sécheresse des sols, feux de végétation) et les différents types d’inondations (pluies extrêmes, débordements de cours d’eau, submersions littorales). Il est attendu que plus le niveau de réchauffement planétaire augmente, plus ces risques augmentent.
« Les événements extrêmes à forts impacts de 2022 et 2023 comme ceux de la dernière décennie ont mis en évidence des vulnérabilités importantes pour l’approvisionnement en eau, la production agricole, la santé (surmortalité, propagation de maladies à vecteur pour les humains et les animaux), l’habitabilité de certains territoires, les forêts et les infrastructures.
« Certains territoires français, notamment ceux qui ont été fréquemment inondés, ont déjà atteint les limites de leurs capacités d’adaptation au changement climatique du fait de la combinaison de l’accroissement de la sinistralité liée au changement climatique et du désengagement de certains assureurs. Sans adaptation du système assurantiel français, les pertes et les dommages non indemnisés risquent d’augmenter et de s’étendre à davantage de territoires. Plusieurs limites d’adaptation ont été atteintes en matière d’accès à la ressource en eau dans certains pays voisins de la France (Espagne, Italie, Maroc) et localement en France.
« Les inégalités face à ces expositions selon les ménages, les entreprises ou les activités professionnelles risquent de s’aggraver si leurs besoins spécifiques d’adaptation ne sont pas pris en compte.
« L’aménagement des villes n’évolue pas suffisamment vite, ni de manière suffisamment transformationnelle pour être à l’échelle du besoin de rafraîchissement des habitants des zones urbaines denses et pour limiter les nouveaux risques d’inondations liés à l’intensité des précipitations.
« Les inégalités d’exposition aux risques climatiques sont à prendre en compte. Ainsi, certains groupes comme les nourrissons et jeunes enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées, les personnes isolées, les personnes en situation de handicap, les ménages pauvres ou à faibles revenus, les personnes souffrant de maladies chroniques, les personnes isolées socialement, les personnes travaillant en extérieur, les personnes travaillant avec des machines générant de la chaleur, les travailleurs saisonniers, les personnes en habitat précaire sont particulièrement exposés aux risques climatiques. De même, certains territoires ultramarins cumulent différents facteurs de vulnérabilité (pénurie de personnel de santé, manque d’infrastructures d’assainissement ou d’équipements hospitaliers).
« Ces inégalités accroissent les problèmes de santé publique. Les personnes âgées, les nourrissons et les jeunes enfants sont plus sujets à la déshydratation, ce qui les rend plus vulnérables en cas de vagues de chaleur extrêmes. En outre, les chaleurs extrêmes sont associées à une augmentation des problèmes de santé mentale [….].
« Les émissions brutes de gaz à effet de serre ont baissé de 5,8 % par rapport à 2022 pour atteindre 373 mégatonnes équivalent CO2 en 2023, soit 31 % sous leur niveau de 1990, selon les données provisoires du Citepa – Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique. Cette baisse […] (hors secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la forêt – UTCATF – est plus de deux fois supérieure à la baisse moyenne […] par an observée sur la période 2019-2022, et représente ainsi une accélération du rythme de baisse des émissions observées. Les émissions brutes en 2023 sont les plus basses depuis le début des inventaires. Les puits de carbone du secteur UTCATF sont relativement stables, après avoir fortement diminué sur la période 2013-2017, mais demeurent fragilisés par le changement climatique.
« Au moins un tiers […] de la baisse observée entre 2022 et 2023 s’explique par des facteurs conjoncturels, notamment non reproductibles, en particulier le retour à la normale de la production électrique après l’arrêt de plusieurs centrales nucléaires et le manque d’eau dans les barrages en 2022. En excluant ces facteurs conjoncturels, la baisse structurelle des émissions brutes est estimée à 15,3 mégatonnes équivalent CO2. Ce nombre correspond à la valeur maximale attribuable aux politiques publiques climatiques. Tous les grands secteurs émetteurs ont vu leurs émissions diminuer en 2023, ainsi que la plupart des sous-secteurs.
« Le deuxième budget carbone couvrant la période 2019-2023 est en voie d’être respecté pour les émissions brutes […], selon les données provisoires du Citepa, avec une marge de 100 mégatonnes équivalent CO2. Pour les émissions nettes […], le deuxième budget carbone est en voie d’être dépassé avec un excès de 15 mégatonnes équivalent CO2, du fait de l’affaiblissement très important du puits de carbone forestier. Les secteurs de l’énergie et des bâtiments respectent […] leurs budgets carbone, alors que les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et des transports respectent [les leurs] avec peu de marge, et [celui] des déchets [dépasse] nettement [le sien].
« L’empreinte carbone de la France est estimée à 623 mégatonnes équivalent CO2 en 2022, soit 9,2 tonnes équivalent CO2 par personne. Elle est 1,6 fois plus élevée que les émissions territoriales. La France a une empreinte carbone supérieure à la moyenne mondiale qui est, en 2022, de 6,8 tonnes équivalent CO2 par personne. L’empreinte carbone a baissé de 8 % entre 2010 et 2019, surtout du fait de la baisse des émissions territoriales. Les émissions importées représentent environ la moitié de l’empreinte carbone. »
Voilà pour le premier passage du rapport du HCC, qui est assez éclairant pour certains points dont nous avons à débattre. (Mme Sandrine Rousseau applaudit.)
(L’amendement no 341 rectifié n’est pas adopté.)
(L’amendement no 30 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 533, 263 et identique et 189 tombent.)
M. le président
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir l’amendement no 31.
M. Maxime Amblard
Dans la continuité de l’amendement qui vient d’être adopté et pour éviter une baisse de la consommation d’énergie finale trop importante, je propose de nous défaire de notre dépendance aux énergies fossiles d’ici à 2050 au fur et à mesure du déploiement de nouvelles capacités de production d’énergies pilotables et bas-carbone, et non de façon dogmatique avec des objectifs qui ne pourront certainement pas être tenus. Je propose également l’instauration d’un plancher de production énergétique finale de 1 400 térawattheures par an, soit une marge annuelle de 50 térawattheures par rapport à la consommation annuelle de 1 350 térawattheures que j’ai rappelée en défendant mon précédent amendement.
Ce chiffre serait modulé énergie fossile par énergie fossile, en fonction du facteur d’émission de chacune. Il est préférable de se passer en priorité du charbon, qui émet plus de gaz à effet de serre que le pétrole ou le gaz. Il vaut mieux aller vers la décroissance des émissions de gaz à effet de serre que vers la décroissance énergétique. Dans cette perspective, il est mis fin en priorité à l’usage des énergies fossiles les plus émettrices. Je vous invite à voter en faveur de cet amendement, cohérent avec celui qui vient d’être adopté.
M. le président
Sur l’amendement no 31, les amendements nos 630 et identique, l’amendement no 560, le sous-amendement no 766, l’amendement no 561, le sous-amendement no 768, les amendements nos 629 et identique, le sous-amendement no 737 et l’amendement no 392, ainsi que sur l’article 8, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 31 ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 31.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 65
Majorité absolue 33
Pour l’adoption 40
Contre 25
(L’amendement no 31 est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 630 et 215.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 630.
M. Marc Ferracci, ministre
Il a pour objet de supprimer les dispositions relatives à l’interdiction des autorisations d’exploiter les centrales à charbon à partir de 2027. La situation des deux dernières que compte la France est désormais claire. GazelEnergie a annoncé son projet de conversion au biogaz de tout ou partie de la centrale de Saint-Avold. La loi du 14 avril 2025 visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement a créé les conditions juridiques permettant de sécuriser cette transition. En application de cette même loi, EDF a présenté un plan qui confirme sa décision de fermer la centrale de Cordemais et de reconvertir industriellement le site.
La rédaction des alinéas que l’amendement vise à supprimer est ambiguë puisqu’elle semble prévoir le contraire de ce qui est visé. En effet, les mots « sous réserve de la mise en œuvre des projets de reconversion » pourraient conduire, dans le cas où le projet de conversion de la centrale de Saint-Avold prendrait du retard, à devoir lui retirer son autorisation d’exploitation dès janvier 2027 si elle n’est pas convertie au biogaz à cette date. De telles dispositions auraient pour effet de remettre en cause les avancées permises par la loi du 14 avril 2025.
M. le président
La parole est à M. Alexandre Loubet, pour soutenir l’amendement no 215.
M. Alexandre Loubet
Il y a consensus autour de l’idée que la France a vocation à sortir du charbon. Il s’agit d’un impératif écologique et, comme l’a dit M. le ministre, le 14 avril dernier, l’Assemblée a adopté un texte qui permet de convertir la centrale à charbon de Saint-Avold vers une énergie moins émettrice de CO2 et, par la même occasion, de sauver des centaines d’emplois directs et indirects dans le territoire où je suis élu. Je réitère mes remerciements à ceux qui ont voté en faveur de ce texte.
Par ailleurs, la rédaction de certains alinéas de cet article est quelque peu ambiguë. Les alinéas 5 à 9, au mieux inutiles, au pire dangereux, méritent d’être supprimés. Ils sont inutiles puisqu’en 2027, il n’y aura plus de centrales à charbon dans notre pays : celle de Saint-Avold aura été convertie au biogaz. Et ils peuvent être dangereux. En effet, si cette conversion prenait du retard et si nous subissions à nouveau les difficultés que nous avons connues en raison de l’indisponibilité du parc nucléaire – indisponibilité causée par l’intermittence des éoliennes obligeant ses centrales à faire de la modulation et des stop and go qui les endommagent –,…
M. Matthias Tavel
C’est faux !
M. Alexandre Loubet
…nous nous retrouverions avec des risques de pénurie.
M. Jean-Philippe Tanguy
Exactement !
M. Alexandre Loubet
À propos de ces alinéas, je vais dans le sens du gouvernement et je crois que cet amendement mérite un consensus, voire une unanimité. Il permet non seulement de décarboner la production électrique, mais aussi d’assurer la sécurité de l’approvisionnement électrique de la France et de l’Allemagne.
Mme Sophie Taillé-Polian
C’est Noël !
M. Alexandre Loubet
En effet, nous exportons vers ce pays, qui est en difficulté en raison de choix presque tous favorables à l’éolien. Je suis fier que mon territoire, la Moselle Est, grâce à sa centrale à charbon qui va être convertie au biogaz, soutienne les réseaux électriques français et allemand et pallie les mauvais choix politiques de notre voisin. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Olivier Fayssat applaudit également.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Favorable.
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Nous en venons à la question de la conversion des centrales au charbon et nous pouvons noter que la parole d’un milliardaire étranger, M. Kretínský, a l’oreille attentive du gouvernement. Tant mieux pour les salariés de la centrale de Saint-Avold ! Mais je dis solennellement qu’il n’est pas acceptable que ceux de la centrale de Cordemais, détenue par EDF, entreprise elle-même détenue à 100 % par l’État, ne bénéficient pas du même respect et du même soutien dans les démarches qu’ils ont engagées pour la conversion de leur unité de production.
Nous sommes favorables à la sortie du charbon, que vous avez annoncée en 2017 pour 2022 puis repoussée faute d’avoir anticipé les solutions alternatives et le problème de la conversion des sites. En septembre 2023, le président de la République s’est engagé à convertir à la biomasse toutes les centrales qui restaient, y compris celle de Cordemais. Un an plus tard, presque jour pour jour, EDF annonçait sa volonté de la fermer sans conversion. En avril 2025, nous avons fait ajouter dans la proposition de loi de nos collègues mosellans une référence visant à obliger EDF à engager cette conversion. L’entreprise nous a adressé le 10 juin une nouvelle fin de non-recevoir, transmise par le cabinet de M. le ministre.
C’est inacceptable. Nous exigeons donc que le gouvernement ordonne à EDF de respecter l’esprit de la loi et engage la conversion de la centrale de Cordemais. La plaisanterie a assez duré. Les salariés en ont par-dessus la tête du yo-yo qui leur est imposé et de l’attitude du gouvernement qui, après avoir accepté de lancer un appel à manifestation d’intérêt pour une usine de pellets destinée à alimenter la centrale, les a lâchement abandonnés en rase campagne. (Mme Sophia Chikirou et M. Philippe Brun applaudissent.) Ce « deux poids, deux mesures » est inacceptable.
Nous avons besoin de produire de l’électricité et de l’énergie à Cordemais. En effet, la Loire-Atlantique est le département de France métropolitaine qui a connu le plus de coupures de courant en 2024. De plus, le rapport parlementaire sur les raisons de la perte de souveraineté énergétique de la France a réaffirmé qu’il ne pouvait être question de fermer des moyens de production d’électricité pilotables – en l’espèce, une centrale à charbon. D’autre part, Cordemais est engagée dans les interconnexions avec l’Espagne et avec l’Irlande. Or personne ne peut dire quelles en seront les conséquences sur le réseau, notamment au regard du développement des data centers en Irlande, qui risque d’entraîner une explosion de la consommation électrique dans ce pays où le régime fiscal leur est particulièrement favorable.
Enfin, à Cordemais, nous avons des salariés compétents, un site avec du foncier disponible, une source de refroidissement – la Loire – et une ligne à très haute tension de 400 000 volts, alors que nous voyons en Camargue combien il est difficile d’en construire une. Et nous allons avoir le raccordement des parcs éoliens de l’Atlantique. Nous avons donc tous les atouts pour y créer avec succès un site pilote de la transformation énergétique de la France, que ce soit par une conversion directe aux énergies renouvelables, par exemple la biomasse, ou par le passage vers la production d’hydrogène associée au thermique décarboné, dossier sur lequel EDF nous dit travailler tout en refusant de s’engager sur une date. Monsieur le ministre, je vous demande une nouvelle fois de prendre l’engagement solennel que la centrale de Cordemais sera convertie. (Mme Sophia Chikirou et M. Philippe Brun applaudissent.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Je vais reprendre la lecture du rapport du HCC que ma collègue avait commencé. Il est en effet extrêmement important que ce rapport soit lu dans cet hémicycle, qui manifestement le méconnaît.
M. Charles Sitzenstuhl
Vous l’avez déjà lu !
Mme Sandrine Rousseau
« Les politiques sectorielles se structurent avec des avancées importantes mais inégales selon les secteurs, et avec quelques reculs pour certains d’entre eux, en particulier l’agriculture. Ces évolutions structurelles commencent à se traduire dans les résultats, mais de nombreux risques et incertitudes persistent. Plusieurs sous-secteurs ne sont pas encore couverts par des politiques suffisantes pour permettre d’engager des changements significatifs, et les orientations des politiques couvrant plusieurs secteurs ne sont pas suffisamment alignées avec les conditions nécessaires à l’atteinte de la neutralité carbone en 2050. Les politiques actuelles ne permettent pas de réduire la vulnérabilité des ménages et des entreprises face aux chocs sur les prix de l’énergie.
« Secteur des transports (34 % des émissions brutes nationales). Le secteur des transports voit sa politique se transformer progressivement d’une approche par projets à une approche plus systémique. Le secteur a entamé sa trajectoire de décarbonation après avoir pris beaucoup de retard. Les instruments de politique économique concernant l’électrification des véhicules sont de plus en plus efficaces, les mesures nationales favorisant l’achat de véhicules électriques sont complémentaires aux mesures européennes favorisant leur production, et le déploiement de bornes de recharge suit le rythme prévu. Les politiques de report modal n’ont pas encore montré leurs effets et les outils permettant de maîtriser la demande de déplacements restent à identifier. La motorisation alternative des poids lourds n’évolue quasiment pas, alors que la stratégie nationale logistique identifie les différents axes et besoins de décarbonation sans avoir pour l’instant permis d’entraîner de changement significatif. L’adaptation au changement climatique est principalement abordée sous l’angle du dommage aux infrastructures, avec peu d’anticipation des aléas futurs.
« Secteur de l’agriculture (20 % des émissions brutes nationales). (Murmures sur les bancs du groupe RN.)
Mme Sophie Taillé-Polian
Écoutez ! C’est intéressant !
Mme Sandrine Rousseau
« Les politiques agricoles souffrent d’un manque d’intégration et d’articulation avec les politiques alimentaires, sanitaires, environnementales et climatiques, limitant la décarbonation et l’adaptation du secteur. Malgré quelques avancées ces dernières années, les politiques agricoles ont été marquées ces douze derniers mois par un recul de l’action publique climatique. Elles contribuent dans l’ensemble à verrouiller la production agricole dans des modèles intensifs en émissions plutôt qu’à accompagner les agriculteurs vers des modèles et pratiques bas-carbone. En outre, elles ne protègent pas les agriculteurs des effets négatifs du changement climatique auxquels leur profession les surexpose. Les subventions de la politique agricole commune dans le cadre du plan stratégique national sont structurantes, mais ne contribuent que marginalement à la transition bas-carbone et à l’adaptation. L’action publique alimentaire repose principalement sur l’information des consommateurs et sur des approches volontaires. Elle incite peu les acteurs intermédiaires à développer une offre bas-carbone, saine et accessible. Les besoins d’adaptation sont identifiés mais l’opérationnalisation est trop restreinte, dispose de ressources insuffisantes et est peu mise en relation avec les capacités d’atténuation.
« Secteur de l’industrie (17 % des émissions brutes nationales). La stratégie de décarbonation de l’industrie s’appuie sur les acteurs des filières, avec un processus itératif qui a nettement amélioré les feuilles de route – homogénéisation, ajout de scénarios, vision à plus long terme, quantification claire, objectifs plus ambitieux – et a mené à la signature des contrats de transition pour réduire d’au moins 45 % les émissions d’ici 2030 par rapport à 2019. Néanmoins, la stratégie globale manque de projection en points d’étape intermédiaires et souffre d’un déficit d’identification des barrières pouvant limiter le déploiement de solutions (exemple : l’évolution des métiers et formations) pour un horizon très rapproché dans un secteur à forte inertie. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières européennes et ses modalités précises d’application seront déterminants pour renforcer l’efficacité du système européen d’échanges de quotas d’émissions carbone [….]. De fortes disparités de tarification du carbone existent, pouvant aller jusqu’à des exonérations, avec des inégalités d’accès aux subventions et aux infrastructures. L’adaptation du secteur industriel est encore très peu traitée.
« Secteur du bâtiment (16 % des émissions brutes nationales). (Murmures persistants sur les bancs du groupe RN.) Le soutien global à la filière de la rénovation a été renforcé et les aides publiques dédiées à la rénovation sont en nette hausse, bien que les politiques publiques manquent de stabilité dans le temps – voir MaPrimeRénov’. La stratégie continue d’être marquée par un soutien aux monogestes de rénovation, et les aides restent centrées sur le changement des modes de chauffage pour aller vers l’électrification. Cette tendance est maintenue au détriment du développement de l’isolation nécessaire pour atteindre un parc bas-carbone et réduire la précarité énergétique, qui s’est accentuée en France en 2024. Les freins importants à une massification efficace des rénovations sont la formation des professionnels, le contrôle de la qualité des travaux de rénovation, et la difficulté à faire aboutir les projets dans les copropriétés. La stratégie de rénovation des bâtiments publics n’est pas encore explicitée. Le confort d’été est mieux inclus dans les politiques d’adaptation des logements existants, mais le risque lié au retrait-gonflement des argiles reste non traité.
« Secteur de l’énergie (10 % des émissions brutes nationales).
M. Théo Bernhardt
En plus, elle rigole !
Mme Sandrine Rousseau
« La stratégie énergétique française est de façon générale bien structurée mais sa contribution à l’atteinte des objectifs climatiques n’est pas garantie et présente des fragilités. Le décalage des calendriers législatifs et la fragilisation du portage législatif des textes et des objectifs impliquent une perte de cohérence globale et bloquent la mise en œuvre. La stratégie de renouvellement du parc nucléaire actuel, vu la forte incertitude industrielle du secteur, fait peser des risques sur la disponibilité en électricité décarbonée à l’horizon 2035. Ces risques sont pour l’heure insuffisamment compensés par la croissance des énergies renouvelables. Les soutiens au développement des capacités renouvelables sont bien structurés mais demeurent insuffisants pour les énergies renouvelables n’atteignant pas leur cible. L’accélération du déploiement est limitée par un manque de compétences. Les leviers permettant la flexibilité des réseaux électriques et gaziers ne sont pas mobilisés à leur maximum et devraient être développés de façon plus structurelle. Le développement du gaz naturel liquéfié […] en France est incohérent avec les objectifs à moyen et long termes et risque de déboucher sur des actifs échoués si les contrats d’approvisionnement ne sont pas régulés en conséquence. Plusieurs filières émergentes (gaz renouvelable, hydrogène bas-carbone, nouveaux réseaux de chaleur) relèvent de la politique industrielle d’innovation et sont soutenues par des investissements en forte croissance. L’adaptation au changement climatique est prise en compte par les filières fortement exposées, en particulier celle du nucléaire, mais n’est que très succinctement abordée dans le projet de PPE mis en consultation, malgré des impacts climatiques importants sur la production, la distribution et la demande d’énergie. La réforme du marché européen de l’électricité améliore la protection des consommateurs vulnérables, tandis que le cadre des communautés énergétiques a été renforcé, mais les dépenses exceptionnelles soutenant la consommation d’énergies fossiles ont été insuffisamment ciblées vers les revenus modestes. »
Nous continuerons la lecture à l’occasion d’une prochaine prise de parole. (« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Théo Bernhardt
C’est déjà fini ? (Sourires.)
M. le président
Je vous remercie, madame Rousseau, pour ce moment de lecture. (Sourires. )
Je mets aux voix les amendements identiques nos 630 et 215.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 71
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l’adoption 63
Contre 7
(Les amendements identiques nos 630 et 215 sont adoptés ; en conséquence, tous les autres amendements et sous-amendements à l’article 8 tombent.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 8, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 65
Majorité absolue 33
Pour l’adoption 63
Contre 2
(L’article 8, amendé, est adopté.)
Après l’article 8
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 8.
Les amendements nos 190, 274 et 364 font l’objet de demandes de scrutin public de la part du groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Joël Bruneau, pour soutenir l’amendement no 190.
M. Joël Bruneau
Il s’agit, dans la droite ligne de mon précédent amendement, de fixer des objectifs de consommation en relation avec les besoins futurs, avec les différentes évolutions technologiques et, bien entendu, avec l’objectif de neutralité carbone.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Défavorable.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 190.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 72
Nombre de suffrages exprimés 72
Majorité absolue 37
Pour l’adoption 2
Contre 70
(L’amendement no 190 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 534 et 182, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir l’amendement no 534.
Mme Julie Laernoes
Il s’agit de substituer aux mots « à hauteur » les mots « d’au moins ».
Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé que l’objectif de réduire la consommation énergétique finale de 30 % correspondait non pas à un plafond, mais à un seuil minimal à respecter ; en commission, vous aviez émis un avis défavorable à la rédaction que nous proposons au motif que l’objectif de 29 % était celui inscrit dans la PPE. Or ce n’est pas ce que le gouvernement affiche dans ses documents de communication. Il serait bon que vous vous mettiez d’accord entre vous !
Nous souhaiterions profiter de cet amendement pour apporter un nouvel élément en vue d’éclairer le débat. Il s’agit d’un article qui a été écrit par Nicolas Goldberg, responsable du pôle énergie de Terra Nova, et qui s’intitule : « Le programme énergétique de Marine Le Pen : tout pour les énergies fossiles, rien pour le climat » ; il a été publié le 11 avril 2022.
« La crise énergétique et la publication du sixième rapport du Giec placent les enjeux de l’énergie et du climat sur le devant de la scène politique. La fin du mois se rapproche désormais de la fin du monde, ces deux problèmes ayant pour point commun la même racine : notre addiction aux énergies fossiles. Alors qu’une politique responsable pour l’industrie, le climat et le pouvoir d’achat consisterait à tenter de nous débarrasser progressivement de cette addiction, l’analyse du programme de Marine Le Pen est sur le sujet sans équivoque : son application conduirait à un renforcement de notre dépendance aux énergies fossiles… pour le plus grand bonheur des nations pétrogazières. Examinons cela en détail.
« Moratoire sur l’éolien et le solaire : une impasse électrique. Déjà inscrit au programme de Marine Le Pen à la présidentielle de 2017, la défense d’un moratoire sur l’éolien dans le programme de la présidente du Rassemblement national n’est plus surprenante. Ce qui l’est davantage en revanche, c’est la façon dont cette idée a progressivement gagné les autres formations politiques : Xavier Bertrand (Les Républicains), avait inscrit la même idée dans son programme aux élections régionales de 2021, et Valérie Pécresse, candidate officielle du parti Les Républicains, appelait à développer l’éolien terrestre avec parcimonie.
« Cette évolution des partis voisins a obligé la candidate du RN à durcir sa position en 2022 : outre le moratoire, il est maintenant question de démanteler les éoliennes existantes. Mieux encore : le moratoire ne concernerait désormais plus seulement l’éolien mais aussi l’énergie solaire…
« Pourtant, l’ensemble des scénarios réalisés par les experts sont formels : que la France redéveloppe le nucléaire ou non, l’éolien terrestre et le solaire seront indispensables pour répondre à nos besoins en électricité.
« C’est l’une des conclusions formulées par le rapport Futurs énergétiques 2050 réalisé par RTE : un moratoire sur les énergies renouvelables (et l’éolien en particulier) rend impossible la réindustrialisation et le respect des trajectoires climatiques à compter de la décennie 2030. Et pour cause ! L’objectif minimal d’éolien terrestre serait de doubler sa production d’ici trente ans, quand bien même nous arriverions à maintenir une part significative de nucléaire dans notre mix électrique à cet horizon. Pour le solaire, il faudrait multiplier nos efforts par plus de cinq pour passer d’une capacité installée de 10 gigawatts aujourd’hui à plus de 50 gigawatts en 2050. Cette conclusion est d’ailleurs partagée dans le troisième volet du sixième rapport du Giec, qui met largement en avant le rôle du solaire et de l’éolien pour décarboner rapidement nos économies d’ici 2030. En s’opposant à l’éolien et au solaire, Marine Le Pen ne s’oppose ainsi pas seulement aux conclusions des experts français, mais aussi à celles du Giec, qui nous alerte périodiquement sur notre situation climatique.
« À noter au passage que, pour l’éolien, cette multiplication de puissance ne veut pas nécessairement dire qu’il y aura beaucoup plus d’éoliennes installées. En effet, nous disposons sur notre sol d’environ 9 000 éoliennes installées d’une puissance moyenne comprise entre 1,8 mégawatt et 3 mégawatts, à comparer aux 35 000 éoliennes installées en Allemagne sur un territoire plus petit et plus densément peuplé. Avec des éoliennes deux à trois fois plus puissantes demain, nous pourrions remplacer les éoliennes existantes en fin de vie par des installations plus puissantes (opération nommée repowering ) et éviter la multiplication des mâts.
« Interrogée plusieurs fois sur la nature des moratoires qu’elle propose, Marine Le Pen fait généralement plusieurs erreurs quant à leur coût dont elle voudrait protéger les Français :
« Dans son programme, elle prétend vouloir rendre les 5 milliards d’euros de taxe aux Français qui paient ces énergies. Or, depuis 2016, la taxe sur la facture d’électricité qui servait entre autres à financer les énergies renouvelables est déjà gelée, et les charges sont en réalité prises en compte par le budget de l’État. Par ailleurs, annuler les contrats de paiement des énergies renouvelables serait illégal : on ne revient pas unilatéralement sur un contrat passé entre l’État et une contrepartie.
« Quant à dire que ne pas investir dans ces énergies ferait les affaires des Français, avec des prix de marché qui atteignent des sommets là où l’électricité éolienne se vend autour de 80 euros le mégawattheure, les calculs sont vite faits : cela reviendrait à devoir acheter notre électricité à un prix plus élevé sur les marchés, alors qu’avec les nouveaux contrats d’achat, les énergies renouvelables rendent l’argent à l’État lorsque les prix mensuels de marché sont plus chers que leur prix de revient.
« Enfin, il est à rappeler qu’en raison des baisses de production de notre parc nucléaire historique, la France se trouve aujourd’hui dans l’obligation d’importer de l’électricité, parfois au maximum de la capacité de nos interconnexions avec les pays voisins. Mettre une contrainte de plus sur de nouveaux moyens de production d’électricité sans carbone nous contraindrait à produire plus d’électricité à partir d’énergies fossiles et à importer tout bonnement davantage. Drôle de paradoxe pour un parti qui prône la défense de la souveraineté nationale. Ainsi, sur les renouvelables, en prônant un moratoire, le RN nous enfermerait dans une impasse climatique, financière et électrique…
« La folie des grandeurs sur le nucléaire au mépris de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), des délais et des capacités industrielles.
« Pour de nombreux candidats, le sujet du nucléaire relève plus du marqueur politique que de la rationalité technique. Sur ce point, la position de Marine Le Pen ne fait pas exception à la règle. Elle a révélé son scénario Marie Curie dans les colonnes du Point en mars dernier : doublement de notre consommation d’électricité d’ici 2050, cinq paires d’EPR d’ici 2031, puis cinq nouvelles paires d’ici 2036 – j’indique que le plan a, depuis, évolué.
« Ces annonces sont totalement contraires à ce que prône la filière nucléaire : selon les audits indépendants réalisés pour le compte de l’État, décider aujourd’hui d’une relance du nucléaire ferait qu’au mieux une première paire d’EPR pourrait être disponible entre 2035 et 2037. Nous serions loin des vingt EPR préconisés par Mme Le Pen, qui voudrait une première paire dès 2031. Il faut également rappeler que la filière industrielle a elle-même émis quelques doutes sur sa capacité à produire plus de quatorze EPR d’ici 2050, même si certains acteurs, comme le Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (Gifen) par exemple, souhaitaient plus d’optimisme, mais loin des vingt EPR dès 2036 préconisés par Mme Le Pen.
« L’objectif de Mme Le Pen serait ainsi de pouvoir conserver 70 % d’électricité nucléaire d’ici 2050 dans notre mix électrique. Cette position est d’autant plus cocasse que la candidate du RN dit en même temps vouloir agir sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire.
« L’intention est noble mais, dans ce cas, appliquer le programme de Mme Le Pen sur le nucléaire serait contraire à ce que le président de ladite ASN a lui-même récemment déclaré au journal Le Monde : selon lui, les scénarios reposant sur une part de 50 % de nucléaire ou plus dans notre mix électrique prennent des hypothèses ambitieuses qui ne sont en l’état pas validées par l’Autorité de sûreté. Et pour cause, ces scénarios voudraient que le nucléaire actuel soit prolongé au-delà de soixante ans, ce qui n’a rien de garanti et ce qui n’est pas l’intention d’EDF à date. Encore un paradoxe donc…
« Ces contradictions sont à prendre au sérieux : si nous ne pouvons pas répondre à nos besoins en électricité en raison d’un moratoire sur le renouvelable ou d’hypothèses extravagantes sur le nucléaire, c’est la poursuite de l’exploitation des énergies fossiles qui nous attend, ou bien même l’ouverture de nouvelles centrales à gaz…
« Les passoires thermiques à nouveau autorisées, et tant pis pour ceux qui ne peuvent pas se chauffer.
« Interrogée par l’association pour l’énergie, les réseaux de chaleur et la gestion des déchets (Amorce), une association de collectivités territoriales, Marine Le Pen a en outre déclaré être opposée à l’interdiction progressive des passoires thermiques à partir de 2025.
« Pourtant, les bâtiments sont, avec les transports, la principale cause d’émissions de gaz à effet de serre dans notre pays. De plus, c’est en raison de logements mal isolés, où le froid guette chaque hiver, et mal chauffés (avec des moyens de chauffage peu efficaces et souvent des énergies fossiles comme le fioul ou le gaz naturel) que nos bâtiments sont responsables d’inconforts chez les plus précaires et de gaspillage d’énergie.
« La candidate du RN semble ici oublier que 3,2 millions de ménages vivent en situation de précarité énergétique – ce chiffre a encore augmenté depuis la publication de cet article –, principalement parmi les 30 % de Français les plus pauvres, et que le nombre de foyers ayant des difficultés à payer leurs factures d’énergie a presque doublé entre 2013 et 2020.
« Revenir sur cette interdiction progressive, qui vise exclusivement les propriétaires bailleurs et qui commencerait par des gels de loyers, revient à envoyer un très mauvais signal : les rénovations seraient facultatives et tant pis pour les locataires qui doivent choisir chaque hiver entre grelotter ou consentir de colossales dépenses de chauffage.
« Pire, Marine Le Pen s’était exprimée en 2020 pour le maintien des chaudières au fioul. Il reste encore en France 3 millions d’équipements de ce type que les lois de programmation énergétique prévoient de supprimer progressivement d’ici 2027, avec des interdictions d’installation et de rénovation à partir de 2022. Marine Le Pen reviendra-t-elle réellement sur ces avancées ? Si cet engagement est maintenu, notre dépendance aux énergies fossiles pour le chauffage s’installerait dans la durée… Les locataires, pénalisés par ce mode de chauffage cher et inefficace, en pâtiront là encore.
« Baisser la TVA sur les produits pétroliers : une mesure non ciblée de plus de 12 milliards d’euros sans aucun effet pour les entreprises et ne faisant que soutenir la demande.
« C’est l’une des rares mesures du programme énergétique de Mme Le Pen qui pourrait avoir un effet positif à court terme sur le pouvoir d’achat des ménages : la baisse de la TVA de 20 % à 5,5 % sur tous les produits énergétiques (électricité, gaz, fioul et essence). Nous sommes toutefois sceptiques sur cette mesure pour plusieurs raisons :
« Compte tenu de l’ensemble des autres mesures du programme de Mme Le Pen, cette baisse ne ferait qu’amputer le budget de l’État pour soutenir notre demande énergétique, freinant ainsi tout sevrage des énergies fossiles et diminuant l’intérêt des économies d’énergie.
« Cette mesure serait non ciblée et n’aurait aucun effet pour les entreprises non énergétiques (qui, rappelons-le, ne sont pas assujetties à la TVA mais paient leur énergie comme tout le monde au prix fort). Que vous soyez riches ou pauvres, cette baisse de TVA sera la même pour tous. Pire, plus vous consommez d’énergie, ce qui est généralement le cas pour les classes aisées, plus vous profiterez de cette baisse… De quoi creuser un peu plus les inégalités.
« Cette mesure se cumulerait à toutes les baisses de taxes proposées par Marine Le Pen, cette fois pour un manque à gagner pour l’État chiffré autour de 12 milliards d’euros. Alors qu’elle prône le retour d’un État fort et souverain, ses mesures les plus emblématiques reviendraient plutôt à en assécher les ressources et donc la capacité d’action…
« Ainsi, le programme de Marine Le Pen est clair : s’affranchir de tout ce que les récents rapports d’expertise préconisent pour notre système énergétique et le climat, que ce soit l’Autorité de sûreté nucléaire (dont elle prétend se réclamer) ou le Giec, dont elle conteste visiblement les constats. Toute mesure d’économie d’énergie serait à proscrire pour satisfaire une demande électrique qui devrait doubler et qui serait satisfaite par un programme nucléaire s’affranchissant de toutes les limites exprimées par les experts, les autorités de sûreté ou la filière nucléaire elle-même. Seules les baisses de taxes, soutenant une demande mortifère en énergies fossiles, seraient à même d’amortir les effets sur notre pouvoir d’achat à court terme, mais en nous enfermant dans une consommation en hausse qui compenserait probablement ces baisses. Il est par ailleurs à noter que le programme de Mme Le Pen ne comporte aucune mesure à même de baisser la consommation d’énergies fossiles dans les transports, pourtant principal secteur responsable de nos émissions de gaz à effet de serre.
« Au final, ce ne sera pas seulement le climat qui en pâtira mais également le pouvoir d’achat, car cette crise des énergies fossiles ne ferait qu’empirer sous son mandat… pour le plus grand bonheur des pays producteurs de gaz et de pétrole. » (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Julien Guibert
Enfin !
M. Charles Sitzenstuhl
Douze minutes !
M. le président
Je vous remercie, madame Laernoes, pour la présentation de cet amendement no 534. (Sourires.)
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir l’amendement no 182.
M. Matthias Tavel
Comme le précédent, cet amendement concerne la centrale thermique de Cordemais et peut faire l’unanimité dans cette assemblée, en tout cas je l’espère.
En les déposant, nous avons pris acte de la mauvaise volonté persistante d’EDF, qui ne veut pas convertir ce site, mais le fermer purement et simplement. Jusqu’à présent, le gouvernement a donné son feu vert à cette stratégie, mais je ne désespère pas que notre assemblée lui ordonne de ne plus laisser d’autre choix à EDF que d’engager la conversion de la centrale, puisque l’entreprise n’a manifesté aucune volonté d’élaborer un tel scénario avec les élus, les parlementaires ou les salariés du site, qui soutiennent pourtant tous cette démarche.
Convertir vers quoi ? Nous faisons le choix de laisser ouvertes diverses possibilités, ce qui est nouveau par rapport au projet de centrale fonctionnant à la biomasse, que défendent notamment les salariés. Tel qu’il est rédigé, l’amendement ménage ainsi la possibilité d’engager le projet Ecocombust porté depuis des années par les salariés. En effet, on sait que ce projet peut fonctionner et qu’il est prêt à être mis en œuvre rapidement.
Cependant, nous ouvrons aussi la possibilité de basculer vers de la production d’hydrogène, ce qui permettrait d’obtenir une énergie thermique décarbonée dont nous aurons besoin pour faire face aux pointes de consommation, dans la mesure où le mix électrique comportera plus d’énergies renouvelables.
Nous ouvrons également la porte à la conversion en unité de stockage et de réinjection de l’électricité sur le réseau, ce qui pourrait au moins constituer une solution provisoire, compte tenu du raccordement du site à une ligne à très haute tension.
Bref, nous montrons notre ouverture, notre volonté d’explorer toutes les hypothèses possibles pour la conversion de la centrale, qui ne dépend plus que d’une chose : la position du gouvernement aussi bien dans cet hémicycle qu’au conseil d’administration d’EDF.
M. le président
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public : sur les amendements nos 182 et 273 par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Je tenais à dire deux choses. Premièrement, j’émettrai un avis défavorable sur ces deux amendements. Deuxièmement, pour la clarté de nos débats, je signale qu’en lisant des extraits de rapports ou des textes manifestement rédigés par ChatGPT,…
Mme Julie Laernoes
Ce sont des articles !
Mme Lisa Belluco
Ce n’est pas sympa pour les journalistes !
M. Antoine Armand, rapporteur
…le groupe Écologiste et social détourne le temps législatif programmé. Sous prétexte que le résultat d’un vote vous a déplu, vous refusez de laisser le débat, l’examen des amendements, se poursuivre dans de bonnes conditions, ce qui est d’autant plus regrettable qu’il nous reste nombre d’amendements fort intéressants à discuter.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis, sur tous les points.
M. le président
La parole est à Mme Lisa Belluco.
Mme Lisa Belluco
Monsieur le rapporteur, je m’étonne de votre mépris ; je ne crois pas que l’auteur de l’article qu’a lu ma collègue ait utilisé ChatGPT pour l’écrire. Vos propos en tout cas montrent bien l’opinion que vous avez des journalistes, ce qui, à vrai dire, ne nous étonne qu’à moitié.
J’aurais aimé vous donner lecture de la fin du résumé exécutif du rapport du Haut Conseil pour le climat. Je ne vais pas le faire puisque, apparemment, vous l’avez tous lu dans cet hémicycle. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.) Vous le maîtrisez parfaitement, en particulier au sein du bloc central, ou de ce qu’il en reste. (Mme Sandrine Rousseau applaudit.)
Ce résumé étant public, je vous invite du moins à en prendre connaissance. La fin est plutôt positive d’ailleurs : malgré le retard que prennent encore et encore les avancées législatives attendues, les choses progressent – mais je ne vous en donnerai pas lecture.
Il contient aussi un passage sur les sols, qui nous aurait permis de discuter de tous les reculs que nous avons actés en matière de lutte contre la bétonisation de nos terres – mais ce n’est pas le sujet du jour.
L’amendement de ma collègue Laernoes vise à transformer les cibles en matière d’installation de sources d’énergie renouvelable en objectifs susceptibles d’être dépassés ; plutôt que de fixer un plafond qui pourrait nous limiter, nous préférons fixer un objectif à atteindre au minimum, tout en laissant ouverte la possibilité d’aller plus loin.
Il s’agit d’une proposition positive, qui va dans le bon sens, puisqu’elle ne nous enferme pas. Pour cette raison, je vous invite à voter en faveur de cet amendement. Nous essayons d’être constructifs en apportant des améliorations rédactionnelles au texte. Je compte donc sur vous pour faire preuve de ce fameux bon sens – souvent invoqué au cours des débats dans cet hémicycle – et pour voter cet amendement.
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Grâce aux députés du groupe Écologiste, nous voici revenus aux grandes heures où l’Assemblée résonnait de la lecture de divers rapports et autres annuaires. Ce que vous lisez est toutefois plus intéressant que l’annuaire, puisque Marine Le Pen et le Rassemblement national sont au cœur de vos lectures. Je vais donc poursuivre dans cette voie en lisant, à partir de la page 18, un petit extrait du plan Marie Curie proposé par notre parti ; il porte en particulier sur le nucléaire :
« Notre projet est fondé sur deux axes prioritaires. D’abord, le renforcement et l’encouragement des énergies renouvelables fiables : l’hydroélectricité et les stations de transfert d’énergie par pompage (Steps), les bioénergies et la géothermie ; et un développement volontariste et ambitieux du nucléaire.
« Il s’agit d’abord de rompre avec les règles les plus absurdes de l’Union européenne pour rétablir la force du groupe EDF et en refaire un outil économique puissant au service du pouvoir d’achat des Français ainsi que de la compétitivité des entreprises.
« EDF renforcé, nous pourrons réussir à déployer un plan d’urgence pour le nucléaire historique qui permettra de rétablir une production électrique optimale et de récupérer rapidement des marges de manœuvre pour réindustrialiser le pays.
« Ensuite, nous augmenterons autant que possible la puissance des centrales installées ( power up ). Nous prolongerons la durée de vie de nos centrales historiques à soixante années, à laquelle nous réintégrerons Fessenheim selon l’état des lieux que nous en ferons.
« Une fois le parc nucléaire historique renforcé, nous pourrons réussir le déploiement d’un nouveau plan Messmer, que nous baptiserons Marie Curie. Nous assurerons le renouvellement de nos cinquante-huit réacteurs, à compter d’une paire de nouveaux réacteurs par an à partir de 2032-2033.
« Un plan de développement du nucléaire plus proche du rythme Messmer avait été prévu par RTE, mais il a été mis de côté pour des raisons politiques au profit d’un plan particulièrement faible.
« En 2050, le plan Macron est deux fois moins ambitieux que le plan Messmer. On remarque aussi que les projets d’Emmanuel Macron sont très long… C’est parce qu’au lieu de lancer des EPR sur la base de l’expérience acquise, il veut lancer des projets EPR 2 avec un nouveau design qui demande encore plusieurs années d’étude.
« Le plan de Marine Le Pen mise sur un plan bien plus dense, qui vise à recréer une véritable filière nucléaire sur tout le XXIe siècle avec un plan de charge régulier et certain :
« Cinq paires de réacteurs EPR seront lancés dès 2022 – je fais lecture de la version du plan Marie Curie pour 2022 –, sous le quinquennat, pour une livraison entre 2032 et 2035, soit neuf à dix années de travaux pour la première paire. Le système de production électrique pourra tolérer douze à dix-huit mois de retard comme marge de manœuvre.
Mme Sandrine Rousseau
Mais vous n’êtes pas scientifiques, on est d’accord ? Parce que les travaux dont nous parlions, ce sont des travaux scientifiques !
M. Matthias Renault
« Parallèlement, le programme EPR 2 sera confirmé pour finaliser les études et livrer cinq paires entre 2036 et 2040.
« À partir de 2041, une paire de réacteurs, dont la technologie reste à définir, sera livrée jusqu’en 2050. Entre 2043 et 2045, une paire surnuméraire sera livrée pour assurer la transition avec la fermeture du parc ancien, sauf possibilité de décaler légèrement la fermeture au-delà de soixante ans pour quelques réacteurs bien conservés.
« Le programme Astrid sera relancé dès 2022…
Mme Sandrine Rousseau
C’est un programme stupide !
M. Matthias Renault
« …en lien avec des partenaires étrangers et sans renier les acquis de Superphénix. Il doit produire un prototype avant 2030 puis un modèle industriel avant 2040.
« Si Astrid réussit, le programme de quatrième génération prendra le relais dans la phase 2041-2050.
« Parallèlement, dès 2022, une filière de SMR – petits réacteurs modulaires – sera déployée pour livraison dès 2030 pour ajuster à la hausse la production bas-carbone, notamment pour mettre fin à l’utilisation des centrales thermiques.
« Deux autres programmes de recherche seront renforcés : la fusion avec Iter – le réacteur thermonucléaire expérimental international – mais aussi les réacteurs à très haute température, particulièrement prometteurs pour produire l’hydrogène. »
Je vais m’arrêter là pour le moment. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Nous sommes évidemment à l’écoute de vos lectures de rapports,…
Mme Sandrine Rousseau
Ce sont des rapports de scientifiques ! Ce n’est pas pareil !
M. Matthias Renault
…en particulier s’ils concernent le Rassemblement national et Marine Le Pen – voir que nous sommes au centre des débats est très plaisant. Nous pourrons tout à fait poursuivre notre lecture si, de votre côté, vous poursuivez la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Je vous remercie pour ces moments de lecture.
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Je ne voudrais pas que cet atelier de lecture soit l’occasion, pour le gouvernement, de se défausser quant à l’avenir de la centrale de Cordemais. Monsieur le ministre, je vous ai posé des questions ; vous pourriez au moins avoir la décence d’y répondre. C’est une centrale EDF dont l’État est actionnaire à 100 % et il apparaît clairement que c’est le gouvernement qui a décidé sa fermeture sèche sans conversion. Un très large consensus local se dessine pour dire que ce n’est pas acceptable, parce que nous pouvons convertir cette centrale.
Monsieur le rapporteur, en commission, vous aviez pris l’engagement de travailler à un amendement commun, en vue de la séance ; mais, à la veille du début de l’examen du texte, vous m’avez dit que finalement, nous en resterions là. C’est donc que votre parole, sur ce sujet, ne vaut pas plus cher que sur les autres. Nous parlons de plus de 350 salariés directs et de 150 sous-traitants, qui ont donc pour vous le seul tort d’être les salariés d’EDF et du service public de l’électricité, puisque vous les traitez beaucoup plus mal que les autres salariés des centrales au gaz ou au charbon.
Pour rappel, la centrale à cycle combiné gaz de Landivisiau bénéficie d’une redevance au titre de la rémunération de capacité qui s’élève à 42 millions d’euros par an. La conversion de la centrale de Gardanne à la biomasse, qui pose beaucoup de questions concernant son approvisionnement en bois, est soutenue par une subvention de 800 millions d’euros sur huit ans. S’agissant de la conversion de la centrale de Saint-Avold, qui a essentiellement vocation à alimenter l’Allemagne, la participation au mécanisme de capacité des contrats sur la différence (CFD) apporte un soutien public. Et pour Cordemais ? Rien ! La fermeture sèche ! Ce n’est pas acceptable.
Je vous demande donc de voter l’un de ces amendements, si possible le no 182 qui est celui élargit le plus la palette des solutions possibles pour ce site. Il serait absolument scandaleux que les salariés du service public soient les victimes de votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Visiblement, monsieur le rapporteur, vous êtes plus dérangé par la lecture de faits scientifiques que par le fait d’être allié avec des climatosceptiques. Le groupe Écologiste et social tient à nouveau à rappeler, et nous le ferons aussi longtemps que nécessaire, certains consensus scientifiques existants, puisque les membres du socle commun et de l’extrême droite les ignorent en votant des amendements climatosceptiques. Je vais donc vous lire quelques extraits du résumé du sixième rapport du Giec (Exclamations sur les bancs du groupe RN), car ils sont de nature à éclairer les débats et à mettre en lumière la responsabilité que nous avons.
« La hausse de la température globale s’est encore accentuée. Le réchauffement du climat mondial dû aux activités humaines est un fait établi faisant de la décennie 2011-2020 la plus chaude depuis environ 125 000 ans.
« En 2019, la concentration de CO2 dans l’atmosphère a atteint 410 ppm – parties par millions – en moyenne, un taux qui n’avait pas été atteint depuis 2 millions d’années. Les scénarios socio-économiques montrent que le niveau de réchauffement global de 1,5 degré Celsius par rapport à l’ère préindustrielle sera atteint dès le début des années 2030 – nous y sommes déjà –, et ce quels que soient les efforts de réduction immédiate des émissions mondiales de CO2. »
« La vulnérabilité des écosystèmes et des populations s’accroît. Le changement climatique a déjà impacté l’accès à l’eau et à l’alimentation (réduction de la croissance de la productivité agricole sur les cinquante dernières années), la santé (augmentation des maladies vectorielles transmises par les moustiques, hausse de la mortalité liée aux vagues de chaleur) et l’activité économique. Il a déjà contribué à des crises humanitaires, en particulier en Asie.
« Les effets du changement climatique sont amplifiés dans les villes qui concentrent plus de la moitié de la population mondiale. 3,3 milliards de personnes vivent dans des zones qui sont déjà vulnérables au changement climatique. […] »
Nous assistons par ailleurs à « l’accélération de la fonte […] de la glace de mer en Arctique, des glaciers de montagne et des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique. Les mécanismes naturels d’absorption du carbone seront de moins en moins efficaces. Certaines conséquences du changement climatique, comme la montée du niveau de la mer ou encore la fonte des calottes glaciaires, seront irréversibles pendant des siècles, voire des millénaires.
« Les risques seront de plus en plus complexes, combinés, en cascade et difficiles à gérer. Ils vont aussi s’aggraver avec l’augmentation du réchauffement dans toutes les régions du monde, mais surtout dans les plus exposées et vulnérables.
« Le rapport du Giec identifie des seuils de réchauffement provoquant des impacts irréversibles sur la perte de la biodiversité.
« Certaines limites d’adaptation ont déjà été atteintes, d’autres seront immanquablement atteintes à l’échelle de l’existence humaine. »
« Une transformation systémique. L’atteinte du zéro émission nette de CO2 à l’échelle mondiale en 2050 ne peut reposer que sur une large palette sectorielle : bâtiments, transports, énergie, industrie, préservation des systèmes naturels existants. L’électrification des usages joue un rôle essentiel, à condition de produire de l’électricité bas-carbone. La baisse de la demande en énergie et en matériaux est essentielle pour réduire les émissions. Il est possible de réduire les besoins de 45 % d’ici 2050 par l’efficacité énergétique.
« La sortie des subventions aux énergies fossiles permettrait d’atteindre 10 % des réductions d’émissions nécessaires d’ici 2030.
« Le secteur de l’agriculture, la forêt et l’usage des terres représentent un potentiel important de réduction des émissions, avec des bénéfices potentiels pour la biodiversité.
« Plus la réduction des émissions sera tardive, plus les effets négatifs seront importants, à cause du recours massif aux émissions négatives nécessaire pour atteindre le zéro émission nette, et des impacts climatiques dus au dépassement temporaire des 1,5 degré (l’ overshoot ), qui réduiront l’efficacité des actions. »
Des changements sans précédent causés par les activités humaines et un aperçu de l’ensemble des connaissances scientifiques sur le changement climatique : c’est ce qu’offre le sixième rapport du Giec. Si vous pensez qu’il est inutile, à ce stade des débats, de vous éclairer en énumérant de simples faits scientifiques, force est de constater que les arguments rationnels, politiques, de fond, fondés sur ces mêmes faits et les rapports qui les présentent, n’ont pas eu d’effet.
En 2022, lorsque nombre d’entre nous ont été élus, des scientifiques du climat nous ont proposé des formations sur les enjeux énergétiques et climatiques. Il est en effet nécessaire de comprendre dans quel écosystème nous vivons, en quoi l’activité humaine affecte le réchauffement climatique et quelles sont les conséquences de ce même réchauffement ; surtout, il est essentiel de comprendre que ce sont nous, les décideurs, qui avons les clés en main, dans une période absolument cruciale qui est celle qui précède 2030. Oui, c’est avant 2030 qu’il y a une urgence absolue à baisser nos émissions de gaz à effet de serre !
Dans les jours qui viennent, nous allons subir des températures très fortes, des vagues de chaleur intenses. Des événements publics, dans les écoles et les clubs sportifs, sont d’ores et déjà annulés du fait de cette vague de chaleur dont nous subissons les conséquences. Nous sommes seulement au mois de juin – juillet et août arrivent ; des territoires, en France, ont déjà été dépourvus d’eau potable, comme cela s’est aussi observé en Espagne. Ce sont les conséquences très directes de ce dont nous parlons. EDF a annoncé aujourd’hui qu’à partir de mercredi, du fait de cette canicule intense, la production d’électricité d’origine nucléaire allait être réduite.
Il importe donc de lire et de se former sur les enjeux climatiques et énergétiques. Les débats qui ont précédé démontrent une chose : si chacun d’entre nous avait lu les différents rapports dont le groupe Écologiste et social vient de lire des extraits, si nous avions réellement voulu nous saisir de ces enjeux et ne pas nous enferrer dans un climatonégationnisme, alors nous aurions décidé de légiférer sur le fond et pas en vertu de manœuvres politiciennes. En l’occurrence, vous avez agi pour ne pas fracturer un socle commun qui n’a plus rien d’un socle, puisque ce sont les Républicains qui ont introduit l’amendement qui a supprimé les énergies renouvelables ; or il suffit d’observer les faits scientifiques pour se rendre compte que c’est une erreur manifeste ! C’est une erreur manifeste dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi au regard de la sécurité d’approvisionnement électrique de notre pays et pour les ménages français qui vont payer les pots cassés.
Il est intéressant de relire le programme du Rassemblement national : on voit bien qu’il a poursuivi avec constance l’objectif de destruction de la France par la dépendance accrue aux énergies fossiles – et c’est bien la conséquence directe de l’amendement qui a introduit un moratoire sur les énergies renouvelables, prélude à leur interdiction.
À l’évidence, la discussion des amendements a peu d’intérêt pour le gouvernement, et ce texte est devenu une sorte de farce dans laquelle on englobe tout et n’importe quoi. Je m’arrêterai là pour l’instant (Exclamations sur les bancs du groupe RN),…
M. Philippe Ballard
C’est dommage !
Mme Julie Laernoes
…mais nous continuerons à éclairer l’Assemblée à l’aide de faits scientifiques. Quand on se penche sur le programme du Rassemblement national en matière énergétique, on voit bien qu’il comporte un danger majeur : la faillite de l’État face à un réchauffement climatique qui ne sera plus du tout vivable – personne ne sera épargné. Il faut combattre ces idées qui se diffusent en ayant en tête, au vu de ce qui se passe dans d’autres pays où le carbofascisme est arrivé au pouvoir, que ses premières cibles sont la recherche et la science, car c’est un programme assis sur des idées contraires à la recherche, à la réalité et à la science.
C’est pour cette raison que des scientifiques fuient les États-Unis de Donald Trump ; il importe donc de lire le fruit de leurs recherches dans un hémicycle qui, visiblement, n’a pas approfondi ces sujets de manière sérieuse.
M. le président
La parole est à M. Alexandre Loubet.
M. Alexandre Loubet
Je m’adresse à nos collègues de gauche et d’extrême gauche. La question de la centrale à charbon de Saint-Avold m’a longuement occupé depuis trois ans comme député de la circonscription. La conversion à la biomasse, solution envisagée dans les premiers temps, s’est révélée inopérante. Aussi avons-nous défendu, avec succès, sa conversion au gaz et au biogaz.
L’amendement no 534 de Mme Laernoes pose une condition complètement invraisemblable ; l’amendement no 182 de M. Tavel me paraît plus pertinent, dans la mesure où il prévoit la conversion de la centrale de Cordemais à une énergie induisant des émissions inférieures à 550 grammes de dioxyde de carbone par kilowattheure. J’ai néanmoins une question à vous poser, monsieur Tavel : seriez-vous favorable à une conversion au gaz et au biogaz, ce qui permettrait de pérenniser les emplois, comme à Saint-Avold ? Si tel est le cas, le groupe Rassemblement national votera pour cet amendement, et cet amendement passera.
À l’approche de l’examen du texte qui visait à sauver la centrale de Saint-Avold en autorisant sa conversion, j’avais tenté de vous contacter, monsieur Tavel, et vous aviez refusé de me répondre. (M. Manuel Bompard applaudit.)
Mme Sophia Chikirou
Il a bien fait !
M. Alexandre Loubet
Dès lors qu’il s’agit de sauver un outil industriel qui constitue la colonne vertébrale d’un territoire, j’estime qu’il est indispensable de travailler en dépassant les intérêts partisans. Le Rassemblement national soutient toujours les textes qui vont dans le bon sens. Sans nos voix, vous ne gagnerez pas. Sachez que, si vous êtes prêt à accepter une conversion au gaz et au biogaz, nous voterons cet amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Sophia Chikirou
On ne négocie rien avec l’extrême droite !
M. le président
La parole est à M. Joël Bruneau.
M. Joël Bruneau
J’ai bien conscience que mon intervention ne fera guère progresser le débat. Madame Laernoes, la transition écologique est sans doute l’un des défis les plus importants et les plus difficiles que nous ayons à relever au XXIe siècle, et je vous rejoins sur bien des points, mais il paraît un peu incongru qu’un groupe politique aussi engagé que le vôtre sur ces sujets ait été aussi peu présent en nombre, sachant qu’en démocratie, c’est l’expression du nombre qui vaut. (Rires et applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Sébastien Huyghe
C’est le combat de votre vie !
M. Matthias Tavel
Les amendements que je défends ne sont pas des amendements Tavel. Je n’en tire aucune gloire et n’ai aucun intérêt personnel à leur adoption. Ce qui m’intéresse, c’est le sort des salariés de la centrale de Cordemais et celui du territoire qu’elle fait vivre ; c’est l’intérêt électrique du pays, de la région et du département où je suis élu.
S’agissant de la centrale de Saint-Avold, j’avais discuté avec le rapporteur de la proposition de loi dédiée, M. Mendes – qui n’avait d’ailleurs pas jugé utile de vous proposer d’en être cosignataires –, avec la CFDT qui était présente sur le site et avec le représentant de l’actionnaire. Monsieur Loubet, ne faites pas semblant de ne pas voir que, s’agissant des caractéristiques techniques, la rédaction de mon amendement est identique à celle qui figure dans la loi relative à la centrale de Saint-Avold,…
Mme Manon Bouquin
C’est ce qu’il vient de dire !
M. Matthias Tavel
…en faveur de laquelle nous avons voté.
À Cordemais, on peut explorer l’hypothèse d’une conversion au gaz, mais cette solution ne semble pas la plus simple, car le point de raccordement au réseau est plus éloigné qu’il ne l’est à Saint-Avold. En tout cas, monsieur Loubet, ce n’est pas moi qui décide de la conversion de la centrale, donc c’est au gouvernement qu’il faut adresser votre question. (M. Alexandre Loubet acquiesce.)
En outre, je trouve assez déplacé – mais peut-être reviendrez-vous sur vos propos – de soumettre un vote sur la conversion d’une centrale et sur l’avenir de 500 salariés à une sorte de marchandage politicien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Alexandre Loubet fait un signe de dénégation.) Pour ma part je n’ai jamais procédé de la sorte et n’ai pas l’intention de commencer à le faire aujourd’hui.
Un député du groupe RN
À part aux élections ! (Sourires sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Matthias Tavel
Si des députés s’intéressent à la conversion de la centrale de Cordemais, considérant que c’est dans l’intérêt général, qu’ils votent cet amendement. S’ils s’y opposent, qu’ils comptent sur nous pour le faire savoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Loubet.
M. Alexandre Loubet
J’interviens de nouveau car M. Tavel m’a mis en cause.
Monsieur Tavel, la rédaction est effectivement la même, et c’est précisément ce que j’ai dit. Néanmoins, nous savons que la biomasse n’est pas une énergie à laquelle il est possible de convertir la centrale de Cordemais et, ainsi, de la sauver. Dès lors, nous sommes disposés à soutenir votre amendement si vous êtes conscient qu’il peut aussi ouvrir la voie à une conversion au gaz avec une dose de biogaz.
Si vous affirmez que la conversion se fera à la biomasse, vous mentez, car une telle conversion ne se fera pas.
M. Matthias Tavel
Ça, c’est du ressort d’EDF !
M. Alexandre Loubet
Si la conversion se fait, ce sera une conversion au gaz et au biogaz. Nous sommes les législateurs ; si nous prenons une décision, le gouvernement l’exécutera !
En l’occurrence, vous avez fui vos responsabilités : vous avez refusé de travailler avec le Rassemblement national (M. Manuel Bompard applaudit),…
Mme Sophia Chikirou
Nous en sommes fiers !
M. Alexandre Loubet
…alors même que, lors de l’examen du texte relatif à la centrale de Saint-Avold, nous étions ouverts à la discussion de dispositions permettant la conversion de celle de Cordemais. Seulement, les élus locaux ont préféré agir seuls, par sectarisme, plutôt que de travailler avec l’ensemble des forces politiques de cette assemblée. Les salariés de la centrale de Cordemais sauront s’en souvenir à l’occasion des élections à venir. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes RN et UDR.) Pour notre part, nous sommes disposés à travailler avec tout le monde dès lors que l’intérêt national est en jeu. Nous voterons pour votre amendement.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre
Beaucoup a été dit au sujet de la conversion des centrales à charbon. Je souhaite néanmoins fournir quelques éléments précis. Le plan de conversion présenté par EDF, auquel j’ai fait référence précédemment, comporte une analyse économique et industrielle des différentes options pour la centrale de Cordemais, qui est de nature à éclairer le débat qui a lieu entre M. Loubet et M. Tavel.
Pour les raisons qui viennent d’être évoquées et sont d’ailleurs exposées dans le plan de conversion, j’écarte l’option de la conversion à la biomasse…
M. Matthias Tavel
Vous avez tort !
M. Marc Ferracci, ministre
…et me concentre sur celle de la conversion au gaz et sur ses conséquences économiques. L’analyse faisant douze pages, j’en sélectionne ici certains points, vous faisant grâce d’un exercice de lecture analogue à ceux qui se sont succédé il y a quelques minutes.
M. Alexandre Loubet
Vous pourriez faire comme Mme Laernoes !
M. Marc Ferracci, ministre
D’abord, la conversion au gaz de la centrale de Cordemais conduirait, selon les estimations d’EDF, à un déficit économique structurel – c’est-à-dire sur toute la durée de vie de la centrale – de 50 à 80 millions d’euros par année de fonctionnement. De plus, le raccordement au réseau de gaz – point évoqué par M. Tavel – prendrait un délai de cinq à sept ans, ce qui constitue, d’après l’analyse, un « obstacle majeur » à la décision de convertir la centrale au gaz.
J’ajoute que les conséquences environnementales seraient défavorables à plusieurs titres. D’une part, le gain en matière d’émissions resterait mineur : de l’ordre de 42 kilotonnes d’équivalent CO2 évitées par an par rapport au fonctionnement actuel au charbon. D’autre part, en cas de conversion au gaz, l’outil de production ne serait plus adapté à un fonctionnement en ultrapointe. En effet, les temps de démarrage et d’arrêt seraient alors très largement supérieurs à ceux des moyens de production de pointe et d’extrême pointe. La centrale ne répondrait donc que très partiellement aux besoins de flexibilité du réseau, ce qui est pourtant la raison d’être des centrales thermiques.
Je ne serai pas plus long. L’élaboration du plan de conversion a donné lieu à un travail sérieux, qui ne se limite pas à des calculs de coin de table, sur le modèle économique.
Vous avez relevé, monsieur Tavel, que c’était le gouvernement qui prenait la décision. Or le gouvernement prend des décisions avec le souci de préserver les deniers publics, de garantir une cohérence industrielle, de maintenir le modèle économique de nos centrales et, plus généralement, de nos installations de production d’énergie.
M. Manuel Bompard
Pas pour les énergies renouvelables !
M. Marc Ferracci, ministre
Tels sont les éléments que je souhaitais livrer à la représentation nationale. Pour reprendre une expression un peu triviale, il me semble que le projet de conversion au gaz ne vole pas.
(L’amendement no 534 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 182.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l’adoption 57
Contre 17
(L’amendement no 182 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 273, 274, 276 et 364 tombent.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Un député du groupe RN
Qui est le patron ?
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir les amendements nos 273 et 274, qui peuvent être soumis à une discussion commune et faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Matthias Tavel
Comme ils sont moins-disants que celui qui vient d’être adopté, je vais les retirer.
Monsieur le ministre, votre réponse n’est pas satisfaisante. Vous avez opposé un seul argument à la conversion au gaz : le coût. Or, quand il s’agit de GazelEnergie ou de Total à Landivisiau, vous êtes capable de trouver des dizaines, voire des centaines de millions d’euros ! On connaît votre capacité à faire avancer les projets auxquels vous tenez, y compris en matière de raccordement au réseau de gaz.
Qui plus est, d’autres hypothèses mériteraient d’être examinées : la production d’hydrogène ; le stockage et la réinjection de CO2. Jusqu’à présent, ni EDF ni le gouvernement ne nous ont fourni de tour d’horizon sérieux sur les options qui s’offrent au site de Cordemais et sur les réponses de nature à assurer la sécurité de l’approvisionnement électrique du Grand Ouest.
Monsieur le ministre, par un nouveau vote, le deuxième en trois mois, nous disons que le gouvernement doit engager, par l’intermédiaire d’EDF, la conversion de la centrale de Cordemais, et ne pas s’en tenir à une fermeture sèche en 2027. S’il faut un troisième, un quatrième ou un cinquième vote, vous les aurez. Il faut désormais prendre acte de cette volonté répétée. Il faut mettre autour de la table EDF, les organisations syndicales, le gouvernement, les parlementaires et les élus locaux qui soutiennent la démarche de conversion. Il faut travailler sérieusement et construire ensemble les conditions de réussite de cette conversion, dont le principe ne doit plus être discuté.
M. le président
En réalité, les amendements nos 273 et 274 sont tombés, de même que les autres amendements portant article additionnel après l’article 8. Nous en venons donc à l’article 9.
Article 9
M. le président
Sur l’article 9 et sur les amendements nos 378, 294, 280 et 316, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon
S’il existe un scandale en Macronie, c’est bien la politique de rénovation énergétique.
Première étape : vous avez créé un instrument de mesure, le diagnostic de performance énergétique (DPE), fondé sur une valeur problématique du coefficient de conversion de l’électricité. En effet, ce coefficient est fixé à 2,3 en France, alors que l’Union européenne recommande un chiffre de 1,9. Ce choix a pour conséquence de classer arbitrairement des millions de logements en catégories F ou G. D’après les professionnels, si l’on suivait les préconisations de l’Union européenne, plus de 50 % de ces logements classés F ou G, c’est-à-dire 3 millions de logements, verraient leur note améliorée et sortiraient de la catégorie des passoires thermiques telles que vous les avez définies – si l’on se réfère aussi aux logements classés E, cela concernerait même 7 millions de logements.
Deuxième étape : vous contraignez des millions de ménages à se jeter dans les bras des lobbys de la rénovation énergétique, en distribuant aveuglément à ces filières des dizaines de milliards d’euros d’argent public. Très bien représentés dans les cabinets ministériels, lesdits lobbys orientent ces fonds vers des sociétés qui n’hésitent pas à gonfler leurs prix en profitant de l’aubaine. Tels sont les effets de MaPrimeRénov’ et des certificats d’économie d’énergie (C2E).
Le résultat de cette rénovation massive est maigre : 60 % des logements rénovés restent classés E, F ou G, c’est-à-dire considérés comme indécents ou inlouables, selon vos critères. Pour continuer à engranger de l’argent, ces lobbys poussent à la fixation d’objectifs toujours plus ambitieux, avec la bénédiction des écologistes, devenus les parfaits idiots utiles de ce hold-up.
Troisième étape : vous contraignez les propriétaires modestes à vendre leur bien à perte, car décoté en fonction de leur note au DPE. Les grandes foncières institutionnelles publiques ou privées se frottent les mains et ne se cachent même plus pour exprimer leurs intentions. Emmanuel Grégoire, élu socialiste parisien, le reconnaît lui-même dans une note de la Fondation Jean-Jaurès : la mairie de Paris se fixe pour objectif 60 % de logements sociaux ; les propriétaires de logements classés F ou G bénéficieront certes d’aides, mais devront, en contrepartie, baisser leur loyer ; ceux qui ne peuvent pas entreprendre des travaux devront vendre leur bien à un bailleur social, c’est-à-dire à perte.
Ce DPE que vous présentez comme vertueux est en réalité un outil de captation de milliards d’euros d’argent public par des filières et un instrument de transfert de la propriété des petits vers les grandes foncières.
Une fois aux responsabilités, nous ferons toute la lumière sur cette escroquerie en bande organisée, ce hold-up, cette spoliation massive des Français ; nous lancerons une politique de rénovation énergétique réellement calquée sur les besoins et qui gère équitablement les fonds publics. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Julien Brugerolles, pour soutenir l’amendement no 378.
M. Julien Brugerolles
Alors qu’on sait – nous en avons longuement débattu – que la rénovation thermique globale des logements est un enjeu essentiel pour maîtriser les consommations énergétiques et limiter les émissions de gaz à effet de serre, le texte se borne à fixer l’objectif de « tendre vers » 380 000 rénovations énergétiques performantes sur la période 2025-2030. Nous proposons de supprimer ces deux mots et d’essayer de réaliser réellement ces rénovations car elles sont indispensables pour répondre aux enjeux énergétiques et à la précarité énergétique d’un grand nombre de personnes.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Nous avons déjà eu ce débat. Avis défavorable d’autant que, lors de la réunion tenue sur le fondement de l’article 88 du règlement, la commission des affaires économiques a repoussé cet amendement.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 378.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 67
Majorité absolue 34
Pour l’adoption 11
Contre 56
(L’amendement no 378 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l’amendement no 294.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Nous voulons aussi supprimer la formulation « tendre vers », dont on comprend bien qu’elle réduit à peau de chagrin l’objectif formulé ici de réaliser 900 000 rénovations énergétiques performantes par an, mesure capitale pour de nombreux Français.
Alors qu’il y a plus de quatre millions de passoires thermiques dans ce pays, le Haut Conseil pour le climat a regretté l’instabilité des politiques publiques de rénovation énergétique dans son rapport d’activité de 2024. Cette réalité est admise à demi-mot par le gouvernement, qui admet que « le retard sur les objectifs de rénovation énergétique des bâtiments et la décarbonation du chauffage s’est accentué en 2024 » et évoque un « retard préoccupant des rythmes d’isolation ». Tu m’étonnes ! Le moins qu’on puisse dire, c’est que le gouvernement n’est pas du tout à la hauteur !
À cet égard, l’exemple du dispositif MaPrimeRénov’ est tout à fait parlant. En 2022, la Cour des comptes a constaté que seuls 2 500 logements sur les 80 000 rénovations globales annuelles prévues avaient changé de performance énergétique via ce dispositif. Et maintenant, vous le suspendez ! C’est parfaitement irresponsable au moment même où on nous annonce d’énormes alertes de canicule et seize départements en vigilance orange ! D’autant que nous savons très bien que ce n’est que le début, et que le climat de la France va se réchauffer : le gouvernement lui-même a élaboré un plan pour une France à + 4o, et encore n’est-ce pas le scénario le plus pessimiste.
Bref, il est urgent d’agir pour que les gens ne meurent pas de chaud, l’été, et de froid, l’hiver ; l’objectif de 900 000 rénovations énergétiques performantes par an est indispensable. Ce doit être un objectif contraignant et non une vague perspective vers laquelle tendre.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je vais dire quelques mots des votes en commission des affaires économiques sur ce sujet assez crucial en matière de transition énergétique.
Certes, nous sommes passés d’un objectif de 900 000 rénovations énergétiques annuelles dans la version du Sénat à un objectif fixé à 380 000 logements rénovés annuellement mais en mentionnant, ce qui est très important, qu’il doit s’agir de rénovations énergétiques performantes. Nous avons exclu les travaux monogestes ou de rénovations partielles et précisé que les rénovations doivent entraîner « une réduction moyenne de la consommation d’au moins 75 kilowattheures d’énergie thermique par mètre carré et par an », ce qui correspond au haut de la fourchette des scénarios RTE. On peut donc dire que la commission des affaires économiques s’est donné des objectifs ambitieux.
Au regard des compétences de la commission, qui incluent notamment la question de l’emploi, la rénovation thermique des logements ne devrait pas faire débat entre nous. La filière représente 240 000 emplois ; l’industrie du bâtiment dépend en partie de la rénovation énergétique qui constitue un socle très important de son activité. Elle fournit aussi des débouchés intéressants à l’agriculture, avec le chanvre et un certain nombre de cultures végétales. Bref, il devrait y avoir un consensus général parmi les députés pour fixer des objectifs très ambitieux en matière de rénovation énergétique, compte tenu de l’intérêt que cela représente pour l’économie et l’activité de ce pays, sans compter le nombre d’emplois non délocalisables induits.
La question de l’accès des ménages modestes à la rénovation thermique relève d’un autre débat qu’il nous faudra avoir dans un autre cadre, peut-être – qui sait ?– à propos du projet de loi sur le logement que nous attendons tous.
Je profite de votre présence, monsieur le ministre, pour interpeller à nouveau le gouvernement, parce qu’on ne comprend pas trop ce qui se passe : MaPrimeRénov’ a été gelée, puis vous êtes revenus en arrière, vous prévoyez un guichet d’aide pour les travaux monogestes qui sont pourtant moins efficaces… Puisque vous êtes là, j’aimerais avoir une clarification. Nous sommes en train de fixer des objectifs très ambitieux – tant mieux – pour cette rénovation thermique des logements, encore faut-il que les actions du gouvernement soient compatibles et cohérentes avec ces objectifs.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
Mme Sophia Chikirou
Répondez ! Pourquoi ne répondez-vous pas ? Vous êtes fatigué ?
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 294.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 75
Majorité absolue 38
Pour l’adoption 15
Contre 60
(L’amendement no 294 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l’amendement no 217.
M. Frédéric Falcon
Cet amendement rappelle les parlementaires à la raison. Les objectifs fixés sont absolument délirants : on évoque 900 000 rénovations lourdes d’ici 2030 alors qu’on sait parfaitement que c’est tout à fait irréalisable.
Je voudrais pointer la responsabilité de certains lobbys qui poussent à atteindre ces objectifs sous les prétextes bienveillants de l’écologie et du confort des Français. Bien sûr, nous voulons tous rénover massivement l’habitat et les logements de nos compatriotes mais, en réalité, ces objectifs absolument inatteignables servent surtout à justifier le maintien d’enveloppes budgétaires délirantes : MaPrimeRénov’, c’est 3,5 milliards d’euros, le certificat d’économie d’énergie, 6 milliards ; l’enveloppe globale est proche de 10 milliards d’euros ! C’est énorme et cela donne lieu à des systèmes de fraude massive. Une partie de l’argent est, par ailleurs captée par tout ce qui est conformité et gestion de dossiers. Il faut donc vraiment faire un gros travail de rigueur budgétaire sur le traitement des fonds. Ce n’est pas parce qu’on met 10 milliards sur la table que tout va s’arranger et ce n’est pas davantage parce qu’on se fixe un objectif de 900 000 rénovations lourdes annuelles qu’elles seront réalisées.
Arrêtons avec cette vision technocratique et un peu « Excel » des choses ; posons-nous, réfléchissons à une vraie politique de rénovation énergétique en France, prenons le temps de bien faire les choses et non de les bâcler. Var nous avons aussi un problème de qualité des rénovations. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises se montent et captent les subventions : il leur suffit d’être performantes en gestion des dossiers. Obtenir le label RGE – reconnu garant de l’environnement – est très facile : il suffit de quelques jours de formation. Si vous savez monter des dossiers de demande de subventions, vous obtiendrez des fonds, sans que cela ne soit un gage de qualité pour la réalisation des travaux !
Recréons une vraie filière française, gérée par les chambres des métiers, avec des artisans bien formés. Posons-nous et prenons notre temps plutôt que d’aller trop vite, de tout bâcler et de dilapider des milliards d’euros d’argent public que nous n’aurons plus demain ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
J’entends ce que vous dites et les doutes que vous exprimez sur l’efficacité des politiques de rénovation énergétique. J’ai les mêmes doutes, raison pour laquelle, comme d’autres collègues ici, je pense que nous devrions à l’avenir nous concentrer davantage sur les rénovations performantes et sur un accompagnement personnalisé, c’est-à-dire sur ce qui a fait ses preuves.
Nous devons aussi massifier les rénovations pour réduire la précarité énergétique des Français sur tous les territoires et, en particulier, dans les zones rurales où la transformation du mode de chauffage et l’isolation sont parfois plus délicates qu’ailleurs – c’est un élu d’un territoire de montagne qui le dit !
Ceci étant, je ne suis pas sûr de comprendre le raisonnement consistant à dire que le chiffre de 380 000 rénovations aurait été fixé au doigt mouillé et serait dépourvu de sens. Ce chiffre vient d’un des scénarios de RTE ; d’ailleurs en proposant le chiffre de 330 000 rénovations annuelles, vous vous inscrivez au fond dans une estimation comparable à la sienne puisque, selon les scénarios bâtis en fonction du degré de sobriété et d’efficacité énergétique, RTE fixe une fourchette allant de 280 000 à 380 000 rénovations annuelles. Il y a un scénario à 280 000, un autre à 310 000 et un scénario à 380 000, chacun étant lié à une hypothèse d’économies d’énergie par rénovation et à la quantité de rénovations qu’on est capable de faire, ce qui donne à la fin un objectif d’économies d’énergie.
Je vois d’où vient le chiffre de 280 000 et d’où provient l’objectif de 380 000, adopté en commission des affaires économiques mais, comme je ne vois pas la source du chiffre de 330 000 figurant dans votre amendement, je vous propose de le retirer.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Monsieur le ministre, comme vous ne m’avez pas répondu, je me permets d’insister !
M. Marc Ferracci, ministre
Je ne suis pas ministre du logement !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Certes, vous n’êtes pas ministre du logement mais, depuis quelques jours, particulièrement depuis l’annonce du gel – ensuite partiellement annulé – de MaPrimeRénov’, l’industrie du bâtiment, qui relève de votre portefeuille, tire la sonnette d’alarme. Il serait donc tout de même bon de nous répondre ! En outre, les répercussions de la suspension du dispositif vont bien au-delà de l’industrie du bâtiment.
Vous vous trouvez au banc pour débattre d’un texte de loi énergétique qui fixe des objectifs très ambitieux pour la rénovation thermique des logements ; je répète ma question : comment ces objectifs sont-ils compatibles avec les décisions qui viennent d’être prises par le gouvernement en ce qui concerne MaPrimeRénov’ ? De nombreuses entreprises attendent votre réponse.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre
Mes collègues, en particulier Valérie Létard et Éric Lombard, ont déjà apporté une réponse à l’occasion des questions au gouvernement. Je la répète : la suspension de MaPrimeRénov’ s’explique par deux raisons.
Premièrement, les services instructeurs ont constaté un engorgement qui ne permettait pas de traiter correctement les dossiers ; deuxièmement, environ 12 % des dossiers ayant fait l’objet d’analyses par échantillonnage laissaient suspecter une fraude au dispositif – cela a d’ailleurs été signalé sur ces bancs – qui appelle la mise en place de mécanismes de lutte contre la fraude. Le gouvernement a décidé d’agir de manière responsable ; il a décidé une simple suspension du dispositif et s’est engagé à rouvrir le guichet à la rentrée. Cet engagement sera tenu.
(L’amendement no 217 est adopté.)
M. le président
SUR les amendements nos 191 et identique, 296, 223, 351, 430 et 536, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. le président
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l’amendement no 280.
(L’amendement no 280 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l’amendement no 316.
M. Frédéric Falcon
Cet amendement vise à faciliter la vie des propriétaires qui entreprennent des travaux de rénovation importants, notamment dans les copropriétés. Il supprime l’interdiction de location des logements classés G, du moment que les propriétaires ont fait tous les efforts possibles pour réaliser une rénovation d’ampleur au sens de l’article L. 106-1 du code de la construction et de l’habitation.
La ministre du logement, Valérie Létard, nous a annoncés avant la fin de la session parlementaire un projet de loi destiné à simplifier et assouplir les contraintes liées au DPE dans les copropriétés. Cet amendement résout le problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Si, sur le fond, nos opinions divergent, je vais dans un premier temps m’en tenir à une critique de la formulation de cet amendement.
De deux choses l’une – si nous avons bien compris votre amendement : ou bien vous souhaitez compléter l’alinéa 2 en indiquant que l’objectif de rénovation s’applique à des bâtiments dont la classe de performance énergétique n’empêche pas la mise en location, auquel cas votre proposition est nulle et non avenue car elle n’a aucun impact, ou bien vous considérez que les bâtiments doivent atteindre, grâce aux travaux, un niveau de performance énergétique suffisant pour que la mise en location soit possible, et vous en revenez à une logique d’interdiction, ce qui serait contre-productif car une telle mesure pourrait conduire à un durcissement des obligations des propriétaires en matière de rénovation.
Sur le fond, je me contenterai de rappeler qu’il est important selon nous de rénover les logements et d’éviter qu’ils demeurent des passoires thermiques – même si nous pouvons débattre du rythme.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 316.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 48
Contre 29
(L’amendement no 316 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 191 et 218.
La parole est à M. Joël Bruneau, pour soutenir l’amendement no 191.
M. Joël Bruneau
Par cet amendement, nous souhaitons mettre en garde sur les aspects négatifs des C2E. D’après un récent rapport de la Cour des comptes, leur coût ne serait, en réalité, pas supporté par les entreprises qui devraient les financer mais par les clients de celles-ci. En outre, selon ce même rapport, les économies d’énergie réalisées seraient surestimées de 30 % par rapport à leur véritable niveau. Dans ce contexte, nous appelons, avec cet amendement, à une refonte du dispositif. Il doit être mieux fléché afin d’enregistrer de meilleures performances en matière de décarbonation de l’économie.
M. le président
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l’amendement no 218.
M. Frédéric Falcon
J’abonderai dans le sens de mon collègue. Cet amendement vise à revenir sur les objectifs des C2E. Il faut souligner la gabegie que représente ce dispositif : il coûte 6 milliards d’euros par an, ce qui représente une taxe d’environ 4 % sur les factures d’énergie, de 7 à 8 centimes par litre à la pompe ou de 7 centimes par kilowattheure.
Il faut donc revoir ce dispositif voire le supprimer. Le manque à gagner en matière de pouvoir d’achat pour les Français s’élève à 180 à 200 euros par an et peut même atteindre 300 euros pour les gros rouleurs et les gros consommateurs d’énergie.
J’ajoute que le mécanisme des C2E est gangréné par toutes sortes de marges qui semblent injustifiées – elles atteindraient 25 à 30 % et jusqu’à 50 % pour les fameux travaux d’isolation à 1 euro.
Par ailleurs, le C2E s’accompagnera d’un nouveau dispositif, une taxe imposée par l’Union européenne et qui entrera bientôt en vigueur, l’ETS 2 – nouveau système communautaire d’échange de quotas d’émission de l’UE –, soit un prélèvement d’au moins 8 milliards par an auxquels seront soumis les Français.
Assez de toutes ces taxes ! Cessons de prélever des taxes et des impôts pour faire ensuite des chèques aux Français. Baissons plutôt les taxes, tout simplement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Je crois comprendre – mais le collègue Bruneau me contredira peut-être – qu’il s’agit d’un amendement d’appel qui vise à lancer une alerte au sujet des C2E. Je pense comme vous qu’il faut revoir de fond en comble ce dispositif, du type d’obligation aux fameuses fiches C2E. Nous devons aussi connaître le véritable niveau des économies d’énergie réalisées.
Je vous demande de retirer votre amendement – et émettrai, à défaut, un avis défavorable – pour deux raisons. Premièrement, il n’est pas question de remettre à plat l’ensemble du dispositif qui, comme vous l’avez dit, ouvre des perspectives et répond à des attentes en matière de rénovation énergétique – nous le vérifierons dès l’année prochaine –, d’autant plus que la situation est déjà très instable. Il est cependant nécessaire de mener une réforme.
Deuxièmement, avec certains collègues, notamment lors de réunions de la commission du développement durable, nous nous sommes plaints – à juste titre me semble-t-il – du relatif manque de transparence du dispositif pour la représentation nationale. Dans la mesure où ils relèvent souvent du domaine réglementaire, ils échappent au contrôle parlementaire. À cet égard, les dispositions prévues par le projet de loi permettraient à la représentation nationale de se saisir de ces questions de manière plus forte chaque année.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Monsieur le ministre, vous nous avez dit que le dispositif MaPrimeRénov’ posait de nombreux problèmes, qu’il pouvait par exemple donner lieu à des fraudes.
Tout d’abord, avant de jeter le bébé avec l’eau du bain, il aurait peut-être fallu travailler en amont pour aboutir à un dispositif solide (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) car, à l’évidence, la rénovation thermique est une nécessité absolue. (M. Sébastien Peytavie applaudit.) Il faut impérativement proposer des aides, notamment aux ménages dont les revenus sont modestes pour leur permettre de procéder à la rénovation thermique de leur logement. Il faut en finir avec les passoires thermiques ! Je rappelle que, dans ce pays, 12 millions de personnes souffrent de précarité énergétique, ce qui signifie que, dans leur appartement, l’été – et d’ailleurs en ce moment même –, elles cuisent, tandis que, l’hiver, elles gèlent, faute de pouvoir payer du chauffage.
Ensuite, il est intéressant de noter qu’il existe un quasi-consensus au sein de la commission des affaires économiques pour considérer que le dispositif des C2E n’est pas du tout satisfaisant. Il coûte tout de même 6 milliards à la population. Le rapport de la Cour des comptes indique que les C2E posent un énorme problème, notamment parce que 20 à 40 % des sommes arrivent entre les mains d’intermédiaires, de négociateurs.
Puisque vous voulez que nous comptions l’argent public, les C2E…
M. Antoine Armand, rapporteur
Ce ne sont pas des subventions !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je dis simplement que les C2E coûtent de l’argent aux gens. S’il y a bien un problème à régler, c’est celui-là. Il faut revoir ce dispositif en profondeur. L’ensemble des parlementaires qui siègent à la commission des affaires économiques s’accordent d’ailleurs sur la nécessité d’une réforme très profonde.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Antoine Armand, rapporteur
Certes, les C2E ont un impact, y compris financier, c’est d’ailleurs pourquoi les collègues, sur tous les bancs, appellent à une refonte du dispositif et je suis évidemment d’accord avec eux sur ce point. Toutefois, afin de dissiper les éventuels doutes, je tiens à préciser que les C2E ne sont pas des subventions publiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Oui, bien sûr !
M. Antoine Armand, rapporteur
Pas un seul euro d’argent public n’est versé dans ce cadre. D’ailleurs, je ne pense pas que Mme la présidente affirmait le contraire, et nous n’économiserons pas d’argent public en supprimant les C2E. Avec ce mécanisme, nous fixons simplement des objectifs d’économie d’énergie que nous faisons financer par les entreprises.
S’agissant de l’évaluation du dispositif – qui est imparfaite parce que la représentation nationale n’a pas accès à l’ensemble des informations qui seraient sans doute utiles –, nous sommes nombreux à présumer que, d’une part, les économies d’énergie ne sont pas aussi substantielles que ce que laisse supposer le volume de certificats délivrés et que, d’autre part, une partie du coût des aides est répercutée sur le consommateur final, sur le citoyen.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Sur les factures !
M. Antoine Armand, rapporteur
Oui, sur les factures. Tout cela nous laisse penser que le dispositif n’est pas opérationnel.
Cependant, si on le supprimait purement et simplement, comme nous y invitent ces amendements, on jetterait le bébé avec l’eau du bain, me semble-t-il. Une telle mesure ne correspondrait pas tout à fait à notre ambition en matière de rénovation énergétique – que vous-même, madame la présidente, venez de défendre.
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Je veux tout d’abord rappeler – puisque cela n’a pas été dit par nos adversaires – que le rapport de la Cour des comptes a été rédigé à la demande du Rassemblement national, notamment de mes collègues commissaires aux finances et de Marine Le Pen. J’observe donc qu’avant que mon groupe soit massivement présent sur ces bancs, cette question ne vous intéressait pas.
Depuis que ce rapport a été publié, tout le monde découvre ce que vous saviez – en tout cas, j’ose espérer que les gouvernements socialistes et macronistes successifs étaient au courant.
À présent, M. Armand nous explique – je ne connais pas le point de vue de M. le ministre – que le dispositif ne fonctionne pas, que personne n’en est satisfait, qu’il représente un coût de 6 milliards qui se répercute sur la facture des consommateurs mais que, pour autant, on peut prendre son temps avant d’agir. Nous devrons donc payer 6 milliards cette année et autant l’année prochaine. Pire : selon le rapport de la Cour des comptes, en 2026, le montant augmentera pour atteindre 480 à 580 euros pour chaque ménage. C’est un réel problème, comme l’a expliqué Mme la présidente Trouvé.
Si cette trajectoire se confirme, la charge qui pèse sur les Françaises et les Français sera donc multipliée par deux ou trois alors qu’on leur répète sans arrêt à la télé que, grâce aux C2E, on fait de bonnes affaires. Ceci est donc faux. Il s’agit d’un système fondamentalement frauduleux. M. Falcon l’a dit, 25 à 30 % des sommes relèvent de la gabegie ou carrément de la fraude. D’ailleurs, puisque nous parlons de programmation énergétique, il n’est pas acceptable que l’on ne connaisse pas le montant, lié au coût des certificats, qui se répercutera sur les familles françaises. Je ne connais pas une seule de ces familles qui puisse se permettre de payer 200 à 300 euros supplémentaires de taxes indirectes, prélevées par les entreprises.
Je tiens à rappeler qu’en 2025 la moyenne du chèque énergie, une aide destinée aux classes moyennes et populaires, est de 150 euros. Au bout du compte, le montant que paient les familles françaises – la taxe liée aux certificats d’énergie, soit 160 euros – est supérieur à celui de l’aide qu’ils reçoivent de la part du gouvernement sous forme de chèque. On est dans la maison des fous, avec une véritable usine à gaz ! Il faut arrêter cela !
Pourrions-nous savoir, tout d’abord, pourquoi vous maintenez sous respiration artificielle un mécanisme que plus personne, semble-t-il, ne défend ? Je me demande bien pourquoi il serait si scandaleux de le mettre à terre.
Deuxièmement, où allons-nous ? Il s’agit tout de même d’une loi relative à la programmation. Quel sera le montant des certificats d’économie d’énergie ? Des députés, issus de différents groupes, ont posé la question en commission des finances mais nous n’avons obtenu aucune réponse.
Par ailleurs, M. Falcon a évoqué la directive européenne relative à l’ETS 2. La Pologne et la France sont les deux seuls pays à ne pas l’avoir encore transposée, comme ils en ont pourtant l’obligation. Avec ce dispositif, c’est une taxe de 15 centimes supplémentaire sur le gazole et l’essence qui pend au nez des familles de France dès 2026, ou en tout cas d’ici 2027. C’est un scandale en soi.
Le pire, toutefois, c’est que, de votre côté, personne n’assume. Nous n’obtenons jamais de réponse. Je vois que vous avez l’air mécontent, monsieur le ministre, mais pouvez-vous m’indiquer si ce que je dis est vrai ou faux ? La France doit-elle, comme la Pologne, transposer la directive relative à l’ETS 2 avant 2027 ? Oui, c’est vrai ! Cela aura-t-il pour conséquence la création d’une taxe de 15 centimes sur le carburant, comme on a pu le lire dans le journal Les Échos ? Je pense malheureusement que c’est vrai également.
Face à cette hausse, vous pourriez décider de baisser les accises sur le carburant – ce serait une grande nouvelle. Le ferez-vous ? Ces questions méritent des réponses car, encore une fois, nous discutons d’une proposition de loi relative à la programmation énergétique. En outre, je ne vois pas en quoi elles seraient polémiques, populistes ou tout ce que vous voudrez. Ce sont de vraies questions et nous espérons donc avoir, un jour, le début d’une vraie réponse. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Joël Bruneau.
M. Joël Bruneau
Avec notre amendement, nous souhaitions simplement appeler l’attention de chacun sur le problème des C2E – manifestement, nous y sommes parvenus ! Loin de nous idée qu’il serait possible de les supprimer du jour au lendemain sans proposer de solution de remplacement.
En revanche, j’aimerais que vous vous engagiez, monsieur le ministre, à ce qu’un travail soit mené pour réformer le dispositif qui, à l’évidence, sous sa forme actuelle, ne donne pas satisfaction, et ce dans l’intérêt de nos concitoyens.
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Nous sommes confrontés, une nouvelle fois, au paradoxe qui consiste à discuter d’un texte qui n’est pas une vraie loi de programmation avec son volet budgétaire et fiscal. Même si nous décidons de supprimer les C2E, le budget consacré par l’État à la rénovation énergétique n’augmentera pas. Par conséquent, les deux termes de notre alternative sont les suivants : ou bien on supprime des moyens pour la rénovation ou bien on supprime des moyens pour la rénovation ! J’ajoute que nous ne nous interrogeons pas sur les moyens de financer cette rénovation.
Ce qui est juste, ce n’est pas de taxer de façon indifférenciée mais de prévoir dans le budget de l’État des moyens nécessaires et donc d’avoir recours à un instrument qui s’appelle l’impôt. Je parle d’impôts justes, comme l’impôt sur le revenu et l’impôt sur le patrimoine – je sais, monsieur le ministre, que vous y êtes très attentif, à titre personnel notamment (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN. – M. le rapporteur s’exclame également.) – ou sur les superprofits des sociétés d’énergie. Si ces derniers avaient été mobilisés, nous aurions pu récupérer des milliards d’euros pour alimenter le budget de la rénovation énergétique.
Plutôt que de prendre de telles mesures, vous en êtes réduits, pour les uns, à consacrer moins de moyens à la rénovation énergétique et, pour les autres – en l’occurrence, le gouvernement –, à vous défausser sur les C2E pour comprimer le budget de la rénovation énergétique, dans le cadre de votre politique d’austérité, et à vous en prendre aux instruments publics, avec, entre autres, la suspension de MaPrimeRénov’.
Bref, nous sommes au cœur du problème que pose ce texte : nous ne pouvons pas avoir une discussion sérieuse sur les instruments sérieux – y compris fiscaux et budgétaires – qui nous permettraient d’atteindre les objectifs fixés en matière de rénovation énergétique et de réduction de notre consommation d’énergie.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Antoine Armand, rapporteur
Je souhaite d’abord préciser mes propos qui n’étaient sans doute pas assez clairs : ce que vous proposez de supprimer, ce n’est pas le dispositif du C2E, qui est largement établi par voie réglementaire, mais la mention des objectifs annuels d’économies d’énergie devant être atteints grâce aux C2E. Ce n’est pas la même chose. Je crois, du moins j’espère, que nous partageons l’objectif de réduire la consommation énergétique en améliorant la performance thermique des bâtiments, et ce par tous les moyens possibles.
Ensuite, je tiens à revenir sur le contenu du rapport de la Cour des comptes. Il établit que les fiches d’opération standardisées permettant d’accéder aux C2E, élaborées conjointement par les professionnels et par la direction générale de l’énergie et du climat, sont soit mal appliquées, soit imparfaitement élaborées. Cela entraîne des irrégularités et des fraudes.
Concrètement, cela signifie que, même lorsque les travaux sont exécutés conformément à la fiche, ils ne permettent pas toujours de réaliser les économies d’énergie prévues. Cela s’explique parfois par des fraudes survenant durant les travaux, ce qui est clairement problématique. C’est précisément cela qui engendre un coût pour les ménages, puisqu’ils bénéficient d’une réduction importante pour leur rénovation grâce au C2E. Cette réduction, appliquée en cas d’installation d’une pompe à chaleur par exemple, est payée par l’entreprise, ce qui explique que les C2E soient considérés, d’un point de vue purement comptable, comme des prélèvements obligatoires sur les entreprises. Comme beaucoup de prélèvements obligatoires, une partie de ce dispositif repose effectivement sur le consommateur final. L’idée est donc de corriger le dispositif au niveau du fournisseur d’énergie et surtout des intermédiaires, qui sont malheureusement encore trop nombreux et qui captent une partie de la valeur ou du prélèvement.
Nous sommes évidemment favorables à la réduction des fraudes qui conduisent à une augmentation du coût pour les ménages et qui les privent des gains attendus sur leurs factures, faute de vraie rénovation. En revanche, je ne crois pas que l’Assemblée nationale souhaite la suppression des objectifs de rénovation ou de baisse de la consommation énergétique pouvant être assignés aux C2E. Cela ne me semble pas être la bonne et juste manière d’avancer sur ce point.
M. le président
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
En 2023, dans le cadre d’une mission d’information commune de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, j’ai été corapporteure, avec une députée du groupe Renaissance, d’un rapport sur la rénovation énergétique des bâtiments. Une partie conséquente de ce rapport, à partir de la page 82, était consacrée à la question du « fléau des fraudes ». Pour éclairer nos débats, j’en donnerai lecture.
« Les signalements portés à la connaissance de la mission suggèrent que le risque de tromperie ou de falsification existe à chaque étape du parcours de rénovation énergétique des bâtiments. De fait, ce domaine d’activité fait partie de ceux qui suscitent le plus de réclamations auprès de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). D’après les statistiques fournies par ses représentants, plus de 10 000 signalements ont ainsi été reçus par l’intermédiaire de SignalConso en 2022. Leur analyse met en relief l’existence de modes opératoires évolutifs, plus ou moins sophistiqués, qui dénotent souvent une très grande capacité d’adaptation de leurs auteurs aux conditions de l’émergence d’un marché de la rénovation énergétique. On parle ainsi d’éco-délinquant. »
« En premier lieu, les pratiques frauduleuses peuvent affecter l’établissement des relations contractuelles avec les consommateurs. »
« D’après l’état des lieux dressé par la DGCCRF, les manquements et irrégularités constatés participent d’un non-respect des obligations précontractuelles prévues par le droit de la consommation. Ils portent notamment atteinte aux droits des consommateurs en matière de vente hors établissement commercial et à l’information précontractuelle sur les prix et les conditions générales de vente.
« Ils peuvent aussi consister en l’usage de pratiques commerciales trompeuses, voire agressives. Ce constat fait écho à la préoccupation exprimée notamment par les associations de protection des consommateurs à propos de campagnes promouvant les travaux d’isolation ou l’installation de pompes à chaleur à 1 euro. Ces opérations donnent fréquemment lieu à un démarchage physique ou téléphonique agressif et suscitent de nombreux litiges. Suivant le signalement de la DGCCRF, des professionnels vont même jusqu’à imposer la réalisation de travaux sur le fondement de prétendus programmes publics, audits énergétiques gratuits, homologations ou commissions officielles en réalité inexistants.
« En second lieu, les pratiques frauduleuses touchent aux conditions de financement des travaux de rénovation énergétique.
« D’une part, elles comportent la souscription indue de crédits à la consommation présentés aux ménages comme inséparables de l’offre de travaux vendue par des professionnels.
« Suivant l’état des lieux dressé par la DGCCRF, les fraudes portent également sur la méconnaissance des règles applicables au crédit affecté qui protègent les consommateurs contre des engagements abusifs. Les pratiques litigieuses peuvent porter sur les informations relatives aux échéances de crédit, au montant et au report des échéances, au taux annuel effectif global (TAEG) ou encore sur les conditions de rétractation. Ce faisant, de telles pratiques conduisent à dissimuler aux consommateurs la portée des engagements financiers inhérents à la souscription d’un emprunt pour des travaux de rénovation énergétique.
« Les témoignages apportés à la mission font également état de discours commerciaux tendant à faire croire aux ménages qu’ils effectuent une opération blanche, les gains énergétiques obtenus permettant prétendument de compenser les sommes engagées, notamment le coût du remboursement des échéances de prêt.
« D’autre part, il existe des tentatives de captation des soutiens publics destinés à encourager les travaux de rénovation énergétique des logements.
« Les porteurs de projets peuvent ainsi subir des escroqueries. Suivant le descriptif établi par la DGCCRF, ces dernières peuvent revêtir des formes assez diverses qui comprennent notamment l’utilisation de la signature numérique des clients pour la dupliquer sur l’ensemble des documents nécessaires à l’obtention des primes et aides ; le rachat de crédits en cours par des éco-prêts à taux zéro présentés comme plus attractifs financièrement ou encore l’escroquerie au faux chèque.
« Au-delà, certaines pratiques frauduleuses reposent sur le détournement des conditions fixées pour le bénéfice ou l’accès à certaines aides ou certains dispositifs publics. Le risque existe notamment pour MaPrimeRénov’ ou les certificats d’économies d’énergie dont l’obtention suppose la réalisation d’un gain énergétique mesuré par un audit ou une évaluation préalables.
« D’après les analyses convergentes des services de l’État et d’acteurs reçus par la mission, les procédés consistent notamment à surévaluer l’impact des travaux de rénovation énergétique afin d’accroître les montants obtenus ou de bénéficier de bonus. À cet effet, les auteurs de fraude majorent artificiellement soit la consommation énergétique conventionnelle d’un logement avant travaux – par des hypothèses de calcul délibérément faussées –, soit le gain énergétique obtenu après la rénovation, ou encore les surfaces qui en font l’objet.
« Suivant les constats établis par la DGCCRF, les méthodes employées aux fins de détournement du dispositif des C2E comportent par ailleurs : la déclaration de faux chantiers ou bien la propension à surévaluer des chantiers, afin d’obtenir indûment des certificats supplémentaires ; la perception de la prime afférente aux CEE sans reversement de sa totalité à des clients, certaines entreprises mettant en avant un accès prioritaire au portail internet sur lequel doivent être déposés les dossiers de demandes de primes liées aux C2E afin d’accélérer leur instruction ; l’annonce de la fin imminente de coups de pouce à la réalisation de certains travaux, afin de créer un sentiment d’urgence et de pousser les clients à signer un devis de travaux.
« Un encadrement des prestations et des garanties à étoffer.
« À l’évidence, l’établissement du climat de confiance nécessaire à l’accélération de la rénovation énergétique des bâtiments impose de protéger la filière du BTP des effets désastreux que peut produire la publicité donnée aux malfaçons et aux fraudes. Dans cette optique, il importe de donner aux professionnels les moyens d’attester de leurs compétences et aux porteurs de projets d’exiger une certaine qualité des prestations. À cet effet, les rapporteures estiment qu’il conviendrait de travailler sur trois axes : en premier lieu, la portée des certifications et des labels ; en second lieu, l’efficacité des contrôles ; en dernier lieu, les obligations de résultat dans la conduite des chantiers.
« Assurer la pertinence des normes et labels au regard des exigences de la rénovation énergétique des bâtiments.
« D’une part, la qualité des prestations en matière de rénovation énergétique des bâtiments suppose de veiller à une certaine homogénéisation des règles de l’art auxquelles doivent se conformer les professionnels.
« En pratique, il convient que la définition des gestes attendus des professionnels permette de répondre aux standards et aux objectifs de la stratégie française pour l’énergie et le climat. Comme précédemment observé, la réalisation de cet objectif devrait sans doute donner lieu à une actualisation des textes normatifs qui, telle la réglementation environnementale RE2020, contiennent des prescriptions quant au choix des équipements dans la construction ou la rénovation d’immeubles.
« Au-delà, on ne peut exclure que les exigences propres à une rénovation globale performante ne conduisent à revoir les savoir-faire et les compétences qui déterminent la délivrance de certifications professionnelles. Celles-ci procèdent d’organismes compétents par filière de métiers, à l’instar de Qualibat, de Qualifelec ou Effinergie, sur la base de textes réglementaires sectoriels. La standardisation des gestes attendus des professionnels passe en outre par la détermination des non-conformités qui peuvent être identifiées dans le cadre des audits des prestations propres à chaque métier.
« Les travaux de la mission ne portent pas à conclure à l’inadaptation des normes professionnelles applicables aux métiers susceptibles d’intervenir dans la rénovation énergétique des bâtiments. Cela étant, il ne paraît pas inutile que l’État et les ordres professionnels veillent à ce que les règles de l’art, ainsi que les normes qui conditionnent la certification professionnelle intègrent pleinement les exigences de la rénovation globale performante ». (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Chers collègues, je vous signale que ce rapport dans lequel, figurent, noir sur blanc, des pistes d’amélioration, a été adopté à la quasi-unanimité : seul le Rassemblement national ne l’a pas adopté.
Je poursuis ma lecture : « Suivant l’observation de la Fédération française du bâtiment (FFB), l’identification des entreprises frauduleuses constitue une voie d’amélioration dans le fonctionnement du dispositif…
M. Matthias Renault
Vous avez sauté des lignes !
Mme Julie Laernoes
« Aussi, dans cette optique, les rapporteures proposent-elles de créer un fichier central des fraudes accessibles aux organismes de qualification. Sous réserve d’un examen de ses implications juridiques, cet outil pourrait présenter au moins deux avantages : premièrement, compléter les informations dont disposent les organismes ; deuxièmement, lutter contre les cas d’usurpation du label RTE dont ont pu faire état les associations de protection des consommateurs ».
La vingt-neuvième proposition du rapport était donc de créer un fichier central des entreprises ayant commis des fraudes, accessible aux organismes de qualification. Je vous rappelle que la ministre Létard nous a réunis sur la question de la suspension de MaPrimeRénov’ cette semaine. Nous avons été à un certain nombre de parlementaires à assister à cette réunion, et la demande de création d’un fichier central des entreprises ayant commis des fraudes est toujours d’actualité ; elle est d’ailleurs réclamée par la filière elle-même pour améliorer les contrôles.
Je reprends : « S’agissant des services de l’État, l’enjeu réside dans la capacité de la DGCCRF à appréhender des pratiques frauduleuses qui connaissent des évolutions rapides et peuvent susciter des préjudices importants.
« Cette croissance tient à l’importance des litiges dont peut être saisie la DGCCRF mais aussi à des priorités définies en considération d’un taux d’anomalies significatif parmi les entreprises contrôlées.
« Suivant les réponses au questionnaire de la mission, les taux d’anomalies relevés… (L’oratrice hésite.)
M. Julien Rancoule
Elle ne sait même pas ce qu’elle lit !
Mme Julie Laernoes
« …oscillent ainsi, selon les années, entre 49 % et 56 % sur la période comprise entre 2014 et 2022. Par ailleurs, on a pu observer une augmentation des suites apportées par les services de la DGCCRF entre 2014 et 2018, année pendant laquelle elles ont atteint un pic. […]
« Compte tenu de l’évolution du nombre des plaintes reçues, la DGCCRF a formalisé, depuis 2019, un plan de surveillance pluriannuel renforcé, marquant l’attention accordée aux pratiques frauduleuses qui peuvent affecter le secteur de la rénovation énergétique. La programmation en vigueur prévoit la réalisation de 1 200 visites d’établissements dans le secteur en 2023, soit un objectif en hausse par rapport au nombre de contrôles effectués en 2022.
M. Alexandre Allegret-Pilot
C’est pitoyable !
Mme Julie Laernoes
« D’après l’analyse de ses représentants, l’action de la DGCCRF donne lieu aussi à un renforcement de la coopération sur les dossiers de fraudes dans le domaine de la rénovation énergétique des bâtiments avec les principaux services compétents. Il s’agit notamment du Pôle national des certificats d’économies d’énergie (PNCEE), de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), de la direction générale des finances publiques (DGFIP), de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ou de l’Agence de la transition écologique (Ademe). »
M. Frédéric Falcon
On supprime tout !
Mme Julie Laernoes
« La complexification des fraudes et la hausse du nombre des litiges relatifs à la rénovation énergétique des bâtiments peuvent conduire à s’interroger sur les ressources que la DGCCRF peut consacrer à la surveillance du secteur, alors que le traitement des nouveaux enjeux de la transition écologique et du commerce électronique contribue à l’accroissement de son activité.
« Aussi les rapporteures estiment-elles qu’il conviendra de donner à la DGCCRF les moyens de poursuivre son action dans la surveillance du secteur de la rénovation énergétique des bâtiments par un renforcement de ses effectifs dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2024.
« Dans cette même optique, il pourrait être utile de renforcer les moyens et effectifs du Pôle national des certificats d’économies d’énergie (PNCEE), chargé de la supervision et du pilotage du dispositif des C2E…
M. Antoine Armand, rapporteur
Monsieur le président, on peut peut-être laisser la lumière allumée et aller dîner ?
Mme Julie Laernoes
« Ainsi que le confirment les éléments recueillis par la mission, la mise en œuvre de cet instrument de financement de la rénovation énergétique peut donner lieu à des pratiques frauduleuses qui altèrent la confiance des ménages. Il s’agit donc de répondre également à un enjeu de protection des consommateurs.
« Au-delà, les enjeux qui entourent le volume des ressources mobilisées par les C2E justifieraient que les instances de pilotage du dispositif soient ouvertes à des parlementaires… » (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Cela devrait vous intéresser, le rapport demande que les parlementaires intègrent les instances de pilotage des C2E, ce qui est exactement l’objet du débat. Excusez-moi de me reporter aux faits exposés par les rapports que, visiblement, vous méconnaissez, ou plutôt que vous n’avez pas lus ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.)
La proposition no 30 du rapport est donc la suivante…
M. le président
Madame Laernoes, je me permets de vous interrompre. Il est vingt heures ; peut-être pourriez-vous poursuivre lors de la prochaine séance ? La journée est un peu particulière : je remercie l’Assemblée pour son flegme, mais je crois que la patience des uns et des autres s’épuise. Je propose donc que nous fassions une pause.
Mme Julie Laernoes
Très bien, monsieur le président.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi portant programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra