Deuxième séance du jeudi 24 octobre 2024
- Présidence de Mme Nadège Abomangoli
- 1. Projet de loi de finances pour 2025
- Première partie (suite)
- Après l’article 3 (suite)
- Amendements nos 884, 880, 871, 1474, 2689 et 3130
- M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
- Amendements nos 548, 2615, 3133 rectifié et 3274
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Amendements nos 2809, 1870, 1872, 468 rectifié, 3409, 2612, 910, 2552, 3417, 1458, 3080 et 916, 919
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Rappels au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Amendements nos 1044, 1184, 848, 1386, 850, 1017, 1016, 316, 1267 et 1313, 1397, 2664, 2849
- Suspension et reprise de la séance
- Amendements nos 1237, 1039, 1264, 326, 1036, 1312, 1396, 1836, 2848, 3247, 3248, 1148, 1146, 2799, 1150, 2670, 1253, 134, 137, 136, 135, 138, 1529, 3595, 174, 439, 2297, 2627, 2626, 1543, 1581, 3286, 582, 143, 2616, 470, 2617, 2621, 1134, 1135 et 2628 rectifié
- Présidence de Mme Clémence Guetté
- Amendements nos 1874, 471, 3676, 2597, 2598, 261, 473 rectifié, 1488 rectifié, 2534, 3128, 1400, 1767, 1572, 1288, 34, 1883, 2205 et 3471, 3477
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 3 (suite)
- Première partie (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Projet de loi de finances pour 2025
Première partie (suite)
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (nos 324, 468).
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 884 portant article additionnel après l’article 3.
Après l’article 3 (suite)
Mme la présidente
Je suis saisie de six amendements, nos 884, 880, 871, 1474, 2689 et 3130, pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur ces amendements nos 871, 1474, 2689 et 3130, qui sont sont identiques, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
(Les amendements nos 884 et 880 de Mme Christine Pirès Beaune sont retirés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune, pour soutenir l’amendement no 871.
Mme Christine Pirès Beaune
Celui-ci, évidemment, je ne le retirerai pas. Nous avons adopté ce dispositif à plusieurs reprises lors de l’examen de précédents projets de loi de finances (PLF). Cela m’a d’ailleurs valu une mission visant à évaluer les dispositifs destinés à limiter le coût de la prise en charge en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, confiée par Élisabeth Borne. J’ai rendu mon rapport en juillet 2023.
En Ehpad, le reste à charge a flambé au cours des dernières années, notamment depuis le covid. Avec l’inflation qui touche les prix de l’énergie et de l’alimentation, le coût de l’hébergement devient un véritable problème.
Que faire pour vous convaincre, monsieur le ministre, sachant que presque tous mes collègues le sont déjà ? J’ai choisi de vous lire les courriers de résidents. Ainsi, celui d’un habitant de Châtel-Guyon. « Pour faire suite à mon entretien téléphonique avec Mme X [la directrice de l’Ehpad], je vous confirme ma décision de quitter votre établissement au plus vite. Cette décision est motivée par une facturation très au-dessus de mes rentrées pécuniaires. Cette situation ne peut donc pas sérieusement perdurer. »
Un autre courrier, d’un habitant de Charbonnières-les-Varennes : « Ne payant pas d’impôt sur le revenu, car trop pauvres, nos parents ne bénéficient d’aucune aide fiscale suite à leurs énormes dépenses. […] Ceux, plus riches, qui paient des impôts, bénéficient d’une réduction fiscale. »
J’arrêterai là parce que, des courriers, j’en reçois de la France entière…
La mesure que je propose est transitoire – elle ne s’appliquerait qu’en 2025 et 2026 – car nous devons conduire une réforme globale du reste à charge, et plus largement du système économique des Ehpad. Mais, en attendant, il n’est pas acceptable que, dans un même Ehpad, des résidents disposant d’une retraite de 3 000 euros – et qui n’auraient donc pas besoin d’une aide fiscale – bénéficient d’une réduction d’impôt – tant mieux pour eux –, quand des résidents qui ont moins de 1 000 euros de retraite ne bénéficient pas d’aide. Mon amendement est aussi une mesure de justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Stella Dupont et M. Laurent Mazaury applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Corentin Le Fur, pour soutenir l’amendement no 1474.
M. Corentin Le Fur
Je partage la position de Mme Pirès Beaune. Il serait opportun, par mesure d’équité, d’adopter nos amendements identiques.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Tout à fait !
M. Corentin Le Fur
Bien sûr, il faut une réforme globale et une grande loi sur l’autonomie et la vieillesse, mais s’il est indispensable de se pencher sur le financement de la cinquième branche, il est urgent d’agir car le modèle est à bout de souffle. Ainsi, dans ma circonscription, l’Ehpad La Clairière de Collinée, ou celui du Quillio, sont en déficit et connaissent une situation très préoccupante.
En attendant, traitons le problème du reste à charge. Dans ma circonscription, beaucoup de familles, avec de faibles revenus, ont beaucoup de mal à le payer. La situation pourrait évoluer si nous votions ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. David Taupiac, pour soutenir l’amendement no 2689.
M. David Taupiac
Je m’associe à la démarche de Mme Pirès Beaune et aux propos de M. Le Fur – les Ehpad sont effectivement en difficulté.
Le code général des impôts accorde une réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes dépendantes accueillies en établissement spécialisé. Cette réduction d’impôt s’élève à 25 % des dépenses engagées au titre de la dépendance et de l’hébergement pour les seules personnes dépendantes hébergées dans un établissement spécialisé, à l’exclusion des dépenses de soins, couvertes par la sécurité sociale.
Dans un rapport remis à la Première ministre en juillet 2023, Mme Pirès Beaune considère que la transformation de ce dispositif fiscal en crédit d’impôt le rendrait plus redistributif.
Notre amendement propose donc d’étendre le dispositif aux publics les plus fragiles, dans un objectif de justice sociale et de lutte contre les inégalités, en transformant en crédit d’impôt la réduction d’impôt susmentionnée.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l’amendement no 3130.
M. Jean-Philippe Tanguy
Tout a été dit, et très bien dit, par notre collègue Pirès Beaune. C’est son travail – je ne vais pas me l’attribuer. Je salue sa persévérance, et cette prise de conscience collective.
J’ai déposé un amendement similaire au sien puisqu’il y a deux ans, elle a retiré ce même amendement en faisant confiance à un gouvernement qui ne le méritait pas – ce dont je l’avais prévenue. Bien entendu, si elle maintient son amendement, je retirerai le mien puisqu’il faut rendre à César ce qui appartient à César. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
La commission des finances a adopté cet amendement. Notre collègue Pirès Beaune plaide en ce sens depuis des années.
Si je ne peux être insensible à l’objectif de notre collègue, je me dois de rappeler en tant que rapporteur général que la mesure coûterait 880 millions d’euros. Comment la finance-t-on ? Doit-on revenir sur le crédit d’impôt services à la personne (Cisap), actuellement de 50 % ? Doit-on revoir les 25 % de réduction d’impôt pour frais d’hébergement dans les établissements pour personnes dépendantes ? Il serait intéressant que Mme Pirès Beaune nous précise comment elle compte financer ce nouveau dispositif.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Je compléterai les propos que j’ai tenus ce matin. Je remercie Christine Pirès Beaune pour son travail, et le rapport qu’elle a rendu au Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et EPR.)
Vous avez bien exposé le problème. J’observe, et je comprends, le large consensus autour de ce dispositif au sein de l’Assemblée. Mais on ne peut analyser le financement de la dépendance et du reste à charge par le seul tropisme fiscal. J’émettrai donc un avis défavorable sur tous ces amendements. (Mme Marie-Noëlle Battistel s’exclame.)
Mme Dalloz l’a rappelé ce matin, il nous faut analyser tous les paramètres : les aides sociales, mais aussi tous les dispositifs fiscaux en jeu – et ils sont nombreux.
Mme Dominique Voynet
On attend le projet de loi sur le grand âge depuis 2017 !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
En outre, je suis d’accord avec le rapporteur général, nous ne pouvons pas faire fi – je ne le ferai pas – du financement de cette transformation.
Le débat sur l’équité d’une réduction d’impôt par rapport à un crédit d’impôt, qui ne bénéficie qu’aux citoyens payant l’impôt sur le revenu (IR), est tout à fait légitime.
Je reconnais également que la proposition de Mme Pirès Beaune est l’équivalent d’une rustine, mais je ne souhaite pas qu’elle soit adoptée, même pour deux ans.
Je préfère que nous avancions rapidement sur le financement de la cinquième branche et, en son sein, sur celui des Ehpad ainsi que du reste à charge.
C’est pourquoi, je le répète, mon avis est défavorable. Il nous faut accélérer, de façon systémique et résolue. Un crédit d’impôt ne serait pas une solution saine, ni en termes de pilotage de la dépense, ni pour nos finances publiques.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Une précision : l’avantage fiscal dont nous débattons coûte actuellement 250 millions ; l’amendement de Mme Pirès Beaune et les amendements identiques coûteraient 880 millions, j’y insiste. Comment est-ce possible ? Tout simplement parce que beaucoup de résidents d’Ehpad ne sont pas imposables.
Il semble difficile de financer une telle mesure avec les seuls 250 millions du dispositif. On peut éventuellement la financer en réformant le Cisap ou un autre dispositif. Mais, soyons clairs, il est toujours ennuyeux de voter des amendements qui posent des problèmes de fond sans réforme d’ensemble. (M. Marc Pena s’exclame.)
Mme Marie-Noëlle Battistel
Cela fait des années que ça dure !
M. Pierre Pribetich
Cela fait sept ans !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Bien sûr, nous sommes un peu bloqués par le mécanisme budgétaire, mais je tenais à vous rappeler avant le vote qu’il faut toujours financer ce qu’on dépense.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Évidemment, je ne retirerai pas l’amendement. Je remercie les collègues qui ont déposé un amendement identique, et vous invite à adopter notre dispositif. Le rapport a été remis en juillet 2023. Il proposait des solutions dont le Gouvernement aurait pu s’emparer.
Monsieur le ministre, quand je parle de reste à charge, il s’agit bien du reste à payer par le résident après déduction de toutes les aides. Aujourd’hui, 76 % des résidents ne disposent pas de revenus leur permettant de couvrir ces dépenses, malgré l’aide personnalisée au logement (APL) et malgré l’aide sociale à l’hébergement (ASH) !
À l’inverse, d’autres résidents, dont les revenus leur permettent d’y faire face, disposent malgré tout d’une réduction d’impôt. Il ne s’agit pas de la supprimer, mais d’ouvrir cet avantage fiscal à tous, en transformant la réduction d’impôt en crédit d’impôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Stella Dupont.
Mme Stella Dupont
Je suis cosignataire de l’amendement no 254 de M. Buchou, mais j’ai manqué de réactivité tout à l’heure lorsqu’il a été appelé. Le travail constant de Mme Pirès Beaune justifie que nous votions enfin pour ce crédit d’impôt. C’est une question de justice et d’équité.
Pourquoi repousserions-nous encore notre décision ? Cela n’a plus de sens. Cela fait sept ans que nous avons été élus, sept ans que je travaille sur ce sujet et que j’entends parler de ce problème.
Le dispositif et son financement ont été élaborés avec sérieux. Arrêtons de procrastiner et votons, je l’espère, d’une seule voix. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
J’entends les arguments de Mmes Dupont et Pirès Beaune. J’espère que vous me pardonnerez de faire preuve d’orthodoxie fiscale et budgétaire – c’est un peu mon rôle. Il me semble baroque de créer un crédit d’impôt à destination des Français non imposables.
J’entends que c’est temporaire.
Il faut que nous choisissions avec soin le véhicule et les outils appropriés. J’ai bien conscience de ne pas vous apporter pour le moment de solution parallèlement à cette réponse. En tant que législateurs, qu’artisans de la loi et de la fiscalité, vous devez toutefois rester très vigilants quant au message qu’envoient la fiscalité en général et chaque outil fiscal en particulier. Pour financer votre proposition, vous proposez de raboter le crédit d’impôt services à la personne (Cisap), en le réduisant de 50 % à 40 ou 45 %. Qu’une réflexion soit menée sur le panier de services, cela me paraît parfaitement légitime ; il est sain de vous demander toujours quel type d’incitation est le plus approprié. Attention cependant : il est démontré que ce que vous proposez pour compenser le coût de votre mesure, à savoir réduire le taux de l’abattement, encourage le recours au travail au noir. Le point de bascule se situe précisément dans le delta entre l’abattement actuel de 50 % et celui que vous proposez, de 40 % – or personne ici ne souhaite encourager le travail au noir.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 871, 1474, 2689 et 3130.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 192
Nombre de suffrages exprimés 190
Majorité absolue 96
Pour l’adoption 165
Contre 25
(Les amendements identiques nos 871, 1474, 2689 et 3130 sont adoptés.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP, SOC, dont certains députés se lèvent, et des groupes EcoS, Dem, LIOT et GDR.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 548 et 2615.
La parole est à M. Nicolas Bonnet, pour soutenir l’amendement no 548.
M. Nicolas Bonnet
Nous souhaitons instaurer un crédit d’impôt à destination des familles ultramarines contraintes de se rendre en France hexagonale pour permettre à leur enfant de bénéficier de soins médicaux ne pouvant être prodigués sur leur territoire.
Dans un rapport de 2014, la Cour des comptes a souligné les difficultés persistantes qui touchent les services et systèmes de santé des territoires dits d’outre-mer, au risque de compromettre l’égalité des chances en matière d’accès aux soins. Ces territoires sont pourtant particulièrement exposés aux pollutions environnementales – chlordécone dans les Antilles, Asulox à La Réunion, mercure en Guyane. Les maladies chroniques – obésité, diabète, cancers – y sont plus répandues que dans l’Hexagone.
Pourtant, ces territoires continuent de souffrir d’un manque de structures adaptées, de spécialistes et de matériel. La précarité des systèmes de santé ultramarins constitue non seulement une rupture d’égalité dans l’accès aux soins pour les citoyens, mais aussi un surcoût pour les familles des patients qui doivent se rendre dans l’Hexagone pour se faire traiter. Cette situation n’est pas acceptable.
En attendant que les pouvoirs publics apportent les réponses nécessaires pour améliorer les systèmes de santé ultramarins, les écologistes souhaitent au moins, grâce à ce dispositif, soutenir les parents qui accompagnent leurs enfants pour des soins ne pouvant être prodigués sur leur territoire. Je vous invite à soutenir cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.)
Mme la présidente
L’amendement no 2615 de Mme Estelle Youssouffa est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Les auteurs de l’amendement veulent créer un crédit d’impôt pour les résidents ultramarins devant se rendre en France hexagonale pour des raisons médicales. Il me semble que la commission a émis un avis défavorable sur un amendement similaire.
Le crédit d’impôt n’est pas l’outil le plus approprié, puisqu’il n’est versé qu’en n + 2. Comment les parents peuvent-ils financer le coût des déplacements pendant ces deux années ? Il faut plutôt chercher une solution budgétaire, au titre de l’aide sociale ou de l’action sanitaire et sociale des caisses d’assurance maladie, notamment en examinant la possibilité de cumuler l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) et la majoration de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) pour les parents résidant dans un territoire d’outre-mer, Corse comprise, et qui se rendent dans l’Hexagone pour y faire soigner leur enfant. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce sera le même avis défavorable que celui du rapporteur général, et pour les mêmes raisons. À ce stade des débats, je souhaiterais vous appeler à faire preuve de vigilance. Toutes vos propositions de nouvelle dépense fiscale sont justifiées. Cependant, notre objectif de réduction du déficit public ne sera pas atteint si nous réinstaurons trop de niches.
(Les amendements identiques nos 548 et 2615 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 3133 rectifié.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Avec les amendements précédents, nous avons beaucoup dépensé ; je vous propose à présent de faire des économies. Il y a deux ans, Mme Christine Pirès Beaune a obtenu que nous sachions à quelles fins était utilisé le Cisap, crédit d’impôt de 50 % qui coûte 6,1 milliards. Je vous propose d’exclure du champ de ce crédit d’impôt certaines rubriques : les travaux de petits bricolages, plafonnés à 500 euros par an, coûtent 18 millions par an ; la préparation de repas à domicile – le saviez-vous ? Pour votre anniversaire, vous pouvez faire venir chez vous un bon cuisinier…
Mme Dieynaba Diop
On en découvre tous les jours !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ah, vous découvrez cette possibilité ? Elle coûte 12 millions. Je propose aussi d’exclure le soin et la promenade d’animaux de compagnie des personnes dépendantes et la conduite de véhicule des personnes en cas d’invalidité temporaire, deux crédits d’impôt dont le coût est négligeable. Cette révision du Cisap rapporterait donc 18 + 12, soit 40 millions.
Plusieurs députés des groupes RN et UDR
Non, cela fait 30 millions !
M. Emeric Salmon
Monsieur le rapporteur général, cette erreur m’inquiète !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Avec cet amendement, je souhaite aussi lancer une réflexion pour mieux définir le périmètre de ce crédit. Les économies réalisées seraient en effet très modestes au regard du coût global du dispositif.
La commission n’a pas examiné cet amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Arnaud Saint-Martin
Comme je l’ai dit plus tôt, je ne peux pas être foncièrement opposé à la volonté du rapporteur général de retravailler le panier de services pour le rendre le plus pertinent possible par rapport aux besoins. Notons qu’il est question de montants somme toute faibles. M. Labaronne défendra un amendement allant dans le même sens et le principe général me paraît de salubrité financière publique.
J’ignore si les services que vous avez cités sont ceux qu’il faut viser. Nous devons toujours prêter attention aux conséquences d’une suppression du crédit pour les personnes dépendantes – je pense notamment aux repas à domicile ; certains besoins sont réels. Mais je ne peux qu’approuver le principe qui consiste à passer en revue les services pour s’assurer que l’incitation fiscale est bien dirigée. Avis de sagesse.
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Je m’opposerai à cet amendement. Monsieur le rapporteur général, le crédit d’impôt pour services à la personne est une soupape de décompression pour les classes moyennes et les classes moyennes supérieures, pour les personnes qui se trouvent en situation de vulnérabilité et qui paient beaucoup d’impôts. Notre système fiscalo-social est très redistributif. Hier, le ministre a fait référence à une étude de l’Insee qui montre que si les ménages aisés disposent de revenus dix-huit fois supérieurs à celui des ménages pauvres avant redistribution, l’écart n’est plus que de trois à un avec notre système fiscalo-social.
Mais il n’y a pas de miracle : beaucoup de cadres, de membres des classes moyennes et des classes moyennes supérieures contribuent massivement à ce système de redistribution. Le crédit d’impôt services à la personne sert donc de soupape de décompression fiscale. De grâce, ne découragez pas les Français qui travaillent, ne découragez pas la classe moyenne !
En outre, sortir du périmètre du crédit d’impôt les services aux personnes dépendantes me paraît en totale contradiction avec ce que nous avons voté par ailleurs : faire des économies à leurs dépens n’est pas une bonne chose. S’il convient évidemment de lutter contre les usages abusifs de ce crédit d’impôt, ce que propose régulièrement notre collègue Daniel Labaronne, il faut veiller à préserver cette dépense fiscale parce que les contribuables de la classe moyenne commencent à en avoir ras le bol. (Mme Sandra Marsaud applaudit.)
Mme la présidente
Merci, monsieur Lefèvre. Veillez à ne pas dépasser une minute par intervention.
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Je rejoins M. Lefèvre. Notre système n’est certes pas exempt de gabegie, mais votre mesure ne permettrait de gagner que quelques millions d’euros, tout en gênant des gens qui ont besoin d’être véhiculés alors qu’ils sont en invalidité temporaire. Le vrai problème, c’est que votre proposition encouragera le travail au noir. Je suis pour revoir le dispositif, mais la refonte doit être globale pour éviter les effets de bord absurdes, sans quoi nous ne ferons que gêner les Français pour un bénéfice nul.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Voyez-vous, notre débat est très amusant : personne ne veut faire bouger quoi que ce soit, mais il faudrait toujours faire plus.
M. Philippe Juvin
Non, c’est faux ! Aucune subtilité !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je précise que la préparation de repas à domicile, ce n’est pas la livraison, qui est maintenue dans le périmètre : cela consiste à demander à quelqu’un de venir chez vous pour vous préparer un bon dîner. Pourquoi pas, mais cela mérite-t-il un crédit d’impôt de 50 % ? Je vois que certains collègues viennent de découvrir cette possibilité qui les laisse rêveurs ! Le crédit d’impôt est globalement plafonné à 12 000 euros, mais, s’agissant des travaux de petit bricolage, les dépenses visées ne peuvent excéder 500 euros – le crédit d’impôt est donc plafonné à 250.
M. Emeric Salmon
Ben justement !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Quant au soin et à la promenade d’animaux de compagnie – quand on en arrive là, on se pose des questions !
Je suis prêt à retirer mon amendement si M. le ministre s’engage à faire un toilettage. Je sais que Mme Christine Pirès Beaune s’accordera avec moi pour dire que c’est nécessaire : il serait intéressant d’écouter ce qu’elle a à dire.
Nous ne pouvons pas élargir continuellement le périmètre des crédits d’impôt. Et cependant, quand on propose de les réduire un peu, les plus ultralibéraux d’entre nous s’y opposent formellement, en invoquant les classes moyennes – les classes moyennes ! (MM. Laurent Jacobelli, Daniel Labaronne et Mathieu Lefèvre s’exclament.) S’agissant des travaux de petit bricolage, peut-être, mais sur la préparation des repas à domicile… Avez-vous déjà utilisé cette disposition, monsieur Lefèvre, pour fêter votre anniversaire avec un bon cuisinier ? À un moment, trop, c’est trop ! Autrefois la liste comprenait même le coaching, qui a été écarté par la suite. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Ce ne sont pas les classes moyennes qui ont recours au coaching !
Mme Sandra Marsaud
Vous l’avez fait, vous ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
L’amendement est intéressant, mais je pense que M. le rapporteur général devrait le retirer.
M. Philippe Juvin
Très bien !
Mme Christine Pirès Beaune
Nous avons besoin d’étudier beaucoup plus finement les activités à retirer. L’entretien ménager représente 50 % des dépenses occasionnées par ce crédit, soit 3 milliards, le jardinage, 16,9 %, donc beaucoup plus que 18 millions : une erreur doit se nicher dans le calcul.
M. Philippe Juvin
Bravo !
Mme Christine Pirès Beaune
Je vous propose que l’on s’en tienne à l’amendement no 2552, qui tend à réduire le crédit d’impôt de service à la personne dans certains cas, afin de compenser le coût engendré par la transformation en crédit d’impôt de la réduction d’impôt pour les frais d’hébergement liés à la dépendance (Mmes Dieynaba Diop et Dominique Voynet applaudissent) – cette idée m’a été soufflée par le rapporteur général et je l’en remercie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil
Monsieur le rapporteur général, 250 euros, c’est beaucoup pour certains. Je ne comprends pas pourquoi vous balayer cette somme d’un revers de main : certains sont à 250 euros près. Les petits travaux sont souvent effectués pour des personnes âgées qui ne peuvent pas changer une ampoule ou monter un meuble – il s’agit d’un vrai besoin. Je ne comprends donc pas votre position. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je vais retirer l’amendement, qui avait pour but principal de faire la démonstration que l’hémicycle est principalement composé de conservateurs ! (Mme Alma Dufour applaudit.)
M. Emmanuel Mandon
Exactement, il a raison !
M. Charles de Courson, rapporteur général
J’aime bien faire un peu de provocation de temps à autre, cela aide la réflexion ! Je vais certes retirer mon amendement, mais je prends au mot Mme Christine Pirès Beaune et beaucoup d’autres quant à la nécessité de toiletter le texte. Nous verrons comment essayer de recalibrer ce crédit d’impôt – le deuxième par ordre d’importance des 440 crédits et réductions d’impôt –…
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cela vaut en effet pour toutes les niches !
M. Charles de Courson, rapporteur général
…que ce soit en déposant des amendements dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, ou au sein de la commission des finances. Merci, mes chers collègues, pour vos réactions !
(L’amendement no 3133 rectifié est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l’amendement no 3274.
Mme Danielle Simonnet
S’il est important, pour la justice sociale, de se demander qui peut bénéficier d’un crédit ou d’une réduction d’impôt, et pour quelle activité, nous devons également nous pencher sur le statut et le niveau de rémunération de celles et ceux qui accomplissent ces services, comme l’aide à domicile, le ménage, le soutien scolaire ou la garde d’enfant. Lorsqu’ils sont rémunérés par l’intermédiaire du Cesu, le chèque emploi service universel, les cotisations sociales, salariales et patronales seront comptabilisées, par exemple, dans le calcul de la retraite. Ce n’est pas le cas en revanche avec l’ubérisation, ce système de plateformes en plein développement, dans lequel les travailleurs sont contraints d’adopter le statut d’autoentrepreneur qui, non seulement permet à la plateforme de prélever sa marge sur la rémunération mais qui, en plus, ne donne pas les mêmes droits sociaux que le Cesu.
J’estime que le crédit ou la réduction d’impôt n’ont pas à rémunérer celles et ceux qui ne garantissent pas les droits sociaux des travailleurs. C’est l’esprit de cet amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission n’a pas examiné cet amendement, qui exclut les autoentrepreneurs du champ du crédit d’impôt, alors que ces derniers représentent un tiers d’entre des fournisseurs de services à la personne. Cela me paraît tout à fait excessif.
Il me semble que le problème que vous soulevez relève moins du domaine fiscal que des procédures de contrôle de l’autoentreprenariat, qui s’est en effet beaucoup développé, que vous le vouliez ou non. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Il faut bien comprendre que, la plupart du temps, travailler sous le statut d’autoentrepreneur n’est pas un choix. C’est souvent imposé par un donneur d’ordres qui préfère ce dispositif, moins cher pour lui que le Cesu.
Si nous avons créé le Cesu, c’est précisément pour accorder les mêmes droits sociaux à ceux dont le travail est proche, dans les faits, de celui d’un travailleur indépendant.
Mme Véronique Louwagie
Mais ce n’est pas ce que vous dites dans votre amendement !
Mme Danielle Simonnet
Or ce sont ces mêmes travailleurs que les plateformes surexploitent en pratiquant un salariat déguisé. C’est le sens de la directive européenne sur le travail de plateforme, que la France a un an et demi pour transposer dans son droit national et qui instaure une présomption de salariat dès lors que la relation de subordination existe entre la plateforme et le salarié.
Respectons la directive et finissons-en avec toutes les situations où le crédit d’impôt ne sert finalement qu’à valider la surexploitation illégale des travailleurs, en autorisant un salariat déguisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Olivia Grégoire.
Mme Olivia Grégoire
Même si je n’y souscris évidemment pas, l’amendement de Mme Simonnet a le mérite d’introduire les travailleurs indépendants dans le débat. Cela étant dit, vous parlez de la surexploitation des autoentrepreneurs par les plateformes. Permettez-moi de vous répondre, sans esprit polémique et avec tout le respect que je vous dois, que le travail indépendant a connu ces dix dernières années, avec une croissance de plus de 145 %, un véritable boom. Contrairement à ce que vous dites, il n’est pas toujours subi, et certains adoptent le statut d’autoentrepreneur dans l’idée de se développer pour, ensuite, devenir artisan ou créer leur entreprise.
Mme Danielle Simonnet
Je parle d’aide à domicile et de ménage !
Mme Olivia Grégoire
J’ai bien compris. C’est un sujet que je maîtrise un peu pour m’en être occupée pendant quatre ans en tant que ministre… Mais dans des secteurs comme celui des cafés, hôtels, restaurants (CHR), certains font le choix de l’autoentrepreneuriat, et, compte tenu de la pénurie de main-d’œuvre, pardonnez-moi d’être politiquement incorrecte, mais on est bien contents de les trouver.
Mme Danielle Simonnet
Ce n’est pas ce dont on parle !
Mme Olivia Grégoire
Tous les autoentrepreneurs ne sont pas surexploités et tous ne subissent pas ce statut. Certains l’ont choisi, même au prix d’une moindre protection sociale.
Mme Danielle Simonnet
On parle des femmes de ménage !
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Comme l’a indiqué M. Juvin, le crédit d’impôt a été imaginé pour lutter contre le travail au noir. Or il est paradoxal qu’en voulant éliminer le travail au noir, on crée en réalité une catégorie de travailleurs sous-payés qui vont directement faire concurrence aux indépendants et aux artisans déclarés, lesquels, eux, paient des cotisations. C’est une véritable course à l’échalote !
Olivia Grégoire parle du choix de l’autoentrepreneuriat. Je prendrai, à titre d’exemple, le cas d’une enseigne de bricolage – je tairai son nom – qui propose à ses clients d’avoir recours à un autoentrepreneur pour réaliser chez eux des travaux d’installation, à des prix défiant évidemment la concurrence d’artisans dûment déclarés, lesquels paient leurs cotisations. C’est évidemment intéressant pour l’enseigne mais également pour celui qui réalise les travaux et qui n’a que cette solution pour travailler, ce qui l’oblige à adopter le statut d’autoentrepreneur pour correspondre aux critères requis par l’enseigne.
Au-delà du fait que ce sont des rentrées en moins pour la sécurité sociale, ce système alimente une course incessante à la baisse des rémunérations. Il y a là un vrai problème de fond. J’ignore si cet amendement est la solution pour le résoudre, mais le crédit d’impôt destiné à certains services ne doit pas, en réalité, servir à concurrencer les artisans déclarés ni à payer toujours moins cher des prestations qui ont un juste prix.
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Nous sommes évidemment contre cet amendement qui pose la question des autoentrepreneurs. En effet, votre proposition, madame Simonnet, est une condamnation du mécanisme mis en place par Hervé Novelli.
Mme Danielle Simonnet
Oh oui !
Mme Véronique Louwagie
À l’époque, comme le rappelait Philippe Juvin, c’est un dispositif qui a libéré les énergies…
M. Jean-François Coulomme
Ah, vous les avez libérées, les énergies !
Mme Véronique Louwagie
…comme ont contribué à libérer les énergies le dispositif Dutreil, que vous voulez également remettre en cause, ou le dispositif Madelin auquel vous ne semblez pas vouloir toucher.
Mme Danielle Simonnet
Oh, si !
Mme Véronique Louwagie
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez semblé dire que les artisans n’étaient pas favorables à ce dispositif. Mais si ! La chambre de métiers et de l’artisanat est favorable au dispositif des autoentrepreneurs, tout en exigeant certains contrôles, notamment en matière de contrats d’assurance responsabilité.
Le monde économique n’est pas défavorable à ce dispositif, et il est important de laisser aux gens la liberté d’exercer leur activité comme ils l’entendent. En revanche, vous avez raison, s’il y a des abus ou des effets de bord, il faut lutter contre eux, et je veux bien vous entendre sur ce sujet. Mais, en l’occurrence, ce n’est pas l’objet de cet amendement, contre lequel nous voterons.
(L’amendement no 3274 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Karim Benbrahim, pour soutenir l’amendement no 2809.
M. Karim Benbrahim
J’espère que cet amendement saura nous rassembler puisqu’il a pour but de contribuer à sauver des vies, en créant un crédit d’impôt pour le financement d’une formation aux gestes de premiers secours.
Face à un accident ou un malaise, la réalisation des gestes de premiers secours est essentielle pour sauver des vies ou diminuer les risques de séquelles graves. La prise en charge rapide d’une victime d’accident ou de malaise permet en effet d’augmenter significativement ses chances de survie. Pourtant, en France, une trop faible part de la population est formée à ces gestes qui sauvent. Le taux de formation de la population française est parmi les plus bas d’Europe.
Cet amendement, qui vise à favoriser la participation aux formations aux gestes de premiers secours, permettra un double gain : il sauvera des vies et il allégera la charge que représente pour les finances publiques le traitement des séquelles les plus graves. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson
Cet amendement n’a pas été examiné en commission. À titre personnel, j’y suis défavorable. En effet, la formation aux premiers secours n’est pas un service à la personne, elle ne fait donc pas l’objet de travail dissimulé, pas plus qu’elle n’entre dans le cadre du Cisap. Elle relève d’une tout autre logique.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Mon équipe m’ayant confirmé que les cours à domicile étaient éligibles au crédit d’impôt, il me semble, monsieur le rapporteur général, qu’on peut parfaitement y inclure la formation aux premiers secours.
Mme Olivia Grégoire
Sous la forme de cours particuliers ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
S’il faut en effet revoir au cas par cas les dépenses éligibles, cet amendement est d’autant plus pertinent que nous avons besoin d’accélérer la formation de nos concitoyens aux premiers secours. Si ce sont des cours à domicile et que cela rentre dans le cadre du Cisap, je pense que c’est une bonne idée et que le coût en serait tout à fait acceptable au vu des montants qui ont été évoqués tout à l’heure. C’est donc un avis favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Pardonnez-moi de vous contredire, monsieur le ministre, mais la formation aux premiers secours n’est pas éligible, car les cours à domicile doivent concerner le soutien scolaire. Vous assimilez la formation à un cours, mais elle n’est en réalité pas couverte par le dispositif.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je ne dis pas qu’elle est couverte mais qu’elle est comparable à un cours !
M. Charles de Courson, rapporteur général
J’avais cru comprendre que vous penchiez vers une interprétation plus que libérale… Quoi qu’il en soit, même s’il y a matière à comparaison, ce n’est actuellement pas prévu par les textes. Je maintiens donc ma position.
(L’amendement no 2809, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 1870, 1872, 468 rectifié et 3409, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Manuel Bompard, pour soutenir les amendements nos 1870 et 1872, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Manuel Bompard
Ce budget est censé être un budget d’économies, or j’observe que de nombreux amendements, émanant en particulier des bancs de la coalition gouvernementale, visent à créer de nouveaux crédits d’impôt ; je suis donc assez surpris.
En l’occurrence, nous vous proposons avec cet amendement de réelles économies, puisqu’il concerne le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, qui représente la deuxième dépense fiscale de l’État, avec un montant de 6 milliards d’euros. Or ce dispositif est capté pour moitié par les 10 % de Français les plus riches, pour des cadeaux pouvant atteindre 12 000 euros par an. Nous proposons de réduire le plafond du crédit d’impôt de 12 000 à 1 250 euros, sauf pour les services à la personne liés à la garde d’enfant, à l’assistance des personnes âgées, aux personnes en situation de handicap, ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans l’environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile.
Quant à l’amendement no 1872, c’est un amendement de repli, qui abaisse le plafond à 2 500 euros.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour soutenir l’amendement no 468 rectifié.
M. Emmanuel Maurel
Dans le même esprit, il s’agit de diminuer de 25 % le montant plafond des dépenses occasionnées par l’emploi d’un salarié à domicile. D’abord parce que, ainsi que vient de le rappeler à l’instant M. Bompard, cela coûte très cher – je rappelle d’ailleurs que, dans la mission Travail et emploi, dont les crédits ont été drastiquement réduits, c’est une des seules lignes qui augmente.
La deuxième raison justifiant cette diminution, c’est que le plafond de 12 000 euros concerne très peu de gens : en 2023, le montant moyen du crédit d’impôt pour l’emploi à domicile était de 1 319 euros.
Troisièmement, monsieur le ministre, votre argument relatif au travail au noir me choque. La Cour des comptes l’a bien dit : le Cisap « subventionne le respect de la loi ». C’est exactement cela ; comme si l’on avait besoin d’acheter un comportement vertueux. Au contraire ; j’estime que tous les citoyens, fussent-ils aisés, doivent respecter la loi.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je peux vous trouver de nombreux contre-exemples.
M. Emmanuel Maurel
Le dispositif proposé par l’amendement nous paraît donc juste, en plus d’être susceptible de rapporter de l’argent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Qu’est-ce qui, dans la loi, empêche les comportements vertueux ?
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne, pour soutenir l’amendement no 3409.
M. Daniel Labaronne
Il tend à abaisser à 10 000 euros le plafond du Cisap. Il y a une réflexion à mener ensemble sur ce crédit d’impôt, son plafond, la nature de ses bénéficiaires, le périmètre des activités éligibles. Nous devons en effet décider quelles actions il faut privilégier et quel doit être l’effort national en faveur du financement de ce type de services. Le cycle de vie de la personne pourrait constituer un axe structurant : de l’enfance à la vieillesse, en prenant en considération la dépendance.
Je suis d’accord avec le précédent argument : on n’accorde pas de crédit d’impôt aux personnes qui respectent les feux rouges ou les panneaux stop,…
Mme Olivia Grégoire
C’est une bonne idée d’amendement !
M. Daniel Labaronne
…tout simplement parce que l’on doit respecter la loi.
Concernant le travail au noir, il faut renforcer les contrôles et infliger des amendes plus élevées.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Sans vous retracer l’historique entier de ce crédit d’impôt, je rappellerai simplement qu’il a été créé en 1982 par Mme Martine Aubry,…
M. Laurent Jacobelli
Elle était déjà là ? Ça devait être le Moyen Âge !
M. Charles de Courson, rapporteur général
…dans le but de réduire le travail au noir. Les études montrent que cela a bien marché, puisque la moitié du travail financé grâce au Cisap n’était auparavant pas déclaré. Ce crédit d’impôt a la vertu de permettre de payer un minimum de cotisations sociales. C’est pourquoi tous les gouvernements successifs l’ont maintenu, voire l’ont renforcé.
Mme Christine Arrighi
L’idée est bonne, mais son application est à revoir !
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements. Certains proposent de réviser le plafond à la marge, en l’abaissant de 12 000 à 11 000 euros par exemple, ce qui ne concernerait que les 2 % de bénéficiaires qui atteignent ce plafond. L’effet serait donc négligeable. À l’inverse, d’autres, tel le no 1870, prévoient de diviser le plafond par dix, l’abaissant à 1 250 euros, soit environ quatre heures de service à la personne par mois. C’est parfaitement excessif.
M. Manuel Bompard
C’est pourtant la durée moyenne !
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’abaissement du plafond pénaliserait aussi les ménages qui emploient des salariés à mi-temps, voire à plein temps.
Enfin, les services à la personne n’ont pas bénéficié de la même manière que les autres secteurs d’activité des exonérations générales de cotisations sociales, puisque l’une des trois grandes exonérations, pouvant atteindre 1,6 Smic, ne leur est pas applicable, en raison de l’existence même du Cisap – il y aurait sinon un double avantage. Supprimer ce crédit d’impôt conduirait à revoir tout l’équilibre d’ensemble.
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 2552 et 3417, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
S’il est important d’être juste sur la nature des services, je rejoins les propos de M. Mathieu Lefèvre, selon qui il faut éviter d’envoyer un mauvais signal aux classes moyennes, à ceux qui ont besoin de ces services à domicile et ont tout autant besoin de cette incitation fiscale pour les financer.
Monsieur Maurel, j’apprécie votre raisonnement – il n’est pas totalement erroné –,…
M. Emmanuel Maurel
En effet !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…mais, que vous le vouliez ou non, une grande partie de ce qui est voté ici vise à contenir, empêcher ou corriger certains comportements. Il a été démontré que la suppression du crédit d’impôt conduirait à une augmentation de l’emploi au noir. C’est un fait. Sans juger de la chose, j’estime que ce n’est pas souhaitable, parce qu’il n’y va pas seulement des cotisations, mais aussi de la protection des travailleurs.
Il ne faut pas aborder cette question en cherchant à réduire le plafond, mais en étant juste quant à la nature des services concernés.
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric Woerth
Tous les ans, nous avons ce débat, au cours duquel nous nous posons les mêmes questions, ou presque, à propos des crédits d’impôt relatifs à l’emploi de personnes. Cette instabilité est tout à fait perturbante. Or nous ne sommes pas élus pour créer de l’instabilité fiscale. Peut-être y a-t-il des abus – alors il faut les combattre – et peut-être faudrait-il réviser tous les trois ou quatre ans la liste des activités concernées et leur périmètre afin de ne pas subventionner ceux qui exagèrent, mais en attendant, le Cisap, ça marche.
Il est naturel qu’un particulier qui crée de l’emploi soit aidé fiscalement, puisque, n’étant pas une entreprise, il ne peut déduire ses charges liées au salaire. En plus, l’avantage est plafonné. Il faut adopter la perspective de l’employeur.
Je suis opposé à toute modification du dispositif. Nous avons des choses plus importantes à faire que de chercher à réviser ce qui fonctionne.
M. Nicolas Forissier
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Maillot.
M. Frédéric Maillot
Je regrette la sémantique employée : pourquoi parler de travail « au noir » ? Ne pourrions-nous pas dire « travail dissimulé » ? Pourquoi le terme « noir » serait-il systématiquement employé pour indiquer le négatif ? « Liste noire », « mouton noir », « broyer du noir » ; pourtant on dit un « vote blanc ». (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Laurent Jacobelli
On parle de chèque « en blanc » !
(Les amendements nos 1870, 1872, 468 rectifié et 3409, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de six amendements, nos 2612, 910, 2552, 3417, 1458 et 3080, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2552 et 3417 sont identiques, ainsi que les amendements nos 1458 et 3080.
La parole est à M. Jean-Pierre Bataille, pour soutenir l’amendement no 2612.
M. Jean-Pierre Bataille
Cette proposition recueillera peut-être l’unanimité de vos suffrages.
M. Emmanuel Maurel
Mieux vaut ne pas commencer ainsi !
M. Jean-Pierre Bataille
Tout a été dit à propos de certaines activités qu’il faudrait exclure du bénéfice du crédit d’impôt ou de plafonds qu’il faudrait réviser. J’ajoute que tous les Français, quels que soient leurs revenus, bénéficient aujourd’hui du même taux. Il y a là une certaine iniquité fiscale. Michel Castellani propose donc un taux dégressif calqué sur le barème de l’impôt sur le revenu : seuls ceux qui n’y sont pas assujettis bénéficieraient du taux maximal de 50 %, les autres se voyant appliquer un taux allant de 30 à 45 %, selon leur tranche d’imposition marginale.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune, pour soutenir l’amendement no 910.
Mme Christine Pirès Beaune
Je le retire.
(L’amendement no 910 est retiré.)
Mme la présidente
Nous en venons aux amendements identiques, nos 2552 et 3417.
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune, pour soutenir l’amendement no 2552.
Mme Christine Pirès Beaune
Il constitue en quelque sorte le gage du no 871, adopté plus tôt.
Le Cisap coûte 6,1 milliards d’euros, dont 3,074 milliards rien que pour l’entretien de la maison et les travaux ménagers, et 921 millions pour les travaux de jardinage. Comme l’indique la Cour des comptes, les services à domicile qui concernent les personnes âgées, la garde d’enfants ou les personnes handicapées sont minoritaires dans cette répartition. Nous proposons donc de continuer à leur faire bénéficier de 50 % de crédit d’impôt, mais de réduire le taux à 40 % pour les autres activités.
Cette baisse de 10 points permettrait de financer la transformation en crédit d’impôt de la réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes dépendantes, que nous venons de voter. Sur les 3 milliards que coûte le crédit d’impôt relatif à l’entretien, à la maison et aux travaux ménagers, soit la moitié du coût total du Cisap, 2 bénéficient exclusivement aux deux derniers déciles – ils peuvent donc assumer cet effort de solidarité.
Mme la présidente
L’amendement no 3417 de M. Daniel Labaronne est défendu.
Mme la présidente
Nous en arrivons aux amendements identiques, nos 1458 et 3080.
La parole est à Mme Stella Dupont, pour soutenir l’amendement no 1458.
Mme Stella Dupont
Le crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile est la deuxième dépense fiscale de l’État : il bénéficie à 4,6 millions de ménages et coûtera environ 7 milliards d’euros en 2025.
M. Fabien Di Filippo
Pour combien de personnes qui en vivent ?
Mme Stella Dupont
Depuis le début de la semaine, nous discutons des recettes de l’État et des dépenses fiscales ; or l’état de nos comptes publics nous invite à envisager toutes les possibilités.
Comme l’a rappelé Mme Pirès Beaune, au moment où nous cherchons comment financer des mesures d’équité et de justice fiscale, notamment à destination des personnes accueillies en Ehpad, la question des crédits d’impôt mérite d’être abordée. Je regrette que certains préfèrent ne toucher à rien. Dans la situation difficile que traverse notre pays, il me semble au contraire nécessaire de rester ouverts et de tout envisager avec clarté, clairvoyance, prudence et pragmatisme. À cet égard, réduire légèrement le crédit d’impôt permettrait de dégager des marges de manœuvre.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 3080.
M. Charles de Courson, rapporteur général
J’ai indiqué par mon précédent amendement la nécessité de réviser le Cisap, la plupart d’entre vous en conviendront, mais jusqu’où ? Cet amendement est modéré, puisqu’il propose d’abaisser le taux de 50 % à 45 %, pour toutes les activités, sauf la garde d’enfants et l’assistance aux personnes dépendantes. Cela rapporterait 450 millions et permettrait de financer la moitié de la mesure votée avec l’amendement no 871.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune, pour soutenir l’amendement no 916.
Mme Christine Pirès Beaune
Je le retire, de même que le suivant, le no 919.
(Les amendements nos 916 et 919 sont retirés.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour un rappel au règlement.
Mme Véronique Louwagie
Il s’appuie sur les articles 54 et suivants. Lors de précédents scrutins, madame la présidente, vous avez seulement appelé les votes « pour », sans appeler les « contre » ou les abstentions. Je comprends que les voix « pour » suffisaient pour connaître le sort des amendements concernés, mais l’expression des votes demeure importante, et il convient également de distinguer les votes « contre » et les abstentions. Je vous prie de le faire à l’avenir, afin que chaque député puisse s’exprimer librement et en toute conscience.
Mme la présidente
Effectivement madame Louwagie, je n’ai pas appelé les votes « contre ». Je reconnais mon erreur et vous présente mes excuses.
M. Fabien Di Filippo
Faute avouée est à moitié pardonnée !
Mme la présidente
Je rappelle toutefois que dans la discussion des articles, seules les voix « pour » et les voix « contre » sont prises en compte, contrairement aux abstentions.
Après l’article 3 (suite)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ils visent tous à recadrer le dispositif du Cisap. L’amendement no 2612 n’a pas été examiné en commission et je rendrai à son sujet un avis défavorable. Appliquer au Cisap un taux dégressif calculé selon le barème de l’IR serait d’une complexité qui me paraît déraisonnable.
Les amendements nos 2552 et 3417 tendent à faire passer le taux de ce crédit d’impôt de 50 % à 40 %, sauf lorsque les dépenses considérées financent la garde d’enfants et l’assistance aux personnes dépendantes. Les nos 1458 et 3080 proposent une disposition identique, mais en réduisant le taux à 45 % seulement. Dans le premier cas, on économiserait 880 millions d’euros ; dans le second, 450 millions.
M. Fabien Di Filippo
De toute façon, on ne veut pas de cette baisse. Il faut arrêter de s’en prendre à ceux qui travaillent.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ces amendements n’ayant pas été examinés en commission, je donnerai un avis personnel. Sans surprise, je vous demande de soutenir mon amendement no 3080 et l’amendement identique no 1458.
M. Fabien Di Filippo
En toute objectivité !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Bien sûr !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il est défavorable, pour une raison déjà exposée : nous devons être vigilants quant à l’effet qu’aurait l’adoption de ces amendements sur le recours au travail au noir.
M. Arnaud Saint-Martin
Au travail dissimulé !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Faire passer le taux du Cisap à moins de 45 % pourrait conduire les usagers à tourner vers le travail au noir.
M. Nicolas Sansu
Vers le travail dissimulé !
Mme la présidente
La parole est à M. Emeric Salmon.
M. Emeric Salmon
Sans même parler de travail dissimulé, je note que les particuliers ayant recours aux services à la personne en évaluent le coût pour établir un budget. La baisse de l’avantage fiscal provoquerait donc un effet d’éviction et affecterait le niveau d’emploi : des entreprises licencieraient leurs employés et certains indépendants devraient cesser leur activité.
Ainsi, l’augmentation de l’impôt procurerait un gain à l’État, mais au prix de conséquences sociales, certes modestes, mais qui doivent être prises en compte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
M. Aurélien Le Coq
Quel insupportable laxisme fiscal ! (Sourires.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric Woerth
Si vous voulez dégoûter les Français d’employer à domicile, persévérez dans cette voie !
M. René Pilato
Les Français ne veulent plus de vous ! Ils ne vous écoutent plus !
M. Éric Woerth
On va créer deux taux cette année, puis trois l’an prochain, puis on les divisera par l’âge du capitaine… Comme à l’accoutumée, on réclame de la simplification, mais chacun se livre à l’exercice inverse.
Rappelons qu’une entreprise qui emploie du personnel de service déduit le coût du travail de son bénéfice avant imposition. S’agissant d’un particulier, ce n’est pas la même affaire, mais il est tout de même naturel qu’il bénéficie de 50 % de crédit d’impôt lorsqu’il devient employeur. La lutte contre le travail au noir (« Le travail dissimulé ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) est un impératif…
M. Nicolas Sansu
Il faut parler de travail dissimulé !
M. Éric Woerth
…et il est de bonne logique d’inciter à s’en détourner par un avantage fiscal.
Ne dégoûtez pas les Français d’employer d’autres Français !
Mme Dieynaba Diop
Et vous, continuez d’ignorer les Français !
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
L’argument selon lequel il ne faudrait pas changer un dispositif qui fonctionne ne me semble pas adéquat, puisque le dispositif en question, loin de fonctionner, coûte 6 milliards d’euros à la collectivité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) Par ailleurs, on ne peut pas prétendre rechercher des économies partout…
M. Gérault Verny
Le recours aux services à domicile rapporte !
M. Fabien Di Filippo
Tandis que le RSA coûte 15 milliards d’euros chaque année !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Puis-je achever mon propos ? Il est toujours étonnant de constater que, dès qu’il est question de remettre en question l’optimisation fiscale pratiquée par les plus riches, une partie de l’hémicycle se met à pousser des hurlements. En revanche, lorsqu’il s’agit d’attaquer les acquis sociaux des travailleurs, il n’y a pas de problème ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. – Exclamations sur les bancs des groupes RN, EPR, DR et UDR.)
J’ai donc compris que mon propos vous mettait en colère, mais je vais tout de même poursuivre.
M. Nicolas Forissier
Les particuliers qui ont recours au Cesu ne sont pas les plus riches !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
On dit que tout le monde doit contribuer à l’effort. Le Gouvernement veut enlever de l’argent aux retraités et faire payer l’hôpital public et les chômeurs. Et là, alors que l’on parle du deuxième crédit d’impôt le plus coûteux – 6 milliards d’euros –, il ne faudrait pas songer à réduire l’avantage qu’il procure ? Il ne s’agit pas de viser ceux qui, sans crédit d’impôt, ne pourraient pas accéder à ces services, mais bien les ménages qui, en raison de leur fortune, auraient de toute façon les moyens d’y avoir recours, les ménages pour lesquels le Cisap n’est qu’une façon de réduire l’impôt sur le revenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur de nombreux bancs des groupes RN, EPR, DR, HOR et UDR.)
Mme Véronique Louwagie
Non !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Mais si, de tels cas existent ! Dire le contraire, c’est un mensonge !
M. Nicolas Forissier
Le Cisap crée de l’emploi !
M. Laurent Jacobelli
Mais enfin !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
La moitié de ce crédit d’impôt bénéficie aux 10 % des Français les plus favorisés ! Comment pouvez-vous soutenir l’inverse ? (Protestations sur les bancs des groupes RN, EPR, UDR et DR.) Je comprends que vous défendiez les vôtres… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)
M. Nicolas Sansu
Le RN souffre du syndrome de Stockholm vis-à-vis de la Macronie !
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Je le répète : l’amendement no 2552 est la contrepartie de l’amendement no 871, adopté à une très large majorité et qui tendait à transformer en crédit d’impôt la réduction d’impôt relative à l’hébergement en Ehpad. Le coût de cette transformation est estimé à 880 millions d’euros et c’est avec esprit de responsabilité que les membres de la commission des finances ont tenté de la gager.
M. Laurent Jacobelli
Responsabilité, vraiment ?
Mme Christine Pirès Beaune
Je reconnais l’importance de la lutte contre le travail dissimulé, mais faire passer de 50 % à 40 % le crédit d’impôt pour certains services qui ne concernent ni les personnes handicapées, ni les personnes âgées, ni la garde d’enfants ne nous fera pas retomber dans le travail dissimulé, ce n’est pas vrai ! Un crédit d’impôt de 40 % reste très généreux !
Lorsque le Cisap a été créé, les charges patronales atteignaient un niveau bien plus élevé qu’aujourd’hui et c’est ce qui a justifié son institution. Désormais, les charges patronales pesant sur un emploi au Smic sont bien moins importantes.
Par ailleurs, j’ai confiance dans le civisme de nos concitoyens : ils sont capables de comprendre que la création du crédit d’impôt « Ehpad » nécessite de trouver les financements nécessaires. Enfin, quand bien même le taux du crédit d’impôt applicable aux travaux d’entretien, aux travaux de jardinage et aux travaux ménagers ne serait que de 40 %, le coût du Cisap resterait supérieur à 2 milliards d’euros ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. Fabien Di Filippo
Vous n’aimez pas les arbres ! Mme Pirès Beaune est l’ennemie de l’environnement.
Mme la présidente
Nous dérogeons à la règle « un pour, un contre » ; je demande donc aux orateurs de limiter leur intervention à une minute.
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Monsieur le président Coquerel, vous prétendez que nous sommes des conservateurs, que nous ne voulons rien changer, mais en réalité, nous ne voulons pas changer un dispositif qui fonctionne ! (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et EPR.) Il fonctionne, c’est sur ce point que nous sommes en désaccord.
Je suis également en désaccord avec Mme Pirès Beaune, dont l’amendement pourrait conduire à déposséder les Français qui bénéficient du Cisap au taux de 50 %.
M. François Jolivet
Eh oui !
Mme Véronique Louwagie
Ce crédit d’impôt fonctionne. Il aide un certain nombre de personnes…
Mme Alma Dufour
Dont vous-même ?
Mme Véronique Louwagie
…et prévient le recours au travail au noir.
M. Nicolas Sansu
Dissimulé !
Mme Véronique Louwagie
Ce crédit d’impôt aide des personnes qui, dans leur majorité, travaillent, puisqu’elles paient des impôts. Elles font partie de la classe moyenne et nous devons impérativement les soutenir.
Nous sommes donc opposés à ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Je trouve ce débat extraordinaire. Il porte sur la deuxième dépense fiscale la plus importante après le crédit d’impôt recherche, estimée à 6 milliards d’euros et qui profite, dans la moitié des cas, aux 10 % des Français les plus riches.
M. Mathieu Lefèvre
Et alors ?
M. Manuel Bompard
Malgré ce constat, vous prétendez que le Cisap fonctionne très bien et qu’il ne doit pas être aménagé : ce n’est pas le cas et ce crédit d’impôt ne contribue pas à la justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Nicolas Forissier
Ce crédit profite aux salariés !
M. Manuel Bompard
Ce débat est entaché de conflits d’intérêts : j’ai bien compris que des députés se sentaient directement visées par cette mesure. (Vives exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Éric Woerth
Dégage de là !
M. Manuel Bompard
Quant au signal que vous craindriez d’envoyer aux uns et aux autres, j’observe qu’il n’en est plus question lorsque vous vous apprêtez à augmenter le prix de l’électricité au détriment de tous les Français ou à attaquer les retraités. En revanche, vous y prenez garde lorsque les mesures que nous discutons peuvent affecter les 10 % les plus riches ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. Éric Woerth
Dégage !
M. Manuel Bompard
On peut trouver des milliards en réformant ce crédit d’impôt.
M. Mathieu Lefèvre