Deuxième séance du jeudi 24 octobre 2024
- Présidence de Mme Nadège Abomangoli
- 1. Projet de loi de finances pour 2025
- Première partie (suite)
- Après l’article 3 (suite)
- Amendements nos 884, 880, 871, 1474, 2689 et 3130
- M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
- Amendements nos 548, 2615, 3133 rectifié et 3274
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Amendements nos 2809, 1870, 1872, 468 rectifié, 3409, 2612, 910, 2552, 3417, 1458, 3080 et 916, 919
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Rappels au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Amendements nos 1044, 1184, 848, 1386, 850, 1017, 1016, 316, 1267 et 1313, 1397, 2664, 2849
- Suspension et reprise de la séance
- Amendements nos 1237, 1039, 1264, 326, 1036, 1312, 1396, 1836, 2848, 3247, 3248, 1148, 1146, 2799, 1150, 2670, 1253, 134, 137, 136, 135, 138, 1529, 3595, 174, 439, 2297, 2627, 2626, 1543, 1581, 3286, 582, 143, 2616, 470, 2617, 2621, 1134, 1135 et 2628 rectifié
- Présidence de Mme Clémence Guetté
- Amendements nos 1874, 471, 3676, 2597, 2598, 261, 473 rectifié, 1488 rectifié, 2534, 3128, 1400, 1767, 1572, 1288, 34, 1883, 2205 et 3471, 3477
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 3 (suite)
- Première partie (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Projet de loi de finances pour 2025
Première partie (suite)
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (nos 324, 468).
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 884 portant article additionnel après l’article 3.
Après l’article 3 (suite)
Mme la présidente
Je suis saisie de six amendements, nos 884, 880, 871, 1474, 2689 et 3130, pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur ces amendements nos 871, 1474, 2689 et 3130, qui sont sont identiques, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
(Les amendements nos 884 et 880 de Mme Christine Pirès Beaune sont retirés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune, pour soutenir l’amendement no 871.
Mme Christine Pirès Beaune
Celui-ci, évidemment, je ne le retirerai pas. Nous avons adopté ce dispositif à plusieurs reprises lors de l’examen de précédents projets de loi de finances (PLF). Cela m’a d’ailleurs valu une mission visant à évaluer les dispositifs destinés à limiter le coût de la prise en charge en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, confiée par Élisabeth Borne. J’ai rendu mon rapport en juillet 2023.
En Ehpad, le reste à charge a flambé au cours des dernières années, notamment depuis le covid. Avec l’inflation qui touche les prix de l’énergie et de l’alimentation, le coût de l’hébergement devient un véritable problème.
Que faire pour vous convaincre, monsieur le ministre, sachant que presque tous mes collègues le sont déjà ? J’ai choisi de vous lire les courriers de résidents. Ainsi, celui d’un habitant de Châtel-Guyon. « Pour faire suite à mon entretien téléphonique avec Mme X [la directrice de l’Ehpad], je vous confirme ma décision de quitter votre établissement au plus vite. Cette décision est motivée par une facturation très au-dessus de mes rentrées pécuniaires. Cette situation ne peut donc pas sérieusement perdurer. »
Un autre courrier, d’un habitant de Charbonnières-les-Varennes : « Ne payant pas d’impôt sur le revenu, car trop pauvres, nos parents ne bénéficient d’aucune aide fiscale suite à leurs énormes dépenses. […] Ceux, plus riches, qui paient des impôts, bénéficient d’une réduction fiscale. »
J’arrêterai là parce que, des courriers, j’en reçois de la France entière…
La mesure que je propose est transitoire – elle ne s’appliquerait qu’en 2025 et 2026 – car nous devons conduire une réforme globale du reste à charge, et plus largement du système économique des Ehpad. Mais, en attendant, il n’est pas acceptable que, dans un même Ehpad, des résidents disposant d’une retraite de 3 000 euros – et qui n’auraient donc pas besoin d’une aide fiscale – bénéficient d’une réduction d’impôt – tant mieux pour eux –, quand des résidents qui ont moins de 1 000 euros de retraite ne bénéficient pas d’aide. Mon amendement est aussi une mesure de justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Stella Dupont et M. Laurent Mazaury applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Corentin Le Fur, pour soutenir l’amendement no 1474.
M. Corentin Le Fur
Je partage la position de Mme Pirès Beaune. Il serait opportun, par mesure d’équité, d’adopter nos amendements identiques.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Tout à fait !
M. Corentin Le Fur
Bien sûr, il faut une réforme globale et une grande loi sur l’autonomie et la vieillesse, mais s’il est indispensable de se pencher sur le financement de la cinquième branche, il est urgent d’agir car le modèle est à bout de souffle. Ainsi, dans ma circonscription, l’Ehpad La Clairière de Collinée, ou celui du Quillio, sont en déficit et connaissent une situation très préoccupante.
En attendant, traitons le problème du reste à charge. Dans ma circonscription, beaucoup de familles, avec de faibles revenus, ont beaucoup de mal à le payer. La situation pourrait évoluer si nous votions ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. David Taupiac, pour soutenir l’amendement no 2689.
M. David Taupiac
Je m’associe à la démarche de Mme Pirès Beaune et aux propos de M. Le Fur – les Ehpad sont effectivement en difficulté.
Le code général des impôts accorde une réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes dépendantes accueillies en établissement spécialisé. Cette réduction d’impôt s’élève à 25 % des dépenses engagées au titre de la dépendance et de l’hébergement pour les seules personnes dépendantes hébergées dans un établissement spécialisé, à l’exclusion des dépenses de soins, couvertes par la sécurité sociale.
Dans un rapport remis à la Première ministre en juillet 2023, Mme Pirès Beaune considère que la transformation de ce dispositif fiscal en crédit d’impôt le rendrait plus redistributif.
Notre amendement propose donc d’étendre le dispositif aux publics les plus fragiles, dans un objectif de justice sociale et de lutte contre les inégalités, en transformant en crédit d’impôt la réduction d’impôt susmentionnée.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l’amendement no 3130.
M. Jean-Philippe Tanguy
Tout a été dit, et très bien dit, par notre collègue Pirès Beaune. C’est son travail – je ne vais pas me l’attribuer. Je salue sa persévérance, et cette prise de conscience collective.
J’ai déposé un amendement similaire au sien puisqu’il y a deux ans, elle a retiré ce même amendement en faisant confiance à un gouvernement qui ne le méritait pas – ce dont je l’avais prévenue. Bien entendu, si elle maintient son amendement, je retirerai le mien puisqu’il faut rendre à César ce qui appartient à César. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
La commission des finances a adopté cet amendement. Notre collègue Pirès Beaune plaide en ce sens depuis des années.
Si je ne peux être insensible à l’objectif de notre collègue, je me dois de rappeler en tant que rapporteur général que la mesure coûterait 880 millions d’euros. Comment la finance-t-on ? Doit-on revenir sur le crédit d’impôt services à la personne (Cisap), actuellement de 50 % ? Doit-on revoir les 25 % de réduction d’impôt pour frais d’hébergement dans les établissements pour personnes dépendantes ? Il serait intéressant que Mme Pirès Beaune nous précise comment elle compte financer ce nouveau dispositif.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Je compléterai les propos que j’ai tenus ce matin. Je remercie Christine Pirès Beaune pour son travail, et le rapport qu’elle a rendu au Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et EPR.)
Vous avez bien exposé le problème. J’observe, et je comprends, le large consensus autour de ce dispositif au sein de l’Assemblée. Mais on ne peut analyser le financement de la dépendance et du reste à charge par le seul tropisme fiscal. J’émettrai donc un avis défavorable sur tous ces amendements. (Mme Marie-Noëlle Battistel s’exclame.)
Mme Dalloz l’a rappelé ce matin, il nous faut analyser tous les paramètres : les aides sociales, mais aussi tous les dispositifs fiscaux en jeu – et ils sont nombreux.
Mme Dominique Voynet
On attend le projet de loi sur le grand âge depuis 2017 !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
En outre, je suis d’accord avec le rapporteur général, nous ne pouvons pas faire fi – je ne le ferai pas – du financement de cette transformation.
Le débat sur l’équité d’une réduction d’impôt par rapport à un crédit d’impôt, qui ne bénéficie qu’aux citoyens payant l’impôt sur le revenu (IR), est tout à fait légitime.
Je reconnais également que la proposition de Mme Pirès Beaune est l’équivalent d’une rustine, mais je ne souhaite pas qu’elle soit adoptée, même pour deux ans.
Je préfère que nous avancions rapidement sur le financement de la cinquième branche et, en son sein, sur celui des Ehpad ainsi que du reste à charge.
C’est pourquoi, je le répète, mon avis est défavorable. Il nous faut accélérer, de façon systémique et résolue. Un crédit d’impôt ne serait pas une solution saine, ni en termes de pilotage de la dépense, ni pour nos finances publiques.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Une précision : l’avantage fiscal dont nous débattons coûte actuellement 250 millions ; l’amendement de Mme Pirès Beaune et les amendements identiques coûteraient 880 millions, j’y insiste. Comment est-ce possible ? Tout simplement parce que beaucoup de résidents d’Ehpad ne sont pas imposables.
Il semble difficile de financer une telle mesure avec les seuls 250 millions du dispositif. On peut éventuellement la financer en réformant le Cisap ou un autre dispositif. Mais, soyons clairs, il est toujours ennuyeux de voter des amendements qui posent des problèmes de fond sans réforme d’ensemble. (M. Marc Pena s’exclame.)
Mme Marie-Noëlle Battistel
Cela fait des années que ça dure !
M. Pierre Pribetich
Cela fait sept ans !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Bien sûr, nous sommes un peu bloqués par le mécanisme budgétaire, mais je tenais à vous rappeler avant le vote qu’il faut toujours financer ce qu’on dépense.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Évidemment, je ne retirerai pas l’amendement. Je remercie les collègues qui ont déposé un amendement identique, et vous invite à adopter notre dispositif. Le rapport a été remis en juillet 2023. Il proposait des solutions dont le Gouvernement aurait pu s’emparer.
Monsieur le ministre, quand je parle de reste à charge, il s’agit bien du reste à payer par le résident après déduction de toutes les aides. Aujourd’hui, 76 % des résidents ne disposent pas de revenus leur permettant de couvrir ces dépenses, malgré l’aide personnalisée au logement (APL) et malgré l’aide sociale à l’hébergement (ASH) !
À l’inverse, d’autres résidents, dont les revenus leur permettent d’y faire face, disposent malgré tout d’une réduction d’impôt. Il ne s’agit pas de la supprimer, mais d’ouvrir cet avantage fiscal à tous, en transformant la réduction d’impôt en crédit d’impôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Stella Dupont.
Mme Stella Dupont
Je suis cosignataire de l’amendement no 254 de M. Buchou, mais j’ai manqué de réactivité tout à l’heure lorsqu’il a été appelé. Le travail constant de Mme Pirès Beaune justifie que nous votions enfin pour ce crédit d’impôt. C’est une question de justice et d’équité.
Pourquoi repousserions-nous encore notre décision ? Cela n’a plus de sens. Cela fait sept ans que nous avons été élus, sept ans que je travaille sur ce sujet et que j’entends parler de ce problème.
Le dispositif et son financement ont été élaborés avec sérieux. Arrêtons de procrastiner et votons, je l’espère, d’une seule voix. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
J’entends les arguments de Mmes Dupont et Pirès Beaune. J’espère que vous me pardonnerez de faire preuve d’orthodoxie fiscale et budgétaire – c’est un peu mon rôle. Il me semble baroque de créer un crédit d’impôt à destination des Français non imposables.
J’entends que c’est temporaire.
Il faut que nous choisissions avec soin le véhicule et les outils appropriés. J’ai bien conscience de ne pas vous apporter pour le moment de solution parallèlement à cette réponse. En tant que législateurs, qu’artisans de la loi et de la fiscalité, vous devez toutefois rester très vigilants quant au message qu’envoient la fiscalité en général et chaque outil fiscal en particulier. Pour financer votre proposition, vous proposez de raboter le crédit d’impôt services à la personne (Cisap), en le réduisant de 50 % à 40 ou 45 %. Qu’une réflexion soit menée sur le panier de services, cela me paraît parfaitement légitime ; il est sain de vous demander toujours quel type d’incitation est le plus approprié. Attention cependant : il est démontré que ce que vous proposez pour compenser le coût de votre mesure, à savoir réduire le taux de l’abattement, encourage le recours au travail au noir. Le point de bascule se situe précisément dans le delta entre l’abattement actuel de 50 % et celui que vous proposez, de 40 % – or personne ici ne souhaite encourager le travail au noir.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 871, 1474, 2689 et 3130.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 192
Nombre de suffrages exprimés 190
Majorité absolue 96
Pour l’adoption 165
Contre 25
(Les amendements identiques nos 871, 1474, 2689 et 3130 sont adoptés.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP, SOC, dont certains députés se lèvent, et des groupes EcoS, Dem, LIOT et GDR.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 548 et 2615.
La parole est à M. Nicolas Bonnet, pour soutenir l’amendement no 548.
M. Nicolas Bonnet
Nous souhaitons instaurer un crédit d’impôt à destination des familles ultramarines contraintes de se rendre en France hexagonale pour permettre à leur enfant de bénéficier de soins médicaux ne pouvant être prodigués sur leur territoire.
Dans un rapport de 2014, la Cour des comptes a souligné les difficultés persistantes qui touchent les services et systèmes de santé des territoires dits d’outre-mer, au risque de compromettre l’égalité des chances en matière d’accès aux soins. Ces territoires sont pourtant particulièrement exposés aux pollutions environnementales – chlordécone dans les Antilles, Asulox à La Réunion, mercure en Guyane. Les maladies chroniques – obésité, diabète, cancers – y sont plus répandues que dans l’Hexagone.
Pourtant, ces territoires continuent de souffrir d’un manque de structures adaptées, de spécialistes et de matériel. La précarité des systèmes de santé ultramarins constitue non seulement une rupture d’égalité dans l’accès aux soins pour les citoyens, mais aussi un surcoût pour les familles des patients qui doivent se rendre dans l’Hexagone pour se faire traiter. Cette situation n’est pas acceptable.
En attendant que les pouvoirs publics apportent les réponses nécessaires pour améliorer les systèmes de santé ultramarins, les écologistes souhaitent au moins, grâce à ce dispositif, soutenir les parents qui accompagnent leurs enfants pour des soins ne pouvant être prodigués sur leur territoire. Je vous invite à soutenir cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.)
Mme la présidente
L’amendement no 2615 de Mme Estelle Youssouffa est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Les auteurs de l’amendement veulent créer un crédit d’impôt pour les résidents ultramarins devant se rendre en France hexagonale pour des raisons médicales. Il me semble que la commission a émis un avis défavorable sur un amendement similaire.
Le crédit d’impôt n’est pas l’outil le plus approprié, puisqu’il n’est versé qu’en n + 2. Comment les parents peuvent-ils financer le coût des déplacements pendant ces deux années ? Il faut plutôt chercher une solution budgétaire, au titre de l’aide sociale ou de l’action sanitaire et sociale des caisses d’assurance maladie, notamment en examinant la possibilité de cumuler l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) et la majoration de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) pour les parents résidant dans un territoire d’outre-mer, Corse comprise, et qui se rendent dans l’Hexagone pour y faire soigner leur enfant. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce sera le même avis défavorable que celui du rapporteur général, et pour les mêmes raisons. À ce stade des débats, je souhaiterais vous appeler à faire preuve de vigilance. Toutes vos propositions de nouvelle dépense fiscale sont justifiées. Cependant, notre objectif de réduction du déficit public ne sera pas atteint si nous réinstaurons trop de niches.
(Les amendements identiques nos 548 et 2615 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 3133 rectifié.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Avec les amendements précédents, nous avons beaucoup dépensé ; je vous propose à présent de faire des économies. Il y a deux ans, Mme Christine Pirès Beaune a obtenu que nous sachions à quelles fins était utilisé le Cisap, crédit d’impôt de 50 % qui coûte 6,1 milliards. Je vous propose d’exclure du champ de ce crédit d’impôt certaines rubriques : les travaux de petits bricolages, plafonnés à 500 euros par an, coûtent 18 millions par an ; la préparation de repas à domicile – le saviez-vous ? Pour votre anniversaire, vous pouvez faire venir chez vous un bon cuisinier…
Mme Dieynaba Diop
On en découvre tous les jours !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ah, vous découvrez cette possibilité ? Elle coûte 12 millions. Je propose aussi d’exclure le soin et la promenade d’animaux de compagnie des personnes dépendantes et la conduite de véhicule des personnes en cas d’invalidité temporaire, deux crédits d’impôt dont le coût est négligeable. Cette révision du Cisap rapporterait donc 18 + 12, soit 40 millions.
Plusieurs députés des groupes RN et UDR
Non, cela fait 30 millions !
M. Emeric Salmon
Monsieur le rapporteur général, cette erreur m’inquiète !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Avec cet amendement, je souhaite aussi lancer une réflexion pour mieux définir le périmètre de ce crédit. Les économies réalisées seraient en effet très modestes au regard du coût global du dispositif.
La commission n’a pas examiné cet amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Arnaud Saint-Martin
Comme je l’ai dit plus tôt, je ne peux pas être foncièrement opposé à la volonté du rapporteur général de retravailler le panier de services pour le rendre le plus pertinent possible par rapport aux besoins. Notons qu’il est question de montants somme toute faibles. M. Labaronne défendra un amendement allant dans le même sens et le principe général me paraît de salubrité financière publique.
J’ignore si les services que vous avez cités sont ceux qu’il faut viser. Nous devons toujours prêter attention aux conséquences d’une suppression du crédit pour les personnes dépendantes – je pense notamment aux repas à domicile ; certains besoins sont réels. Mais je ne peux qu’approuver le principe qui consiste à passer en revue les services pour s’assurer que l’incitation fiscale est bien dirigée. Avis de sagesse.
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Je m’opposerai à cet amendement. Monsieur le rapporteur général, le crédit d’impôt pour services à la personne est une soupape de décompression pour les classes moyennes et les classes moyennes supérieures, pour les personnes qui se trouvent en situation de vulnérabilité et qui paient beaucoup d’impôts. Notre système fiscalo-social est très redistributif. Hier, le ministre a fait référence à une étude de l’Insee qui montre que si les ménages aisés disposent de revenus dix-huit fois supérieurs à celui des ménages pauvres avant redistribution, l’écart n’est plus que de trois à un avec notre système fiscalo-social.
Mais il n’y a pas de miracle : beaucoup de cadres, de membres des classes moyennes et des classes moyennes supérieures contribuent massivement à ce système de redistribution. Le crédit d’impôt services à la personne sert donc de soupape de décompression fiscale. De grâce, ne découragez pas les Français qui travaillent, ne découragez pas la classe moyenne !
En outre, sortir du périmètre du crédit d’impôt les services aux personnes dépendantes me paraît en totale contradiction avec ce que nous avons voté par ailleurs : faire des économies à leurs dépens n’est pas une bonne chose. S’il convient évidemment de lutter contre les usages abusifs de ce crédit d’impôt, ce que propose régulièrement notre collègue Daniel Labaronne, il faut veiller à préserver cette dépense fiscale parce que les contribuables de la classe moyenne commencent à en avoir ras le bol. (Mme Sandra Marsaud applaudit.)
Mme la présidente
Merci, monsieur Lefèvre. Veillez à ne pas dépasser une minute par intervention.
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Je rejoins M. Lefèvre. Notre système n’est certes pas exempt de gabegie, mais votre mesure ne permettrait de gagner que quelques millions d’euros, tout en gênant des gens qui ont besoin d’être véhiculés alors qu’ils sont en invalidité temporaire. Le vrai problème, c’est que votre proposition encouragera le travail au noir. Je suis pour revoir le dispositif, mais la refonte doit être globale pour éviter les effets de bord absurdes, sans quoi nous ne ferons que gêner les Français pour un bénéfice nul.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Voyez-vous, notre débat est très amusant : personne ne veut faire bouger quoi que ce soit, mais il faudrait toujours faire plus.
M. Philippe Juvin
Non, c’est faux ! Aucune subtilité !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je précise que la préparation de repas à domicile, ce n’est pas la livraison, qui est maintenue dans le périmètre : cela consiste à demander à quelqu’un de venir chez vous pour vous préparer un bon dîner. Pourquoi pas, mais cela mérite-t-il un crédit d’impôt de 50 % ? Je vois que certains collègues viennent de découvrir cette possibilité qui les laisse rêveurs ! Le crédit d’impôt est globalement plafonné à 12 000 euros, mais, s’agissant des travaux de petit bricolage, les dépenses visées ne peuvent excéder 500 euros – le crédit d’impôt est donc plafonné à 250.
M. Emeric Salmon
Ben justement !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Quant au soin et à la promenade d’animaux de compagnie – quand on en arrive là, on se pose des questions !
Je suis prêt à retirer mon amendement si M. le ministre s’engage à faire un toilettage. Je sais que Mme Christine Pirès Beaune s’accordera avec moi pour dire que c’est nécessaire : il serait intéressant d’écouter ce qu’elle a à dire.
Nous ne pouvons pas élargir continuellement le périmètre des crédits d’impôt. Et cependant, quand on propose de les réduire un peu, les plus ultralibéraux d’entre nous s’y opposent formellement, en invoquant les classes moyennes – les classes moyennes ! (MM. Laurent Jacobelli, Daniel Labaronne et Mathieu Lefèvre s’exclament.) S’agissant des travaux de petit bricolage, peut-être, mais sur la préparation des repas à domicile… Avez-vous déjà utilisé cette disposition, monsieur Lefèvre, pour fêter votre anniversaire avec un bon cuisinier ? À un moment, trop, c’est trop ! Autrefois la liste comprenait même le coaching, qui a été écarté par la suite. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Ce ne sont pas les classes moyennes qui ont recours au coaching !
Mme Sandra Marsaud
Vous l’avez fait, vous ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
L’amendement est intéressant, mais je pense que M. le rapporteur général devrait le retirer.
M. Philippe Juvin
Très bien !
Mme Christine Pirès Beaune
Nous avons besoin d’étudier beaucoup plus finement les activités à retirer. L’entretien ménager représente 50 % des dépenses occasionnées par ce crédit, soit 3 milliards, le jardinage, 16,9 %, donc beaucoup plus que 18 millions : une erreur doit se nicher dans le calcul.
M. Philippe Juvin
Bravo !
Mme Christine Pirès Beaune
Je vous propose que l’on s’en tienne à l’amendement no 2552, qui tend à réduire le crédit d’impôt de service à la personne dans certains cas, afin de compenser le coût engendré par la transformation en crédit d’impôt de la réduction d’impôt pour les frais d’hébergement liés à la dépendance (Mmes Dieynaba Diop et Dominique Voynet applaudissent) – cette idée m’a été soufflée par le rapporteur général et je l’en remercie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil
Monsieur le rapporteur général, 250 euros, c’est beaucoup pour certains. Je ne comprends pas pourquoi vous balayer cette somme d’un revers de main : certains sont à 250 euros près. Les petits travaux sont souvent effectués pour des personnes âgées qui ne peuvent pas changer une ampoule ou monter un meuble – il s’agit d’un vrai besoin. Je ne comprends donc pas votre position. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je vais retirer l’amendement, qui avait pour but principal de faire la démonstration que l’hémicycle est principalement composé de conservateurs ! (Mme Alma Dufour applaudit.)
M. Emmanuel Mandon
Exactement, il a raison !
M. Charles de Courson, rapporteur général
J’aime bien faire un peu de provocation de temps à autre, cela aide la réflexion ! Je vais certes retirer mon amendement, mais je prends au mot Mme Christine Pirès Beaune et beaucoup d’autres quant à la nécessité de toiletter le texte. Nous verrons comment essayer de recalibrer ce crédit d’impôt – le deuxième par ordre d’importance des 440 crédits et réductions d’impôt –…
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cela vaut en effet pour toutes les niches !
M. Charles de Courson, rapporteur général
…que ce soit en déposant des amendements dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, ou au sein de la commission des finances. Merci, mes chers collègues, pour vos réactions !
(L’amendement no 3133 rectifié est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l’amendement no 3274.
Mme Danielle Simonnet
S’il est important, pour la justice sociale, de se demander qui peut bénéficier d’un crédit ou d’une réduction d’impôt, et pour quelle activité, nous devons également nous pencher sur le statut et le niveau de rémunération de celles et ceux qui accomplissent ces services, comme l’aide à domicile, le ménage, le soutien scolaire ou la garde d’enfant. Lorsqu’ils sont rémunérés par l’intermédiaire du Cesu, le chèque emploi service universel, les cotisations sociales, salariales et patronales seront comptabilisées, par exemple, dans le calcul de la retraite. Ce n’est pas le cas en revanche avec l’ubérisation, ce système de plateformes en plein développement, dans lequel les travailleurs sont contraints d’adopter le statut d’autoentrepreneur qui, non seulement permet à la plateforme de prélever sa marge sur la rémunération mais qui, en plus, ne donne pas les mêmes droits sociaux que le Cesu.
J’estime que le crédit ou la réduction d’impôt n’ont pas à rémunérer celles et ceux qui ne garantissent pas les droits sociaux des travailleurs. C’est l’esprit de cet amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission n’a pas examiné cet amendement, qui exclut les autoentrepreneurs du champ du crédit d’impôt, alors que ces derniers représentent un tiers d’entre des fournisseurs de services à la personne. Cela me paraît tout à fait excessif.
Il me semble que le problème que vous soulevez relève moins du domaine fiscal que des procédures de contrôle de l’autoentreprenariat, qui s’est en effet beaucoup développé, que vous le vouliez ou non. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Il faut bien comprendre que, la plupart du temps, travailler sous le statut d’autoentrepreneur n’est pas un choix. C’est souvent imposé par un donneur d’ordres qui préfère ce dispositif, moins cher pour lui que le Cesu.
Si nous avons créé le Cesu, c’est précisément pour accorder les mêmes droits sociaux à ceux dont le travail est proche, dans les faits, de celui d’un travailleur indépendant.
Mme Véronique Louwagie
Mais ce n’est pas ce que vous dites dans votre amendement !
Mme Danielle Simonnet
Or ce sont ces mêmes travailleurs que les plateformes surexploitent en pratiquant un salariat déguisé. C’est le sens de la directive européenne sur le travail de plateforme, que la France a un an et demi pour transposer dans son droit national et qui instaure une présomption de salariat dès lors que la relation de subordination existe entre la plateforme et le salarié.
Respectons la directive et finissons-en avec toutes les situations où le crédit d’impôt ne sert finalement qu’à valider la surexploitation illégale des travailleurs, en autorisant un salariat déguisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Olivia Grégoire.
Mme Olivia Grégoire
Même si je n’y souscris évidemment pas, l’amendement de Mme Simonnet a le mérite d’introduire les travailleurs indépendants dans le débat. Cela étant dit, vous parlez de la surexploitation des autoentrepreneurs par les plateformes. Permettez-moi de vous répondre, sans esprit polémique et avec tout le respect que je vous dois, que le travail indépendant a connu ces dix dernières années, avec une croissance de plus de 145 %, un véritable boom. Contrairement à ce que vous dites, il n’est pas toujours subi, et certains adoptent le statut d’autoentrepreneur dans l’idée de se développer pour, ensuite, devenir artisan ou créer leur entreprise.
Mme Danielle Simonnet
Je parle d’aide à domicile et de ménage !
Mme Olivia Grégoire
J’ai bien compris. C’est un sujet que je maîtrise un peu pour m’en être occupée pendant quatre ans en tant que ministre… Mais dans des secteurs comme celui des cafés, hôtels, restaurants (CHR), certains font le choix de l’autoentrepreneuriat, et, compte tenu de la pénurie de main-d’œuvre, pardonnez-moi d’être politiquement incorrecte, mais on est bien contents de les trouver.
Mme Danielle Simonnet
Ce n’est pas ce dont on parle !
Mme Olivia Grégoire
Tous les autoentrepreneurs ne sont pas surexploités et tous ne subissent pas ce statut. Certains l’ont choisi, même au prix d’une moindre protection sociale.
Mme Danielle Simonnet
On parle des femmes de ménage !
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Comme l’a indiqué M. Juvin, le crédit d’impôt a été imaginé pour lutter contre le travail au noir. Or il est paradoxal qu’en voulant éliminer le travail au noir, on crée en réalité une catégorie de travailleurs sous-payés qui vont directement faire concurrence aux indépendants et aux artisans déclarés, lesquels, eux, paient des cotisations. C’est une véritable course à l’échalote !
Olivia Grégoire parle du choix de l’autoentrepreneuriat. Je prendrai, à titre d’exemple, le cas d’une enseigne de bricolage – je tairai son nom – qui propose à ses clients d’avoir recours à un autoentrepreneur pour réaliser chez eux des travaux d’installation, à des prix défiant évidemment la concurrence d’artisans dûment déclarés, lesquels paient leurs cotisations. C’est évidemment intéressant pour l’enseigne mais également pour celui qui réalise les travaux et qui n’a que cette solution pour travailler, ce qui l’oblige à adopter le statut d’autoentrepreneur pour correspondre aux critères requis par l’enseigne.
Au-delà du fait que ce sont des rentrées en moins pour la sécurité sociale, ce système alimente une course incessante à la baisse des rémunérations. Il y a là un vrai problème de fond. J’ignore si cet amendement est la solution pour le résoudre, mais le crédit d’impôt destiné à certains services ne doit pas, en réalité, servir à concurrencer les artisans déclarés ni à payer toujours moins cher des prestations qui ont un juste prix.
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Nous sommes évidemment contre cet amendement qui pose la question des autoentrepreneurs. En effet, votre proposition, madame Simonnet, est une condamnation du mécanisme mis en place par Hervé Novelli.
Mme Danielle Simonnet
Oh oui !
Mme Véronique Louwagie
À l’époque, comme le rappelait Philippe Juvin, c’est un dispositif qui a libéré les énergies…
M. Jean-François Coulomme
Ah, vous les avez libérées, les énergies !
Mme Véronique Louwagie
…comme ont contribué à libérer les énergies le dispositif Dutreil, que vous voulez également remettre en cause, ou le dispositif Madelin auquel vous ne semblez pas vouloir toucher.
Mme Danielle Simonnet
Oh, si !
Mme Véronique Louwagie
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez semblé dire que les artisans n’étaient pas favorables à ce dispositif. Mais si ! La chambre de métiers et de l’artisanat est favorable au dispositif des autoentrepreneurs, tout en exigeant certains contrôles, notamment en matière de contrats d’assurance responsabilité.
Le monde économique n’est pas défavorable à ce dispositif, et il est important de laisser aux gens la liberté d’exercer leur activité comme ils l’entendent. En revanche, vous avez raison, s’il y a des abus ou des effets de bord, il faut lutter contre eux, et je veux bien vous entendre sur ce sujet. Mais, en l’occurrence, ce n’est pas l’objet de cet amendement, contre lequel nous voterons.
(L’amendement no 3274 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Karim Benbrahim, pour soutenir l’amendement no 2809.
M. Karim Benbrahim
J’espère que cet amendement saura nous rassembler puisqu’il a pour but de contribuer à sauver des vies, en créant un crédit d’impôt pour le financement d’une formation aux gestes de premiers secours.
Face à un accident ou un malaise, la réalisation des gestes de premiers secours est essentielle pour sauver des vies ou diminuer les risques de séquelles graves. La prise en charge rapide d’une victime d’accident ou de malaise permet en effet d’augmenter significativement ses chances de survie. Pourtant, en France, une trop faible part de la population est formée à ces gestes qui sauvent. Le taux de formation de la population française est parmi les plus bas d’Europe.
Cet amendement, qui vise à favoriser la participation aux formations aux gestes de premiers secours, permettra un double gain : il sauvera des vies et il allégera la charge que représente pour les finances publiques le traitement des séquelles les plus graves. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson
Cet amendement n’a pas été examiné en commission. À titre personnel, j’y suis défavorable. En effet, la formation aux premiers secours n’est pas un service à la personne, elle ne fait donc pas l’objet de travail dissimulé, pas plus qu’elle n’entre dans le cadre du Cisap. Elle relève d’une tout autre logique.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Mon équipe m’ayant confirmé que les cours à domicile étaient éligibles au crédit d’impôt, il me semble, monsieur le rapporteur général, qu’on peut parfaitement y inclure la formation aux premiers secours.
Mme Olivia Grégoire
Sous la forme de cours particuliers ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
S’il faut en effet revoir au cas par cas les dépenses éligibles, cet amendement est d’autant plus pertinent que nous avons besoin d’accélérer la formation de nos concitoyens aux premiers secours. Si ce sont des cours à domicile et que cela rentre dans le cadre du Cisap, je pense que c’est une bonne idée et que le coût en serait tout à fait acceptable au vu des montants qui ont été évoqués tout à l’heure. C’est donc un avis favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Pardonnez-moi de vous contredire, monsieur le ministre, mais la formation aux premiers secours n’est pas éligible, car les cours à domicile doivent concerner le soutien scolaire. Vous assimilez la formation à un cours, mais elle n’est en réalité pas couverte par le dispositif.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je ne dis pas qu’elle est couverte mais qu’elle est comparable à un cours !
M. Charles de Courson, rapporteur général
J’avais cru comprendre que vous penchiez vers une interprétation plus que libérale… Quoi qu’il en soit, même s’il y a matière à comparaison, ce n’est actuellement pas prévu par les textes. Je maintiens donc ma position.
(L’amendement no 2809, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 1870, 1872, 468 rectifié et 3409, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Manuel Bompard, pour soutenir les amendements nos 1870 et 1872, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Manuel Bompard
Ce budget est censé être un budget d’économies, or j’observe que de nombreux amendements, émanant en particulier des bancs de la coalition gouvernementale, visent à créer de nouveaux crédits d’impôt ; je suis donc assez surpris.
En l’occurrence, nous vous proposons avec cet amendement de réelles économies, puisqu’il concerne le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, qui représente la deuxième dépense fiscale de l’État, avec un montant de 6 milliards d’euros. Or ce dispositif est capté pour moitié par les 10 % de Français les plus riches, pour des cadeaux pouvant atteindre 12 000 euros par an. Nous proposons de réduire le plafond du crédit d’impôt de 12 000 à 1 250 euros, sauf pour les services à la personne liés à la garde d’enfant, à l’assistance des personnes âgées, aux personnes en situation de handicap, ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans l’environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile.
Quant à l’amendement no 1872, c’est un amendement de repli, qui abaisse le plafond à 2 500 euros.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour soutenir l’amendement no 468 rectifié.
M. Emmanuel Maurel
Dans le même esprit, il s’agit de diminuer de 25 % le montant plafond des dépenses occasionnées par l’emploi d’un salarié à domicile. D’abord parce que, ainsi que vient de le rappeler à l’instant M. Bompard, cela coûte très cher – je rappelle d’ailleurs que, dans la mission Travail et emploi, dont les crédits ont été drastiquement réduits, c’est une des seules lignes qui augmente.
La deuxième raison justifiant cette diminution, c’est que le plafond de 12 000 euros concerne très peu de gens : en 2023, le montant moyen du crédit d’impôt pour l’emploi à domicile était de 1 319 euros.
Troisièmement, monsieur le ministre, votre argument relatif au travail au noir me choque. La Cour des comptes l’a bien dit : le Cisap « subventionne le respect de la loi ». C’est exactement cela ; comme si l’on avait besoin d’acheter un comportement vertueux. Au contraire ; j’estime que tous les citoyens, fussent-ils aisés, doivent respecter la loi.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je peux vous trouver de nombreux contre-exemples.
M. Emmanuel Maurel
Le dispositif proposé par l’amendement nous paraît donc juste, en plus d’être susceptible de rapporter de l’argent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Qu’est-ce qui, dans la loi, empêche les comportements vertueux ?
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne, pour soutenir l’amendement no 3409.
M. Daniel Labaronne
Il tend à abaisser à 10 000 euros le plafond du Cisap. Il y a une réflexion à mener ensemble sur ce crédit d’impôt, son plafond, la nature de ses bénéficiaires, le périmètre des activités éligibles. Nous devons en effet décider quelles actions il faut privilégier et quel doit être l’effort national en faveur du financement de ce type de services. Le cycle de vie de la personne pourrait constituer un axe structurant : de l’enfance à la vieillesse, en prenant en considération la dépendance.
Je suis d’accord avec le précédent argument : on n’accorde pas de crédit d’impôt aux personnes qui respectent les feux rouges ou les panneaux stop,…
Mme Olivia Grégoire
C’est une bonne idée d’amendement !
M. Daniel Labaronne
…tout simplement parce que l’on doit respecter la loi.
Concernant le travail au noir, il faut renforcer les contrôles et infliger des amendes plus élevées.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Sans vous retracer l’historique entier de ce crédit d’impôt, je rappellerai simplement qu’il a été créé en 1982 par Mme Martine Aubry,…
M. Laurent Jacobelli
Elle était déjà là ? Ça devait être le Moyen Âge !
M. Charles de Courson, rapporteur général
…dans le but de réduire le travail au noir. Les études montrent que cela a bien marché, puisque la moitié du travail financé grâce au Cisap n’était auparavant pas déclaré. Ce crédit d’impôt a la vertu de permettre de payer un minimum de cotisations sociales. C’est pourquoi tous les gouvernements successifs l’ont maintenu, voire l’ont renforcé.
Mme Christine Arrighi
L’idée est bonne, mais son application est à revoir !
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements. Certains proposent de réviser le plafond à la marge, en l’abaissant de 12 000 à 11 000 euros par exemple, ce qui ne concernerait que les 2 % de bénéficiaires qui atteignent ce plafond. L’effet serait donc négligeable. À l’inverse, d’autres, tel le no 1870, prévoient de diviser le plafond par dix, l’abaissant à 1 250 euros, soit environ quatre heures de service à la personne par mois. C’est parfaitement excessif.
M. Manuel Bompard
C’est pourtant la durée moyenne !
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’abaissement du plafond pénaliserait aussi les ménages qui emploient des salariés à mi-temps, voire à plein temps.
Enfin, les services à la personne n’ont pas bénéficié de la même manière que les autres secteurs d’activité des exonérations générales de cotisations sociales, puisque l’une des trois grandes exonérations, pouvant atteindre 1,6 Smic, ne leur est pas applicable, en raison de l’existence même du Cisap – il y aurait sinon un double avantage. Supprimer ce crédit d’impôt conduirait à revoir tout l’équilibre d’ensemble.
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 2552 et 3417, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
S’il est important d’être juste sur la nature des services, je rejoins les propos de M. Mathieu Lefèvre, selon qui il faut éviter d’envoyer un mauvais signal aux classes moyennes, à ceux qui ont besoin de ces services à domicile et ont tout autant besoin de cette incitation fiscale pour les financer.
Monsieur Maurel, j’apprécie votre raisonnement – il n’est pas totalement erroné –,…
M. Emmanuel Maurel
En effet !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…mais, que vous le vouliez ou non, une grande partie de ce qui est voté ici vise à contenir, empêcher ou corriger certains comportements. Il a été démontré que la suppression du crédit d’impôt conduirait à une augmentation de l’emploi au noir. C’est un fait. Sans juger de la chose, j’estime que ce n’est pas souhaitable, parce qu’il n’y va pas seulement des cotisations, mais aussi de la protection des travailleurs.
Il ne faut pas aborder cette question en cherchant à réduire le plafond, mais en étant juste quant à la nature des services concernés.
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric Woerth
Tous les ans, nous avons ce débat, au cours duquel nous nous posons les mêmes questions, ou presque, à propos des crédits d’impôt relatifs à l’emploi de personnes. Cette instabilité est tout à fait perturbante. Or nous ne sommes pas élus pour créer de l’instabilité fiscale. Peut-être y a-t-il des abus – alors il faut les combattre – et peut-être faudrait-il réviser tous les trois ou quatre ans la liste des activités concernées et leur périmètre afin de ne pas subventionner ceux qui exagèrent, mais en attendant, le Cisap, ça marche.
Il est naturel qu’un particulier qui crée de l’emploi soit aidé fiscalement, puisque, n’étant pas une entreprise, il ne peut déduire ses charges liées au salaire. En plus, l’avantage est plafonné. Il faut adopter la perspective de l’employeur.
Je suis opposé à toute modification du dispositif. Nous avons des choses plus importantes à faire que de chercher à réviser ce qui fonctionne.
M. Nicolas Forissier
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Maillot.
M. Frédéric Maillot
Je regrette la sémantique employée : pourquoi parler de travail « au noir » ? Ne pourrions-nous pas dire « travail dissimulé » ? Pourquoi le terme « noir » serait-il systématiquement employé pour indiquer le négatif ? « Liste noire », « mouton noir », « broyer du noir » ; pourtant on dit un « vote blanc ». (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Laurent Jacobelli
On parle de chèque « en blanc » !
(Les amendements nos 1870, 1872, 468 rectifié et 3409, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de six amendements, nos 2612, 910, 2552, 3417, 1458 et 3080, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2552 et 3417 sont identiques, ainsi que les amendements nos 1458 et 3080.
La parole est à M. Jean-Pierre Bataille, pour soutenir l’amendement no 2612.
M. Jean-Pierre Bataille
Cette proposition recueillera peut-être l’unanimité de vos suffrages.
M. Emmanuel Maurel
Mieux vaut ne pas commencer ainsi !
M. Jean-Pierre Bataille
Tout a été dit à propos de certaines activités qu’il faudrait exclure du bénéfice du crédit d’impôt ou de plafonds qu’il faudrait réviser. J’ajoute que tous les Français, quels que soient leurs revenus, bénéficient aujourd’hui du même taux. Il y a là une certaine iniquité fiscale. Michel Castellani propose donc un taux dégressif calqué sur le barème de l’impôt sur le revenu : seuls ceux qui n’y sont pas assujettis bénéficieraient du taux maximal de 50 %, les autres se voyant appliquer un taux allant de 30 à 45 %, selon leur tranche d’imposition marginale.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune, pour soutenir l’amendement no 910.
Mme Christine Pirès Beaune
Je le retire.
(L’amendement no 910 est retiré.)
Mme la présidente
Nous en venons aux amendements identiques, nos 2552 et 3417.
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune, pour soutenir l’amendement no 2552.
Mme Christine Pirès Beaune
Il constitue en quelque sorte le gage du no 871, adopté plus tôt.
Le Cisap coûte 6,1 milliards d’euros, dont 3,074 milliards rien que pour l’entretien de la maison et les travaux ménagers, et 921 millions pour les travaux de jardinage. Comme l’indique la Cour des comptes, les services à domicile qui concernent les personnes âgées, la garde d’enfants ou les personnes handicapées sont minoritaires dans cette répartition. Nous proposons donc de continuer à leur faire bénéficier de 50 % de crédit d’impôt, mais de réduire le taux à 40 % pour les autres activités.
Cette baisse de 10 points permettrait de financer la transformation en crédit d’impôt de la réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes dépendantes, que nous venons de voter. Sur les 3 milliards que coûte le crédit d’impôt relatif à l’entretien, à la maison et aux travaux ménagers, soit la moitié du coût total du Cisap, 2 bénéficient exclusivement aux deux derniers déciles – ils peuvent donc assumer cet effort de solidarité.
Mme la présidente
L’amendement no 3417 de M. Daniel Labaronne est défendu.
Mme la présidente
Nous en arrivons aux amendements identiques, nos 1458 et 3080.
La parole est à Mme Stella Dupont, pour soutenir l’amendement no 1458.
Mme Stella Dupont
Le crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile est la deuxième dépense fiscale de l’État : il bénéficie à 4,6 millions de ménages et coûtera environ 7 milliards d’euros en 2025.
M. Fabien Di Filippo
Pour combien de personnes qui en vivent ?
Mme Stella Dupont
Depuis le début de la semaine, nous discutons des recettes de l’État et des dépenses fiscales ; or l’état de nos comptes publics nous invite à envisager toutes les possibilités.
Comme l’a rappelé Mme Pirès Beaune, au moment où nous cherchons comment financer des mesures d’équité et de justice fiscale, notamment à destination des personnes accueillies en Ehpad, la question des crédits d’impôt mérite d’être abordée. Je regrette que certains préfèrent ne toucher à rien. Dans la situation difficile que traverse notre pays, il me semble au contraire nécessaire de rester ouverts et de tout envisager avec clarté, clairvoyance, prudence et pragmatisme. À cet égard, réduire légèrement le crédit d’impôt permettrait de dégager des marges de manœuvre.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 3080.
M. Charles de Courson, rapporteur général
J’ai indiqué par mon précédent amendement la nécessité de réviser le Cisap, la plupart d’entre vous en conviendront, mais jusqu’où ? Cet amendement est modéré, puisqu’il propose d’abaisser le taux de 50 % à 45 %, pour toutes les activités, sauf la garde d’enfants et l’assistance aux personnes dépendantes. Cela rapporterait 450 millions et permettrait de financer la moitié de la mesure votée avec l’amendement no 871.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune, pour soutenir l’amendement no 916.
Mme Christine Pirès Beaune
Je le retire, de même que le suivant, le no 919.
(Les amendements nos 916 et 919 sont retirés.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour un rappel au règlement.
Mme Véronique Louwagie
Il s’appuie sur les articles 54 et suivants. Lors de précédents scrutins, madame la présidente, vous avez seulement appelé les votes « pour », sans appeler les « contre » ou les abstentions. Je comprends que les voix « pour » suffisaient pour connaître le sort des amendements concernés, mais l’expression des votes demeure importante, et il convient également de distinguer les votes « contre » et les abstentions. Je vous prie de le faire à l’avenir, afin que chaque député puisse s’exprimer librement et en toute conscience.
Mme la présidente
Effectivement madame Louwagie, je n’ai pas appelé les votes « contre ». Je reconnais mon erreur et vous présente mes excuses.
M. Fabien Di Filippo
Faute avouée est à moitié pardonnée !
Mme la présidente
Je rappelle toutefois que dans la discussion des articles, seules les voix « pour » et les voix « contre » sont prises en compte, contrairement aux abstentions.
Après l’article 3 (suite)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ils visent tous à recadrer le dispositif du Cisap. L’amendement no 2612 n’a pas été examiné en commission et je rendrai à son sujet un avis défavorable. Appliquer au Cisap un taux dégressif calculé selon le barème de l’IR serait d’une complexité qui me paraît déraisonnable.
Les amendements nos 2552 et 3417 tendent à faire passer le taux de ce crédit d’impôt de 50 % à 40 %, sauf lorsque les dépenses considérées financent la garde d’enfants et l’assistance aux personnes dépendantes. Les nos 1458 et 3080 proposent une disposition identique, mais en réduisant le taux à 45 % seulement. Dans le premier cas, on économiserait 880 millions d’euros ; dans le second, 450 millions.
M. Fabien Di Filippo
De toute façon, on ne veut pas de cette baisse. Il faut arrêter de s’en prendre à ceux qui travaillent.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ces amendements n’ayant pas été examinés en commission, je donnerai un avis personnel. Sans surprise, je vous demande de soutenir mon amendement no 3080 et l’amendement identique no 1458.
M. Fabien Di Filippo
En toute objectivité !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Bien sûr !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il est défavorable, pour une raison déjà exposée : nous devons être vigilants quant à l’effet qu’aurait l’adoption de ces amendements sur le recours au travail au noir.
M. Arnaud Saint-Martin
Au travail dissimulé !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Faire passer le taux du Cisap à moins de 45 % pourrait conduire les usagers à tourner vers le travail au noir.
M. Nicolas Sansu
Vers le travail dissimulé !
Mme la présidente
La parole est à M. Emeric Salmon.
M. Emeric Salmon
Sans même parler de travail dissimulé, je note que les particuliers ayant recours aux services à la personne en évaluent le coût pour établir un budget. La baisse de l’avantage fiscal provoquerait donc un effet d’éviction et affecterait le niveau d’emploi : des entreprises licencieraient leurs employés et certains indépendants devraient cesser leur activité.
Ainsi, l’augmentation de l’impôt procurerait un gain à l’État, mais au prix de conséquences sociales, certes modestes, mais qui doivent être prises en compte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
M. Aurélien Le Coq
Quel insupportable laxisme fiscal ! (Sourires.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric Woerth
Si vous voulez dégoûter les Français d’employer à domicile, persévérez dans cette voie !
M. René Pilato
Les Français ne veulent plus de vous ! Ils ne vous écoutent plus !
M. Éric Woerth
On va créer deux taux cette année, puis trois l’an prochain, puis on les divisera par l’âge du capitaine… Comme à l’accoutumée, on réclame de la simplification, mais chacun se livre à l’exercice inverse.
Rappelons qu’une entreprise qui emploie du personnel de service déduit le coût du travail de son bénéfice avant imposition. S’agissant d’un particulier, ce n’est pas la même affaire, mais il est tout de même naturel qu’il bénéficie de 50 % de crédit d’impôt lorsqu’il devient employeur. La lutte contre le travail au noir (« Le travail dissimulé ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) est un impératif…
M. Nicolas Sansu
Il faut parler de travail dissimulé !
M. Éric Woerth
…et il est de bonne logique d’inciter à s’en détourner par un avantage fiscal.
Ne dégoûtez pas les Français d’employer d’autres Français !
Mme Dieynaba Diop
Et vous, continuez d’ignorer les Français !
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
L’argument selon lequel il ne faudrait pas changer un dispositif qui fonctionne ne me semble pas adéquat, puisque le dispositif en question, loin de fonctionner, coûte 6 milliards d’euros à la collectivité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) Par ailleurs, on ne peut pas prétendre rechercher des économies partout…
M. Gérault Verny
Le recours aux services à domicile rapporte !
M. Fabien Di Filippo
Tandis que le RSA coûte 15 milliards d’euros chaque année !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Puis-je achever mon propos ? Il est toujours étonnant de constater que, dès qu’il est question de remettre en question l’optimisation fiscale pratiquée par les plus riches, une partie de l’hémicycle se met à pousser des hurlements. En revanche, lorsqu’il s’agit d’attaquer les acquis sociaux des travailleurs, il n’y a pas de problème ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. – Exclamations sur les bancs des groupes RN, EPR, DR et UDR.)
J’ai donc compris que mon propos vous mettait en colère, mais je vais tout de même poursuivre.
M. Nicolas Forissier
Les particuliers qui ont recours au Cesu ne sont pas les plus riches !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
On dit que tout le monde doit contribuer à l’effort. Le Gouvernement veut enlever de l’argent aux retraités et faire payer l’hôpital public et les chômeurs. Et là, alors que l’on parle du deuxième crédit d’impôt le plus coûteux – 6 milliards d’euros –, il ne faudrait pas songer à réduire l’avantage qu’il procure ? Il ne s’agit pas de viser ceux qui, sans crédit d’impôt, ne pourraient pas accéder à ces services, mais bien les ménages qui, en raison de leur fortune, auraient de toute façon les moyens d’y avoir recours, les ménages pour lesquels le Cisap n’est qu’une façon de réduire l’impôt sur le revenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur de nombreux bancs des groupes RN, EPR, DR, HOR et UDR.)
Mme Véronique Louwagie
Non !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Mais si, de tels cas existent ! Dire le contraire, c’est un mensonge !
M. Nicolas Forissier
Le Cisap crée de l’emploi !
M. Laurent Jacobelli
Mais enfin !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
La moitié de ce crédit d’impôt bénéficie aux 10 % des Français les plus favorisés ! Comment pouvez-vous soutenir l’inverse ? (Protestations sur les bancs des groupes RN, EPR, UDR et DR.) Je comprends que vous défendiez les vôtres… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)
M. Nicolas Sansu
Le RN souffre du syndrome de Stockholm vis-à-vis de la Macronie !
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Je le répète : l’amendement no 2552 est la contrepartie de l’amendement no 871, adopté à une très large majorité et qui tendait à transformer en crédit d’impôt la réduction d’impôt relative à l’hébergement en Ehpad. Le coût de cette transformation est estimé à 880 millions d’euros et c’est avec esprit de responsabilité que les membres de la commission des finances ont tenté de la gager.
M. Laurent Jacobelli
Responsabilité, vraiment ?
Mme Christine Pirès Beaune
Je reconnais l’importance de la lutte contre le travail dissimulé, mais faire passer de 50 % à 40 % le crédit d’impôt pour certains services qui ne concernent ni les personnes handicapées, ni les personnes âgées, ni la garde d’enfants ne nous fera pas retomber dans le travail dissimulé, ce n’est pas vrai ! Un crédit d’impôt de 40 % reste très généreux !
Lorsque le Cisap a été créé, les charges patronales atteignaient un niveau bien plus élevé qu’aujourd’hui et c’est ce qui a justifié son institution. Désormais, les charges patronales pesant sur un emploi au Smic sont bien moins importantes.
Par ailleurs, j’ai confiance dans le civisme de nos concitoyens : ils sont capables de comprendre que la création du crédit d’impôt « Ehpad » nécessite de trouver les financements nécessaires. Enfin, quand bien même le taux du crédit d’impôt applicable aux travaux d’entretien, aux travaux de jardinage et aux travaux ménagers ne serait que de 40 %, le coût du Cisap resterait supérieur à 2 milliards d’euros ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. Fabien Di Filippo
Vous n’aimez pas les arbres ! Mme Pirès Beaune est l’ennemie de l’environnement.
Mme la présidente
Nous dérogeons à la règle « un pour, un contre » ; je demande donc aux orateurs de limiter leur intervention à une minute.
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Monsieur le président Coquerel, vous prétendez que nous sommes des conservateurs, que nous ne voulons rien changer, mais en réalité, nous ne voulons pas changer un dispositif qui fonctionne ! (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et EPR.) Il fonctionne, c’est sur ce point que nous sommes en désaccord.
Je suis également en désaccord avec Mme Pirès Beaune, dont l’amendement pourrait conduire à déposséder les Français qui bénéficient du Cisap au taux de 50 %.
M. François Jolivet
Eh oui !
Mme Véronique Louwagie
Ce crédit d’impôt fonctionne. Il aide un certain nombre de personnes…
Mme Alma Dufour
Dont vous-même ?
Mme Véronique Louwagie
…et prévient le recours au travail au noir.
M. Nicolas Sansu
Dissimulé !
Mme Véronique Louwagie
Ce crédit d’impôt aide des personnes qui, dans leur majorité, travaillent, puisqu’elles paient des impôts. Elles font partie de la classe moyenne et nous devons impérativement les soutenir.
Nous sommes donc opposés à ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Je trouve ce débat extraordinaire. Il porte sur la deuxième dépense fiscale la plus importante après le crédit d’impôt recherche, estimée à 6 milliards d’euros et qui profite, dans la moitié des cas, aux 10 % des Français les plus riches.
M. Mathieu Lefèvre
Et alors ?
M. Manuel Bompard
Malgré ce constat, vous prétendez que le Cisap fonctionne très bien et qu’il ne doit pas être aménagé : ce n’est pas le cas et ce crédit d’impôt ne contribue pas à la justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Nicolas Forissier
Ce crédit profite aux salariés !
M. Manuel Bompard
Ce débat est entaché de conflits d’intérêts : j’ai bien compris que des députés se sentaient directement visées par cette mesure. (Vives exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Éric Woerth
Dégage de là !
M. Manuel Bompard
Quant au signal que vous craindriez d’envoyer aux uns et aux autres, j’observe qu’il n’en est plus question lorsque vous vous apprêtez à augmenter le prix de l’électricité au détriment de tous les Français ou à attaquer les retraités. En revanche, vous y prenez garde lorsque les mesures que nous discutons peuvent affecter les 10 % les plus riches ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. Éric Woerth
Dégage !
M. Manuel Bompard
On peut trouver des milliards en réformant ce crédit d’impôt.
M. Mathieu Lefèvre
Ben voyons !
M. Manuel Bompard
Des mesures, intelligentes et réfléchies, ont été préparées à cette fin : il faut les voter ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Cazenave.
M. Thomas Cazenave
L’argumentation du président Coquerel pèche en deux points. Premièrement, il soutient que le Cisap ne fonctionne pas, au motif qu’il coûte 6 milliards d’euros. Comme si en face de cette dépense, aucun service n’était fourni et aucun emploi n’était créé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Deuxièmement – et pire encore –, M. Coquerel a prétendu que les bénéficiaires de ce dispositif n’y avaient recours que pour baisser leur impôt. Comme si des gens en payaient d’autres à faire des trous puis à les reboucher ! (Mêmes mouvements.)
Ces propos sont complètement aberrants ! Le Cisap crée de l’activité économique et des emplois ! (Mêmes mouvements.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour un rappel au règlement.
M. Laurent Wauquiez
Il se fonde sur l’article 70. Alors que M. Bompard nous a interpellés en sous-entendant que certains ici seraient pris dans des conflits d’intérêts, je souhaite que nos débats retrouvent leur sérénité.
M. Arthur Delaporte
Ah, ça !
M. Laurent Wauquiez
J’aimerais bien savoir… (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Est-il possible de s’exprimer sans subir les éructations de l’extrême gauche ?
Mme la présidente
Gardez vos remarques ! Je vous laisse la parole et demande à ceux qui veulent s’exprimer à plein volume de se retenir ou de le faire à l’extérieur.
M. Laurent Wauquiez
Mes collègues entendent-ils dénier le droit de s’exprimer dans l’hémicycle aux personnes payant l’impôt sur le revenu ? À celles qui possèdent un logement ? Aux employeurs ? Ceux qui ont des enfants ne pourraient-ils donc pas intervenir au sujet des allocations familiales ?
Mme Stella Dupont
Ça n’a rien à voir !
M. Nicolas Sansu
Parlons plutôt de ceux qui s’offrent des repas somptueux !
M. Laurent Wauquiez
Est-ce leur vision du débat au sein de l’Assemblée nationale ?
Je vous suggère de vous intéresser au nombre d’emplois créés grâce au Cisap, ceux de l’Aide à domicile en milieu rural (ADMR) ou de sociétés comme Shiva : votre approche du budget en deviendrait plus intéressante ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Sandra Regol
Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme la présidente
Vous avez fait votre rappel au règlement, n’en profitez pas pour intervenir sur le fond du débat.
M. Laurent Wauquiez
Ne cassez pas ce qui fonctionne ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR, EPR et HOR.)
Mme Danielle Simonnet
Rendez l’argent de vos repas !
M. Fabien Di Filippo
Que pense M. Bompard de la légalisation de la vente des drogues de synthèse ?
Après l’article 3 (suite)
Mme la présidente
La parole est à Mme Stella Dupont.
Mme Stella Dupont
Le débat s’enflamme. Nous devrions reprendre nos esprits et répondre à la question qui se pose, à savoir : sur cette dépense fiscale considérable, qui représente plus de 6 milliards d’euros, pouvons-nous, oui ou non, faire un effort pour financer le crédit d’impôt Ehpad ?
Nous sommes responsables et nous cherchons à financer les mesures nouvelles que nous avons votées tout à l’heure.
M. Fabien Di Filippo
Vous pensez vraiment qu’en détruisant de l’emploi, vous allez financer quoi que ce soit ?
Mme Stella Dupont
Il n’y a pas lieu de s’enflammer. Trouver de nouvelles recettes et des sources d’économie est un exercice très difficile, qui nécessite que chacun respecte la position des autres.
Pour ma part, je pense que nous pourrions actionner ce levier et réduire un peu le crédit d’impôt services à la personne – sauf pour ceux qui concernent les personnes âgées, la garde d’enfants et les personnes en situation de handicap. Ces amendements proposent de ramener le taux du Cisap de 50 à 45, voire 40 % : ce n’est pas parce que nous ne sommes pas tous d’accord avec cette proposition qu’il faut nous enflammer et nous manquer de respect.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Le débat sur le Cisap a pris une drôle de tournure et est devenu assez manichéen. La vérité, c’est que le Cisap est une niche fiscale qui a un impact sur l’emploi, et vous faites fausse route, monsieur le président Coquerel, monsieur Bompard, en le présentant comme une niche d’optimisation fiscale. (Mme Sandra Marsaud applaudit.)
Je pourrais comprendre que vous remettiez en cause d’autres niches fiscales et que nous ayons, à la rigueur, un débat sur l’intérêt de maintenir les sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Sofica) ou la défiscalisation pour l’achat d’œuvres d’art, mais pas sur le Cisap, qui représente plus de 3 millions d’emplois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Vous n’allez pas me dire que vous êtes contre ces 3 millions d’emplois ! (Mêmes mouvements.)
Mme Dieynaba Diop
La question n’est pas là !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Vous vous trompez de combat !
M. Laurent Jacobelli
C’est l’histoire de leur vie !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Vous faites fausse route. Ce n’est pas parce que le Cisap coûte 6 milliards aux finances publiques qu’il n’est pas générateur d’emplois et qu’il n’est pas protecteur, socialement, pour les employés concernés. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Supprimez le Cisap et, dans deux ans, vous aurez 3 millions de personnes au chômage ou exerçant un travail dissimulé !
M. Manuel Bompard
Arrêtez de raconter n’importe quoi ! Personne ne parle de le supprimer !
M. Arnaud Le Gall
Pourquoi mentez-vous ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
N’allez pas, au nom de la lutte contre l’optimisation fiscale, détruire un outil qui constitue une soupape pour les classes moyennes et qui permet à des gens de vivre de leur travail. Je le répète, monsieur Bompard, vous vous trompez complètement de combat. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Manuel Bompard
Vous êtes vraiment malhonnête !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres. Dire que cet avantage fiscal ne concerne qu’une toute petite minorité est inexact, puisqu’il bénéficie à 4,7 millions de familles, dont 39 % ne sont pas imposables. Si l’on divise 6,1 milliards par 4,7 millions, on obtient un avantage moyen de 800 euros par famille. (« En moyenne ! » sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Il faut revenir sur terre…
Par ailleurs, son plafond étant fixé à 12 000 euros, le montant maximum de ce crédit d’impôt est de 6 000 euros, ce qui représente une gouttelette pour des familles très riches. Il existe par ailleurs des sous-plafonds, fixés par exemple à 5 000 euros pour le jardinage, à 3 000 euros pour l’assistance informatique ou encore à 500 euros pour le bricolage. On ne peut donc pas dire que cet avantage fiscal ne concerne que les très riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Nicolas Sansu
Pour ceux qui atteignent le plafond, si !
M. Nicolas Forissier
Merci pour cette mise au point, monsieur le rapporteur général !
(L’amendement no 2612 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2552 et 3417.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 209
Nombre de suffrages exprimés 208
Majorité absolue 105
Pour l’adoption 80
Contre 128
(Les amendements identiques nos 2552 et 3417 ne sont pas adoptés.)
(Les amendements identiques nos 1458 et 3080 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir l’amendement no 2606.
M. Philippe Brun
Issu des travaux du groupe de travail sur les familles monoparentales, cet amendement propose d’augmenter le taux de couverture du Cisap pour ces familles, notamment pour la garde d’enfants, en le faisant passer à 80 %. Ces familles, vous le savez, sont plus que d’autres touchées par la pauvreté et la précarité. Cette disposition doit leur offrir un peu du répit qu’elles méritent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Vous proposez de porter de 50 à 80 % le crédit d’impôt pour garde d’enfants pour les familles monoparentales. Excusez-moi, cher collègue, mais on ne peut pas voter un crédit d’impôt de 80 % !
M. Fabien Di Filippo
Autant faire directement une subvention !
M. Charles de Courson, rapporteur général
En outre, moins de 5 % des familles monoparentales ont recours à la garde à domicile : votre disposition n’atteindrait donc même pas sa cible.
Cet amendement n’a pas été examiné par la commission de finances. À titre personnel, j’y suis défavorable.
(L’amendement no 2606, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. Nicolas Sansu
Ils n’aiment pas les familles monoparentales !
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 853 et 3413.
L’amendement no 853 de Mme Christine Pirès Beaune est défendu.
La parole est à M. Daniel Labaronne, pour soutenir l’amendement no 3413.
M. Daniel Labaronne
Nous proposons d’ajouter une nouvelle rubrique à la déclaration d’impôt, dans laquelle les bénéficiaires du Cisap indiqueraient, en plus de l’activité faisant l’objet d’un crédit d’impôt, si la personne ayant rendu le service éligible est un particulier employeur, un organisme de service à la personne ou un mandataire. Cette disposition, qui renforcerait l’information du Parlement concernant l’utilisation de ce crédit d’impôt, ne coûterait pas un sou.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a émis un avis favorable sur ces amendements. À titre personnel, je n’y étais pas favorable, car ils vont introduire davantage de complexité. À vous de décider.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je vais me faire, à la place du rapporteur général, l’avocat des prérogatives du Parlement en matière d’évaluation, en émettant un avis favorable sur ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Nous avons eu ce matin un débat du même ordre à propos d’un amendement qui proposait déjà d’obtenir des informations grâce à la déclaration d’impôt. Dans la mesure où les déclarations sociales nominatives fournissent déjà nombre d’informations, je trouverais regrettable de complexifier les choses en demandant par exemple des informations à la fois dans le Cesu, puis de nouveau dans la déclaration d’impôt.
La déclaration de revenus contient déjà un nombre de rubriques important, qui peut être source d’erreurs. Alors qu’une loi de simplification est en cours d’examen au Sénat, il ne me paraît pas souhaitable de complexifier les choses : tout cela ne me semble pas très cohérent.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Cette disposition ne complique rien : il s’agit seulement d’ajouter une case à un formulaire qui ne fait pas plus d’une page. Je ne vois pas où est le problème. Madame Louwagie, sachez que dans le cadre de ma mission, j’ai interrogé Bercy pour savoir si le formulaire créait des difficultés et on m’a répondu que non. On peut donc y aller.
Mme Émilie Bonnivard
Voilà comment le législateur complique la vie des Français !
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 853 et 3413.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 177
Nombre de suffrages exprimés 175
Majorité absolue 88
Pour l’adoption 92
Contre 83
(Les amendements identiques nos 853 et 3413 sont adoptés.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Madame Louwagie, je comprends votre crainte, mais il paraît essentiel de collecter les données utiles au bon pilotage de la dépense fiscale. En la matière, il faut trouver le juste milieu et ne pas être jusqu’au-boutiste.
Mme la présidente
La parole est à M. Aymeric Caron, pour soutenir l’amendement no 958, qui fait l’objet du sous-amendement no 3688.
M. Aymeric Caron
Il s’agit de soulager financièrement les propriétaires d’animaux dits de compagnie, à savoir les chiens et les chats inscrits sur le fichier national I-CAD depuis au moins six mois – cette précision vise à éviter les déclarations d’opportunité, qui seraient préjudiciables aux animaux.
Environ 55 % des Français possèdent un chien ou un chat et chaque animal coûte très cher : entre la nourriture, les frais vétérinaires et la litière – pour les chats –, on atteint une centaine d’euros par animal et par mois, et le coût des croquettes a augmenté de 18 % entre 2022 et 2023.
Les refuges nous alertent sur la multiplication des abandons : avec l’inflation, les familles ont de plus en plus de difficultés à assumer le coût d’un animal de compagnie. Les chiens et les chats sont devenus des membres à part entière de nos familles, ce sont des êtres sensibles dont il faut prendre soin. Il importe donc de trouver des solutions.
C’est pourquoi je propose la création d’un crédit d’impôt de 30 euros par animal et par mois, soit 360 euros par an, comme le précise le sous-amendement de mon collègue Rodrigo Arenas, que je vous invite également à adopter.
Mme Émilie Bonnivard
Chacun ses priorités ! Nous, c’est l’emploi, et vous, ce sont les chiens et les chats !
M. Nicolas Forissier
Vous n’avez pas de conflit d’intérêts ?
Mme la présidente
La parole est à M. Rodrigo Arenas, pour soutenir le sous-amendement no 3688.
M. Rodrigo Arenas
Mon sous-amendement n’est pas seulement rédactionnel : en inscrivant que le montant du crédit d’impôt s’élève à 360 euros par an, il s’agit de rappeler que les animaux doivent être nourris chaque jour de l’année. Or il ne paraît pas scandaleux de consacrer un euro par jour à leur alimentation, donc à leur bien-être. Les personnes âgées n’ont souvent pas d’autre compagnie que leur animal et nombre d’entre elles sont dans une situation de grande précarité, notamment du fait de la réforme des retraites que vous avez votée.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Notre collègue propose un crédit d’impôt de 30 euros par chien ou chat.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Une réduction d’impôt !
M. Charles de Courson, rapporteur général
La France compte 25 millions de chiens et de chats. Si tous leurs propriétaires bénéficiaient de cette mesure, elle représenterait un coût de 750 000 millions. Quant au crédit d’impôt proposé par le sous-amendement, si la moitié des propriétaires y avaient recours, son coût serait de 3 milliards ; il serait donc de 6 milliards si tous le sollicitaient.
M. Nicolas Forissier
J’ai un conflit d’intérêts : j’ai trois chiens, j’ai donc envie de voter l’amendement ! (Sourires sur les bancs du groupe DR.)
M. Charles de Courson, rapporteur général
En Allemagne, la possession d’un chien ou d’un chat n’ouvre pas à un crédit d’impôt, mais à une taxe (« Très bien ! » sur les bancs du groupe EPR), laquelle s’élève à 30 euros, de mémoire, et rapporte 500 millions d’euros. Il s’agit d’ailleurs d’une taxe locale.
La commission n’a pas examiné l’amendement ni le sous-amendement mais, à titre personnel, malgré tout l’amour que j’ai pour les animaux, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Monsieur Caron, vous proposez une réduction et non un crédit d’impôt.
M. Aymeric Caron
Non, c’est bien un crédit d’impôt ! C’est écrit !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Autrement dit, seuls ceux qui sont soumis à l’impôt sur le revenu en bénéficieraient. La moitié des contribuables en seraient donc privés, ce qui paraît assez contradictoire avec les positions affirmées auparavant par votre groupe. Vous êtes prêts à supprimer le Cisap, qui coûte 6 milliards, mais vous réintroduisez une réduction d’impôt chiffrée à 6 milliards ! Soyez cohérents !
M. Aymeric Caron
C’est un crédit d’impôt !
M. René Pilato
Ne faites pas semblant de ne pas comprendre !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il semble que ce soit plutôt une réduction. Dans tous les cas, le coût engendré par le dispositif serait à peu près équivalent à ce que vous venez de dénoncer comme une charge trop lourde pour la collectivité. Soyez cohérents dans vos différents amendements ! Avis défavorable. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR. – M. Erwan Balanant applaudit également.)
M. Philippe Ballard
C’est une niche fiscale pour les chiens ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Nous aimons tous beaucoup les chiens et les chats mais, il y a quelques minutes, les députés du groupe La France insoumise voulaient supprimer un crédit d’impôt destiné à des Français qui emploient des Français, à des Français qui créent de l’emploi. Ils veulent maintenant que l’on vote un crédit d’impôt pour les chats ! Moi je préfère que l’argent public serve à créer des emplois plutôt qu’à garder les chats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes DR et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aymeric Caron.
M. Aymeric Caron
Vous avez mal lu le texte de l’amendement, monsieur le ministre : il s’agit bien d’un crédit d’impôt.
M. Nicolas Forissier
Les deux sont écrits !
M. Aymeric Caron
Je suis d’accord, le crédit d’impôt n’est pas la meilleure solution, mais il faut bien trouver un moyen d’aborder ce sujet complètement ignoré par tous les parlementaires jusqu’à présent ! (Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)
M. Laurent Jacobelli
Où allez-vous chercher des députés pareils ?
M. Aymeric Caron
Il est temps que nous parlions des animaux de compagnie, qui représentent une charge considérable pour les Françaises et les Français ! (Brouhaha.) Vous expliquez que cette mesure coûterait extrêmement cher. Cependant, de nombreuses études prouvent que le fait de cohabiter avec un chien ou un chat est très bon pour la santé. Aussi cette mesure allégerait-elle en réalité le budget de la sécurité sociale, car elle contribuerait à la bonne santé de nos compatriotes, en leur permettant de prendre soin de leurs animaux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
J’ai deux chats : dois-je me déporter ? (Mme Danièle Obono s’exclame.) Sérieusement, monsieur Caron, vous voulez, comme l’a souligné M. Cazeneuve, supprimer des niches fiscales, des crédits et des réductions d’impôt qui produisent de l’emploi en France.
M. Jean-François Coulomme
Les animaux, ce sont aussi des emplois !
M. Erwan Balanant
Nous aimons tous nos animaux, mais dépenser 6 milliards pour une réduction d’impôt qui bénéficierait aux plus riches, vous avez un peu perdu la tête…
M. Vincent Descoeur
Ils ne l’ont pas perdue, ils n’en ont jamais eu !
M. Erwan Balanant
Je crois qu’on a atteint le pompon de la pomponnette !
(Le sous-amendement no 3688 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 958 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 168 rectifié, 126, 133, 363, 3083, 3557 et 1808, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 126, 133, 363 et 3083 sont identiques.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 168 rectifié.
M. Thibault Bazin
Je reviens à un sujet important : la crise du logement protéiforme à laquelle nous faisons face dans notre pays. C’est une crise de l’accession, de l’investissement, de la rénovation, du financement, une crise de confiance entre propriétaires et locataires. Alors qu’il faudrait plus de 500 000 nouveaux logements en construction, nous sommes passés sous la barre des 400 000. L’amendement vise à endiguer la crise de l’investissement locatif, celui des particuliers et non des investisseurs institutionnels. Imaginez que seulement 8 300 logements ont été vendus à des investisseurs particuliers au premier semestre de cette année !
Le dispositif d’investissement locatif Pinel existe – il a permis 50 000 ventes sur les 400 000 –, mais il est en voie d’extinction : si nous ne faisons rien, il disparaîtra à la fin de l’année. Faut-il le proroger de trois ans ou imaginer autre chose ? Faut-il, par exemple, revoir le statut du bailleur privé, pour le rendre plus attractif ? Élargir l’expérimentation du Pinel breton ? En tout cas, 23 % des opérations en cours sont actuellement à l’arrêt, ce qui représente un vrai risque quand on sait que les premiers logements commercialisés sont ceux qui sont destinés à des investisseurs particuliers et que les propriétaires occupants mettent plus de temps à acheter.
L’amendement no 168 rectifié propose donc de proroger de trois ans le dispositif Pinel dans les conditions qui prévalaient avant 2022 – je laisse mes collègues préciser ce point. Mon amendement no 133, que nous examinerons un peu plus loin, est un amendement de repli qui tend à proroger le dispositif durant une année seulement.
Je dirai enfin un mot de l’amendement no 166, qui tend à généraliser le Pinel breton : ce dispositif très intéressant repose sur une discussion des besoins au niveau local, le nombre de logements nécessaires étant fixé par un arrêté du préfet. Il s’agit peut-être d’un modèle, mes collègues bretons en parleront, qui repose sur un principe cher à Michel Barnier, celui de la décentralisation.
M. Erwan Balanant
Il a raison, Bazin : prenez exemple sur la Bretagne !
M. Thibault Bazin
Nous parlerons de l’accession plus tard, mais j’ouvre d’ores et déjà le champ des actions possibles concernant l’investissement locatif. Il faut agir d’urgence ou de nombreuses opérations s’arrêteront et ceux qui seront les plus pénalisés sont ceux qui ont le plus besoin d’un logement.
Mme la présidente
La parole est à M. Didier Le Gac, pour soutenir l’amendement no 126.
M. Didier Le Gac
Je sais que le Pinel est un dispositif d’optimisation fiscale et je ne me fais pas d’illusion quant à sa prorogation. J’appelle l’attention du Gouvernement et du ministre au banc sur la crise du logement sans précédent que traverse le pays et qui menace sa cohésion même, car c’est bien de cela qu’il s’agit lorsque des jeunes ne parviennent plus à se loger, ne trouvent plus de logement à louer ou à acheter.
La suppression de ce dispositif arrive au pire des moments, comme il vient d’être dit. Le nombre de mises en vente de logements neufs s’effondre : elles n’étaient plus que 28 000 au premier semestre 2024, contre – tenez-vous bien – 75 000 au premier semestre 2018 et 40 000 en pleine crise du covid, au premier semestre 2020. Or rien n’est prévu pour remplacer ce dispositif. Le Premier ministre a bien évoqué un retour du prêt à taux zéro (PTZ), mais sans nous fournir un calendrier ni préciser qui sera concerné.
En Bretagne, nous avons réussi à décentraliser le dispositif Pinel. Les élus locaux se sont accordés, de manière plutôt intelligente, sur un zonage qui a permis de débloquer des projets immobiliers – pas simplement des logements neufs, mais aussi des logements sociaux et des commerces. En effet, outre la location de logements neufs, le dispositif Pinel encourage d’autres types de projets immobiliers. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Erwan Balanant
Il a raison !
Mme la présidente
L’amendement no 133 de M. Thibault Bazin a été défendu.
Mme la présidente
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l’amendement no 363.
Mme Émilie Bonnivard
Mon collègue Thibault Bazin l’a dit, nous faisons face à une grave crise du logement : la raréfaction de l’offre et l’explosion des prix de l’immobilier et du foncier entraînent des difficultés réelles d’accès au logement, notamment pour les plus jeunes et les jeunes couples des classes moyennes, qui ne sont plus en mesure de louer, sans même parler d’accéder à la propriété. Pour un jeune couple, la propriété d’une résidence principale est devenue un vœu pieux. L’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) a exacerbé cette crise.
La tension dans le secteur est telle que nous ne pouvons, à moins d’aggraver la crise, mettre fin au dispositif Pinel sans proposer une solution alternative. Prolongeons-le durant un an, le temps de trouver une solution, car il constitue une incitation à la construction de logements neufs et permet à nos concitoyens les plus modestes d’accéder à des logements de qualité. Nous pouvons, en revanche, supprimer le Pinel +, qui ne fonctionne pas.
Mme la présidente
L’amendement no 3083 de M. Gérault Verny est défendu.
Sur l’amendement no 3557, je suis saisie par le groupe Droite républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour soutenir l’amendement no 3557.
M. Laurent Wauquiez
Nous sommes à l’aube d’une gigantesque crise du marché immobilier et nous ne mesurons pas ses conséquences potentiellement catastrophiques. La mise en vente de logements, dans l’ensemble des secteurs immobiliers, s’effondre, passant de 80 000 à 40 000 ventes. L’effet sera dévastateur pour tous les acteurs, pour les emplois de la filière des bâtiments et travaux publics (BTP), comme pour les Français, qui, faut-il le rappeler, consacraient 10 % de leur budget au logement dans les années 1980, contre plus de 22 % aujourd’hui. Sans nouvelles mises en vente, il est peu probable que la situation s’améliore. Des règles administratives folles ont été adoptées. Le prêt à taux zéro sera étendu, mais l’extinction prochaine du dispositif Pinel prive le marché de l’immobilier de tout mécanisme de soutien opérationnel. Il y a donc urgence.
Comme ceux de mes collègues Thibault Bazin et Émilie Bonnivard, le présent amendement vise, grâce à la prolongation du dispositif Pinel – dont la Cour des comptes a souligné l’utilité –, à oxygéner au moins un des compartiments du secteur de l’immobilier, ce qui bénéficiera également à la filière du BTP, qui en a grand besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. David Taupiac, pour soutenir l’amendement no 1808.
M. David Taupiac
Depuis sa création en 2014, le dispositif Pinel a prouvé son efficacité en stimulant à la fois la construction de logements neufs et l’investissement locatif, notamment dans les zones tendues. Ce mécanisme a joué un rôle central dans la construction de plus de 100 000 logements entre 2015 et 2022, contribuant à accroître l’offre de logements dans des territoires marqués par une forte pression immobilière. La crise du logement en France, exacerbée par la hausse des prix de l’immobilier et des taux d’intérêt, impose de prolonger ce dispositif au-delà de 2024. Selon les estimations du ministère chargé du logement, la France enregistre chaque année un déficit de plusieurs centaines de milliers de logements, particulièrement dans les zones tendues. Prolonger le dispositif Pinel permettrait de maintenir un rythme de construction adapté aux besoins actuels et futurs ; c’est pourquoi l’amendement vise à le proroger jusqu’au 31 décembre 2025.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission des finances a émis un avis défavorable sur ces amendements qui visent à proroger le dispositif Pinel jusqu’en 2025, voire jusqu’en 2027. Non que la commission ne soit pas consciente de l’extrême gravité de la crise du logement – chacun la constate, mais penser que l’on va améliorer la situation en prorogeant le dispositif Pinel se heurte à l’ensemble des critiques dont ce dispositif a fait l’objet : tous ceux qui l’ont évalué – dont plusieurs de nos collègues – le jugent peu efficace, cher, participant à la hausse des prix de l’immobilier – souvent d’ailleurs au profit des intermédiaires alors que l’avantage fiscal avait été conçu pour faciliter la location –, et conduisant même parfois à une surconstruction dans des lieux inadaptés.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je partage l’avis de M. le rapporteur général, tout en ayant pleinement conscience du problème. Le dispositif Pinel a déjà été prorogé et doit cesser ; cela a été annoncé. Il faut savoir sortir de certains dispositifs quand leurs effets négatifs ont été documentés. Certes, l’arrêt du Pinel ne résoudra pas le problème du logement. Je l’ai dit et je le répète : il nous faut conduire une réflexion globale sur la fiscalité relative au logement ; c’est indispensable, car les dispositifs sont trop nombreux et chaque modification de l’un aura des conséquences sur les autres.
Le système n’est pas efficace et comporte trop de niches. Lorsque j’étais rapporteur général du budget, j’avais engagé un défrichage de ces niches et un consensus documenté s’était dégagé quant aux effets négatifs du dispositif Pinel – effet inflationniste, plafonds de loyer non mordants, etc. La date butoir de la fin 2024 doit donc être maintenue.
Le Premier ministre l’a toutefois affirmé : nous allons étendre le PTZ et des amendements à venir, notamment de M. Jolivet sur la donation, proposeront d’autres mesures. Cependant, cela ne sera pas suffisant et une réflexion globale s’impose avec la ministre du logement. En tout état de cause, ce n’est pas par une prorogation du dispositif Pinel de trois, six ou douze mois que nous résoudrons le problème.
Mme Émilie Bonnivard
Non, on va l’aggraver !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon
Les députés du groupe Droite républicaine ne nous ont pas expliqué comment ils financeraient la prolongation du dispositif Pinel – cette mesure serait pourtant très coûteuse, de l’ordre de 2 milliards d’euros.
Chers collègues, vous êtes prisonniers d’un vieux logiciel et vous pensez qu’atténuer la crise du logement passera uniquement par des dispositifs fiscaux et une mise sous perfusion continue du secteur par de l’argent public. Il y a un tabou auquel vous refusez de vous attaquer, responsable de bien des maux en matière de logement : l’explosion normative – toutes ces contraintes accumulées depuis des années – à laquelle vous avez contribué en votant pour l’adoption de nouvelles normes.
C’est le cas de l’objectif ZAN, qu’il faut absolument réformer, voire supprimer, et de la réglementation environnementale 2020 (RE2020), qui entraîne des surcoûts notables, notamment dans le neuf. L’indice du coût de la construction (ICC) ne cesse d’augmenter et le calendrier imposé par la réglementation environnementale 2025 (RE2025) continuera d’accroître les coûts, qu’il convient de limiter. Enfin, les contraintes liées au diagnostic de performance énergétique (DPE) pèsent sur le parc ancien – aucun groupe hormis le Rassemblement national ne souhaite s’y attaquer.
M. Frédéric Maillot
Non ! Non !
M. Frédéric Falcon
Nous devons impérativement lever ces contraintes. Vous pouvez continuer à abreuver d’argent public le secteur, cela ne réglera pas la crise du logement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
Si nous connaissons une crise du logement, c’est du fait de l’inaction ou des mauvaises actions des gouvernements depuis sept ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.) L’extinction du dispositif Pinel était la seule mesure non comprise dans le volet logement du Conseil national de la refondation (CNR) à être instaurée par la dernière Première ministre. Nous partageons le constat selon lequel ce dispositif était à bout de souffle ; mais ce n’était peut-être pas forcément une riche idée de le supprimer de façon aussi nette.
Cependant, plutôt que de rétablir ce dispositif pour remédier à la crise du logement et de la filière BTP, plaçons nos œufs dans le panier du PTZ élargi pour la primo-accession et avantageons cette dernière plutôt que de prolonger le dispositif d’optimisation fiscale qu’est malheureusement devenu le Pinel. Consacrons des moyens au PTZ, aux aides personnalisées au logement (APL) accession – dont la suppression était une erreur que vous pourriez reconnaître – et aux bailleurs sociaux, dont le financement permettra de relancer le secteur du logement social et les parcours résidentiels.
Mme la présidente
Il faut conclure, cher collègue.
M. Inaki Echaniz
Enfin, pour répondre à M. Falcon, le DPE tient compte d’un enjeu de santé publique… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Wauquiez.
M. Laurent Wauquiez
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nous répondre : « Nous savons que la situation du logement est catastrophique ; on arrête le dispositif Pinel ; on n’a aucune autre solution et on n’a rien préparé. » Ce n’est pas possible ! Attendez au moins d’avoir une solution alternative avant de mettre fin à un dispositif qui, sans être parfait, a quand même montré son utilité.
Mme Émilie Bonnivard
Tout à fait !
M. Vincent Descoeur
Logique implacable !
M. Laurent Wauquiez
Le dispositif Pinel stimule l’activité et engendre au départ des recettes fiscales, même s’il se révèle coûteux sur une période plus longue. Il entraînera un choc d’activité en 2025, dont nous aurons bien besoin.
Enfin, je veux dire à notre collègue du Rassemblement national que c’est une erreur d’attaquer les promoteurs immobiliers et de critiquer l’investissement immobilier en donnant le sentiment qu’il s’agit d’un investissement indigne. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) C’est un secteur qui mérite notre respect et notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
Il n’est pas tout à fait juste de dire qu’il n’existe pas de dispositif fiscal alternatif au Pinel. En effet, nous avons créé un dispositif fiscal de soutien pour le logement locatif intermédiaire (LLI) : le LLI institutionnel.
Mme Émilie Bonnivard
S’il avait marché, on le connaîtrait !
M. Daniel Labaronne
Vous ne le connaissez peut-être pas, mais d’autres le connaissent. Il faudrait peut-être envisager d’étendre le LLI institutionnel aux particuliers, afin de permettre au secteur privé de prendre le relais du Pinel, dans des conditions plus optimales pour la production de logements dans les zones tendues. Un véhicule de placement existe pour un tel LLI ouvert aux particuliers : ce sont les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI).
Ne dites donc pas que rien n’existe en dehors du Pinel :…
Mme la présidente
Merci, monsieur Labaronne !
M. Daniel Labaronne
…d’autres véhicules de placement dans l’immobilier sont disponibles, il faudrait sans doute améliorer leurs conditions d’accès… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Berrios.
M. Sylvain Berrios
Dire qu’il y a urgence à supprimer le dispositif Pinel parce que la décision a été prise est sujet à caution. Chacun connaît la crise immobilière que traverse notre pays et la difficulté des Français à se loger. L’hypothèse de prolonger ce dispositif d’un an, pour prendre le temps d’étudier les différentes idées avancées et permettre à des Français de se loger avec un loyer modéré,…
M. Inaki Echaniz
Et lutter contre la spéculation !
M. Sylvain Berrios
…me paraît frappée au coin du bon sens. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Nous connaissons bien ces dispositifs d’amortissement qui ont porté autrefois les noms de Méhaignerie, de Quilès-Méhaignerie et de Périssol, mais j’ai toujours été étonné que les calculs du coût du Pinel – un avantage fiscal, pour un couple, d’environ 50 000 euros – ne prennent pas en compte la recette fiscale engendrée par la vente d’un appartement neuf, à savoir 60 000 euros de TVA.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Jean-Paul Mattei
Cessons de raisonner en silo : même s’il est vrai que le système s’est bloqué, des rentrées fiscales existent, ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas à débattre de l’augmentation des prix que le Pinel est susceptible d’engendrer.
Monsieur le ministre, nous tournons en rond à propos du logement depuis deux jours ; nous avons évoqué le statut de l’investisseur immobilier, la possibilité d’extraire l’immobilier de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), l’importance du PTZ pour les primo-accédants – nous voyons qu’il est urgent de conduire une réflexion globale. Cependant, cela fait deux ans que je le dis et que je sonne l’alerte à ce sujet ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Le moment est venu d’ouvrir le débat, y compris sur les plus-values immobilières. C’est une question d’ensemble : il faut impérativement libérer du foncier et relancer la construction de logements. L’extinction du dispositif Pinel ne tombe peut-être pas très bien, mais il faut offrir une vision plus large ; d’autant qu’en matière de promotion immobilière, il est nécessaire de se projeter à deux ou trois ans, un programme de construction ne sortant pas de terre du jour au lendemain. Il est urgent d’agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
La prolongation du dispositif Pinel serait un problème, car c’est un dispositif qui a coûté jusqu’à 7 milliards d’euros, en faveur des plus riches, sans démontrer son efficacité.
Par ailleurs, nous nous étions engagés, lorsque des amendements identiques étaient déposés, à ce qu’ils ne soient défendus qu’une seule fois. Or nous avons entendu quatre défenses sur cette série d’identiques ; il serait bon que les membres du socle gouvernemental cessent de faire traîner les débats et de jouer à l’obstruction. (Protestations vives et prolongées sur les bancs du groupe DR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Nous aimerions avancer dans l’examen du budget, pour lequel il reste un très grand nombre d’amendements à examiner. Si vous ne voulez pas aller au vote, dites-le !
Mme Émilie Bonnivard
Pour parler des chats, il faut trois heures, mais pas pour le logement !
Mme la présidente
C’était un rappel au règlement ? Le groupe Droite républicaine a effectivement présenté une série d’amendements.
M. Thibault Bazin
J’en ai défendu trois en une seule prise de parole !
Mme la présidente
M. Bazin en a défendu trois, Mme Bonnivard un. Les auteurs des autres amendements n’étant pas présents, j’ai laissé le débat se tenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.) Par la suite, nous appliquerons cette règle pour les amendements identiques présentés par le même groupe.
La parole est à M. Joël Bruneau.
M. Joël Bruneau
Il serait bon de sortir des postures et de regarder la réalité en face : dans les villes les plus dynamiques, le problème du logement est en passe de mener à une explosion sociale. Si nous sommes une majorité à affirmer que les dispositifs de défiscalisation, depuis Méhaignerie jusqu’à Pinel, ne constituent pas, loin de là, des systèmes parfaits – je ne les ai, à titre personnel, jamais vraiment défendus –, il serait bon, compte tenu de la panade dans laquelle nous sommes, de nous laisser au moins une année de réflexion…
M. Thibault Bazin
Il y a urgence !
M. Joël Bruneau
…pour établir un système durable et stable, offrant des perspectives aux investisseurs et à l’épargne privée. Cette dernière constitue le seul levier que nous puissions encore utiliser pour redynamiser la construction de logements. Si l’on veut réorienter l’épargne privée, il faut créer un dispositif qui la favorise et la traite de manière satisfaisante, ce que ne permettent pas les investisseurs privés aujourd’hui en matière de logement. Ne serait-il pas raisonnable de maintenir le dispositif Pinel encore une année pour nous donner le temps de créer quelque chose de nouveau ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
(L’amendement no 168 rectifié n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 126, 133, 363 et 3083 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 3557.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 180
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue 88
Pour l’adoption 23
Contre 151
(L’amendement no 3557 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 1808 n’est pas adopté.)
Rappels au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances, pour un rappel au règlement.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Sur le fondement de l’article 100, qui régit la bonne tenue de nos débats. Chers collègues, il nous reste 2 750 amendements à examiner. Nous en avons examiné 300 en seize heures.
M. Vincent Descoeur
C’est pas mal !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
À ce rythme, nous en avons pour plus de cent heures de débat. Je souhaite que nous puissions voter sur la partie recettes comme sur la partie dépenses avant que le texte parte au Sénat. J’ai soumis ce matin l’idée de faire un effort en ce sens au NFP, qui m’a annoncé avoir réduit de 25 % le nombre d’amendements qui lui restaient à soumettre à notre discussion – une baisse de 270 amendements. Le groupe EPR, je crois, a fait aussi un effort. Il serait bon que chaque groupe fasse de même,…
Mme Émilie Bonnivard
Non !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
…notamment les gros contributeurs d’amendements, afin que l’on puisse terminer samedi soir l’examen de la première partie. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
L’article 95 du règlement de l’Assemblée nationale, par ailleurs, donne la possibilité au président de la commission saisie au fond, si cette dernière ne se réunit pas et en accord avec le rapporteur général, de procéder à des réserves ou à des priorités d’articles. Quand nous aurons atteint l’article 7, nous demanderons donc à passer directement à l’article 11, afin que nous puissions aborder la question de la taxation des profits des grandes entreprises – question dont chacun conviendra qu’elle est importante. Nous pourrons examiner d’autres demandes de priorité s’il y en a.
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel, pour un rappel au règlement.
M. David Amiel
Il se fonde également sur l’article 100. Nous n’en sommes qu’à l’article additionnel après l’article 3 et des questions très importantes n’ont pas pu encore être abordées, qu’il s’agisse de l’énergie ou de la fiscalité des entreprises. Il est très important que nous puissions voter sur les articles relatifs à ces questions. Le groupe EPR a déposé moins d’amendements par député que le NFP, mais nous avons décidé de prendre plus que notre part des responsabilités en retirant près d’une centaine d’amendements supplémentaires, afin d’accélérer nos débats et de pouvoir examiner l’intégralité du texte, sa première comme sa seconde partie. C’est ce que les Français attendent de nous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Mme Christine Pirès Beaune applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc Fesneau, pour un rappel au règlement.
M. Marc Fesneau
Toujours sur le fondement de l’article 100. Pour aller dans le sens du président Coquerel, je vous indique que le groupe Les Démocrates va examiner les amendements qu’il peut encore retirer – rappelons qu’il avait fait un effort préventif en la matière. Je partage votre sentiment, monsieur Coquerel : l’Assemblée doit pouvoir se prononcer sur le budget par un vote. Le seul moyen d’y parvenir est d’accélérer les débats.
M. Vincent Descoeur
Ce n’est pas une spécialité du Modem !
M. Marc Fesneau
C’est une responsabilité collective, et j’espère que chaque groupe prendra sa part de l’effort.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Philippe Tanguy
Également sur le fondement de l’article 100. Je veux bien que nous continuions ce petit cinéma dans lequel chaque parti fait semblant d’être responsable – sauf, bien sûr, ceux qui le sont déjà –, mais, à ce rythme, il n’y aura pas de vote de la première partie. Certains continuent à dire qu’ils ont retiré une centaine d’amendements, alors qu’il y en a 3 000 et que, de toute évidence, en défendant les amendements qu’ils défendent chaque année et qui ne sont pas d’actualité, même s’ils peuvent être importants, ils ralentissent les débats.
Mme Émilie Bonnivard
Le logement, ce n’est pas d’actualité ? C’est hallucinant !
M. Jean-Philippe Tanguy
Aujourd’hui, ce qui préoccupe vraiment les Français, c’est de savoir si la facture d’électricité va être alourdie de 6 milliards, s’ils vont encore devoir payer des centaines de millions de malus automobile ou si les entreprises vont être imposées de 8 milliards supplémentaires, alors que vous refusez de taxer les surprofits ! (« Ce n’est pas un rappel au règlement ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes EPR et SOC.)
Vous sabotez le débat ! Le président Coquerel est dans son rôle en jouant les bons samaritains ; mais c’est vous, les amis de M. Wauquiez et les amis de M. Attal, qui êtes responsables du sabotage du débat. Dites aux Français, droit dans les yeux, ce que vous voulez faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Vives exclamations sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR et Dem.)
Vous pouvez gueuler, mais moi aussi je peux crier très fort !
Mme la présidente
Allons, monsieur Tanguy !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous ne voulez pas que les Français sachent que vous souhaitez récupérer 6 milliards en taxant l’électricité, mais c’est la vérité ! Toutes vos petites leçons de morale sur le Parlement ne valent rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Il y a une inexactitude dans vos propos, monsieur Tanguy, mais je ne vous en tiens pas rigueur : c’est ce qu’on lit dans les journaux depuis le début de la semaine. Nous voterons la première partie du texte ou il y aura un 49.3, mais il ne sera pas possible de passer avant cela à l’examen de la seconde partie – contrairement à ce que j’ai pu lire. Le risque, en revanche, est qu’en retardant le vote de la première partie, on retarde d’autant l’examen de la seconde et que celle-ci arrive au Sénat sans que nous ayons pu la voter.
M. Éric Woerth
Et il y a aussi le PLFSS !
M. Vincent Descoeur
C’est la réalité !
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard, pour un rappel au règlement.
M. Manuel Bompard
Sur le fondement de l’article 100, relatif à la bonne tenue des débats, et pour soutenir la démarche proposée par le président de la commission des finances. Il serait bon que chacun des groupes fasse savoir s’il y est ou non favorable – je pense, en particulier, à celui de M. Wauquiez. J’ai vu hier qu’il savait manier les rappels au règlement : peut-être pourrait-il en faire un pour nous dire s’il a l’intention de supprimer des amendements ? (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et RN.)
Pour le reste, monsieur Tanguy, si vous ne voulez pas qu’il y ait une augmentation du tarif de l’électricité, si vous refusez que les pensions de retraite ne soient plus indexées sur l’inflation, il y a une manière très simple de le faire, qui est de censurer le Gouvernement – mais vous vous y refusez pour l’instant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour un rappel au règlement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Laurent Wauquiez
J’ai une suggestion pour accélérer et recentrer nos discussions, monsieur Bompard : épargnez-nous vos débats ridicules.
Mme Sabrina Sebaihi, Mme Sandra Regol et M. Frédéric Maillot
Sur le fondement de quel article ?
M. Laurent Wauquiez
Sur le fondement de l’article 100 relatif au bon déroulement de nos débats. J’aime beaucoup que le groupe La France insoumise et le Nouveau Front populaire nous expliquent qu’il faut accélérer et recentrer le débat, mais nous avons assisté, ces vingt dernières minutes, à des débats passionnés et à des interventions avec des trémolos dans la voix sur la question de savoir s’il fallait mettre un crédit d’impôt de 30 euros sur les achats de croquettes. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Dieynaba Diop
Et vous, vous faites quoi ?
M. Laurent Wauquiez
Vous venez, après ça, nous reprocher d’intervenir sur l’immobilier ? Commencez donc par nettoyer devant votre porte. Pour notre part, nous essayons d’aborder des thèmes importants. Et non, nous n’avons pas augmenté les impôts de 60 milliards pour les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Dieynaba Diop
Rendez l’argent !
Après l’article 3 (suite)
Mme la présidente
Nous reprenons notre débat. Chers collègues, je vous invite à suivre ces bons conseils de sobriété dans vos prises de parole.
M. Pierre Cazeneuve
Un pour et un contre, madame la présidente !
Mme la présidente
Je vous demande de vous coordonner au sein de vos groupes pour que nous puissions continuer, comme hier et ce matin, à entendre uniquement un orateur pour et un orateur contre sur chaque amendement, sauf pour les débats les plus importants.
Mme Émilie Bonnivard
On n’a plus le droit de défendre ses amendements ? Je défendrai les miens et je ne laisserai personne me dire ce que je dois faire !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 3635 du Gouvernement.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cet amendement tend à resserrer le dispositif Denormandie en rétablissant sa prorogation, mais seulement jusqu’au 31 décembre 2026. Cette période offre aux investisseurs une visibilité suffisante – un peu plus de deux ans –, tout en respectant les règles qui s’imposent en matière de bonne gestion et d’évaluation des dépenses fiscales.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a donné un avis favorable à cet amendement. Le dispositif n’a pratiquement pas de portée : en 2023, seulement 881 ménages en ont bénéficié, pour un coût de 10 millions d’euros. Sa suppression est donc raisonnable.
Mme la présidente
La parole est à M. Lionel Causse.
M. Lionel Causse
Je soutiens cet amendement et je saisis cette occasion pour exprimer mon regret que la commission ait supprimé, au titre de l’article 88 du règlement, mes amendements tendant à ouvrir le LLI aux particuliers. Il aurait été intéressant d’ouvrir ce débat après celui sur le dispositif Pinel. (Mme Sandra Marsaud applaudit.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 3635.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 179
Nombre de suffrages exprimés 154
Majorité absolue 78
Pour l’adoption 82
Contre 72
(L’amendement no 3635 est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 1149, 2137 et 2749.
La parole est à M. Frédéric Maillot, pour soutenir l’amendement no 1149.
M. Frédéric Maillot
Notre collègue Laurent Wauquiez disait tout à l’heure que nous nous trouvons à l’aube d’une crise immobilière ; mais, à La Réunion, nous sommes un plein dedans.
Cet amendement vise à favoriser la construction de logements intermédiaires, tant il est compliqué, pour la classe moyenne, de trouver à se loger. Les causes de cette situation sont multiples : Airbnb, manque de foncier et doublement, voire triplement, du coût de la construction dans les outre-mer. Les loyers des logements intermédiaires, qui garantissent une mixité sociale, sont réglementés et inférieurs au prix du marché. Il est donc important d’en encourager fortement la construction.
Je rappelle par ailleurs à nos collègues du groupe Droite républicaine que les Français appartenant à la classe moyenne possèdent souvent des chiens et des chats. Gandhi disait qu’on peut juger de la valeur d’une nation à la façon dont elle traite ses animaux – on voit bien comment vous traitez le pays. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Si le travail des chiens et des chats permettait d’enrichir les plus riches, tout le monde aurait voté l’amendement que nous avons défendu tout à l’heure.
M. Nicolas Forissier
Mais ce n’est pas vrai ! C’est lamentable !
Mme Émilie Bonnivard
Hallucinant !
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Metzdorf, pour soutenir l’amendement no 2137.
M. Nicolas Metzdorf
Comme le remarquait tout à l’heure le président Wauquiez, on nous demande d’arrêter le dispositif Pinel outre-mer, mais sans rien proposer à la place. Avant d’arrêter un dispositif qui fonctionne, trouvons-lui un substitut. En attendant, prolongeons-le.
Mme la présidente
La parole est à M. Moerani Frébault pour défendre l’amendement no 2749.
M. Moerani Frébault
Bien que les contribuables de la Polynésie française ne bénéficient pas du dispositif Pinel outre-mer, nous sommes solidaires de nos frères ultramarins. En écho aux propos de notre collègue Nicolas Metzdorf, nous vous demandons d’être raisonnables et de proroger le dispositif, tant qu’il n’existe pas de mesure de substitution efficace.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Défavorable. La non-prorogation du dispositif Pinel que nous venons de voter ne concernait pas l’outre-mer. Le Pinel n’y ayant pas davantage fait ses preuves que dans l’Hexagone, la commission a rejeté ces amendements qui visent à y proroger le dispositif jusqu’en 2027.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis.
(Les amendements identiques nos 1149, 2137 et 2749 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Ballard, pour soutenir l’amendement no 1389.
Mme Émilie Bonnivard
Ça a intérêt à porter sur un sujet important !
M. Philippe Ballard
Je crois que nous sommes tous favorables à la défense de l’exception culturelle française qui passe en particulier par le cinéma – mais pas uniquement. Nous sommes tous fiers lorsqu’un film français est primé dans un festival, ce qui se produit très souvent, heureusement.
Mme Émilie Bonnivard
C’est hallucinant ! Il parle de cinéma ! Est-ce un sujet essentiel ?
M. Philippe Ballard
Toutefois, avant d’être primé, un film doit être produit et l’on est jamais sûr du succès d’un projet. Il existe donc des filets de sécurité. Vous en savez quelque chose, monsieur le ministre chargé du budget puisque Bercy a pioché 450 millions d’euros dans les caisses du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).
Parmi les sources de financement de la production cinématographique, vous avez évoqué précédemment les Sofica. Ce dispositif d’investissement, que les établissements bancaires et financiers réservent à leurs meilleurs clients, ceux qui ont le meilleur profil comme on dit, c’est-à-dire les gros contribuables, permet d’obtenir une réduction d’impôt de 48 % ou de 36 % selon les cas, l’avantage étant plafonné à 18 000 euros. Son coût pour le budget de l’État s’élève à près de 36 millions d’euros.
Parce que les petits ruisseaux font les grandes rivières, le présent amendement vise à abaisser ce taux à 30 % – il est difficile de descendre en deçà – et à plafonner le montant de la réduction à 10 000 euros.
Vous vous interrogiez tout à l’heure, monsieur le ministre, sur l’opportunité de maintenir les Sofica. J’attends donc votre réponse avec intérêt. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Notre collègue a raison de soulever cette question. La commission des finances n’a pas examiné cet amendement et je m’exprime donc à titre personnel. L’avantage fiscal lié à ce dispositif coûte 35 millions à l’État français, alors que 9 000 contribuables seulement en bénéficient. La Cour des comptes a publié un rapport assez critique sur ce mécanisme, estimant que la rentabilité de cet investissement était très faible et préconisant de concentrer les aides sur des films qui ont un public – c’était, de mémoire, l’une de leurs grandes critiques. Il serait donc préférable d’agir en ce sens plutôt que d’abaisser le taux de la réduction d’impôt et de réduire le montant du plafond.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je suis parfaitement en phase avec le rapporteur général. Nous devons en effet ouvrir ce débat, sur ce dispositif comme sur d’autres niches. Je l’ai évoqué lorsque nous parlions du Cisap, parce que les Sofica amènent à se poser des questions sur des comportements relevant davantage de l’optimisation fiscale que de l’investissement. Cependant, comme l’a souligné le rapporteur général, ce n’est pas tant la modification des taux qui est en jeu qu’un potentiel recentrage. Avis défavorable.
Mme la présidente
Je vous informe que je suis saisie de plusieurs demandes de scrutins publics : sur les amendements identiques nos 689 et 1184, par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire, Droite républicaine et Écologiste et social ; sur l’amendement no 848, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire ; sur l’amendement no 1386, par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire et Écologiste et social ; et sur l’amendement no 850, par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour un rappel au règlement.
Mme Émilie Bonnivard
Il se fonde sur l’article 100 de notre règlement. Tout à l’heure, il nous a été reproché de faire de l’obstruction en défendant des amendements relatifs à la crise du logement. (« Oh ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Nos collègues des outre-mer ont également défendu leurs amendements et je suis heureuse qu’ils aient pu le faire, car ils sont importants pour les territoires. Cela fait sept ans que je participe à des débats budgétaires et j’estime qu’en tant que députés nous devons pouvoir débattre de sujets aussi cruciaux que celui du logement.
Parallèlement, M. Tanguy nous a fait la leçon, en précisant que nous ne devrions aborder que les sujets essentiels, tels que la taxe sur l’électricité. Or nous venons de subir la présentation d’un amendement du collègue du RN à propos du cinéma.
M. Timothée Houssin
Nous proposons des économies !
Mme Émilie Bonnivard
J’aimerais donc savoir qui est l’arbitre des élégances et qui décide de ce qui est essentiel ou non et de ce qui peut faire l’objet d’un débat dans cet hémicycle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LFI-NFP.)
Un député du groupe RN
Vous pourriez faire preuve de plus de tolérance !
M. Timothée Houssin
Des mesures d’économies, c’est essentiel, non ?
Après l’article 3 (suite)
(L’amendement no 1389 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Bonnet, pour soutenir l’amendement no 1044.
M. Arnaud Bonnet
Il vise à supprimer la réduction d’impôt accordée pour les dons effectués par des particuliers au profit des établissements d’enseignement privé. L’écart entre le nombre d’élèves favorisés scolarisés dans le privé et ceux scolarisés dans le public est passé de 10 points en 1989 à 23 points en 2020. Ce phénomène s’explique par un phénomène d’évitement scolaire que l’on constate en particulier au sein des familles aisées en faveur du privé.
En parallèle, les établissements privés ne jouent pas le jeu de l’inclusion. Ainsi, lorsque presque un collège situé en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) sur deux comprend une section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa), seulement 5 % des collèges privés en sont dotés. De même, les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) sont présentes dans plus de 60 % des collèges en REP+, contre moins de 20 % dans l’enseignement privé.
M. Hervé de Lépinau
Public-privé, c’est l’urgence du moment !
M. Arnaud Bonnet
Le rapport d’information des députés Paul Vannier et Christopher Weissberg relatif au financement public de l’enseignement privé sous contrat relevait que cette déductibilité était détournée, notamment en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), lésant ainsi l’État.
Dans le même temps, l’État participe à cette ségrégation sociale. France Info a ainsi révélé, en septembre 2024, que la dotation horaire globale (DHG) et le nombre d’heures par élève (H/E) étaient bien souvent supérieurs dans les établissements privés que dans les établissements publics.
C’est pourquoi, afin de ne pas aggraver la différence de traitement entre le financement du public et du privé, il est proposé de neutraliser le soutien que l’État apporte grâce aux réductions d’impôt.
Mme la présidente
Il faut conclure, monsieur le député !
M. Arnaud Bonnet
Le sens de cet amendement est donc d’exclure les établissements privés du dispositif de réductions d’impôt accordées pour les dons effectués par les contribuables et d’apporter ainsi des recettes… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je rappelle à l’auteur de l’amendement que l’essentiel de l’enseignement privé participe au service public de l’éducation. Les seuls établissements qui n’y participent pas sont ceux dits hors contrat, qui représentent une infime minorité. Or la réduction d’impôt est ouverte à tous les dons effectués au profit d’organismes assurant une mission de service public, de même qu’aux organismes à vocation éducative. Pour voter votre amendement, il faudrait commencer par dire que les établissements privés ne participent plus au service public de l’éducation, ce qui serait contraire à la loi et à l’interprétation qu’en a donnée le Conseil constitutionnel.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Tout à fait !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je ne peux donc émettre qu’un avis défavorable, d’autant que cet amendement a été rejeté en commission.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Le rapporteur général a parfaitement raison. La question est de savoir si l’établissement privé est reconnu d’utilité publique ou non. La déductibilité d’impôt ne dépend que de ce critère et non pas du jugement que l’on peut porter sur tel ou tel établissement, qu’il soit public ou privé. S’il est agréé pour effectuer une mission de service public – c’est le cas sous contrat, et parfois hors contrat –, il doit être éligible au dispositif. À partir du moment où une mission de service public est assurée, il n’y a aucune raison d’exclure un établissement de cette possibilité de réduction d’impôt. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier
Permettez-moi de saluer l’amendement de notre collègue Bonnet, car il a le mérite de poser la question de la conditionnalité du financement public des écoles privées sous contrat dans notre pays. Ce sont 12 à 15 milliards d’euros par an de fonds publics provenant de l’État et des collectivités. Il s’agit de sommes considérables, qui ont progressé de 24 % ces dernières années s’agissant des dépenses de l’État. En outre, nombre de subventions facultatives que les conseils régionaux ou départementaux peuvent accorder pour l’aide à l’investissement de ces établissements échappent à ce calcul.
M. Bonnet pointe le fait que ces établissements ne respectent pas le code de l’éducation, qui fixe un objectif de mixité sociale, qu’ils ne satisfont pas à l’inclusion scolaire, qu’ils ne participent pas, par exemple, à certaines campagnes de santé publique – je pense à la vaccination contre le papillomavirus que doivent prendre en charge, en principe, l’ensemble des établissements scolaires qui relèvent du service public de l’éducation.
En définitive, l’objectif de son amendement est que la réduction d’impôt ne s’applique que s’il y a une contrepartie d’intérêt général : ces établissements privés sous contrat doivent contribuer à atteindre les objectifs éducatifs que la nation se fixe en matière de mixité, d’inclusion et de santé publique. C’est pourquoi je vous invite à l’adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Bonnet.
M. Arnaud Bonnet
Pour redonner vie à l’égalité promise sur les frontons de nos écoles et connaissant la rigueur de M. de Courson, j’en appelle à sa sagacité pour m’aider à obtenir l’ensemble des données qui me permettraient de vérifier ce qu’il en est de l’égalité, ou plutôt des inégalités, entre le privé et le public.
(L’amendement no 1044 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Nous avions des amendements identiques, mais l’amendement no 689 n’est pas soutenu.
Mme la présidente
La parole est donc à M. Nicolas Ray, pour soutenir l’amendement no 1184.
M. Nicolas Ray
Depuis plusieurs années, des actes de malveillance et des actions radicales se multiplient envers les agriculteurs, les éleveurs et les professionnels de l’agroalimentaire, de la part de membres de certaines associations ou de personnes qui pénètrent dans des propriétés privées en toute illégalité.
Cet amendement de notre collègue Corentin Le Fur a pour objet de supprimer le bénéfice de la réduction d’impôt pour les dons effectués au profit d’associations dont les adhérents se sont rendus coupables de tels agissements. En effet, celles-ci ne peuvent continuer à profiter de financements publics. Un juste équilibre entre les droits et les devoirs est nécessaire.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Cet amendement revient chaque année et, chaque année, les rapporteurs rappellent deux points. Tout d’abord, le II de l’article 1378 octies du code général des impôts (CGI) prévoit déjà que toute association condamnée pénalement ne peut continuer à être éligible à la réduction d’impôt en matière de dons. Ensuite, cet amendement est inopérant car une association ne peut pas être condamnée pour les agissements de certains de ses adhérents. Il faut bien réfléchir. Les partis politiques sont des associations ; supposez que quelques membres d’un parti politique commettent des crimes ou des délits et qu’ils soient condamnés.
M. Nicolas Forissier
Par exemple au sein de La France insoumise.
M. Charles de Courson, rapporteur général
On ne va pas décider qu’il n’est plus possible de faire de dons à ce parti politique, au motif que certains de ses adhérents auraient fait quelque chose. La défense des libertés publiques impose de rejeter cet amendement. D’ailleurs, si nous ne le faisons pas, le Conseil constitutionnel s’en occupera. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis pour les mêmes raisons.
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
M. le rapporteur général a raison de souligner que nous revenons régulièrement sur ce sujet. Au demeurant, je me satisfais que les dons effectués aux associations soient éligibles à des réductions d’impôt, parce que cela participe au soutien du monde associatif – et nous ne pouvons que nous en réjouir. En revanche, il y a une limite à cela.
Quand des associations suscitent des actes de violence – cela arrive – et des opérations de destruction assez importantes (Exclamations, sur les bancs du groupe LFI-NFP), qui sont revendiquées en leur nom par leurs membres, il est immoral, vous le reconnaîtrez, que des financements publics puissent les soutenir. Par ailleurs, l’usage des fonds publics doit être en adéquation avec des missions d’intérêt général. Nous avons donc un problème.
J’entends que c’est une question difficile, monsieur le rapporteur général, et que la réponse apportée n’est peut-être pas la bonne, mais je regrette que nous ne réfléchissions pas à un dispositif pour résoudre ces difficultés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
Une série de rappels au règlement ont souligné que nous devions accélérer les débats, je le rappelle. J’ai donné la parole à une oratrice pour, Mme Véronique Louwagie. Je vais maintenant donner la parole à une oratrice contre, Mme Anne Stambach-Terrenoir. Tenons-nous au principe du un pour, un contre.
M. Pierre Cazeneuve
Très bien, madame la présidente !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Tout ce que vous défendez par cet amendement, c’est l’agrobusiness,…
Plusieurs députés du groupe DR
Oh là là !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
…qui pour être toujours plus productif veut entasser toujours plus d’animaux dans des fermes usines toujours plus grandes, qui veut pouvoir infliger à des êtres sensibles des conditions de vie et des souffrances indignes pour des questions de profit, et qui en outre veut pouvoir faire tout cela tranquillement derrière des portes closes. Ce n’est pas acceptable et cet amendement est vraiment honteux.
Nous avons besoin de lanceurs d’alerte – car c’est ce dont il est question –…
Mme Danièle Obono
Elle a raison !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
…pour faire avancer la société, en l’occurrence pour avancer vers des pratiques plus dignes envers les animaux et in fine pour une plus grande dignité humaine collective (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances. Monsieur le président Coquerel, vous avez dit tout à l’heure qu’il fallait accélérer. On essaie de se limiter à un pour, un contre, ce qui n’est d’ailleurs pas toujours évident.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Pas de souci, mais je vous ferai remarquer…
Mme la présidente
Il faut être cohérent. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Vous avez tort d’applaudir : l’un d’entre vous sera peut-être président de la commission des finances un jour. Je vous assure : je n’utilise pas beaucoup mon temps de parole. Je m’exprime pour évoquer un argument qui n’a pas été soulevé.
Il faut se méfier de ce type d’amendement, madame Louwagie. Le problème, c’est que chacun peut détester l’action d’un syndicat, d’une association, d’un parti. Ainsi, le genre de disposition que vous soutenez pourra être utilisé contre des organisations dans lesquelles vous vous reconnaissez davantage.
Par exemple, à plusieurs reprises, un syndicat agricole – le principal d’entre eux –, a utilisé des moyens d’action violents contre des préfectures…
Mme Danièle Obono
Ah ah !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
…ou des permanences de députés. Si l’on suit votre raisonnement, sur la base des actions de quelques-uns de ses membres, on le punirait de manière globale. Il existe des moyens de punir des actions. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Vous me direz que ce n’est pas pareil, mais comprenez que cela dépend de là où l’on se place et de qui reçoit le purin ou est victime des actions violentes. La justice est là pour trancher, expertiser ce qui s’est passé, prendre les décisions, y compris sur le fondement des dispositions mentionnées tout à l’heure par le rapporteur général. De grâce, ne généralisons pas. Sinon, cela partira dans tous les sens et, je vous assure, vous ne le souhaitez pas. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
Vous me faites signe que vous souhaitez vous exprimer au nom de votre groupe, monsieur Ott ? Toutefois, dans la mesure où Mme Louwagie et Mme Stambach-Terrenoir ont déjà pris la parole, nous allons pouvoir voter. (Exclamations sur plusieurs bancs.)
M. Philippe Brun
Votons !
Mme la présidente
Monsieur Cazeneuve, vous disiez qu’il fallait accélérer, pourriez-vous faire la police au sein de votre groupe ?
M. Pierre Cazeneuve
Madame la présidente, ce n’est pas tout à fait mon groupe. (Exclamations sur divers bancs.)
Mme la présidente
Au temps pour moi.
M. Pierre Cazeneuve
Je vous soutiens à 100 % dans votre présidence et dans votre volonté d’accélérer. Le principe de donner la parole à un orateur pour et à un orateur contre est tout à fait légitime. Le rapporteur général et le président de la commission ont le droit de prendre la parole quand ils le souhaitent – cela n’entre pas dans le décompte des un pour et un contre –, même si je les appelle à la modération et à la sobriété. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Par ailleurs, pour accélérer nos débats, traditionnellement, une fois que le ministre a repris la parole, plus personne ne reprend la parole après lui. Appliquer cette règle permettrait d’accélérer encore plus. Mais on vous soutient.
Mme Farida Amrani
Alors arrêtez de parler !
Mme la présidente
Monsieur Cazeneuve, dans la mesure où Mme Louwagie et Mme Stambach-Terrenoir se sont exprimées, je propose d’avancer.
Je mets aux voix l’amendement no 1184.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 233
Nombre de suffrages exprimés 232
Majorité absolue 117
Pour l’adoption 103
Contre 129
(L’amendement no 1184 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
L’amendement no 848 de M. Jean-Philippe Tanguy est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Défavorable, pour les mêmes arguments que précédemment.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 848.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 228
Nombre de suffrages exprimés 227
Majorité absolue 114
Pour l’adoption 103
Contre 124
(L’amendement no 848 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
L’amendement no 1386 de M. Eddy Casterman est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
J’y suis défavorable à titre personnel – il n’a pas été examiné en commission –, pour les mêmes raisons que celles présentées au sujet des deux amendements précédents.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1386.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 226
Nombre de suffrages exprimés 226
Majorité absolue 114
Pour l’adoption 100
Contre 126
(L’amendement no 1386 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 850 de M. Sébastien Chenu est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson
À titre personnel, j’y suis défavorable, pour les mêmes raisons que lors de l’examen des trois amendements précédents.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Défavorable.
Mme Christine Arrighi
Il y a de la constance.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 850.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 224
Nombre de suffrages exprimés 224
Majorité absolue 113
Pour l’adoption 104
Contre 120
(L’amendement no 850 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Les amendements nos 1017 et 1016, tous les deux de M. Sébastien Chenu, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée, sont défendus.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ils sont satisfaits par l’article 1378 octies du code général des impôts. Je demande donc à l’auteur de le retirer.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
Vous les maintenez, monsieur Chenu ?
M. Sébastien Chenu
Oui.
(Les amendements nos 1017 et 1016, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 316, 1267, 1313, 1397, 2264 et 2849.
La parole est à Mme Céline Calvez, pour soutenir l’amendement no 316.
Mme Céline Calvez
Nous souhaitons clairement faire bénéficier les fédérations et les coordinations d’associations des ressources du mécénat, dès lors qu’elles œuvrent pour l’intérêt général des associations qu’elles représentent. Actuellement, une ambiguïté juridique empêche certaines de ces structures de recourir au mécénat, malgré leur rôle essentiel d’appui technique et juridique auprès des associations. Cette situation limite leur capacité à se financer alors même que les pouvoirs publics les encouragent à mutualiser certaines fonctions.
Cet amendement vise à diversifier leurs financements par l’accès aux dons et au mécénat, y compris au mécénat de compétences. C’est essentiel pour soutenir efficacement les associations.
Mme la présidente
La parole est à Mme Océane Godard, pour soutenir l’amendement no 1267.
Mme Océane Godard
Cet amendement vise à clarifier le code général des impôts sur le recours au mécénat pour permettre aux coordinations et aux fédérations d’associations d’y recourir dès lors qu’elles concourent à l’objectif d’intérêt général des associations qu’elles représentent.
Plusieurs groupements d’associations se sont vu refuser la possibilité de recourir au don, malgré leur rôle primordial dans l’exécution des missions d’intérêt général. Pourtant, ces coordinations et ces fédérations assurent, au quotidien, dans tous nos territoires, des fonctions indispensables au bon fonctionnement des associations, qu’il s’agisse d’appui technique ou juridique, ou de l’information des citoyens. Par leur travail, elles soutiennent et développent l’activité des associations et renforcent l’engagement au service de l’intérêt général.
L’amendement vise à permettre à ces groupements d’associations de se financer auprès des particuliers en captant du mécénat. Pour cela, il est nécessaire de préciser les articles 200 et 238 bis du code général des impôts.
Mme la présidente
Les amendements identiques nos 1313 de M. Gérard Leseul, 1397 de Mme Léa Balage El Mariky, 2664 de M. Pierrick Courbon, et 2849 de M. David Taupiac sont défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Les coordinations et fédérations d’associations qui remplissent les conditions prévues par l’article 200 du CGI et sont reconnues d’utilité publique ou participent à l’intérêt général sont déjà éligibles. Vos amendements sont donc satisfaits. Je vous demande de les retirer si M. le ministre conforte mon interprétation. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je suis parfaitement d’accord avec le rapporteur général. Défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements nos 316 et identiques.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 155
Nombre de suffrages exprimés 153
Majorité absolue 77
Pour l’adoption 101
Contre 52
(Les amendements identiques nos 316, 1267, 1313, 1397, 2664 et 2849 sont adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je demande une suspension de séance de cinq minutes.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l’amendement no 1237.
M. Sébastien Peytavie
Nous proposons d’intégrer les tiers-lieux sociaux et culturels à vocation d’intérêt général disposant du statut associatif dans le régime de réduction d’impôt à destination des dons aux associations. Les tiers-lieux jouent un rôle fondamental dans la création de formes alternatives d’organisation sociale et économique, dans lesquelles l’accent est mis sur la collaboration et le partage des savoirs et des ressources. Faute d’investissements majeurs pour une société plus solidaire et collaborative, le groupe Écologiste et social appelle à soutenir financièrement ces acteurs, en permettant que les dons qui leur sont versés ouvrent droit à une réduction d’impôt.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’éligibilité à la réduction d’impôt pour les dons aux associations suppose que celles-ci jouissent d’un rayonnement qui dépasse l’échelle locale. Si un tiers-lieu fait partie d’un réseau national, il en bénéficie. S’il n’a qu’un rayonnement local, c’est plutôt le rôle des collectivités territoriales de les soutenir, ce que font d’ailleurs beaucoup d’entre elles. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie
Des aides existent à destination des tiers-lieux, mais selon de nombreux témoignages, leurs personnels passent la moitié de leur temps à courir après les subventions : cette situation est ridicule. Les habitants des collectivités concernées, dont les dons contribuent au bon fonctionnement de ces structures, devraient bénéficier d’une réduction d’impôt.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1237.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 101
Nombre de suffrages exprimés 101
Majorité absolue 51
Pour l’adoption 49
Contre 52
(L’amendement no 1237 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l’amendement no 1039.
Mme Chantal Jourdan
Cet amendement, préparé avec l’Union nationale des groupements des épiceries sociales et solidaires (UGESS), propose l’ouverture d’un droit à réduction d’impôt pour un don à des épiceries sociales et solidaires ouvertes à tous – sans conditions de ressources – et proposant des tarifs différenciés.
Ces structures visent à favoriser la mixité sociale et à éviter la stigmatisation, mais sont aussi des lieux d’ouverture favorisant la sensibilisation à une alimentation de qualité. Pourtant, elles souffrent d’un flou juridique, qui se traduit parfois par des différences de traitement selon les administrations fiscales, ce qui fragilise leur modèle économique. L’épicerie s’adressant à un public large, le caractère d’intérêt général non lucratif est en effet soumis à diverses interprétations fiscales. Il convient donc de clarifier le régime applicable, en ouvrant un droit à réduction d’impôt pour les dons aux épiceries sociales et solidaires.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Avis défavorable. Si elles remplissent les critères fixés par la loi, ces associations sont déjà éligibles.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan
Comme je l’ai expliqué, on observe aujourd’hui des différences de traitement selon les administrations fiscales, car le code général des impôts n’indique pas explicitement que les dons à une épicerie sociale et solidaire peuvent donner droit à une réduction d’impôt. Nous souhaitons mettre fin à ce flou juridique.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1039.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 109
Nombre de suffrages exprimés 109
Majorité absolue 55
Pour l’adoption 52
Contre 57
(L’amendement no 1039 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de sept amendements, nos 1264, 326, 1036, 1312, 1396, 1836 et 2848, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 326, 1036, 1312, 1396, 1836 et 2848 sont identiques.
La parole est à Mme Océane Godard, pour soutenir l’amendement no 1264.
Mme Océane Godard
Quarante-cinq mille, c’est le nombre de volontaires – femmes, hommes, jeunes et anciens jeunes, venant de tous les milieux, de tous les territoires ruraux comme urbains – ayant participé à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques. Quarante-cinq mille personnes accueillant ensemble des millions de visiteurs. Par leur énergie, leur présence, leur diversité et leur goût des autres, ils ont incarné les règles de sécurité et de vivre-ensemble durant les Jeux. Ils ont constitué une forme de police de proximité, en quelque sorte – mais cela, nous y reviendrons plus tard.
Par cet amendement, nous voulons exprimer notre volonté de soutenir les bénévoles et leurs associations, d’encourager leurs valeurs et leur engagement au service de la solidarité, de la culture et du sport, au service des autres et de la résilience.
Pour ce faire, nous proposons que tous les bénévoles, qu’ils soient ou non assujettis à l’impôt sur le revenu, bénéficient d’un soutien à leur action pour pallier les frais engagés. Il conviendrait donc d’introduire un crédit d’impôt, plutôt qu’une réduction d’impôt, pour rétablir l’équité fiscale entre tous ceux qui veulent s’engager. Pour encourager le bénévolat,…
M. Emeric Salmon
Payons les bénévoles ?
Mme Océane Godard
…pour alléger les charges des associations, votons pour cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Maillot, pour soutenir l’amendement no 326.
M. Frédéric Maillot
Il s’inscrit dans la continuité de l’amendement précédent. Il n’est nul besoin de rappeler l’importance des bénévoles dans la vie associative ; c’est grâce à eux que de nombreuses associations œuvrant pour la justice sociale, la solidarité, la culture ou le sport subsistent. Cependant, la crise du covid-19 a entraîné une crise du bénévolat, surtout chez les plus de 65 ans. Avant la pandémie, cette tranche d’âge était la plus représentée parmi les bénévoles ; désormais, ce sont les moins de 35 ans qui ont pris la relève. L’amendement vise à rembourser aux bénévoles les frais kilométriques consentis dans le cadre de leur engagement associatif.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierrick Courbon, pour soutenir l’amendement no 1036.
M. Pierrick Courbon
Il tend à transformer la réduction d’impôt existante en crédit d’impôt, comme nous l’avons proposé tout à l’heure s’agissant des Ehpad. Tous les bénévoles engagés dans une association ne sont pas imposables, tant s’en faut, et les plus modestes ne sont pas forcément les moins investis. L’amendement est donc avant tout une mesure de soutien à la vie associative et à l’engagement bénévole. Alors que le Gouvernement propose d’effectuer de sérieuses coupes budgétaires dans les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative, l’adoption de cette mesure serait, sinon une compensation, du moins une juste reconnaissance de l’engagement des bénévoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 1312.
M. Gérard Leseul
Il est identique aux précédents. J’ajouterai aux arguments de mes collègues que de très nombreux bénévoles engagés dans le monde caritatif, par exemple dans les épiceries sociales et solidaires ou aux Restos du cœur, ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu. C’est donc une mesure de justice sociale absolue que de transformer la réduction d’impôt en crédit d’impôt pour l’ensemble du secteur caritatif.
Mme la présidente
L’amendement no 1396 de Mme Léa Balage El Mariky est défendu.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 1836.
Mme Josiane Corneloup
Je partage les propos de mes collègues. L’amendement vise à substituer à la réduction d’impôt existante un crédit d’impôt pour rétablir l’équité fiscale entre les bénévoles assujettis à l’impôt sur le revenu et ceux qui ne le sont pas. Nous redonnerons ainsi à chacun la possibilité de s’engager, or nous savons combien nous avons besoin d’encourager le bénévolat.
Mme la présidente
La parole est à M. David Taupiac, pour soutenir l’amendement no 2848.
M. David Taupiac
Depuis quelques jours, la région Occitanie organise dans les départements – parmi lesquels le Gers, dont je suis député – une série de rencontres avec les acteurs associatifs. Les demandes qui en émanent concernent notamment la crise du bénévolat. La crise du covid-19 a aggravé la situation en accentuant la disparité sociale entre ceux qui ont les moyens de s’engager et ceux qui connaissent des difficultés financières. Les frais kilométriques ou d’autre nature engagés par les bénévoles constituent ainsi une forme d’injustice sociale. L’amendement vise donc à rembourser les frais kilométriques sous forme de crédit d’impôt, afin d’assurer plus de justice sociale et de rendre le bénévolat plus accessible à tous.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Leur rédaction est problématique. Tels qu’ils sont écrits, ils conduiraient à créer une réduction d’impôt pour les bénévoles non imposables et à ouvrir le droit à un crédit d’impôt pour les bénévoles imposables. Ce n’est pas très cohérent !
Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a proposé une autre solution consistant à transformer le dispositif en crédit d’impôt pour tous les bénévoles, tout en le portant de 66 % à 50 % des frais engagés, ce différentiel permettant de financer le crédit d’impôt sans surcoût. Cela serait plus cohérent. Avis défavorable de la commission des finances.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
L’intention est louable, mais, outre les problèmes de forme soulevés par le rapporteur général, la transformation de la réduction d’impôt en crédit d’impôt serait extrêmement coûteuse pour les finances publiques. Dans le contexte actuel, ce ne serait pas très raisonnable. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. David Guiraud.
M. David Guiraud
En septembre dernier, dans ma circonscription, un camion des Restos du cœur a été saccagé. À l’époque, écoutant le cri du cœur des associations d’aide alimentaire, l’ensemble de la représentation politique s’était engagée à soutenir les associations et leurs bénévoles. Lorsque je me trouvais, il y a peu, à une assemblée générale des banques alimentaires, tout l’arc politique était là encore représenté. Les élus de toutes les sensibilités se sont engagés et ont donné leur parole qu’ils défendraient les bénévoles, notamment ceux des banques alimentaires.
Je crois profondément injuste de permettre aux bénévoles qui s’en sortent le mieux d’obtenir une réduction d’impôt, mais pas aux plus pauvres d’entre eux d’être remboursés pour leurs frais. Je dis cela car bien souvent, les bénévoles des banques alimentaires sont d’anciens bénéficiaires et connaissent encore la précarité. Il me paraît donc éminemment raisonnable de tout faire pour les aider. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – MM. Jean-Victor Castor et Gérard Leseul applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Pour éviter tout malentendu, je précise que tous les bénévoles, y compris ceux qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu, ont droit au remboursement de leurs frais. La réduction d’impôt accessible aux contribuables qui paient l’impôt sur le revenu est uniquement applicable dans le cas où le bénévole n’a pas demandé le remboursement des frais engagés.
(L’amendement no 1264 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 326, 1036, 1312, 1396, 1836 et 2848 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir les amendements nos 3247 et 3248, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Erwan Balanant
Ils visent à recréer un dispositif instauré dans le cadre du PLF pour 2020, qui portait à 75 % le taux de la réduction d’impôt liée aux dons à une association luttant contre les violences domestiques. Adoptée pour une durée de trois ans, cette mesure n’a pas été reconduite l’an dernier car nous n’avons pas eu l’occasion de la soutenir. Nous proposons de la rétablir pour montrer aux associations luttant contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) et les violences conjugales que la représentation nationale souhaite les soutenir.
L’actualité nous démontre toute leur importance ; Sandrine Josso, cosignataire de ces deux amendements, a elle-même été accompagnée par de telles associations, et le procès des viols de Mazan nous rappelle leur rôle crucial. Nous vous demandons donc de pérenniser cette réduction d’impôt.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a voté en faveur du retour au taux de 75 %, appliqué en 2022 et en 2023 avant de retomber à 66 % cette année. À titre personnel, je crois préférable de réserver le taux de 75 % aux organismes d’aide alimentaire, visés par l’amendement dit Coluche dans la loi de finances pour 1989.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je remercie Erwan Balanant de mener ce combat très important. La question est de savoir ce qui justifie de faire passer le taux de réduction d’impôt de 66 % à 75 % ; c’est un débat récurrent et toujours complexe. Je pense, en l’occurrence, que les trois ans d’application de cette mesure ont démontré son utilité dans le cas des VSS. Je suis donc favorable à ces amendements.
(L’amendement no 3247, modifié par la suppression du gage, est adopté ; en conséquence, l’amendement no 3248 tombe.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Yadan, pour soutenir l’amendement no 1148.
Mme Caroline Yadan
Cet amendement de justice fiscale et d’égalité devant l’impôt a été adopté en commission. À l’heure actuelle, les contribuables résidant à l’étranger ne peuvent pas bénéficier d’une réduction d’impôt liée à des dons ou à des versements à une association reconnue d’utilité publique, contrairement aux contribuables résidant en France. Cette règle a deux inconvénients. D’une part, elle empêche les Français résidant à l’étranger de conserver un lien pourtant fondamental avec leur pays en contribuant à la solidarité nationale ; d’autre part, elle prive les associations d’utilité publique d’une source de financement importante en limitant le nombre de donations potentielles.
L’amendement no 1148, ainsi que les amendements de repli nos 1146 et 1150, vont dans le sens du Gouvernement en proposant de conditionner l’extension de la réduction d’impôt aux cas où la prise en compte des dons et versements n’entraîne aucune minoration de l’impôt dû par le contribuable dans son État de résidence. Ces amendements permettraient d’allier solidarité nationale et équité fiscale.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a voté contre l’amendement no 1148 car elle s’est prononcée en faveur des amendements identiques nos 1146 et 2799. Néanmoins, j’appelle votre attention sur le danger de porter atteinte au principe de territorialité de l’impôt – j’y reviendrai lors de l’examen des amendements identiques suivants.
(L’amendement no 1148, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 1146 et 2799.
La parole est à Mme Caroline Yadan.
Mme Caroline Yadan
Monsieur le rapporteur général a raison : c’est l’amendement no 1146 qui avait été adopté par la commission pour les raisons que j’ai évoquées précédemment.
Mme la présidente
La parole est à M. Karim Ben Cheikh, pour soutenir l’amendement no 2799.
M. Karim Ben Cheikh
Effectivement, l’amendement no 2799, que nous défendions déjà l’année dernière, a été adopté par la commission. Il vise à améliorer l’équité fiscale vis-à-vis des Français établis hors de France. Je m’étonne que le rapporteur ait mentionné la question de la territorialité car les foyers concernés sont ceux de Français qui ont des revenus de source française et qui paient leurs impôts en France. Nous demandons une exonération sur un impôt auquel ils sont déjà soumis.
C’est une disposition importante, je tiens à le dire. Actuellement, un Français qui réside à l’étranger et qui fait un don aux Petits Frères des pauvres n’est pas exonéré d’impôt, pas plus que quand il fait un don aux associations reconnues d’utilité publique qui travaillent au service des Français de l’étranger. Or ces associations peinent à lever des fonds. On sait très bien que les Français de l’étranger dépendent de plus en plus du travail des associations – j’ai récemment rédigé un rapport sur ce sujet. Par exemple, à Madagascar, des associations s’occupent de nourrir les enfants français pendant les vacances scolaires pour s’assurer qu’ils ne soient pas dénutris. C’est cela aussi, l’état social des Français de l’étranger. Ces amendements reposent non seulement sur un principe d’équité fiscale, mais aussi sur un principe de justice sociale.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission des finances a voté en faveur de ces amendements. Toutefois, j’appelle l’attention de mes collègues sur le problème suivant : les non-résidents fiscaux paient un impôt minimal, mais ne bénéficient par principe d’aucune réduction d’impôt ni d’aucun crédit d’impôt. Si l’Assemblée vote en faveur de ces amendements, cela créera un précédent sur lequel chaque année certains s’appuieront pour justifier d’autres crédits d’impôt.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles qu’a présentées le rapporteur général.
(Les amendements identiques nos 1146 et 2799 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
L’amendement no 1150 de Mme Eléonore Caroit est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Défavorable pour les raisons évoquées précédemment.
(L’amendement no 1150, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierrick Courbon, pour soutenir l’amendement no 2670.
M. Pierrick Courbon
Il vise à défendre les libertés associatives qui font l’objet d’attaques protéiformes, parfois à travers le canal fiscal, comme nous venons d’en voir des exemples dans des amendements que nous avons heureusement rejetés. L’amendement no 2670 vise à compléter le code général des impôts en précisant : « Tout motif qui porterait explicitement atteinte aux libertés associatives, ou relèverait d’une appréciation subjective de la pertinence de l’objet associatif poursuivi, ne saurait être retenu pour restreindre les droits à la réduction d’impôt sur le revenu ». Nous vous proposons d’ajouter cette phrase dans le code général des impôts pour défendre et protéger les libertés associatives.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’amendement n’a pas été examiné en commission. À titre personnel, j’émets un avis défavorable. En effet, l’amendement est déjà satisfait. En effet, c’est l’utilité publique ou la participation à l’intérêt général qui garantissent l’éligibilité de la réduction d’impôt en matière de dons. Je vous mets en garde : la liberté d’association est une liberté fondamentale reconnue par le Conseil constitutionnel.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Absolument !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je vous invite à retirer l’amendement.
(L’amendement no 2670, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 1253 de M. Sébastien Peytavie est défendu.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Avis défavorable.
(L’amendement no 1253, repoussé le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir les amendements nos 134, 137, 136, 135 et 138, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Thibault Bazin
Je défendrai donc, si vous en êtes d’accord, cinq amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Un député du groupe LFI-NFP
Bravo !
M. Thibault Bazin
Ils concernent tous la politique familiale. Notre pays connaît une baisse considérable du nombre de naissances. Le nombre d’enfants par femme est passé de 2,1 à 1,6. Il est intéressant de chercher à mesurer le désir d’enfant, car les femmes sont profondément libres d’accueillir la vie. Or les dernières études de l’Union nationale des associations familiales (Unaf) font état d’un désir d’enfant par femme de 2,3. L’écart entre le désir d’enfant et le nombre d’enfants par femme pose une vraie question.
Le soutien à politique familiale a diminué depuis plusieurs années, du fait de l’adoption de différentes mesures, ce que la Cour des comptes a évalué comme des économies pour l’État. Il est urgent de réagir, d’autant que l’avenir du système de protection sociale dépend aussi du taux de renouvellement des générations.
L’amendement no 134 et les suivants visent à réparer un oubli concernant la garde d’enfant des plus de 6 ans. Jusqu’à 6 ans, les parents ont le droit à un crédit d’impôt pour la garde d’enfants hors domicile. Ensuite, quand les deux parents travaillent, ils ont parfois besoin d’un mode de garde pendant le temps méridien, avant ou après l’école, le mercredi ou durant les petites vacances. Pour ceux qui ont deux ou trois enfants, cela représente parfois une somme importante. Certains parents ont l’impression de travailler pour rien étant donné les sommes qu’ils consacrent à faire garder leurs enfants. Ils font parfois un arbitrage qui les conduit à renoncer à travailler. Ainsi, certains parents aimeraient travailler, mais ont du mal à tout concilier ; les soutenir pourrait être avantageux. En outre, tout le monde peut reconnaître que laisser un enfant de CP, CE1, CE2, CM1 ou CM2 seul, à la rue, n’est pas acceptable ; on imagine les drames qui peuvent se produire.
L’amendement no 134 repousse l’âge maximum de l’enfant de 6 à 10 ans, tout en maintenant le plafond pour le crédit d’impôt. Les suivants sont des amendements de repli : le no 137 retient l’âge de 9 ans ; le no 136 retient l’âge de 8 ans et le no 135 celui de 7 ans. L’amendement no 138 vise à répondre à un problème de mobilité. Il existe un malus sur les voitures ; si l’on veut qu’il y ait des familles de trois enfants, il faut instaurer une aide sur les voitures familiales.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
M. Bazin dépose toujours des amendements liés à la politique familiale.
M. Thibault Bazin
C’est vrai, je suis constant ! (Sourires.)
M. Charles de Courson, rapporteur général
Et je lui dis toujours : il n’y a pas que l’argent dans la vie. Quand j’interroge des personnes pour savoir pourquoi elles ont un enfant, deux enfants ou pas d’enfant du tout, les motifs qu’elles invoquent sont rarement liés à l’argent et sont plus généraux.
L’amendement no 134 porte à 10 ans, au lieu de 6 ans, l’âge limite des enfants dont la garde bénéficie d’un crédit d’impôt. Aujourd’hui, ce dispositif représente 1,5 milliard d’euros ; ce n’est pas rien ! L’amendement no 134 défendu par M. Bazin entraînerait un coût supplémentaire d’environ 300 millions. En outre, la limitation à 6 ans est justifiée dès lors que l’école est obligatoire, ce qui résout pour partie la question du mode de garde au-delà cet âge.
Ces amendements n’ont pas été examinés par la commission. À titre personnel, j’y suis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
En poursuivant la logique du rapporteur général, si on devait considérer que la garde d’enfant fait l’objet d’un crédit d’impôt jusqu’à l’âge de la scolarisation obligatoire, il faudrait plutôt baisser l’âge que l’augmenter. Au-delà des considérations financières, porter l’âge limite à 10 ans ne me semble pas justifié. L’âge limite de 6 ans est lié à la scolarisation obligatoire.
En outre, le plafond du crédit d’impôt a été augmenté en 2022 : il a été porté à 3 500 euros et vous avez soutenu cette hausse. Enfin, vous prenez l’exemple des petites vacances et celui des mercredis, mais il existe diverses solutions de garde déjà financées et aidées par la collectivité en fonction du quotient familial sans qu’il soit nécessaire d’augmenter l’âge limite.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
L’école ne dure que vingt-quatre heures par semaine, et certains parents souhaitent travailler davantage.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Mais la garde hors domicile, ce n’est pas la même durée !
M. Thibault Bazin
Il y a donc un coût de garde, alors qu’il n’y a pas toujours de solution de garde collective. Les modes de garde individuels constituent une liberté importante ; dans certains territoires, c’est une solution plus adaptée, surtout pour les familles qui ont des horaires compliqués. Il faut prendre en considération les différentes situations.
Une mère de famille vient à ma permanence et m’explique sa situation : elle a trois enfants et travaille à 80 % ; faire garder son aîné lui coûte 300 euros, faire garder le second tout autant et la place en crèche du troisième représente 500 euros ; au bout du compte, elle a le sentiment de travailler pour rien. Nous devons examiner les situations comme celle-là.
Les études montrent qu’un couple dont les deux membres touchent le Smic affiche un quotient familial relativement élevé, fait partie de la classe moyenne et se heurte à des freins en matière d’emploi, ce qui entraîne une perte de pouvoir d’achat. C’est une réalité. Monsieur le ministre, je vous demande simplement d’examiner ces amendements au cours de la navette parlementaire.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Je rejoins l’avis du ministre sur ces amendements. En matière de modes de garde, les collectivités locales proposent de nombreuses solutions en appliquant des tarifs dégressifs selon le quotient familial.
Le hasard fait parfois bien les choses : vous avez tous reçu ces jours-ci le rapport du CPO intitulé « Conforter l’égalité des citoyens devant l’imposition des revenus ». Je vous invite à le lire – le CPO n’est pas un think tank gauchiste, loin de là. Je citerai simplement la recommandation no 10 : « Réduire le taux du crédit d’impôt services à la personne à 40 % hors frais de garde et dépendance. » Le hasard fait vraiment bien les choses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Un député du groupe DR
Hors frais de garde, justement !
Mme la présidente
La parole est à M. Kévin Mauvieux.
M. Kévin Mauvieux
Je profite du débat que soulève de nouveau M. Bazin sur la politique familiale, en particulier la politique de natalité. Hier, mon collègue Alexandre Sabatou et moi-même avons proposé un amendement visant à créer une demi-part fiscale dès le deuxième enfant. Monsieur le rapporteur général, vous avez repris un argument avancé hier par Mme Rousseau : aucune famille, aucun couple n’a d’enfant pour gagner de l’argent. C’est vrai. En revanche, ne me dites pas qu’au cours de votre longue carrière de député, vous n’avez jamais entendu un couple vous expliquer qu’il avait du mal à joindre les deux bouts à cause de son enfant – j’utilise l’expression « à cause de » entre guillemets, car ce n’est évidemment pas la faute de l’enfant – ou qu’il aimerait avoir un enfant mais qu’il n’en a pas les moyens.
Même si elle ne se limite pas à de l’argent ou à des chiffres, la politique de natalité passe également par la question financière, appréhendée de différentes manières : crédit d’impôt ou, solution que nous privilégions, demi-part fiscale dès le deuxième enfant.
Les responsables politiques qui affirment qu’il ne faut pas considérer l’enfant comme de l’argent ou faire un enfant pour de l’argent devraient retirer leurs œillères. C’est un fait : certaines personnes qui aimeraient avoir un enfant sont contraintes d’y renoncer pour des raisons financières. Ce frein doit être levé si l’on veut relancer la politique de natalité dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Mme Farida Amrani s’exclame.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Monsieur Bazin, si vous le souhaitez, j’examinerai vos propositions lors de la navette, mais votre raisonnement ne tient pas : pour la garde après l’école, il y a le Cisap ! Il est cohérent que la niche fiscale sur la garde d’enfant s’arrête lorsque l’enfant atteint 6 ans : à cet âge, il entre à l’école et il est gardé à l’extérieur du domicile. Les modes de garde et les nounous de sortie d’école auxquels recourent alors les parents sont couverts par le Cisap, soumis au plafond dont nous avons débattu tout à l’heure.
M. Thibault Bazin
Et les périscolaires ?
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ces amendements ont le mérite de poser la question de la politique familiale, mais pour la garde des enfants de moins de 6 ans, vous avez le choix entre le périscolaire à l’école, les centres de loisirs et, à la maison, le Cisap. Des dispositifs existent bien. D’ailleurs, beaucoup de familles me disent que le plus difficile pour elles est de trouver des personnes de confiance. Je maintiens mon avis défavorable.
(Les amendements nos 134, 137, 136, 135 et 138, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Géraldine Grangier, pour soutenir l’amendement no 1529.
Mme Géraldine Grangier
Permettez-moi de vous parler d’un fléau qui a des conséquences économiques significatives sur nos collectivités et de nombreuses associations : la surpopulation féline.
M. Erwan Balanant
C’est l’amendement anti-Caron !
Mme Géraldine Grangier
Chaque année, des millions d’euros sont dépensés pour accueillir, nourrir, soigner et parfois euthanasier les chats abandonnés ou errants. Chaque année, entre 100 000 et 200 000 chats sont abandonnés, ce qui aggrave le problème des chats errants, alors que ces animaux ont un impact majeur sur la biodiversité locale et peuvent être vecteurs de maladies. On estime à 11 millions le nombre de chats domestiques qui contribuent à la prolifération féline en raison des reproductions non contrôlées.
La maîtrise de la reproduction des chats est un enjeu majeur pour la santé publique et la protection de notre environnement. Or le coût d’une stérilisation varie entre 60 et 200 euros, et décourage régulièrement les propriétaires de chats, surtout s’ils en ont plusieurs.
L’amendement s’inscrit dans une démarche de responsabilité sociale et environnementale en accordant un soutien financier aux particuliers qui feraient stériliser leur chat ou un chat errant, sous forme de crédit d’impôt d’un montant de 50 % du coût de la stérilisation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission n’a pas examiné cet intéressant amendement. Vous auriez pu faire remarquer que les coûts de stérilisation sont plus élevés pour les femelles – autour de 130 euros – que pour les mâles, plus faciles à castrer – entre 50 et 80 euros.
J’ajoute que les propriétaires d’animaux domestiques ont des obligations. Où allons-nous si nous demandons une intervention de l’État dans ce domaine ? Avis défavorable.
(L’amendement no 1529, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Mette, pour soutenir l’amendement no 3595.
Mme Sophie Mette
Le risque d’impayé est un frein majeur à la location par bail rural à de jeunes agriculteurs. Cet amendement, rédigé avec les Jeunes Agriculteurs, propose de créer un crédit d’impôt couvrant 100 % des dépenses engagées pour la souscription d’un contrat d’assurance visant à garantir le paiement du fermage, dans la limite de 2 000 euros.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Actuellement, l’ensemble des primes d’assurance se rapportant à un bien dont les revenus sont imposés dans la catégorie des revenus fonciers sont déductibles pour leur montant réel et justifié. Certains oublient de le déduire de leur déclaration fiscale. Demande de retrait, sinon avis défavorable, car l’amendement est partiellement satisfait. On ne peut pas combiner une déduction de charge et un crédit d’impôt – c’est l’un ou l’autre.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Dans ce cas de figure, il y aurait une double déduction. Avis défavorable.
(L’amendement no 3595 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 174 et 439.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 174.
M. Thibault Bazin
Je défendrai en même temps l’amendement no 143, puisqu’il traite du même sujet : l’aide à l’accession à la propriété. L’amendement no 174 vise à soutenir la France qui travaille et souhaite devenir propriétaire. En 2008, la loi dite Tepa a permis de déduire les intérêts d’emprunt en créant un crédit d’impôt. Le dispositif était plafonné : 40 % la première annuité, 20 % les quatre années suivantes.
Dans un contexte de crise immobilière, alors que le reste à charge est élevé pour ceux qui souhaitent devenir propriétaires, le rétablissement de ce crédit d’impôt permettrait d’agir sur les intérêts d’emprunt, et ce d’autant plus qu’ils ont augmenté. Il y a deux ans, les taux étaient à moins de 2 % ; aujourd’hui, ils sont à plus de 3 % et, s’ils ont cessé d’augmenter, ils restent élevés. Pour un accédant à la propriété, cela peut représenter jusqu’à 1 700 euros, soit une somme importante.
L’amendement no 143, rédigé différemment, propose lui aussi une aide temporaire à la primo-accession.
Mme la présidente
L’amendement no 439 de M. Lionel Causse est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La mesure que vous proposez avait été mise en place en 2007 dans le cadre du paquet fiscal de début de mandat du président de la République Nicolas Sarkozy. Voici le bilan qu’en a tiré Benoist Apparu, alors secrétaire d’État au logement : ce crédit d’impôt « n’est pas pris en compte par les banques dans le calcul de solvabilité de leurs clients » alors qu’il devait favoriser l’accession à la propriété ; « On dépense 3 milliards sans que les banquiers n’intègrent cet élément ». Ce constat date de 2010 et le crédit d’impôt a été supprimé en 2011. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
J’ajoute que ce crédit d’impôt a été supprimé à un moment où il fallait redresser fortement les comptes publics. Avis défavorable.
(Les amendements identiques nos 174 et 439 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 2297.
M. Jean-François Coulomme
Il porte sur la gestion de nos massifs forestiers, au sujet de laquelle je prendrai deux exemples. Il n’y a plus d’opérations de coupe rase dans la forêt landaise, car la présence de feuillus parmi les résineux préserve la biodiversité et permet de lutter contre les chenilles processionnaires, le délavement et le lessivage des sols. Quant à la forêt de Tronçay, célèbre pour sa merranderie, elle conserve 10 % de hêtres et 7 % de résineux – des pins sylvestres. La biodiversité est importante pour préserver la santé de nos massifs forestiers : elle favorise la résilience face au changement climatique et aux problèmes sanitaires causés par les infestations d’insectes.
L’amendement prévoit de restreindre l’avantage fiscal sur l’acquisition des graines et la plantation aux forêts dont la diversité est préservée.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Cet amendement a été repoussé en commission, car il vise à priver du crédit d’impôt sur les travaux forestiers les opérations de coupe rase, sauf pour motif sanitaire. Aucun propriétaire ne réalise de coupe rase pour le plaisir : il s’agit d’une pratique de dernier recours, soit pour des raisons sanitaires, comme vous l’admettez vous-même, soit lorsque l’essence en place n’est pas adaptée à son milieu ou au changement climatique. Dans ce cas, la coupe rase est indispensable. De plus, certaines espèces comme le pin sylvestre ou le pin maritime ont besoin de coupes rases pour renaître.
(L’amendement no 2297, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Les amendements nos 2627 et 2626 de M. Jean-Pierre Bataille sont défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Avis défavorable.
(Les amendements nos 2627 et 2626, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l’amendement no 1543.
Mme Chantal Jourdan
Il vise à instaurer un crédit d’impôt de 80 % afin de permettre aux propriétaires forestiers de réaliser des diagnostics d’indice de biodiversité potentielle. La stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) propose d’encourager l’utilisation de cet indice, très utile pour identifier les éléments de biodiversité et les espèces protégées. Il s’agit d’encourager globalement une sylviculture durable et d’apporter de la sécurité juridique aux entreprises de travaux forestiers. Cette proposition répond à la nécessité de faire évoluer les pratiques sylvicoles et de restaurer un bon état forestier et la bonne santé des arbres.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Avis défavorable. Un crédit d’impôt à 80 % n’a pas beaucoup de cohérence. Une subvention serait plus appropriée.
(L’amendement no 1543, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 1581 et 3286, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Damien Girard, pour soutenir l’amendement no 1581.
M. Damien Girard
Il vise à renforcer le crédit d’impôt pour les travaux forestiers afin d’inciter les propriétaires à s’engager dans une sylviculture plus durable.
La préservation de nos forêts et une meilleure gestion doivent figurer parmi nos priorités car ces puits de biodiversité, en raison des espèces vivantes qu’elles renferment, stockent plus de la moitié du carbone des terres émergées et jouent un rôle déterminant dans la régulation du dioxyde de carbone, donc dans notre survie.
Pourtant, les forêts françaises meurent : en dix ans, le puits de carbone français a été divisé par deux. Il est urgent que notre politique forestière prévoie des obligations pour prendre en compte le changement climatique et la biodiversité.
L’amendement no 1581 a pour objet de soutenir les propriétaires forestiers engagés dans une sylviculture plus durable, en relevant le crédit d’impôt Defi travaux forestiers à hauteur de 60 % pour les contribuables, les groupements ou les sociétés d’épargne forestière qui s’engagent dans des travaux de sylviculture mélangée à couvert continu et qui favorisent des pratiques préservant la biodiversité et la protection des sols.
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Ott, pour soutenir l’amendement no 3286.
M. Hubert Ott
Il vise à réorienter le crédit d’impôt pour les travaux forestiers vers les propriétaires engagés dans une sylviculture plus durable. Il est aujourd’hui de 25 % pour l’ensemble des propriétaires, sous réserve qu’un document de gestion soit appliqué. Or, bien que la France s’y soit engagée, ce document ne comporte pas de volet obligatoire concernant la biodiversité.
La feuille de route pour l’adaptation des forêts au changement climatique, publiée par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation en décembre 2020, prévoyait d’intégrer les critères de diversification, de préservation du capital sol et d’autres critères de préservation de services écosystémiques dans les documents encadrant la gestion forestière dans les forêts publiques et privées.
Avec cet amendement, il s’agit de porter le crédit d’impôt à 40 % pour les contribuables, les groupements et les sociétés d’épargne forestière qui prennent l’engagement, à compter du 1er janvier 2025, de gérer leurs forêts en maintenant son couvert continu. Cette mesure incitative, qui ne contraint ni ne punit personne, est destinée à encourager ceux qui veulent faire avancer les choses et améliorer la dimension écologique de nos forêts. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ces deux amendements ont pour objet de porter le crédit d’impôt visant les travaux forestiers respectivement à 60 % et à 40 %. Vous l’avez mentionné, des documents de gestion existent. Il convient de les modifier plutôt que de créer un crédit d’impôt renforcé.
Pour cette raison, la commission a donné un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan
Nous soutenons ces amendements. Certes moins ambitieux que mon amendement no 1543, ils visent tout de même à inciter les propriétaires privés à mieux gérer leurs forêts. Ces dispositions tracent un chemin à suivre.
La réponse du rapporteur général ne nous satisfait pas car nous avons déjà proposé de modifier les documents de gestion, ce qui nous a été refusé.
(Les amendements nos 1581 et 3286, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
L’amendement no 582 de M. Anthony Brosse est défendu.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
On peut toujours envisager d’augmenter les taux. Dans le contexte actuel, je ne vous le recommande pas.
La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, je lui donne un avis défavorable.
(L’amendement no 582, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 143 de M. Thibault Bazin a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Avis défavorable.
(L’amendement no 143, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 2616, 470, 2617 et 2621, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 470 et 2617 sont identiques.
La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir l’amendement no 2616.
M. Philippe Brun
Certains de nos collègues s’étonneront peut-être que le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital revienne dans notre débat. Une partie de nos amendements ayant été déplacés vers un autre article, le service de la séance a eu l’amabilité de les insérer à nouveau dans la liasse des amendements portant article additionnel après l’article 3.
Par ces amendements, nous vous proposons d’augmenter le prélèvement forfaitaire unique, composé de plusieurs impôts – il existe plusieurs moyens d’en augmenter le taux, selon l’impôt auquel on s’attaque.
L’amendement no 2616 vise à augmenter ce taux de 10 points ; l’amendement no 2617, de 5 points ; et l’amendement no 2621, de 3 points.
Je l’ai dit hier, la création du prélèvement forfaitaire unique a entraîné une baisse de la taxation des revenus du capital par rapport à celle des revenus du travail. Dans les circonstances actuelles, avec un projet de loi de finances et un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui alourdissent les cotisations sur le travail, où l’on demande des efforts à tout le monde, y compris aux retraités, il semble logique et raisonnable de demander aussi des efforts à ceux qui sont payés en dividendes.
Ces dispositions ont été adoptées par la commission des finances, qui a approuvé un amendement de M. Mattei. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 470.
M. Nicolas Sansu
Après une nuit qui aura peut-être porté conseil, l’amendement offre une deuxième chance, une seconde délibération à Jean-Paul Mattei, pour obtenir un PFU d’au moins 3 points supplémentaires.
M. Sylvain Berrios
Vous pourriez accélérer !
Mme la présidente
M. Philippe Brun a défendu les amendements nos 2617 et 2621.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Le débat sur une augmentation du PFU de 10, 5 ou 3 points a déjà eu lieu. L’Assemblée a décidé de refuser toutes ces propositions.
La commission a également émis un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
En effet, le débat a déjà eu lieu, et je ne reviendrai pas sur les différents arguments, pour accélérer le débat.
La position du Gouvernement est claire : il ne souhaite pas modifier le prélèvement forfaitaire unique, étant donné les conséquences qu’aura l’adoption de la CDHR – contribution différentielle sur les hauts revenus. Il n’est pas nécessaire d’en rajouter.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Bien sûr, nous ne sommes pas favorables à ces amendements, qui sont une très mauvaise idée. En 2017, le PFU à 30 % a été une mesure structurelle de notre réforme fiscale, qui a permis d’obtenir des résultats. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Cette réforme a fait de la France le pays le plus attractif d’Europe depuis cinq ans. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Hervé Berville
Mais oui !
M. Charles Sitzenstuhl
Elle nous a permis d’accueillir des investissements étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Modifier le taux du PFU fera fuir les investisseurs, empêchera la France d’attirer de nouvelles usines et remettra le pays dans le cycle infernal du chômage et des délocalisations qu’il a connu depuis trente ans.
En conséquence, il ne faut surtout pas adopter ces amendements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Erwan Balanant
Écoutez le président Mattei !
M. Jean-Paul Mattei
Nous avons débattu hier. Laissons faire la contribution différentielle car elle va dans le bon sens, et analysons-la ensuite.
J’ai en effet retiré mon amendement. Nous pouvons avoir un débat apaisé et nous poser les bonnes questions s’agissant des contributions des revenus du travail et du capital au budget de l’État. Ce sont des débats sains.
Pour ce qui est du bornage dans le temps, peut-être pourrions-nous convenir de revenir sur ces dispositions si, et seulement si, la situation de la France était très améliorée.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Mon estimé collègue Charles Sitzenstuhl n’était peut-être pas présent hier, lorsque j’ai répondu à M. Labaronne.
M. Charles Sitzenstuhl
J’étais bien présent !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Alors vous avez dû entendre ce que j’ai dit.
M. Daniel Labaronne et M. Hervé Berville
C’est faux !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Non, ce n’est pas faux. Ce sont les chiffres de l’Insee. Pour information, l’investissement des entreprises a reculé entre 2017 et 2022… (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe EPR.)
Ne dites pas que c’est faux, donnez des sources ! C’est extraordinaire !
L’investissement des entreprises, au sens de la formation brute de capital fixe (FBCF) des sociétés non financières, a reculé de près de 2 points, passant de 56 à 54,2 % du total de l’investissement global dans le pays.
M. Daniel Labaronne
C’est faux !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Écoutez-moi, monsieur Labaronne ! Ne m’interrompez pas pour expliquer que c’est faux, sans donner un seul argument. Je donne les arguments et les vrais chiffres. Je ne fais pas de la propagande ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
L’investissement des entreprises a reculé de plus de 2 points. Ce qui fait que l’investissement global dans le pays a quand même augmenté, c’est l’investissement public, dont celui des collectivités locales. Ce sont les chiffres !
M. Daniel Labaronne
Et où les trouvez-vous ?
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Si vous en avez d’autres, donnez-les ! (Mêmes mouvements.)
Mme Danielle Simonnet
Vous ne connaissez pas les chiffres !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Deuxièmement, monsieur Sitzenstuhl, il n’y a pas de tendance à la hausse du solde net de l’investissement direct étranger en France. Les investissements français à l’étranger augmentent plus rapidement que les investissements étrangers en France. C’est cela, la réalité ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe EPR.) Et cela contredit ce que vous affirmez lorsque vous prétendez que l’investissement explose.
Mme la présidente
Il faut conclure, monsieur Coquerel.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je viens de le prouver. Donnez-moi vos chiffres, Daniel Labaronne, et ne répétez pas que ce n’est pas vrai !
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Ces amendements particulièrement importants sont au cœur de notre débat budgétaire, et je voudrais que tout le monde fasse preuve de sincérité sur cette question.
Il a été dit que l’augmentation de la flat tax pourrait toucher les petits épargnants. M. le ministre a fait hier la démonstration que c’était faux, car chacun peut choisir d’acquitter soit l’impôt sur le revenu, selon un barème progressif, soit la flat tax.
Ainsi, une augmentation de la flat tax ne touche pas les petits épargnants qui ne sont pas imposables ou qui se situent dans les tranches basses de l’impôt sur le revenu.
M. Jean-René Cazeneuve
Ce n’est pas vrai !
M. Aurélien Le Coq
Les seuls qui le sont, ce sont les plus riches, les gros actionnaires, celles et ceux qui s’en mettent plein les poches et qui se servent justement de la flat tax pour payer moins d’impôts. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Je le dis clairement : celles et ceux qui, dans cet hémicycle, refusent d’adopter une augmentation de la flat tax protègent les plus gros revenus, les ultrariches, celles et ceux qui s’en mettent plein les poches. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Les Françaises et les Français nous regardent toutes et tous au moment où l’on demande aux retraités de faire des efforts. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Heureusement que vous ne faites pas de propagande ! (« Et vous ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Le problème, c’est qu’en France, la progressivité du barème d’imposition est rapide : la flat tax bénéficie donc très vite aux petits porteurs. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous êtes persuadés que la flat tax est une affaire d’ultrariches et qu’elle ne concerne que très peu de monde, mais vous vous trompez ; beaucoup d’entrepreneurs qui se rémunèrent uniquement sur les dividendes de leur PME ont besoin de ce dispositif. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Monsieur le président Coquerel, il n’y a aucune relation entre l’évolution des investissements directs étrangers en France et celle des investissements des Français à l’étranger. Ce n’est pas parce que la France investit davantage à l’étranger qu’elle s’appauvrit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) C’est une bonne nouvelle, car cela prouve que nos entreprises ont crû. Et il y a deux bonnes nouvelles puisque le fait que les étrangers investissent dans notre pays témoigne du fait qu’elle n’a jamais été aussi attractive. Je le dis en présence de l’ancien ministre chargé du commerce extérieur et de l’attractivité : nous détenons depuis cinq ans le record européen des projets d’investissements directs étrangers ! (MM. David Amiel et Franck Riester applaudissent. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
Un député du groupe EPR
Devant l’Irlande !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je ne conteste pas vos sources, mais l’attractivité reste une question de compétition entre pays, et les faits sont implacables : depuis cinq ans, les investissements directs étrangers sont plus importants en France que dans tout autre pays européen. Maintenant, si, par idéologie, vous ne voulez pas établir de relation entre réformes fiscales, gains d’attractivité et création d’emplois ou réindustrialisation (Mme Christine Arrighi s’exclame), je ne peux plus rien pour vous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
(L’amendement no 2616 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 470 et 2617 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 2621 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir les amendements nos 1134 et 1135, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée. (Brouhaha.)
M. Erwan Balanant
Écoutez Mme Regol, quand même !
Mme Sandra Regol
Les couples mariés ou pacsés sont automatiquement imposés conjointement, au détriment des femmes. Le groupe Écologiste et social souhaite introduire une option d’individualisation, utilisable et réversible à tout moment : cet outil fiscal favoriserait l’émancipation des individus, en particulier des femmes. Nous proposons une entrée en vigueur progressive de cette mesure, pour laquelle ces deux amendements prévoient chacun un calendrier.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en présentation groupée ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
En France, l’impôt sur le revenu a été fondé sur le foyer familial ; d’autres pays le font reposer sur l’individu ; il existe même des systèmes mixtes, comme en RFA,…
Un député du groupe LFI-NFP
Et en RDA ? (Sourires.)
M. Charles de Courson, rapporteur général
…où vous pouvez opter soit pour une déclaration commune, soit pour une déclaration séparée.
Si vous modifiez ce paramètre fondateur, beaucoup d’éléments, par exemple les abattements ou les demi-parts, seront remis en cause : c’est pourquoi la commission des finances a émis un avis défavorable.
(Les amendements nos 1134 et 1135, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 2628 rectifié, 1874 et 471, pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l’amendement no 1874, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir l’amendement no 2628 rectifié.
M. Philippe Brun
Dans un souci de justice fiscale, nous proposons de défamilialiser l’assiette de la CEHR, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, instaurée en 2011, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, par le gouvernement de François Fillon. Le seuil des revenus à partir duquel le contribuable acquitte cet impôt est en effet doublé pour un couple, ce qui crée un effet d’éviction et en réduit le rendement.
(À dix-neuf heures cinq, Mme Clémence Guetté remplace Mme Nadège Abomangoli au fauteuil de la présidence.)
Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 1874.
M. Aurélien Le Coq
Nous avons beaucoup évoqué l’idée que, dans les circonstances actuelles, chacun doit contribuer en fonction de ses moyens. Or, dans ce pays, 500 familles concentrent 1 228 milliards d’euros, le triple du budget de l’État ; en d’autres termes, une toute petite partie de la population est ultrariche. Si nous voulons réussir à rétablir nos comptes publics, si chacun ici est sincère, nous ne pouvons nous contenter d’un prélèvement de 2 milliards ! C’est pourquoi nous proposons de tripler les taux de la CEHR, mesure qui rapporterait 400 millions supplémentaires – rappelons que pour être redevable de cette taxe, il faut gagner plus de 20 000 euros par mois, 40 000 pour un ménage. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour soutenir l’amendement no 471.
M. Emmanuel Maurel
J’ai un petit désaccord sur le fond avec M. le ministre, qui affirme qu’il existe un lien de cause à effet systématique entre politique fiscale et attractivité. Ce n’est pas vrai : l’attractivité d’un pays tient aussi à la qualité de ses services publics, de ses infrastructures (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC), à l’excellence de sa main-d’œuvre, à la formation des salariés. En outre, s’il est exact que notre attractivité a dépassé celle du Royaume-Uni, ce fut au moment du Brexit.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Et l’Allemagne ?
M. Emmanuel Maurel
Parlons-en : la qualité en emploi des investissements étrangers est bien moindre en France qu’en Allemagne !
M. Hervé Berville
Mais non !
M. Emmanuel Maurel
Il faut arrêter de tordre la réalité dans tous les sens.
M. Hervé Berville
Vous n’aimez pas l’excellence française !
M. Emmanuel Maurel
J’en viens à l’amendement, qui ne diffère pas substantiellement du précédent, puisqu’il vise à porter les taux de la CEHR de 3 % et 4 % à 6 % et 8 %.
Mme la présidente
Merci, cher collègue.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Vous dites ça pour y revenir !
M. Emmanuel Maurel
Écoutez, monsieur le ministre, alors que vous passez votre temps à nous dire que vous avez redressé le pays, nous devons gérer une situation financière catastrophique !
M. Hervé Berville
Pour l’instant, je vous rappelle que vous ne gérez rien du tout ! (Sourires.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’avis de la commission est défavorable. Soyons cohérents : si l’on maintient la familialisation de l’impôt sur le revenu, ce n’est pas pour défamilialiser ou déconjugaliser la CEHR. Quant aux deux derniers amendements, ils aboutiraient à ce que le taux marginal d’imposition atteigne au moins 70,2 % en cas de doublement des taux et 74,2 % en cas de triplement. Il ne fait aucun doute qu’une telle mesure serait censurée par le Conseil constitutionnel. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
Ça n’est pas sa position ! Informez-vous !
Mme Sabrina Sebaihi
Laissons le Conseil décider !
Mme Véronique Louwagie
Écoutez la voix de la sagesse !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ce ne serait pas la première fois : on peut le regretter, mais le Conseil, je le répète, raisonne en termes de taux marginal et non de taux moyen.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis. La familialisation de l’impôt en général est remise en cause chaque année, mais si nous la conservons pour l’impôt sur le revenu, il convient de faire de même pour les contributions exceptionnelles directement liées au barème de cet impôt.
Monsieur Maurel, vous commencez par parler d’attractivité, et tout cela finit en nouvelle tranche marginale : la contradiction est là.
M. Emmanuel Maurel
Parce qu’il n’y a pas d’imposition !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce que vous avez dit de l’attractivité, d’ailleurs, est exact : elle ne tient pas qu’à la fiscalité. Reste que notre pays n’était pas attractif avant le choc fiscal de 2017 et qu’il l’est devenu ensuite : si vous ne voyez pas le rapport… (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Pierre Pribetich
Et 3 228 milliards de dette ! Un peu d’humilité !
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
Depuis 2017 et le début de nos réformes, trois constats s’imposent. Premièrement, après une baisse continue de 2001 à 2016, l’emploi industriel, sauf en 2020, a recommencé à croître. Deuxièmement, la France, on l’a dit, est depuis cinq ans championne d’Europe des investissements directs étrangers. (Brouhaha.)
Mme la présidente
S’il vous plaît, chers collègues !
M. Daniel Labaronne
Nos réformes ont permis d’une part à des entreprises françaises compétitives d’engranger des financements leur permettant d’attaquer les marchés internationaux et d’investir aux États-Unis,…
Mme la présidente
Il faut conclure, monsieur le député.
M. Daniel Labaronne
…d’autre part à notre économie, devenue attractive, d’accueillir des investissements étrangers. Ce sont là deux bonnes nouvelles ! Troisièmement,… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – M. David Amiel applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin
J’approuve les propos de notre collègue Maurel. Vous établissez un lien, monsieur le ministre, entre la réduction des impôts sur le capital et la baisse du chômage. (« Oui ! » sur quelques bancs du groupe EPR.) Or cette baisse s’explique en réalité, premièrement, par la hausse du nombre d’autoentrepreneurs – la France est l’un des pays européens où l’emploi salarié a le moins augmenté ces dernières années, mais seule la Hongrie fait mieux que nous en matière d’emploi non salarié, c’est-à-dire Uber et compagnie –, deuxièmement, par le recours massif à l’apprentissage. La baisse des impôts sur le capital n’a rien à y voir.
Par ailleurs, pour recréer des industries dans notre pays, au lieu de chercher constamment à attirer des capitaux américains ou autres, vous devriez avant toute chose vous demander comment mobiliser le capital national. Force est de constater que cette question n’est pas l’élément central de votre réflexion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Gérault Verny
Quel mépris !
Mme la présidente
Le débat étant animé, chers collègues, je propose que nous assouplissions la règle en admettant deux orateurs pour et deux contre.
La parole est donc à M. Jérôme Legavre.
M. Jérôme Legavre
J’étais, ce midi, en compagnie des salariés de MA France (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), ce sous-traitant de Stellantis et de Renault récemment placé en liquidation judiciaire. En ajoutant aux 280 salariés les 120 intérimaires, ce sont 400 familles qui se retrouvent le bec dans l’eau. En Seine-Saint-Denis, il n’y a désormais plus aucun site industriel. À ces travailleurs qui ont perdu leur emploi et qui ne sont pas les seuls, car le secteur automobile tout entier est percuté de plein fouet (Mêmes mouvements), vous irez expliquer que l’attractivité de notre pays augmente ! C’est le contraire qui s’est passé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
M. Ruffin oublie un facteur important : en matière de création d’emplois, notre premier moteur, ce sont nos entreprises innovantes. En 2017, celles-ci levaient 2 milliards d’euros par an ; en 2022, 14 milliards ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Elles n’ont pas de trésorerie : cet argent ne sert donc pas à remplir leurs poches, mais à créer des emplois – plusieurs centaines de milliers !
Mme Danielle Simonnet
Eh non ! Pas à chaque fois !
M. Maxime Laisney
Et ça dépend des emplois !
M. Paul Midy
Venez donc avec moi voir ces salariés : ce sont de vraies personnes. Elle est là, l’attractivité française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2628 rectifié.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 186
Nombre de suffrages exprimés 186
Majorité absolue 94
Pour l’adoption 76
Contre 110
(L’amendement no 2628 rectifié n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1874.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 181
Nombre de suffrages exprimés 181
Majorité absolue 91
Pour l’adoption 73
Contre 108
(L’amendement no 1874 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 471 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 3676.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il s’agit de nous mettre en conformité avec le droit européen concernant le prélèvement prévu à l’article 244 bis B du code général des impôts, suite à une décision récente du Conseil d’État.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission n’a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j’y suis favorable.
(L’amendement no 3676 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Nous en venons à l’amendement no 2597 de M. Philippe Brun.
(L’amendement no 2597 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir l’amendement no 2598.
M. Philippe Brun
Il est également retiré, pour permettre l’accélération de nos débats, cet amendement n’ayant pas obtenu de majorité en commission. (MM. Gérard Leseul et Pierre Cazeneuve applaudissent.)
Mme la présidente
Merci, monsieur Brun !
(L’amendement no 2598 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 261.
M. Philippe Juvin
Il existe deux sortes de plans d’épargne retraite (PER), mais ils répondent aux mêmes conditions de déblocage du capital. Pourtant, ils sont soumis à deux types différents d’imposition. Il s’agit donc d’un amendement de simplification pour qu’ils soient assujettis selon les mêmes modalités au moment de la succession.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ma collègue Félicie Gérard et moi-même avons récemment présenté un rapport d’information sur la fiscalité de l’épargne retraite par capitalisation. Nous avons bien mis en évidence la différence de traitement entre les PER bancaire et assurantiel en matière de droits de succession, le premier bénéficiant du droit commun, tandis que le second dispose d’un régime proche de celui de l’assurance vie – abattement de 152 500 euros en deçà du seuil de 70 ans et de 30 500 euros au-delà.
Cela tient à la différence de nature juridique entre les deux contrats. Si nous appliquions le régime du PER assurantiel au PER bancaire, qui est un compte-titres, nous créerions une rupture de traitement entre les différents types de comptes-titres.
En outre, la transmission d’un PER bancaire est exonérée en cas de transmission au conjoint survivant ou au partenaire pacsé, ce qui n’est pas le cas du PER assurantiel. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je partage l’analyse du rapporteur général. La différence de nature juridique des deux PER explique la différence de traitement. Avis défavorable.
(L’amendement no 261 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de cinq amendements, nos 473 rectifié, 1488 rectifié, 2534, 3128 et 1400, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 473 rectifié, 1488 rectifié, 2534 et 3128 sont identiques.
Sur ces amendements identiques, je suis saisie par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 473 rectifié.
M. Nicolas Sansu
Il s’agit d’un amendement important, et global. Il vise à réformer le régime des successions et donations grâce à différentes dispositions.
Le flux successoral d’abord : peu importe d’où vient la donation ou la succession, l’abattement serait de 200 000 euros. Il s’agit donc de supprimer la différence entre donation ou succession en ligne directe ou en ligne indirecte. En l’état du droit, la ligne directe est favorisée, car peu imposée, contrairement à la ligne indirecte qui l’est fortement – ce qui est assez incongru.
Il s’agit ensuite d’empêcher l’évitement de l’impôt que peuvent permettre le pacte Dutreil et le démembrement. Dans le premier cas, nous fixons un seuil, et une durée de détention plus longue ; dans le second, nous interdisons le démembrement des titres dans le cadre de la succession.
Cet amendement est commun aux quatre groupes du Nouveau Front populaire.
Mme la présidente
Les amendements identiques nos 1488 rectifié de Mme Christine Pirès Beaune, 2534 de Mme Marianne Maximi et 3128 de Mme Sophie Taillé-Polian sont défendus.
L’amendement no 1400 de Mme Christine Pirès Beaune est également défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’instauration d’un rappel fiscal à vie a pour inconvénient d’alourdir considérablement la fiscalité, surtout lorsque le rappel n’est pas contrebalancé par des abattements de niveau suffisamment élevés. En outre, cela risque d’aboutir à une imposition confiscatoire.
L’avis de la commission est également défavorable sur tous les amendements qui remettent en cause le régime fiscal de l’assurance vie. Je l’ai déjà dit, c’est un produit très largement répandu, apprécié par les Français et présentant une certaine souplesse en matière de transmission. Il finance par ailleurs une part importante de notre dette publique.
À titre personnel, je suis favorable à une réflexion globale sur le pacte Dutreil – conditions, assiette, éventuel plafonnement. Mais j’émets des réserves sur votre proposition car elle ne s’appuie pas sur un chiffrage précis et ne tient pas compte des différences de situation entre les entreprises.
Je vous invite à retirer vos amendements, sans cela, c’est un avis défavorable et, si je puis me permettre, nous avons déjà discuté de tout cela.
M. Nicolas Sansu
Pas de l’héritage !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Le sujet est essentiel. On parle ici des héritages dorés. Doit-on laisser faire ? Doit-on accepter une aggravation sans précédent des inégalités tout en laissant les héritiers des super-riches devenir eux-mêmes super-riches ?
N’est-il pas temps d’organiser la redistribution des richesses et de garantir la participation à l’effort national des bénéficiaires de ces héritages quand les inégalités explosent, quand 2 000 enfants dorment à la rue, quand les étudiants font la queue, ne serait-ce que pour manger ?
Plusieurs députés du groupe RN
Oh là là !
M. Nicolas Meizonnet
Rends ton HLM !
Mme Danielle Simonnet
Nous avons fait des efforts, admettez-le ! Nous sommes jeudi soir…
M. Laurent Jacobelli
C’est bien la seule vérité : nous sommes jeudi soir !
Mme la présidente
Merci de bien vouloir conclure, madame la députée.
Mme Danielle Simonnet
Nous avons présenté des tonnes d’amendements pour mettre certains à contribution. Le Gouvernement a-t-il la volonté de faire enfin avancer les choses ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Je ne peux pas soutenir ces amendements. En matière successorale, notre droit fiscal est régi par l’article 777 du code général des impôts. Il s’appuie sur les dispositions du code civil et la notion de dévolution. On peut débattre de ces dispositions, notamment de la réserve héréditaire, mais sans doute pas à l’instant.
Je constate que, dans vos amendements, le prélèvement peut atteindre le taux de 60 % au-delà des 600 000 euros. Même si j’ai bien compris que c’était applicable sur chaque part taxable, c’est énorme.
Au décès d’une personne dont la maison est estimée à 800 000 euros – certes, c’est une belle maison –, les héritiers pourront avoir à payer 60 % de droits de succession.
M. Emeric Salmon
Et 100 % d’impôts !
M. Jean-Paul Mattei
Il leur faudra donc vendre le bien qu’ils ne pourront pas conserver.
Comme nous l’avons déjà évoqué pour le logement, cela mérite une réflexion globale car le sujet est important. Nous pouvons nous appuyer sur le récent rapport de la Cour des comptes.
Il me semble qu’il s’agit plutôt d’amendements d’appel. Il faut travailler globalement sur ces sujets – je pense aussi à la question des familles recomposées.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Interpellé par Mme Simonnet, je réponds volontiers. Vos amendements alourdissent les droits de succession. Excusez-moi d’y donner un avis défavorable. Nous avons encore le droit, me semble-t-il, de ne pas vouloir alourdir la fiscalité des successions dans notre pays.
M. Christophe Bex
Mais pourquoi ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
C’est le droit de l’exécutif de prendre cette position qui est aussi celle, je le crois, d’une bonne part de cet hémicycle.
M. Christophe Bex
C’est quoi, votre argument ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Inutile de nous répéter que vous avez déposé des tonnes d’amendements – pour reprendre votre expression – qui visent à engranger des tonnes de recettes fiscales. S’il s’agit de matraquage fiscal, ma réponse sera toujours « non » !
M. Nicolas Sansu
Ce n’est pas du matraquage fiscal !
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 473 rectifié, 1488 rectifié, 2534 et 3128.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 179
Nombre de suffrages exprimés 179
Majorité absolue 90
Pour l’adoption 69
Contre 110
(Les amendements identiques nos 473 rectifié, 1488 rectifié, 2534 et 3128 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 1400 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Baumel, pour soutenir l’amendement no 1767.
M. Laurent Baumel
La fiscalité des héritages est un sujet sensible. Même quand on est de gauche, on est évidemment sensible au souhait de nos concitoyens de transmettre le fruit de leurs efforts à leurs enfants, mais il y a aussi un enjeu d’égalité des chances et de remise à zéro du compteur pour le bon fonctionnement de la société.
Dans cette perspective, le présent amendement vise à réintégrer…
Mme la présidente
Mes chers collègues, si vous avez besoin de discuter, c’est hors de l’hémicycle. Sinon, merci de bien vouloir écouter l’orateur, qui nous présente son amendement avec fougue.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Très bien !
M. Laurent Baumel
Le présent amendement vise à réintégrer les donations dans le calcul du montant de l’héritage. Nous estimons que ce désir légitime des Français d’aider, de leur vivant, leurs enfants ne saurait être détourné en système d’optimisation fiscale aboutissant à la sous-fiscalisation de ce que les enfants doivent au titre de l’impôt sur l’héritage.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission des finances a donné un avis défavorable à cet amendement, pour des raisons fondamentales.
La première, c’est que votre amendement revoit considérablement la modulation de la fiscalité en fonction des liens de parenté, ce qui revient à ne pas reproduire sur le plan fiscal les différences qui structurent le droit civil, tout en supprimant tous les aménagements liés à ces liens, et en instaurant un rappel fiscal à vie, qui alourdit considérablement le montant des droits. En quelque sorte, vous vous inspirez du droit américain, qui n’est pas calé sur les liens de parenté, contrairement au nôtre.
En outre, l’imposition serait fondée sur ce que le contribuable a reçu tout au long de sa vie, sans tenir compte du lien avec celui qui transmet, ni du moment où intervient chaque transmission.
Or les Français sont attachés à ce qu’eux-mêmes transmettent à leurs héritiers ou donataires. Votre système l’ignore et ne se place pas du point de vue de celui qui reçoit. Cela risque de fragiliser le consentement à l’impôt sur les successions.
Enfin, ce rappel fiscal permanent étendu à toutes les donations et successions aurait pour effet d’accroître rapidement l’impôt sur les patrimoines moyens et importants.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Louis Boyard.
M. Louis Boyard
Monsieur le ministre, vous nous répondez que vous avez le droit d’avoir votre opinion sur la fiscalité. Vous avez raison, c’est votre droit.
Par contre, en tant que ministre de la République, quand une députée vous parle de 2 000 enfants à la rue, quand nous dénonçons la précarité étudiante – ce lundi, 1 200 étudiants faisaient la queue à la distribution alimentaire –, vous n’avez pas le droit d’affirmer « je dis ce que je veux de la fiscalité » et de ne rien dire et de ne pas agir contre la précarité et la misère. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Nous vous faisons des tonnes de propositions. Vous refusez, vous refusez, vous refusez !
M. David Amiel
Il ne refuse rien !
M. Louis Boyard
Mais quelles alternatives nous proposez-vous pour sortir de la misère les millions de Français que vous y avez plongés depuis que Macron est président de la République ? Aucune !
Vous pouvez bien penser ce que vous voulez en matière de fiscalité, mais quand il est question de liberté, d’égalité et de fraternité, en République, vous n’avez pas le droit de ne pas vous exprimer ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Prisca Thevenot. (« Le retour ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Prisca Thevenot
Oui, et je suis revenue pour mettre les points sur les i et les barres aux t. (Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP et UDR.) Nous vous l’avons dit à de nombreuses reprises, monsieur Boyard : nous nous mobilisons contre la précarité étudiante et nous devons continuer à agir. Mais ce n’est pas en cherchant à faire du buzz sur les réseaux sociaux pour flatter votre ego que ça aboutira. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, RN, DR, Dem et UDR.)
S’agissant des repas à 1 euro, je l’ai dit en tant que ministre comme en tant que députée : nous avons agi malgré vous. Quand nous avons mis en place ce dispositif grâce à Emmanuel Macron et aux Jeunes avec Macron, vous vous y êtes opposés en refusant de voter tous les budgets que nous avons présentés.
Un député du groupe EcoS
On voit le résultat !
Mme Prisca Thevenot
Comme vous avez honte d’avoir agi ainsi, vous faites à présent du buzz en permanence – ça suffit, mettez-vous à travailler sérieusement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, RN, DR, Dem et UDR.)
(L’amendement no 1767 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Ott, pour soutenir l’amendement no 1572.
M. Hubert Ott
En cas de décès d’un proche, l’administration fiscale autorise la déduction d’une somme de 1 500 euros du patrimoine soumis aux droits de succession afin de compenser les frais d’obsèques. Ce montant est nettement insuffisant car il ne correspond pas à la réalité du coût des obsèques simples en France, qui oscille entre 6 000 et 8 000 euros. Lorsqu’une personne décède sans avoir anticipé les frais d’obsèques de son vivant, ce sont les héritiers qui se retrouvent responsables de l’organisation et du financement des funérailles.
Si les comptes du défunt sont bloqués après son décès, il est parfois possible de prélever les frais d’obsèques dans la limite de 5 000 euros, à condition que les fonds soient disponibles. Dans le cas contraire, les proches doivent couvrir tout ou partie des dépenses. Cette nécessité de débloquer rapidement ces sommes peut mettre en péril leur situation financière, notamment lorsque le décès entraîne aussi une perte de revenu.
En plus des frais d’obsèques, les familles doivent supporter les coûts liés à la succession – les frais de notaire et diverses taxes. À la douleur émotionnelle s’ajoute donc une charge financière importante, créant un stress supplémentaire à un moment où les proches devraient pouvoir se concentrer sur leur deuil. Cette situation constitue une injustice financière pour les familles endeuillées, qui doivent assumer des coûts bien supérieurs à la déduction autorisée.
Mme la présidente
Il faut conclure, monsieur le député !
M. Hubert Ott
En tant que pays qui pratique l’une des fiscalités les plus élevées au monde, la France se doit de réévaluer cette déduction pour qu’elle corresponde mieux aux coûts réels afin d’alléger le fardeau des familles… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission des finances a émis un avis défavorable. Notre collègue a raison de dire que les frais d’obsèques ne correspondent pas à 1 500 euros, même s’il faudrait distinguer l’incinération de la mise en terre, la première revenant beaucoup moins cher.
Mme Eliane Kremer
Il y a une petite différence !
M. Charles de Courson, rapporteur général
En outre, les coûts varient fortement selon le secteur.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
En l’occurrence, il s’agit d’élargir une niche fiscale principalement au profit des plus aisés. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Louis Boyard. (Exclamations sur les bancs des groupes RN, EPR, DR et UDR.)
M. Louis Boyard
Madame Thevenot, vous dites qu’il faut travailler les dossiers. Vous avez été secrétaire d’État à la jeunesse : je vous avais… (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
Monsieur Boyard, restez-en à l’amendement !
M. Louis Boyard
Mais nous débattons ! (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
Mme la présidente
Non, monsieur Boyard, je suis désolée.
La parole est à M. Kévin Mauvieux.
M. Kévin Mauvieux
Je serai très rapide, j’ai simplement un message à passer aux électeurs d’Emmanuel Macron – je ne m’adresse pas aux téléspectateurs mais aux députés du Nouveau Front populaire qui ont voté pour lui à plusieurs reprises. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Dieynaba Diop
Pourquoi ne censurez-vous pas le Gouvernement ? Vous votez tout avec eux !
Mme la présidente
Vous parlez de l’amendement, monsieur Mauvieux ?
M. Kévin Mauvieux
Oui, madame la présidente.
Ceux-là semblent toujours être aussi déçus par Emmanuel Macron en matière de fiscalité, de redistribution, de lutte contre la précarité… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
Mme la présidente
Monsieur Mauvieux, cela ne concerne pas l’amendement.
(L’amendement no 1572 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 1288.
M. Laurent Jacobelli
Nous proposons d’étendre le dispositif décrit à l’article 775 bis du code général des impôts aux harkis et aux autres personnels des formations supplétives afin d’exclure les indemnités qu’ils ont pu recevoir du calcul de l’actif successoral. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) C’est déjà le cas des pensions militaires d’invalidité (PMI).
Les sommes perçues en guise de réparations ne doivent être considérées ni comme des salaires, ni comme le produit d’un dividende, ni comme le profit d’un actif – il s’agit de compenser les dommages qu’ils ont subis et l’accueil terrible qui a été réservé à ceux qui avaient fait le plus beau choix possible, celui de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Mme Sabrina Sebaihi s’exclame.) C’est aussi la reconnaissance de la souffrance de leurs héritiers, qui portent souvent le lourd fardeau de cet héritage historique. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Cette mesure est très peu coûteuse, c’est un moyen supplémentaire de leur signifier notre reconnaissance bien méritée car ils ont fait de grands sacrifices dans l’histoire. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission des finances a voté contre cet amendement.
C’est une affaire délicate. Les rentes et indemnités versées ou dues au défunt en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie – comme les pensions militaires d’invalidité – sont déductibles de l’actif de succession pour leur valeur nominale. Notre collègue souhaite étendre cette déduction d’assiette à l’indemnité créée par la loi du 23 février 2022 pour les harkis et leur famille ayant séjourné dans des camps de transit et des hameaux de forestage entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975. Le montant moyen de ces réparations s’élève à 8 800 euros.
Vous comparez l’indemnité versée aux harkis aux pensions d’invalidité militaire et aux indemnités versées en réparation de dommages corporels ou de maladie. Toutefois l’indemnité versée par l’Allemagne aux héritiers des victimes de spoliations commises entre 1940 et 1944 est intégrée à l’actif des droits de succession dans des conditions de droit commun. Si votre amendement était voté, cela pourrait amener à remettre en cause la spécificité de ces indemnités, ce qui me paraît très délicat, je le répète.
Voilà pourquoi la commission des finances n’a pas donné un avis favorable sur votre amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis. Le véhicule législatif n’est pas le bon ; je renvoie plutôt à la loi de 2022.
(L’amendement no 1288 n’est pas adopté.)
M. Laurent Jacobelli
Sympa pour les harkis ! C’est honteux !
Un député du groupe SOC
C’est comme tout à l’heure pour les bénévoles !
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 34 et 1883, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 34.
M. Gérault Verny
Nous proposons d’augmenter le plafond d’exonération des héritages.
M. Pierre Pribetich
Holà !
M. Gérault Verny
La France est en effet l’un des pays qui taxe le plus les successions en ligne directe. En Italie, l’abattement est fixé à 1 million d’euros, aux États-Unis à 11 millions de dollars.
Par ailleurs, un héritage est le fruit d’un patrimoine qui a été taxé à de nombreuses reprises, au travers de l’IFI, de l’impôt sur le revenu, autrefois de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) – il a déjà été fiscalisé.
Le sujet est aussi philosophique : vivons-nous dans un pays qui reconnaît la propriété privée, ou dans un pays collectiviste ?
M. Erwan Balanant
Il y a quand même une petite marge entre les deux !
Mme la présidente
La parole est à M. Louis Boyard, pour soutenir l’amendement no 1883.
M. Louis Boyard
Ce que je vais dire a bien un rapport avec l’amendement, puisque ce dernier vise à rendre la fiscalité sur l’héritage beaucoup plus progressive, ce qui permettrait de financer d’autres mesures. Pendant les dernières campagnes électorales, nous avons dit que la réforme sur la fiscalité de l’héritage permettrait de financer des politiques à destination de la jeunesse, notamment la politique de lutte contre la précarité étudiante.
Cela fait écho au débat que j’ai eu avec Mme Thevenot, ancienne secrétaire d’État à la jeunesse, dont le bilan est assez catastrophique.
M. Jean-René Cazeneuve
Vous ne parlez plus de l’amendement !
M. Gérault Verny
Mais quel est le rapport ?
M. Louis Boyard
Vous nous incitez à travailler les dossiers, madame Thevenot. Or je vous avais entendu dire que les étudiants précaires avaient accès aux repas à 1 euro. Sauf qu’en réalité, ce n’est pas vrai, le savez-vous ? Un étudiant qui gagne 700 euros en travaillant et qui paie 600 euros de loyer n’a pas accès aux repas à 1 euro ! (Exclamations prolongées sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme Prisca Thevenot
Madame la présidente, cela n’a aucun rapport avec l’amendement !
M. Louis Boyard
Vous avez un bilan en tant que secrétaire d’État à la jeunesse, vous ne maîtrisez pas tous les dossiers, et je n’ai pas de leçons à recevoir de votre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ces deux amendements sont en tout point opposés. Par l’amendement no 34, notre collègue propose d’exonérer les successions jusqu’à 5 millions, et de distinguer ensuite deux tranches, imposées à 10 et 20 %.
M. Gérault Verny
Nous avons baissé le plafond, c’est 3 millions maintenant !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Oui, mais dans le droit commun, c’est 5. Que restera-t-il des 19 milliards d’euros de recettes attendues au titre des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) ?
M. Gérault Verny
Il faut baisser les dépenses !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Pas grand-chose. C’est un amendement à 7, 8 ou 9 milliards ! La commission des finances a donc donné un avis défavorable.
L’amendement no 1883 définit à l’inverse un barème dans lequel la dernière tranche – au-dessus de 12 millions – est imposée à 100 %.
M. Gérault Verny
C’est du collectivisme !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Le Conseil constitutionnel a déjà annulé des dispositions par deux fois en se fondant sur le taux marginal d’imposition et non sur le taux moyen.
Un député du groupe LFI-NFP
Il peut changer d’avis !
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission des finances a donc également donné un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Emeric Salmon.
M. Emeric Salmon
Je suis déçu que M. Boyard ait préféré parler d’un amendement précédent plutôt que de défendre le sien. Je me fonderai donc sur l’exposé sommaire, qui montre, comme l’a souligné M. le rapporteur général, que les auteurs de cet amendement veulent tout prendre au-dessus de 12 millions d’euros. Ils écrivent : « Nous proposons donc de renforcer la progressivité du barème, d’instaurer un héritage maximum à 12 millions d’euros […] ». Même là, vous mentez aux Français. En effet, vous comptez imposer aussi les montants inférieurs à 12 millions ! Quand on fait le calcul en tenant compte des différentes tranches – les taux vont de 2,5 % en dessous de 80 000 euros jusqu’à 100 % au-dessus de 12 millions, en passant par 95 % entre 10,53 et 12 millions –, on s’aperçoit que si quelqu’un hérite de 12 millions, vous comptez lui prendre 9,7 millions !
Mme Marie Mesmeur
Mais qui a 12 millions à transmettre ?
M. Emeric Salmon
Vous bloquez donc l’héritage maximal non à 12 millions, mais à 2,2 millions. Il faut dire la vérité aux Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 2205 et 3471, je suis saisie par le groupe Droite républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Je voulais répondre au collègue qui a défendu l’amendement no 34. Depuis 1970, le patrimoine global des Français a plus que doublé, mais il est très inégalement réparti. Pas moins de 50 % des ménages n’ont aucun ou presque pas de patrimoine, quand 25 % du patrimoine total est détenu par les 1 % les plus aisés. On pourrait penser que ces écarts s’expliquent par les revenus du travail : ce n’est absolument pas le cas. Ils sont essentiellement dus à l’héritage. Autrement dit, si certains sont beaucoup plus riches, ce n’est pas une question de mérite ou de travail, mais parce qu’ils sont bien nés.
Se pose donc effectivement une question de société : nous faisons face à des niveaux d’héritage inédits depuis un siècle. Ce retour de la prépondérance de l’héritage depuis les années 1970 correspond comme par hasard à la fin d’une période de baisse des inégalités. Le mérite et la démocratie sont liés, c’est ainsi.
M. Gérault Verny
Mais ça n’a rien à voir ! C’est la démocratie à Athènes, ça !
Mme Christine Pirès Beaune
Il est difficile de susciter l’adhésion à des institutions démocratiques si la naissance détermine les destins individuels.
(Les amendements nos 34 et 1883, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Chers collègues, merci de faire preuve de réactivité !
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques nos 2205 et 3471.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir l’amendement no 2205.
M. Jean-René Cazeneuve
Il tient compte de l’évolution des structures familiales, en particulier de la multiplication des familles dites recomposées, en ouvrant des droits nouveaux, notamment avec la création, en cas de donation, d’un abattement pour les enfants et les petits-enfants de conjoint ; ils n’ont aujourd’hui aucun droit spécifique et je voudrais que l’on répare cette injustice.
Évidemment, ce nouveau droit à un coût, et je propose, dans le même amendement, qu’il soit couvert par une tranche supplémentaire de taxation des successions supérieures à 3,6 millions d’euros. Pour être honnête, je ne sais pas véritablement jusqu’à quel taux pousser cette tranche, mais l’objectif est d’ouvrir des droits nouveaux correspondant à l’évolution de notre société sans coût supplémentaire pour les finances publiques.
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel, pour soutenir l’amendement no 3471.
M. David Amiel
Si vous y consentez, madame la présidente, je présenterai également par anticipation, dans un souci d’efficacité, l’amendement no 3477, qui suit immédiatement.
Ces deux amendements ont le même objectif, moderniser notre fiscalité sur les transmissions, sans ni l’alourdir ni la réduire mais pour la rendre plus juste.
L’amendement no 3471 vise, comme celui de Jean-René Cazeneuve, à prendre en compte les nouvelles formes familiales, en créant un abattement spécifique pour les enfants de conjoint et en augmentant l’abattement des donataires indirects, c’est-à-dire les neveux et les nièces, qui sont actuellement fortement imposés.
Quant à l’amendement no 3477, il vise à augmenter les abattements pour les donations aux enfants, les relevant de 100 000 à 125 000 euros, l’idée étant toujours d’encourager les donations au sein de la classe moyenne.
En ce qui concerne le financement, il sera, là encore, assuré par une augmentation du taux de taxation des héritages des multimillionnaires, avec la création d’une tranche nouvelle pour le premier amendement et l’augmentation du taux marginal de 45 % à 47 % pour le second.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ces amendements doublent les abattements sur les DMTG entre frères et sœurs qui, je vous le rappelle, étaient de 15 932 euros et sont portés à 31 865 euros, tandis qu’ils sont portés de 7 967 à 15 932 euros pour les neveux et nièces ; de surcroît, un nouvel abattement de 31 865 euros est créé pour les enfants et petits-enfants du conjoint, financé par l’instauration d’une tranche à 49 %, sur la part des successions qui dépasse 3 611 654 euros.
Ces propositions ont le mérite de proposer une approche qui se veut équilibrée et tient compte des évolutions sociales voire sociétales. Néanmoins, le rendement des DMTG n’est plus évalué dans le détail depuis 2010 et, hélas – mais peut-être M. le ministre pourra-t-il nous répondre –, on ne peut pas évaluer sérieusement vos mesures ni savoir si la modification du barème, c’est-à-dire la nouvelle tranche à 49 % au-delà de 3,6 millions d’euros, permettrait de compenser le coût des nouveaux abattements. En outre, nous devons aussi inclure dans cette réflexion les niches fiscales, car la hausse du taux facial peut être limitée par des mécanismes de réduction d’assiette existants.
C’est donc un avis favorable de la commission, mais nous attendons avec impatience la réponse du ministre.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Monsieur le rapporteur général, vous pointez un bon cas d’école de l’information qui manque aujourd’hui à l’administration fiscale pour réaliser des chiffrages précis, non seulement des amendements mais, de façon générale, du coût que représentent les droits de succession. Des travaux sont en cours pour que nous disposions de ces informations essentielles.
Mme Christine Arrighi
Ça fait dix ans que c’est comme ça !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
En ce qui concerne les amendements, je suis sensible aux arguments exposés. Il faut en effet adapter, sans l’alourdir ni l’alléger – la question n’est pas là –, la fiscalité sur les transmissions aux nouveaux modèles familiaux et aux évolutions sociétales.
Cependant les chiffres relatifs à la nouvelle tranche sont probablement excessifs, et il faudrait que nous regardions ensemble la question de la maîtrise du coût. C’est pourquoi j’émettrai un avis de sagesse, comptant sur la navette pour préciser cet aspect de vos amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Toute une série d’amendements des groupes gouvernementaux concernent les donations et successions. Cela tombe bien parce que nous proposons, pour notre part, l’excellent amendement no 3389, bientôt en discussion. Puisque les soutiens du Gouvernement ont visiblement choisi d’être assez peu présents et que nous sommes, nous, beaucoup plus nombreux, nous vous invitons à nous rejoindre sur l’amendement de M. Jean-Philippe Tanguy. Dans l’attente, nous voterons contre vos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Cazenave.
M. Thomas Cazenave
Je soutiendrai ces trois amendements – j’inclus l’amendement no 3477 –, qui entendent à la fois adapter notre fiscalité aux nouvelles configurations familiales et accroître la progressivité de l’impôt sur les transmissions. Ils proposent une réforme progressive qui n’alourdit pas la fiscalité, comme quoi on peut réformer sans augmenter les impôts.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Ces amendements posent quand même un problème au regard du code civil. On connaît la pratique consistant à adopter les enfants du conjoint afin qu’ils aient un statut fiscal comparable à celui des descendants.
Je ne suis pas forcément opposé aux amendements, parce qu’il faut en effet faire circuler l’argent. Ils ne se limitent d’ailleurs pas aux sommes d’argent, ce qui me paraîtrait pourtant plus efficace puisque cela permettrait à l’État de compenser la perte des droits de succession en récupérant par exemple de la TVA sur la trésorerie des bénéficiaires.
En tout état de cause, c’est un sujet qui mériterait d’être retravaillé, notamment – j’y reviens – à cause de la question de l’adoption. L’adoption simple est un processus compliqué et, parfois, traumatisant. Nous devons donc vraiment avoir une réflexion globale, qui englobe tous les aspects.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Selon nous, les Français doivent pouvoir librement transmettre le fruit de leur travail. À cet égard, ces amendements nous posent problème parce qu’ils combinent deux mesures qui, l’une diminue le coût des successions, tandis que l’autre est susceptible de l’augmenter. Vous renvoyez à la navette le calcul des conséquences finales de ce qui est proposé, mais ces amendements favorisent-ils ou non la transmission ?
Nous pensons, nous, qu’on ne peut afficher un taux à 49 %, avec le risque de peser sur les successions…
Mme Christine Arrighi
Arrêtez ! 85 % des successions sont exemptes de droits !
M. Philippe Juvin
Ça, nous n’en voulons absolument pas. Nous pensons au contraire qu’il faut diminuer la fiscalité sur les successions.
Mme Danielle Simonnet
Vous avez raison : aggravons les inégalités !
Mme la présidente
La parole est à M. Fabrice Brun.
M. Philippe Brun
Il y a deux éléments dans ces amendements : d’une part, l’augmentation du taux de taxation sur les patrimoines supérieurs à 3,6 millions d’euros, à laquelle nous souscrivons totalement, et, d’autre part, le doublement des abattements pour les neveux, nièces, frères et sœurs, sur lequel nous ne pouvons vous suivre. C’est la raison pour laquelle, même si les propositions de nos collègues Cazeneuve et Amiel ont le mérite d’adapter la fiscalité des donations et des successions aux nouvelles recompositions familiales et qu’elles mériteraient pour cela d’être retravaillées, comme le disait M. Mattei, nous aurons le regret de rejeter ces amendements. (M. Pierre Pribetich applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel
Pour tout vous dire, j’ai un peu du mal à comprendre l’intervention de notre collègue Brun. D’abord, parce qu’il se réfère à l’amendement no 3471 mais qu’il ne nous dit pas s’il est favorable au fait de financer l’abattement sur les donations par une taxe sur l’héritage des multimillionnaires, ainsi que le propose l’amendement no 3477. Je m’étonne ensuite qu’en commission la gauche ait voté des amendements qui étaient exactement les mêmes – M. Brun s’en est même réjoui à cette tribune, dans un discours auquel chacun pourra se référer.
M. Philippe Brun
Ce n’est pas vrai !
M. David Amiel
Les amendements nos 2205 et 3471 ont d’ailleurs été adoptés en commission des finances, ce qui me semble illustrer le grand paradoxe de nos débats. Il y est sans cesse question de justice sociale mais, quand nous proposons des mesures en ce sens, la gauche – aux yeux de laquelle elles ne sont sans doute pas parfaites – décide de les rejeter sans le moindre approfondissement. Cette attitude témoigne d’une conception très étonnante du compromis, et c’est fort dommage pour l’image que cela donne de notre assemblée. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
On ne peut pas résumer cette question de la fiscalité sur les transmissions au fait, d’une part, d’effacer la distinction entre héritiers directs et indirects et, d’autre part, d’augmenter la taxation des plus gros patrimoines.
Si l’objectif est de rééquilibrer le flux successoral, nous sommes d’accord. Monsieur Juvin, très rares sont les personnes assujetties à des droits sur les successions en ligne directe : moins de 4 % des successions en ligne directe sont aujourd’hui taxées. C’est pourquoi, si je comprends l’objectif de M. Amiel, il ne me paraît pas de bonne politique d’augmenter l’abattement sur les donations pour tout le monde. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Monsieur Amiel, il y a plusieurs aspects dans vos amendements. Il y a l’alourdissement de la taxation sur les successions pour les catégories les plus aisées de la population, et nous y sommes favorables. Il y a ensuite la prise en compte dans la fiscalité successorale des nouveaux modèles familiaux, et nous y sommes également favorables. Néanmoins, il y a aussi ce qui ressemble à un effet d’aubaine et qui nous pose problème : car des nièces et des neveux, il y en avait déjà dans les familles il y a vingt ans, trente ans, quarante ans, cinquante ans !
M. Jean-René Cazeneuve
Et alors ?
M. Manuel Bompard
Ils ne participent en rien des nouveaux modèles familiaux ! Rajouter les beaux-pères et belles-mères, les beaux-fils et belles-filles dans les grilles fiscales est sans doute intéressant, mais pourquoi modifier les règles pour des personnes qui relèvent depuis longtemps du modèle familial et qui ont déjà des droits ? Je pose la question.
Mme la présidente
Tout le monde ayant largement pu s’exprimer, nous allons passer au vote sur les identiques. (M. Jean-René Cazeneuve s’exclame.) Monsieur Cazeneuve, vous pourrez vous exprimer sur l’amendement no 3477 que j’appellerai ensuite…
M. Pierre Cazeneuve
Suspension !
Mme la présidente
M. Pierre Cazeneuve me faisant du chantage à la suspension, j’autorise M. Jean-René Cazeneuve à prendre la parole pour une minute avant que nous passions au vote.
M. Laurent Jacobelli
C’est quoi, ces méthodes ?
M. Jean-René Cazeneuve
J’entends l’argument qui vient d’être énoncé et je propose donc à nos collègues de sous-amender mon amendement pour en exclure les nièces et les neveux et ne garder que les enfants et petits-enfants de conjoint. C’est assez simple à corriger, et cela répond, je pense, à votre question.
M. Nicolas Sansu
Très bien !
Mme la présidente
Je vais donc mettre les amendements aux voix… (Exclamations diverses.)
M. Jean-René Cazeneuve
On ne peut pas voter les amendements en l’état ! Il faut suspendre !
M. David Amiel
Je demande une suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinquante-huit.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Les sous-amendements devant impérativement être déposés sur Eloi, je vous propose, compte tenu de l’heure, de déposer le vôtre en bonne et due forme avant la prochaine séance.
La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra