Deuxième séance du jeudi 28 novembre 2024
- Présidence de Mme Naïma Moutchou
- 1. Abrogation de la retraite à 64 ans
- Discussion des articles (suite)
- Avant l’article 1er (suite)
- Amendement no 603
- M. Ugo Bernalicis, rapporteur de la commission des affaires sociales
- Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
- Amendements nos 602 et 601
- Sous-amendement no 1000
- Amendement no 876
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Avant l’article 1er (suite)
- Amendement no 881
- Présidence de M. Roland Lescure
- Amendement no 875
- Article 1er
- Rappel au règlement
- Article 1er (suite)
- Rappel au règlement
- Article 1er (suite)
- Rappels au règlement
- Article 1er (suite)
- Rappel au règlement
- Article 1er (suite)
- Rappel au règlement
- Article 1er (suite)
- Rappel au règlement
- Article 1er (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Amendements nos 57 et 188, 243, 283, 314
- Rappel au règlement
- Article 1er (suite)
- Amendement no 392
- Rappels au règlement
- Article 1er (suite)
- Rappel au règlement
- Article 1er (suite)
- Rappel au règlement
- Article 1er (suite)
- Rappels au règlement
- Article 1er (suite)
- Amendement no 336
- Avant l’article 1er (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Naïma Moutchou
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Abrogation de la retraite à 64 ans
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi d’abrogation de la retraite à 64 ans (nos 438, 613).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Ce matin, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement no 603 avant l’article 1er.
Avant l’article 1er (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 603.
M. Philippe Vigier
Monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, je vous le dis avec gravité : on ne peut pas nous reprocher de vouloir bloquer la discussion.
M. Arnaud Le Gall
Regardez l’écran !
M. Philippe Vigier
Vous avez déposé 17 000 amendements en 2020, plusieurs milliers l’année dernière. Dès lors, cette accusation, venant de vous, ne saurait être crédible aux yeux de ceux qui nous regardent et nous écoutent.
Les députés du groupe au nom duquel j’ai l’honneur de m’exprimer, quant à eux, n’en ont déposé que 140. Ne parlez pas de blocage !
Vous voudriez donner le sentiment que le débat est corseté, que vous seuls pouvez vous draper dans les principes de la démocratie.
M. Matthias Tavel
Oui !
M. Philippe Vigier
Mais la démocratie, c’est le débat, la confrontation des idées ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La démocratie, c’est accepter que l’on puisse penser différemment de vous !
M. Jean-Paul Lecoq
On en reparlera !
Mme la présidente
Monsieur Vigier, venez-en à l’amendement.
M. Philippe Vigier
Je vais vous donner la raison du dépôt de cet amendement. Vous savez très bien qu’on ne peut pas faire n’importe quoi avec le gage, l’article 40 et les cavaliers législatifs.
M. Ugo Bernalicis, rapporteur de la commission des affaires sociales
Mais si, nous sommes en plein n’importe quoi en ce moment même !
M. Philippe Vigier
Il nous a donc paru indispensable que le titre du texte reflète la nécessité de préserver le système social que nous avons bâti tous ensemble en 1945. Ce que vous proposez le fragiliserait durablement : alors qu’il est déjà déficitaire, il deviendrait de votre fait ultradéficitaire.
M. Thibault Bazin
Il a raison !
M. Philippe Vigier
Il ne pourrait plus répondre à aucun des besoins de ceux dont les retraites sont modestes et alourdirait toujours davantage l’imposition de ceux qui produisent. L’égalité, dont la recherche devrait nous animer, ne serait alors pas au rendez-vous.
Lors de la discussion des quelques amendements que mes collègues et moi-même avons déposés, nous le démontrerons. Nous nous opposons à votre texte ! (M. Pierre Cazeneuve applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
M. Ugo Bernalicis, rapporteur de la commission des affaires sociales
Si vous voulez vous opposer à notre texte, il faut voter contre lui. Pour ce faire, encore faut-il pouvoir voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Notre discussion s’inscrit dans une niche parlementaire. Je me bornerai à des considérations factuelles : si l’on rapporte le nombre d’amendements que vous, députés du socle commun, avez déposés pour cette journée de discussion au nombre d’amendements que nous avions déposés pour toute la durée de la discussion du projet de loi de réforme des retraites, on constate que vous vous livrez à une véritable obstruction.
M. Erwan Balanant
Cela ne marche pas comme ça !
M. Philippe Gosselin
Cette comparaison n’a pas de sens !
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Ce matin, nous n’avons examiné que cinq amendements par heure ! Je n’ai pourtant pas fait un usage disproportionné de mon temps de parole – vous me l’avez même reproché ! Assumez de refuser le vote ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Philippe Gosselin
Arrêtez la caricature, monsieur le rapporteur !
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Dites que vous le refusez parce que vous êtes trop attachés à l’idée de faire trimer les gens, de faire souffrir les plus précaires et ceux dont les métiers sont les plus pénibles pendant deux ans supplémentaires, aussi longtemps que possible ! Assumez-le.
M. Philippe Gosselin
C’est grotesque !
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Je ne vous en voudrai pas : cela fait partie du débat politique. Mais en lieu et place de cela, vous êtes dans l’entre-deux : c’est de l’obstruction et pas vraiment de l’obstruction.
M. Thibault Bazin
C’est vous qui faites de l’obstruction, en ce moment même !
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
C’est du débat sans être du débat. À vous entendre, vous seriez contraints par les dispositions des articles 40 et 45 de ne déposer des amendements que sur le titre de la proposition de loi.
Mais ce n’est pas vrai ! Vous pouvez déposer d’autres types d’amendements et, de fait, certains de ceux qui l’ont été sont plus intéressants.
J’ai amené avec moi des documents qui nous permettront d’avoir des débats de fond dans la suite de la discussion. Mais vous ne voulez pas de ces débats ! Si vous le vouliez, vous retireriez tous les amendements relatifs au titre et nous en viendrions à ceux tendant à demander un rapport, qui portent du moins sur des sujets fondamentaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Si, comme vous le prétendez, vous êtes un amoureux de la démocratie et du débat, monsieur Vigier, retirez vos amendements sur le titre ! Cessez vos manœuvres dilatoires et entrons dans le fond du sujet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi, pour donner l’avis du gouvernement.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
Je n’attends que d’avoir un véritable débat de fond ! Mais je me rappelle le discours de Mme Panot, qui a cité Robert Desnos et qui a même fait mention de la situation au Moyen-Orient mais ne nous a guère parlé des retraites ! Elle n’a évoqué aucun chiffre !
M. Thibault Bazin
Ils font l’impasse sur le financement !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Or – je le répète et c’est tout l’objet de l’amendement déposé par le député Philippe Vigier – c’est la question de la soutenabilité financière du système de retraite qui doit nous préoccuper. Au-delà des effets de manche, lorsque nous traitons des pensions de 17 millions de retraités, nous devons être animés d’un esprit de responsabilité !
Mme Farida Amrani
Vous êtes la ministre du chômage !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
La soutenabilité financière est la clef de tout régime de retraite par répartition et elle pose de sérieux problèmes. Si notre régime était fragilisé, nous en viendrions, comme l’ont fait d’autres pays, à un régime par capitalisation, dont souffriraient les plus faibles. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Philippe Gosselin applaudit.)
M. Thibault Bazin
Elle a raison !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Grâce au régime par répartition, notre pays a su préserver le niveau de vie des retraités, identique à celui des actifs. Sachons chérir et consolider notre système en le pérennisant.
Mme Anna Pic
Amendement suivant !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Même si je comprends votre intention, monsieur Vigier, je vous demande de retirer votre amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme Anna Pic
Arrêtons le théâtre !
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Vous avez demandé un débat de fond ? Voilà la Droite républicaine ! (M. le rapporteur applaudit.)
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Excellent !
M. Fabien Di Filippo
Je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que c’est en jouant sur l’âge de départ qu’on réglera le problème de notre système de retraite. Nous sommes au-delà de telles questions.
Nous saisirons l’occasion que nous offre la discussion de l’ensemble des amendements déposés pour aborder le fond des sujets et dénoncer la substance de votre proposition.
Le présent amendement est intéressant car il évoque la soutenabilité du système de retraite. Je ne vous accuse pas, monsieur Bernalicis, de proposer une mesure que vous ne seriez pas capable de financer.
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Merci !
M. Fabien Di Filippo
Vous avez dit tout à l’heure que vous regrettiez de ne pouvoir jouer sur les cotisations sociales. Je le dis donc à tous ceux qui pourraient soutenir ce texte : vous êtes les ennemis des travailleurs, des salariés ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Raphaël Arnault
Vous pouvez parler !
M. Fabien Di Filippo
Je vais plus loin : si nous devions financer la réforme que vous promouvez par une augmentation des cotisations sociales ou des impôts, il faudrait, dès l’année prochaine, faire payer à nos travailleurs 10 % de cotisations retraite ou 20 % de CSG, la contribution sociale généralisée, supplémentaires !
Si vous demandez aux gens s’ils préfèrent partir à la retraite à 62 ou à 64 ans, ils choisiront majoritairement la première option. Mais si vous leur précisez que la contrepartie en est que, durant toute leur carrière, ils débourseront 10 % de cotisations retraites ou 20 % de CSG en plus et que leur salaire net en sera diminué d’autant, je ne suis pas persuadé qu’ils feront la même réponse !
Il est temps de remettre les pieds sur terre, sans quoi nous ne parviendrons à remettre le pays sur les rails. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Stéphanie Rist applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Le spectacle auquel nous assistons depuis ce matin est pathétique. Nous observons l’agonie de la Macronie, arrivée en bout de course. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
Ce matin, en deux heures de débat, nous avons eu droit à dix rappels au règlement, à quatre suspensions de séance et à la confiscation de 90 % du temps de parole par quelques députés en vue de discuter du titre de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, le gouvernement lui-même participe au blocage de la niche parlementaire d’un groupe d’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
Madame la ministre, vous voulez discuter du financement, du fond ; mais nous sommes en train de discuter du titre. Monsieur Vigier, vous prétendez aussi vouloir discuter du fond ? Mais vous avez déposé quinze amendements tendant à modifier le titre du texte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Vous devriez avoir honte ! Notre discussion n’est pas un jeu ! Nous parlons de millions de salariés qui, à 60 ou 62 ans, ont des problèmes de santé, sont fatigués, épuisés et à qui vous avez imposé par 49.3 de travailler deux ans de plus ! Alors que 80 % des Français veulent revenir sur votre réforme des retraites, vous empêchez l’Assemblée nationale de voter à ce sujet !
Monsieur Vigier et vous tous, qui participez à cette opération, devriez avoir honte. Nous sommes prêts à débattre sur le fond ! Retirez vos amendements sur le titre et venons-en au débat sur le fond ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – MM. Benjamin Lucas-Lundy et Nicolas Sansu applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Je vous ai rappelé tout à l’heure que dans « scrutin public », il y a « public » et que, lorsque vous en demandez un, cela apparaissait sur le site internet de l’Assemblée nationale. Vous en avez pris ombrage, croyant qu’il s’agissait d’une menace. Je n’oserai donc pas ajouter cette précision que nous sommes filmés. (Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Je le dis d’autant plus volontiers que je ne perds jamais une occasion de me livrer à un exercice d’éducation populaire relatif au fonctionnement de l’Assemblée nationale, à son règlement, aux propositions de loi, à leur recevabilité et aux gages qui vont avec. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Philippe Gosselin
Le règlement, c’est quand ça vous arrange !
M. Olivier Falorni
On n’a pas besoin de vous pour cela !
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Je prends au sérieux ce qu’a dit M. Di Filippo. Lorsqu’une proposition gagée sur l’augmentation des droits sur le tabac est adoptée alors que tout le monde ne veut pas forcément augmenter son prix, le gouvernement lève le gage.
S’engage ensuite une discussion avec lui, dans le cadre de l’examen des textes budgétaires – PLF, ou projet de loi de finances, pour ce qui est du budget de l’État, PLFSS, ou projet de loi de financement de la sécurité sociale, s’agissant du budget de la sécurité sociale – afin de trouver les recettes afférentes.
Cependant, nous nous imposons une certaine exigence. Imaginons que le gouvernement fasse usage du 49.3 dans le cadre de l’examen du PLFSS et que ce dernier ne soit pas adopté. Pour faire face à cette éventualité et financer notre proposition en année n, nous avons prévu de nous appuyer sur la taxation des superprofits et sur le FRR, le fonds de réserve pour les retraites.
Mme la ministre et certains collègues ont pris cette idée au sérieux et rétorqué que ces modalités de financement ne permettraient de tenir que trois ans. Trois ans, c’est tout de même bien suffisant pour organiser une conférence de financement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Par conséquent, venez-en au fond ! Si vous dites qu’il y aurait un problème au niveau des cotisations, comme M. Di Filippo, je vous déconseille d’utiliser ce genre d’argument parce que cela ne grandirait ni vous ni moi.
Et puis je pointe le fait que, depuis le début de la matinée, il y a eu me semble-t-il onze demandes de retrait, non de la part du rapporteur – j’ai émis des avis défavorables –, mais de la part de la ministre au banc, membre du socle commun… (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Tout part déjà à vau-l’eau ? Vous n’êtes déjà plus ensemble ? Vous n’écoutez déjà plus votre gouvernement ? Un peu de sérieux. Soyez exigeants avec vous-même, retirez vos amendements sur l’intitulé du chapitre Ier et venons-en aux amendements sur les rapports qui traitent, eux, de problématiques très intéressantes, c’est-à-dire des problématiques de financement. Avançons. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
(L’amendement no 603 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 539, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 602.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Il porte sur la pérennité de notre système de financement des pensions par répartition. Lorsqu’on discute des retraites avec des jeunes, monsieur le rapporteur, quelle est la première chose qu’ils nous disent ? « Votre réforme des retraites ne nous concerne pas parce que nous, on n’en aura pas. » (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Et c’est bien le principal problème.
M. Raphaël Arnault
C’est à cause de vous que les jeunes n’y croient pas !
M. Cyrille Isaac-Sibille
Voilà pourquoi je pense que notre première responsabilité, c’est de garantir la pérennité de notre système de retraite par répartition. Or par cette réforme, vous le fragiliseriez déjà dans l’immédiat, alors qu’on sait très bien qu’il faut avoir une vision à long terme pour pouvoir le financer. Et les jeunes disent : « Garantissez-nous la pérennité, et alors on y croira à votre système de retraite par répartition. » Mais vous dites vous-même que pour financer la proposition de loi, vous allez taper dans le Fonds de réserve pour les retraites. Comme l’a dit un ministre, vous êtes en train, avec cette proposition de loi, de faire plonger toute la population française dans un système de retraite par capitalisation parce qu’en fragilisant le système par répartition, vous ne lui laisserez plus d’autre choix.
M. Yannick Monnet
N’importe quoi.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Notre première responsabilité, c’est de garantir la pérennité de notre système de retraite. Tel est bien l’objet de l’amendement parce que toucher au titre, c’est toucher au fond en exprimant la volonté qui nous anime. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Votre proposition de loi fragilise alors que nous, nous souhaitons consolider, et c’est bien pourquoi nous avons fait la réforme de 2023.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Vous dites qu’on touche le fond par cet amendement. Je le confirme : vous touchez le fond, et même le fond du fond… de l’obstruction ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Mais je vais tout de même prendre au sérieux votre défense de l’amendement parce que vous avez abordé la question des jeunes. Et en vous écoutant, on aurait pu croire que vous dénonciez le système de retraite actuel. Vous dites qu’il faut que le système permette la soutenabilité financière à long terme et que c’est pourquoi vous avez fait la réforme de la retraite à 64 ans.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Oui, tout à fait !
M. Fabien Di Filippo
Et personne de votre côté, monsieur le rapporteur, n’a répondu sur la question du financement !
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Mais en 2004, votre réforme est déjà déficitaire. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et Dem.) C’est le constat du Conseil d’orientation des retraites (COR) dans son rapport « Évolutions et perspectives des retraites en France », paru en juin 2024. Vous le savez bien, comme vous savez que cela ne va pas aller en s’arrangeant à échéance 2030-2070. Aujourd’hui, votre système ne garantit pas la soutenabilité financière. Donc, vos leçons, vous pouvez vous les garder.
M. Philippe Gosselin
Le vôtre encore moins !
M. Thibault Bazin
Ce serait pire !
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
J’en viens à mon deuxième point : au-delà du problème de la soutenabilité financière, le pire est que vous baissez la valeur des pensions en ce moment pour essayer d’équilibrer les comptes ! Vous ne les aurez augmentées que de deux fois 0,8 % et non du montant de l’inflation, si bien que les retraités vont perdre du pouvoir d’achat !
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP et M. Nicolas Sansu
Eh oui !
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
C’est vous qui êtes en train de le faire, pas moi, pas notre réforme ! Nous, on propose d’augmenter les cotisations, ce que vous et les vôtres refusez de faire. Les jeunes d’aujourd’hui vont donc être amenés à cotiser davantage – parce que vous serez de toute manière obligé d’augmenter les cotisations –, mais en touchant moins à la fin.
Et, cerise sur le gâteau, votre réforme a entraîné un doublement de la création de plans d’épargne retraite par capitalisation. Voilà le résultat politique de votre réforme, monsieur Isaac-Sibille, et de vos amis ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Voilà pourquoi il faut abroger la réforme de la retraite à 64 ans pour passer à un système à 62 ans et à 42 annuités parce que les gens savent que cette échéance, ils peuvent l’atteindre ! Avis défavorable. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Philippe Gosselin
Galimatias !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
« La forme, c’est le fond qui remonte à la surface ». S’il y a autant d’amendements et de questions autour du titre, monsieur le rapporteur, c’est précisément parce que celui-ci soulève de vraies limites à ce que vous proposez. Insister sur l’importance des questions de soutenabilité et de responsabilité, ou sur celle des petites pensions revient à s’interroger sur le sens de votre contre-projet.
Encore une fois, monsieur Isaac-Sibille, je comprends l’intention des auteurs de l’amendement, mais je vous demande de le retirer. Sinon, j’y serai défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Je trouve l’amendement déposé par notre collègue Philippe Vigier très intéressant parce qu’il renvoie à notre pacte social, à la promesse républicaine que nous portons,…
M. Nicolas Sansu
Franchement, vous débloquez !
M. Thibault Bazin
…celle de la solidarité entre les générations, celle de la confiance dans notre système. Et cette promesse ne tient que si, génération après génération, on croit que la suivante va pouvoir tenir sa promesse de soutenir ceux qui ont besoin de l’être au moment où la vieillesse arrive. Dois-je rappeler qu’on parle bien de l’assurance vieillesse, et que ce système par répartition né de l’après-guerre repose sur le taux d’activité parce que c’est par le travail, par la création de valeur, qu’on peut financer cette solidarité ?
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
C’est vrai.
M. Thibault Bazin
S’il y a moins de travail demain, il sera impossible de financer à la hauteur les services publics auxquels on tient. Si demain, du fait de cette proposition de loi, notre système est menacé, le pacte de confiance déstabilisé et nos retraités et salariés complètement précarisés, si vous fragilisez l’ensemble du système, cela reviendra à promouvoir l’individualisme – alors que nous croyons à la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Et c’est plus que jamais important dans notre république sociale.
Pour compenser vos mesures, vous voulez augmenter les cotisations à hauteur de 450 euros par an, mais posons la question aux Français. Qui veut baisser le pouvoir d’achat des travailleurs en France de 450 euros ? Pas nous ! Ce ne serait pas acceptable ! On a besoin de valoriser aujourd’hui ceux qui travaillent, de les soutenir, alors que votre texte fait l’impasse là-dessus. Le sujet ne figure pas même dans l’exposé des motifs ! Et ce point traduit la réalité de votre réforme : vous allez baisser le pouvoir d’achat des retraités et de ceux qui travaillent. C’est profondément inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Pierre Cazeneuve applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
Ce matin, l’ensemble de mon groupe est resté silencieux pour voir si, tout de même, les collègues à l’origine de cette pluie d’amendements pouvaient prendre la mesure du caractère grotesque de tout cela et si le débat allait avancer. Je dois dire que le début de cette séance montre que, malgré la pause, ils n’ont pas changé d’attitude.
J’en viens au fond. Les pistes sont multiples, le rapporteur l’a dit, mais si on veut financer les retraites, interrogeons-nous sur le faible taux d’employabilité des seniors. Le Conseil d’orientation des retraites indique que si seulement nous augmentions le taux d’employabilité des travailleurs de 55 à 64 ans de seulement 10 points, notre système de retraite serait alors financé. Mais si nous allongeons la durée de cotisation, je vous l’ai dit ce matin, nous créerons au contraire une plus grande difficulté pour beaucoup de travailleurs qui n’arriveront pas à la totalité de leurs semestres, et nous aggraverons la pauvreté.
M. Cyrille Isaac-Sibille
C’est l’inverse.
M. Alexis Corbière
Et c’est bien le sujet. Quelle mesure avez-vous prise pour que ceux qui travaillent le plus longtemps, nos seniors, soient protégés dans l’emploi alors qu’ils sont les premiers jetés ?… Aucune ! Par conséquent, vous aggravez le problème. Dois-je vous rappeler que la différence d’espérance de vie entre les riches et les pauvres en France est de treize ans ? (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.) J’ai bien dit treize ans d’écart actuellement entre les plus pauvres et les plus riches ! Un quart des plus pauvres sont morts à 64 ans et seulement 6 % parmi les plus riches ! (Mêmes mouvements.) Et si vous allongez la durée de travail, un tiers des plus pauvres mourront avant de parvenir à l’âge de la retraite ! Voilà le caractère totalement inégal de votre réforme de 2023.
On va jouer jusqu’à minuit ce soir parce que manifestement vous avez envie de vous amuser,…
M. Fabien Di Filippo
Nous, on ne joue pas !
M. Alexis Corbière
…mais prenez garde car si dans les dix jours qui viennent, il est impossible de discuter de la retraite parce que vous trichez en déposant une pluie d’amendements, s’il est impossible de discuter du budget… (Protestations sur les bancs du groupe DR.) Oui, vous trichez ! (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC. – M. Édouard Bénard applaudit également.)
(L’amendement no 602 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 601, qui fait l’objet du sous-amendement no 1000.
M. Philippe Vigier
Collègue Corbière, pas vous et pas à nous ! Comment pouvez-vous dire que l’on ne peut pas débattre ? Vous et les vôtres avez déposé systématiquement des motions de rejet préalable, jusqu’au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour séquestrer le débat – et vous voulez nous expliquer maintenant que vous voulez débattre ? Personne ne peut vous croire.
Par cet amendement, j’entends en premier lieu montrer que la soutenabilité financière est un sujet majeur. Et c’est un désaccord de fond entre nous. Si vous aviez été très courageux, il fallait proposer de gommer toutes les réformes des retraites depuis celle de 1981, celle de François Mitterrand qui a établi la retraite à 60 ans. Or je ne le lis pas dans le texte parce que vous savez que financièrement, ce ne serait pas soutenable.
Deuxièmement, je souligne que tous les pays qui nous entourent ont décidé d’un âge de départ à la retraite plus élevé que le nôtre,…
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Et alors ?
M. Philippe Vigier
…et ce pour des raisons de soutenabilité financière.
Troisièmement, la démographie prouve jour après jour la réalité ce que je viens d’énoncer.
Quatrièmement, et je le dis plus précisément au rapporteur qui veut augmenter les cotisations. Puisqu’il veut du fond, voici les chiffres : sur 380 milliards de retraites servies, 270 milliards viennent de cotisations ; le reste provient des impôts, de la CSG, des allocations familiales et de financements de l’État. Vous voyez bien, monsieur le rapporteur, que le compte n’y serait pas. Malheureusement, ce que vous proposez provoquerait une baisse des retraites pour nos concitoyens, alors que certains d’entre eux ont de petites retraites et qu’il faut au contraire y remédier.
Enfin, s’agissant du taux d’emploi des seniors, collègue Corbière, les chiffres montrent que si on travaille plus longtemps, ce taux s’améliore et que le déséquilibre avec les autres classes d’âge s’amenuise. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 1000 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement.
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Le sous-amendement est rédactionnel et, s’il n’est pas adopté, avis défavorable sur cet amendement d’obstruction.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement sur l’amendement et sur le sous-amendement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Même avis que précédemment et pour les mêmes raisons. Je comprends l’intention de ses auteurs et je pense en effet que le sujet central, c’est vraiment celui de la soutenabilité financière d’un régime par répartition. Si vous ne retirez pas votre amendement, j’émettrai un avis défavorable.
Sur le sous-amendement rédactionnel, l’avis sera également défavorable parce qu’il montre la contradiction du rapporteur. Celui-ci veut modifier un alinéa qui pourtant contribuerait à la pérennité et à la soutenabilité du dispositif, et il est important de conserver une nuance qu’il ne semble pas avoir comprise.
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Il n’y a pas eu beaucoup de nuances depuis ce matin !
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Brulebois.
Mme Danielle Brulebois
Je suis pour les amendements de notre collègue Vigier. Ils sont excellents puisqu’ils rappellent que sans soutenabilité, il n’y a pas de solidarité ni de pérennité de notre régime de retraite. Or la proposition de loi qui nous est présentée prévoit 20 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, ce qui mettrait gravement en péril l’avenir de notre système de retraite. Beaucoup ont rappelé que cela conduirait à augmenter les cotisations de 450 euros par an ou à baisser le mandat de pension de 770 euros par an. Le COR avait indiqué dès 2010 qu’en l’absence de réforme, le déficit atteindrait 70 milliards d’euros en 2030 et 100 milliards d’euros en 2050. C’est pourquoi les politiques responsables ont reconnu la nécessité absolue de réformer les retraites. D’où la réforme Woerth, puis la réforme Touraine. Je rappelle que cette dernière avait prévu l’allongement de la durée de travail à 43 ans, soit 172 trimestres.
La seule solution passe par la recherche du plein emploi, par le travail. Mais vous n’aimez pas le travail ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et RN.) Vous devriez avoir honte de vouloir faire croire à nos concitoyens que la « vraie vie » commence au moment de la retraite, alors qu’il est possible d’être heureux et épanoui dans son travail.
En réponse à vos accusations de blocage du débat, je rappelle que, lors de la discussion de la dernière réforme des retraites, Mme Panot a déposé 888 amendements, soit une fois et demie plus que l’ensemble du socle commun sur le texte du jour.
Un député du groupe LFI-NFP
C’est une niche !
Mme Danielle Brulebois
Le ridicule ne vous fait donc pas peur !
Enfin, vous avez parlé des marchés financiers. Mais ce sont eux qui nous financent : tous les jours, l’État emprunte pour payer les fonctionnaires, en poste ou retraités. Aujourd’hui, la France est mise à l’index par ces marchés. Elle doit donc donner des gages de sérieux et de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot
Nous allons évidemment voter le sous-amendement de M. Bernalicis qui vise à enlever le mot « pourtant » de la proposition de M. Vigier. Le nouveau titre réclamé aura alors un sens puisque c’est l’abrogation du report à 64 ans de l’âge de départ en retraite qui permettra à notre modèle social d’avoir un financement pérenne. Il s’agit notamment d’éviter la retraite par capitalisation que vous préconisez. Surtout, adopter cet amendement sous-amendé nous dispensera d’examiner dix autres amendements d’obstruction, ce qui nous fera gagner deux heures de débat (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) et nous permettra d’arriver plus rapidement à l’amendement de suppression de l’article 1er, un révélateur qui démontrera que nous sommes majoritaires dans cette assemblée et dans le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
(Le sous-amendement no 1000 est adopté.)
(L’amendement no 601, sous-amendé, est adopté ; en conséquence, les amendements nos 600, 539, 593, 597, 594, 592, 595, 596, 604, 599 et 605 tombent.)
(« Ouais ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Lam, pour soutenir l’amendement no 876.
M. Thomas Lam
Afin de dénoncer l’impact caché de cette proposition de loi sur le pouvoir d’achat des actifs, le groupe Horizons & indépendants propose de compléter l’intitulé de son chapitre Ier par les mots « pour toujours plus matraquer fiscalement les travailleurs ». En prétendant revenir sur des ajustements essentiels pour le système de retraite, elle fait peser un poids financier considérable sur les travailleurs. Le COR a établi que notre système de retraite est structurellement déficitaire. En supprimant des mesures visant à limiter ce déficit, cette proposition accroît la pression sur les actifs, qui devront compenser le déséquilibre par une hausse des cotisations ou de leurs impôts.
L’amendement vise à souligner que, derrière un discours idéologique de justice sociale, se cache une réalité brutale. Le texte proposé fragilise la classe moyenne, augmente la charge fiscale des travailleurs et met en péril leur capacité à épargner ou à investir. Inscrire cette vérité dans l’intitulé du chapitre permet de clarifier les enjeux réels de la proposition de loi et de révéler son impact direct sur ceux qui font vivre notre économie.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Je ne savais pas qu’existait une idéologie de la justice sociale. J’en apprends tous les jours… Faut-il comprendre, monsieur le député, que vous êtes opposé à la justice sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sandra Regol applaudit également.) C’est tout de même assez étrange. Nous avons satisfait aux demandes de M. Vigier en les adaptant légèrement. Maintenant que le titre a changé, ne pourrait-on pas passer à autre chose ? Certains amendements visant à demander des rapports sont intéressants, mettent en exergue des sujets importants et permettront de parler du fond. Comme Mme la ministre le fait dans chacun de ses avis, je vous demande de retirer vos amendements pour que nous puissions avancer dans la discussion. Avis défavorable sur l’amendement en débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sandra Regol applaudit également.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Il sera défavorable même si je comprends bien l’intention de ses auteurs. Par ailleurs, je souhaite revenir sur un sujet très important soulevé par M. Corbière : l’emploi des seniors. Il demandait ce que nous avons fait à ce propos. Les derniers gouvernements ont avancé, mais, collectivement, nous ne sommes pas allés assez loin. Je vous renvoie à une note de l’Insee du 13 novembre, qui détaille l’évolution du taux d’activité par tranche d’âge. Elle montre qu’au troisième trimestre 2024, celui des 55-64 ans a augmenté de 0,7 point par rapport au trimestre précédent, de 2,2 points par rapport au troisième trimestre 2023 et de 5,4 points par rapport à 2019. Voilà ce que nous avons fait ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) Cela reste insuffisant si on compare la France aux pays d’Europe du Nord, mais vous ne pouvez pas dire que rien n’a été réalisé. Je vous invite à adopter une position plus nuancée, surtout compte tenu de votre bilan catastrophique en matière d’emploi des seniors.
M. Alexis Corbière
C’est la preuve qu’on peut y arriver. Continuez dans cette voie !
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Chenu.
M. Sébastien Chenu
Nous arrivons à peu près à la moitié du temps dévolu à cette niche parlementaire visant à abroger une réforme des retraites dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle ne rencontre pas l’assentiment populaire. Cette réforme a foulé aux pieds la démocratie sociale, puisque les syndicats y étaient hostiles. Elle foule aux pieds la démocratie populaire, puisque les Français ont majoritairement élu des députés qui y sont opposés. Elle foule aux pieds la démocratie parlementaire – on le voit avec cette succession d’amendements de forme plus incongrus les uns que les autres. Bien qu’existe dans cette assemblée une majorité pour abroger la réforme des retraites, il paraît impossible d’y parvenir.
Elle a d’abord été instaurée sans vote, à cause de la stratégie de pourrissement du débat de la NUPES qui a ouvert la voie au projet inique du gouvernement. Ensuite, le NFP a refusé de voter l’abrogation proposée par le Rassemblement national. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Enfin, aujourd’hui, la minorité gouvernementale des LR et des macronistes fait de l’obstruction parlementaire. J’en déduis que la seule solution pour parvenir à abroger une réforme minoritaire dans le pays et dans l’assemblée est d’élire une majorité Rassemblement national. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
Ici, nous sommes tous des représentants du peuple et nous avons tous le droit d’amendement, inscrit à l’article 44 de la Constitution. En conséquence, nous dénier le droit d’amender est antidémocratique et anticonstitutionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pour devenir des représentants du peuple, nous avons participé à des campagnes électorales pendant lesquelles nous avons pris des engagements.
Mme Sandra Regol
Quel rapport avec l’amendement ?
M. Daniel Labaronne
Pour ma part, j’ai indiqué à mes électeurs que je ne serais pas favorable à l’abrogation de la réforme des retraites. Ils me regardent et souhaitent qu’à la faveur de débats et de scrutins publics, ma position soit clairement établie. Je remercie donc M. le rapporteur d’avoir rappelé qu’ils peuvent vérifier que je respecte les engagements que j’ai pris devant eux ! (Mmes Stéphanie Rist et Sabine Thillaye applaudissent.)
Nos électeurs nous regardent et nos amendements participent à leur compréhension de ce débat. Grâce à nos amendements, nous rappelons la folie budgétaire que vous proposez. Chacun d’eux démontre les conséquences qu’aurait l’abrogation de cette réforme. Nos électeurs nous regardent et nous envoient des messages pour nous dire de tenir bon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations prolongées et rires sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Sourires sur les bancs du groupe RN.) Ils nous disent de tenir bon face aux adversaires de cette réforme. (Les députés du groupe SOC et M. Alexis Corbière font mine d’applaudir.) Et moi, je respecte mes électeurs parce que je suis un élu du peuple ! (Brouhaha généralisé et prolongé.)
Mme la présidente
Mes chers collègues, un peu de silence, s’il vous plaît !
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures quarante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
(L’amendement no 876 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean Moulliere, pour soutenir l’amendement no 880.
M. Jean Moulliere
En supprimant le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans et l’allongement de la durée de cotisation, la proposition de loi creuserait les inégalités. Les actifs devraient financer un déficit aggravé, tandis que les pensions futures seraient menacées, ce qui toucherait prioritairement les classes les plus modestes. Par ailleurs, les efforts pour mieux prendre en compte les carrières longues et la pénibilité comme la revalorisation des petites pensions, prévus par la réforme de 2023, seraient annulés, ce qui accentuerait encore les écarts entre catégories socioprofessionnelles.
Cette proposition de loi purement idéologique ignore les disparités sociales et territoriales en matière de retraites. Les plus fragiles, notamment les femmes et les travailleurs précaires, en seraient les premières victimes ; quant au système, il ne serait plus seulement en déficit mais en faillite. En sacrifiant les équilibres nécessaires, ce texte met en danger l’équité sociale et fragilise le pacte républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Répéter une fake news dix ou vingt fois n’en fait pas une vérité ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Notre proposition de loi ne revient pas sur les aménagements pour les carrières longues, sur la prise en compte de la pénibilité ni sur la revalorisation des petites pensions – sur lesquelles vous aviez menti à l’époque –, prévus par votre réforme. Concentrons-nous sur le fond du débat ! Si vous voulez faire de l’obstruction, discutons-en en aparté, je vous expliquerai les petites astuces, car pour l’heure ce n’est vraiment pas terrible. Avis défavorable.
M. Philippe Gosselin
Parole d’expert !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Monsieur Moulliere, vous avez raison de rappeler que le régime par répartition a permis aux retraités français de bénéficier d’un niveau de vie quasiment équivalent à celui des actifs ; c’est une vraie singularité par rapport au reste des pays européens et la force de ce régime de retraite. L’ajout que vous proposez est pertinent car, même si la proposition de loi n’abroge pas la totalité de la réforme de 2023, elle fragilise considérablement le régime par répartition et sa capacité de poursuivre sur le long terme la redistribution intergénérationnelle mise en place dans l’après-guerre. Je suis défavorable au changement de l’intitulé que vous suggérez, mais j’en comprends parfaitement l’intention.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Je remercie le rapporteur d’avoir pris de bonnes résolutions sur la forme et d’honorer désormais l’Assemblée en se levant pour répondre. Je voudrais qu’il prenne maintenant de bonnes résolutions sur le fond et réponde aux questions qui lui sont posées sur le financement de la proposition de loi.
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Si c’est comme ça, je ne me lèverai plus !
M. Jean-René Cazeneuve
Que se passe-t-il si votre texte est adopté ? Il y aura moins de cotisants, donc moins de recettes ; il y aura également plus de retraités, donc plus de dépenses. Vous cumulez ainsi deux effets qui pèseront lourdement sur notre système de retraite. Le fond de votre proposition, c’est que vous êtes contre le régime par répartition ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Monsieur Bompard, la honte est de votre côté : vous mentez aux Français en leur faisant croire qu’on peut travailler moins tout en maintenant le niveau de salaires net ; c’est faux, nous serons obligés d’augmenter les cotisations ou de baisser les retraites.
M. Jean-Paul Lecoq
Et qui, pendant ce temps, exonère les entreprises de cotisations sociales ?
M. Jean-René Cazeneuve
Vous mentez aux Français, vous êtes dans la démagogie pure et simple. Nous sommes le seul pays en Europe et au monde à considérer qu’on peut travailler jusqu’à 62 ans seulement – vous avez même parlé de 60 ans. Arrêtez de mentir aux Français et revenez au principe de réalité ! Les chiffres s’imposent à nous. La démocratie… pardon, la démographie s’impose à nous ; et la démocratie aussi devrait s’imposer à vous ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. David Guiraud.
M. David Guiraud
La qualité de vos arguments tout comme votre conduite dans ce débat, où vous vous livrez à l’obstruction, montrent que votre réforme est foutue. Le collègue Labaronne justifie son opposition à l’abrogation de la réforme portant l’âge de la retraite à 64 ans en disant, avec ce ton délicieux qu’on adore, qu’il a reçu un mandat de ses électeurs.
M. Daniel Labaronne
Oui !
M. David Guiraud
Le problème, monsieur Labaronne, c’est que vos électeurs ne sont plus très nombreux et que s’il y a une réalité démocratique et une réalité chiffrée à considérer, c’est qu’à chaque élection vous perdez 50 % de vos élus. (Protestations sur les bancs du groupe EPR.) Vous étiez 300 en 2017, 168 en 2022 et 83 en 2024 ; et si vous finissez à une quarantaine de députés aux prochaines législatives,…
M. Sylvain Maillard
On verra !
M. David Guiraud
…c’est parce que vous vous êtes mis à dos 20 millions de salariés de ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Voilà la grandeur du salariat : les intérêts des salariés vont vous mettre à terre. On vous avait prévenus, vous n’avez pas voulu écouter. La qualité du débat est aujourd’hui désastreuse, mais les chiffres auxquels vous devriez vous intéresser sont ceux de vos résultats aux prochaines élections : vous verrez, vous serez surpris ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements nos 884 et 878, par le groupe Horizons & indépendants ; sur l’amendement no 885, par les groupes Horizons & indépendants et Droite républicaine.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
(L’amendement no 880 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Gernigon, pour soutenir l’amendement no 884.
M. François Gernigon
Le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans et l’augmentation de la durée de cotisation à quarante-trois annuités sont des mesures essentielles pour répondre aux défis démographiques et financiers auxquels fait face notre système par répartition. En supprimant ces dispositions, la proposition de loi crée un déséquilibre entre les générations : elle augmente la charge sur les actifs tout en menaçant les pensions futures.
En conséquence, le groupe Horizons & indépendants propose de compléter l’intitulé du chapitre Ier par les mots : « au détriment de l’équité intergénérationnelle et de la viabilité financière du système de retraite ». Cet ajout met en lumière les enjeux cruciaux : il rappelle que cette abrogation, présentée comme un retour à la justice sociale, compromet en réalité l’équilibre financier et la solidarité intergénérationnelle indispensables à la pérennité du modèle de retraite français.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
C’est étrange. Vous nous accusez de mettre en péril, voire de vouloir détruire le système par répartition : à vous entendre, nous lui préférerions la capitalisation interne. Pourtant, des membres des groupes EPR, DR et HOR ont déposé des demandes de rapport visant à réfléchir à l’introduction d’une part de capitalisation dans le système de retraite.
M. Gabriel Amard
Eh oui !
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
C’est donc vous qui voulez aller dans cette direction, et vous ne vous en cachez pas. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Soyez donc cohérents, ne sacrifiez pas à la post-vérité ou à l’alter-vérité ! Moi aussi, j’adore la science-fiction ; mais là, vous allez un peu loin !
M. Erwan Balanant
Visiblement, vous aimez aussi les films d’horreur !
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Monsieur Gernigon, vous avez raison, en parlant du régime de retraite par répartition, de rappeler l’importance de la justice intergénérationnelle. En fragilisant les fondements financiers du système, la proposition de loi, qui ne tient pas compte du déséquilibre démographique entre actifs et pensionnés, risque de mettre à mal ce principe. Votre intention est juste, mais je vous demande de retirer votre amendement qui tend à modifier l’intitulé du chapitre Ier.
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Écoutez le gouvernement !
Mme la présidente
La parole est à Mme Émilie Bonnivard.
Mme Émilie Bonnivard
Tout a été dit et redit sur la réforme des retraites dans cet hémicycle. (Rumeurs sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Avec ce texte, le RN et le NFP, main dans la main, provoqueraient une aggravation massive de notre déficit public, fragilisant non seulement l’avenir mais aussi le présent de nos concitoyens.
M. Emeric Salmon
Et les milliards de dette que vous avez accumulés, ils ne sont pas massifs ?
Mme Émilie Bonnivard
Dès aujourd’hui, ces débats contribuent à faire exploser encore un peu plus les taux d’intérêt. Nous sommes face à un mensonge collectif, d’une extrême gravité pour nos concitoyens et pour notre pays.
Je rappelle que l’âge du départ à la retraite est fixé en Italie comme en Espagne, à 67 ans ; en Autriche, à 65 ans ; en Belgique, à 67 ans ; en Croatie, à 65 ans. Avec 64 ans, la France resterait l’un des pays où l’on part à la retraite le plus tôt.
Je souhaite mettre en lumière un paradoxe et un double langage cynique de la part du Rassemblement national. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) M. Chenu nous dit qu’il y a, dans cet hémicycle, une majorité pour voter, aujourd’hui même, l’abrogation de la réforme des retraites – grâce à l’alliance entre le RN et LFI. (M. Laurent Wauquiez applaudit.) Mais au mois de juin, aux portes du pouvoir, que nous disait M. Bardella ? Attention, si je suis Premier ministre, l’abrogation de la réforme ne sera pas pour tout de suite car il faut d’abord faire un audit ! Eh bien, l’audit, nous l’avons : 5 % de déficit, soit 166 milliards d’euros, 57 milliards de taux d’intérêt de la dette ; notre pays est au bord du gouffre. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Vous faites croire à nos concitoyens que nous pouvons abroger la réforme des retraites, mais quand vous êtres aux portes du pouvoir, vous reculez. C’est un mensonge coupable et une hypocrisie cynique. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
Je continue à ressentir de la colère face au fait que nous n’arriverons pas à voter. Madame la ministre, vous m’avez fait l’honneur de répondre sur le fond ; profitons de cette fenêtre pour échanger ! La Dares – direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – dit l’inverse de vous : le taux d’emploi des seniors, entre 2022 et 2023, a reculé de 1,2 point. Voilà le fond du problème !
Vous nous dites, collègues de droite, qu’il faut favoriser le travail et travailler plus. Nous sommes d’accord (Exclamations sur les bancs du groupe EPR), mais nous voulons – écoutez bien ! – qu’il y ait plus de gens qui travaillent.
M. Sylvain Maillard
Nous aussi !
M. Alexis Corbière
Pour vous, le taux d’emploi peut rester le même, mais ceux qui ont un travail doivent l’exercer plus longtemps, quitte à s’user le corps et l’esprit.
M. Fabien Di Filippo
Arrêtez de présenter le travail comme une souffrance !
M. Alexis Corbière
Non ! Il faut créer les conditions qui permettraient à davantage de Françaises et de Français de travailler. En France, nous avons le taux d’emploi des seniors le plus bas d’Europe. Croyez-vous qu’à l’heure où des vagues de licenciement menacent plus de 300 000 travailleurs, la réforme des retraites amènera un seul patron à ne pas renvoyer en premier les salariés de plus de 55 ans ? Ceux-ci, vous le savez très bien, sont toujours les premières victimes. Madame la ministre, c’est là-dessus qu’il faut travailler !
M. Erwan Balanant
On s’adresse à la présidence !
M. Alexis Corbière
Il ne faut pas reculer l’âge de la retraite car cela éloigne mécaniquement la possibilité, pour les travailleurs français, de valider la totalité de leurs semestres et de bénéficier d’une retraite à taux plein.
M. Sylvain Maillard
Sophismes ! Dans tous les pays d’Europe, l’âge de la retraite augmente !
M. Alexis Corbière
Vous allez aggraver le taux de pauvreté des retraités, et cela coûtera très cher aux finances publiques. Voilà pourquoi votre réforme est injuste.
Mme la présidente
Veuillez conclure, monsieur Corbière.
M. Alexis Corbière
Collègues, vous avez le droit de ne pas être convaincus ; mais, de grâce, permettez qu’enfin, une fois dans l’histoire du pays, on puisse voter. Vous n’avez pas le droit de nous l’interdire. Vous nous l’avez interdit en 2023…
Mme la présidente
Merci, monsieur le député.
M. Ian Boucard
On voulait voter, mais vous nous en avez empêchés avec votre obstruction !
M. Alexis Corbière
Aujourd’hui, la différence fondamentale, c’est qu’on est dans le cadre d’une niche parlementaire – Vigier, je m’adresse à vous… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Plusieurs députés du groupe EcoS applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 884.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 291
Nombre de suffrages exprimés 273
Majorité absolue 137
Pour l’adoption 78
Contre 195
(L’amendement no 884 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nathalie Colin-Oesterlé, pour soutenir l’amendement no 885.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Le groupe Horizons & indépendants propose de modifier l’intitulé du chapitre Ier afin de souligner les « conséquences financières et sociales désastreuses » de l’abrogation de la réforme des retraites.
Le retour à un âge légal de 62 ans et à une durée de cotisation de 167 trimestres compromettrait les efforts réalisés pour garantir la soutenabilité financière du système de retraite et préserver la solidarité intergénérationnelle, pourtant essentiels pour répondre à l’évolution démographique et aux déséquilibres structurels entre actifs et retraités.
Ce nouvel intitulé replace au cœur du débat les conséquences économiques et sociales concrètes de l’abrogation. En signalant les risques accrus de déficit, de pression fiscale et d’inégalités sociales, il favorise une discussion parlementaire plus éclairée et pragmatique. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, EPR et DR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Obstruction ; défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Sylvain Berrios
Ne vous levez pas, ce n’est pas la peine !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Pour les raisons que j’ai déjà indiquées touchant ces questions de titre, j’émettrai un avis défavorable.
Cela étant, sans me livrer à une bataille de chiffres avec M. Corbière, je tiens à rappeler que l’étude de la Dares de septembre 2024 affirme, en première page, exactement le contraire de ce qu’il vient de dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs du groupe EcoS.) Cela va bien deux minutes, mais le taux d’activité des plus de 55 ans dans notre pays a augmenté : il faut faire preuve d’un peu d’honnêteté à propos des chiffres !
C’est d’autant plus vrai que la question de l’emploi des seniors est au cœur du problème des retraites. Ceux qui nous regardent savent que la situation est difficile ; pour autant, on ne peut pas raconter n’importe quoi.
Mme la présidente
La parole est à Mme Brigitte Liso.
Mme Brigitte Liso
L’âge de départ en retraite revient encore et toujours en discussion. J’aimerais à cet égard répondre aux propos tenus par Mme Panot ce matin, lors de la discussion générale : elle nous reproche d’avoir volé deux ans de vie à nos concitoyens…
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Eh, oui !
Mme Brigitte Liso
…– accusation souvent entendue –, deux ans de vie pendant lesquels ils pourraient, d’après elle, regarder le ciel étoilé ou s’occuper de leurs petits-enfants. Encore faudrait-il avoir les moyens pour cela ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous prétendez financer vos mesures par une taxe sur le tabac, mais, madame Panot, quand le paquet de cigarettes coûtera 100 euros, vous aurez tout juste droit à une pension de 15 euros pour payer Netflix et vous occuper de vos petits-enfants ! (Mêmes mouvements.)
Je peux, du reste, vous préciser qu’à 60 ans, on est encore en pleine forme et à 62 ans aussi ! (Les exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP vont crescendo.)
Mme la présidente
S’il vous plaît !
Mme Brigitte Liso
Je peux même ajouter qu’à 64, tout fonctionne encore très bien et qu’à 65, on a encore… (Les exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP s’amplifient jusqu’à couvrir la voix de l’oratrice.)
Mme la présidente
S’il vous plaît, on ne s’entend plus !
M. Aurélien Le Coq
C’est de la provocation !
Mme Brigitte Liso
Si je ne vous ai pas convaincus, vous pouvez demander à M. Mélenchon ou à M. Le Pen !
M. Inaki Echaniz
Vous n’avez pas honte ?
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre-Yves Cadalen.
M. Pierre-Yves Cadalen
Aujourd’hui encore, vous vous opposez à la volonté populaire, exprimée dans le pays, d’abroger la réforme des retraites, injuste et terrible, qui violente et frappe les Français.
Ce matin, en me rendant dans cet hémicycle, j’ai discuté avec des ouvriers qui travaillent ici, pour nos bâtiments ; comme je leur disais que nous souhaitions abroger cette réforme, ils m’ont dit : « Bon courage à vous, qui portez la force populaire ! »
M. Philippe Gosselin
Vous n’êtes pas le peuple à vous tous seuls !
M. Pierre-Yves Cadalen
Attention, ai-je répondu, la droite et les macronistes se préparent à faire de l’obstruction ; ils ne veulent pas de l’abrogation. (Exclamations sur les bancs des groupes EPR et DR.) Un ouvrier m’a répondu : « J’ai 56 ans et déjà de l’arthrose. » (Les exclamations vont crescendo.)
Mme la présidente
S’il vous plaît !
M. Pierre-Yves Cadalen
Vous ne connaissez pas les ouvriers ; vous les méprisez ; vous ne leur parlez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
M. Erwan Balanant
Et vous, vous ne leur dites jamais bonjour !
M. Pierre-Yves Cadalen
Voilà ce que nous voyons depuis ce matin : vous montrez votre vrai visage, celui de la terrible violence sociale qui s’abat à cause de vous sur le pays et de la violence inacceptable que vous faites à la démocratie, à la représentation nationale, au peuple, aux mouvements sociaux qui se sont levés contre vous ! (Mêmes mouvements.)
M. Philippe Gosselin
Ça suffit !
Mme la présidente
Un peu de calme !
M. Pierre-Yves Cadalen
Vous nous donnez aujourd’hui une raison supplémentaire de voter la censure et d’appeler à ce qu’Emmanuel Macron s’en aille. Vos ricanements bourgeois accompagnent la fin de son mandat ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Vives exclamations sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
M. Laurent Croizier
Georges Marchais sort de ce corps !
M. Philippe Gosselin
C’est pathétique !
M. Pierre-Yves Cadalen
Vivement que le peuple reprenne ses droits, que le Nouveau Front populaire gouverne ce pays, que nous fassions tomber le pouvoir injuste que vous incarnez ! (Les députés du groupe LFI-NFP continuent d’applaudir debout. – Exclamations sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR, qui vont crescendo jusqu’à couvrir la voix de l’orateur.)
M. François Cormier-Bouligeon
Nous verrons !
M. Pierre-Yves Cadalen
Vive la retraite à 60 et à 62 ans ! Vive la retraite à 60 ans et à quarante annuités ! (Mêmes mouvements. – L’orateur parle de plus en plus fort.)
M. Thibault Bazin
À 60 ou à 62 ans ?
M. Pierre-Yves Cadalen
On s’est battu pour la gagner, on se battra de nouveau, sans rien lâcher ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
S’il vous plaît, un peu de calme. Je ne sais même plus à quoi on applaudit ou ce que l’on conteste : je n’entends plus rien !
Je mets aux voix l’amendement no 885.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 312
Nombre de suffrages exprimés 292
Majorité absolue 147
Pour l’adoption 82
Contre 210
(L’amendement no 885 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Gernigon, pour soutenir l’amendement no 878.
M. François Gernigon
Cette abrogation, présentée comme une mesure de justice sociale, n’est qu’une illusion : en déstabilisant financièrement le système de retraite, elle risque d’imposer des ajustements drastiques à court ou moyen terme, notamment sur le montant ou le versement des pensions. Les retraités d’aujourd’hui, qui ont cotisé toute leur vie selon des règles claires, pourraient être directement affectés par ces dérèglements.
Le groupe Horizons & indépendants propose de compléter l’intitulé du chapitre Ier par les mots : « menaçant les droits acquis des retraités », afin de mettre en lumière les conséquences délétères et injustes de cette proposition de loi sur les garanties actuelles des retraités.
En sacrifiant l’équilibre financier et en négligeant les projections alarmantes concernant le déficit des caisses de retraite, cette proposition de loi expose les retraités à une insécurité sans précédent, dissimulant derrière un discours idéologique une menace claire pour les droits fondamentaux des retraités. Loin de garantir l’équité du régime de retraite, ce texte en compromet la stabilité et mine la confiance en notre modèle de solidarité.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Ugo Bernalicis, rapporteur
Obstruction ; défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Sylvain Berrios
Ne te lève pas, ça ne sert à rien !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
On me dit que me lever ne servirait à rien, mais je vous dois une certaine considération.
M. Ian Boucard
Cela s’adressait au rapporteur.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Très bien, merci. Cela aurait pu venir de l’autre côté.
Vous posez les bonnes questions : nous parlons d’un régime qui a permis d’augmenter le niveau de vie des retraités dans notre pays. (Exclamations sur plusieurs bancs.)
Vous le voyez bien à la parité de niveau de vie avec les actifs ; 75 % des retraités sont propriétaires ; ils possèdent 60 % du patrimoine financier et non financier. Il s’agit donc d’un vrai sujet de préoccupation.
M. Philippe Gosselin
Arrêtez ! Ils vont les taxer : ne leur donnez pas de mauvaises idées !
Mme Sabrina Sebaihi
Et combien sont au RSA ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Certes, comme les Petits Frères des pauvres l’ont rappelé, quelque 2 millions de personnes âgées de plus de 60 ans sont pauvres. C’est pourquoi nous avons revalorisé le minimum vieillesse et fait beaucoup de choses pour eux dans le cadre de la réforme de 2023.
Monsieur Gernigon, vous soulignez, à juste titre, les contradictions et les dangers de la proposition de loi déposée par La France insoumise. Il convient néanmoins de ne pas en changer le titre ; avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Louis Boyard.
M. Philippe Gosselin
Un expert ès retraites !
M. Louis Boyard
Fait suffisamment rare pour être souligné, il fut un temps où Emmanuel Macron a dit quelque chose d’intelligent : « Une dictature, c’est un régime où une personne ou un clan décide des lois. » Je vous invite à réfléchir à cette phrase et à votre comportement, car, lors de votre réforme des retraites, le passage de l’âge de départ de 62 à 64 ans n’a pas été décidé par un vote,…