Deuxième séance du lundi 21 octobre 2024
- Présidence de Mme Nadège Abomangoli
- 1. Projet de loi de finances pour 2025
- Présentation
- M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie
- M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
- M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Discussion générale
- Présentation
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Projet de loi de finances pour 2025
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2025 (nos 324, 468).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie
J’ai l’honneur de vous présenter le projet de loi de finances (PLF) pour l’année 2025, premier budget de cette XVIIe législature, qui intervient, vous le savez, dans un contexte politique exceptionnel. Je tiens, à cet égard, à remercier les services du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, ainsi que de celui chargé du budget et des comptes publics, pour leur réactivité dans un calendrier particulièrement contraint.
Je ne reviens pas sur le contexte économique, national et international, que nous avons déjà évoqué cet après-midi, ni sur la croissance de la France, qui, en valeur relative, est supérieure à la moyenne de la zone euro, ni sur l’inflation, repassée sous la barre des 2 %, ni sur le taux de chômage qui atteint son niveau le plus bas depuis quarante ans.
M. Jean-Paul Lecoq
Tout va très bien, madame la marquise !
M. Nicolas Sansu
Les Français sont contents, alors !
M. Antoine Armand, ministre
Je ne reviens pas non plus sur les ouvertures d’usines, plus nombreuses que les fermetures, ni sur les créations d’emplois industriels partout dans le territoire (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), ni sur le fait que les exportations augmentent.
M. Jean-Paul Lecoq
Tout va très bien, monsieur le ministre !
M. Antoine Armand, ministre
Je le dis avec beaucoup de calme à celles et à ceux qui sont incapables de se réjouir pour le pays, de reconnaître que le taux de chômage baisse et que des emplois sont créés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Jean-Paul Lecoq
Dites-nous où !
M. Antoine Armand, ministre
Je le dis à celles et à ceux qui sont incapables de reconnaître qu’une plus grande attractivité de la France est bénéfique à tous les Français. Tant pis pour eux. Les Français, eux, s’en réjouissent et vous regardent de travers. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Cet environnement économique doit nous permettre de prendre les décisions qui s’imposent sur le plan financier. Car, oui, en la matière, notre situation est très préoccupante.
M. Jean-Paul Lecoq
À qui la faute ?
M. Antoine Armand, ministre
En 2024, la dette publique devrait s’établir à 3 300 milliards d’euros, soit plus de 113 % du PIB – c’est colossal.
Mme Marie Mesmeur
La faute à personne !
M. Antoine Armand, ministre
Cette situation résulte des déficits successifs. Dois-je vous rappeler que la dernière fois que notre pays a adopté un budget à l’équilibre, c’était en 1974 ?
M. René Pilato
Vous n’étiez pas né !
M. Antoine Armand, ministre
Depuis cette date, la dette française a augmenté de près de 100 points de PIB. Entre 1991 et 1996, après la crise du système monétaire, elle a crû de 23 points de PIB. Entre 2008 et 2013, pendant la crise financière, elle a augmenté de près de 25 points. Entre 2019 et 2024, après les crises du covid et de l’énergie, elle a encore progressé de 15 points de PIB.
M. Jean-Paul Lecoq
Et depuis 2017 ?
Mme Marie Mesmeur
Qui est au Gouvernement depuis 2017 ?
M. Antoine Armand, ministre
Ce niveau de dette affecte notre souveraineté, notre crédibilité et notre capacité à aborder l’avenir. La façon dont nous avons toujours considéré la dette est presque une exception française…
M. Karl Olive
Il a raison !
M. Jean-Paul Lecoq
Il faut le dire à l’Europe si c’est une exception française !
M. Antoine Armand, ministre
…qui a un impact très concret : nous paierons plus de 50 milliards d’intérêts par an ; autrement dit, nous y consacrerons 1 euro sur 8 euros dépensés par l’État. Et ce coût augmente. Notre taux d’emprunt, qui était supérieur de 0,5 % environ à celui de l’Allemagne en début d’année, a augmenté de 0,3 %, ce qui représentera, à une échéance de dix ans, 10 milliards supplémentaires de charge de la dette.
M. Jean-Paul Lecoq
C’est du racket !
M. Antoine Armand, ministre
Ce sont 10 milliards que nous ne consacrerons pas aux dépenses prioritaires en faveur des services publics, des investissements dans la transition écologique ou de notre souveraineté. Le Portugal se finance désormais à un taux inférieur au nôtre. Une agence de notation, qui a récemment souligné la diversité et la force de notre économie, a cependant considéré que notre trajectoire des finances publiques devait être placée sous perspective négative. Si nous ne faisons rien, les intérêts de la dette deviendront le premier poste de dépenses de l’État.
M. Jean-Paul Lecoq
Les Français ont bien essayé de faire quelque chose, mais vous êtes encore là !
M. Antoine Armand, ministre
Si cela se produit, la couleur politique du gouvernement en place aura bien peu d’importance. Que ce soit pour maintenir le niveau de nos services publics, réindustrialiser le pays, investir dans l’éducation ou dans la lutte contre le dérèglement climatique, les pouvoirs publics auront les mains, si ce n’est liées, du moins largement entravées. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)
Ces choix récents, nous les avons faits ensemble, indépendamment de notre appartenance politique. Même ceux qui n’étaient pas aux responsabilités ont maintes fois eu l’occasion de soutenir l’augmentation des dépenses publiques, souvent à raison, parfois à tort, au cours des dernières années.
Mme Danielle Brulebois
Eh oui !
M. Antoine Armand, ministre
Jamais aucun groupe de cet hémicycle ne s’est opposé au soutien et à la protection apportés aux Français ces dernières années. Ce soutien était nécessaire et a fait l’objet d’un consensus national alors que notre pays connaissait une pandémie parmi les plus importantes de son histoire. Je me souviens de ceux qui voulaient nationaliser les autoroutes (M. Jean-Philippe Tanguy s’exclame), de ceux qui voulaient accroître, en une nuit, les 25 milliards de dépenses consacrées à la rénovation énergétique ou encore de ceux qui ont présenté un déficit aggravé de plus de 60 milliards.
Bref, je le dis sans mauvais esprit, il y a toujours de bonnes raisons d’accroître la dépense et il y en a peu de faire des économies. Pourtant, la situation à laquelle nous faisons face aujourd’hui est suffisamment grave pour nous arrêter un instant sur cette nécessité. De deux choses l’une : soit nous faisons collectivement, au-delà des étiquettes partisanes, le choix de réduire nos déficits…
Mme Marie Mesmeur
Pas avec nous !
M. Antoine Armand, ministre
…et cela prendra du temps – ce sera difficile et cela exigera des efforts structurels en matière de dépense publique, sur le train de vie de l’État et la manière dont il est géré. Soit nous repoussons de nouveau cette nécessité et décidons collectivement de la reporter à l’année prochaine, voire à plus tard,…
Mme Marie Mesmeur
C’est maintenant qu’il faut taxer les riches !
M. Antoine Armand, ministre
…considérant qu’il faut, cette année encore, compte tenu de l’urgence, faire des efforts en faveur de tel ou tel investissement,…
M. Jean-Paul Lecoq
Il faut investir pour l’avenir !
M. Antoine Armand, ministre
…et alors nous en paierons les conséquences plus vite et plus fort.
Au-delà des débats éclairants qui ont eu lieu en commission des finances et de ceux que nous aurons cette semaine dans l’hémicycle, nous pouvons et nous devons partager l’objectif de redresser les comptes et de ramener le déficit public à 5 % du PIB en 2025. Nous le devons pour notre pays, pour le financement de notre économie et vis-à-vis de nos partenaires européens, qui nous observent.
M. Jean-Paul Lecoq
Si vous écartez le coût de la bombe atomique, cela ne va pas si mal ! Mais ça, vous ne voulez pas en parler !
M. Antoine Armand, ministre
Cette trajectoire est indispensable pour repasser en 2029 sous la barre des 3 %, celle qui, je le rappelle, permet d’engager un horizon de désendettement pour notre pays,…
M. Jean-Philippe Tanguy
Arrêtez avec ça !
M. Antoine Armand, ministre
…et de renforcer notre souveraineté nationale.
Pour y parvenir, conformément à la méthode que le Premier ministre Michel Barnier vous a présentée, nous continuerons de défendre un discours de vérité avec tous ceux qui le souhaitent. Nous continuerons de travailler avec l’ensemble des sensibilités représentées dans cet hémicycle et au Sénat afin de construire le budget. Nous assumons qu’il est perfectible. Nous ne prétendons pas détenir la vérité ni que nous avons tout compris avec ce budget à l’équilibre, élaboré en quelques semaines. Mais nous devons partager un objectif nécessaire :…
M. Aurélien Le Coq
Partagez les richesses !
M. Antoine Armand, ministre
…celui du redressement des comptes publics dès l’année prochaine et d’un déficit de 5 % en 2025.
Mme Émilie Bonnivard
C’est dommage que Bruno Le Maire ne soit pas là !
M. Antoine Armand, ministre
Notre dépense publique est devenue la plus importante d’Europe.
M. Jean-Paul Lecoq
Sans la bombe atomique, comment serions-nous classés ?
M. Antoine Armand, ministre
Ce budget doit donc reposer en priorité sur des baisses de dépenses, lesquelles constituent les deux tiers de l’effort – mais vous pourrez modifier cet équilibre. Nous vous proposerons également, dans les prochaines semaines – nous avons eu l’occasion de l’évoquer au cours du débat d’orientation et de programmation des finances publiques cet après-midi –, de maîtriser la dépense et l’emploi public, de simplifier le fonctionnement de l’État, de réduire son train de vie et de commencer à supprimer les doublons inutiles – même si cela prend du temps et cela constitue un travail de longue haleine.
Chacun devra prendre sa part : l’État, les collectivités et la sphère sociale, non pas parce qu’il y aurait des bons et des mauvais gestionnaires, non pas parce qu’il y aurait ceux qui ont réussi à bien dépenser et les autres, mais parce que, face à l’effort nécessaire, chacun doit s’investir.
Les baisses de dépenses que Laurent Saint-Martin vous proposera ont été ciblées dans le but d’affecter le moins possible la croissance. Oui, ce sera difficile. Dire le contraire ne serait ni honnête ni en adéquation avec notre objectif de redressement pour 2025. Mais, de grâce, dans un débat aussi important, ne sombrons pas dans la caricature !
J’ai entendu certains d’entre vous parler de budget d’austérité. (« Bah oui ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Faut-il rappeler que, dans ce budget, la dépense publique augmente de 0,4 % en volume ? Un budget d’austérité dans lequel la dépense augmente, ce serait tout à fait nouveau ! Je ne doute pas que certains sur ces bancs (L’orateur désigne la gauche de l’hémicycle) soient capables d’inventer le concept d’une austérité doublée de dépenses en hausse, mais ce n’est pas possible. Ce budget n’est pas un budget d’austérité, mais un budget visant précisément à éviter l’austérité. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et HOR. – Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
Arrêtez ! Vous n’y croyez pas vous-même !
M. Antoine Armand, ministre
Tournez-vous vers les pays qui connaissent l’austérité, ceux qui ont dû réduire de 25 % les salaires des fonctionnaires et qui ont dû couper dans les pensions de retraite. Nous avons, au contraire, revalorisé de 5 % l’ensemble des retraites l’année dernière. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Nous avons soutenu l’activité et l’emploi et nous continuerons de le faire.
M. René Pilato
Il y a 2 millions de pauvres chez les retraités ! Sortez de l’hémicycle !
M. Antoine Armand, ministre
Nous proposons des efforts ciblés et proportionnés afin de contenir – Laurent Saint-Martin y reviendra – la croissance spontanée de nos dépenses. Ces mesures ne peuvent pas être pour solde de tout compte. Ce sont les premières d’une série de réformes de fond, de réformes structurelles, qui auront pour but de réduire durablement la dépense publique partout où nous devons le faire. Ces réformes permettront aussi de soutenir l’activité, l’emploi, l’industrie et la création de richesses partout en France, comme de nombreux groupes le souhaitent, depuis des années, dans cet hémicycle.
Par transparence et par souci d’exactitude, nous améliorerons aussi la qualité des prévisions économiques.
M. Jean-François Coulomme
Il était temps !
M. Antoine Armand, ministre
J’ai entendu les interrogations, que je partage, concernant les écarts de prévisions. Je sais que la commission des finances a prévu de se pencher sur cette question. Les ministères économique et financier en tirent les conséquences dès à présent, en engageant un plan d’amélioration des prévisions et de suivi des dépenses. La représentation nationale sera associée à cet effort de transparence autant qu’elle le souhaitera, parce que nous n’avons rien à cacher.
Mme Marie Mesmeur
Pourquoi n’avons-nous pas reçu les documents à temps ?
M. Antoine Armand, ministre
Nous lancerons également, avec Laurent Saint-Martin, des revues de dépenses régulières afin d’améliorer d’au moins 5 milliards, dans les prochaines années, l’efficacité de nos dépenses publiques. Toutes les administrations seront mobilisées et mises à contribution.
La baisse des dépenses de l’État constitue la condition sine qua non à l’instauration de prélèvements exceptionnels, temporaires et ciblés que nous devons proposer pour atteindre un déficit de seulement 5 % en 2025, dans un pays qui est malheureusement déjà champion en matière de prélèvements obligatoires. Sans cet effort sur les dépenses publiques, il serait impensable de demander un effort à certains de nos concitoyens et aux grandes entreprises.
Ces prélèvements, vous avez eu l’occasion d’en débattre en commission des finances, ont été conçus pour ne pas affecter durablement la croissance et pour contribuer à la décarbonation de notre économie, qui a commencé depuis plusieurs années. Nous ciblons ainsi les entreprises qui ont la plus forte capacité contributive, celles dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard et qui sont bénéficiaires. Ces prélèvements devraient représenter 8 milliards en 2025 et 4 milliards en 2026, et concerner plus de 400 groupes. Nous leur demandons un effort important et je salue les représentants des entreprises qui s’y disent prêts, dans un esprit de responsabilité, à condition que ces prélèvements soient temporaires et ciblés.
Nous proposons également de décaler la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) initialement prévue. Cette suppression aura bien lieu puisque nous nous sommes engagés à réduire les impôts de production qui affectent les entreprises et leurs décisions. Toutefois, force est de constater que nous ne pouvons pas nous le permettre dès l’année prochaine.
Pour appuyer la transition écologique, nous poursuivrons le soutien à la décarbonation de notre industrie en encourageant les projets industriels. Nous serons ouverts, au cours du débat parlementaire, au renforcement des crédits en la matière.
M. David Amiel
Excellent !
M. Antoine Armand, ministre
C’est un sujet important pour la plupart des groupes parlementaires et je partage votre préoccupation. Dans ce même objectif de verdissement, nous avons déposé un amendement qui tend à augmenter le montant de la taxe sur les billets d’avion et les jets privés. Cette augmentation, nécessaire pour renforcer la contribution collective aux investissements dans la transition écologique, sera mesurée et nous serons attentifs à son impact sur nos compatriotes ultramarins.
En revanche, je le confesse, il y a des choses que nous ne proposerons pas. Nous ne proposerons pas d’imposer toujours plus les Françaises et les Français qui travaillent ou ceux qui transmettent le fruit de leur travail à leurs enfants.
M. Nicolas Sansu
Et ceux qui ne travaillent pas ? Et les rentiers ?
M. Antoine Armand, ministre
Nous ne proposerons pas d’entraver la mobilité de nos concitoyens lorsqu’ils cèdent leur résidence principale, ni de taxer les entreprises à l’infini (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), comme certains ici en rêvent – nous savons que derrière chaque entreprise, il y a des entrepreneurs, des salariés, des emplois, des fournisseurs, un tissu économique et social. Bref, nous ne proposerons pas d’affaiblir la France et les Français.
M. Nicolas Sansu
Vous protégerez la petite caste !
M. Antoine Armand, ministre
Nous vous présentons un budget de redressement, inscrit dans une trajectoire de rétablissement de nos comptes, qui s’appuiera essentiellement sur la baisse de la dépense. Pour cela, je le dis avec humilité, nous aurons besoin d’un esprit de responsabilité collective. Laurent Saint-Martin et moi-même ferons preuve de tout l’esprit d’ouverture qui nous incombe dans la période que nous traversons.
Nous avons pris l’engagement de soutenir toutes les propositions parlementaires qui permettront de remplacer 1 euro de fiscalité par 1 euro d’économie. Ce sera fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe HOR. – Mme Danielle Brulebois applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous y sommes prêts parce que, oui, nous devons baisser la dépense publique plutôt qu’augmenter les impôts. Nous serons au rendez-vous de cet exercice. Les Français le demandent. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme Véronique Louwagie
C’est ça, le courage !
M. Antoine Armand, ministre
Ceux que je croise dans la circonscription où j’ai l’honneur d’être élu nous demandent de réduire le train de vie de l’État, de réduire les dépenses, de faire un effort d’abord avant de leur demander un effort. C’est cet esprit de responsabilité qui doit nous guider, en respectant nos engagements, en continuant de soutenir l’activité, la croissance et l’emploi, comme nous l’avons fait ces dernières années. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) N’ayons pas peur de ce que nous avons fait et ayons le courage de faire mieux demain. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR et sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Une fois n’est pas coutume, je tiens, avant la présentation du texte, à revenir sur son examen en commission.
M. Jean-Paul Lecoq
Je croyais que vous alliez vous excuser pour les documents en retard !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je tire de l’issue de vos débats un motif de préoccupation. Même si le texte a été rejeté – cela ne m’a pas échappé –, les amendements adoptés en commission représenteraient le tour de vis fiscal le plus brutal dans l’histoire de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M. Aurélien Le Coq
Le tour de justice fiscale !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il n’y a certes pas eu de majorité pour choisir ce chemin. D’ailleurs, le vote de rejet exprimé par la commission n’est pas neutre.
M. Nicolas Sansu
Oui, par l’extrême droite et l’extrême centre !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Croyez-moi, je regrette profondément de devoir m’en réjouir. Mais si le chemin que vous nous proposez est celui du matraquage fiscal, ne comptez pas sur le Gouvernement pour le cautionner.
M. Jean-Philippe Tanguy
Retirez votre texte !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je ne peux qu’inciter à la plus grande prudence lorsque l’on modifie le code général des impôts, surtout quand c’est pour y ajouter des pages, voire des chapitres entiers. Derrière chaque taxe supplémentaire, ce sont les Français que vous visez. C’est leur épargne, leur résidence, leur entreprise que vous voulez accabler d’impôts nouveaux.
M. Jean-Philippe Tanguy
La facture d’électricité !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Si les amendements de la commission étaient repris dans l’hémicycle, nous n’aurions pas l’année prochaine une vingtaine de milliards d’euros de contributions supplémentaires comme le prévoit le texte du Gouvernement, mais des dizaines de milliards d’impôts – 40, 50, 60 milliards selon les chiffrages –, qui n’auraient rien de temporaire ni d’exceptionnel.
Contrairement à ceux qui voudraient s’en prendre aux économies de toute une vie en ajoutant plusieurs milliards de prélèvements supplémentaires sur les successions et sur l’épargne, le Gouvernement s’engage à protéger le pouvoir d’achat des Français.
M. Nicolas Sansu
Pas sur l’électricité !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
C’est la raison pour laquelle nous indexons le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation,…
M. Jean-René Cazeneuve
Bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…et que nous sortons du bouclier tarifaire tout en garantissant une baisse de la facture d’électricité pour les Français qui bénéficient du tarif réglementé. C’est aussi la raison pour laquelle nous refusons d’augmenter les taxes sur le gaz.
Contrairement à ce qui a été proposé en commission – des taxes supplémentaires sur les résidences principales, les résidences secondaires, la construction et même le logement social –, ce projet de loi de finances refuse de renchérir le coût du logement. Nous agissons pour aider concrètement les Français à se loger. Comme s’y est engagé le Premier ministre, je donnerai un avis favorable à l’extension du prêt à taux zéro (PTZ) défendue par le socle majoritaire.
Mme Danielle Brulebois
Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
J’ai également relevé plusieurs initiatives intéressantes en commission de la part de députés de tous bords : par exemple sur la facilitation des dons familiaux, en particulier des dons des parents qui souhaitent aider leurs enfants à construire une résidence principale,…
M. Nicolas Sansu
C’est vrai que cela s’adresse à tout le monde !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…ou l’initiative visant à consolider le dispositif Loc’Avantages, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir au cours de la discussion parlementaire. Voilà des mesures concrètes pour aider nos concitoyens à se loger à des prix abordables.
Contrairement à ceux qui voudraient ponctionner des dizaines de milliards d’euros sur les petites entreprises, les fournisseurs d’électricité, les fleurons nationaux et les entreprises familiales,…
M. Nicolas Sansu
Ah bon ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…ce projet de loi de finances s’engage à protéger l’activité économique et la compétitivité. Le Premier ministre mettait en garde ce week-end contre un « concours Lépine fiscal » lors de l’examen du budget : nous y sommes. Quant à nous, nous refusons un budget qui signifierait moins de pouvoir d’achat, moins de compétitivité, moins de croissance et moins d’emplois. Il n’y aurait pas de moyen plus sûr pour engager notre pays sur la voie de la récession et compromettre l’effort de redressement de nos finances publiques. Trop d’impôts tue l’impôt (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) : sans activité économique, sans création d’emploi, sans consommation, il n’y a pas de recettes fiscales.
Mme Véronique Louwagie
Tout à fait !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous ne redresserons pas nos recettes et nos finances sans croissance. Les contribuables ne sont pas des porte-monnaie en libre-service. Rétablir les comptes, ce n’est pas confisquer l’argent des Français. Si nous taxons trop, nous briserons le consentement à l’impôt.
M. Aurélien Le Coq
Si vous ne taxez pas les plus riches, vous le brisez aussi !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce n’est ni responsable, ni raisonnable, ni acceptable. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le Gouvernement propose un budget qui est une ligne de crête entre, d’une part, la nécessité de renouer avec une trajectoire soutenable et, d’autre part, l’exigence de protéger le pouvoir d’achat des Français et de préserver ce qui marche : une croissance robuste attendue à 1,1 % l’an prochain, un taux de chômage à son niveau le plus bas, qui tutoie les 7 %, une inflation contenue qui a diminué plus rapidement que chez nos voisins, des usines qui rouvrent partout dans nos territoires.
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est reparti !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous ne pouvons pas nous permettre de renoncer à ces résultats positifs. Nous n’en avons tout simplement pas les moyens. Certes, ce projet de loi de finances pour 2025 est perfectible, je le reconnais, tout comme l’a fait le ministre de l’économie, mais c’est un texte nécessaire dans son ambition : il prévoit un effort inédit de 60 milliards d’euros pour redresser les comptes…
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est du pipeau !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…et vise à ramener le déficit sous la barre des 3 % du PIB à l’horizon 2029. Pour y parvenir, il est impératif de le contenir à 5 % dès 2025.
M. René Pilato
Qui y croit encore ? Ça fait sept ans que vous racontez ça !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
L’objectif de 5 % en 2025 n’est ni une lubie, ni un totem : c’est la condition sine qua non pour financer demain nos services publics, continuer à investir dans notre avenir et retrouver la capacité à protéger notre nation face aux crises futures.
Mme Marie Mesmeur
Taxez les riches !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce budget est aussi nécessaire par l’équilibre qu’il propose entre économies budgétaires et contributions fiscales. Faire porter l’ensemble de l’effort de redressement de nos finances publiques sur la seule maîtrise des dépenses aurait été excessif et déraisonnable. Dans ce contexte, j’assume le recours à la fiscalité, mais à trois conditions.
Première condition : la fiscalité doit représenter une part minoritaire de l’effort de redressement de nos finances publiques.
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est raté !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
C’est précisément pour cette raison que nous nous sommes imposés une règle pour bâtir ce budget : pour 1 euro de recette supplémentaire, 2 euros d’économies.
Deuxième condition : le recours à la fiscalité doit être ciblé, c’est-à-dire limité pour l’essentiel aux contribuables auxquels il est juste de demander un effort de solidarité.
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est ciblé, mais sur tout le monde !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il est juste et responsable de demander d’abord aux ménages fortunés de contribuer au redressement, comme nous le proposons avec la contribution minimale sur les hauts revenus,…
M. Alexis Corbière
Ah oui, minimale !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il est juste et responsable de demander d’abord à quelques centaines de grandes entreprises de faire un effort temporaire.
Mme Marie-Christine Dalloz
Temporaire !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il est juste et responsable de taxer les entreprises qui pratiquent le rachat d’actions à la seule fin de gonfler artificiellement la rémunération de leurs actionnaires.
Une fiscalité ciblée, c’est aussi une fiscalité qui contribue à réduire notre dette écologique autant que notre dette financière.
M. Nicolas Sansu
Et la taxe sur l’électricité ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Consolider le malus écologique comme nous le proposons ne doit pas être un gros mot : c’est la contrepartie fiscale des dispositifs d’aide, que nous maintenons. Il en est de même lorsque nous proposons de faire contribuer les personnes qui se déplacent en avion, en faisant payer davantage les voyageurs en classe affaires sur les vols long-courriers…
Mme Cyrielle Chatelain
Et les jets privés ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…et les jets privés que les voyageurs en classe économique.
Mme Cyrielle Chatelain
On attend encore !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
J’ajoute que, du côté des dépenses, il n’y a jamais eu de budget aussi vert que celui que nous proposons pour 2025 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS, dont certains députés font mine d’applaudir.) Je suppose que vous applaudissez le budget vert dont la publication est attendue demain matin ! Les dépenses favorables à l’environnement, qui figurent dans le document annexé au PLF – dont vous avez sûrement déjà pris connaissance, d’où vos applaudissements –, s’élèvent à 47 milliards (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP), soit près de 3 milliards de plus qu’en 2024 – ce sont les chiffres.
Avec ce budget, nous marchons sur nos deux jambes pour réduire la dette écologique : la fiscalité pour inciter, jamais pour punir ; la dépense et l’investissement pour accompagner. Je précise que les recettes de la fiscalité à visée environnementale sont nettement inférieures aux dépenses que nous consacrons à la protection de l’environnement.
Troisième condition : le recours à la fiscalité doit être…
M. Jean-René Cazeneuve
Temporaire !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…temporaire. Notre horizon doit rester celui de la prévisibilité fiscale. C’est la condition d’une politique économique efficace. Nous l’avons inscrit clairement dans le texte, qu’il s’agisse des contributions exceptionnelles sur les ménages et les entreprises ou du report de la suppression définitive de la CVAE. Dans un pays qui est déjà champion d’Europe des prélèvements obligatoires, on ne peut pas demander aux contribuables davantage qu’un effort ponctuel, limité dans son ampleur et dans sa durée.
Mme Marie-Christine Dalloz
C’est vrai !
M. Aurélien Le Coq
Sauf aux plus riches !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
En revanche, dans un pays qui est champion d’Europe de la dépense publique, on peut et on doit agir fortement sur la dépense, qui représente près de 57 % de notre PIB.
Mme Marie-Christine Dalloz
C’est ça, l’aberration !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Faire des économies après des années de hausse de la dépense, ce n’est pas un tabou. Rappelons-le, c’est en raison de la hausse de la dépense que nos finances publiques se sont dégradées. Nous avons fait ce choix collectivement – un choix nécessaire et juste –, dans cet hémicycle, pour protéger nos concitoyens et notre économie. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Face à la crise sanitaire, à l’inflation, à la hausse des prix de l’énergie, nous avons été au rendez-vous – vous avez été au rendez-vous.
M. Aurélien Le Coq
C’est la loi de programmation militaire ! C’est le renouvellement de la bombe atomique ! Pourquoi ne le dites-vous pas ? Vous avez honte !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Notre faute n’est pas d’avoir pris les décisions que nous avons prises, ni d’avoir déployé des filets de sécurité. Nous pouvons en être fiers –– j’insiste, vous pouvez en être fiers. Mais aujourd’hui, on ne peut plus attendre. Il faut dès maintenant tout faire pour redresser la barre et renouer avec une trajectoire budgétaire soutenable. Alors oui, nous proposons un effort qui passe d’abord et prioritairement par la maîtrise des dépenses.
Cet effort est partagé entre toutes les administrations publiques. Nous proposons des économies aux administrations de sécurité sociale, dont le déficit risque de déraper plus encore. Nous proposons donc, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, en cours d’examen par la commission des affaires sociales, un coup de frein réel, mais responsable, en limitant à 2,8 % l’évolution de la dépense sociale, ce qui nous permettra de financer nos priorités et d’ouvrir de nouveaux droits.
Nous proposons aux collectivités locales de construire un effort de 5 milliards d’euros.
M. Jean-René Cazeneuve
Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous y travaillerons avec elles, toujours dans la concertation et le partenariat. Enfin, nous proposons que l’État et ses opérateurs prennent à leur charge la moitié des économies nécessaires, soit 21,5 milliards d’euros : 15 milliards grâce à la stabilisation en valeur des crédits par rapport au budget voté pour 2024 – c’était d’ailleurs l’objet des lettres plafonds signées par le précédent Premier ministre Gabriel Attal ; 1,5 milliard sur les opérateurs de l’État ; enfin, 5 milliards d’économies supplémentaires sur les administrations d’État et les opérateurs de l’État par voie d’amendements du Gouvernement lors de l’examen de la seconde partie du PLF, conformément aux engagements pris.
Cela, nous le ferons tout en augmentant les budgets des armées, de l’intérieur, de la justice et de la recherche, qui font l’objet de lois de programmation.
M. Alexis Corbière
La recherche, non !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Le budget du ministère de la recherche est en hausse.
M. Alexis Corbière
Non !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
S’agissant du ministère de la justice, comme je l’ai annoncé, nous compléterons les moyens prévus dans le texte initial par voie d’amendement gouvernemental. Nous ne transigerons pas avec la sécurité des Français, qui est également une priorité de l’action du Gouvernement.
J’entends parler d’austérité. Permettez-moi de répéter ce qu’a dit mon collègue Antoine Armand : de quelle austérité parlons-nous ? (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Inaki Echaniz
De la vôtre !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Quand les dépenses de l’État restent supérieures de 91 milliards à leur niveau de 2019, même après 20 milliards d’économies, ce n’est pas de l’austérité.
M. René Pilato
Respectons la langue française !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Oui, je dis qu’il est possible et nécessaire de proposer aux Français un meilleur service public pour moins cher. Il est possible de faire mieux avec moins d’effectifs, mieux avec moins de moyens, à condition de mieux employer les effectifs et les moyens dont nous disposons. (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Paul Lecoq
Allez dire ça dans les écoles et les hôpitaux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il s’agit tout simplement de bien gérer l’argent des contribuables, c’est-à-dire de bien gérer l’argent des Français.
Mme Véronique Louwagie
Voilà !
M. Inaki Echaniz
Tout ce que vous n’avez pas fait depuis sept ans !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nos concitoyens ne nous demandent pas autre chose. Nous pouvons baisser les effectifs de l’éducation nationale – ce ne doit pas être un tabou – tout en améliorant le taux d’encadrement dans les classes (Exclamations continues sur les bancs des groupes LFI-NUPES, EcoS et GDR), dès lors que nous acceptons de regarder la réalité démographique en face : entre juin 2024 et septembre 2025, l’école accueillera 170 000 élèves en moins. Assumons de mettre les justes moyens en face des besoins réels du pays.
M. Alexis Corbière
Nos classes sont les plus surchargées d’Europe !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous pouvons revoir les politiques de soutien à l’emploi, dès lors que le chômage est au plus bas depuis quarante ans. Dès lors qu’il y a moins de chômeurs et donc de dossiers à traiter, nous pouvons diminuer les effectifs de France Travail tout en consolidant la qualité du service public d’aide à l’emploi. (Brouhaha.)
M. Jean-René Cazeneuve
Est-ce qu’on peut écouter le ministre, madame la présidente ?
M. Alexis Corbière
Ça suffit, Cazeneuve, taisez-vous ! On fait ce qu’on veut, nous sommes parlementaires !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous pouvons baisser les aides à l’apprentissage, dont le coût a triplé depuis 2017, sans pour autant casser la dynamique de ce dispositif qui est désormais au cœur des pratiques des entreprises.
Je pourrais multiplier les exemples qui illustrent la nécessité d’ajuster les moyens publics à la hauteur des besoins réels, surtout après avoir tant dépensé pour protéger à juste titre notre pays. Que les choses soient claires : nous n’avons pas l’intention de casser l’apprentissage, pas plus que tous les dispositifs qui fonctionnent. La réduction du montant des aides aux employeurs d’apprentis que nous proposons représente une économie de 250 millions en 2025 et de 1 milliard en 2026, sur 16 milliards de soutien public : cela n’a rien d’excessif, c’est simplement de la bonne gestion ! Nos entreprises auront toujours intérêt demain à embaucher des apprentis. J’insiste : nous protégeons ce qui marche.
Mme Danielle Brulebois
Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous pouvons aussi rationaliser les aides à l’achat de véhicules électriques dès lors qu’il existe non pas un, ni même deux, mais trois dispositifs de soutien de l’État visant le même objectif, sans compter les aides des collectivités. Nous pouvons réduire de 4 milliards les allègements généraux de cotisations dès lors qu’ils ont progressé de 20 milliards ces dernières années, pour un coût total d’environ 75 milliards en 2023. Nous proposons même une refonte du dispositif actuel – le rapport Bozio-Wasmer a clairement souligné ses effets pervers – pour lutter plus efficacement contre les trappes à bas salaires et la smicardisation. Nous en débattrons lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous pouvons aussi freiner un certain nombre de politiques publiques dont les budgets ont très largement augmenté depuis 2017, sans renoncer à nos ambitions.
Pouvons-nous également demander un effort aux retraités (« Non ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR), dès lors qu’ils ont bénéficié en 2024 d’une revalorisation des pensions supérieure à l’inflation et aux augmentations de salaires des actifs ? C’est ma conviction.
M. Aurélien Le Coq
Deux millions de retraités pauvres !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je précise que les pensions resteront bien indexées sur l’inflation en 2025 et que ce lissage ne concernera pas les minima sociaux, qui seront bien revalorisés au 1er janvier. Peut-on par ailleurs avoir un débat constructif sur la manière de protéger les petites retraites ? Bien sûr ! J’ai d’ailleurs vu plusieurs propositions en ce sens et j’y donnerai un avis favorable.
M. Jean-Paul Lecoq
C’est quoi, une petite retraite ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Avec les économies ciblées que nous proposons, nous n’avons qu’une seule ambition : faire en sorte, comme l’a dit le Premier ministre dans son discours de vérité, « que les Français en aient pour leurs impôts ». Il y va du consentement à l’impôt. C’est possible, et ça fonctionne ! Mon ministère fait partie de ceux qui ont le plus contribué à la réduction du nombre de fonctionnaires ces dernières années.
Mme Marie-Christine Dalloz
Grâce au prélèvement à la source, c’est normal !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je pense en particulier à la direction générale des finances publiques (DGFIP), qui a été particulièrement innovante et dont je veux saluer les agents. Elle a réduit ses effectifs tout en menant à bien des réformes de structure qui ont changé le quotidien des Français, comme le prélèvement à la source, mais aussi en faisant évoluer son maillage territorial. Et elle est restée l’un des services publics de proximité les plus appréciés des Français !
Nous baissons la dépense, oui, mais en veillant toujours à renforcer son efficience : j’y suis particulièrement attaché. La clé de l’efficience de la dépense publique est la poursuite des réformes structurelles. Le Gouvernement fera très prochainement des propositions concrètes en ce sens.
Enfin, le Premier ministre l’a dit, nous renforcerons la lutte contre toutes les fraudes : c’est une question de justice. Je tiens à saluer les propositions formulées par Thomas Cazenave pour renforcer nos outils de lutte contre la fraude fiscale : elles sont pertinentes et vont dans le bon sens. Dans le cadre du PLFSS, nous consoliderons aussi les efforts engagés en ce sens par les précédents gouvernements dans le champ social. Nous serons intraitables en matière de lutte contre la fraude aux prestations sociales et aux cotisations sociales.
Mesdames et messieurs les députés, je souhaite que nous trouvions au Parlement un chemin pour ce budget. Refuser le débat serait une faute, morale et politique. Comme j’en ai pris l’engagement devant la commission des finances, ma méthode tient en trois mots : vérité, dialogue et respect. J’ai été parlementaire ; j’ai siégé sur ces bancs en tant que rapporteur du budget. Je tiens à ce que le débat ait lieu, à ce que chaque article du PLF soit disséqué, chaque amendement discuté, chaque mesure débattue. Je tiens à ce que le Parlement puisse présenter les modifications qui lui semblent importantes et qu’il puisse en délibérer. Je tiens à ce que vous puissiez enrichir et améliorer ce texte – j’ai déjà cité quelques-unes des propositions que je m’engage à soutenir.
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est du macronisme !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ainsi, celle du député Nicolas Metzdorf…
M. Jean-Philippe Tanguy
Encore un macroniste !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…vise à faciliter les investissements en Nouvelle-Calédonie afin d’aider les efforts de reconstruction. Le Gouvernement sera à ses côtés.
Aujourd’hui, l’urgence, ainsi que notre responsabilité collective, est d’œuvrer au redressement des comptes publics.
Un député du groupe RN
Que vous avez saccagés !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
J’insiste sur ce point : il y va de notre responsabilité collective. Ce cap, je n’en dévierai pas.
M. Jean-Philippe Tanguy
Il faut un cap clair !
M. Aurélien Le Coq
Ce n’est pas vous qui décidez !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous n’avons pas d’autre choix que de ramener le déficit à 5 % du PIB, ce qui nécessite bel et bien un effort inédit et urgent de 60 milliards d’euros.
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est faux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Le Parlement disposera des voies et moyens, mais le cadre de notre responsabilité est intangible. Ces dernières semaines, j’ai souvent entendu parler de lignes rouges. Pour ma part, je n’en ai qu’une : c’est le redressement des comptes. Si l’équilibre que nous avons proposé – deux tiers d’économies de dépenses publiques et un tiers de hausses d’impôts – devait évoluer, je souhaite qu’il n’évolue que dans un sens, à savoir plus d’économies et moins d’impôts.
M. Jean-Philippe Tanguy
Mais c’est faux !
M. Aurélien Le Coq
Ce n’est pas vous qui décidez !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Plus d’impôts serait déraisonnable pour le contribuable, qui en paie déjà bien assez, et pour notre économie, qui ne s’en remettrait pas, nos finances publiques non plus.
M. René Pilato
Toujours la même rengaine !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je vous propose cette discipline non pour fermer le débat mais, au contraire, parce que je prends nos échanges très au sérieux. Je prends aussi très au sérieux le fait de construire avec vous un chemin de responsabilité et de redressement, afin de renouer avec une trajectoire de finances publiques soutenable. Il y va tout simplement de notre capacité à investir, à protéger nos concitoyens et nos entreprises face aux crises futures, à consolider les droits sociaux de nos concitoyens, à être aux côtés des collectivités lorsqu’elles ont besoin du soutien de l’État. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) Le Gouvernement fixe le cadre et propose un chemin : c’est un chemin difficile, mais aussi un chemin d’équilibre. Le Parlement s’en saisira en responsabilité. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. Jean-René Cazeneuve
Et la motion de rejet ?
M. Alexis Corbière
Madame la présidente !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
En ce début d’examen du projet de loi de finances, mon analyse tient en six points. Premièrement, les hypothèses macroéconomiques manquent de crédibilité. (Approbations sur quelques bancs des groupes RN et LFI-NFP.) Le Gouvernement évalue la croissance économique pour 2025 à 1,1 % – prévision cohérente avec celles des organismes spécialisés, mais qui ne tient pas compte de l’effet récessif des mesures annoncées. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) estime l’impact des hausses d’impôts et des baisses de dépenses – qui atteignent près de 2 points de PIB – entre 0,4 et 0,5 point de PIB – l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) allant même jusqu’à 0,8 point.
Or, messieurs les ministres, vous avez soutenu devant la commission des finances, le 9 octobre, que votre prévision de 1,1 % de croissance « intégrait les effets récessifs potentiels » en raison de trois éléments favorables : la baisse de l’inflation, l’effet des réformes de l’assurance chômage et des retraites, ainsi que la baisse des taux d’intérêt. Pourtant, le HCFP estime « que les effets attendus de la réforme de l’assurance chômage semblent surestimés ». Par ailleurs, la baisse de l’inflation et des taux d’intérêt ne se traduiront pas automatiquement par une reprise de la consommation. Le taux d’épargne des ménages reste à un niveau très élevé et l’incertitude politique pèse sur l’économie. Enfin, le contexte international nuit à la confiance des entreprises et des particuliers.
En bref, votre prévision de 1,1 % n’est pas réaliste. Ou bien vous intégrez les effets récessifs de vos annonces et vous devriez parier sur une croissance de 0,5 à 0,6 %, et en tirer les conséquences sur le niveau des recettes. Ou bien vous maintenez votre chiffre, ce qui signifie implicitement que votre hypothèse de départ était proche de 1,5 à 1,7 % du PIB, ce qui serait complètement irréaliste.
Deuxièmement, le niveau des efforts de 60 milliards est excessif…
M. Alexis Corbière
C’est vrai !
M. Charles de Courson, rapporteur général
…et la répartition entre la majoration des recettes et la réduction des dépenses est déséquilibrée. Le Gouvernement annonce que l’an prochain, l’effort de 60 milliards sera réparti entre deux tiers de baisse des dépenses et un tiers de hausse des recettes. Il s’agit d’une tendance : en effet, les 60,6 milliards sont décomposés en 41,3 milliards d’économies et 19,3 milliards de recettes supplémentaires. Toutefois, un retraitement comptable s’impose, car le reprofilage des allègements de cotisations sociales – 4 milliards net –, le mécanisme de résilience des collectivités locales – 3 milliards –, la hausse des cotisations patronales pour la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) de 2,3 milliards et la réduction des niches sociales spécifiques de 0,7 milliard sont en fait des hausses de recettes. Nous nous retrouvons donc avec 31,3 milliards d’économies et 29,3 milliards de hausse des recettes, soit quasiment moitié-moitié.
M. Jean-Philippe Tanguy
Exactement !
M. Charles de Courson, rapporteur général
C’est d’ailleurs ce qui est indiqué dans le tableau 11 du plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) relatif aux prélèvements obligatoires, qui évalue à 29,5 milliards la hausse des prélèvements obligatoires. Toutefois, si on compare stricto sensu 2025 à 2024, comme l’a fait le HCFP, la hausse des prélèvements obligatoires sera de 0,8 point de PIB et la baisse des dépenses publiques de 0,3 point de PIB : nous serions donc plutôt à deux tiers de hausse de recettes et un tiers de baisse des dépenses. (Mme Marine Le Pen et M. Jean-Philippe Tanguy applaudissent.)
M. Jean-Philippe Tanguy
Voilà la vérité !
M. Charles de Courson, rapporteur général
En 2025, avec 60 milliards d’économies et de nouvelles recettes, le Gouvernement va trop loin. La réduction trop rapide du déficit public ne peut se faire sans plomber la croissance et l’investissement. Veillons donc à ce que nos efforts ne soient pas contre-productifs. Une baisse d’une trentaine de milliards par an serait plus raisonnable, comme vous le proposez d’ailleurs à partir de 2026 jusqu’en 2029.
L’exécutif se trouve en réalité face à un paradoxe : il doit fournir dès 2025 des efforts substantiels pour convaincre l’Union européenne de la reprise en main de nos finances, mais, dans le même temps, la puissance du freinage est telle qu’elle met à mal la réalisation de la projection.
Troisièmement, s’il est normal que les collectivités territoriales contribuent à nouveau au redressement des finances publiques, cette participation est disproportionnée au regard de leur responsabilité dans le dérapage des finances publiques. Vous leur demandez un effort de 7,8 milliards : création d’un fonds de réserve de 3 milliards, mesure sur la CNRACL de 1,3 milliard, réduction du fonds Vert de 1,5 milliard en autorisations d’engagement, gel de la dynamique de la TVA affectée pour 1,2 milliard et réduction du taux du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) à hauteur de 800 millions.
Le gouvernement précédent avait rejeté la responsabilité de la dérive du déficit public de 2024 sur un supposé dérapage des finances locales. Néanmoins, le montant de 16 milliards avancé le 2 septembre par les ministres de l’époque est largement surestimé. Il a en effet été calculé sur la base d’une trajectoire irréaliste prévue dans le programme de stabilité du printemps dernier, à savoir une augmentation, en valeur, de 1,8 % des dépenses de fonctionnement et de 7,8 % des dépenses d’investissement. Or, dans le PSMT récemment établi, vous estimez la croissance des dépenses de fonctionnement à 4,6 % et celle des dépenses d’investissement à 14,1 %. L’écart est donc de 11 milliards – et encore, par rapport à des trajectoires complètement sous-estimées. Il y a peut-être 5 à 6 milliards de dérapage, mais pas 16.
Par ailleurs, permettez-moi de rappeler que le déficit des administrations publiques locales représente à peine un dixième du déficit de l’État. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) C’est pourquoi nous avons été nombreux à nous opposer en commission à la baisse excessive du taux du fonds de compensation pour la TVA. La stabilisation de son montant en 2025 représenterait déjà un effort conséquent et s’accorderait avec le cycle électoral. Par ailleurs, le gel de la TVA affectée ne permet pas la juste compensation aux collectivités des effets de la réforme de la fiscalité locale, pourtant prévue par la loi. Ces deux mesures ont d’ailleurs été supprimées en commission.
Quatrième observation : nous devons être vigilants s’agissant de notre débat en séance publique. Celui de la commission des finances a montré que des majorités à géométrie variable étaient possibles sur chaque amendement, ce qui a abouti à des votes parfois incohérents – on a même parlé d’un « concours Lépine fiscal », mais je laisse à son auteur la responsabilité de cette expression. Nous avons assuré le rendement de la contribution différentielle sur les hauts revenus, réduit l’optimisation fiscale liée au pacte Dutreil et augmenté de 10 % la fiscalité sur les capitaux mobiliers. Nous sommes même parfois entrés dans une forme de surenchère : je pense au doublement de la contribution exceptionnelle sur le fret maritime, à la taxe sur les superprofits ou encore à celle sur les rachats d’actions. Que restera-t-il de ces propositions après l’examen en séance ?
Pour ma part, j’estime que les mesures adoptées en commission représentent une hausse d’impôts d’un montant brut très inférieur aux 50 milliards évoqués par certains, mais cette hausse s’additionne aux 30 milliards prévus par le Gouvernement, ainsi qu’au 1,5 milliard ajouté au moyen d’amendements relatifs au prélèvement sur les jeux et à la taxe sur le transport aérien. Serons-nous capables de voter également des baisses de dépenses ou d’en proposer de nouvelles ?
M. Antoine Vermorel-Marques
Ah !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je pense, en particulier, aux 5 milliards d’économies qui seront proposées par le Gouvernement par voie d’amendement. Quant à nous, nous devons user de notre droit d’amendement de manière raisonnable et responsable. Or, avec près de 3 700 amendements déposés, il est clair que nous ne pourrons pas terminer l’examen du projet de loi de finances dans la quarantaine d’heures prévue à cet effet, c’est-à-dire avant vendredi à minuit. Même en ouvrant les séances du samedi pour porter la durée du débat à une cinquantaine d’heures, il faudrait un rythme de soixante-dix amendements à l’heure pour pouvoir tous les examiner. Je rappelle que le vote solennel du texte est prévu le mardi 29 octobre. Prenons garde, chers collègues, à ne pas détruire notre droit d’amendement par un recours excessif au dépôt d’amendements.
Cinquième observation : de nouvelles mesures sont nécessaires pour répondre aux urgences. Ainsi, s’agissant du logement, l’extension à tout le territoire du prêt à taux zéro va dans la bonne direction. De même, nous devons soutenir le secteur locatif privé, qui représentait, selon l’Insee, un quart de l’ensemble des logements au 1er janvier 2024. C’est pourquoi nous sommes plusieurs à penser qu’il importe de créer un statut du propriétaire bailleur pour soutenir la relance de l’offre privée de logements.
Enfin, en parallèle du PLF, des mesures fortes doivent être prises dans le secteur de la santé. Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), l’hôpital public a besoin de 2,4 milliards supplémentaires en 2024 et de près de 4 milliards de plus en 2025. Nous ne pouvons pas non plus faire l’impasse sur un réel financement de la dépendance.
Enfin, permettez-moi une sixième et dernière observation touchant à l’enjeu du débat en séance. Le projet de loi de finances pour 2025 s’inscrit dans un contexte budgétaire particulièrement dégradé.
Mme la présidente
Je vous remercie de conclure, monsieur le rapporteur général !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Or les conditions d’élaboration du texte, l’impossibilité d’une quelconque majorité dans notre assemblée et les délais très contraints de l’examen du budget rendent l’exercice pour le moins acrobatique. Pourtant, notre pays doit se doter d’un budget pour l’an prochain, et pas n’importe lequel. Ce budget devra résulter d’un vote démocratique, tenant compte des différentes sensibilités du pays, et constituer un texte consolidé, cohérent, dans lequel se dessinent de véritables choix nationaux. Espérons que le Gouvernement et tous les députés dans leur ensemble feront en sorte de protéger le pouvoir fondamental de l’Assemblée nationale : celui de voter l’impôt. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LIOT et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Madame la présidente Nadège Abomangoli, je suis très heureux de parler sous vos auspices pour votre première présidence. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont plusieurs députés se lèvent.)
« Boucherie fiscale », « boîte de Pandore fiscale », « budget Frankenstein », « massacre à la tronçonneuse de nos entreprises », « saignée pour le pouvoir d’achat » : voilà comment certains députés du camp présidentiel décrivent le budget transformé par la commission des finances.
M. Nicolas Forissier
Ils ont raison !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Mais de quoi parlent-ils exactement ? De la pérennisation d’un dispositif qui doit permettre aux 24 300 foyers les plus riches de payer 20 % d’impôt sur leur revenu. C’est un minimum. Pourquoi leur taux d’effort fiscal serait-il inférieur à celui des contribuables de la première tranche de l’impôt sur le revenu ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Ces députés visent aussi l’augmentation du prélèvement forfaitaire unique (PFU) de seulement 3 points, soit 1 milliard d’euros de prélèvements supplémentaires, alors que les revenus du patrimoine ont augmenté de 59 milliards en 2023 selon l’Insee. Ils pensent aussi à la taxe de 15 milliards sur les superprofits, alors que le CAC40 a cumulé plus de 146 milliards de bénéfices, dont 36 milliards de superprofits, selon Oxfam.
Ces députés craignent une taxe de 1 milliard sur les superdividendes, alors que le CAC40 en a versé plus de 68 milliards en 2023, soit une progression de 44 % par rapport à 2017. (Mêmes mouvements.) Ils protègent CMA-CGM en s’effrayant du doublement de la taxe sur les entreprises de transport maritime, portée à 500 millions d’euros – une broutille, quand leurs profits dépassent 70 milliards sur trois ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Jean-Victor Castor applaudit également.) Ils refusent de taxer les bénéfices des multinationales réalisés en France, mais fiscalement délocalisés, alors qu’une telle mesure pourrait rapporter jusqu’à 26 milliards. Ils refusent également de taxer les 30 milliards d’euros de rachats d’actions des plus grandes entreprises et d’encaisser ainsi 1 milliard supplémentaire.
La liste ne s’arrête pas là : reconduction de la taxe sur les énergéticiens, instauration d’une taxe pour lutter contre la spéculation sur le prix de l’énergie, augmentation de la taxe sur les Gafam, renforcement de la taxe sur les transactions financières, amélioration de la lutte contre la fraude fiscale, diminution des niches fiscales injustes ou peu efficaces, comme le crédit d’impôt recherche (CIR), quand elles concernent les très grandes entreprises telles Sanofi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous nous accusez de taxer les PME. Au contraire ! Rien ne justifie à nos yeux qu’elles paient plus d’impôts que les grandes multinationales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
M. René Pilato
Exactement !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je m’arrête là car nos concitoyens ont évidemment compris qui ces commissaires aux finances défendent. Alors que le poids des 500 plus grandes fortunes a augmenté de 1 000 milliards d’euros en vingt ans, ma commission proposait, modestement, de lever 60 milliards d’euros supplémentaires pour les redistribuer. Vous-même, monsieur le ministre chargé du budget, avez versé dans le registre horrifique. Vous avez parlé sur France Info d’« enfer fiscal » au motif que la commission voudrait, selon vous, taxer l’héritage de tous les Français.
M. Nicolas Sansu
C’est faux !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
L’amendement visé, déposé par Jean-Paul Mattei du groupe MODEM (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR),…
M. Alexis Corbière
Un bolchevique !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous n’aimez pas le MODEM !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
…réduit légèrement le traitement fiscal très avantageux des assurances vie lors des successions – une niche fiscale de 5 milliards qui ne profite qu’aux gros héritages. Ne faites pas croire que tous les Français sont solidaires des très riches ! Je rappelle que près de la moitié d’entre eux ne touche pas ou peu d’héritage.
M. Alexis Corbière
C’est vrai !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Parmi ceux qui héritent, le taux moyen d’imposition est de 5 % ; 87 % d’héritiers n’ont rien à payer du tout.
Un enfer fiscal, vraiment ? Pas pour tous les Français, à qui nos amendements rendraient la vie un peu moins infernale. Nous avons supprimé l’augmentation de 6 milliards d’euros sur leur facture d’énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS. – M. Nicolas Sansu applaudit également.) Nous avons réduit la TVA pour les premiers kilowattheures nécessaires à la vie et à la dignité. Nous avons exonéré de TVA certains produits pour lutter contre la vie chère en outre-mer. (Mêmes mouvements.) Nous avons accordé des prêts à taux zéro aux primo-accédants. Nous avons rendu plus avantageux le régime fiscal sur les frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes en Ehpad, comme l’a proposé ma camarade Christine Pirès Beaune. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Nous avons aussi desserré l’étau sur les collectivités locales en indexant la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation. Enfin, nous avons voulu commencer à investir plus sérieusement dans la bifurcation écologique.
S’il ne s’agit pas d’un enfer fiscal pour tous les Français, l’est-il pour les plus riches, les détenteurs du capital ? Même pas ! C’est à peine un purgatoire. Ces amendements visent uniquement à reprendre une petite partie des cadeaux accordés depuis 2017. (M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit.) Michel Barnier voulait 60 milliards, nous les lui avons trouvés. Oui, nous préférons les prendre dans les poches pleines de quelques-uns plutôt que dans les poches de la grande majorité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
Avec ces 60 milliards supplémentaires, la commission des finances a voulu améliorer les conditions de vie de ceux qui vont souffrir de vos 36 milliards de coupes dans les dépenses sociales et publiques. Vous proposez une baisse de dépenses de 21,5 milliards pour les services de l’État. À l’exception des ministères des armées et de l’intérieur, tous les ministères verront leur budget sacrifié. Avant le rabot supplémentaire de 5 milliards que le Gouvernement compte passer par voie d’amendement, nous en sommes à 22 % en moins pour l’aide publique au développement (APD), 11 % en moins pour le travail et l’emploi, 10 % en moins pour l’outre-mer, 8 % en moins pour l’agriculture et 4 % en moins pour les solidarités.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Une honte !
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est scandaleux !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
En cette année olympique où on nous a expliqué toute l’importance du sport, son ministère verra son budget réduit de 18 %.
Mme Danielle Simonnet
Quelle honte !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Pour l’éducation nationale, la coupe prévue dépasse le milliard, auquel s’ajoute la suppression de 4 000 postes d’enseignants ! Quant à la recherche et à l’enseignement supérieur, 1,8 milliard d’euros leur sera retiré. Devons-nous comprendre que les bourses ne seront pas revalorisées, alors qu’un étudiant sur trois saute des repas et qu’un sur cinq a besoin de l’aide alimentaire ?
Un député du groupe LFI-NFP
Bonne question !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Ce sinistre projet ne s’arrête pas là. Après ce premier musée des horreurs, il faut mentionner les économies sur les collectivités territoriales et sur la sécurité sociale : 5 milliards d’euros sur les premières – voire 9 milliards d’après le Comité des finances locales (CFL) – et 15 milliards sur la seconde. Ce sont des retraités qui ne verront pas leur pension revalorisée le 1er janvier et des chômeurs qui seront moins indemnisés.
Enfin, il y a le scandale écologique. Le Gouvernement a beau jeu de communiquer au sujet de l’augmentation du budget dédié : elle camoufle une baisse catastrophique de 16 % ! La hausse faciale s’explique uniquement par le versement de 4 milliards d’euros de compensation aux producteurs d’énergie verte – pas par choix, mais par obligation, en raison de la baisse du prix de l’électricité. Avec un budget vert si faible, le Gouvernement renonce à la bifurcation écologique.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Comment voulez-vous encourager les élus locaux à accélérer la transition de leurs territoires si le fonds Vert est amputé de 60 % ? Récemment, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) a chiffré les besoins supplémentaires d’ici à 2030 à 50 milliards pour l’État et à 23 milliards pour les collectivités…
M. Laurent Croizier
Arrêtez de dépenser de l’argent que nous n’avons pas !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
…simplement pour atteindre les objectifs du plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc). Avec une telle réduction du budget de l’écologie, la marche devient si haute que je crains qu’elle soit bientôt infranchissable.
Moins de services publics, moins de protection sociale, mais plus de services privés à un coût exorbitant. Alors que les services publics permettent, selon l’Insee, de réduire de 50 % les inégalités, le budget proposé les fera exploser. La dernière enquête de l’Insee montre pourtant que le niveau des inégalités observé aujourd’hui est le plus élevé depuis 1996. N’est-ce pas déjà insupportable ? (M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit.) Voilà le bilan de sept années de macronisme ! Plus de 11 millions de pauvres, n’est-ce pas déjà intolérable ?
M. Alexis Corbière
Intolérable !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Il semblerait que non, puisque ce budget menace la solidarité nationale et le monde associatif. Quand l’État recule, c’est le secteur privé qui avance. Il avance, et fait payer plus cher le moindre service. Il avance, et prend un contrôle total sur les grandes entreprises dans lesquelles l’État avait encore quelques participations. La preuve que le but recherché est d’avantager le privé, c’est que des députés macronistes proposent de privatiser 10 % des parts que possède l’État dans certaines sociétés pour renflouer les caisses – mesure idéologique avantageuse pour les actionnaires du privé, mais terriblement désavantageuse pour l’État, puisque les dividendes de ces entreprises lui rapportent plus que ne lui coûtent les intérêts de la dette qu’il pourrait rembourser en vendant. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – M. Denis Fégné applaudit également.)
Et ce n’est pas le bon secteur privé qui profite de cette politique, avantageuse certes pour les actionnaires, mais pas pour toutes les entreprises ! Du fait de 8 milliards de coupes budgétaires, l’économie sociale et solidaire devra licencier à tour de bras : 186 000 emplois sur les 2,4 millions du secteur sont menacés. Vous voyez que le sort des entreprises nous importe.
Enfin, alors que l’activité économique fonctionne déjà au ralenti, votre budget réduira la croissance de 0,8 point selon l’OFCE. En diminuant autant la dépense, vous renoncez aussi à des recettes : moins de dépense publique, c’est moins d’activité et donc moins d’emplois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Je m’étonne que le Premier ministre n’explique pas aux Français qu’un coup de rabot de 40 milliards aurait pour effet de diminuer les recettes de 30 milliards, ce qui se traduirait par deux fois moins d’argent pour les services publics ou par l’augmentation des déficits.
Si le Premier ministre veut coconstruire le budget, qu’il prenne en considération les votes de la commission au lieu de promettre un 49.3 en cas de blocage. Celui-ci ne viendra pas des groupes d’opposition : 45 % des amendements déposés en séance ont été rédigés par des groupes qui participent au Gouvernement ; les deux groupes les plus importants de l’Assemblée sont largement en tête dans le dépôt d’amendements – c’est totalement inhabituel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR.)
J’ai introduit mon discours en évoquant les critiques qui nous ont été faites par le camp présidentiel. Je le conclurai par celle de mon estimé collègue David Amiel, qui considère que la commission des finances a été « un carnaval fiscal ». Cher collègue, quel bel hommage ! Oui, un carnaval au sens de l’Ancien Régime, un temps où une extrême minorité monopolisait droits et richesses. Pendant le carnaval, le monde d’alors était mis à l’envers : les pauvres sans aucun pouvoir prenaient la place des riches et des puissants. C’est bien là notre version du budget. Nous avons inversé l’ordre injuste que vous imposez depuis sept ans (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR) en donnant plus de moyens au peuple grâce à la redistribution d’une petite partie des richesses accumulées, grâce à vous, par les oligarchies. Notre carnaval fiscal, c’est la justice fiscale et sociale, et nous la revendiquons ! (Les députés du groupe LFI-NFP, ainsi que plusieurs députés des groupes SOC et GDR, se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marianne Maximi.
Mme Marianne Maximi
À mon tour, madame la présidente, de vous dire à quel point je suis fière de vous voir au perchoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Émilie Bonnivard
Si on vous gêne, on peut vous laisser !
Mme Marianne Maximi
Nous y voilà. Le débat le plus important pour notre pays commence ce soir dans un contexte grave et inédit : pas de majorité, un gouvernement des perdants et un immense déficit, que vous avez méthodiquement creusé. Bruno Le Maire, ancien ministre de l’économie, Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, et bien d’autres autorités politiques et institutions économiques ont été contraints de reconnaître la gravité de la baisse des recettes publiques, devant l’ampleur des dérapages successifs du déficit.
Tout cela porte à s’interroger sur la sincérité des documents et des prévisions budgétaires des précédents gouvernements. Comment les prévisions de croissance ont-elles pu être si éloignées de la réalité plusieurs années de suite ? La sincérité de nos débats n’est plus assurée quand le Gouvernement fournit des informations peu fiables à la représentation nationale. C’est pour cette raison que la commission des finances s’est constituée en commission d’enquête ; je salue cette initiative de son président Éric Coquerel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
La situation est telle que même le Président de la République a fini par admettre le problème. En avril dernier, il déclarait : « Nous n’avons pas un problème de dépenses excessives mais de moindres recettes. » Nous, le Nouveau Front populaire, avons pris le Président au mot.
M. Manuel Bompard
Exactement !
Mme Marianne Maximi
La semaine dernière, nous avons fait voter en commission des finances plusieurs milliards de recettes fiscales supplémentaires, ciblées sur les très riches de ce pays.
Mme Nathalie Oziol
Et voilà !
Mme Marianne Maximi
Depuis, le spectacle médiatique auquel nous assistons est déplorable. Les porte-parole du bloc présidentiel se surpassent, dans une surenchère médiatique ridicule, pour annoncer ce qui serait presque l’apocalypse, nous promettant l’exode massif des Françaises et des Français fuyant une « boucherie fiscale ». Cela ne fait pas honneur au débat public, car ces annonces sont parfaitement fausses – et vous le savez. Les mesures que nous avons fait voter ciblent ceux qui vivent sur le dos de ceux qui peinent à vivre de leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Nicolas Sansu applaudit également.)
La contribution exceptionnelle sur les ménages, que vous vouliez temporaire et que nous avons rendue permanente, concerne les plus fortunés, par exemple des couples qui gagnent plus d’un demi-million d’euros par an. Le rétablissement de l’exit tax vise à combattre l’exil fiscal. Ce ne sont pas les travailleurs en première ligne des urgences sociales, les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), les aides-soignantes, les petits commerçants ou les artisans qui s’expatrient pour échapper à l’impôt, mais, répétons-le, les grandes fortunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La taxe sur les superdividendes, que nous avions déjà fait adopter l’an dernier, cible elle aussi les grandes entreprises, en l’occurrence, les multinationales du CAC40, qui battent des records chaque année depuis la pandémie. Il en va de même pour la taxe sur les rachats d’actions, dont nous avons élargi le périmètre et augmenté le taux. Elle vise à dissuader les grandes entreprises de mener des opérations financières improductives et spéculatives plutôt que d’investir ou d’augmenter les salaires.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Eh oui !
Mme Marianne Maximi
Pas un centime n’a été pris aux classes populaires ou aux classes moyennes. Nous avons même fait mieux : nous avons annulé vos hausses d’impôts, par exemple sur l’électricité, que vous vouliez encore augmenter après une augmentation de 50 % en deux ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
M. Nicolas Sansu
Ils veulent encore le faire !
Mme Marianne Maximi
Nous avons fait adopter des baisses d’impôts ciblées sur les classes populaires. Ainsi, nous avons supprimé la TVA pour les associations d’aide alimentaire. Nous avons fait adopter la TVA à 0 % pour certains produits de première nécessité en outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), ainsi que la TVA réduite sur les premiers kilowattheures d’électricité. (Mêmes mouvements.) En fait, nous avons démontré que nous pouvons faire tout le contraire de ce qu’Emmanuel Macron impose au pays depuis sept ans. Il est possible de faire participer davantage les plus riches pour réduire les impôts des plus pauvres.
Mme Émilie Bonnivard
Et une taxe sur l’achat de stupéfiants ?
Mme Marianne Maximi
Nous voulons la justice fiscale plutôt que la saignée sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.) C’est de cela qu’il est question, tandis que votre budget opère un coup de rabot de 40 milliards sur les politiques et services publics.
Messieurs les ministres, vous demandez ce qu’est l’austérité, je vais vous le dire. C’est 4 000 postes de professeurs en moins, alors que déjà l’éducation nationale manque de bras et que des classes ferment. C’est 500 postes en moins pour la politique de l’emploi, la fin du chèque énergie automatique, des économies obtenues directement sur le dos des plus vulnérables, qui n’ont pas accès au numérique et qui sont en difficulté face aux démarches administratives. L’austérité, c’est aussi 100 millions en moins pour l’insertion des personnes en situation de handicap. Quel affront, après avoir oublié de nommer un ministre chargé du handicap !
M. Laurent Croizier
Vous allez mentir longtemps comme ça ?
Mme Marianne Maximi
L’austérité, c’est 4 milliards en moins pour la santé, alors que les déserts médicaux avancent et touchent même les zones urbaines. C’est le gel des pensions de retraite, les coupes sur l’écologie, les baisses du budget de MaPrimeRénov’ et du fonds Vert pour les collectivités locales. Alors que plusieurs régions, dont la mienne, ont subi des intempéries brutales ces dernières semaines et que nous assistons à l’accélération d’évènements climatiques extrêmes, que faites-vous ? Vous nous parlez de la dette écologique, mais vous la creusez vous-même avec de telles coupes. En réalité, vous nous préparez un dépôt de bilan des services publics.
Les seuls protégés par votre budget, ce sont les plus riches. Les contributions que nous leur demandons dans notre budget ne sont que justice.
M. Philippe Juvin
Taxes, taxes, taxes !
Mme Marianne Maximi
En sept ans, vous leur avez offert des milliards d’euros de cadeaux fiscaux. Il est temps que le ruissellement s’inverse et que ceux qui ont accumulé des fortunes indécentes participent enfin, à leur juste part, au financement des services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Cependant, toutes ces propositions, vous les avez rejetées en votant contre le budget amendé. Ne me dites pas que nous aurions créé un déséquilibre. Monsieur Saint-Martin, vous avez parlé d’un budget d’équilibre, mais c’est votre version qui est déséquilibrée. Vous demandez seulement 20 milliards à ceux qui ont plus et 40 milliards à ceux qui ont moins et qui dépendent des services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-François Coulomme
Elle a raison !
Mme Marianne Maximi
Pour rejeter ce budget amendé, le bloc présidentiel a su compter sur un allié bienvenu : l’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations prolongées sur les bancs du groupe RN.)
Comme à son habitude, le RN s’est fait la béquille de la Macronie.
M. Jean-Philippe Tanguy
Stop, arrêtez !
Un député du groupe LFI-NFP
Complices !
Mme Marianne Maximi
Chaque fois que vous avez pu, mesdames et messieurs du RN, vous avez voté contre les mesures de justice fiscale. Votre petit jeu, qui consiste à faire des propositions à trous et inoffensives, comme votre prétendu impôt sur la fortune immobilière, ne trompe personne.
Plusieurs députés du groupe RN
Sur la fortune financière !
Mme Marianne Maximi
Vos votes parlent pour vous. Nous proposons de rétablir et de renforcer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) avec une composante climatique : le RN vote contre avec la Macronie. Le rétablissement de l’ISF supprimé par Emmanuel Macron est voulu par 80 % des Français : le RN vote contre avec la Macronie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Vives protestations sur les bancs du groupe RN.) La taxation des super-héritages ? Le RN vote contre avec la Macronie.
M. Michel Guiniot
C’est toi qui as voté Macron !
Mme Marianne Maximi
Geler la CVAE pour trois ans afin de redonner des marges de manœuvre aux collectivités ? Le RN vote contre avec la Macronie. (Mêmes mouvements.) Que vous ont-ils promis pour que vous soyez autant à leur botte ? Une énième loi immigration, la reprise de quelques-uns de vos amendements, des postes au prochain remaniement ? Le bloc présidentiel n’a même pas besoin de faire tant d’efforts ni de concessions. En réalité, le RN partage le logiciel économique ultralibéral d’Emmanuel Macron. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations continues sur les bancs du groupe RN.)
Quand vous n’allez tout simplement pas dans le sens du vent, ce dont témoignent les incohérences entre vos députés à l’Assemblée nationale, qui soutiennent une petite augmentation de la flat tax, et Jordan Bardella qui déclare qu’il y est opposé et vous gronde sur les réseaux sociaux. (Mêmes mouvements.)
Plusieurs députés du groupe RN
C’est faux !
Mme Marianne Maximi
Autre incohérence, aujourd’hui même, en commission des affaires sociales, vous avez voté main dans la main avec la Macronie contre l’amendement visant à abroger la réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) La liste de vos renoncements et de vos retournements de veste ne fait que s’allonger depuis la dissolution. Vous n’avez qu’une boussole : instrumentaliser la détresse des classes populaires qui subissent Emmanuel Macron depuis sept ans avec de fausses promesses que vous jetez à la poubelle une fois élus, bien assis dans vos fauteuils. Votre seul objectif est d’alimenter les fractures et les divisions au service de votre idéologie raciste et xénophobe. (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.) Vous êtes une arnaque sociale. Nous l’avons déjà dit, nous le répétons et vous le démontrez à chaque vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement ! Elle a raison !
Mme la présidente
S’il vous plaît, un peu de calme !
Mme Marianne Maximi
J’ai maintenant une question pour le bloc présidentiel : comment comptez-vous faire adopter ce budget ? Vous êtes minoritaires et pourtant, vos votes le montrent, vous n’avez aucune intention d’infléchir votre politique économique. L’histoire va-t-elle se répéter ? Allez-vous une nouvelle fois imposer un budget d’injustice sociale à coups de 49.3 ? Vous nous trouverez évidemment sur votre chemin, car nous déposerons alors une motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
Le Premier ministre s’est dit ouvert aux compromis, mais où sont-ils ? Négociés dans les ministères, à l’abri des regards, selon votre bon vouloir et les alliances de circonstance ? Pourtant, quoi de mieux pour trouver des compromis que la démocratie parlementaire, comme nous l’avons démontré en commission des finances ? (Mêmes mouvements.)
M. Laurent Jacobelli
Pourquoi as-tu voté Macron ?
Mme Marianne Maximi
Il est grand temps de tourner la page d’une politique qui a creusé le déficit au profit de quelques-uns et qui a été battue dans les urnes il y a quatre mois. Votre gouvernement et votre budget sont illégitimes. Un autre budget est possible : au cours des débats à venir, le Nouveau Front populaire en fera la démonstration. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi sur quelques bancs des groupes EcoS et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun
Messieurs les ministres, en vous écoutant, j’ai été pris d’un doute : auriez-vous donc gagné les dernières élections législatives ? (« Non ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Philippe Vigier
Ça suffit !
M. Laurent Croizier
Parlez du fond, ça vous changera !
M. Philippe Brun
En vous écoutant, monsieur Armand, j’ai été saisi par l’arrogance de votre propos. Vous semblez avoir oublié que nous sommes réunis dans une assemblée qui doit voter pour la première fois 60 milliards d’économies et de recettes nouvelles, un chiffre inégalé sous la Ve République. Vous semblez également oublier que nous nous trouvons face à une aggravation du déficit de 50 milliards, ce qui est également inédit depuis 1945, aggravation dont vous avez la seule responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Nicolas Sansu applaudit également.)
Mes chers collègues, j’ai consulté les archives de notre assemblée. Jamais, même pendant la période de la reconstruction après 1945, il n’y a eu un tel décalage entre les prévisions et l’exécution budgétaires.
Monsieur Saint-Martin, je vous ai entendu critiquer le travail accompli par la commission des finances dont vous n’êtes même plus membre, car le suffrage universel vous a retiré cette confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Inaki Echaniz
Eh oui, un peu de dignité !
M. Philippe Brun
Messieurs les ministres, en prenant la parole au nom du groupe socialiste, j’ai en mémoire une citation de l’un de mes prédécesseurs, Pierre Mendès France, député de ma circonscription, dans l’Eure, s’adressant à l’Assemblée : « Des comptes en désordre sont le signe d’une nation qui s’abandonne. » Le désordre, messieurs les ministres, c’est vous qui l’avez créé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
M. Fabien Di Filippo
L’inversion de la courbe du chômage aussi !
M. Philippe Brun
Faut-il remonter à l’année 2017 quand le Président de la République a défendu pour la première fois son budget ? Vous étiez vous-même rapporteur général du budget, monsieur Saint-Martin. À l’époque, le déficit public de la France laissé par les socialistes s’élevait à 2,5 points de PIB – nous en rêverions à présent. À l’époque, la dette était maîtrisée. Nous n’avons certes pas tout réussi, mais la croissance était en train de repartir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Voilà ce que vous avez fait du bilan budgétaire que nous vous avons laissé.
Quels moyens proposez-vous pour résoudre ce problème ? Le budget que vous nous présentez est marqué par la même insincérité que les budgets qui l’ont précédé. D’abord, on ne comprend pas l’élasticité des recettes par rapport à la croissance : d’où vient ce trou ? Elles n’évoluent plus au rythme de la croissance, et pourtant, vous reprenez les mêmes hypothèses, selon lesquelles les recettes fiscales augmenteraient d’un point l’an prochain, au même rythme que la croissance. Pourtant, vous avez vous-mêmes fait la démonstration que la faible hausse des salaires, d’un côté, la faible consommation de l’autre, ne feraient progresser les recettes fiscales que de 0,4 à 0,6 point par rapport à la croissance.
Le budget que vous proposez tente de défendre la croissance. Cependant, messieurs les ministres, expliquez-nous comment vous voulez défendre la croissance en faisant 40 milliards d’économies, quand on sait à quel point la dépense publique est importante et tire la croissance. Lisez la récente publication de l’OFCE, qui, jusqu’à preuve du contraire, n’est pas une officine gauchiste : votre budget détruira 130 000 emplois privés.
Votre budget entraînera également une division par deux de la croissance. En effet, comment défendre la croissance, lorsque l’on vote un budget qui cassera l’économie, nos entreprises et la dynamique que nous voulons créer ?
M. Arthur Delaporte
Il a raison !
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est scandaleux !
M. Philippe Brun
Messieurs les ministres, il s’est trouvé dans la commission des finances des femmes et des hommes volontaires, qui se sont rejoints sur un certain nombre de votes. Je m’inscris en faux contre la présentation fallacieuse que vous avez faite, au sortir de nos débats : faire croire que la gauche pourrait elle-même, seule, faire adopter tant de mesures fiscales sans l’apport d’autres groupes ! Jusqu’à preuve du contraire, je ne crois pas que le Nouveau Front populaire ait de majorité absolue dans cette assemblée ni en commission des finances… (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Laurent Croizier
Ah, enfin !
M. Thomas Ménagé
Il a compris ! (Sourires.)
M. Philippe Brun
Lorsque j’entends parler de concours Lépine fiscal, je me demande bien qui sont les députés qui ont voté pour nos propositions. David Amiel – qui est parti – nous a expliqué que cette commission des finances, c’était la boucherie fiscale : est-ce le même Amiel David qui a proposé d’alourdir la taxation des successions les plus importantes ?
J’entends notre collègue Jean-Paul Mattei dire que le fardeau fiscal est trop lourd : est-ce le même Mattei Jean-Paul qui nous a fait adopter près de quinze amendements visant à alourdir la fiscalité du capital, par l’augmentation du prélèvement forfaitaire unique et la taxation des successions aux montants les plus élevés ? Nous y sommes favorables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. Philippe Vigier
On croirait entendre du François Hollande !
M. Philippe Brun
J’entends également notre collègue Véronique Louwagie reprendre l’expression du Premier ministre qui évoquait un « concours Lépine fiscal ». Est-ce la même Louwagie Véronique qui nous a fait voter le rétablissement de l’exit tax ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Ainsi, il s’est trouvé au sein de la commission des finances des femmes et des hommes capables de travailler ensemble et de sortir des postures pour dire : oui, l’effort doit être justement partagé ; oui, nous devons rétablir les comptes publics, car il est inacceptable de laisser à notre pays une dette aussi importante. Comment faire pour que l’effort soit justement partagé ? Il faut avant tout décharger les classes moyennes et les classes populaires. À l’unanimité, nous avons voté pour l’annulation de la hausse de la taxation sur l’électricité – vote que cette assemblée devra confirmer dans les prochains jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Nous nous sommes aussi retrouvés – et nous nous retrouverons – pour défendre le droit à l’indexation des retraites, pour toutes celles et tous ceux qui n’ont eu que leur travail pour vivre hier et qui n’ont que le fruit de leur travail passé pour vivre aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
En effet, comment accepter que les 2 millions de retraités pauvres se retrouvent aujourd’hui en difficulté ? Je pense à ceux qui sont affiliés à la Mutualité sociale agricole (MSA) dont la retraite est d’environ 1 000 euros, et qui doivent faire face à l’augmentation endémique des prix alimentaires – 14 % encore, l’année dernière.
De tout cela, nous avons conscience, et nous avons su nous retrouver sur l’essentiel : rééquilibrer l’effort et décharger les classes populaires et les classes moyennes, mais également apporter tout notre concours pour proposer des recettes nouvelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Où les trouver ? Certainement pas sur le dos des petites et moyennes entreprises. Depuis des années, avec leur ancienne collègue Valérie Rabault, dont je regrette l’absence parmi nous, les socialistes demandent de baisser à 15 % le taux de l’impôt sur ces sociétés, en proposant d’augmenter le plafond des bénéfices qui permet de bénéficier de ce taux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Afin d’augmenter l’effort des plus aisés, nous continuerons à planifier la taxation des hauts revenus et à proposer une taxation ambitieuse des très grandes sociétés, en particulier de celles aujourd’hui très peu soumises à l’effort fiscal. En effet, comment accepter qu’un boulanger paye 25 % d’impôt sur les sociétés (IS), alors que le groupe CMA-CGM ne s’acquitte que de 2 % d’impôt sur les bénéfices qu’il réalise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes EcoS et LIOT.)
Comment accepter que de si nombreuses entreprises puissent autant défiscaliser leurs dépenses de recherche ? Le montant, aujourd’hui hors de contrôle, dépasse les 8 milliards d’euros. Grâce à l’action de Christine Pirès Beaune, nous voulons contrôler et changer ces méthodes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
C’est aussi grâce aux députés de la Droite républicaine – je pense à notre collègue Corentin Le Fur, qui nous a fait adopter un très bon amendement visant à exclure la finance et la banque de l’assiette du crédit d’impôt recherche. C’est la preuve qu’il n’y a nul sectarisme dans notre commission – en tout cas, pas celui de l’histoire que le Gouvernement veut nous faire avaler.
Nous voici devant un choix fondamental : que voulons-nous faire de ce budget ? Il y a le choix facile, celui du Gouvernement, qui consiste à caricaturer les positions majoritairement exprimées à l’Assemblé, à aller vers le pourrissement, comme on dit dans les manifestations étudiantes, à aller au clash, et finalement à imposer ce budget en utilisant l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Que voulez-vous, messieurs les ministres ? Jouer l’avenir de la France avec une pièce lancée en l’air, en observant qui ira – ou pas – voter la censure sur votre budget ?
La responsabilité, c’est ouvrir le dialogue. Je m’étonne de ne pas avoir vu vos conseillers dans nos bureaux et d’avoir reçu plus de lobbyistes de la CMA-CGM ou du tabac que de conseillers du ministre durant les dernières semaines ! Dans la situation que nous connaissons, il n’est pas acceptable que des dialogues de Bercy – ou de Lassay, puisque c’est plus près d’ici – n’aient pas été organisés ! Il n’est pas acceptable que nous commencions le débat sans aucune vision de ce que vous pourriez accepter de nos propositions !
Nous demandons que s’applique cette nouvelle méthode, et nous ne serons jamais les avocats du pire, car nous avons un sens élevé de la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Nous sommes le parti de celles et ceux qui n’ont que leur travail pour vivre, et la France n’aurait aucun intérêt – aucun – à voir son budget rejeté et nos entreprises, nos acteurs publics, se retrouver dans l’expectative d’un nouveau budget à adopter au mois de janvier ou de février.
L’intérêt national commande donc de nous entendre, de nous dépasser, d’aller au-delà de nous-mêmes, afin de trouver les solutions qui s’imposent pour le pays. Cet esprit de dialogue doit exclure tout sectarisme, et il ne s’accomode pas des positions définitives qui sont les vôtres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Martine Froger applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Laurent Croizier
Il y a donc encore plus sectaire que vous ?
M. Philippe Vigier
On croit rêver !
M. Philippe Brun
Il doit vous amener à considérer qu’un effort supplémentaire en recettes, reposant sur les plus aisés, est nécessaire ; il doit vous amener à sortir de vos postures, à nous écouter, car nous sommes les représentants du peuple. Nous sommes élus pour défendre les contribuables et les citoyens. Nous sommes ici pour consentir à l’impôt en leur nom. Et non, nous ne pouvons pas accepter un nouveau 49.3 qui piétinerait nos droits et notre mission.
Oui, il faut réduire les déficits ; oui, il faut réduire la dette ; oui, il faut partager l’effort. Les socialistes seront au rendez-vous. (Les députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés des groupes EcoS et LIOT applaudissent également.)
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Justine Gruet
Enfin quelqu’un qui s’y connaît !
Mme Véronique Louwagie
Avant de parler de 2025, permettez-moi d’évoquer le contexte budgétaire actuel, car il conditionne les arbitrages et les impératifs de la construction de ce budget. Selon les dernières estimations, le déficit public de 2024 devrait atteindre 6,1 % du PIB, soit un écart de près de 52 milliards d’euros – 52 milliards, je le répète – avec la prévision établie par la loi de finances initiale.
M. Michel Herbillon
Quelle honte !
Mme Véronique Louwagie
En 2025, sur cette même trajectoire et si aucune mesure de correction n’était prise, le déficit pourrait atteindre 7 % du PIB – messieurs les ministres, c’est vous-mêmes qui nous avez donné ce chiffre.
Parallèlement, le poids de la dépense publique n’en finit plus d’augmenter : en 2024, elle représente 55,4 % du PIB. Avec 3 228 milliards de dette publique, soit près de 113 % du PIB en 2024, la France est le troisième pays le plus endetté d’Europe, après la Grèce et l’Italie. Par ailleurs, cette situation contraste avec celle de certains de nos partenaires européens, qui ont déjà commencé à réduire leur déficit et leur dette. Compte tenu du dévissage de sa trajectoire budgétaire, la Commission européenne a placé la France en procédure de déficit excessif.
La dégradation de nos finances publiques, qui connaît une ampleur inédite sous la Ve République, exige une rupture. Le Premier ministre a raison de vouloir redresser nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme Émilie Bonnivard
Bravo !
Mme Véronique Louwagie
La Droite républicaine salue cette nouvelle orientation, qui est un levier essentiel et indispensable pour nous permettre de renouer avec notre souveraineté budgétaire. Oui, le Gouvernement doit redonner du crédit s’agissant des capacités de la France à contenir durablement sa dette et à restaurer la confiance de ses partenaires européens. En effet, la nécessité de crédibiliser nos objectifs et d’élaborer une trajectoire budgétaire réaliste est devenue impérieuse. La Droite républicaine souhaite accompagner le Premier ministre dans cette direction.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Sans blague ! (Sourires.)
Mme Véronique Louwagie
Toutefois, je le répète : la réponse à la réduction de notre déficit doit, avant tout, passer par une diminution significative et durable de la dépense publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) C’est ce qui nous a conduits, en commission des finances, samedi matin, à voter contre le budget alourdi de 50 milliards d’impôts supplémentaires par les amendements du Nouveau Front populaire, soutenus par le Rassemblement national. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Michel Herbillon
Le RN est le meilleur soutien de LFI !
Mme Véronique Louwagie
En vue d’un redressement à hauteur de 60 milliards d’euros, le Gouvernement propose un plan de 20 milliards de recettes nouvelles et de 40 milliards d’économies. Vous le savez, la Droite républicaine souhaite limiter au maximum les augmentations de fiscalité. La réponse au déficit excessif ne peut être d’augmenter les impôts sur les classes moyennes et la France qui travaille. Au contraire, elle doit prendre la forme d’une réduction massive de la dépense publique, afin d’enclencher – enfin – le redressement de nos comptes. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – « Vous êtes hors-sol ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
Les services publics sont à l’os !
Mme Véronique Louwagie
Durant ces débats, notre groupe restera très vigilant, afin que les hausses de recettes proposées par le Gouvernement ne pèsent pas sur le niveau de vie des Français et n’entament pas la compétitivité de nos entreprises. C’est pourquoi nous avons déposé des amendements visant par exemple à supprimer le durcissement du malus automobile. La nécessaire prise en compte des enjeux écologiques ne peut se faire au détriment d’une large partie de nos compatriotes. Nous devons faire une pause sur ce sujet.
Nous demandons également la suppression de l’article 7, qui ouvre la voie à une taxation accrue de l’électricité, alors que nous n’avons aucune certitude de bien – et de mieux – protéger nos citoyens face à l’augmentation des tarifs.
M. Xavier Breton
Très bien, c’est indispensable !
Mme Véronique Louwagie
En ne prévoyant aucune clause de revoyure, cet article comporte un risque réel pour la vie quotidienne des Français et leur pouvoir d’achat.
Concernant la revalorisation des retraites, même si cette mesure n’est pas dans le projet de loi de finances, l’effort demandé aux Français met à mal la confiance dans le mécanisme des retraites. Nous devons protéger nos retraités, notamment les plus faiblement pensionnés. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) La retraite n’est pas une aide sociale, mais le fruit d’une vie de travail.
C’est la raison pour laquelle nous vous avons proposé des mesures d’économies plutôt qu’un report de cette indexation des retraites dès le 1er janvier. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Dans cette quête du redressement de nos finances publiques, l’accent devra toujours être prioritairement mis sur la qualité de la dépense – monsieur le ministre, je rejoins vos propos sur ce sujet –, vers sa performance et donc sa diminution, et non vers des recettes nouvelles, solution de facilité. Le levier des recettes ne facilite pas l’effort. Sur ce point, il nous faut changer de culture – je vous rejoins encore, messieurs les ministres.
M. Sébastien Delogu
Vous cherchez une place au Gouvernement ou je me trompe ? (Sourires.)
Mme Véronique Louwagie
La Droite républicaine, force de propositions et toujours animée par cet esprit de responsabilité, a proposé, sous l’égide de Laurent Wauquiez (Applaudissements sur les bancs du groupe DR), un grand plan d’économies de 50 milliards d’euros. Outre le gel des missions hors domaine régalien, ce plan s’articule autour de trois axes que nous jugeons prioritaires : premièrement, réduire la pesanteur administrative,…
M. Sébastien Delogu
Deux : affaiblir les services publics ! Trois : protéger les riches !
Mme Véronique Louwagie
…deuxièmement, arrêter l’assistanat pour préserver la solidarité, et, troisièmement, mieux contrôler l’immigration.
Messieurs les ministres, dans votre projet de loi de finances, vous demandez un effort aux collectivités territoriales, qui, pour certaines, seront amenées à maintenir leurs dépenses au niveau de 2024. Dès lors, comment comprendre que l’État ne soit pas exemplaire en la matière et qu’il ne s’engage pas dans une année blanche des crédits budgétaires, hors charges financières et missions régaliennes ?
Vous avez évoqué une augmentation des dépenses de 0,4 % en volume, mais s’il y avait une année blanche, ce serait une économie supplémentaire de 18 milliards pour le budget présenté. Vous pouvez d’abord compter sur nous pour vous accompagner dans la construction d’un budget qui réduira le train de vie de l’État.
M. Idir Boumertit
Eh ben voyons !
Mme Véronique Louwagie
Monsieur le ministre de l’économie, je note que vous avez mentionné plusieurs fois cette possibilité.
Ensuite, nous vous accompagnerons afin de mieux rémunérer le travail, et il s’agira enfin de prendre en compte les exaspérations des citoyens qui ne comprennent plus certaines mesures.
Concernant le train de vie de l’État, il faut aller plus loin qu’une réduction des effectifs de l’ordre de 2 200 agents, alors que le nombre de départs à la retraite sera de 50 000 en 2025. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre chargé du budget, nous pouvons faire plus, faire mieux, avec moins. Nous demandons d’aller plus loin que le non-remplacement des agents : nous demandons un gel des recrutements d’un an dans l’administration d’État, hors ministères régaliens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.) Cela représenterait 1,2 milliard d’économies.
S’agissant des nombreuses agences de l’État et des opérateurs, nous devons mettre fin à la trajectoire exponentielle des dépenses, qui, en six ans, ont représenté une hausse de plus de 30 milliards d’euros et de plus de 30 000 agents.
M. Sébastien Delogu
Et alors ?
Mme Justine Gruet
C’est du délire !
Mme Véronique Louwagie
Le PLF pour 2025 prévoit des crédits pour les opérateurs à hauteur de plus de 55 milliards d’euros. Nous vous demandons d’engager l’État dans un effort de 2 % concernant ces opérateurs : cela permettrait de faire 1 milliard d’euros d’économies.
Un député du groupe DR
C’est un minimum !
Mme Véronique Louwagie
Ensuite, il faut mieux rémunérer le travail.
Mme Justine Gruet
Oui, ça le favorisera !
Mme Véronique Louwagie
Il n’est pas normal que des personnes qui travaillent aient des difficultés pour boucler les fins de mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
M. Jean-Paul Lecoq
Vous avez raison ! Augmentez les salaires des enseignants !
Mme Véronique Louwagie
Nos concitoyens ne comprennent pas le peu, voire l’absence d’écart entre les revenus de ceux qui travaillent et de ceux qui ne travaillent pas. Oui à la solidarité, non à l’assistanat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Enfin, certains sujets exaspèrent nos concitoyens. Je pense notamment à l’AME – aide médicale de l’État – dont le dispositif devient hors de contrôle. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – « N’importe quoi ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) En tant que rapporteure spéciale de la mission Santé depuis plusieurs années, je parle en connaissance de cause. L’AME coûte aujourd’hui 1,2 milliard d’euros, et il y a près de 20 000 bénéficiaires supplémentaires par an ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Un député du groupe DR
Mais où va-t-on ?
M. René Pilato
Quelle honte !
Mme Véronique Louwagie
Dans une période où l’on demande des efforts aux Français – nous pouvons le comprendre –, une augmentation de 100 millions de l’aide médicale de l’État est mal perçue.
M. Nicolas Forissier
Très mal perçue !
Mme Véronique Louwagie
Vous le savez, messieurs les ministres, pour réduire la dépense, il faut modifier le dispositif en profondeur car baisser les crédits budgétaires dans le cadre d’une politique à guichet ouvert ne diminue aucunement les dépenses, mais crée seulement une créance de l’État. (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Nous proposons donc de réviser le panier de soins, ce qui conduira à une économie de 300 millions d’euros.
M. Jean-François Coulomme
On se rapproche des 60 milliards ! (Sourires.)
Mme Véronique Louwagie
Je veux aussi parler du titre de séjour pour soins, qui permet à quelque 30 000 étrangers de bénéficier de soins pour des pathologies quelquefois coûteuses : 500 millions d’euros sont ainsi engagés chaque année pour 5 000 étrangers souffrant d’insuffisance rénale terminale.
Mme Émilie Bonnivard
Des Américains, des Canadiens ! Et ça ne gêne pas LFI !
Mme Véronique Louwagie
Les crédits de l’aide publique au développement ont connu une évolution hors du commun.
M. Sébastien Delogu
N’importe quoi !
Mme Véronique Louwagie
Eu égard à la situation catastrophique de nos comptes, nous proposons de les ramener au niveau de 2019, soit 1,1 milliard d’économies. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Le présent texte doit aussi nous engager pour le futur, et comprendre des réformes majeures pour améliorer la qualité des services publics et le quotidien des Français. Si, dès 2025, nous réalisons des économies, nous devrons assurer leur pérennité par des réformes structurelles majeures.
La Droite républicaine a d’ores et déjà fait des propositions visant à « débureaucratiser » notre administration, à réorganiser les missions de l’État et des collectivités territoriales, à mener une grande refonte des prestations sociales et des allocations, en créant une allocation sociale unique.
M. Sébastien Delogu
Merci, c’est terminé !
Mme Véronique Louwagie
Soyez-en assurés, messieurs les ministres, nous souhaitons que le Premier ministre réussisse à restaurer une souveraineté budgétaire à toute épreuve, parce que c’est dans l’intérêt du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Idir Boumertit
Ils nous mèneront dans le mur !
Mme la présidente
Madame la députée, il faut conclure !
Mme Véronique Louwagie
Vous pouvez compter sur les parlementaires de la Droite républicaine pour construire un budget sérieux. Les circonstances… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – L’oratrice est vivement applaudie sur les bancs du groupe DR.)
Plusieurs députés du groupe DR
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas
Du projet de loi de finances et de son examen en commission, je retiendrai trois choses.
D’abord, la mise en minorité du projet libéral et austéritaire de votre gouvernement.
Ensuite, l’alliance objective des réactionnaires – vous-mêmes et le Rassemblement national – contre l’écologie. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Enfin, une saignée sans précédent imposée aux budgets des collectivités locales.
Commençons, messieurs les ministres, par cette réalité qu’il vous faut accepter : la commission, reflétant le choix des Français, a clairement mis en minorité votre budget libéral. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Sébastien Delogu applaudit également.)
Vous ne pouvez pas, encore une fois, imposer vos options de force, par le 49.3 !
Les Français veulent la justice fiscale et la préservation de nos services publics, par un effort partagé.
M. Sébastien Delogu
Exactement !
Mme Eva Sas
Face au déficit, ils refusent que vous demandiez beaucoup au plus grand nombre et bien peu aux plus riches ; que vous coupiez dans les dépenses, au lieu de rétablir les recettes. Ils refusent que vous continuiez à protéger les grandes fortunes et les superprofits à l’heure où tout le monde doit contribuer à l’effort de redressement des comptes publics, à commencer par ceux qui en ont les moyens.
Car les efforts que vous prétendez demander aux plus riches et aux entreprises sont pour l’essentiel cosmétiques. Votre taxe sur les rachats d’actions est ridicule car elle est assise uniquement sur la valeur nominale de l’action. À titre d’exemple, la valeur nominale de l’action de L’Oréal est de 20 centimes, alors que sa valeur de marché s’élève à 372 euros.
Personne ne croit non plus au rendement de 8 milliards que vous prétendez atteindre en taxant les grandes entreprises avec votre contribution exceptionnelle sur les bénéfices.
Quant à votre contribution différentielle sur les hauts revenus, elle manquait déjà sa cible car elle était assise non sur le patrimoine mais sur les revenus, alors que les très gros patrimoines organisent la faiblesse de leurs revenus. Or vous nous avez adressé toute une série d’amendements qui visent à en affaiblir encore la portée.
Bref, avec vous, les plus riches peuvent dormir tranquilles : nous allons tous devoir combler le déficit à leur place, en payant plus cher notre mutuelle et en subissant une dégradation de la qualité du service à l’hôpital ou au sein de l’école publique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Sébastien Delogu
Exactement !
Mme Eva Sas
La deuxième chose qui me frappe dans ce budget et dans son examen en commission est l’alliance des réactionnaires contre l’écologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Vincent Descoeur
C’est l’écologie punitive !
Mme Eva Sas
Car, oui, il y a une alliance objective du Gouvernement et du Rassemblement national contre la transition écologique. (Mêmes mouvements.)
Quand le Gouvernement sacrifie le budget de la transition écologique avec une baisse des crédits de 17 %, le Rassemblement national renchérit en déposant des amendements pour supprimer les aides aux énergies renouvelables et en s’opposant à toute mesure de fiscalité écologique ou de financement des transports en commun.
Un député du groupe RN
Merci, le RN !
M. Jean-François Coulomme
C’est normal, ils vivent du malheur des autres !
Mme Eva Sas
Quelle alliance mortifère !
Alors que, ces jours-ci, les inondations ont dévasté le quotidien de millions de Français, vous vous apprêtez à réduire de 1,5 milliard les autorisations d’engagement du fonds Vert, de 1 milliard les crédits de MaPrimeRénov’, de 470 millions le budget de l’Ademe – Agence de la transition écologique – et de 530 millions le bonus pour l’achat des véhicules électriques.
Vous n’augmentez pas le fonds Barnier, qui reste pourvu de 220 millions d’euros alors que les besoins sont considérables en matière de prévention des risques. Faut-il rappeler ici que ce fonds finance la prévention des inondations et que le système de vigilance crues ne couvre pour l’instant que 50 % des zones inondables du territoire ?
Parce qu’ils veulent protéger les Français, les écologistes proposeront une augmentation de 50 % du fonds Barnier. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. René Pilato applaudit.)
M. Romain Daubié
Avec quel argent ?
Mme Eva Sas
Et parce que la transition écologique doit être accessible à tous, ils proposeront aussi une augmentation de 50 % du budget du leasing social. Car l’accès à la mobilité durable en milieu rural est un enjeu prioritaire. Vous n’avez même pas indiqué les crédits que vous consacrerez au leasing social !
Le Premier ministre répète sans les comprendre des slogans tels que « dette écologique », comme si l’on pouvait mettre sur le même plan les dommages irréversibles causés au climat ou à la biodiversité et une dette que nous pouvons rembourser. Un slogan et des coupes budgétaires, c’est à cela que l’écologie est réduite, alors que le dérèglement climatique menace nos conditions de vie.
Mais, pour vous, il y a d’autres priorités, d’autres intérêts économiques à préserver. Et vous voilà, avec vos alliés objectifs du Rassemblement national, les défenseurs d’un monde qui se meurt et qui veut emporter avec lui l’avenir de ses enfants.
Enfin, messieurs les ministres, un troisième élément me frappe dans ce budget : vous avez décidé de mettre les collectivités locales à genoux. Vous leur imposez une ponction de 3 milliards d’euros au titre du mécanisme de résilience, qui met à contribution les 450 collectivités les plus importantes pour détourner l’attention de la mauvaise gestion gouvernementale. (Exclamations sur les bancs du groupe Dem.)
Si le PLF est adopté tel quel, les conséquences seront gravissimes pour nombre de communes, d’intercommunalités, de départements et de régions, soit 154 millions d’euros en moins pour Paris, 27 millions pour Marseille,…
M. Sébastien Delogu
Oui !
Mme Eva Sas
…15,3 pour Lyon, 11,6 pour Nice, 8,9 pour Strasbourg – et je ne cite que les communes les plus touchées. (Mme Cyrielle Chatelain applaudit, ainsi que M. Sébastien Delogu.)
M. Laurent Croizier
Arrêtez les caricatures, vous savez dire autre chose !
Mme Eva Sas
Dans le cas particulier des finances de la Ville de Paris, l’impact du PLF est énorme. Toutes mesures confondues, il dépasserait 250 millions d’euros.
Que doivent faire les collectivités ? Doivent-elles fermer les places en crèche, les cantines scolaires, arrêter les animations dans les quartiers populaires ? (« Non !» sur les bancs du groupe EcoS. – « Caricature ! » sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Doivent-elles supprimer 100 000 emplois sur les 2 millions d’agents publics pour réaliser 4,1 milliards d’économies d’ici à 2030, comme le suggère la Cour des comptes ?
Le budget pour 2025 proposé par le Gouvernement laisse entendre qu’un grand nombre de collectivités seraient suradministrées, qu’il faudrait les dégraisser, alors qu’elles sont à l’os et qu’elles se substituent trop souvent à l’État pour maintenir des services publics de proximité – je pense au service postal, aux centres de santé ou à l’hébergement d’urgence.
La situation est particulièrement dramatique pour les départements. Dans son dernier rapport, l’Observatoire des finances et de la gestion publique locale est sans ambiguïté : « La situation financière des départements se détériore en 2023 : le délai moyen de désendettement est passé de 2,6 ans en 2022 à 4,2 ans en 2023. » En 2023, les dépenses de fonctionnement des départements ont augmenté de 6,5 %, cinquante-cinq départements enregistrant une augmentation supérieure à 5 % de leurs dépenses.
Le budget que propose le Gouvernement est rejeté par les représentants des collectivités locales, quel que soit leur bord politique. Ils l’ont fait savoir explicitement à l’ouverture de la trente-quatrième convention d’Intercommunalités de France, au Havre, le 17 octobre, en présence de la ministre Catherine Vautrin.
Le président du conseil départemental de la Haute-Marne a même annoncé le lendemain la mise en vente sur le site leboncoin.fr de plusieurs bâtiments dont son département est propriétaire, parmi lesquels la préfecture, le palais de justice et plusieurs postes de gendarmerie.
Dans l’Est, toujours, le maire de Verdun a appelé à une démission collective des élus locaux pour dénoncer les méthodes du Gouvernement.
Ces actions symboliques en disent long sur le mécontentement suscité par le budget présenté par le Gouvernement.
C’est pourquoi, parce qu’ils défendent l’augmentation des moyens des collectivités, mais aussi et peut-être plus encore l’autonomie fiscale des collectivités, les écologistes proposeront l’indexation des dotations et le rétablissement de la CVAE, qui permettraient de retrouver les marges de manœuvre nécessaires pour investir dans la transition écologique et la solidarité.
En conclusion, messieurs les ministres, le groupe Écologiste et social vous alerte sur les conséquences délétères du budget que vous proposez.
Il a des conséquences sociales, parce qu’il dégrade le pouvoir d’achat des Français ; des conséquences sur le consentement à l’impôt, parce qu’il est injuste et déséquilibré ; des conséquences sur les services publics, qui font la force et l’identité de la France, et que vous fragilisez encore un peu plus ; des conséquences sur l’environnement et sur la protection des Français face aux effets du dérèglement climatique.
Enfin, il a des conséquences sur la solidarité et les services de proximité qu’assurent les collectivités locales et qui font la cohésion sociale de notre pays.
Malgré l’ombre du 49.3 qui plane sur cette période budgétaire, les écologistes abordent ce débat avec la volonté de redresser le budget.
Nous vous proposerons en particulier des recettes nouvelles et justes comme la taxation des superprofits des groupes pétrogaziers ainsi que des économies sur de grandes dépenses inutiles comme le SNU – service national universel –, l’uniforme à l’école, les aides à l’apprentissage, les cabinets de conseil ou les niches fiscales néfastes pour le climat.
Nous vous proposerons une fiscalité écologique sous la forme d’un bonus-malus, qui pénalise les gros pollueurs et récompense celles et ceux qui s’engagent dans la transition écologique. Vous n’utilisez la fiscalité écologique que pour remplir les caisses de l’État. À l’inverse, il n’y a aucun avantage fiscal, ou presque, à s’engager dans la transition écologique. Pourtant, la fiscalité écologique n’est pas une fiscalité de rendement. Nous devons retrouver les voies d’une fiscalité écologique incitative.
Nous défendrons également des moyens renforcés pour la transition écologique, pour l’adaptation aux enjeux du dérèglement climatique, pour le fonds Barnier, pour l’Ademe et pour le leasing social.
M. Laurent Jacobelli
Ça viendra !
Mme Eva Sas
Nous mettrons l’accent sur le logement, sur les moyens des bailleurs sociaux, sur la lutte contre le logement vacant, pour répondre aux besoins des 4 millions de mal-logés en France, qui attendent de nous une politique volontariste.
Mme la présidente
Votre temps de parole sera bientôt écoulé, madame la députée !
Mme Eva Sas
Les écologistes abordent donc le débat budgétaire avec l’objectif que la France puisse bénéficier d’un budget juste, responsable, qui répare nos services publics et qui prépare la France aux défis climatiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et LIOT.)
Mme Cyrielle Chatelain
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Philippe Vigier
Il sait ce qu’il dit !
M. Jean-Paul Mattei
Nous débutons ce soir en séance publique l’examen du projet de loi de finances pour 2025 alors que la situation de nos finances publiques a rarement été aussi difficile et contrainte.
Les débats en commission ont permis d’exposer des visions politiques très différentes, dans un climat plutôt serein.
Nous regrettons que les ministres n’aient pas assisté à ces travaux, mais c’est la règle, je le sais. Nous sommes heureux de pouvoir débattre avec vous, messieurs les ministres, afin de confronter nos positions et nos propositions. Ce débat avec le Gouvernement est sain.
Nous regrettons aussi de ne pas pouvoir examiner les dépenses avant les recettes, comme nous le faisons s’agissant des budgets des communes. Cette inversion m’a toujours gêné. C’est toutefois la règle depuis un certain nombre d’années.
Nous avons toutefois décidé de voter, en commission, contre la première partie du projet de loi de finances, relative aux recettes : le texte issu de nos travaux était en effet très éloigné de l’équilibre de la rédaction initiale, dont nous soutenons les grandes orientations. Faire reposer l’essentiel de l’effort budgétaire sur une hausse inconsidérée de la pression fiscale créerait une situation analogue à celle de la période 2010-2014. En raison de la crise des dettes souveraines, la France avait alors procédé à un rééquilibrage budgétaire drastique, notamment par d’importantes hausses des prélèvements obligatoires touchant les entreprises et surtout les ménages, annihilant ainsi la timide reprise de l’économie européenne et renforçant la crise, avec des conséquences dévastatrices pour nos finances publiques. Nous ne voulons pas répéter ces erreurs.
L’effort de 60 milliards devra consister prioritairement en une réduction de la dépense publique. Nous devons apprendre à dépenser moins en dépensant mieux, car cette baisse ne saurait prendre l’aspect d’un coup de rabot affectant aveuglément toutes les administrations et toutes les politiques, mettant en danger celles que nous avons instaurées ces dernières années en matière de formation professionnelle, d’agriculture, de santé, de recherche ou encore de réarmement de nos forces militaires, de la justice et de la police. Ce serait, là encore, une grave erreur. La baisse de la dépense doit au contraire procéder d’un important travail d’évaluation qui doit être amplifié à tous les niveaux, et j’espère, chers collègues, qu’au cours des prochaines semaines nous nous saisirons plus franchement de notre mission constitutionnelle d’évaluation, un peu le parent pauvre de notre assemblée.
D’ores et déjà, les travaux d’évaluation disponibles ont amené le groupe Les Démocrates à identifier des dispositifs à rationaliser : nous y reviendrons au cours du débat budgétaire. Dans le même temps, au vu de la situation exceptionnelle dans laquelle nous nous trouvons, le rétablissement des finances publiques devra également passer par une hausse modérée mais courageuse de nos recettes fiscales.
Il convient que chacun, y compris les plus aisés, participe à cet effort : nous saluons la création d’une taxe sur le rachat d’actions, mesure que notre groupe défend depuis plusieurs années, ou celle d’une contribution minimale sur les hauts revenus. Ces dispositions vont dans le bon sens. Il faut toutefois aller plus loin en matière de justice fiscale ; nous avons fait en commission diverses propositions à cet effet, et nous répéterons l’exercice en séance publique, avec les ajustements que réclameront nos débats – ainsi que les commentaires dont nous avons pris connaissance depuis l’étape de l’examen en commission.
Quant à la contribution différentielle sur les hauts revenus, son caractère provisoire nous inspire la plus grande prudence. Dans le cadre du débat parlementaire, nous devons réussir à sécuriser le rendement escompté, sans quoi nous nous exposerions une nouvelle fois à un dérapage du déficit : il faudrait la laisser perdurer au moins jusqu’à un rétablissement raisonnable des finances publiques. J’avoue ne pas beaucoup apprécier que les textes financiers prévoient des échéances, car elles sont rarement respectées – l’expérience nous incite à faire preuve de prudence dans ce domaine.
Après analyse et tentative de modélisation, il apparaît que cette contribution n’est pas neutre. En revanche, à l’issue de nos débats et de nos échanges avec vous, monsieur le ministre chargé du budget, nous verrons s’il est pertinent d’augmenter le taux de la flat tax, laquelle peut aussi concerner les petits épargnants, même s’ils ont la possibilité d’opter pour l’impôt sur le revenu – cela n’est pas toujours neutre, s’agissant de distribution de dividendes pour des montants raisonnables.
Entre la contribution au budget de l’État du revenu du travail, toutes charges confondues, et celle du revenu du capital, le débat reste entier. Comme en commission, nous proposerons également d’augmenter le taux de la quote-part pour frais et charges (QPFC) de la niche Copé, dont le taux est passé de 4 % à 3 % par suite de la baisse à 25 % de l’impôt sur les sociétés. Enfin, concernant l’assurance vie, il n’est pas question d’en révolutionner la fiscalité attractive, contrairement à ce que certains ont laissé entendre, mais de rapprocher les nouveaux contrats – et eux seuls – du droit commun une fois dépassé l’abattement maintenu de 152 500 euros pour les droits de succession, en appliquant les taux applicables aux successions en ligne directe. La seule véritable novation consisterait à porter le taux marginal maximal de 31,25 % à 45 % – cela concernerait les montants dépassant 1,8 million d’euros : nous sommes très loin d’une modification majeure.
Comme je le disais en préambule, la hausse de la fiscalité doit être mesurée sous peine de nuire à l’attractivité économique et à la croissance, aggravant encore notre situation. Si ce projet de loi de finances vise à relever le défi majeur que constitue le rétablissement des finances publiques, il ne nous dispense pas de répondre aux attentes de nos concitoyens. Ainsi, à une crise du logement larvée, déjà ancienne, s’est ajoutée depuis deux ans et demi une composante conjoncturelle, due à la forte hausse des taux d’intérêt et à l’explosion des coûts de la construction, dont nous commençons tout juste à nous remettre.
Au-delà de l’aspect social et des milliers de familles en difficulté, cela peut devenir une catastrophe économique pour tout un secteur. Notre réponse, certes, ne saurait être que fiscale ; toujours est-il que certaines évolutions pourraient être intégrées à ce projet de loi de finances en vue de fluidifier le marché. Je suis certain que cette question mérite un grand texte autonome, doté d’un volet fiscal ambitieux, et qui traiterait du logement social, de l’accession à la propriété – avec le PTZ élargi –, du statut de l’investisseur immobilier – sujet que promeut également le rapporteur général, Charles de Courson –, d’une réforme des plus-values immobilières en protégeant bien sûr la résidence principale, pour répondre aux problèmes de rétention foncière, en particulier dans certaines zones. Bien évidemment, cette réforme systémique ne serait pas immédiate, mais étalée dans le temps et soutenue par la réflexion.
Parce que le rétablissement des finances publiques dépendra de notre capacité à créer de la croissance à long terme, nous devons continuer d’investir dans l’innovation, la formation, le développement et la protection de nos entreprises. Nous voulons également protéger la petite entreprise en portant de 42 500 à 60 000 euros le plafond du taux réduit d’IS pour les PME, sans pour autant toucher au statut juridique et fiscal de l’autoentrepreneur.
M. Christophe Blanchet
Tout à fait ! Très bonne mesure !
M. Pascal Lecamp et M. Éric Martineau
Très bien ! Bravo !
M. Jean-Paul Mattei
Le pacte Dutreil doit être protégé, mais aussi encadré : son encadrement même assurera sa pérennité. Enfin, la crainte suscitée par la dette financière ne doit pas nous faire oublier l’enjeu existentiel que constitue la dette climatique. Comme le montrent les catastrophes qui se succèdent ces derniers mois, le changement climatique est le défi de notre siècle : nous devons essayer de réduire le plus possible ses causes, notamment en investissant dans le nucléaire ou les énergies renouvelables, mais aussi de nous adapter à ses conséquences en accompagnant ceux qui en souffrent le plus directement, comme nos agriculteurs.
M. Éric Martineau
Très bien !
M. Jean-Paul Mattei
Monsieur le ministre, chers collègues, le budget de l’année qui vient, autant par le fond que par la forme, sera historique. Nous devrons à la fois fixer un cap clair et crédible en vue du rétablissement de nos finances publiques,…
M. Emmanuel Mandon
Très bien !
M. Jean-Paul Mattei
…tout en continuant à investir, et réformer afin de répondre aux attentes des Français. Le groupe Les Démocrates est prêt à entreprendre ce travail dans un esprit de dialogue, de compromis et de responsabilité. Le moment est venu, chers collègues, de nous serrer les coudes en pensant aux générations futures ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Applaudissements sur les bancs du groupe EPR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe HOR. – Mme Véronique Louwagie applaudit également.)
M. Philippe Vigier
Excellent !
M. Marc Fesneau
Même Attal a applaudi !
Mme la présidente
La parole est à Mme Félicie Gérard.
Mme Félicie Gérard
Alors que s’ouvre l’examen en séance publique du budget pour 2025, la situation des finances de notre pays est particulièrement dégradée. Comme nous avons eu l’occasion de le rappeler, ces derniers jours, lors de l’audition des ministres ou du débat sur la dette, nous devons faire preuve de sérieux et d’humilité.
Face à ce constat qui s’impose, le texte présenté par le Gouvernement constitue un projet de redressement des comptes publics, perspective difficile, car un effort budgétaire important sera demandé aux entreprises, aux collectivités, à notre système de sécurité sociale et aux Français eux-mêmes. Le groupe Horizons & indépendants soutient cet effort parce qu’il est une condition essentielle de notre souveraineté. L’heure est venue pour notre pays, qui connaît une dette importante, de retrouver une trajectoire soutenable de réduction des déficits. Contrairement à ce que certains ici veulent nous faire croire, nous n’avons pas affaire à un budget d’austérité, mais bien à un budget de sérieux budgétaire. Dans l’intérêt de notre pays, nous ne souhaitons qu’une chose : que le Gouvernement réussisse, même si nous sommes conscients que, dans le contexte actuel, il est confronté à une tâche complexe,
Le texte qui nous est proposé prévoit un effort inédit : 60 milliards d’euros d’économies, dont 20 milliards dégagés par la hausse des prélèvements obligatoires et 40 milliards par la baisse des dépenses, permettant ainsi de ramener le déficit à 5 % en 2025. La semaine dernière, nous l’avons examiné en commission des finances durant plus de quatre jours. Mes collègues et moi-même abordions ces débats avec beaucoup de sérieux, mais au fil des heures, la copie équilibrée du Gouvernement s’est transformée en un amoncellement de mesures parfois contradictoires, en vertu d’un même refrain : augmenter les impôts des Français.
M. Aurélien Le Coq
Non, taxer les riches !
Mme Félicie Gérard
Vous-même l’avez présenté ainsi, monsieur le président de la commission des finances, puisqu’en résumant les dispositions adoptées, vous avez prononcé quatorze fois le mot « taxe ».
M. Sylvain Berrios
Eh oui !
Mme Félicie Gérard
Comme si c’était en quelque sorte une réussite que de prendre plus d’argent encore dans les poches de nos compatriotes…
M. Aurélien Le Coq et M. Nicolas Sansu
Des riches !
M. René Pilato
C’est différent !
Mme Félicie Gérard
…qui travaillent, créent parfois de l’emploi, contribuent au dynamisme de la consommation et des recettes de l’État.
Nous sommes passés d’un budget responsable, faisant porter l’effort sur la réduction des dépenses, à un texte faisant se succéder des taxes plus farfelues les unes que les autres, un texte déséquilibré, qui aurait pour conséquence un choc fiscal sans précédent. Fiscalité du patrimoine, fiscalité immobilière, fiscalité du travail, des entreprises,…
Mme Marie Mesmeur
Des riches !
Mme Félicie Gérard
…fiscalité locale : toute notre économie serait touchée par ces mesures…
M. Aurélien Le Coq
Surtout les riches !
Mme Félicie Gérard
…parfois totalement déraisonnables comme la taxation des résidences principales ou celle de l’assurance vie, qui finance pourtant l’économie.
Dans un pays où la pression fiscale atteint déjà des niveaux sans équivalent, le texte modifié par les amendements adoptés en commission était inacceptable : pour protéger les Français, nous l’avons rejeté. Nous voilà donc revenus à la case départ ; en séance, il serait urgent de revenir à la raison. Nos débats se rouvrent sur la base du texte du Gouvernement, dont les mesures fiscales ciblées, les baisses de dépenses massives, quoique préservant les investissements nécessaires pour l’avenir, constituent une base de travail sérieuse et réaliste.
Avant d’en venir aux propositions qui seront les nôtres, je souhaiterais vous présenter notre lecture du volet « recettes » de ce budget. La hausse des prélèvements obligatoires ne nous enchante pas : le groupe Horizons & indépendants préfère toujours une baisse de la dépense à une augmentation des prélèvements.
Mme Marie Mesmeur
Sur les riches !
Mme Félicie Gérard
Nous devons cependant nous rendre à l’évidence : la situation des finances publiques est telle que, cette année, nous n’avons guère d’autre choix.
M. Aurélien Le Coq
Que de taxer les riches !
Mme Félicie Gérard
Il nous faut pourtant garder à l’esprit l’urgence de réformes structurelles, seules à même de rendre la dépense plus efficace et de créer des recettes durables pour l’État.
Mme Véronique Louwagie
Tout à fait !
Mme Félicie Gérard
Pour 2025, le Gouvernement propose donc de mettre à contribution les plus fortunés au moyen de trois mécanismes ciblés et temporaires :…
Mme Marie Mesmeur
C’est bien, mais pourquoi temporaires ?
M. Laurent Croizier
Taxez Mélenchon !
Mme Félicie Gérard
…l’imposition minimale des très hauts revenus, la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises et la taxe sur les rachats d’actions. Il s’agit, je le répète, d’un effort adapté, temporaire…
Mme Marie Mesmeur
Eh voilà ! « Temporaire ! »
Mme Félicie Gérard
…et ciblé, afin de redresser les comptes sans pour autant grever la compétitivité de notre pays ; la justice fiscale suppose en effet que chacun contribue au rétablissement des finances publiques en fonction de ses capacités,…
M. Nicolas Sansu
Ce n’est pas le cas !
Mme Félicie Gérard
…ce que ces mesures visent à permettre sans pénaliser l’effort ni l’initiative. D’autres dispositions concerneront plus largement les contribuables :…
Mme Marie Mesmeur
Justement, ce sont les plus pauvres qui paient pour tout le monde !
Mme Félicie Gérard
…augmentation de l’accise sur l’électricité, du malus « CO2 » sur les véhicules polluants,…
Mme Anne-Laure Blin
Ça, ce n’est pas une très bonne idée !
Mme Félicie Gérard
…suppression de certains taux réduits de TVA, notamment sur la vente et l’installation de chaudières utilisant des énergies fossiles.
Le groupe Horizons & indépendants veillera à ce que les efforts demandés aux Français soient raisonnables, supportables, justes, et en particulier à ce que les hausses de fiscalité soient compensées par la baisse des coûts de marché, autrement dit, à ce que les consommateurs ne subissent pas d’augmentation des prix. Ayant identifié certaines limites de ces dispositifs, nous n’hésiterons pas à proposer des corrections.
En résumé, l’effort concernant les recettes – soit le tiers de l’effort global, les deux tiers consistant en diminutions des dépenses publiques – apparaît équilibré et juste.
Le groupe Horizons & indépendants est particulièrement attaché à cet équilibre et je sais, messieurs les ministres, que vous partagez cette exigence. Ce budget est donc, globalement, un bon budget.
Mme Marie Mesmeur
Ah, super !
Mme Félicie Gérard
Un bon budget qui doit, cependant, être complété par quelques mesures de bon sens, que nous proposerons par amendement, et qui je l’espère retiendront toute l’attention du Gouvernement. Compte tenu des contraintes budgétaires importantes qui pèsent sur ce budget, et parce que nous ne serons pas de ceux qui contribuent à l’augmentation de la pression fiscale sur les particuliers ou les entreprises,…
Mme Marie Mesmeur
Sur les riches, on veut bien !
Mme Félicie Gérard
…nous avons choisi de déposer un nombre raisonnable d’amendements, qui visent trois objectifs principaux.
Premièrement, nous voulons mieux soutenir les Français qui travaillent, par des mesures de bon sens encourageant le versement par l’employeur de compléments de salaire aux salariés :…
M. René Pilato
C’est hypocrite, ce que vous dites ! Vous refusez l’augmentation des salaires. Avec vous, le travail ne rapporte pas !
Mme Félicie Gérard
…la prorogation de l’exonération d’imposition sur les pourboires en 2025 ; la poursuite de la monétisation des RTT, qui permet aux salariés de percevoir un revenu supplémentaire,…
M. René Pilato
Travailler plus pour gagner moins !
M. Sylvain Berrios
Écoutez l’oratrice !
Mme Félicie Gérard
…ou encore le renforcement du soutien aux employeurs pour la prise en charge des frais de transport des salariés. Ces mesures doivent permettre de mieux encourager et récompenser le travail. Je le dis très souvent, le fait de travailler doit toujours payer davantage que le fait de ne pas travailler.
Mme Véronique Louwagie
J’ai dit la même chose !
Mme Félicie Gérard
Deuxièmement, nous souhaitons relancer le secteur du logement. Nous le savons, le secteur immobilier traverse une crise grave, multifactorielle, qui touche aussi bien l’ancien que le neuf. Le logement est une préoccupation majeure de nos concitoyens et l’accession à la propriété est devenue de plus en plus complexe pour les travailleurs des classes populaires et des classes moyennes. Le fruit de leur travail ne leur permet plus d’accéder à la propriété tant le marché est bloqué, les constructions à l’arrêt et les prix de l’immobilier prohibitifs.
Face à ce constat, nous proposons plusieurs mesures ciblées. J’appelle votre attention sur deux d’entre elles : d’une part, le rétablissement du prêt à taux zéro pour le neuf et l’ancien sur l’ensemble du territoire ; d’autre part, afin de soutenir l’effort de construction dans le neuf avec de l’argent privé plutôt que public, l’exonération des droits de mutation à titre gratuit pour les dons des grands-parents ou des parents destinés à l’achat d’une résidence principale du 1er janvier au 31 décembre 2025. L’effet levier de ces deux mesures combinées favorisera la relance de ce secteur clé pour l’économie et le quotidien des Français.
Troisièmement, nous entendons mieux cibler l’effort demandé aux collectivités locales…
Mme Marie Mesmeur
Elles sont déjà à bout de souffle !
Mme Félicie Gérard
…pour soutenir ceux qui, sur le terrain, font des efforts massifs de réduction de leurs dépenses. À cet effet, nous défendrons un amendement auquel je tiens beaucoup, qui vise à récompenser les collectivités qui consentent un effort de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement.
Mme Marie Mesmeur
Elles font des efforts depuis sept ans !
Mme Félicie Gérard
Le dispositif vise à créer une dotation à destination des collectivités territoriales dont la gestion des comptes est vertueuse.
M. René Pilato
C’est d’une logique implacable !
Mme Félicie Gérard
Cette dotation de bonne gestion serait attribuée aux collectivités dont les dépenses réelles de fonctionnement sont inférieures à l’objectif fixé par la loi de programmation des finances publiques ou à la moyenne des cinq dernières années constatée dans la collectivité. Ce mécanisme paraît essentiel.
Nous avons besoin de réformes audacieuses et agiles pour réduire la dépense publique et pour soutenir ceux qui contribuent à l’effort collectif – les maires, j’en suis convaincue, sont prêts à y participer.
Mme la présidente
Il faut conclure, madame la députée.
Mme Félicie Gérard
Notre volonté est claire : nous souhaitons enrichir le texte, corriger ce qui semble parfois mal ciblé et parvenir à un budget de responsabilité dans l’intérêt du pays et de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Nous avons eu l’occasion de le dire à maintes reprises : la situation budgétaire ressemble fortement à une quadrature du cercle. Se présente le défi d’absorber un endettement massif, de plus de 3 100 milliards d’euros, en période de croissance molle. À cet exercice, déjà problématique, s’ajoutent les effets délétères du rythme du déficit budgétaire : il devait s’élever cette année, selon le PLF pour 2024, à 128 milliards d’euros, mais viennent s’y ajouter 52 milliards inattendus, qui renforcent la menace de déclassement de la France et de hausse des taux d’intérêt à venir. Enfin, pour couronner l’ensemble, le déficit massif des échanges extérieurs aggrave l’hémorragie de plus de 100 milliards, le tout sous la pression de besoins incontournables en matière de santé, de sécurité, de logement ou de formation. En somme, il faut adopter une politique de rigueur là où des mesures de soutien à la croissance seraient nécessaires. Comment s’adapter du mieux possible ?
On ne contestera sans doute pas la nécessité de réduire les dépenses – vous annoncez une réduction de 40 milliards d’euros –, à condition d’agir avec lucidité, en limitant les doubles emplois et en privilégiant des secteurs peu porteurs. Il est certain que l’efficacité de la dépense publique doit être améliorée. Je l’ai déjà mentionné à cette tribune : en sept ans, l’endettement public a progressé de 800 milliards quand le PIB n’augmentait que de 400 milliards. Encore faut-il comprendre que cette cure d’amaigrissement ne se fera pas sans conséquences sur la croissance, sur l’emploi et, in fine, sur le volume de recettes fiscales.
L’autre versant est constitué par le durcissement de la politique fiscale, pour un montant annoncé de 20 milliards d’euros. Là encore, les choses ne sont pas simples. D’abord, parce que le niveau de pression fiscale est déjà considérable ; ensuite, parce qu’en ce domaine aussi, les sommes captées par l’impôt ne vont plus à la consommation ou à l’investissement, ni de la part des ménages, ni de la part des entreprises. En matière de prélèvements, je répète que les énormes accumulations liées à l’économie spéculative et aux superprofits doivent être mieux sollicitées dans l’objectif d’une juste répartition sociale de la charge.
M. Dominique Potier
Bravo !
M. Michel Castellani
Face à ce climat morose, il convient de poser quelques jalons. Nous souhaitons protéger les collectivités territoriales. Le Gouvernement entend leur demander un effort budgétaire de 5 milliards. Nous rappelons que les collectivités jouent un rôle décisif dans la vie quotidienne ; leurs investissements sont actifs et leur endettement bien plus modéré que celui de l’État. De plus, les mesures envisagées vont à l’encontre de l’autonomie fiscale des collectivités que nous appelons de nos vœux.
Nous porterons un regard particulier sur le traitement réservé aux territoires ultramarins. La crise économique et sociale dans ces régions continue de s’aggraver. Les difficultés, sérieuses, que connaissent la Nouvelle-Calédonie, Mayotte et les territoires antillais doivent être traitées à hauteur de leur gravité et des réponses adaptées doivent être apportées à chacun de ces cas. À court terme, nous souhaitons voir adoptés les amendements visant à exonérer de TVA les produits du bouclier qualité prix (BQP) et à rendre attractifs les investissements en Nouvelle-Calédonie.
Pour la Corse, la discussion doit reprendre avec le Gouvernement sur les bases de l’accord conclu en mars à Beauvau. À court terme, l’enveloppe de continuité territoriale doit être revalorisée – nous le défendrons par amendement. Je précise que nous ne quémandons rien : nous demandons seulement l’application d’une mesure de justice territoriale élémentaire. Plus largement, il est dans l’intérêt général de remplacer les divers dispositifs fiscaux qui se sont succédé en Corse par un statut fiscal de développement, socialement juste et économiquement efficace. Tous nos efforts en ce domaine se sont, pour le moment, heurtés à un refus monolithique.
S’agissant du logement, le fait qu’il ait servi de variable d’ajustement a plongé ce secteur dans la crise. Il est de bon ton de critiquer le dispositif Pinel, sans en apprécier les bienfaits sociaux ni le retour positif sur investissement, et sans proposer une stratégie de remplacement. Heureusement, nous sommes parvenus à faire adopter en commission l’extension du PTZ et des mesures de soutien aux logements sociaux.
En zone tendue – je pense à la Corse, mais aussi à la Bretagne, à la côte basque ou aux Alpes –, des mesures sont à prendre d’urgence pour lutter contre la dépossession des terres et les difficultés de la population locale à se loger. En Corse, nous assistons à une razzia sur les terrains et maisons privés, qui prend l’ampleur d’une véritable révolution sociale. Nous soutiendrons plusieurs amendements à ce sujet.
Le groupe LIOT restera fidèle à son esprit constructif. Nous défendrons nos propositions et attendrons de voir l’évolution de ce projet de budget pour juger s’il est de nature à remettre, ou pas, la France sur de bons rails. (M. le rapporteur général applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Le projet de loi de finances pour 2025, présenté par le gouvernement de M. Barnier, est à l’image de l’attelage baroque issu des élections législatives, où l’impéritie le dispute à la cacophonie. Je ne reviens pas sur les curieuses passes d’armes qui ont eu lieu en commission des finances, où les fondamentalistes macronistes se sont écharpés avec les laxistes libéraux, chacun renvoyant à l’autre le péché mortel, qui de l’augmentation des impôts, qui de la responsabilité de la dette. Cela prêterait à sourire si les Français n’étaient pas les dindons de cette farce.
Mme Christine Arrighi
Eh oui !
M. Nicolas Sansu
Certains nous expliqueront qu’un déficit de 5,2 points de PIB serait la onzième plaie d’Égypte, alors qu’un déficit de 4,9 nous mènerait au jardin d’Éden. (M. Jean-Philippe Tanguy sourit.) Fadaises que tout cela ! Derrière les chiffres, il y a des femmes et des hommes, la satisfaction ou non des besoins sociaux et humains et, tout simplement, notre capacité à faire société, dans un monde où les guerres font rage et où la préservation de la paix et de la vie devrait être notre seule boussole.
La France est un pays riche, immensément riche, et s’abriter derrière le déficit et la dette, comme le font les forces macronistes, les forces de droite et d’extrême droite (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RN) pour tenter de corseter le partage de ces richesses est une technique vieille comme ces forces-là, les forces réactionnaires. En fait, tout montre que la dette et les déficits sont soigneusement entretenus par le désarmement fiscal – 62 milliards de cadeaux aux plus riches chaque année –, par des choix de politique monétaire et de financement de l’économie qui laissent les marchés financiers dicter leur loi, ne promettant que du sang et des larmes à celles et ceux qui travaillent, qui comptent sur des services publics performants garants d’une véritable égalité.
La réalité est bien plus ambivalente que celle d’un pays exsangue, au bord du gouffre, comme le décrit le Gouvernement. Nous abritons des familles qui sont sur le podium des plus riches du monde ; nous atteignons, parmi les pays d’Europe, les records de dividendes versés – plus de 100 milliards d’euros pour les entreprises du CAC40 en 2023 ; les 500 plus grosses fortunes françaises ont vu leur patrimoine doubler en quelques années. Il y en a qui ne connaissent pas la crise !
À l’autre bout du spectre, des millions de nos concitoyens souffrent, ne peuvent remplir le frigo, vivent la précarité énergétique et connaissent la peur du lendemain. Ce sont celles et ceux qui se lèvent en Martinique pour combattre la vie chère et les oligopoles qui se servent sur le dos du peuple. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et LFI-NFP.) Ce sont ces étudiants qui renoncent à des repas, faute de moyens et du fait de loyers trop chers. Ce sont ces retraités obligés de reprendre une activité pour survivre. Ce sont ces artisans et commerçants qui pâtissent de la perte de pouvoir d’achat. Ce sont ces autoentrepreneurs, ces travailleurs ubérisés qui ne s’en sortent pas. Ce sont ces agriculteurs qui voient leurs revenus dégringoler, victimes d’un système où le prix payé ne couvre même pas la moitié des coûts de production. Ce sont elles et ce sont eux qui ne s’en sortent plus dans un pays aux ressources et aux richesses incommensurables. Voilà notre France, avec sa passion de l’égalité brisée sur l’autel des puissants.
Si crise il y a, elle n’est pas avant tout financière : elle est écologique, sociale et démocratique. Démocratique, car au-delà même du refus du Président de la République de respecter les électeurs et les élections, nos concitoyens ne supportent plus que vous fracturiez la société. D’aucuns expliquent au smicard que les difficultés sont la faute de l’allocataire du RSA, ou, à l’ouvrier français, qu’elles sont la faute de l’étranger, dans une course au bouc émissaire nauséabonde.
M. René Pilato
Il a raison !
M. Nicolas Sansu
Pour que notre société soit unie, il est essentiel que nos choix collectifs, ces choix dont nous sommes fiers, tels que ceux relatifs à la sécurité sociale, aux grands services publics de la santé, de l’éducation, de la sécurité, de la justice, aux services de proximité exercés par les collectivités locales, soient financés, renforcés et efficaces. Le pendant de cela, c’est le consentement à l’impôt. Depuis trop d’années, la part belle a été faite aux revenus financiers et à l’héritage, aux dépens des revenus du travail.
M. Aurélien Le Coq
Il a raison !
M. Nicolas Sansu
Il est maintenant documenté que dix points de notre produit intérieur brut sont passés de la rémunération du travail vers la rémunération du capital en quarante ans. La prégnance de plus en plus forte de l’héritage dans la constitution des patrimoines en est la meilleure illustration. L’ancien directeur de cabinet de Mme Pénicaud – cela ne s’invente pas –, Antoine Foucher, sonne l’alarme dans un ouvrage qui vient de paraître, Sortir du travail qui ne paie plus. Il explique que quand on travaille, après impôt, on conserve 54 euros sur 100 ; quand on investit et touche des dividendes, 70 euros sur 100, et quand on hérite, 94 euros sur 100. Il vaut mieux être bien né que travailler.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Belle démonstration !
M. Nicolas Sansu
Cette société de l’héritage et de la rente est la négation des choix collectifs que nous avons faits et conduit à l’implosion du consentement à l’impôt, dont les gilets jaunes ont pu donner un premier aperçu. Vous amplifiez l’injustice fiscale, messieurs les ministres.
M. David Amiel
Non, ils commencent à la corriger…
M. Nicolas Sansu
Aussi, quand le Nouveau Front populaire propose des mesures de justice fiscale, comme un prélèvement de 2 % sur le patrimoine des ultrariches – les 500 plus grosses fortunes, pour simplifier –, il s’agit d’une proposition de cohésion nationale. Il en va de même de l’instauration d’une nouvelle architecture fiscale concernant l’héritage, qui ne toucherait que les 8 % les plus riches. Quant aux profiteurs de crise, ceux qui ont réalisé des superprofits ou distribué des superdividendes, ils doivent comprendre que le jackpot, c’est terminé.
Enfin, il faut mettre fin aux mécanismes d’optimisation fiscale agressive qui combinent plusieurs dispositifs d’évitement de l’impôt, du pacte Dutreil au démembrement, en passant par les placements dans les holdings familiales. Cette optimisation agressive est le faux nez de la fraude et de l’évasion fiscale, évaluée à 80 milliards d’euros – une somme qui manque grandement à la France.
Plus de 50 milliards pourraient ainsi être dégagés et réorientés. La commission des finances avait d’ailleurs voté des mesures à cet effet, avant que l’extrême droite, la droite et l’extrême centre ne s’y opposent dans une grande alliance, de la villa Montmorency à Montretout,…
M. Jean-Philippe Tanguy
Ça c’est drôle ! (Sourires.)
M. Nicolas Sansu
…au détriment de la justice fiscale. Une telle réorientation devrait servir à contrer le creusement des inégalités sociales, documenté par une étude récente de l’Insee. Contrer les inégalités sociales, c’est bien sûr prendre des mesures en faveur du pouvoir d’achat, par un relèvement du Smic et du point d’indice des fonctionnaires, et par la mise en place d’une véritable échelle des salaires,…
M. Gérault Verny
Et qui paye ?
M. Nicolas Sansu
…mais c’est aussi permettre à chacune et chacun de bénéficier de services publics efficaces et performants.
Les choix qui s’annoncent dans ce budget sont tout autres, avec des coupes claires dans l’éducation, l’hôpital public, la mission travail, le sport, la politique de la ville, l’économie sociale et solidaire, les outre-mer. Autant de crédits qui feront défaut aux classes populaires.
Messieurs les ministres, quand il s’agit de toucher les couches moyennes et modestes, votre génie est décuplé. Avec le décalage de la revalorisation des pensions de retraite, le déremboursement partiel de certains actes médicaux et de certains médicaments qui entraînera l’augmentation des primes de cotisation aux mutuelles de santé, ou encore les hausses des taxes sur l’électricité – mesures si insupportables que vous voulez recourir à des arrêtés pour vous en cacher –, 10 à 12 milliards d’euros seront directement ponctionnés sur tous nos concitoyens afin de préserver les plus aisés.
Vous allez, ce faisant, briser le peu de croissance qui pourrait se faire jour. En fait, avec ce PLF, vous faites tout à l’envers, en ne respectant même pas l’ambition essentielle d’une réponse à la crise climatique et écologique, niant la réalité tragique des inondations survenues ces derniers jours.
Mme Marie Mesmeur
Eh oui !
M. Nicolas Sansu
Vous êtes d’autant moins au rendez-vous de la crise climatique que vous affaiblissez, de surcroît, les collectivités territoriales. Il y a en fait beaucoup plus que les 5 milliards annoncés, si on y ajoute le gel de la DGF – 700 millions –, l’augmentation de la cotisation à la CNRACL – 1,3 milliard – ou encore l’effondrement du fonds Vert. Au total, près de 9 milliards d’euros manqueront aux collectivités territoriales pour investir dans la transition écologique : c’est un très mauvais calcul. J’espère que nous réussirons collectivement, comme nous y enjoignent toutes les associations d’élus, à faire échec à ce funeste projet.
Comment, enfin, ne pas s’alarmer du manque de prise en compte, confinant à la cécité, des pays dits d’outre-mer ? Les crises qui secouent les Antilles et la Kanaky-Nouvelle-Calédonie ne sont pas, messieurs les ministres, des épiphénomènes – et le téléphone marche bien, monsieur Armand. Elles prennent racine dans la colonisation et le mode de développement qui en a été la conséquence. Ne pas traiter cela par des actes politiques et par un soutien financier qui soit à la hauteur, mais ne compter que sur la force n’est pas source d’apaisement, mais d’embrasement. Ressaisissez-vous, car tous les pays dits d’outre-mer connaissent une crise profonde. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et LFI-NFP.)
Je voudrais insister, pour conclure, sur la politique monétaire. Il existe plusieurs manières de financer les dettes souveraines des États. L’abandon de tout circuit du Trésor, fût-il européen, nous met dans les mains des seuls marchés financiers, et nous fait dépendre des taux d’intérêt de la Banque centrale européenne. Cela nous conduit à payer des intérêts qui atteignent des sommets, passant de 33 milliards d’euros, en 2022, à 56 milliards, en 2024. Jusqu’où allons-nous accepter cette folie qui ne sert qu’à alimenter la financiarisation de notre économie, sans maîtrise ni souveraineté ?
M. René Pilato
Il a raison !
M. Nicolas Sansu
La création d’un pôle public bancaire, qui ne serait pas soumis à l’exigence de rentabilité du marché et qui serait capable de réorienter l’épargne nationale vers les investissements sociaux et écologiques utiles, en toute souveraineté, doit être notre priorité. (M. Jean-Victor Castor applaudit.)
M. Jean-Paul Lecoq
C’est vrai !
M. Nicolas Sansu
Nous devons sortir de cette addiction au capitalisme financier débridé qui fait tant de mal à nombre de nos concitoyens, qui crée tant d’instabilité et de guerres, mais qui ne profite qu’à une petite caste de multimillionnaires et multimilliardaires – ce sont eux, les véritables assistés de notre société.
M. Aurélien Le Coq
Bien dit !
M. René Pilato
Ils vivent de rentes ou du travail des autres !
M. Nicolas Sansu
Messieurs les ministres, ce projet de loi de finances est la preuve que vous n’avez ni écouté ni entendu le cri qui monte du pays, dont les habitants n’en peuvent mais de votre autosatisfaction permanente, si éloignée de la réalité. Vos choix sont dangereux pour l’avenir d’une France que vous contribuez encore à fracturer.
Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’opposeront à la première partie du PLF, à moins que l’esprit et les votes de la commission des finances sur les amendements de justice fiscale présentés par notre président transforment notre hémicycle pendant cette semaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP, dont plusieurs députés se lèvent pour applaudir, et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Trébuchet.
M. Vincent Trébuchet
« Je dirai la vérité aux Français » : le Premier ministre s’exprimait ainsi, le 1er octobre dernier, dans sa déclaration de politique générale. Vous souffrirez donc, messieurs les ministres, que, comme représentant des Français, j’use à votre égard de la même franchise. À la lecture du projet de loi de finances présenté à l’Assemblée nationale, le groupe UDR met solennellement en doute votre sincérité, votre autorité et votre capacité à gouverner.
Votre sincérité, d’abord. Le Haut Conseil des finances publiques, dans l’avis de trente-huit pages qu’il a rendu le 8 octobre, certifie que, contrairement à ce que vous voulez faire croire aux Français, l’effort budgétaire que vous allez leur imposer repose à 70 % sur des hausses d’impôts – soit 30 milliards d’euros – et seulement à 30 % – soit 12 milliards d’euros – sur une réduction de la dépense publique. Le Haut Conseil révèle qu’en vous fondant sur un scénario tendanciel des dépenses totalement arbitraire, et en faisant passer certaines hausses d’impôts pour des réductions de la dépense publique, vous maquillez la réalité de l’effort budgétaire imposé aux Français.
Dans les faits, c’est bien un budget confiscatoire que vous présentez : en ponctionnant les plus fragiles, au moyen de la hausse des taxes sur l’électricité et du report de l’indexation sur l’inflation des pensions de retraite, en grevant la compétitivité de nos entreprises par l’alourdissement considérable des charges qui pèsent sur elles et sur le coût du travail, et en sacralisant, enfin, une écologie punitive qui, non contente d’avoir mis à genoux notre secteur énergétique, accélère le naufrage de notre industrie automobile.
Rien sur la contribution au budget de l’Union européenne dont nul, en France, ne comprend l’usage. Rien sur le coût exorbitant de l’immigration, quand seulement 10 % des nouveaux entrants arrivent avec un visa de travail. Rien sur la démultiplication d’agences et d’administrations diverses qui ne font qu’entraver la création de richesses dans ce pays.
À ce jour, et malgré nos relances, vous n’avez apporté aucune réponse au Haut Conseil des finances publiques. Cela, messieurs les ministres, s’apparente à de la dissimulation.
Vos prédécesseurs, il est vrai, vous ont montré l’exemple. En 2023, Mme Borne et M. Le Maire ont caché aux Français le dérapage budgétaire de 16 milliards d’euros dont le Trésor public les avait alertés depuis le mois de juillet 2023. En 2024, Gabriel Attal, parfaitement conscient de la situation, choisit de reconduire le ministre de l’économie. Mêmes causes, mêmes effets : le dérapage budgétaire, l’année suivante, sera de 1,5 point de PIB – 50 milliards d’euros –, dérapage dissimulé aux Français, là encore, à l’approche des élections européennes.
Le groupe UDR a été le premier à demander une commission d’enquête sur ce que l’on peut bien appeler une escroquerie budgétaire en bande organisée – des escrocs d’un genre particulier, qui n’ont volé personne directement, mais qui, plus grave, ont ruiné la France et les Français. Nous nous félicitons que la commission des finances ait repris cette initiative ; Éric Ciotti sera le rapporteur de cette commission d’enquête : la vérité doit éclore.
En matière d’insincérité, messieurs les ministres, vous êtes donc des héritiers, les héritiers d’un pouvoir qui, ayant alourdi la dette de 1 000 milliards en sept ans, soit 35 000 euros par ménage, a osé déclarer le 1er juin 2024, par la voix de son ministre de l’économie : « J’ai sauvé l’économie française. »
À l’issue de l’examen de votre projet de loi de finances en commission, le groupe UDR met également en doute votre autorité – celle du Gouvernement.
Les amendements adoptés alourdissent la facture fiscale des Français de plus de 60 milliards. À chaque fois que l’extrême gauche a fait voter une nouvelle taxe, c’est votre majorité qui l’a laissée faire. Ainsi de la hausse de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, ou de l’augmentation de la durée de détention nécessaire pour bénéficier de l’abattement sur la résidence principale.
Pire : les amendements les plus confiscatoires ont été proposés par votre majorité, qui les a fait adopter avec la complicité de la gauche et de l’extrême gauche. C’est votre majorité qui a proposé et fait adopter la mutilation du pacte Dutreil, qui permettait la transmission des entreprises entre les générations et assurait leur pérennité. C’est votre majorité qui est venue pérenniser la contribution sur les hauts revenus, d’abord annoncée comme temporaire. C’est votre majorité qui a décidé d’assujettir les meublés de tourisme à la TVA. C’est votre majorité qui a créé une nouvelle tranche d’impôt sur les héritages. C’est votre majorité, enfin, qui est venue augmenter le PFU et aligner la fiscalité de l’assurance vie sur celle des transmissions, alors qu’il s’agit d’un mode d’épargne plébiscité par les Français.
Messieurs les ministres, si votre projet de loi de finances est à ce point désavoué par votre propre majorité, c’est que vous ne disposez pas de l’autorité nécessaire pour gouverner.
Face à ce concours Lépine fiscal sur le dos des Français qui nous a vus discuter, tenez-vous bien – nouvelle lubie des Insoumis –, d’une taxe sur l’eau touristique, seule l’union des droites est parvenue à obtenir des victoires fiscales pour les Français : suppression de l’augmentation de la taxe sur l’électricité, suppression de la taxation supplémentaire des chaudières à gaz, suppression des nouveaux malus automobiles.
Car l’autorité dont vous manquez sur vos troupes, vous comptez manifestement en abuser pour culpabiliser toujours plus les Français. Ces mesures dont nous avons obtenu la suppression en commission résultent toujours de la même écologie punitive. Celle qui explique aux habitants de mon département, l’Ardèche, victimes de terribles inondations, qu’ils sont eux-mêmes responsables de leurs malheurs puisque ces insensés, comme ceux de beaucoup d’autres territoires, commettent l’hérésie d’utiliser une voiture thermique, dans un département où – vous l’avez peut-être oublié –, faute de détermination de la part de l’État, il n’y a même pas le train.
Le mot « autorité » vient du latin auctoritas : capacité à faire grandir, à élever. Mais rien, dans votre projet de loi de finances, ne fait grandir la France et rien, dans celui-ci, ne donne manifestement l’envie à votre majorité de s’élever à la hauteur des attentes des Français.
Enfin, après votre sincérité et votre autorité, c’est votre capacité à gouverner que le groupe UDR met logiquement en doute ce soir.
Je ne vais pas vous l’apprendre : gouverner, c’est prévoir. C’est donner à la France les moyens de sa grandeur, c’est sortir du diktat moral imposé par la gauche pour oser prendre à bras-le-corps la question de la dépense publique, et retrouver les moyens de notre souveraineté économique. C’est fuir la facilité pour travailler, sur le long terme, à renouer avec la croissance.
Messieurs les ministres, un autre budget était possible.?Vous avez fait le choix de ne pas retenir les propositions de l’UDR et du bloc national. Nous vous donnerons une seconde chance avec les amendements que nous proposerons.
Osez un budget de relance de notre économie, pour soutenir la création de richesses et d’emplois, par la baisse drastique de l’impôt sur les successions et les donations, afin de faire baisser l’âge moyen auquel les Français héritent, qui atteint aujourd’hui 52 ans. Accélérez la suppression de la CVAE, renforcez le pacte Dutreil pour garantir la pérennité de nos entreprises. Révisez?la contribution sur les hauts revenus, pour la rediriger vers l’économie productive, en particulier vers nos très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME). Rétablissez le crédit d’impôt innovation pour encourager les dépenses d’application industrielle en recherche et développement.
Osez un budget de patriotisme, par la taxation des flux financiers vers les pays qui refusent la réadmission de leurs ressortissants sur leur territoire, par la transformation de l’AME en aide médicale d’urgence, pour une économie de 1 milliard d’euros, par la suppression des subventions aux associations promigrants, par l’abandon des participations de l’État dans des secteurs non stratégiques, afin de renforcer sa présence là où notre souveraineté est menacée.
Osez un budget de simplification et d’économies, par la suppression des innombrables agences inutiles qui, chaque année, engloutissent 81 milliards d’euros, par la suppression du SNU, qui n’a pas fait ses preuves en matière d’intégration et de cohésion nationale, par la suppression du pass culture, qui est au service d’une culture idéologisée n’élevant pas l’âme de nos jeunes.
Osez, enfin, un budget de soutien au pouvoir d’achat, par la suppression de ces taxes qui constituent une liste interminable – sur les billets d’avion, sur les abris de jardin, sur les vérandas… –, par la suppression de la contribution à la vie étudiante et de campus, qui ne permet pas aux étudiants de sortir de la précarité, par la suppression des augmentations des taxes sur l’électricité, par l’abandon du report de l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation, et par la sanctuarisation de la rémunération de l’épargne acquise par l’assurance vie.
Si ces mesures ne sont pas reprises, messieurs les ministres, le groupe UDR votera contre votre projet de loi de finances.
Et, comme je doute que pendant les quelques minutes qu’aura duré mon intervention, vous ayez subitement reçu en héritage la sincérité, l’autorité et la capacité à gouverner, le groupe UDR appelle de ses vœux, quand le temps sera venu, l’alternance nationale que les Français attendent. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Élection d’un vice-président ou d’une vice-présidente ;
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2025.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra