XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Deuxième séance du mardi 04 mars 2025

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du mardi 04 mars 2025

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Hommage à Jean-Louis Debré

    Mme la présidente

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    (Mmes et MM. les députés et les membres du gouvernement se lèvent.) « Mon engagement politique fut au service de la République. La République qui est dans le sang de mes ancêtres. […] La République qui est notre ambition, notre idéal, notre bien commun, celle d’une aspiration profonde à la liberté. […] Il faut l’aimer. »
    La Ve République a perdu ce matin l’un de ses plus grands défenseurs et serviteurs. Issu d’une famille illustre, député, ministre, président de l’Assemblée nationale, président du Conseil constitutionnel : sa carrière fut en tout point exceptionnelle.
    C’est d’abord vers les prétoires qu’elle se tourna. Après une capacité puis une thèse en droit, Jean-Louis Debré devint, en 1971, assistant à la faculté de droit de Paris, puis magistrat et juge d’instruction. Chargé des affaires de grand banditisme, il tirera de ces années une source d’inspiration inépuisable pour les polars qu’il écrira ensuite.
    Mais revenons en arrière, en 1967. Alors que Jean-Louis Debré a 23 ans, une rencontre va changer sa vie : il fait alors la connaissance de Jacques Chirac, « mon Chirac », comme il l’appelait affectueusement. Ainsi naquit une amitié personnelle marquée par une fidélité politique indéfectible. Du ministère de l’agriculture, en 1973, au soir de la vie du président Chirac, lorsque Jean-Louis Debré lui remontait le moral dans les bars du 6e arrondissement, les deux hommes furent toujours liés, toujours alliés. C’est donc par Jacques Chirac que Jean-Louis Debré entre en politique, comme conseiller en cabinet, puis comme député de l’Eure en 1986. Ses mandats nationaux se doublent alors de mandats locaux, notamment comme maire d’Évreux de 2001 à 2007.
    C’est cependant à l’Assemblée, ici même, depuis ce même perchoir, que Jean-Louis Debré aura connu, selon ses mots, « cinq ans de bonheur absolu ». Président malicieux, Jean-Louis Debré était surtout un président rigoureux, amoureux de cette institution dont il fut l’élève et l’architecte. Cette histoire d’amour commence tôt, lorsqu’enfant, il accompagnait son père au Palais-Bourbon. Il en profitait alors pour faire du patin à roulettes dans les couloirs, à la grande frayeur des huissiers. Président de l’Assemblée nationale, il en connaissait tous les rouages, tous les passages, tous les secrets. Mais surtout, il connaissait l’essence de sa fonction de président : être impartial pour, selon ses mots, « incarner l’Assemblée dans toutes ses composantes, et être le protecteur des droits de l’opposition ». Estimé et respecté bien au-delà de son propre camp, il fut ainsi reconnu pour ce qu’il était : un homme droit, intègre, attaché au pluralisme républicain.
    Il était aussi et surtout un politique qui aimait les gens et qui s’intéressait à eux. Un homme simple, un homme bien, qui avait l’art du lien. Je peux en témoigner, puisqu’il fut toujours avec moi d’une grande bienveillance et d’un soutien indéfectible. Comme nombre d’entre vous, je le croisais souvent ici, à l’Assemblée, lorsqu’il arpentait les couloirs en guide passionné, se faisant auprès du jeune public autant conteur que passeur.
    Jean-Louis Debré, c’était donc un homme de cœur, mais c’était aussi un homme d’esprit et d’humour. À l’Assemblée même, il se permit quelques facéties. À la boutique, dont il eut l’idée, il avait même dessiné et conçu des peignoirs floqués du slogan « Mouillez-vous avec les politiques » ou des tabliers estampillés « Cuisine électorale ».
    En 2007, après cinq années de bonheur à l’Assemblée, Jacques Chirac le nomma à la présidence du Conseil constitutionnel. Jean-Louis Debré fit alors entrer la rue de Montpensier dans une nouvelle ère. Il fut le président de la QPC –⁠ question prioritaire de constitutionnalité –, fit grandir cette réforme, ouvrit les portes du Conseil constitutionnel aux avocats et aux justiciables. Sous sa présidence, le Conseil devint pleinement, selon ses mots, « le bouclier qui préserve de toute atteinte à des droits et libertés ».
    En 2016, quittant la rue de Montpensier, il suivit l’autre grand fil rouge de sa vie, l’écriture. Encore ces derniers mois, il sillonnait la France pour jouer, avec sa compagne Valérie Bochenek, une pièce consacrée à Ces femmes qui ont réveillé la France. Il y mettait en lumière des pionnières et des premières comme Sand, Colette ou Yourcenar. Ce fut un honneur pour nous de lui avoir permis de jouer sa pièce, en 2022, dans la Galerie des fêtes.
    Jean-Louis Debré était un amoureux de la République. Un amoureux d’une République qu’il voulait libre et laïque, qu’il voulait ardente, vibrante, vivante. Un amoureux de ces Mariannes auxquelles il était si attaché –⁠ c’est lui qui créa à l’Assemblée le salon des Mariannes et qui fit placer dans une niche du salon Delacroix le buste de Marianne à la place du trône de Louis-Philippe. En évoquant Marianne, la République, le président Jean-Louis Debré paraphrasait souvent Ernest Renan : la République, disait-il, est « un rêve d’avenir partagé ». Mais ces derniers temps, il ajoutait un avertissement inquiet : « Il faut faire en sorte que la République ne meure pas. »
    Au nom de la représentation nationale, en votre nom à tous, au nom aussi du personnel de l’Assemblée nationale qu’il aimait tant, je salue la mémoire du président Debré et j’adresse mes plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.
    Je vous invite à respecter une minute de silence.
    (Mmes et MM. les députés et les membres du gouvernement observent une minute de silence.)
    Je vous remercie. (Applaudissements prolongés.)
    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    Madame la présidente, merci pour les mots que vous venez de prononcer devant la représentation nationale ; des mots empreints d’affection pour une personnalité à laquelle nous étions tous profondément attachés. Merci également d’avoir choisi cette photo, si belle et expressive, où –⁠ c’est l’impression que nous sommes nombreux à avoir – Jean-Louis Debré nous soutient du regard.
    Le premier mot qui me vient à l’esprit, au nom du gouvernement, est celui de reconnaissance –⁠ reconnaissance pour la personnalité qu’il était, pour le parcours exceptionnel qui fut le sien.
    S’il fallait trouver un adjectif pour qualifier le chemin de Jean-Louis Debré, ce serait sans aucun doute « républicain ». Il était profondément attaché aux principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité, qu’il a servis et honorés durant toute sa carrière, toute sa vie.
    Un autre mot qui le définit est celui de fidélité, cette fidélité dont il a fait preuve dans tous ses engagements, politiques comme personnels –⁠ notamment, vous l’avez rappelé, auprès de Jacques Chirac. Tout au long de sa vie, il a servi une certaine idée –⁠ une idée, si je puis dire, presque chevaleresque – de ce qu’étaient l’engagement et la responsabilité politiques, qu’il ne séparait pas de l’engagement personnel et affectif ; une certaine idée de la République, mais aussi de la vie : une vie dans laquelle on ne s’abaisse pas –⁠ surtout pas à trahir ceux qu’on aime et avec qui on se bat.
    Le troisième et dernier mot qui me vient à l’esprit est celui d’amour : l’amour de la France, qu’il ne dissociait jamais de l’amour de la République. Il voyait dans le long chemin des institutions qu’il a servies –⁠ non seulement depuis votre fauteuil, madame la présidente, mais aussi depuis la présidence du Conseil constitutionnel – un parallèle avec l’aventure nationale à laquelle il avait dédié toute sa vie.
    Enfin, vous l’avez souligné, c’était un homme qui, tout engagé qu’il fut, ne se départait jamais d’un certain humour, d’une pointe d’ironie dans les yeux. Moi qui ai siégé à ses côtés au Conseil des ministres pendant des années, je garde le souvenir précis de l’esprit qu’il déployait au service de ses collègues et de ses contemporains, parfois en les égratignant quelque peu. Cette manière de voir le monde, où l’on pouvait être fidèle en tout sans être dupe de rien, était une marque de fabrique de sa personnalité.
    Cet homme nous manquera. Sa fidélité restera un modèle et son humour sera pour nous une leçon de vie. (Applaudissements.)

    2. Questions au gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.

    Sécurité européenne

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anna Pic.

    Mme Anna Pic

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    Hier, nous nous sommes retrouvés ici même à la demande du groupe Socialistes et apparentés pour débattre de la situation en Ukraine et de ses conséquences sur la sécurité en Europe. Nous sommes tous convenus que les grands équilibres de ces quatre-vingts dernières années disparaissaient sous nos yeux, que le monde se recomposait et que nous ne pouvions plus reporter à demain l’urgente nécessité de penser en Européens la sécurité collective de l’Europe.
    Nous l’avons tous dit, ou presque : nous devons repenser notre défense nationale et la sécurité commune européenne, augmenter les moyens, trouver des nouveaux outils pour soutenir la résistance ukrainienne et relever les nouveaux enjeux de défense.
    Ce que nous n’avons pas bien compris en revanche, c’est la façon dont nous procéderions et dans quel délai. Quelle nouvelle répartition des compétences entre l’UE et l’Otan souhaitons-nous ? Qu’est-ce qui relève du domaine intergouvernemental, de la Commission ou d’accords stratégiques bilatéraux ? Quelle impulsion de la France pour faire vivre le E de la base industrielle et technologique de défense européenne ? L’assouplissement du pacte de stabilité permettra-t-il de financer le remplacement des hommes du Commandement des forces des États-Unis en Europe par des hommes appartenant à des forces européennes ?
    En effet, après la décision de Trump, intervenue la nuit dernière, de geler l’aide américaine à l’Ukraine et à quelques heures de son discours sur l’état de l’Union, il n’est plus minuit moins le quart mais moins une : nous avons besoin de précisions et d’actions concrètes. Nous avons besoin de réponses.
    La simple révision de la revue nationale stratégique dans les couloirs du ministère des armées ne suffira pas ; nous devons avancer la révision de la loi de programmation militaire, initialement prévue en 2026, car le temps s’accélère.
    Quelles seront les orientations de notre effort ? Comment s’articulera-t-il avec ce qui relève de l’Otan, de la Commission européenne et du domaine intergouvernemental ? Vous engagez-vous à lancer rapidement le chantier de révision d’une LPM déjà caduque ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre des armées.

    M. Sébastien Lecornu, ministre des armées

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    La plus belle force d’une armée, c’est le courage de ses soldats –⁠ heureusement que le vice-président américain a corrigé ses propos à ce sujet. Je veux saluer la mémoire des quelque 600 soldats français morts pour la France depuis la fin de la guerre d’Algérie : ils méritent notre respect et celui de nos alliés. Nous respectons les vétérans de tous les pays alliés ; nous entendons bien que nos propres vétérans soient respectés. (Les députés ainsi que Mme Sophie Primas, ministre, se lèvent et applaudissent. –⁠ Les autres membres du gouvernement se lèvent également.)
    Cela étant dit, votre question est juste et légitime. Débuté en 2015, à la suite des décisions du président Hollande et du ministre Le Drian aux lendemains des attentats, le réarmement français s’est accéléré depuis 2017 et le nouveau contexte stratégique nous impose de forcer encore le pas.
    Premier commentaire : la revue nationale stratégique constitue un exercice important. Demandée par le groupe socialiste au Sénat, en particulier par le sénateur Temal, elle permettra de documenter toutes les stratégies de contournement de la dissuasion nucléaire française : menaces hybrides, actions dans le champ informationnel ou cyber, manipulations de l’information ou des flux énergétiques. La Russie étant en train de réinventer la guerre, rien ne serait pire que de remettre beaucoup d’argent public pour se préparer à gagner la guerre d’hier et non celle de demain.
    Pour cela, le travail ne doit en effet pas être mené dans les couloirs du ministère des armées, mais dans les commissions parlementaires, toutes les commissions et non seulement celle de la défense, dans les deux chambres, avec les think tanks et l’ensemble du monde stratégique, sous peine de passer à côté du bon diagnostic, qui portera sur des questions civiles plus encore que sur les seules questions militaires.
    Enfin, il convient évidemment d’atteindre plus rapidement nos cibles capacitaires, dont certaines avaient été fixées à 203. Cela vaut aussi bien pour l’armée de terre que pour la marine nationale et l’armée de l’air. Nous aurons l’occasion d’y revenir en commission de la défense. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anna Pic.

    Mme Anna Pic

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    Vous savez à quel point le travail parlementaire sur les questions de défense nous importe. Nous avions déposé de nombreux amendements sur le sujet. Nous sommes parvenus à repousser au 2 avril la date de la revue nationale stratégique, initialement prévue le 14 mars. Il nous faudra plus de temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Situation à La Réunion

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émeline K/Bidi.

    Mme Émeline K/Bidi

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    Jeudi dernier, La Réunion a subi le passage du cyclone tropical intense Garance. Je veux d’abord adresser mes condoléances et mes pensées aux proches des cinq personnes qui ont perdu la vie à cause de cette tempête. (Les députés ainsi que Mme Amélie de Montchalin et M. Manuel Valls, ministres, se lèvent et applaudissent. –⁠ Les autres membres du gouvernement se lèvent également.)
    Les dégâts matériels sont également considérables, particulièrement dans le nord et l’est de l’île : des toits arrachés, des habitations inondées, les voies et réseaux détruits, emportés par les vents violents et les pluies torrentielles.
    L’ouest et le sud de l’île, relativement épargnés lors du passage de Garance, sont néanmoins très affectés par les conséquences postcycloniques : de nombreuses familles et des entreprises restent à cette heure privées d’eau et d’électricité, sans information sur les délais de réparation des réseaux.
    De plus en plus nombreux, ces phénomènes violents n’ont pas épargné La Réunion ces dernières années : Fakir, Batsirai, Belal, Garance. À chaque fois, les mêmes destructions, le même désarroi frappent les familles, les entrepreneurs, les agriculteurs. À peine se remettent-ils d’un événement qu’il faut déjà affronter le suivant : certaines habitations n’avaient pas encore été réparées depuis Belal, lorsque Garance a frappé La Réunion. À chaque fois la mobilisation est totale pour reconstruire, déblayer, réparer. Je tiens donc à saluer le travail difficile de toutes les forces de secours, des pompiers, des gendarmes, ainsi que celui des agents d’EDF, qu’elles viennent de La Réunion ou aient été envoyées en renfort.
    Néanmoins, nous pourrions et nous devons être moins dépendants de l’Hexagone pour affronter ces cyclones violents qui s’abattent sur nous chaque année. Les phénomènes n’ayant plus rien d’exceptionnel, nos moyens doivent être pérennisés. Pour reconstruire les voiries et les réseaux, réparer les écoles, entretenir les ravines, rebâtir des logements sociaux, nos collectivités ont besoin du soutien de l’État. À l’heure des coupes budgétaires, permettez-moi d’être inquiète.
    Pour ne prendre qu’un exemple, avant le passage du cyclone Garance, l’État envisageait de baisser sa participation au financement des parcours emploi compétence, quelque 5 000 emplois s’en trouvant menacés. Or, aujourd’hui, les titulaires de ces mêmes contrats PEC nettoient, déblaient et réparent. Monsieur le ministre des outre-mer, que comptez-vous annoncer lors de votre passage à La Réunion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.

    M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer

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    Au nom du gouvernement, je veux à mon tour exprimer nos condoléances et apporter notre soutien aux familles des victimes ainsi qu’à l’ensemble des Réunionnaises et des Réunionnais, qui ont fait preuve une nouvelle fois d’une très grande résilience et d’un très grand courage. Vous l’avez souligné, vous êtes malheureusement habitués à ce type d’événements naturels –⁠ peut-on vraiment s’habituer à cela ? je ne le crois pas – et les Réunionnais étaient préparés. Je tiens en tout cas à saluer leur admirable force collective.
    Vous avez également rappelé –⁠ je vous en remercie – que les services de l’État ont été mobilisés sous l’impulsion du ministre de la défense et du ministre de l’intérieur. Le travail se poursuit sur le terrain –⁠ je pense évidemment à l’engagement des agents d’EDF.
    Dès jeudi, je me rendrai à La Réunion pour être aux côtés de la population, des élus locaux et des équipes de secours. Nous ferons un état des lieux précis des actions prioritaires pour soutenir les habitants sinistrés de l’île et permettre la reconstruction économique, notamment dans le secteur agricole, que vous avez évoqué.
    La procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle est enclenchée ; elle devrait aboutir, en urgence, dès cette semaine. Le travail de la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et du préfet ont déjà commencé, en vue de faire reconnaître la calamité agricole. Sur ce point aussi, nous serons au rendez-vous. Tous les ministres et moi-même nous mobilisons pour répondre au mieux aux attentes des Réunionnais. Vous pouvez compter sur notre engagement !

    Guerre en Ukraine

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Gabriel Attal.

    M. Gabriel Attal

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    Il y a une semaine, à Zaporijjia, un soldat ukrainien me confiait : quand nous sommes au front, nous pensons à notre famille et à la famille européenne. Telle est la réalité de cette guerre : des Ukrainiens qui donnent leurs vies pour défendre leur pays, mais aussi la sécurité d’une Union dont ils ne sont pourtant pas membres ; des Ukrainiens qui remercient la France et le président de la République pour le soutien constant apporté depuis trois ans –⁠ ce qui est un motif de fierté (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ Plusieurs députés du groupe SOC ainsi que Mme Sandrine Rousseau applaudissent également) ; mais des Ukrainiens qui redoutent l’avenir, au moment de la suspension de l’aide américaine.
    Hier, nous avons longuement débattu de l’autonomie stratégique à construire en Europe, mais c’est sur le très court terme que je veux vous poser deux questions claires, monsieur le premier ministre : en cas de désengagement américain, quels besoins concrets de l’armée ukrainienne identifions-nous ? Quels équipements supplémentaires la France est-elle en mesure de mobiliser immédiatement pour répondre à ces besoins ?
    J’ajoute que nous sommes nombreux à ne plus partager la position du gouvernement au sujet de la saisie des avoirs russes. La donne a changé. Avant de faire payer les Français et les Européens, faisons payer les Russes pour la sécurité de l’Ukraine ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et LIOT.)
    Enfin, je veux revenir sur la complète inversion des valeurs à laquelle nous assistons : du Kremlin au Bureau ovale, en passant par Mme Le Pen, on cherche à présenter les Ukrainiens comme des va-t-en-guerre. (Mêmes mouvements. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Je veux leur rappeler des choses simples :…

    M. Emeric Salmon

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    À qui s’adresse-t-il ? Ce n’est pas une question au gouvernement !

    M. Gabriel Attal

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    …l’Ukraine veut la paix, la Russie veut l’Ukraine ; l’Ukraine veut la liberté, la Russie veut un empire ; l’Ukraine veut l’Europe, la Russie veut la disloquer. Tourner le dos à l’Ukraine reviendrait à tourner le dos à notre passé comme à notre avenir. Ne nous contentons pas d’être du bon côté de l’histoire, écrivons-la jusqu’au bout ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ Les députés des groupes EPR et Dem ainsi que Mmes Justine Gruet et Estelle Youssouffa se lèvent et continuent d’applaudir.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    Monsieur le président Attal, je tiens à vous remercier pour votre participation à notre débat d’hier, qui a été, je crois, de haute tenue. Comme vous l’avez justement indiqué, hier est déjà dépassé : hier nous en étions restés à la manière brutale dont avait été traité Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine ; nous y avions vu un renversement qui faisait passer notre univers, singulièrement en Europe, d’un monde régi par la loi du plus juste au monde brutal de la loi du plus fort.
    Vous avez, à juste titre, ajouté que ce qui rend plus insupportable encore la situation, c’est l’inversion de valeurs, au terme de laquelle les États-Unis, qui ont défendu la liberté et les principes démocratiques à nos côtés, en viennent à reprendre les arguments, les mots, les raisonnements de l’envahisseur, de celui qui veut détruire.
    Vous avez eu une formule, que j’ai trouvée excellente : si la Russie arrête de combattre, la guerre est finie ; si l’Ukraine arrête de se battre, l’Ukraine est finie. Cette éloquente mise en perspective résume la situation devant laquelle nous sommes.
    Vous me demandez ce qui manquera aux forces armées ukrainiennes si les livraisons d’aide américaines cessent brutalement –⁠ elles sont en train de cesser : des trains entiers, chargés de matériels pour l’Ukraine sont arrêtés et interdits de se rendre à destination. Ce qui peut manquer, ce sont les munitions, certains systèmes de renseignement, l’accès à des réseaux et la connectivité, divers soutiens logistiques et de formation. J’ajoute le soutien diplomatique et, peut-être plus important encore, le soutien de peuple à peuple : les Ukrainiens se sentent abandonnés et terriblement seuls. Vous en avez fait l’expérience quand vous vous êtes rendu en Ukraine ces derniers jours.
    Quel est l’enjeu pour la France ? Il s’agit de réunir tous les moyens possibles pour nous substituer, autant que faire se peut, à une aide internationale venant à s’arrêter.
    C’est un effort considérable que les Européens, du moins ceux qui sont décidés à aider l’Ukraine, doivent fournir. Mais au-delà, et tout en souhaitant que notre soutien permette à l’Ukraine de résister, il nous faut bâtir une défense européenne. Nous devons le faire avec nos moyens, dont je me suis efforcé de montrer, hier, qu’ils ne sont pas négligeables –⁠ ils sont même, si on les additionne, nettement supérieurs aux capacités russes. La France demande depuis des années –⁠ huit années sous la présidence d’Emmanuel Macron – et même depuis des décennies, si l’on remonte à la présidence du général de Gaulle, la création d’une capacité de sécurité et de défense indépendante, qui ne soit pas soumise aux décisions de ses alliés, notamment pour ce qui est des livraisons d’armements et de systèmes de sécurité.
    C’est donc un immense effort que nous devons fournir. Si je puis vous dire ce que je pense vraiment, cela va nous obliger à réfléchir à notre modèle, à nos priorités, et à voir différemment le monde que nous pensions connaître et dont nous avons découvert, par l’action de ceux que nous croyions être nos alliés, qu’il était plus dangereux que nous ne l’imaginions. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

    A69

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Christine Arrighi.

    Mme Christine Arrighi

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    Le tribunal administratif de Toulouse a jugé que l’A69 ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur, selon les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement, précisés par décret en Conseil d’État signé par Mme Borne, première ministre, Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, Éric Dupond-Moretti, ministre de la justice, Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et Hervé Berville, secrétaire d’État à la mer et à la biodiversité. C’est une victoire du droit face au fait accompli (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) et une reconnaissance des arguments incontestables qui ont été avancés de longue date par les associations, les scientifiques et les citoyens mobilisés.
    Ce jugement, votre gouvernement le conteste, à grand renfort de déclarations irresponsables de la ministre de la transition écologique et du ministre des transports, qui demandent en outre la poursuite du chantier, au mépris de la justice et des principes de l’État de droit. Quels sont leurs arguments ? Le coût pour le contribuable et un chantier déjà bien avancé. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) Mais ce n’est pas la justice qui met le contribuable en difficulté ! C’est votre aveuglement et votre entêtement à poursuivre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), malgré ses incohérences économiques, ses aberrations sociales, sa dette environnementale et son montage juridique hasardeux, soigneusement couvert par le secret des affaires.
    Respecter l’État de droit ne peut être à géométrie variable. L’A69 nous le montre : il est grand temps de repenser les projets d’infrastructures routières et autoroutières de notre pays. Plutôt que de laisser votre gouvernement s’obstiner dans cette impasse juridique et financière, quand allez-vous enfin renoncer à ce projet mortifère et engager une véritable concertation, afin de donner lieu à des solutions modernes de mobilité qui soient durables, justes et adaptées aux besoins des territoires, dans le Tarn comme ailleurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé des transports.

    M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports

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    Je comprends votre enthousiasme face à cette décision de justice, mais permettez-moi d’être direct : votre victoire judiciaire est une défaite pour des milliers d’habitants du Tarn. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR et sur quelques bancs des groupes RN, EPR et UDR.)

    M. Jean Terlier

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    Exactement !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    Voilà un projet dont les deux tiers sont déjà réalisés et qui, après avoir survécu à trente années de procédures et avoir obtenu toutes les autorisations légales, se retrouve à l’arrêt ; c’est tout simplement absurde. (« C’est ça, la réalité ! » sur les bancs du groupe EPR.)
    Le projet d’A69 n’est pas tombé du ciel : il a été soutenu par toutes les collectivités locales, de gauche comme de droite. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) L’État fera donc appel de cette décision et demandera un sursis à exécution,…

    Mme Eva Sas

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    Vous êtes ministre, vous n’avez pas à commenter !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    …pour que le chantier puisse reprendre au plus vite. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)

    M. Alexis Corbière

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    Où est l’État de droit ?

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    S’il le fait, ce n’est pas par obstination : c’est en vertu du bon sens, s’agissant d’un projet réalisé à plus de 70 %, et par respect de la volonté démocratique exprimée par les territoires concernés.

    Mme Justine Gruet

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    C’est la démocratie !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    Je vous invite à sortir des postures idéologiques (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS) : l’écologie ne peut pas être un prétexte pour condamner les territoires ruraux à l’enclavement. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et HOR.)

    M. Gabriel Attal

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    Bravo !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    La transition écologique exige des infrastructures modernes et adaptées, non l’immobilisme de l’action publique (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS), dont les territoires seraient les premières victimes. L’intérêt général commande de terminer cette autoroute, pas de laisser un chantier béant pour satisfaire quelques militants écologistes mais surtout extrémistes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, EPR, DR, Dem, HOR et UDR. –⁠ Vives exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Non mais ça va pas, là ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Christine Arrighi.

    Mme Christine Arrighi

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    Un ministre ne commente pas une décision de justice ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR et sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Quelle honte !

    Mme Émilie Bonnivard

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    C’est vous qui lui posez la question !

    Mme Christine Arrighi

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    Un ministre ne dit pas qu’une décision de justice est ubuesque ! (Les députés des groupes EcoS et LFI-NFP, continuant d’applaudir jusqu’au terme de l’intervention, se lèvent.) Monsieur le ministre, vous sortez de votre rôle et de votre rang ; vos propos sont scandaleux et votre obstination l’est encore davantage. Vous n’êtes pas du Tarn et vous n’y êtes jamais venu : que savez-vous de ce dossier ?

    M. Fabien Di Filippo

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    Si vous ne voulez pas de réponse, il ne faut pas poser de question !

    Attentat de Mulhouse

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Théo Bernhardt.

    M. Théo Bernhardt

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    Le 22 février dernier, une fois de plus, la France a été attaquée par l’islamisme. À Mulhouse, six personnes ont été blessées et un homme assassiné par un clandestin qui, une fois de plus, n’avait rien à faire sur notre territoire. J’adresse, au nom de l’ensemble des députés du Rassemblement national, mon soutien le plus total aux familles des blessés, et mes condoléances les plus sincères aux proches de ce citoyen portugais qui a perdu la vie en protégeant héroïquement nos forces de l’ordre. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. –⁠ M. Olivier Marleix applaudit également.)
    Mais plusieurs questions demeurent. Comment cet Algérien, connu de nos services de renseignements, condamné en 2023 pour apologie du terrorisme et sous le coup d’une OQTF –,…

    Mme Brigitte Barèges

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    Encore !

    M. Théo Bernhardt

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    …a-t-il pu se retrouver en liberté dans les rues d’Alsace ?
    Qu’avez-vous proposé depuis cet attentat ? Un suivi psychologique des individus inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste ? Mais monsieur Retailleau, les Français ne veulent pas payer des séances de psy aux terroristes qui les égorgent dans la rue ; les Français veulent leur expulsion immédiate, sans condition et sans possibilité de retour. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
    Je sais ce que vous allez faire : vous allez exprimer votre indignation et formuler des promesses à la volée. C’est là votre exercice préféré depuis votre prise de fonction, mais le problème, c’est que vos promesses ne se traduisent jamais en actes. L’Algérie a refusé à quatorze reprises de reprendre son ressortissant : c’est inadmissible ! Comment pourriez-vous engager le bras de fer migratoire que vous promettez depuis des mois avec l’Algérie, alors que vous êtes incapable de remporter celui qui vous oppose au président de la République ?

    M. Emeric Salmon

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    Eh oui !

    M. Théo Bernhardt

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    Le désaveu que vous a infligé Emmanuel Macron vous condamne, tout comme il condamne le pays à regarder les mêmes attaques et les mêmes drames se reproduire partout sur le territoire. Monsieur Retailleau, la sécurité des Français doit passer avant la campagne interne de votre parti. Ne soyez plus le faire-valoir d’un pouvoir qui a échoué à protéger les Français ! Votre devoir moral vous commande d’agir ou de partir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    La sécurité des Français devrait passer avant les polémiques politiciennes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et HOR. –⁠ Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Jérôme Guedj

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    Parole d’expert !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Je veux moi aussi avoir une pensée pour la famille de cette victime et pour les blessés. Mais je veux d’abord rendre hommage aux policiers municipaux et nationaux (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ M. Hervé de Lépinau applaudit également)

    Mme Laure Lavalette

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    C’est trop facile !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    …qui sont parvenus à interrompre la trajectoire criminelle de ce terroriste islamiste. Dans quelques jours, à Beauvau, ils seront récompensés : je les décorerai. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Hervé de Lépinau

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    Mais ?

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Vous avez indiqué le profil de ce terroriste islamiste : il avait été condamné pour apologie du terrorisme et présentait des troubles psychiatriques. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Il était aussi, bien entendu, sous le coup d’une OQTF, et son dossier avait été adressé à quatorze reprises au consulat algérien.

    M. Emeric Salmon

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    Tout le monde peut arriver à quatorze ! Il faut intervenir dès la première !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Mon prédécesseur, Gérald Darmanin, avait d’ailleurs à deux reprises évoqué ce dossier auprès de l’ambassadeur d’Algérie à Paris.

    M. Hervé de Lépinau

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    Ah !

    M. Bryan Masson

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    Vous êtes un ministre de constat ! Nous voulons des actes !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Les choses sont claires : si l’Algérie avait repris son ressortissant, comme le droit international l’y obligeait, il n’y aurait pas eu d’attentat à Mulhouse. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Le bras de fer que nous devons assumer avec ce pays n’a qu’un objectif :…

    M. Emeric Salmon

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    C’est avec Emmanuel Macron que vous devez faire un bras de fer !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    …la sécurité des Français. Le premier ministre a présidé il y a quelques jours le comité interministériel de contrôle de l’immigration : nous avons désormais sur la table une réponse graduée. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous avons commencé à la mettre en œuvre à Roissy, et nous allons poursuivre dans cette direction puisque dans quelques jours, nous adresserons aux autorités algériennes une liste de quelques centaines de personnes (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN) qui sont parmi les plus dangereuses et sont parfois radicalisées, pour que l’Algérie les réadmette.

    M. Laurent Jacobelli

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    Elle n’en veut pas !

    M. Bryan Masson

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    Vous êtes un macroniste : vous êtes inutile !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Nous l’avons fait, monsieur, dans le respect du droit international et de l’accord de 1994 !

    M. Emeric Salmon

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    Et l’accord de 1968 ?

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Bien sûr, il faut une relation apaisée entre la France et l’Algérie, mais cette relation ne saurait être apaisée au détriment de la sécurité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ M. Julien Odoul mime un joueur de violon.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Théo Bernhardt.

    M. Théo Bernhardt

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    Montaigne disait : « C’est une belle harmonie quand le dire et le faire vont ensemble. » Il semblerait qu’une fois de plus, monsieur le ministre, vous parlez, vous parlez, mais jamais vous n’agissez. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    A69

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Brigitte Barèges.

    Mme Brigitte Barèges

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    Les zadistes ont une nouvelle fois gagné. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Après des scènes de guérilla et de vandalisme d’une violence extrême –⁠ engins de chantier incendiés, menaces de mort, pompiers et gendarmes pris pour cibles et certains grièvement blessés –, voilà qu’un jugement du tribunal administratif de Toulouse leur donne raison, en annulant l’arrêté préfectoral et en sacrifiant l’autoroute A69, prévue entre Castres et Toulouse, sur l’autel d’une idéologie mortifère,…

    Mme Christine Arrighi

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    Mais bien sûr ! Bravo !

    Mme Brigitte Barèges

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    …celle de la décroissance et du repli : 900 emplois détruits, 300 millions d’euros déjà dépensés et un chantier stoppé net alors qu’il est achevé aux deux tiers !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Eh oui !

    Mme Brigitte Barèges

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    Comment peut-on justifier un tel gâchis au nom de l’argument retenu par le tribunal, à savoir la « raison impérative d’intérêt public majeur » ? Oui, les juges se sont trompés !

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Ah ? Quel scandale !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    La séparation des pouvoirs, vous connaissez ?

    Mme Brigitte Barèges

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    Oui, notre région est bel et bien enclavée ! Oui, nous avons besoin d’infrastructures pour notre économie et pour notre mobilité ! Hier l’aéroport près de Toulouse et le barrage de Sivens, aujourd’hui l’A69, et demain, pourquoi pas, la LGV ? Jusqu’à quand laisserons-nous une poignée d’écologistes militants d’extrême gauche (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR, RN et DR) nous figer dans un immobilisme invivable ?

    M. Sébastien Chenu

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    Ce sont des dingos !

    Mme Brigitte Barèges

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    Ces zadistes ne proposent rien, sinon un monde sans route, sans usine, sans innovation,…

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Éclairé à la bougie, aussi !

    Mme Brigitte Barèges

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    …où chacun devrait rétrécir son existence, moins se déplacer, moins travailler, moins créer ; bref, moins vivre !

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Quelle mauvaise foi !

    Mme Brigitte Barèges

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    Monsieur le ministre des transports, pouvez-vous nous rassurer quant à votre volonté de réformer la loi pour éviter que de tels scandales ne se reproduisent et afin de ne pas décourager davantage les entreprises et les élus locaux ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR, RN et DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé des transports.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    N’hésitez pas à présenter des excuses au juge !

    M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports

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    Je suis ravi de voir que ce sujet provoque tant de débats, au sein de cet hémicycle mais aussi chez des millions de Français qui s’inquiètent pour nos projets d’aménagement du territoire. Jeudi dernier, avec la décision du tribunal administratif de Toulouse, c’est la défaite de tout un territoire qui a eu lieu,…

    Mme Marie Pochon

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    C’est le contraire !

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    C’est la défaite de votre politique !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    …même si une poignée de personnes se sont réjouies d’une fausse victoire. Il est bien sûr évident que l’État fera appel en demandant un sursis à exécution de la décision du tribunal administratif de Toulouse, comme je viens de le dire.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Comme vous êtes sympathique avec l’extrême droite !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    Il faut que le chantier puisse reprendre au plus vite. Ce n’est pas seulement un ministre qui parle ici : c’est aussi le sens évident de l’intérêt général,…

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Pas du tout !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    …car il s’agit du désenclavement d’un territoire et du respect de la volonté démocratique. Néanmoins, comme je l’ai affirmé rapidement après l’annonce de la décision, cette situation, au-delà de son absurdité, doit nous amener à adopter une vision plus large. Comment mener un projet d’infrastructure aujourd’hui, si tout projet peut être remis en cause du jour au lendemain ?

    Mme Émilie Bonnivard

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    Et voilà !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    Comment mener la transition écologique si nous ne pouvons plus réaliser d’infrastructures ? (Mme Delphine Batho s’esclaffe.) La conséquence de la décision du tribunal, la voilà : comment imaginer qu’un porteur de projet acceptera désormais un tel risque ?

    Mme Émilie Bonnivard

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    Eh oui !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    Il faut le reconnaître : les opposants sont souvent les mêmes, que ce soit pour un projet d’autoroute ou pour un projet ferroviaire qui participerait pourtant à la décarbonation des mobilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR.) Ils n’ont qu’un souhait, finalement : condamner les territoires à l’immobilisme le plus total. C’est pourquoi je vais prochainement présenter des mesures de simplification pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Brigitte Barèges.

    Mme Brigitte Barèges

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    Au-delà de l’appel de la décision, il est en effet urgent de réformer la loi, notamment pour mieux encadrer cette notion trop floue de « raison impérative d’intérêt public majeur », qui est la porte ouverte à tous les abus. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR, RN et DR.)

    Situation à La Réunion

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.

    M. Jean-Hugues Ratenon

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    Devant la représentation nationale, au nom de mon groupe, et avec mon collègue Perceval Gaillard, nous voulons nous aussi rendre hommage aux cinq victimes du cyclone Garance. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Nous témoignons notre soutien à leurs familles et à leurs proches. Je veux féliciter les services publics, les personnels soignants, les pompiers, les employés communaux, les agents de la région et du département pour leur travail acharné mais aussi saluer les gendarmes, les policiers, l’armée, les renforts et la solidarité réunionnaise. Bravo à eux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS, dont les députés se lèvent, ainsi que sur les bancs des groupes EPR et GDR.)
    Les Réunionnais sont traumatisés par ce cyclone d’une intensité exceptionnelle. Des centaines de familles ont vu leurs maisons détruites. Rebâtir nécessite des moyens. Les réponses doivent être concrètes et immédiates. Ne faut-il pas réquisitionner les logements vacants existants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) L’urgence est totale. L’état de catastrophe naturelle et de calamité agricole n’est pas à prouver.
    Prévoyez-vous un prêt à taux zéro pour la reconstruction ? Pour ceux qui n’ont pas d’assurance, comptez-vous ouvrir un fonds d’aide exceptionnelle ? (Mêmes mouvements.)
    Malgré les renforts, des dizaines de milliers de gens n’ont toujours pas d’eau ni d’électricité : il faut absolument trouver une solution, et sans délai. (Mêmes mouvements.)
    L’épidémie du chikungunya s’accélère, des tonnes de déchets s’accumulent : prévoyez-vous d’augmenter le nombre de contrats parcours emploi compétences et d’adapter leur financement ? Les communes sont en difficulté. L’État doit être véritablement à leurs côtés pour ne pas les laisser seules face à ces dépenses imprévues. Concernant l’hôpital public, le groupe hospitalier Est Réunion, situé dans ma circonscription, a subi des dégâts considérables et a besoin d’argent. L’État va-t-il agir pour que la santé retrouve ses pleines capacités ? (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    Veuillez conclure.

    M. Jean-Hugues Ratenon

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    Enfin, pour éviter une augmentation des prix, l’État doit procéder rapidement à leur blocage. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. –⁠ Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent ce dernier.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.

    M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer

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    Je sais que les communes de votre circonscription figurent parmi les plus touchées par le cyclone Garance et la passion avec laquelle vous en parlez témoigne de votre inquiétude, comme de celle de vos collègues de La Réunion, face à la souffrance et à l’état d’esprit des Réunionnais.
    L’urgence est à présent d’agir : 900 personnels des forces de sécurité sont engagés sur le terrain, de même que 245 personnels de secours, dont 188 sont venus en renfort et 100 personnels de la sécurité civile, qui sont arrivés aujourd’hui dans l’île.
    Dans les heures qui viennent, il importe avant tout, vous l’avez dit, de rétablir l’accès à l’électricité et à l’eau potable. Encore trop de personnes, de l’ordre de 200 000, en sont privées. Des palettes de bouteilles d’eau sont livrées et des mesures sont prises pour rétablir les télécommunications.
    Vous avez raison : nous devons être capables d’établir un plan de reconstruction pour permettre aux habitants de surmonter les difficultés auxquelles ils sont confrontés et d’apporter des réponses aux questions qu’ils se posent à propos de l’emploi, de l’agriculture et de la reconstruction des bâtiments détruits. Nous nous réunirons jeudi et vendredi à La Réunion ; vous pouvez compter sur la mobilisation du gouvernement et de l’État.

    Arrestation de Mohamed Amra et conditions de détention des condamnés pour narcotrafic

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Blanchet.

    M. Christophe Blanchet

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    Le 1er novembre 2024, Sarah Garcia a donné la vie à une petite fille, fruit de l’amour avec son mari, Arnaud. Malheureusement, cette petite fille ne connaîtra jamais son père car celui-ci, avec son coéquipier Fabrice Moello, a été sauvagement assassiné le 14 mai par des tueurs du narcotrafic venus libérer leur complice, un criminel multirécidiviste, Mohamed Amra. Aujourd’hui, nous pensons aux familles d’Arnaud et de Fabrice, à leurs amis, à leurs coéquipiers et à tout le personnel pénitentiaire qui, chaque jour, exerce une mission essentielle au péril de sa sécurité. (Applaudissements sur tous les bancs, de nombreux députés s’étant levés.)
    Après des mois de cavale, nous saluons les efforts déployés par tous ceux qui, en France et en Europe, ont contribué à mettre fin à cette fuite.
    Mais l’heure des comptes et du décompte a sonné. Il est légitime de s’interroger sur la manière dont ce fugitif a pu financer une telle cavale pendant aussi longtemps. D’où provenait cet argent ? Par quels réseaux et complicités a-t-il pu se cacher aussi longtemps ? Nous avons nos idées, mais savons-nous aujourd’hui combien il lui reste ? Combien pourrait-il encore utiliser pour continuer à nuire, même derrière les barreaux ?
    Étant donné le profil de ces criminels et leur capacité à exercer une influence depuis l’intérieur des prisons, notamment grâce aux ressources financières issues du narcotrafic, comment garantir la protection de tous ceux qui sont à leur contact au quotidien ? Comment assurer que le personnel pénitentiaire ne soit ni menacé, ni infiltré, ni corrompu sous la pression de ces réseaux criminels ?
    Il est fondamental que ces individus, une fois derrière les barreaux, n’aient plus aucune influence à l’extérieur et qu’ils ne puissent, en aucun cas, organiser leurs trafics depuis leur cellule ou menacer les gardiens et leurs familles.
    Monsieur le garde des sceaux, comment garantissez-vous à cette petite fille de 5 mois et demi que justice sera rendue, à sa famille, aux familles des victimes, à tous les membres du personnel pénitentiaire et à notre société tout entière ? Comment assurez-vous qu’ils seront protégés et que ces criminels ne pourront plus jamais nuire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, EPR et DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Je sais que vous êtes très proche des agents pénitentiaires de votre circonscription, en particulier de cette famille, frappée par le drame qui a touché toute la République, le 14 mai dernier. Avec le ministre de l’intérieur, je salue les enquêteurs qui ont travaillé durant neuf mois sous l’autorité des magistrats pour retrouver Mohamed Amra et ses complices. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem. –⁠ M. Stéphane Peu applaudit aussi.)
    Je puis vous assurer que nous saurons, l’État et la justice, faire entendre que lorsque l’on touche à un agent pénitentiaire, un policier, un gendarme, un magistrat, un agent public, on doit répondre de ce crime le plus grave en étant condamné à une peine que j’espère extrêmement ferme.
    Nous devrons demain prendre des mesures pour que plus jamais une telle affaire ne se reproduise, que plus jamais l’administration pénitentiaire ne pleure des époux, des épouses, des parents.
    C’est pour cette raison qu’avec le ministre de l’intérieur, nous souhaitons nous inspirer de la législation italienne antimafia, pour durcir, à partir d’une proposition de loi adoptée au Sénat, la législation contre la criminalité organisée, en particulier le régime de détention des personnes les plus dangereuses. Nous voulons pouvoir isoler 500, 600 voire 700 personnes sur 82 000 détenus car elles représentent une réelle menace en ce qu’elles sont capables, depuis la prison, de corrompre, menacer, diriger des points de deal, récupérer des dizaines de millions d’euros, faire exécuter des contrats sur des agents de l’État, des avocats, des journalistes, des policiers, des magistrats, des femmes et des hommes politiques.
    Comme en Italie, nous allons nous réveiller, et j’espère que d’ici quelques heures, la commission des lois, puis votre assemblée la semaine prochaine, votera ce nouveau régime de détention qui prévoit, ce qui est inédit dans notre histoire carcérale, d’isoler les personnes les plus dangereuses dans des prisons de haute sécurité, dont je vous parlerai plus en détail demain, de prévoir des fouilles systématiques, d’autoriser leur audition par le juge d’instruction par visioconférence, de les empêcher de téléphoner vingt-quatre heures sur vingt-quatre, bref de faire de ces lieux d’incarcération des cages de Faraday pour que jamais plus l’administration pénitentiaire n’ait à déplorer d’orphelins. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)

    Situation internationale

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Valérie Rossi.

    Mme Valérie Rossi

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    Depuis son investiture, nous vivons au rythme des déclarations et des projets de Donald Trump, dont les accents expansionnistes, y compris vis-à-vis de territoires européens, rejoignent dans l’idéologie le projet impérialiste de Vladimir Poutine à l’encontre de l’Ukraine. Après avoir épousé la rhétorique du Kremlin et lui avoir concédé plusieurs de ses buts de guerre, après avoir voté aux côtés de la Russie et de la Corée du Nord aux Nations unies, après avoir fait preuve d’une hostilité et d’une violence verbale sans précédent envers le président Zelensky, dont nous réaffirmons ici la légitimité, le président Trump a ordonné, cette nuit, la suspension de toute aide militaire américaine à l’Ukraine jusqu’à ce que le gouvernement de Kiev démontre « un engagement de bonne foi en faveur de la paix ».
    Mais de quelle paix parle-t-on ? De la paix version Donald Trump, c’est-à-dire une paix rapide, conclue aux conditions de Poutine et au service des intérêts des États-Unis ? Cette capitulation de l’Ukraine ne viserait in fine qu’à la dépecer de ses territoires et de ses richesses.
    Le président du groupe socialiste l’a rappelé hier : nous souhaitons une paix juste et durable, aux conditions de l’Ukraine. Celle-ci ne sera possible que si la France et l’Europe renforcent leur soutien. Il y va de la protection du peuple ukrainien et de la défense de notre vision du monde.
    Quelles seront les conséquences de ce chantage d’une rare brutalité sur la tentative de médiation menée par les Européens ? Comment, dans ce contexte, l’Europe compte-t-elle se réaffirmer comme une puissance diplomatique et politique, dotée d’une voix qui porte à l’international ?
    À quarante-huit heures d’une réunion cruciale pour l’Europe, cette annonce de Trump intervient au moment du dévoilement d’un plan de réarmement qui promet de mobiliser près de 800 milliards pour la défense européenne. Quelle part sera destinée à placer les Ukrainiens dans un rapport de force le plus favorable pour eux ? Quelle part sera consacrée à renforcer les capacités des États membres ? Quelle position sera soutenue par la France vis-à-vis de l’utilisation de ces fonds ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Voici en effet que, dans la nuit de lundi à mardi, du fait de la suspension de l’aide américaine, l’Ukraine a perdu l’un des soutiens qui lui a permis, depuis trois ans, de tenir tête avec beaucoup de courage et d’héroïsme à son envahisseur, l’une des plus grandes armées du monde.
    Notre responsabilité d’Européens et notre devoir devant les Français nous obligent à faire tout notre possible, comme l’a dit le premier ministre, pour permettre à la résistance ukrainienne de tenir le front. Cette ligne de front, ne l’oublions pas, est la première ligne de défense de l’Europe et de la France.
    Mais notre responsabilité et notre devoir, c’est aussi de tout faire pour ne jamais nous trouver à nouveau dans une situation qui nous oblige à nous en remettre aux États-Unis d’Amérique pour assurer notre sécurité. C’est tout l’objet du sommet européen qui se tiendra jeudi et au cours duquel sera discuté et décidé un plan massif de 800 milliards d’euros pour financer la défense des pays européens.
    Mais si nous voulons parvenir à nous passer définitivement de l’aide américaine, pour nous-mêmes comme pour l’Ukraine, nous devrons consentir à des efforts et revoir notre modèle car rien ne sera facile. Soit nous l’acceptons et nous pourrons espérer préserver notre indépendance et notre liberté, soit nous y renonçons et nous prenons le risque d’être vassalisés ou asservis.
    Nous sommes désormais face à un choix : les efforts et la liberté ou bien le confort et la servitude.

    Journée mondiale de lutte contre l’obésité

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    L’épidémie d’obésité touche 8 millions de personnes tandis qu’un Français sur deux est en surpoids. Cette réalité frappe encore plus durement nos territoires ultramarins et de manière plus générale les Français les plus précaires, qui n’ont d’autre choix que d’acheter les produits les plus sucrés, les plus gras, les plus salés et les plus transformés, tout simplement car ce sont les moins chers.
    Les lobbys de l’agro-industrie capitalisent sur l’absence de transparence en sacrifiant la santé des consommateurs pour assurer des dividendes à leurs actionnaires. Ce sont ces mêmes lobbys qui ont fait pression sur la Commission européenne pour empêcher la généralisation du nutri-score. Face à cela, la France est restée silencieuse. Pourquoi avoir peur d’informer les consommateurs ?
    Pourtant, les conséquences sanitaires sont catastrophiques : diabètes, maladies cardiovasculaires et cancers se multiplient dans notre pays. Être en surpoids en France, c’est aussi subir la grossophobie, cette discrimination omniprésente dont on ne parle jamais. Une femme obèse a huit fois moins de chances d’être embauchée qu’une femme qui ne l’est pas. Cette grossophobie stigmatise et exclut. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Elle entraîne une maltraitance médicale et éloigne les personnes obèses et en surpoids de la prise en charge dont elles ont besoin. Cette journée mondiale de lutte contre l’obésité doit aussi être une journée de lutte contre la grossophobie.
    Alors que les professionnels de santé ont besoin d’une feuille de route et de moyens, l’inaction de l’État sur ce sujet laisse le champ libre à l’industrie pharmaceutique qui pallie ce manque en proposant des médicaments sur lesquels nous n’avons que peu de recul. Je crois que tout le monde ici se souvient de l’affaire du Mediator. Le courage, c’est d’interdire la publicité ciblant les enfants, de taxer le sucre ajouté et de permettre une alimentation saine et accessible à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
    Le courage, c’est d’investir massivement dans la prévention et la recherche afin qu’aucune personne obèse ne soit plus obligée de passer un examen médical chez un vétérinaire.
    Madame la ministre, quelles mesures concrètes proposez-vous pour lutter contre l’obésité ? Comment comptez-vous lutter contre la grossophobie ? Quand allez-vous enfin protéger l’intérêt des Français face aux lobbys de l’agro-industrie ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

    M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins

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    Je sais que ce sujet vous intéresse particulièrement : nous avons eu l’occasion d’en parler fréquemment. Si, avec Catherine Vautrin, nous avons célébré cette semaine la Journée mondiale contre l’obésité au sein du ministère de la santé, nous n’envisageons pas de nous satisfaire de cet événement et nous entendons développer un plan d’action décliné en plusieurs volets.
    Tout d’abord, il convient d’éduquer contre la malbouffe en général et contre la surconsommation de sel, de sucre cachés et de conservateurs que vous avez évoquée. En lien avec Annie Genevard, nous travaillons sur ce sujet avec la filière agroalimentaire.

    M. Patrick Hetzel

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    Très bien !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en lien avec les industriels, nous avons commencé à prendre des mesures pour informer sur les taux de sucre et de sel des aliments et les diminuer.
    Nous devons aussi réarmer notre médecine scolaire afin de réapprendre à manger à nos enfants. Au Salon de l’agriculture, nous avons vu des expériences très intéressantes de fermes pédagogiques montées avec des collectivités locales dans ce but.
    L’obésité, qui fait le lit du diabète de type 2, de l’hypertension, du cholestérol et, partant, de 140 000 décès par infarctus et accidents vasculaires cérébraux, nécessite une prise en charge médicale. Nous allons déployer des filières de soins permettant une prise en charge psychologique et organique et ouvrir des plateaux techniques susceptibles de recevoir des patients en surpoids. Cette prise en charge globale sera également développée dans le cadre du plan de santé mentale. (M. Thibault Bazin applaudit.)

    Accord franco-algérien

    M. Jean-Didier Berger

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    La France est humiliée parce qu’elle est impuissante face à un régime –⁠ le régime algérien – qui emprisonne notre compatriote, l’écrivain Boualem Sansal, et qui refuse, au mépris de ses propres engagements, de reprendre ses ressortissants présents sur notre territoire de manière illégale.
    Cette impuissance est mortifère : le terroriste qui a tué une personne à Mulhouse et qui en a blessé plusieurs autres a été présenté à quatorze reprises à l’Algérie et refusé autant de fois.
    Monsieur le premier ministre, la semaine dernière, vous avez suggéré de dénoncer les accords de 1968. Si Laurent Wauquiez et mes collègues du groupe de la Droite républicaine sont tout à fait en faveur de cette dénonciation, tout le monde n’est pas du même avis puisque, très peu de temps après vos propos, le président de la République vous a déjugé et démenti en indiquant qu’il n’était pas question pour lui de dénoncer ces accords mais plutôt de les réexaminer éventuellement.
    Pourquoi devrions-nous conserver des accords exorbitants du droit commun avec un régime qui ne cherche qu’à nous humilier ? Nous vous posons une question simple : quelles mesures entendez-vous prendre pour faire enfin respecter la France et protéger les Français face à ce régime qui cherche à nous humilier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Brigitte Barèges applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Je vous remercie de poser cette question qui me permet de vous rendre compte des résultats du comité interministériel de contrôle de l’immigration convoqué par le premier ministre, sur la demande du ministre de l’intérieur, le mercredi 26 février. Je vous restitue le compte rendu des travaux : « S’agissant spécifiquement de notre coopération migratoire avec l’Algérie, le premier ministre a constaté que l’Algérie, en refusant la réadmission sur son territoire de ressortissants algériens expulsés de France, ne respectait plus ses engagements envers la France et les accords qui lient les deux pays. L’Algérie a refusé, à quatorze reprises, de donner suite aux demandes de réadmission formulées par la France concernant l’auteur de l’attentat commis à Mulhouse. »
    De même, vous l’avez évoqué, « […] notre compatriote Boualem Sansal est injustement détenu en Algérie depuis plusieurs mois. Le premier ministre a rappelé que la France était liée avec l’Algérie par une série d’accords migratoires qui comportent des avantages considérables pour les Algériens en facilitant leur circulation entre nos deux pays ainsi que leur installation en France. Dans ce contexte, le gouvernement français souhaite ouvrir une discussion avec l’Algérie sur la manière dont sont mis en œuvre ces accords afin de revenir à leur plein respect (Protestations sur les bancs du groupe RN) dans un délai de six semaines. Une liste de ressortissants algériens devant être réadmis en Algérie sera présentée aux autorités algériennes. » Le ministre de l’intérieur en a parlé tout à l’heure.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il faut se parler !

    M. Jean-Noël Barrot, ministre

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    « À l’issue de ce délai, le gouvernement français souhaite que la coopération avec l’Algérie ait retrouvé le niveau attendu. La France se réserve le droit de remettre en cause ces accords. » (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
    Pour conclure, le premier ministre a déclaré : « La France n’est pas à l’origine de la situation. Je ne confonds pas les autorités algériennes avec le peuple algérien ni avec nos compatriotes d’origine algérienne. Il n’y a pas de volonté d’escalade. Mais les refus de réadmission sont une atteinte directe aux accords que nous avons avec l’Algérie. Nous souhaitons le retour aux accords auxquels se sont engagés les deux gouvernements ».

    M. Laurent Jacobelli

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    Ils sont morts de trouille !

    M. Emeric Salmon

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    Bref, rien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Didier Berger.

    M. Jean-Didier Berger

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    Entre vos déclarations, celles du président et celles du premier ministre, il a plusieurs galaxies d’écart ! Nous vous invitons à harmoniser rapidement ces positions pour que la voix de la France soit univoque et qu’elle puisse enfin être à nouveau entendue. Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – MM. Pascal Jenft et Gérault Verny applaudissent également.)

    Industrie automobile

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Loubet.

    M. Alexandre Loubet

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    Dans les dix prochaines années, 100 000 emplois industriels seront supprimés dans la filière automobile française en raison de l’interdiction de la vente des véhicules à moteurs thermiques à compter de 2035, interdiction que cette assemblée a rejetée grâce à la mobilisation des députés du groupe Rassemblement national (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ M. Gérault Verny applaudit également) mais que vous persistez à vouloir imposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Cette transition à marche forcée du thermique vers l’électrique va provoquer une véritable hécatombe : même les rares créations d’emplois et d’activités que vous promettiez sont un échec cuisant ! Les gigafactories en sont la preuve : ces immenses usines de batteries électriques devaient être la vitrine de la réindustrialisation de la France mais, quelques mois seulement après leur inauguration en grande pompe, les voilà déjà contraintes à tourner en sous-régime voire, pour celles du groupe Automotive Cells Company (ACC), à licencier.
    Monsieur le ministre de l’économie, votre politique nous mène droit dans le mur : il faut d’urgence changer de braquet ! C’est pourquoi le Rassemblement national lance sa commission d’enquête parlementaire visant à lever les freins à la réindustrialisation de la France, dont j’aurai l’honneur d’être le rapporteur.
    Vous devez réagir dès à présent : sortez de votre idéologie ! Arrêtez de demander à nos entreprises d’être moins rentables ! Cessez de cantonner votre politique industrielle à des mesurettes, à du saupoudrage d’aides ou à des gigafactories dont l’avenir est très incertain. Défendez les intérêts de la France, notamment en Europe, impulsez une véritable stratégie industrielle nationale en soutenant en priorité nos petites et moyennes entreprises et nos entreprises de taille intermédiaire qui représentent les deux tiers de notre potentiel de réindustrialisation.
    Ma question est simple : allez-vous changer de politique industrielle ou serez-vous responsable et coupable de l’hécatombe industrielle qui nous attend ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ Mme Brigitte Barèges applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

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    La question industrielle est essentielle mais pourquoi êtes-vous si défaitiste ? (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Gérault Verny

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    Je dirais plutôt réaliste !

    M. Emmanuel Fouquart

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    Prudent !

    M. Éric Lombard, ministre

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    En réalité, nous sommes dans une situation très simple. Le conflit en Ukraine va nous obliger à engager encore plus vigoureusement la réindustrialisation du pays (Protestations sur les bancs du groupe RN) puisque nous devons rapatrier sur notre territoire les industries essentielles, dont l’automobile fait partie.

    Mme Florence Goulet

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    Vous les avez laissé partir !

    M. Éric Lombard, ministre

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    J’aborderai deux sujets : en premier lieu, la réglementation européenne Corporate Average Fuel Economy taxait les entreprises trop lentes à décarboner. La présidente de la Commission européenne a modifié ce schéma afin de lever ces sanctions.

    M. Hervé de Lépinau

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    Merci Ursula !

    M. Éric Lombard, ministre

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    En second lieu, l’électrification de notre industrie automobile nous donnera un avantage comparatif essentiel. En effet, l’ensemble de l’industrie mondiale est en train de s’électrifier et, si l’industrie chinoise a aujourd’hui un peu d’avance sur nous, nous sommes en passe de rattraper ce retard. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Florence Goulet

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    C’est une blague ?

    M. Éric Lombard, ministre

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    Je vous encourage à interroger les patrons des entreprises françaises de construction automobile : ils ne souhaitent pas revenir sur la date de 2035 car ils sont en train de regagner un avantage compétitif que nous allons soutenir ! Je vous demande d’encourager avec moi tout ce qui permet de protéger et de développer notre industrie.

    M. Vincent Descoeur

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    Nous sommes dans une impasse !

    M. Éric Lombard, ministre

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    C’est une question d’indépendance nationale à laquelle vous devriez être attentifs !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Loubet.

    M. Alexandre Loubet

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    Je vous remercie pour votre réponse qui confirme que le Rassemblement national est la seule alternative pour défendre nos industriels. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Lutte contre les discriminations femmes-hommes

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Isabelle Rauch.

    Mme Isabelle Rauch

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    Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Samedi, pour la Journée internationale des droits des femmes, aucune d’entre nous ne souhaite des fleurs ou des attentions particulières mais simplement la plénitude de nos droits.
    Tous les deux jours, en France, une femme meurt sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Madame la ministre, si je connais votre engagement contre ce fléau, d’autres réalités, dont les journaux parlent moins, prospèrent à bas bruit. Savons-nous que les écarts de revenus à la retraite entre femmes et hommes s’élèvent à 39 % ? Savons-nous que, lorsqu’ils vivent avec leur maman seule, 45 % des enfants sont sous le seuil de pauvreté ? Savons-nous que 30 % des femmes travaillent à temps partiel, rythme de travail souvent subi ou contraint par les charges auxquelles elles doivent faire face ?
    Il semble que nous restions ainsi enfermés dans un système irréductible au sein duquel les inégalités économiques exposent aux violences qui renforcent elles-mêmes les inégalités.
    Nous pouvons nous réjouir de quelques réussites et de quelques signaux encourageants. À poste similaire, en temps et en responsabilités, l’écart de salaire n’est plus que de 4 %. Grâce à la loi, les conseils d’administration français sont parmi les plus paritaires du monde et notre vie politique s’est largement ouverte aux femmes.
    Mais nous constatons aussi plusieurs signaux de perpétuation du système : les jeunes filles, dont les résultats scolaires sont pourtant supérieurs à ceux des garçons, ne s’orientent pas, ou peu, vers les filières d’avenir. Les outils d’intelligence artificielle nous tendent le miroir de décennies d’inégalités et nous sommes bien démunis pour déjouer les biais algorithmiques. Les taux d’activité des femmes et des hommes se rapprochent progressivement mais il reste encore une marche haute à grimper.
    Nous connaissons le coût engendré par ces inégalités : 260 milliards d’euros selon le Conseil d’analyse économique. Aussi cette bataille n’est-elle pas celle des femmes contre les hommes : l’égalité économique s’inscrit dans la construction d’une société plus prospère et d’une France plus forte face aux défis du monde.
    Dans le cadre de vos échanges interministériels et avec les branches professionnelles, quelles sont vos marges de manœuvre pour faire progresser l’égalité économique et valoriser ce potentiel par des programmes spécifiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

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    Le combat pour l’égalité commence par l’autonomie économique et financière des femmes : c’est la première des batailles que nous devons remporter ! Vous l’avez dit, les chiffres ont évolué lentement et nous avons encore des écarts de rémunération inexpliqués –⁠ de l’ordre de 4 à 5 % – pour un même niveau de poste, de responsabilité et la même durée de travail.
    Nous continuons à avancer sur ce sujet avec la ministre du travail : dès cet après-midi, Astrid Panosyan-Bouvet et moi-même réunissons les partenaires sociaux dans le cadre de la transposition de la directive européenne sur la transparence salariale. En la matière, la France, premier pays européen à créer un index d’égalité professionnelle, a été pionnière : on ne corrige que ce que l’on mesure bien ! Nous avons non seulement mesuré mais aussi sanctionné : depuis 2019, 857 entreprises ont été mises en demeure parce qu’elles ne voulaient pas publier leur index ou prendre des mesures correctives des inégalités et plusieurs dizaines ont été sanctionnées, jusqu’à 1 % de leur chiffre d’affaires, parce qu’elles ne progressaient pas.
    Nous travaillons la question des filières sous l’autorité du premier ministre : toutes les filières d’avenir, liées à la souveraineté militaire, industrielle, alimentaire et agricole de notre pays, font face à des pénuries de main d’œuvre ; il convient d’y répondre par la féminisation.

    M. Patrick Hetzel

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    Très bien !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Pour résoudre ce problème, il faut s’attaquer à sa racine, à l’école, là où les inégalités se forment dès le plus jeune âge ; là où on enferme, de manière trop rapide, les petites filles et les petits garçons dans des destins préconçus. Nous devons changer ces représentations si nous voulons une France plus forte, plus attractive, plus prospère mais aussi plus juste. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR.)

    Allocation chômage des travailleurs indépendants

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Viry.

    M. Stéphane Viry

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    Monsieur le premier ministre, je veux vous parler des artisans, des commerçants et, plus généralement, des travailleurs indépendants de notre pays qui représentent près de 10 % de la population active. Ils prennent des risques financiers personnels, font vivre l’économie de nos territoires et constituent la première entreprise de France.
    Pourtant, en période de ralentissement économique, ils sont souvent les premiers touchés. Contrairement aux salariés, ils ne bénéficient d’aucun filet de sécurité tel que l’assurance chômage. En cas de cessation d’activité, notamment pour liquidation judiciaire, ils se retrouvent sans rien.
    L’allocation des travailleurs indépendants, instaurée en 2018, devait répondre à cette injustice en garantissant un revenu de remplacement temporaire aux indépendants en difficulté. Or les chiffres témoignent d’une tout autre réalité : moins de 1 000 indépendants en ont bénéficié, bien loin des 29 000 escomptés. À ce stade, le dispositif est donc un échec au regard des objectifs fixés.
    Vous le savez, un travailleur indépendant qui perd son entreprise subit une double peine : il voit disparaître le projet qu’il a bâti et, dans le même temps, perd toute source de revenu. Nous connaissons les raisons de cet échec : des critères d’éligibilité à l’ATI bien trop restrictifs et des conditions d’octroi très éloignés de la réalité du terrain.

    M. Fabrice Brun

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    Il faut aider les travailleurs indépendants !

    M. Stéphane Viry

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    Ma question est simple : dans un contexte d’assombrissement de notre économie et alors que les artisans et commerçants constituent un maillage territorial précieux, votre gouvernement étendra-t-il l’accès à l’allocation des travailleurs indépendants pour qu’elle joue réellement son rôle de filet de sécurité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi

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    L’allocation des travailleurs indépendants a été créée en 2018 dans le cadre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. L’assurance chômage a ainsi été étendue aux indépendants victimes d’une perte involontaire de leurs activités, conformément à une promesse du président de la République.

    M. Fabrice Brun

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    Encore une usine à gaz qui ne fonctionne pas !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    En 2022, les conditions d’accès à ce dispositif ont été assouplies puisqu’il est désormais possible d’en bénéficier si l’entreprise cesse définitivement son activité lorsque celle-ci n’est plus viable économiquement. En outre, depuis cette même date, et pour éviter des recours excessifs, le montant de revenu minimum pour être éligible a été fixé à 10 000 euros sur l’une des deux dernières années.
    Les résultats sont là, quoi qu’on en dise : on compte plus de 4 000 ouvertures de droits et les prises en charge ont augmenté de près de 44 % en 2022 et de près de 50 % en 2023.
    En novembre dernier, un groupe de travail présidé par l’administratrice judiciaire Hélène Bourbouloux a remis au ministre de l’économie un rapport sur l’échec et le rebond entrepreneurial dans lequel sont proposées des pistes pour faciliter l’accès au dispositif et assouplir ses conditions d’éligibilité. Nous analysons actuellement ces recommandations.
    Avec Mme Catherine Vautrin et M. Éric Lombard, nous souhaitons toujours encourager l’entrepreneuriat pour augmenter le taux d’emploi de notre pays. Pour y parvenir, nous devons aussi offrir des filets de sécurité efficaces et rapidement activables –⁠ nous serons d’accord sur ce point.
    Nous avons donc intensifié nos efforts de communication afin que le dispositif soit plus connu et plus visible auprès de la communauté des entrepreneurs. France Travail a créé un site internet consacré à l’ATI et un plan de communication sera lancé en 2025 pour renforcer sa visibilité. Nous ferons en sorte que chaque entrepreneur puisse connaître ce droit et en bénéficier.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Viry.

    M. Stéphane Viry

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    Je prends note de votre réponse. Nous attendons de connaître les intentions du gouvernement sur la situation des autoentrepreneurs, notamment s’agissant de leur statut fiscal et de la franchise de la TVA.
    La protection de nos artisans et commerçants est essentielle. Je vérifierai que les mesures que vous avez évoquées sont bien appliquées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    Situation des agriculteurs

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Dufosset.

    M. Alexandre Dufosset

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    Le Salon de l’agriculture, qui a fermé ses portes dimanche, a été, cette année encore, un immense succès. C’est une vitrine du savoir-faire de nos agriculteurs et de nos artisans. J’ai d’ailleurs une pensée amicale pour les fabricants de bêtises de Cambrai et pour la brasserie Cambrésienne, dans ma circonscription, qui y étaient présents.
    Un succès, oui. Cependant, après les sourires et les poignées de main, une réalité nous rattrape : la situation du monde agricole ne s’améliore pas. Les prix de vente sont toujours aussi bas tandis que les coûts de production continuent d’augmenter. La paperasse et les normes s’accumulent, étouffant le quotidien de nos agriculteurs et décourageant l’initiative. Le sentiment d’abandon gagne du terrain. Pardon de vous le rappeler mais un chiffre ne varie pas : le nombre de suicides d’agriculteurs. Trois d’entre eux mettent fin à leurs jours chaque semaine.
    Certes, la loi d’orientation agricole a été adoptée et nous l’avons soutenue. C’est un texte nécessaire mais très loin d’être suffisant. En réalité, seul le changement de vision que propose le Rassemblement national peut conduire à un véritable changement de politique et à des résultats pour notre agriculture.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Pas vraiment !

    M. Alexandre Dufosset

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    Car votre marge de manœuvre est restreinte par l’Union européenne à qui nous devons la concurrence déloyale du poulet ukrainien et bientôt peut-être l’accord avec le Mercosur, deux sujets omniprésents dans les allées du Salon, qui suscitent colère et inquiétude.
    Cette semaine, cela fera trois mois, jour pour jour, que Mme von der Leyen a signé l’accord avec le Mercosur, plantant ainsi un poignard dans le dos de nos agriculteurs. Trois mois que le président de la République s’est engagé à faire échec à ce traité en obtenant une majorité qualifiée au Conseil de l’Union européenne. Où en est-on ?
    Madame la ministre de l’agriculture, je vous le demande au nom des agriculteurs : donnez-nous la garantie que la France fait le nécessaire pour que ce traité ne soit jamais adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

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    Vous avez raison, le Salon de l’agriculture a été –⁠ j’ose le dire – une réussite, un moment d’apaisement. Les Français y sont retournés avec bonheur et ont renoué le dialogue avec les agriculteurs. Je veux croire que ce n’est pas totalement le fruit du hasard mais que cela tient au travail entrepris par mon prédécesseur (Mme Anne-Cécile Violland applaudit) et que j’ai poursuivi.
    Je pense à l’adoption de la loi d’orientation agricole, que vous avez votée. Elle érige l’agriculture, comme il se doit, en intérêt national majeur, et contient des mesures importantes en matière de simplification, de transmission et de formation des agriculteurs. Qu’il s’agisse de l’octroi de prêts structurels ou de l’indemnisation des éleveurs confrontés à un surcroît de mortalité de leurs bêtes, l’État a été au rendez-vous –⁠ il faut le dire.
    Cependant, tous les problèmes sont-ils résolus ? À l’évidence, non –⁠ il faut être modeste. Vous pointez du doigt un sujet important : les menaces venues de l’extérieur, par exemple le renchérissement des droits de douane, du côté des États-Unis comme de la Chine.
    Vous me demandez également si je peux offrir la garantie que le projet d’accord –⁠ car il ne s’agit bien pour l’instant que d’un projet – sur le Mercosur sera rejeté. Or je vous rappelle que nous sommes vingt-sept pays au sein de l’Union européenne. Il nous faut donc mener un travail de conviction auprès de chacun. Je m’y emploie avec tous mes homologues et je me suis rendue en Pologne.
    Il faut bien prendre la mesure des choses. Vous mettez en cause l’Union européenne et par conséquent la politique agricole commune, qui est la plus importante politique européenne et qui assure des revenus à nos agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Sébastien Chenu

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    C’est nous qui payons la PAC !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Refuser la politique… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de Mme la ministre.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Dufosset.

    M. Alexandre Dufosset

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    Madame la ministre, vos paroles ne sont pas rassurantes. Je vous rappelle que notre pays est le premier contributeur net au budget de l’Union européenne. Par conséquent, les agriculteurs paient aussi la PAC. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Patrick Hetzel

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    Quelle mauvaise foi !

    A69

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    En 2024, année la plus chaude jamais enregistrée, le cap des + 1,5 degré est franchi. Les catastrophes meurtrières se multiplient autour de nous, à Valence, à Mayotte ou encore à La Réunion.
    Pourtant, dans le Tarn, l’État et la région se sont acharnés à abattre des arbres centenaires, à détruire des zones humides, à détourner des cours d’eaux et à bouleverser des écosystèmes pour une autoroute « anachronique » selon l’Autorité environnementale elle-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Jeudi, le tribunal administratif de Toulouse a tranché : l’A69 est illégale. (Mêmes mouvements.) Son chantier destructeur est arrêté. C’est la victoire de toutes celles et tous ceux qui n’ont rien lâché : collectifs citoyens, associations, syndicats et élus. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Je rends hommage aux 2 000 scientifiques qui ont élevé la voix pour dénoncer ce massacre, aux « écureuils », aux grévistes de la faim, aux zadistes, à toutes celles et ceux qui ont subi une répression indigne d’un pays qui se dit celui des droits de l’homme. Celle-ci a d’ailleurs valu à la France d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation du droit à la vie à la suite de la mort du militant écologiste Rémi Fraisse. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) N’oublions pas non plus les 200 blessés de Sainte-Soline dont la mégabassine a été, elle aussi, déclarée illégale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Vous les avez tous traités d’écoterroristes. Or, aujourd’hui, la justice leur donne raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Non, il n’y a pas de raison impérative majeure à la destruction de centaines d’hectares de terres agricoles, d’espaces naturels et de zones humides ; pas de raison impérative majeure à menacer 169 espèces protégées alors que la biodiversité s’effondre ; pas d’intérêt public à détruire le vivant pour que quelques privilégiés gagnent quelques minutes.
    C’est une décision historique. Oui, la préservation du seul écosystème qui permette la vie humaine est supérieure aux intérêts économiques et privés. (Mêmes mouvements.) La justice indépendante a dit le droit face aux passages en force de l’État et contre les pressions des lobbys comme ceux des laboratoires Pierre Fabre et leur lamentable chantage à l’emploi.
    Monsieur le ministre, les grands projets d’un autre temps, c’est fini. Cessez vos mises en cause indignes de la décision des juges. Ne condamnez pas ce territoire à l’immobilisme en recourant à de nouvelles procédures judiciaires vouées à échec. Le vent a tourné : allez-vous enfin engager l’indispensable bifurcation écologique ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés du groupe EcoS applaudissent également.)

    M. Pierre Cordier et M. Patrick Hetzel

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    Elle n’a pas posé de question !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    En effet, il sera difficile de vous répondre puisque vous n’avez pas posé de question ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Hadrien Clouet

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    Une phrase qui se termine par un point d’interrogation, c’est une question !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    Vous m’interpellez une nouvelle fois sur un projet qui, vous le savez, est soutenu par tout un territoire. Les réactions des collectivités locales de tous bords, comme celles du monde économique, le montrent bien.
    Je sais que vous avez défendu une proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur les projets routiers et autoroutiers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.) La défaite subie par un territoire, la semaine dernière, doit donc représenter pour vous une belle victoire individuelle.

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    Non, collective !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    Je vous rappelle cependant que si vous comptez un recours victorieux, nous en comptons six.
    La situation actuelle est un non-sens : depuis mon arrivée au ministère, je suis sollicité par des élus de droite, du centre comme de gauche pour débloquer des projets routiers qui contribuent au désenclavement et à l’aménagement de leur territoire.
    Par ailleurs, ne soyons pas naïfs : je suis moi-même un adepte du ferroviaire et du transport collectif mais la décarbonation des transports passera nécessairement aussi par celle de la route, qui existera toujours. (Mme Anne-Cécile Violland applaudit.) Il faut donc continuer à proposer des infrastructures pertinentes pour nos concitoyens. C’est bien sûr le cas de l’A69 qui contribue au désenclavement des territoires ruraux.

    M. Jean-François Coulomme

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    Vous n’avez aucune boussole !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    Ce projet n’est pas né dans un cabinet ministériel mais répond à des besoins locaux véritables et vitaux.
    Par ailleurs, il faut voir au-delà de l’A69. Tous les projets relatifs aux transports sont remis en cause. Réjouissez-vous, mais pas trop vite, car demain, c’est un projet ferroviaire qui sera remis en question pour les mêmes raisons.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    M. Hadrien Clouet

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    C’est vous qui déraillez ! (Sourires.)

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    Que direz-vous alors ? Je regrette cette posture politique qui consiste à dire non à tout sans proposer de solution alternative crédible.
    Je l’affirme devant l’Assemblée : l’État ira jusqu’au bout. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    A69

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Terlier.

    M. Jean Terlier

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    Ma question s’adresse à M. le ministre des transports. La décision rendue par le tribunal administratif de Toulouse annulant l’autorisation environnementale du chantier de l’autoroute A69 est incompréhensible. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Mme Marie Pochon

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    Respectez la science !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Et la séparation des pouvoirs ?

    M. Jean Terlier

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    Incompréhensible car comment expliquer aux habitants du Tarn que le chantier de l’autoroute A69, déclaré d’utilité publique en 2021 par le Conseil d’État, doive s’arrêter brusquement parce qu’il ne relèverait pas d’un intérêt public suffisant en 2025 pour le tribunal administratif de Toulouse ?
    Incompréhensible parce que le tribunal administratif de Toulouse a désavoué le Conseil d’État, juridiction suprême de l’ordre administratif, en se fondant sur les critères socio-économiques qui avaient conduit celui-ci à valider définitivement l’utilité publique du chantier au vu du gain de temps de trajet attendu, de la sécurité renforcée pour les usagers ou de facteurs tels que le développement économique et démographique ou le désenclavement d’un bassin d’emploi de plus de 80 000 personnes.

    Mme Marie Pochon et Mme Christine Arrighi

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    Et les péages ?

    M. Jean Terlier

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    Incompréhensible encore, parce que cette notion d’intérêt public avait été déterminée par la représentation nationale, ici même, en 2019 dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités.
    Incompréhensible parce que l’intérêt public a été entériné par les élus locaux, départementaux et régionaux, dans le cadre d’un processus démocratique long de plus de trente ans.
    Incompréhensible enfin, au vu de l’état d’avancement du chantier réalisé à plus de 70 %, avec 300 millions d’euros de travaux déjà engagés et près de 1 000 salariés du concessionnaire qui se retrouvent sans emploi.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    La faute à qui ?

    M. Jean Terlier

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    Alors, certains pourraient vous dire –⁠ et je ne suis pas de ceux-là – qu’il n’y a pas que des espèces protégées qui habitent ces territoires ruraux, mais aussi des personnes qui y vivent, y travaillent et souhaitent pouvoir s’y déplacer en toute sécurité. C’est malheureusement le sentiment qui prédomine aujourd’hui dans le sud du Tarn et qui poussera les habitants à manifester ce samedi 8 mars à Castres pour rappeler leur volonté de faire aboutir le chantier de l’A69.

    Mme Christine Arrighi

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    La journée des droits des femmes, bravo !

    M. Jean Terlier

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    Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir interjeté appel de cette décision, contestable sur le fond, mais les travaux doivent reprendre. Aussi pouvez-vous me confirmer que l’État a également saisi la cour administrative d’appel afin d’obtenir le sursis à exécution de ce jugement et permettre la poursuite du chantier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. –⁠ Mme Anne-Cécile Violland applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé des transports.

    M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports

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    Cette question est d’autant plus légitime qu’elle vient d’un élu qui connaît son territoire et sait ce dont ses habitants ont besoin. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. –⁠ Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) C’est un département que je connais très bien également. L’A69 n’est pas un caprice administratif, mais la volonté d’un territoire tout entier, de la région Occitanie, du département du Tarn, des collectivités locales et des acteurs économiques.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Il relit la même fiche !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    Les réactions à la décision de jeudi en ont très clairement attesté : c’est un projet attendu depuis plus de trente ans.

    M. Gabriel Amard

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    Avant l’heure c’est pas l’heure, après l’heure c’est plus l’heure !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    Face à la décision du tribunal, l’État fera appel, comme c’est son droit, et demandera un sursis à exécution, comme c’est son droit. Nous respectons l’État de droit, mais l’État de droit ne peut être l’État de l’immobilisme : l’appel est bien sûr nécessaire et le sursis en exécution doit nous permettre –⁠ nous l’espérons – de reprendre au plus vite les travaux. Il ne faut pas laisser ce chantier à l’arrêt trop longtemps.
    La situation actuelle est ubuesque : comment un tel projet déclaré d’utilité publique,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Eh oui !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    …ayant déjà fait l’objet de sept recours, peut-il se retrouver à l’arrêt, du jour au lendemain, alors que les deux tiers ont été réalisés ? Comment moderniser notre réseau ferroviaire ou adapter nos territoires au changement climatique si les projets peuvent être anéantis après des années d’efforts ?

    Mme Marie Pochon

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    Ne parlez pas de changement climatique !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    Nous sommes confrontés à un empilement kafkaïen de procédures qui paralysent l’action publique. Ce qui arrive à l’A69 aujourd’hui menace tous nos grands projets de demain. Le droit environnemental ne peut pas être un droit contre le progrès ; il ne peut pas dresser les juges contre les élus, la technocratie contre la démocratie.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Vous êtes dans la caricature !

    M. Philippe Tabarot, ministre

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    C’est pourquoi nous travaillons plus que jamais à engager des réformes pour simplifier nos procédures, sans pour autant renoncer à nos ambitions environnementales. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Nadège Abomangoli.)

    Présidence de Mme Nadège Abomangoli
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    3. Perte de souveraineté industrielle et atteinte aux industries stratégiques

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « La perte de souveraineté industrielle et l’atteinte aux industries stratégiques », demandé par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire dans le cadre de sa séance thématique.
    Conformément à l’organisation arrêtée par la conférence des présidents, nous entendrons d’abord les rapporteurs –⁠ qui ont rédigé une note mise en ligne sur le site internet de l’Assemblée – puis les orateurs des groupes et, enfin, le gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
    La parole est à M. Matthias Tavel, rapporteur désigné par la commission des affaires économiques.

    M. Matthias Tavel, rapporteur

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    En vous présentant notre rapport sur la situation de l’industrie, nous savourons une victoire idéologique : même les macronistes n’osent plus fixer l’objectif d’une start-up nation ou d’un pays sans usine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Mais cette victoire a un goût amer. Le diagnostic est connu : la France est très largement désindustrialisée.
    À peine énoncée, la fable macroniste de la réindustrialisation est rattrapée par la réalité. La production est inférieure de 5 % à son niveau de 2017, les plans sociaux se multiplient, au moins 200 000 emplois sont menacés. Face à cette situation, je veux saluer la présence en tribune des représentants des salariés de General Electric, Vencorex et Sanofi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Ils défendent l’intérêt du pays, souvent seuls et souvent malgré vous, monsieur le ministre de l’industrie !
    Oui, ils défendent l’intérêt du pays, car l’industrie répond à un impératif de souveraineté, pour des productions aussi essentielles que les blouses de nos soignants ou nos satellites, et à des enjeux d’emploi et de savoir-faire. L’indépendance nationale justifie que l’État mobilise tous les moyens pour défendre les industries stratégiques, comme le demandait hier mon collègue Saintoul dans le débat sur l’Ukraine.
    Monsieur le ministre, il faut nationaliser Vencorex et General Electric ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Votre camp, pourtant, n’a cessé de brader nos fleurons. Ne dites pas que la nationalisation n’est pas une solution qui marche ; venez voir plutôt la réussite de la nationalisation des Chantiers de l’Atlantique, à Saint-Nazaire, dans ma circonscription ! (Mêmes mouvements.)
    Réindustrialiser est aussi un impératif écologique face à l’urgence climatique, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, sortir de la dépendance aux énergies fossiles et à ceux qui les produisent, produire dans un cadre plus vertueux qu’ailleurs s’agissant de l’eau, de la biodiversité et des pollutions. Ce cadre, il faut le renforcer plutôt que le saboter, comme vous vous échinez à le faire au niveau européen.
    Il faut notamment un plan d’urgence pour les filières de la transition énergétique, comme pour l’automobile. (Mêmes mouvements.) Il est temps de défendre une « base industrielle et technologique des énergies renouvelables », comme il en existe une pour la défense, car c’est un enjeu majeur d’indépendance pour le siècle qui vient, pour une économie de la paix, non de guerre. (Mêmes mouvements.)
    Monsieur le ministre, votre propre gouvernement a prévu d’installer plus de gigawatts d’énergie renouvelable que de nucléaire. Jusqu’à quand accepterez-vous que les filières du photovoltaïque ou de l’éolien en mer ferment des usines et licencient des ouvriers, des techniciens, des ingénieurs ?
    L’industrie est aussi un outil de prospérité sociale, de création de richesses, d’emplois et de meilleurs salaires malgré le développement de la sous-traitance ou de l’intérim. Elle apporte des ressources pour financer la protection sociale et les services publics, à l’heure où ils sont menacés par vos budgets d’austérité. Pour notre part, à gauche, nous sommes fiers d’avoir toujours été à la fois le camp de la redistribution et le camp de la production, car les deux marchent ensemble et ne s’opposent pas. (Mêmes mouvements.)
    Mais encore faut-il penser cette réindustrialisation. Au vu de la faillite néolibérale des quarante dernières années, c’est à nous, la gauche, qu’il revient de penser la production au XXIe siècle. Il faut rompre avec ce qui n’a pas marché et mettre à l’ordre du jour trois principes nouveaux : la planification écologique, le protectionnisme solidaire et le pouvoir des salariés. (Mêmes mouvements.)
    Planification, car la politique de l’offre n’est pas une politique industrielle. Au lieu de jeter 200 milliards d’euros d’aides publiques chaque année sans condition, nous avons besoin d’un État qui agisse dans l’économie grâce à des investissements publics, en formant des pôles publics –⁠ par exemple dans le médicament – et en soutenant la recherche publique, une recherche dont –⁠ folie ! – vous allez réduire le budget de 1,5 milliard. (Mêmes mouvements.) L’électricité, en particulier, doit sortir du marché : pour garantir un prix stable et compétitif, il faut un service public et un tarif régulé de long terme, indispensable au financement des investissements nécessaires à la décarbonation de notre industrie.
    Protectionnisme ensuite, car le tout-marché n’est pas non plus une politique industrielle. À quand la protection de l’acier européen décarboné ? Quand il n’y aura plus d’usines ? Quand la Commission européenne le voudra bien ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Pour le moment, elle veut négocier un nouvel accord de libre-échange, avec l’Inde : on marche sur la tête ! Nous avons besoin d’assumer des mesures protectionnistes pour rompre avec la concurrence déloyale, chinoise et états-unienne évidemment, mais parfois au sein même de l’Union : une délocalisation sur deux se fait sur le continent européen. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Pouvoir des salariés enfin, car les caprices des actionnaires et leur exigence de rentabilité à court terme n’ont jamais fait et ne feront jamais une politique industrielle. (Mêmes mouvements.)

    Mme Mathilde Panot

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    Exactement !

    M. Matthias Tavel, rapporteur

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    Même M. Lombard, avant qu’il soit ministre, disait que la bifurcation écologique exigeait une baisse de rentabilité et qu’il fallait l’accepter ! L’industrie ne peut se transformer sans de nouveaux droits pour les salariés (Mêmes mouvements) et chaque fois que cette question est posée, l’extrême droite vient en renfort des macronistes pour défendre les actionnaires, alors que la France est déjà championne d’Europe des dividendes. Voilà pourquoi il est urgent de changer de cap. Nous, nous le ferons ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. –⁠ M. Charles Fournier applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Karim Benbrahim, rapporteur désigné par la commission des affaires économiques.

    M. Karim Benbrahim, rapporteur

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    En Isère, Vencorex, qui fournit le sel nécessaire à l’industrie française de la défense, de l’énergie et du spatial est placé en redressement judiciaire. En Loire-Atlantique, Systovi, fabricant français de panneaux photovoltaïques, a mis un terme à son activité au printemps 2024 par manque de protection face au dumping chinois. Dans l’éolien en mer, c’est General Electric qui a annoncé un plan social pour relocaliser son activité aux États-Unis. Ces quelques exemples illustrent la fragilisation de notre souveraineté industrielle dans des secteurs stratégiques pour notre avenir.
    La France dispose pourtant d’atouts industriels majeurs : un tissu de PME dynamiques, capables d’innover et de s’adapter aux exigences techniques des marchés ; des champions industriels qui font vivre des écosystèmes dans l’aéronautique, le ferroviaire, la santé, l’énergie ou encore la construction navale ; des savoir-faire de grande qualité ; une électricité largement décarbonée ; des réseaux d’infrastructures efficaces. Ce sont là des atouts solides sur lesquels s’appuyer pour rebâtir une force industrielle.
    Un élément majeur ressort des auditions que nous avons menées : la faiblesse des réactions de l’Union européenne face au soutien massif apporté par la Chine et les États-Unis. Nos industries ne peuvent rivaliser avec des concurrents subventionnés, pas davantage avec ceux qui pratiquent le dumping social et environnemental.
    Face au double défi de la réindustrialisation et de la préservation de notre souveraineté, nous devons agir avec volontarisme. Pendant la crise du covid-19, l’État appelait à relocaliser la production de masques chirurgicaux… Aujourd’hui, le constat est sans appel : presque tous les fabricants français ont cessé leur production, faute de commandes suffisantes.
    L’une des forces de l’Union européenne est la taille de son marché intérieur, mais alors que les États-Unis n’hésitent pas à privilégier les entreprises américaines, nos appels d’offres nationaux n’accordent toujours pas de préférence significative aux productions locales. Si les règlements européens devraient aller encore plus loin en la matière, les pouvoirs publics français doivent quant à eux exploiter pleinement les possibilités existantes. Or ce n’est pas le cas ; les critères des appels d’offres qui permettent de favoriser les contenus locaux paraissent très insuffisamment discriminants.
    La question énergétique est également au cœur des enjeux. Notre dépendance au gaz et aux hydrocarbures lie notre industrie au contexte international ; nous l’avons bien vu lors de l’attaque de la Russie contre l’Ukraine. Alors que la France est encore largement dépendante des énergies fossiles, la souveraineté passe évidemment par la réduction des importations énergétiques.
    L’efficacité énergétique, la sobriété énergétique et le développement de moyens de production décarbonés sont des leviers incontournables. Ils sont essentiels pour réussir la nécessaire transition écologique, mais aussi pour renforcer notre souveraineté. Le rapport Draghi appelle à y consacrer des moyens historiques. À cet égard, les règles budgétaires doivent être un tremplin, comme cela a été le cas aux États-Unis, non un frein ! Nous connaissons le coût de l’inaction climatique.
    Par ailleurs, nous devons sortir du système de fixation des prix de l’électricité sur le prix du gaz, et assurer une stabilité des prix de l’énergie. La fin programmée de l’Arenh –⁠ l’accès régulé à l’électricité historique – doit permettre de relever ce défi, elle ne peut se transformer en occasion manquée.
    Les mesures fiscales et les aides publiques paraissent insuffisamment ciblées. L’État doit identifier les secteurs stratégiques et mener à leur endroit une politique de soutien différenciée. Les aides doivent être davantage soumises à des engagements fermes sur l’emploi, l’investissement et la production locale.
    Enfin, la nationalisation partielle et temporaire d’une entreprise doit pouvoir s’imposer lorsque l’enjeu stratégique l’exige. Nous débattions hier, ici même, de la situation en Ukraine et nous étions plusieurs groupes à affirmer la nécessité de renforcer la souveraineté militaire européenne. Or le site industriel de Vencorex, qui fournit les sels nécessaires aux missiles équipant nos forces armées, est aujourd’hui menacé de fermeture. Alors qu’une nationalisation temporaire serait nécessaire pour le préserver, le premier ministre a fermé la porte à cette option. Qu’on me permette de le paraphraser : nous sommes forts et nous ne le savons pas ; pourquoi vous comporter comme si nous étions faibles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ M. Matthias Tavel, rapporteur, applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Henri Alfandari, rapporteur désigné par la commission des affaires économiques.

    M. Henri Alfandari, rapporteur

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    La part de la valeur ajoutée industrielle dans le PIB s’est stabilisée en France entre 2011 et 2019, après des années de chute. La tendance à la baisse de l’emploi industriel a été jugulée autour de 10 % de l’emploi total. En 2022 et en 2023, respectivement 176 et 189 ouvertures nettes de sites ont eu lieu, y compris des ouvertures d’usines. On ne peut réindustrialiser sans renforcer la compétitivité-coût des entreprises et créer un cadre favorable à leur installation : c’est le sens de la politique de l’offre commencée sous François Hollande, puis amplifiée et assumée par Emmanuel Macron à partir de 2017. Toutefois, ces politiques volontaristes n’ont pas été suffisantes en 2024 pour empêcher un recul de la production industrielle nationale ni pour éviter 89 fermetures ou annonces de fermetures ou de restructurations de sites industriels.
    Nous devons donc prendre urgemment de nouvelles mesures pour soutenir ce secteur clé de l’économie nationale. Pour cela, il convient de poser un regard objectif sur la situation actuelle. Je tiens ici à exprimer un désaccord profond avec mes corapporteurs concernant l’analyse de ce nouveau décrochage français.
    S’il est indéniable que les entreprises industrielles françaises ont bénéficié ces dernières années d’une certaine modération des coûts salariaux, le coût horaire du travail demeure nettement supérieur à celui de l’Italie, de l’Espagne et des pays d’Europe de l’Est. Par ailleurs, la modération des coûts salariaux s’est concentrée sur les bas salaires, ce qui entraîne la paupérisation d’une large part des salariés.
    S’il est également indéniable que le taux de taxation effectif des entreprises non financières a diminué depuis 2017, la persistance d’impôts dont les modalités de calcul défavorisent la production pèse lourdement sur l’industrie française.
    Enfin et surtout, alors que le coût de l’énergie a longtemps représenté un avantage comparatif fort pour notre industrie, grâce à un prix de l’électricité inférieur de 40 % à la moyenne de l’UE de 2012 à 2020, l’augmentation des prix de l’énergie consécutive à la guerre en Ukraine a pesé lourdement sur la compétitivité. Aucune mesure n’a réussi à stabiliser un coût de l’énergie acceptable pour nos entreprises, alors qu’outre-Atlantique, les mégawattheures d’électricité et de gaz s’établissent respectivement à 40 euros et à 10 euros.
    La France souffre par ailleurs de handicaps structurels qui grèvent sa compétitivité hors coûts : pénurie de compétences, dysfonctionnements de la formation et environnement des affaires perfectible. Je souhaite insister sur ce dernier point, fondamental. Pour amortir des investissements significatifs, dans une dynamique de long terme, les entreprises ont besoin de constance et de confiance. Le cadre, tant sur le plan réglementaire, fiscal que politique, doit être stable. Or les changements de cap brouillent la visibilité des acteurs industriels et financiers.

    M. Vincent Rolland

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    Eh oui !

    M. Henri Alfandari, rapporteur

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    Les inquiétudes liées à la trajectoire budgétaire et fiscale de notre pays accentuent cette incertitude. La crainte d’une hausse sans limite des prélèvements freine les investissements et limite la prise de risque des entreprises.
    À l’instabilité s’ajoute la complexité administrative et normative propre à notre pays. Malgré l’adoption de plusieurs lois pour sécuriser et accélérer les projets d’implantation industrielle, nous n’arrivons pas à réduire les risques financiers et juridiques, ni les délais. Ainsi, la semaine dernière, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’arrêté préfectoral autorisant le chantier de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Cette situation met en exergue les difficultés françaises : même lorsqu’un projet parvient à être décidé et lancé, il reste exposé à des risques, que ce soit en raison de recours juridiques, de changements réglementaires ou de revirements politiques.
    La France est aujourd’hui confrontée à une accumulation d’incertitudes. Qu’elles soient politiques, économiques ou juridiques, elles pèsent lourdement sur notre industrie, alourdissent le climat des affaires et ralentissent la prise de décisions stratégiques. Le prix à payer est lourd : nos territoires, nos emplois et notre souveraineté en sont les premières victimes. Face à cette situation, il nous faut écouter les chefs d’entreprise, industriels et entrepreneurs. Ils n’ont qu’un souhait, investir, produire et se développer en France. Donnons-leur les moyens de réussir.

    Mme la présidente

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    Nous allons entendre à présent les orateurs des groupes.
    La parole est à Mme Clémence Guetté.

    Mme Clémence Guetté (LFI-NFP)

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    L’effondrement des capacités industrielles françaises est aujourd’hui généralisé. Durant vos cinq premières années à la tête du pays, vous avez rempli le cimetière des savoir-faire perdus, soit 12 000 emplois détruits dans l’industrie. Depuis 2022, vous redoublez d’efforts : l’année dernière, plus de 107 usines ont fermé et 66 000 entreprises, à 90 % des TPE, ont mis la clé sous la porte. La désindustrialisation et les délocalisations, voilà le credo de votre politique qui repose sur la casse du droit du travail !
    Il y a pourtant urgence à relancer la production française. Le but, cependant, ne doit pas être de produire pour produire. L’objectif –⁠ c’est le sens de la planification que nous, nous prônons – est que les entreprises françaises soient à nouveau capables de répondre à des besoins définis collectivement : se nourrir, se chauffer, se soigner, se déplacer. Les grévistes rencontrés sur le site des Fonderies du Poitou le disaient eux-mêmes : la production de pièces détachées pour voitures aurait pu être réorientée vers les trains ou les éoliennes, mais encore eût-il fallu que l’État les soutienne.
    C’est là le nœud du problème : l’État a été condamné à l’impuissance du fait de votre adoration du marché. Vous avez privé la France des moyens productifs nécessaires à son indépendance. En matière de défense notamment, vous n’avez eu de cesse de brader des fleurons. Vos grandes déclarations sur le déploiement d’une économie de guerre face au revirement de Trump sont donc au mieux immodestes, au pire dangereuses. Désormais, l’austérité sera légitimée par l’effort de guerre, alors que le gouvernement n’a aucune stratégie adaptée à la réalité. Quant aux fonds européens annoncés, ils serviront d’abord à acheter du matériel états-unien, aggravant la dépendance dont le gouvernement prétend désormais nous libérer, puis à offrir des débouchés à l’industrie militaire allemande.
    Ironie du calendrier : dans l’Isère, 5 000 emplois sont menacés par la fermeture de Vencorex, que vous refusez de soutenir, même temporairement.
    De fait, la guerre que vous menez, sans la nommer, est une guerre sociale. Vous participez tacitement à des avalanches de licenciements –⁠ 2 millions en quarante ans ! – qui détruisent des vies et des familles. Votre seul but est de ne surtout pas contrarier la grande opération d’appropriation des richesses produites par les travailleurs. Michelin, géant du pneumatique, a versé en toute impunité des dividendes record de 1,47 milliard d’euros après avoir laissé sur le carreau 1 254 personnes à Vannes et à Cholet ! Votre gouvernement subventionne directement le capital avec de l’argent public à hauteur de 200 milliards par an, sans la moindre contrepartie ! Cet aveuglement est à l’origine d’un désastre économique qui creuse le déficit de la balance commerciale française –⁠ 81 milliards aujourd’hui !
    Les aides publiques aux entreprises doivent être subordonnées au maintien ou à la création d’emplois et au respect de critères environnementaux et sociaux ! Vos indicateurs économiques sont calqués sur les attentes des grands patrons (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), alors qu’ils doivent être remplacés, repensés pour identifier les capacités industrielles nationales et intégrer les écosystèmes dans l’appareil productif.
    Contre votre politique qui brise des vies et ruine le pays, nous ferons une économie au service des besoins ! La boussole de tous nos choix en matière de politique industrielle doit être le changement climatique, qui menace les conditions même de la vie sur Terre.
    En 2019, Macron faisait encore semblant de se préoccuper de l’urgence écologique : toujours dans un champ lexical belliqueux, il annonçait que sur la forêt et l’océan, domaines essentiels pour réduire les émissions de CO2 et préserver la biodiversité, nous étions « en train de perdre la bataille »… Six ans plus tard, au cours du seul mois de janvier, dix-huit fermetures d’usines ont été annoncées et parmi elles, Photowatt, la dernière manufacture française de panneaux solaires. En Macronie, la France est incapable d’assurer sa production d’énergies renouvelables : les composants devront faire le tour du globe avant d’être installés. Il faut un protectionnisme solidaire et écologique (Mêmes mouvements), des droits de douane qui protègent nos industries d’une concurrence déloyale, fondée sur le non-respect des droits humains et l’extractivisme forcené.
    En 2020, Macron parlait d’une nouvelle guerre, la guerre sanitaire. Nous avons pourtant appris, cet automne, que le laboratoire Sanofi s’apprêtait à vendre, sous votre regard complice, le Doliprane à un fonds d’investissement états-unien.

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    Eh oui !

    Mme Clémence Guetté

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    Les pénuries de paracétamol, après celles des masques, ne vous ont manifestement rien appris. Pour préserver l’indépendance sanitaire et se préparer aux pandémies, il faut nationaliser les entreprises d’importance critique, dans tous les secteurs où un contrôle public est nécessaire. Notre souveraineté est à portée de main. Cela peut vous faire sourire, monsieur le ministre, mais il faut se donner les moyens de cette souveraineté. Contre votre économie de la guerre, nous construirons une économie de la paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Julien Gokel.

    M. Julien Gokel (SOC)

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    Lorsqu’une crise éclate, la question de la souveraineté resurgit : nous débattons de notre indépendance politique, militaire, alimentaire ou encore énergétique ; nous nous interrogeons sur notre souveraineté économique et industrielle, sur l’état de notre appareil productif et sur le maintien des filières stratégiques.
    La crise du covid a été un révélateur de nos fragilités, des conséquences directes de la désindustrialisation de notre pays, de notre dépendance vis-à-vis de puissances étrangères et de notre incapacité à réagir rapidement, faute d’infrastructures adéquates. Quelles leçons en avons-nous tirées ? La reconquête de notre souveraineté industrielle ne se décrète pas, elle doit se construire et se planifier.
    Je ne referai pas ici le match des errances politiques qui ont conduit à l’affaissement de notre industrie, du mirage de la mondialisation heureuse à la religion de la concurrence libre et non faussée, en passant par le fantasme d’une France sans usines ni ouvriers. Qui peut imaginer un territoire comme le Dunkerquois sans ses hauts-fourneaux, ses laminoirs, ses raffineries ou sa centrale nucléaire, qui ont façonné son identité, offert du travail à tant de générations d’ouvriers et fait vivre tant de familles ?
    Depuis quelques mois, notre pays connaît plus de fermetures que d’ouvertures de sites industriels et aucun secteur ne semble épargné. La menace pèse sur l’automobile, notamment Stellantis, l’agroalimentaire, la filière de la chimie, l’industrie pharmaceutique et, bien évidemment, la sidérurgie –⁠ ArcelorMittal illustre parfaitement les enjeux économiques auxquels sont confrontées la plupart des industries stratégiques.
    Prenons justement cet exemple. L’acier est présent dans l’armature et la charpente des bâtiments, les châssis et la carrosserie des voitures et des bus, les infrastructures ferroviaires, les appareils électroménagers, les ustensiles de cuisine, les instruments du personnel soignant ; il est indispensable à la construction des centrales nucléaires, des éoliennes et des machines industrielles. Que ferions-nous si la France et l’Europe se trouvaient confrontées à une pénurie d’acier, faute d’avoir maintenu les sites sidérurgiques ?
    Comme d’autres industries stratégiques, la sidérurgie est le terrain d’une concurrence internationale féroce. Comme toutes les entreprises électro-intensives françaises, celles de la sidérurgie paient leur énergie cinq fois plus cher que leurs concurrentes américaines ou asiatiques. La sidérurgie, à l’instar de toute l’industrie, ne doit pas prendre le mauvais chemin, mais opter pour celui de la décarbonation. Une reconquête industrielle sans trajectoire environnementale serait vouée à l’échec.
    Sur ces trois questions qui concernent l’ensemble du secteur industriel –⁠ concurrence internationale, prix de l’électricité, décarbonation –, où en sommes-nous, monsieur le ministre ?
    À l’échelle mondiale, l’Union européenne doit jouer son rôle de bouclier. Quand le président américain annonce une taxation à hauteur de 25 % des importations d’acier, que faisons-nous ? Quelles sont les conclusions de la réunion qui a rassemblé les ministres européens de l’industrie jeudi, à Paris ? Il est temps d’assumer un protectionnisme social et environnemental en faveur de nos productions stratégiques telles que l’acier. Comment convaincre nos partenaires, notamment l’Allemagne, d’adhérer à cette vision ?
    Pour ce qui est de l’énergie, la reconquête industrielle passera nécessairement par une électricité décarbonée, abondante, compétitive et souveraine. Appuyons-nous sur le nucléaire, notre plus grand atout, et sur les énergies renouvelables comme l’hydraulique, l’éolien et le solaire ! Amendons le mécanisme européen de fixation des prix et levons les blocages qui empêchent qu’une part significative de notre production d’électricité soit allouée aux industries stratégiques !
    Sur la question environnementale, la France doit devenir un modèle de la décarbonation, à l’image du Dunkerquois qui en est devenu un laboratoire. Cela implique des investissements publics massifs et un engagement de l’Europe de plusieurs centaines de milliards d’euros, ainsi que l’a suggéré le rapport Draghi. Cela implique aussi que nous mettions rapidement en place un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour rétablir une concurrence loyale entre les produits issus de notre industrie verte et ceux venant de pays aux normes environnementales moins vertueuses. La décarbonation est donc un impératif climatique et sanitaire mais aussi la condition de notre indépendance face aux énergies fossiles importées.
    Par ailleurs, si on peut se féliciter d’investissements étrangers en France, notamment dans la filière des batteries pour véhicules électriques, comme ceux de XTC-Orano ou de ProLogium aux côtés de l’entreprise française Verkor dans le Dunkerquois, la liste des fleurons de l’industrie française passés sous pavillon étranger au cours des vingt dernières années est inquiétante : Pechiney, Arcelor, Alcatel, la branche énergie d’Alstom ou, plus récemment, Sanofi.
    Le décret de 2005 sur les investissements étrangers, dont le périmètre a été étendu sous la présidence de François Hollande, est un outil juridique précieux pour préserver notre souveraineté industrielle. Monsieur le ministre, pourquoi n’est-il pas plus souvent utilisé comme instrument de négociation ou de lutte contre la prédation financière étrangère ? Il est urgent de mettre en œuvre un plan de reconquête de la souveraineté industrielle française et européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Vincent Rolland.

    M. Vincent Rolland (DR)

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    « Difficile », « laborieuse », « décourageante » ou encore « risquée » sont autant d’adjectifs qui reviennent lorsqu’on discute de leur situation avec des responsables d’entreprises ou avec ceux qui projettent encore de le devenir. En effet, contrairement à ce que certains ici souhaiteraient faire croire, notre pays ne considère pas assez celles et ceux qui entreprennent. Non, le comportement des uns ne doit pas conduire à un dénigrement généralisé des autres. Oui, pour regagner de la souveraineté, notre pays doit pouvoir miser sur la stabilité normative, fiscale et sociale. Aussi est-il toujours étonnant d’entendre certains s’émouvoir dans cet hémicycle de la perte de notre souveraineté alors que, dans la rue, ils manifestent contre tout, tout le temps.
    Pourtant, l’urgence est là. Nous sommes confrontés à une crise rampante d’une gravité extrême. Depuis trop longtemps, nous assistons à la désindustrialisation progressive du pays. Les chiffres sont implacables : la part de l’industrie dans le PIB français ne cesse de diminuer, de 22 % en 1980 à moins de 13 % aujourd’hui. Quand l’Allemagne maintient une industrie puissante et exportatrice, quand les États-Unis adoptent des mesures protectionnistes, quand la Chine et l’Inde conquièrent les marchés mondiaux grâce à des stratégies agressives, la France, elle, demeure vulnérable.
    Quels sont les facteurs de ce déclin ? Le premier est le coût du travail. Nos charges sociales et fiscales sont parmi les plus élevées d’Europe. Un salarié français coûte bien plus cher que son homologue en Italie ou en Espagne, et la comparaison avec les États-Unis est encore plus cruelle. Il est urgent de baisser le coût du travail pour redonner de l’air à nos entreprises et empêcher les délocalisations.
    Le deuxième facteur est le prix de l’électricité. Notre pays a longtemps bénéficié d’une énergie bon marché grâce à son modèle électrique basé sur le nucléaire et l’hydroélectricité. Pourtant, par des décisions absurdes et dogmatiques, nous avons laissé exploser le coût de l’électricité. En conséquence, les industriels français paient l’électricité à un prix bien plus élevé qu’ils ne le devraient, alors que nous possédons les infrastructures pour produire une énergie abondante et peu coûteuse.
    Le dernier facteur réside dans la lourdeur administrative et réglementaire. Comme si tout ce qui précède ne suffisait pas, les entreprises installées en France sont étouffées par un empilement de normes, de réglementations et de contraintes qui freinent l’innovation et la production. C’est une aberration. Alors qu’aux États-Unis, quelques mois peuvent suffire à la création d’une usine, en France, il faut souvent plusieurs années pour voir un projet aboutir. Comment pouvons-nous espérer rivaliser dans une économie mondialisée si nous nous mettons nous-mêmes des chaînes aux pieds ? Cette lourdeur administrative représente un coût économique non négligeable.
    Ces problèmes deviennent d’autant plus urgents que le contexte international s’assombrit. Nous avons besoin d’une Europe protectrice et réactive pour répondre aux droits de douane, tels ceux instaurés par les États-Unis, et pour mettre en place des clauses antidumping lorsque la concurrence extra-européenne profite de conditions fiscales, sociales ou environnementales inacceptables au regard de nos standards.
    Le moment est venu d’agir. Sans cela, nous continuerons à voir nos usines fermer, nos compétences disparaître et notre dépendance économique s’aggraver. La souveraineté industrielle de la France n’est pas une option. Elle est une nécessité absolue. Agissons sur la fiscalité, le coût du travail, l’énergie, la bureaucratie, la recherche et la formation avant qu’il ne soit trop tard ! Je connais votre volontarisme, monsieur le ministre. Vous en avez fait la preuve lors de la reprise par Alteo de Niche Fused Alumina, une entreprise implantée à La Bâthie, dans ma circonscription. Vous aurez évidemment tout notre soutien pour agir dans le sens d’un renforcement de l’industrie, en France et en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles Fournier.

    M. Charles Fournier (EcoS)

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    Je remercie les rapporteurs pour leur note introductive au débat important que nous avons aujourd’hui. Il est d’ailleurs dommage qu’il se déroule dans un hémicycle aussi vide.
    L’histoire de la désindustrialisation française est longue. Elle est le fruit d’une mondialisation que beaucoup voulaient voir comme une chance et de décisions politiques désastreuses qui ont laissé les activités productives déménager et ont fait de la France un pays de services, sans usines. Nous avons fermé les yeux sur la façon dont nous avons créé nos dépendances. Nous avons fermé les yeux sur les effets écologiques et sociaux de cette production à bas coût à l’autre bout du monde. Les constats ont été largement décrits.
    Il a fallu que le covid arrête la machine, que la guerre réelle se réinstalle à nos portes pour que nous mesurions nos vulnérabilités. Malgré cette prise de conscience tardive, l’industrie française ne va pas mieux, ce qui a des conséquences ravageuses pour l’emploi et le tissu économique de nos territoires. Beaucoup de femmes et d’hommes ont ainsi perdu la fierté de participer à une production utile et se sentent humiliés.
    Entre le passage sous pavillon étranger de la fabrication du Doliprane, les fermetures de sites stratégiques comme ceux de Michelin à Vannes et à Cholet et l’abandon de projets pourtant encouragés par l’État, comme la production d’hydrogène vert renouvelable, l’année 2024 a contrasté avec les cocoricos entendus dans cet hémicycle.
    Depuis un an et demi, j’ai engagé un tour de France pour une réindustrialisation réellement verte –⁠ en référence au nom d’une loi qui l’est très peu, fondée sur des modèles du passé qui ont échoué. J’ai assisté de près à la dégradation de la situation chez Vencorex, Arkema, Michelin ou STMicroelectronics. J’ai vu des sous-traitants maltraités –⁠ Impériales Wheels, MA France et tant d’autres –, dépendants de donneurs d’ordres peu scrupuleux.
    Certes, j’ai vu des réussites qui pourraient nous inspirer : reprise de la papeterie Chapelle-Darblay –⁠ où en est ce dossier, monsieur le ministre ? –, retour de la chaussure à Romans-sur-Isère, jeans 1083, reprise de Duralex en société coopérative et participative (Scop).
    Aujourd’hui, nous parlons de perte de souveraineté. Ce mot est sur toutes les lèvres, sans jamais être défini. Faut-il retenir la vision identitaire de la souveraineté, celle de l’extrême droite, qui laisse accroire que l’on pourrait tout produire ici, sans aucune limite, et tout vendre aux autres dans un monde qui resterait libéral ? Voulons-nous d’une souveraineté où chacun choisirait ses règles et tenterait de les imposer, à l’instar des États-Unis, qui érigent des barrières douanières, et de la Chine, qui surenchérit aujourd’hui même ? N’est-ce finalement que la règle du plus fort ?
    L’interdépendance des économies est telle que le grand bond en arrière du repli identitaire, du localisme, n’a pas de sens. Pour nous, la souveraineté est la maîtrise démocratique de nos liens aux autres économies productrices. Il s’agit de choisir nos dépendances et de construire nos indépendances, tout en garantissant un monde soutenable socialement et écologiquement.
    Je vais donner un exemple concret des questions auxquelles nous devons répondre. Acceptons-nous que le lithium soit importé de Chine, où il aura été raffiné, ou voulons-nous ouvrir des mines ici, avec toutes les conséquences écologiques que cela entraîne ? Ce ne sont pas les seuls industriels qui doivent répondre aux questions de cet ordre ; la société doit le faire aussi. Pouvons-nous retrouver le chemin de règles internationales pour travailler sur la question des ressources, pour protéger l’eau et les matières premières, pour travailler sur les métaux critiques ? Ou bien sommes-nous à l’aube d’une guerre économique sans limite qui nous conduira à la guerre réelle ? Pourra-t-on revenir à des coopérations plus justes écologiquement et plus efficaces socialement, afin de sortir de l’escalade de la guerre économique ?
    Si notre vision de la souveraineté n’a d’autre horizon que le devenir de la France, elle se heurtera à la souveraineté des autres. À ce petit jeu, nous sommes pris en étau entre l’Inflation Reduction Act (IRA) de Washington et le plan Made in China 2025 de Pékin. Mais aussi entre l’affaiblissement de la coopération européenne et le dumping social intracommunautaire. Michelin a fermé Vannes et Cholet pour privilégier une usine en Pologne.
    La souveraineté ne saurait se définir en dehors de toute ambition d’égalité, de progrès social et d’exigence écologique. Malheureusement, le gouvernement n’a pas changé de logiciel économique.
    Pour le groupe Écologiste et social, la politique industrielle de la France devrait reposer sur six piliers : un modèle économique basé sur les besoins plutôt que sur une politique de l’offre qui fait fi des limites planétaires ; un protectionnisme européen, écologique et solidaire, conçu non comme un but en soi mais comme une transition, le temps de faire évoluer les règles mondiales ; une économie non toxique, c’est-à-dire une économie de la réparation de ce qui a été abîmé ; une économie de la coopération, qui valorise l’innovation sociale ; une planification industrielle associant les territoires ; de nouvelles conquêtes sociales pour les salariés, car il n’y aura pas d’usines de réindustrialisation sans eux.
    Tel est le modèle que nous défendons. Il est urgent de lancer un Grenelle de l’industrie, de favoriser le retour de la coopération européenne et de préparer une loi de programmation industrielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. –⁠ M. Emmanuel Maurel applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Croizier.

    M. Laurent Croizier (Dem)

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    Au cours des cinquante dernières années, la France s’est profondément désindustrialisée, délocalisant massivement ses emplois et ses activités, principalement vers l’Asie de l’Est et l’Afrique du Nord. Ce phénomène, accentué par la fin de l’ère des industries minière et sidérurgique dans les années 1990, a considérablement affaibli le tissu économique et les territoires français. La persistance du mythe selon lequel nous pourrions délocaliser la production a grandement fragilisé notre pays.
    L’industrie revêt une importance cruciale pour relever les nombreux défis qui se présentent. D’abord parce qu’elle est créatrice de valeur : les hausses de productivité et les capacités d’innovation y sont plus fortes qu’ailleurs –⁠ l’industrie capte ainsi 68 % des dépenses de recherche et de développement des entreprises. L’industrie fait aussi rayonner la France des territoires –⁠ j’y insiste, en tant qu’élu franc-comtois fier de son industrie –⁠ en s’appuyant sur l’expertise des PME implantées au cœur de nos régions. Non seulement ces entreprises sont les fers de lance du « fabriqué en France », mais elles se distinguent aussi par leur engagement social et territorial. Elles ont besoin de compétences spécialisées et de savoir-faire qui contribuent à élever le niveau de qualification et de rémunération des emplois. Bref, fabriquer en France permet de créer des emplois, de la richesse, de préserver notre patrimoine industriel et nos savoir-faire.
    Soutenir l’industrie, c’est aussi lever les freins qui ralentissent ou empêchent l’installation de nouvelles usines sur notre sol. Le délai actuel pour ouvrir une usine en France est de dix-sept mois, contre neuf en Suède et huit en Allemagne. Lever ces freins à l’implantation industrielle suppose de lancer un plan massif de simplification.
    Pour notre souveraineté, l’industrie est essentielle. Nous en avons fait l’amère expérience lors de la crise du covid, quand les pays européens ont manqué de produits de première nécessité médicale. Comment sommes-nous arrivés à cette situation où 80 % des principes actifs des médicaments consommés en Europe sont produits en Chine ou en Inde ? Le secteur de la santé n’est pas le seul à avoir été affaibli, c’est aussi le cas de la défense. Lors du déclenchement de la guerre en Ukraine, nous nous sommes vite rendu compte de l’incapacité de l’industrie de défense européenne à changer d’échelle et à contribuer efficacement à l’effort de guerre.
    Depuis 2017, nous n’avons pas ménagé nos efforts : nous avons assumé une politique d’attractivité des investissements industriels, permettant 660 ouvertures d’usines et 133 000 créations de poste d’ouvrier, ce qu’aucune majorité n’avait fait depuis quarante ans. L’électrochoc du covid a servi d’accélérateur dans plusieurs filières stratégiques, avec des projets essentiels dans les domaines de l’énergie, des puces électroniques, des voitures électriques, de l’armement ou des médicaments.
    Le plan France 2030, doté de 54 milliards d’euros, témoigne de cette ambition de bâtir une industrie française de pointe, capable de relever les grands défis écologiques, technologiques et économiques. Il a d’ailleurs entraîné une vague d’annonces de projets industriels d’envergure : à Dunkerque, pour fabriquer des batteries électriques ; à Chartres, pour produire de l’insuline ; au Tricastin, pour enrichir l’uranium destiné à nos centrales nucléaires ; ou encore à Fos-sur-Mer, pour fournir des panneaux photovoltaïques.
    Au niveau européen, le lancement de projets importants d’intérêt européen commun (Piiec) doit marquer le début d’une nouvelle ère en faveur des industries stratégiques. Le contexte géopolitique doit nous inciter à faire encore davantage, tant la concurrence et les incertitudes se sont accrues. Dès le mandat de Joe Biden, les États-Unis ont adopté une stratégie offensive de relocalisation, en maintenant des droits de douane élevés, en assurant une énergie à bas prix et en octroyant des subventions importantes. Les premières semaines du mandat de Donald Trump semblent indiquer que cette politique s’accélérera. À l’heure où notre continent est défié, les dépendances européennes sont particulièrement préjudiciables, en particulier pour le secteur de la défense.
    Il faudra également réfléchir à la manière d’articuler notre stratégie de réindustrialisation avec la transition écologique. S’il est nécessaire de viser la neutralité carbone, il est impératif de l’atteindre au moyen de la réindustrialisation. Comment comptez-vous concilier cet objectif avec celui du zéro artificialisation nette ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

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    En France, le poids de l’industrie manufacturière dans la valeur ajoutée n’a cessé de chuter, passant de 22,8 % en 1974 à 10,7 % en 2020. L’emploi industriel a suivi la même courbe : il représentait plus du quart des emplois dans l’immédiat après-guerre, contre 12 % actuellement. En trois décennies, la France a perdu près de 2 millions d’emplois industriels. Ces données illustrent, matérialisent et alimentent le thème de la perte de souveraineté industrielle et de la dépendance à l’égard des productions étrangères, notamment pour ce qui concerne certains produits stratégiques. À cet égard, la pénurie de masques au moment de l’explosion de la pandémie de covid-19 a constitué un douloureux révélateur. Nous avons pris conscience du fait que les deux tiers des biens manufacturés consommés en France étaient importés, pratiquement dans tous les domaines : l’électronique, la mécanique, les produits pharmaceutiques, et même l’agroalimentaire. Quant à la guerre en Ukraine, elle a permis de souligner les graves insuffisances dans le domaine des industries militaires.
    Cette situation de faiblesse industrielle est le résultat de dynamiques susceptibles d’être diversement appréciées. Si certaines délocalisations en pays étrangers sont le moyen, a priori dommageable, de faire baisser les coûts de production, d’autres témoignent d’une politique offensive pour conquérir de nouveaux marchés. Quant à la prise de contrôle d’une entreprise française par des capitaux étrangers, elle peut être interprétée positivement comme le signe de son attractivité, ou au contraire comme le témoignage négatif d’une perte de souveraineté. En revanche, concéder des parts de marché en raison d’une faible productivité est le signe sans appel d’une inadéquation à la concurrence internationale ; c’est malheureusement le cas, pour une part, de la France.
    En toute hypothèse, la désindustrialisation se traduit par un affaissement des échanges internationaux, avec des répercussions sur la croissance, l’emploi, la balance des paiements et les rentrées fiscales. La compétition internationale actuelle est de très haute intensité ; elle impose des critères très rigoureux en matière de gestion des entreprises et de politique publique.
    La réindustrialisation, thème majeur du temps, constitue un autre front, plus facile à concevoir qu’à mener à bien. Ainsi, la recherche de main-d’œuvre bon marché ne peut être compensée que par une forte qualification, découlant elle-même d’une politique efficace de formation et d’apprentissage. N’oublions pas que le succès industriel de l’Allemagne a reposé –⁠ et repose toujours en partie – sur les liens étroits entretenus entre l’université et l’industrie, ce qui a permis une production de haute qualité ; l’engagement des Länder a fait émerger des spécialisations régionales hautement compétitives. Dans le même ordre d’idées, on pourrait évoquer les bases de la réussite industrielle japonaise.
    La réussite d’une telle entreprise passe également, et surtout, par une politique industrielle. La France, longtemps reconnue en ce domaine depuis le colbertisme, a raté le virage après les succès faciles des Trente Glorieuses. Il a fallu attendre les années 2000 pour renouer avec une politique industrielle active : citons les pôles de compétitivité, la Banque publique d’investissement (BPIFrance), l’Agence de l’innovation industrielle, les programmes d’investissements d’avenir (PIA), le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), les Territoires d’industrie, les plans France relance et France 2030.
    Des efforts énormes ont été consentis en faveur de la recherche, et un soutien massif a été accordé aux entreprises sous forme de subventions, de baisses des cotisations sociales et des impôts de production. S’il fut certainement utile, ce soutien n’a pas empêché la France de reculer sur le plan international, ni même permis de protéger le marché intérieur. Une partie de l’opinion considère qu’il constitue un transfert d’argent public vers les capitaux privés sans contrepartie réelle –⁠ en témoignent les débats qui animent régulièrement la commission des finances à propos du crédit impôt recherche (CIR).
    L’acquisition d’entreprises françaises par des groupes étrangers soulève un autre problème. Même si elles permettent des entrées de capitaux, ces acquisitions posent plusieurs questions : celles de la perte d’autonomie et du pouvoir de décision, de la protection de secteurs stratégiques, du transfert potentiel d’informations et de technologies sensibles –⁠ parfois à la limite de l’espionnage industriel. La stratégie de protection et, plus encore, de reconquête, suppose de poursuivre un effort structurel multiforme : soutien à la productivité, diversification, enracinement régional, création d’un outil performant de formation. On ne pourra pas non esquiver la question de la redéfinition des rapports entre soutien public et réponse entrepreneuriale, tant en matière d’innovation que d’export, donc d’investissements et d’emplois.
    Souveraineté et reconquête industrielle demeurent plus que jamais des enjeux vitaux pour l’avenir économique et social de la France.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Maurel.

    M. Emmanuel Maurel (GDR)

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    Je ne m’attarderai pas sur le triste constat dressé par mes collègues. La part de l’industrie dans le PIB s’est effondrée depuis les années 1980. La France a perdu la moitié de ses emplois industriels, passés de 5 millions à 2,5 millions, sous l’effet des transformations de la production, des crises, mais aussi –⁠ j’y insiste – des décisions prises par nos dirigeants, par une certaine élite technocratique qui n’a jamais pratiqué, par naïveté ou par intérêt, le patriotisme économique.
    Ce débat est intéressant parce qu’il permet aussi de tordre le cou à la mythologie de la réindustrialisation, perpétuée par ceux qui sont toujours au pouvoir. Une contrevérité répétée mille fois n’en reste pas moins une contrevérité ! En 2024, la France a connu davantage de fermetures d’entreprises que d’ouvertures ; la production industrielle a ainsi régressé de plus de 1,74 % en décembre. Nous étions sur une ligne de crête ; la tendance est désormais clairement baissière et les mauvaises nouvelles s’accumulent dans la métallurgie, l’agroalimentaire, la construction, le textile, l’automobile.
    Nous ne pouvons évidemment pas tout régler d’un coup de baguette magique, mais des pistes existent, dont certaines ont été tracées par les rapporteurs. Comme l’a souligné M. Tavel, la baisse des prix de l’électricité doit passer par la remise en cause de l’absurde système européen qui régit le marché de l’électricité et pénalise les Français.
    Nous devons aussi défendre une autre politique commerciale. J’ai été député européen pendant dix ans. Quand je suis arrivé à Bruxelles, le simple fait d’évoquer la réciprocité des relations commerciales m’a valu l’étiquette de sinistre marxiste-léniniste nostalgique de l’autarcie albanaise !

    M. André Chassaigne

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    Ce n’est pas une tare !

    M. Emmanuel Maurel

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    Léniniste, quand même ; marxiste, j’assume !

    Mme Christine Arrighi

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    Oh là là, quelle horreur ! (Sourires.)

    M. Emmanuel Maurel

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    Bref, je préférerais qu’on en vienne à des solutions opérationnelles. Nous devons d’urgence aborder précisément certains dossiers, monsieur le ministre. Le premier est celui de Vencorex. Je suis très surpris d’entendre M. Bayrou dire que la nationalisation temporaire n’est pas une solution et qu’elle ne marchera pas. On parle tout de même d’une entreprise qui fournit des produits aussi essentiels que les carburants pour Ariane et nos missiles balistiques ! On parle de centaines, voire de milliers d’emplois, dans un territoire, l’Isère, qui en a bien besoin. Je préfère qu’on mette 300 ou 400 millions d’euros sur la table pour sauver cette entreprise plutôt que d’en rester à un pragmatisme de la capitulation, selon lequel rien n’est possible ni raisonnable et qui conduit finalement à ne rien faire.
    Je parle de Vencorex, mais je pourrais évoquer la sidérurgie puisque les dernières fonderies françaises d’ArcelorMittal risquent, elles aussi, de disparaître. Pourquoi se refuser obstinément à des prises de capital public, dès lors que nos intérêts vitaux sont en jeu ? Or tel est bien le cas.
    Un autre dossier m’inquiète, celui de Total –⁠ bien que l’entreprise pèche par son manque d’exemplarité : aux dires de la presse économique, le groupe serait sur le point de passer sous pavillon américain. Au dernier pointage, la part des actionnaires américains s’élevait à 40 %, tandis qu’au fil des années, la part des investisseurs français s’est affaissée de 30 % à 15 %. Compte tenu de ce rapport de force, comment être sûr que les promesses faites aux syndicats –⁠ à savoir un maintien du conseil d’administration pour moitié français et pour moitié international – seront tenues ? Il s’agit là d’un dossier des plus sensibles, qui touche à l’intérêt vital de la nation.
    Nous avons beaucoup discuté hier des graves dangers que l’élection de Donald Trump faisait courir à notre autonomie stratégique et à la maîtrise de notre transition énergétique. Nous ne pouvons pas rester spectateurs face au dépeçage en règle de nos fleurons industriels auquel se livrent les Américains. Cela me conduit au cas d’une entreprise qui n’a pas encore été évoqué : celui de LMB Aerospace, en passe d’être rachetée par un groupe américain. Il s’agit d’un fournisseur essentiel aux Rafale, aux sous-marins nucléaires et aux chars Leclerc –⁠ soit l’armée de l’air, la marine nationale et l’armée de terre réunies. Nous attendons du gouvernement qu’il use de son droit de veto. C’est possible, dans le cadre du décret Montebourg de 2014, mais on ne le fait quasiment jamais. Je veux que cela devienne la règle et non pas l’exception. Depuis 2014, la France n’a opposé son veto que trois fois alors que les États-Unis l’ont opposé vingt fois.
    Nous sommes pourtant instruits par l’expérience et les exemples désastreux d’Alstom, de Technip ou d’Alcatel. À chaque fois, des promesses ont été faites et n’ont pas été tenues. Puisque nous parlons de souveraineté industrielle, ne nous payons pas de mots : la France peut et doit agir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

    M. André Chassaigne

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Michoux.

    M. Éric Michoux (UDR)

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    La question de la souveraineté industrielle touche au cœur même de la vie et de la survie des nations. Elle met en cause le choix qu’elles font de leur destin. Elle conduit à la question de l’indépendance et de la liberté nécessaires pour éviter la soumission. Elle met à l’épreuve la grandeur de la France, vendue à la découpe par les Mozart de la stratégie et de la finance, avec les succès que l’on sait : Arcelor, Pechiney, Alcatel, Technip, Lafarge, et plus récemment Doliprane. Le plus triste de ces succès étant sans aucun doute la livraison d’Alstom à l’américain General Electric, qui soumet la production des turbines de nos sous-marins nucléaires Barracuda à l’accord des Américains.
    Toutefois, la perte de notre industrie s’explique par bien d’autres raisons. D’abord, une surcharge de taxes et d’impôts qui rend notre industrie peu compétitive : en quelques années, la France est passée de la septième à la dix-huitième place en matière de productivité. Ensuite, une surcharge administrative et de normes, amplifiée par la surtransposition des réglementations, qui décourage nos entrepreneurs : le code du travail compte aujourd’hui 5 500 pages. S’y ajoute une stratégie de court terme dictée par des idéaux bobos et écolos.

    Mme Christine Arrighi

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    Écologistes, c’est plus poli !

    M. Éric Michoux

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    Enfin, la hausse incessante du coût de l’énergie constitue un facteur important, dans le cadre de la déstructuration de la filière nucléaire et d’une incompréhensible indexation européenne du prix de l’électricité sur celui du gaz.
    Je m’en tiendrai à l’exemple le plus parlant : celui de l’industrie automobile thermique. Elle a été sacrifiée par les derniers gouvernements au nom du sectarisme vert,…

    Mme Marie Pochon

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    Ou de la lutte contre le changement climatique !

    M. Éric Michoux

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    …au profit des véhicules électriques. Ainsi va la dictature verte. Les constructeurs chinois, soutenus par leur gouvernement, ne s’y sont pas trompés : voitures chinoises, batteries chinoises, panneaux photovoltaïques chinois ! L’Amérique n’est pas en reste. M. Musk remercie chaleureusement les élus de gauche et d’extrême gauche pour leur collaboration, qui a contribué à son succès économique et politique en permettant le grand remplacement des véhicules thermiques par ses véhicules électriques.

    Mme Karen Erodi

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    Qui est au pouvoir ?

    Mme Christine Arrighi

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    Les LR sont au gouvernement ! Vous n’étiez pas LR avant ?

    M. Éric Michoux

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    Dans la continuité de ce dogmatisme vert, on impose désormais aux Français les tristement célèbres zones à faibles émissions (ZFE). Les plus modestes sont ainsi privés du droit de circuler librement et comme assignés à résidence. Rien n’a été fait dans notre pays pour développer et structurer une nouvelle filière de carburants de synthèse, qui aurait pu servir non seulement au secteur automobile mais à celui de l’aéronautique. Aujourd’hui, ce sont la Chine et les États-Unis qui travaillent sur ce type de carburant et qui ne tarderont pas à nous en inonder avec leurs nouvelles voitures thermiques !
    Comment ne pas évoquer, dans le cadre de ce débat, notre industrie de défense ? Là aussi, on assiste depuis quinze ans à une désindustrialisation organisée par les différents gouvernements, qui nous fait perdre notre souveraineté. Ainsi, nous avons abandonné le Famas français pour un fusil allemand. Mais la casse ne s’arrête pas là : ce sont à présent les uniformes de nos soldats qui seront produits, non plus en Bretagne, mais à Madagascar ! L’ironie de ce débat, c’est que les mêmes qui militent pour une idéologie écolo globalisée…

    Mme Marie Pochon

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    Ça s’appelle la science climatique !

    M. Éric Michoux

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    …sont ceux qui iront demain dans les entreprises en faillite, debout sur les palettes avec leurs complices de la CGT (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS), pour vociférer leur indignation et dire leur faux soutien aux salariés, tout en exigeant des aides de l’État.
    Il n’existera de souveraineté industrielle que s’il existe une souveraineté énergétique. Relançons une filière nucléaire française telle que le général de Gaulle l’avait forgée.

    M. Christophe Bex

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    Et les déchets, on les met où ?

    M. Éric Michoux

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    Travaillons à un nouvel axe stratégique : les carburants de synthèse. D’autre part, aidons nos entreprises : baissons les charges financières et administratives, baissons les normes, les taxes et les impôts.

    M. Christophe Bex

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    Baissons les dividendes !

    M. Éric Michoux

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    Simplifions encore, à la tronçonneuse s’il le faut ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, DR et EcoS.)

    Mme Christine Arrighi

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    On se calme !

    M. Éric Michoux

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    Enfin, prenons en considération les avancées techniques. Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur l’intelligence artificielle et les enjeux liés aux data dans notre réflexion. Nous devons réinstaller dans ce pays la confiance…

    Mme Marie Pochon

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    À la tronçonneuse ?

    M. Éric Michoux

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    …et non pas la défiance. C’est la confiance qui permet aux investisseurs d’investir et aux consommateurs de consommer ; mais malheureusement, les gouvernements successifs ont installé la défiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Loubet.

    M. Alexandre Loubet (RN)

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    Autrefois puissance industrielle dans de nombreux secteurs, la France est le pays européen qui s’est le plus désindustrialisé : en trente ans, la part de l’industrie dans notre PIB a chuté de 17 à 9 %. Malgré une légère stagnation ces dernières années, la désindustrialisation de notre pays se poursuit. L’année 2024 a été une année noire pour l’industrie française : pour la première fois depuis 2016, nous déplorons davantage de fermetures d’usines que d’ouvertures ; 24 000 emplois industriels ont été supprimés et, dans les dix prochaines années, 100 000 emplois supplémentaires pourraient être détruits dans le seul secteur de l’automobile.
    En 1960, le général de Gaulle avait déclaré que nous, Français, devions « accéder au rang de grand État industriel ou bien nous résigner au déclin ». Monsieur le ministre, force est de constater que vous faites le choix du déclin.
    En refusant de bâtir une stratégie industrielle nationale par filière, vous manifestez votre absence de vision pour redresser l’industrie française. En refusant d’investir en priorité dans les PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI), vous sacrifiez nos compétences industrielles de base au profit de gigafactories sans rentabilité ni marché. En refusant de créer un fonds souverain français, vous privez notre tissu industriel de financements massifs et vous abandonnez nos fleurons stratégiques aux capitaux étrangers. En refusant de mener une politique de patriotisme économique, vous encouragez la concurrence déloyale et les délocalisations, au détriment des filières et des savoir-faire français. En refusant d’appliquer la priorité nationale et locale dans la commande publique, vous subventionnez les importations avec l’argent du contribuable, plutôt que de favoriser l’emploi en France. En refusant de baisser la pression fiscale qui pèse sur les entreprises, vous pénalisez leur production et découragez l’innovation. En refusant d’accélérer la relance du nucléaire et de nous libérer des règles absurdes du marché européen de l’énergie, vous privez nos entreprises d’un avantage compétitif majeur : la France produit une électricité parmi les moins chères d’Europe. En refusant d’alléger certaines normes environnementales excessives, vous vous obstinez à sacrifier des projets industriels, créateurs de centaines d’emplois, pour le seul fait qu’un batracien se soit installé sur un terrain. (Mme Marie Pochon s’exclame.) En refusant de lever les réglementations européennes absurdes comme la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) et l’interdiction de la vente des véhicules à moteur thermique en 2035, vous condamnez l’industrie française à une mort certaine. Bref, en refusant d’appliquer ces propositions de bon sens du Rassemblement national, vous entérinez la poursuite de la désindustrialisation et du déclin de la France.

    Mme Marie Pochon

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    Et le déclin de la biodiversité, ce n’est pas grave ?

    M. Alexandre Loubet

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    Monsieur le ministre, alors que nos concurrents –⁠ tels la Chine et les États-Unis – mènent une guerre économique redoutable à l’Europe, qui peut sérieusement croire en votre capacité à réindustrialiser le pays ?

    Mme Christine Arrighi

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    Qui peut sérieusement croire à vos solutions ?

    M. Alexandre Loubet

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    Qui peut vous croire lorsque vous confiez une partie de notre souveraineté économique à une Commission européenne technocratique, qui ne défend ni les intérêts de la France ni même ceux du continent européen ? Qui peut vous croire quand votre ministre de tutelle, Éric Lombard, déclare que nos entreprises doivent « accepter d’être moins rentables » ? Qui peut vous croire quand en paroles, vous appelez à une économie de guerre, mais qu’en pratique, vous laissez les crapauds faire reculer les pelleteuses destinées à installer une nouvelle usine ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Qui peut vous croire quand les plus grands capitaines d’industrie de ce pays expriment leur ras-le-bol, à l’instar des PDG de LVMH, de Michelin, de EDF, de Total, de SEB, d’Airbus et de tant d’autres groupes nationaux ? Qui peut vous croire, monsieur le ministre, quand vous vendez à la découpe nos fleurons stratégiques,…

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Eh oui !

    M. Alexandre Loubet

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    …parmi lesquels Alstom, Alcatel, Technip, Lafarge, Latecoere, Souriau, Morpho, Exxelia, Pechiney ou Doliprane ?

    Mme Christine Arrighi

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    Doliprane n’est pas un groupe !

    M. Alexandre Loubet

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    Ces noms de pépites industrielles françaises, passées sous pavillon étranger avec l’accord de nos dirigeants, résonnent comme les grandes trahisons industrielles d’Emmanuel Macron. De grandes trahisons industrielles qui, par idéologie et sans doute aussi par lâcheté, bradent le génie et le travail de tout un peuple.

    M. Laurent Croizier

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    C’est tellement mieux en Russie !

    M. Alexandre Loubet

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    Il faut d’urgence restaurer notre puissance industrielle. C’est pourquoi le Rassemblement national lance cette semaine une commission d’enquête parlementaire visant à lever les freins à la réindustrialisation de la France. J’aurai l’honneur d’en être le rapporteur.

    Mme Marie Pochon

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    Les freins, ce sont les crapauds ?

    M. Alexandre Loubet

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    Je conclurai en affirmant que l’industrie est le moteur de l’indépendance de notre pays, le moteur de sa prospérité sociale et du progrès technique, technologique et écologique. Alors que la moitié de l’empreinte carbone de la France est liée à nos importations, relocaliser est la solution pour lutter contre le dérèglement climatique, n’en déplaise à l’extrême gauche.

    Mme Christine Arrighi

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    Il n’y a pas d’extrême gauche ici !

    M. Alexandre Loubet

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    La réindustrialisation constitue ainsi le défi de notre génération : le défi pour rendre à la France sa puissance et aux Français leur prospérité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles Rodwell.

    M. Charles Rodwell (EPR)

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    « La meilleure façon de réaliser ses rêves est de se réveiller. » Ces mots pleins de bon sens attribués à Paul Valéry traduisent parfaitement l’exigence formulée à notre égard, gouvernement et parlementaires français, dans ce moment charnière pour l’histoire de notre pays. La décennie 2020 doit sonner le réveil des Européens face aux réalités du monde : celles d’un monde en guerre économique, structuré par la confrontation entre deux hyperpuissances, les États-Unis et la Chine. Une confrontation qui, sans réaction urgente et massive de notre part, provoquera la marginalisation définitive du continent européen.
    Nous pouvons, tous, saluer le volontarisme politique du président de la République dans le combat qu’il mène pour l’indépendance de la France et la puissance de l’Europe.

    M. Éric Bothorel

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    Il a raison !

    M. Charles Rodwell

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    Nous avons en effet vécu, ces cinq dernières années, de nombreux basculements politiques et économiques, dont les conséquences, pour les Français, furent sans précédent.

    Mme Danielle Brulebois

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    Exactement !

    M. Charles Rodwell

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    Le choc de la crise sanitaire du covid-19 a révélé le danger extrême de nos dépendances industrielles, cautionnées depuis des décennies. Le choc de la crise énergétique provoquée par l’invasion russe en Ukraine a rendu nécessaire une intervention massive des États européens, à travers des plans d’urgence, pour un total de 800 milliards d’euros. Le choc de la fermeture de dizaines de marchés stratégiques chinois aux entreprises françaises et européennes témoigne de la volonté du président Xi Jinping de passer d’une économie de paix à une économie de guerre.
    L’Inflation Reduction Act, déployé par l’administration Biden, et la politique fiscale et douanière de l’administration Trump frappent de plein fouet l’industrie européenne. Les sinistres frasques du président Trump, cautionnées par l’extrême droite française, ont le mérite d’être parfaitement limpides : oui, les États-Unis ont définitivement tourné le dos à l’Europe.
    Nous devons considérer ces basculements comme autant de signaux d’alarme pour les Européens. Pour la France, comme pour l’Europe, il est bien minuit moins le quart.
    C’est dans ce contexte que je tiens à adresser, au nom du groupe Ensemble pour la République, un message au gouvernement. Un message au nom des 2,7 millions de Français qui ont retrouvé un emploi depuis sept ans. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Un message au nom des milliers d’entrepreneurs, français et étrangers, qui investissent dans notre pays et que nous avons massivement soutenus pendant la crise sanitaire. Ces dernières années, ils ont ouvert en France, devenue le pays le plus attractif d’Europe, plus de 300 usines.
    Ce message est simple : dans un monde plongé dans une instabilité politique et économique, la constance est la clé de la confiance. Mon groupe et moi-même vous exhortons à sauver la politique de l’offre que nous avons conduite pendant sept ans, notamment avec Bruno Le Maire, du démantèlement en règle que le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national appellent de leurs vœux. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Laurent Alexandre mime un joueur de violon.) Ils appellent au matraquage fiscal des Français ; nous vous demandons de poursuivre les baisses d’impôts –⁠ nous les avons réduits de plus de 50 milliards en sept ans. Accepter d’augmenter les cotisations, de faire exploser l’impôt sur les sociétés, de suspendre la baisse des impôts de production serait tout simplement une hérésie économique. Nous vous appelons à poursuivre les réformes fondamentales…

    M. Christophe Bex

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    Et allez, on continue ! On a vu ce que votre politique a donné !

    M. Charles Rodwell

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    …pour l’avenir de notre pays, à l’image de celles que nous avons menées, depuis sept ans, pour sauver de la faillite notre régime de retraite et mieux rémunérer le travail des Français.

    Mme Marie Pochon

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    Regardez le résultat !

    Mme Sophie Pantel

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    Combien de milliards de dettes ?

    M. Charles Rodwell

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    Pour financer l’industrie de notre pays, il nous faut donner la priorité à deux grands combats : celui de la retraite par capitalisation, à l’échelle de la France, et celui de l’union des marchés de capitaux, à l’échelle de l’Europe.
    Nous vous appelons, enfin, à mener une politique de dérégulation de l’économie.

    M. Christophe Bex

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    Bien entendu !

    M. Charles Rodwell

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    Dérégulons, dérégulons, dérégulons, sans considération pour les cris d’orfraie que pousseront quelques sempiternels idéologues…

    M. Christophe Bex

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    C’est vous qui êtes des idéologues !

    Mme Karen Erodi

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    Vous êtes au service des lobbys !

    M. Charles Rodwell

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    …afin de libérer les Français et leurs entreprises de l’étouffement économique.
    Baissons les impôts, baissons les dépenses publiques, dérégulons,…

    M. Christophe Bex

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    Baissons les dividendes !

    M. Charles Rodwell

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    …ce sont là les trois piliers de la seule politique qui nous permettra de soutenir notre industrie, de la décarboner et, par la création de richesses, de rétablir définitivement nos comptes publics.
    Bien au fait de ces enjeux, Donald Trump et Elon Musk…

    M. Stéphane Peu

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    Que vous voulez copier !

    M. Charles Rodwell

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    …s’apprêtent à écrire un nouveau chapitre de l’histoire géopolitique et économique mondiale. Leur volontarisme agressif place l’Europe et la France devant un choix simple et fondamental : produire pour bâtir notre sécurité et notre indépendance, ou disparaître –⁠ tout simplement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Plassard.

    M. Christophe Plassard (HOR)

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    Longtemps, nous avons cru que la démocratie avait gagné. Nous pensions qu’avec la chute de l’URSS, notre modèle démocratique s’exporterait naturellement au-delà du rideau de fer et que nous pourrions échanger librement avec les pays de l’Est, dans une concurrence pure et parfaite.
    Les travailleurs, la société dans son ensemble avaient, dans le même temps, de nouvelles aspirations : moins travailler, moins péniblement, moins physiquement. L’industrie s’est tertiarisée alors que le niveau de diplôme augmentait. Le mouvement global de désindustrialisation, amorcé dans les années 1970, s’est ainsi accentué. Entre 1995 et 2017, la part de l’industrie dans l’activité a chuté de 17 à 11 % et la part des emplois manufacturiers a baissé de 27 %, contre 13 % dans le reste de l’Union européenne. Les usines ont fait place aux bureaux, le statut d’ouvrier à celui d’employé.
    Dans le même temps, on a constaté un décrochage de la compétitivité française, quand le coût horaire de la main-d’œuvre manufacturière progressait de 49 %, contre 27 % en Allemagne. Pas grave, selon certains : l’essor d’internet semblait confirmer nos biais, tout se jouant en trois clics. Nous pouvions délocaliser travail manuel et pauvreté, en substituant une politique d’achat en flux tendu à une politique de constitution de stocks souverains.
    Sur tous ces sujets, nous avions tort. Nous l’avons déjà amèrement constaté lors de la crise sanitaire de 2020, qui a mis en évidence la dépendance industrielle française et européenne aux fournisseurs étrangers et la fragilité de certaines chaînes de valeur mondiales –⁠ y compris s’agissant de biens stratégiques.
    Rappelez-vous comment, il y a cinq ans, nous sommes devenus complètement dépendants de la Chine pour nos approvisionnements en masques chirurgicaux, faute de stock –⁠ ce n’était pourtant qu’un morceau de tissu entre deux élastiques. Aujourd’hui encore, 80 % des sites de production des substances pharmaceutiques utilisées dans les médicaments européens se trouvent hors de l’Union européenne.
    Deux ans plus tard, l’invasion de l’Ukraine par la Russie faisait voler en éclat les espoirs d’un monde pacifié autour d’une mondialisation heureuse. La puissance des États et l’arbitraire des personnes ont mis un terme au mythe et à la doctrine des dividendes de la paix. Ce qui est arrivé en 2022 à l’Ukraine pourrait arriver demain à la Pologne, à l’Estonie ou à la Lettonie. L’Europe n’est plus à l’abri des agressions –⁠ elle ne l’a en fait jamais été. Nous avons alors constaté qu’il nous fallait retrouver les moyens de nous défendre, et de nous passer de certains alliés qui ne voient en nous que des clients.
    La loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, que nous avons votée en 2023, avait donc pour ambition de nous faire passer en économie de guerre. Je remercie le groupe La France insoumise d’avoir inscrit à l’ordre du jour ce débat sur la souveraineté industrielle et sur nos industries stratégiques. Vous prenez enfin conscience que c’est notre industrie nucléaire, voulue par Charles de Gaulle, qui nous a laissés maîtres de notre destin énergétique face au gaz russe, et vous reconnaissez enfin que la base industrielle et technologique de défense est là pour nous protéger et garantir notre indépendance. La BITD ne représente pas seulement 4 000 entreprises, des PME pour l’essentiel, et plus de 200 000 emplois : elle est aussi notre assurance vie. Il faut soutenir ces industries, non seulement pour les emplois, mais aussi pour notre survie en tant que nation indépendante et souveraine.
    Des annonces seront prochainement faites au sujet du financement de la BITD. J’espère que ma proposition d’utiliser les fonds des livrets réglementés sera adoptée. Ces fonds sont aujourd’hui à la disposition des banques et destinés aux PME, mais à l’exclusion de la plupart des entreprises de défense. La défense est une condition de la durabilité de nos sociétés. Il ne saurait y avoir de transition écologique ou de garantie des droits et des libertés si la première de nos sécurités n’est pas assurée. Cela passe par une industrie forte, innovante, qui a accès aux financements.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Certains imaginaient, il y a quelques années, que notre économie pouvait être forte sans industrie –⁠ que l’on pouvait consommer, échanger, sans produire. C’était un mythe.

    Mme Danielle Brulebois

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    Exactement !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Parler de souveraineté, il y a quelques années, n’était ni une évidence ni une priorité. Ces idées fausses se sont très vite brisées sur la réalité, les conflits géopolitiques, la pandémie et les crises. Le monde change, les consciences s’éveillent et le gouvernement agit. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Résolu, déterminé, il agit sans relâche pour réindustrialiser la France. Le ministère de l’industrie et de l’énergie, dont j’ai l’honneur d’avoir la charge, est un ministère de combat. Notre combat, avec Éric Lombard et l’ensemble du gouvernement, est de faire de la France une grande nation industrielle, fidèle à son histoire et capable d’affronter les défis technologiques de demain.
    Alors que se durcissent les tensions mondiales et que s’intensifie la concurrence internationale, ce combat est plus que jamais essentiel à la prospérité de notre économie, à la cohésion des territoires, à la souveraineté du pays. Je remercie le groupe La France insoumise d’avoir pris l’initiative de ce débat, essentiel (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), sur notre souveraineté industrielle.

    M. Rodrigo Arenas

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    C’est cadeau !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    La souveraineté, c’est notre capacité, en tant que nation, à choisir notre destin. Sans industrie forte, c’est ma conviction, il n’y a pas de pays fort, pas de pays indépendant, pas de pays souverain : voilà pourquoi la reconquête industrielle est notre priorité. Grâce à une politique ambitieuse et volontariste, nous avons commencé, depuis 2017, à gagner des batailles.
    La bataille de l’attractivité, d’abord. Vous le savez, la France est depuis cinq ans le premier pays européen pour les investissements étrangers. Le sommet mondial pour l’intelligence artificielle a, une fois de plus, mis en lumière les formidables atouts de notre pays.
    Mais nous devons aller plus loin, et l’avenir de notre compétitivité passera par de nouvelles réformes, comme la réforme du financement de la protection sociale, à laquelle MM. Alfandari et Rolland nous ont justement appelés : pour qu’elle continue à soutenir la société, sans freiner l’économie, pour qu’elle pèse moins sur le travail, en particulier industriel, et pour qu’elle soit véritablement une force au service de notre avenir.
    Nous avons aussi gagné des batailles sur le front des ouvertures de sites industriels : trente-six ouvertures nettes ou extensions d’usines se sont concrétisées au premier semestre 2024, selon le baromètre industriel de l’État. Nous attendons les chiffres du deuxième semestre.
    Enfin, nous avons gagné des batailles sur le front de l’emploi industriel, avec plus de 130 000 créations nettes d’emplois depuis 2017.
    Nous avons une stratégie. Celle-ci repose sur trois axes : une action offensive, pour bâtir une industrie puissante et résiliente ; une action défensive, pour protéger nos filières et nos emplois de nouvelles menaces ; une action déterminée à l’échelle européenne, au service de nos intérêts stratégiques et souverains.
    Sur le plan offensif, la souveraineté industrielle exige que nous investissions massivement dans la France de demain. C’est ce que nous faisons, via le plan France 2030, pour positionner notre pays à la frontière technologique. Jamais nous n’avons autant investi dans l’innovation, en particulier dans l’innovation de rupture.
    Les résultats sont là.

    Mme Clémence Guetté

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    Non !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Nous avons fait émerger de nouvelles filières dans les batteries, les biomédicaments ou encore l’intelligence artificielle. Nous avons renforcé nos positions dans des secteurs clés, comme l’aéronautique, une industrie d’excellence où nous avons réussi à consolider notre avantage, à développer de nouvelles technologies, à accélérer l’émergence de nouveaux acteurs. Notre pays, dans ce secteur, est le deuxième exportateur, non pas en Europe, mais dans le monde. Nous sommes les seuls, avec les États-Unis, à savoir construire des avions, civils ou militaires, de A à Z.
    Cette filière fait notre fierté industrielle. Je pense à Safran, qui a fait certifier en janvier le premier moteur électrique pour avion au monde. Je pense à Aura Aero, jeune entreprise toulousaine qui conçoit et fabrique l’avion bas-carbone de demain. Je pense encore à Airbus Helicopters et à son usine de Marignane, que j’ai visitée la semaine dernière, où 8 000 salariés conçoivent, fabriquent et assemblent des hélicoptères à la pointe de l’innovation. Autant d’exemples qui montrent que la force de notre industrie est la clé de notre souveraineté.
    Il n’y a pas non plus, réciproquement, d’industrie forte sans souveraineté, et en particulier sans souveraineté énergétique. C’est pourquoi notre ambition, dans la droite ligne du discours prononcé en 2022, à Belfort, par le président de la République, est de « reprendre en main notre destin énergétique et donc industriel », en produisant une énergie abondante, décarbonée et compétitive.

    M. Henri Alfandari, rapporteur

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    Très bien !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Alors, sans ambiguïté, sans tergiversation, nous soutenons le nucléaire, nous renforçons le nucléaire, nous investissons dans le nucléaire. Le programme du « nouveau nucléaire français » en est la preuve. (Mme Clémence Guetté s’exclame.) Les futurs réacteurs de type EPR sont là pour servir les Français ainsi que l’industrie de notre pays et de nos enfants.
    Mais le nucléaire à lui seul ne nous sortira pas de notre dépendance aux importations d’hydrocarbures, qui représentent encore les deux tiers de notre consommation énergétique. Notre souveraineté passe aussi par le développement des énergies renouvelables. Nous y investissons avec force et discernement.

    M. Matthias Tavel, rapporteur

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    Comment ?

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Si je parle de discernement, c’est qu’il s’agit de faire de notre souveraineté énergétique une souveraineté industrielle, en produisant, en France, l’énergie dont notre pays a besoin.

    Mme Clémence Guetté

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    On en est loin !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Certains orateurs, je pense en particulier au rapporteur Matthias Tavel, nous ont interpellés sur la nécessité d’une planification énergétique. C’est oublier qu’Élisabeth Borne a été la première à instaurer une institution qui organise cette planification : le secrétariat général à la planification écologique, placé auprès du premier ministre.

    Mme Clémence Guetté

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    Et pourquoi n’y a-t-il jamais eu de PPE ?

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Nous soutenons toutes les filières industrielles. M. Fournier a déploré qu’on ne fabrique plus de panneaux photovoltaïques en France. C’est faire peu de cas des salariés de l’entreprise Alsace Solar à Rixheim, ou de ceux de l’entreprise Reden Solar à Roquefort, qui fabriquent précisément ce type de panneaux.
    Si nous devons nous appuyer sur cette approche offensive, notre deuxième axe d’action doit être défensif. Pourquoi ? Parce que garantir notre souveraineté, c’est aussi préserver nos intérêts et nos actifs stratégiques de la prédation des pays étrangers.
    C’est ce que nous faisons grâce au contrôle des investissements étrangers en France. Vous y avez insisté, monsieur Maurel. Je précise donc qu’en 2023, les services de l’État ont rendu 255 décisions sur des dossiers de demandes d’autorisation, dont 44 % étaient assorties de conditions pour garantir la préservation des intérêts nationaux.

    M. Matthias Tavel,, rapporteur

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    Lesquelles ?

    M. Marc Ferracci, ministre

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    La souveraineté, c’est aussi, dans certains cas, prendre le contrôle d’entreprises disposant d’actifs stratégiques. C’est ce que nous avons fait en 2024 en rachetant 80 % du capital du champion mondial des câbles optiques sous-marins, Alcatel Submarine Networks (ASN).
    C’est ce que nous faisons pour Atos, où l’État est en négociations exclusives en vue de l’acquisition des activités les plus sensibles pour notre autonomie stratégique. C’est également ce que nous sommes en train de faire avec Velan dans le secteur de la robinetterie et des vannes nucléaires. Alors qu’en 2023, nous avions bloqué le rachat par un groupe américain, l’entreprise devrait être rachetée par le champion français Framatome.
    Enfin, la souveraineté industrielle, c’est soutenir nos entreprises lorsqu’elles sont en difficulté. En 2023-2024, les services de Bercy ont accompagné plus de 160 entreprises. L’action de l’État a permis de protéger des milliers d’emplois, partout en France.
    Je pense à l’entreprise Niche Fused Alumina (NFA), à La Bâthie, en Savoie, reprise par le Groupe Alteo en septembre dernier –⁠ 119 emplois sauvés. Je pense à l’entreprise ARC, fleuron industriel dans la fabrication de verre dans le Pas-de-Calais. Je me suis rendu à Arques, en janvier dernier aux côtés de Xavier Bertrand. Ce sont 4 000 emplois qui ont été sauvés, notamment grâce à la contribution de l’État par le biais d’un prêt de 30 millions d’euros du fonds de développement économique et social. (Mme Clémence Guetté s’exclame.)
    Je pense à Ascométal à Fos dans les Bouches-du-Rhône, spécialisée dans les métaux spéciaux, reprise par l’industriel italien Marcegaglia –⁠ 323 emplois sauvés.
    Je pense à l’aciérie Hachette et Driout, à Saint-Dizier en Haute-Marne, l’une des plus belles fonderies d’Europe, que j’ai visitée hier matin, où 274 emplois ont été préservés.

    Mme Clémence Guetté

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    C’est l’exception !

    M. Laurent Alexandre

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    C’est bien la seule !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Vous connaissez ma détermination et mon engagement, entiers. Chaque jour, avec mes équipes, je me bats pour arracher des solutions, partout où c’est possible ; je me bats pour les salariés et pour nos territoires, pour nos savoir-faire, pour notre souveraineté.
    Je me bats aussi contre le mensonge et la récupération politique.

    Mme Karen Erodi

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    C’est vous le menteur !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    À ceux qui instrumentalisent la détresse des salariés en faisant croire qu’il existe des solutions miracles, je réponds que, partout, l’État travaille avec les élus et les industriels afin de trouver des solutions crédibles et pérennes pour chaque dossier, dans chaque territoire, pour chaque emploi.

    Mme Clémence Guetté

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    Pour vous, les salariés, ce sont des chiffres !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Enfin, plus que jamais, le gouvernement se bat au niveau européen. La concurrence internationale est de plus en plus féroce et elle est parfois déloyale. Face à cette concurrence, face au dumping chinois et aux droits de douane américains, l’Europe doit réagir avec unité et fermeté.
    Nous riposterons de façon immédiate et proportionnée aux mesures protectionnistes qui menacent nos intérêts industriels et le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
    La semaine dernière, la Commission européenne a présenté son projet de Pacte pour une industrie propre. Je salue cette étape. Ce travail, mené sous l’égide et l’impulsion du commissaire Stéphane Séjourné, est une bonne base, et comprend des avancées –⁠ inconcevables il y a encore quelques mois, comme la préférence européenne.
    L’Europe avance, mais le monde avance plus vite encore. C’est pourquoi nous devons aller beaucoup plus loin, plus vite et plus fort. Nous y œuvrerons au cours des prochains mois, en dialoguant avec nos partenaires européens.

    M. Rodrigo Arenas

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    Dommage que ça ne marche pas !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    L’industrie européenne vit un moment charnière, comparable à celui qu’a vécu le système financier en 2008. Nous devons prendre des mesures puissantes le plus rapidement possible. Il faut soutenir en urgence les industries de l’acier, de l’automobile et de la chimie.
    Monsieur le rapporteur, vous nous avez interpellés sur ces mesures d’urgence, en particulier pour l’automobile. Demain, lors d’un déplacement auquel je participerai, le commissaire Séjourné annoncera différentes mesures pour soutenir la filière automobile, en particulier les équipementiers, qui souffrent. Dans nos territoires, les fermetures de sites sont souvent difficiles à vivre pour les salariés et leurs familles.
    Dans quelques jours également, sous notre regard vigilant, la Commission annoncera des mesures en faveur du secteur de l’acier et de la sidérurgie. Vous l’avez évoqué, monsieur Gokel, et je connais votre attachement à la filière sidérurgique compte tenu de votre implantation locale.
    Nous avons demandé à la Commission d’aller vite car des projets d’investissements sont suspendus, en particulier à Dunkerque, faute de protection de l’acier européen. C’est pourquoi nous plaidons pour le renforcement de la clause de sauvegarde sur l’acier, introduite en 2018, mais désormais très insuffisante. Nous espérons que la Commission fera très prochainement des annonces. Nous accompagnerons ensuite les choix opérés au niveau européen.
    Nous plaidons également pour des mesures favorisant l’achat européen dans la commande publique et pour des mesures visant à accroître l’investissement et à accélérer la décarbonation.
    Pour sauver nos usines et nos emplois, nous avons besoin d’un choc de confiance à la hauteur des enjeux. La France et l’Europe vivent un moment historique. Dans cette période décisive pour notre prospérité, notre cohésion et notre souveraineté, les Français nous demandent d’agir avec responsabilité –⁠ et avec force. C’est ce que nous ferons. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux questions. Leur durée, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique. Dans la mesure où j’ai été souple pour les rapporteurs et la discussion générale, je serai obligée de couper le micro si vous dépassez votre temps de parole.
    La parole est à M. Arnaud Saint-Martin.

    M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP)

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    Ma question concerne la filière spatiale. Plan de restructuration engagé par les directions de Thales Alenia Space et d’Airbus Defence and Space, rumeur de consolidation liée au projet Bromo, tergiversations autour d’Iris2, l’ambiance est morose dans l’industrie. « On va tous crever », alertait l’année dernière l’ancien PDG du Centre national d’études spatiales (Cnes), aujourd’hui ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
    Le diagnostic est établi depuis longtemps : le secteur spatial est une victime de plus du manque d’anticipation et de l’inconséquence des gouvernements successifs en matière de recherche, d’industrie et de défense.
    Il n’y a plus de pilote dans l’avion. C’est d’autant plus grave que les carnets de commandes des satellitiers sont pleins, que de nombreux salariés subissent une surcharge de travail et que les retards dans les programmes vont donc s’accumuler. Le spatial est pourtant un secteur stratégique, garant de notre souveraineté et pourvoyeur de services vitaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Quelle est votre stratégie ? En 2021, le spatial est passé dans le giron de Bercy et Bruno Le Maire s’est improvisé entrepreneur en chef. Mais Emmanuel Macron n’était pas en reste : il a tenté de surfer sur la vague du New Space en imposant une formule irrésistible –⁠ le modèle SpaceX et la start-up nation sur orbite.
    Fini les programmes et le temps long, l’heure était à l’accélération, à la startupisation de la commande publique, et même du Cnes. Le volet spatial de France 2030 –⁠ 1,5 milliard d’euros – est devenu la pierre angulaire de cette disruption : microlanceurs, micro-satellites, microcapsules, mais aussi micro-ambitions, dont les observateurs les plus lucides n’ont cessé de pointer les macrolimites ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Alors que SpaceX écrase tout sur son passage –⁠ c’est le premier opérateur de transport spatial et de satellite –, à l’heure où l’État cède et s’abonne à Starlink pour reconnecter Mayotte,…

    M. Rodrigo Arenas

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    Quelle honte !

    M. Arnaud Saint-Martin

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    …à l’heure où la montée en puissance d’Ariane 6 reste toute relative –⁠ avec un report de lancement hier encore –, alors que le secteur satellitaire est en proie à l’incertitude, quel bilan tirer du pilotage de la direction générale des entreprises (DGE) ces dernières années ? L’argent public de France 2030 a-t-il été bien dépensé ? Comment envisagez-vous le futur du Cnes ? Quels sont vos plans pour la prochaine conférence ministérielle de l’Agence spatiale européenne-ESA ? Allez-vous enfin changer de braquet pour que nous puissions retrouver notre souveraineté industrielle dans ce secteur ? (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. –⁠ Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent ce dernier.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Vous avez raison, la filière aérospatiale est confrontée à une concurrence des plus vives, venue notamment des États-Unis avec les réseaux Starlink, SpaceX ou les lanceurs renouvelables. Ce phénomène percute vigoureusement la filière, qui a annoncé des plans de restructuration.
    Ainsi, comme je l’ai déjà indiqué dans cet hémicycle en réponse à une question, chez Airbus Defence and Space, la restructuration concerne 2 500 emplois, sans licenciement contraint –⁠ l’entreprise s’y est engagée.
    Nous devons être offensifs pour nos filières spatiale et aérospatiale. Il faut par exemple concrétiser le projet Iris2 –⁠ une constellation de satellites visant à améliorer notre souveraineté satellitaire et celle de notre base industrielle.
    Il faut être particulièrement vigilants. À l’heure actuelle, l’Europe organise la filière industrielle spatiale sur le principe du retour géographique –⁠ la contribution de chaque État membre doit lui permettre de recevoir les bénéfices, en matière de retombées industrielles, des investissements consentis.
    À Bruxelles, puis lors de la conférence sur les perspectives spatiales organisée par le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas), je l’ai dit au commissaire Kubilius : le pilotage politique de notre filière spatiale ne doit plus uniquement être assumé par l’ESA, mais par l’ensemble des États membres et par la Commission. Concrètement, il ne faut plus appliquer de manière aussi systématique le principe du retour géographique, délétère pour la compétitivité de nos chaînes de valeur et pour notre filière spatiale.

    Mme la présidente

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    Je vous prie de bien vouloir conclure.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Nous allons continuer à plaider en ce sens dans les prochaines semaines.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Alexandre.

    M. Laurent Alexandre (LFI-NFP)

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    En matière de souveraineté industrielle, nous devrions nous interroger sur les points suivants : quelles industries sont-elles nécessaires en France pour répondre aux besoins humains et à l’activité économique de nos territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Comment relocaliser les productions ? Comment éviter la concurrence déloyale ?
    Au lieu de cela, votre dogmatisme idéologique est responsable d’un naufrage industriel : vous distribuez des milliards d’argent public aux plus grandes entreprises sans aucune planification ; vous acceptez les délocalisations. Ainsi, en 2024, 66 000 entreprises ont fermé –⁠ soit plus de fermetures de sites que d’ouvertures –, on a dénombré 300 plans de licenciement et entre 128 000 et 200 000 emplois ont été supprimés.
    Parlons de la filière automobile : nos grands constructeurs délocalisent et l’État abandonne nos fonderies, pourtant stratégiques. Je pense à la fermeture insupportable de la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM) dans ma circonscription. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Fonderie de Bretagne est également en grand danger.
    Les délocalisations sont des désastres : désastres sociaux bien sûr, désastres en matière de souveraineté, de sécurité et de qualité des productions. Je pense aux airbags Takata ou aux problèmes de moteur de Stellantis. Mieux vaut produire en France des voitures sûres, plus propres, mais aussi plus petites et moins chères, afin d’éviter une France à deux vitesses dans l’accès à la mobilité.
    Quand allez-vous renforcer le protectionnisme aux frontières de l’Union européenne, subordonner les aides publiques au maintien des emplois en France et à la relocalisation des productions stratégiques ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Ces mesures sont urgentes.
    Heureusement, notre pays a conservé un atout majeur : son tissu de petites et moyennes entreprises. Pour elles, comme pour toutes nos industries et pour les ménages, revenons d’urgence aux tarifs réglementés de vente d’électricité calculés sur le coût de production national, et non plus fixés au niveau européen.

    Mme la présidente

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    Merci de bien vouloir conclure.

    M. Laurent Alexandre

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    Entre 2022 et 2024, le tarif de l’électricité a augmenté de plus de 40 %. Il y a, j’y insiste, urgence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Vous abordez de nombreux sujets.
    La relocalisation de certaines productions et industries stratégiques est à l’œuvre, par exemple dans le secteur du médicament, pour lequel le président de la République a annoncé un plan en 2023. Ainsi, la fabrication de principes actifs stratégiques est en cours de relocalisation. Il y a quelques semaines, à l’invitation de M. Chassaigne, j’ai visité l’entreprise Euroapi du Puy-de-Dôme, qui bénéficie d’aides pour relocaliser la fabrication de principes actifs.
    Vous parlez de concurrence déloyale. Je vous rejoins et j’ai eu l’occasion de le rappeler dans mon propos liminaire : les Européens doivent s’affranchir d’une sorte de naïveté. Nous devons donc adapter nos outils de protection commerciale. L’acier, que j’ai déjà évoqué, est un exemple particulièrement parlant. Nous devons réagir vite, appliquant rigoureusement des quotas et des clauses de sauvegarde à ceux qui ne respectent pas les règles du commerce international, en particulier les exportateurs chinois qui subventionnent massivement leurs industries. Nous allons le faire et avons interpellé la Commission qui dévoilera ses propositions dans quelques jours.
    Vous évoquez ensuite la conditionnalité des aides. Nous en avons déjà débattu à de nombreuses reprises dans cet hémicycle. Les aides –⁠ aides à l’investissement, crédit d’impôt recherche, aides à l’embauche – sont conditionnées. Ainsi, pour bénéficier du crédit d’impôt recherche, il faut justifier de dépenses de recherche et développement ; pour bénéficier des aides à l’investissement, il faut justifier de la réalisation de l’investissement en question ; il en est de même pour les aides à l’embauche.
    Enfin, la Commission européenne présentera dès demain des mesures concernant le secteur automobile –⁠ j’y ai déjà fait allusion, notamment en réponse aux interpellations des rapporteurs –, mesures auxquelles nous avons contribué.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Océane Godard.

    Mme Océane Godard (SOC)

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    La France, cinquième producteur pharmaceutique mondial, fait face à des défis majeurs en matière de souveraineté industrielle dans le secteur de la santé. Monsieur le ministre, vous avez déclaré récemment dans la presse : « On a besoin d’un choc de confiance, pas de remèdes homéopathiques, pour rassurer les industriels, pour les convaincre d’investir, d’embaucher. » Je souscris pleinement à cette ambition en parfaite adéquation avec nos impératifs de souveraineté nationale et européenne. Des entreprises comme Inventiva, installée à Daix, dans la métropole dijonnaise, illustrent notre potentiel en matière d’innovation biopharmaceutique. Cette entreprise a récemment levé 348 millions d’euros pour développer le lanifibranor, un candidat médicament prometteur pour traiter les maladies du foie. Cette levée de fonds renforce aussi notre position sur la scène internationale.
    Pourtant, alors que l’entreprise doit finir de mettre au point ce traitement avant de le mettre sur le marché, la direction d’Inventiva est en train de supprimer le collectif de chercheurs à l’origine de ces avancées –⁠ cinquante-huit salariés voient ainsi leur emploi menacé. Je refuse de me résigner à voir fuir à l’étranger des compétences stratégiques essentielles pour Dijon, sa métropole, la région, la France et l’Europe.
    Il y a quelques jours, avec la maire de Daix, nous avons rencontré la direction d’Inventiva ainsi que ses salariés. J’ai organisé une réunion avec l’entreprise, des représentants des salariés et votre cabinet, monsieur le ministre, et je tenais à vous remercier pour votre participation. Ce qui en ressort est très clair : s’agissant de l’investissement de la France dans les biotechnologies, le rôle de BPIFrance est à renforcer, pour pouvoir mieux accompagner les entreprises stratégiques et soutenir leur développement sur le long terme. Par ailleurs, le crédit d’impôt recherche est un outil essentiel, qui doit impliquer une réciprocité.
    Que comptez-vous faire pour empêcher la fuite de nos talents et soutenir les entreprises innovantes du secteur des biotechnologies, comme Inventiva ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Je connais votre engagement pour votre territoire et pour le secteur des biotechnologies. Lors de mon déplacement à Dijon, nous avons eu l’occasion de rencontrer les dirigeants d’Inventiva, qui nous ont expliqué leur modèle économique et leurs solutions technologiques et biomédicales. J’avais été frappé à l’époque par le fait que les conditions de financement de l’entreprise lui avaient imposé d’aller chercher son financement aux États-Unis, tout simplement parce qu’elle n’avait pu trouver, en France et en Europe, des marchés de capitaux et des financements suffisants pour lui permettre d’accéder à des fonds propres, français ou européens. Nous devons avoir un débat sur le renforcement des capacités de financement de nos entreprises.
    Pour répondre à votre question, qui porte sur la stratégie du gouvernement en matière de biotechnologies, je vous dirai que 7,5 milliards d’euros ont été investis dans le cadre du plan France 2030 afin de soutenir l’innovation dans le domaine de la santé, notamment les biotechnologies et l’ensemble des entreprises, quel que soit leur stade de développement, qui doivent contribuer à notre souveraineté en créant des remèdes. Nous devons poursuivre cet effort. Il faut également sanctuariser des dispositifs comme le crédit d’impôt recherche, qui a été au cœur de nombreux débats lors de l’examen du budget. Nous poursuivrons sur cette voie, notamment en donnant de la visibilité aux investisseurs en matière fiscale, en particulier s’agissant du crédit d’impôt recherche.
    En deux ans, cette stratégie a donné des résultats : l’innovation dans le domaine de la santé a fait l’objet d’annonces en 2023, et, depuis, vingt projets de développement de procédés de bioproduction ont été réalisés, parmi lesquels LFB Biomanufacturing à Alès, qui produit des anticorps monoclonaux. Les choses avancent concrètement, mais des obstacles structurels restent à lever, notamment en matière de conditions de financement.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophie Pantel.

    Mme Sophie Pantel (SOC)

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    L’âge moyen des aéronefs de la sécurité civile, que ce soit les bombardiers d’eau ou les hélicoptères, s’établit à près de 25 ans. La maintenance de la flotte s’avère de plus en plus délicate et coûteuse et, chaque année, l’État est obligé de louer des engins pour la compléter –⁠ en 2024, cela lui a coûté un peu plus de 30 millions d’euros. Malgré ces urgences bien connues, le renouvellement de la flotte a fait les frais des coupes budgétaires : 52 millions d’euros de crédits ont été annulés au premier semestre 2024. Sans action corrective et investissements significatifs, notre flotte sera entièrement hors d’usage dès 2030, alors que nous devons faire la transition écologique et que le nombre d’interventions et les besoins augmentent. L’enjeu manifeste que constitue le renouvellement recoupe la question de notre souveraineté industrielle. La France, et plus largement l’Europe, est aujourd’hui incapable de produire sur son sol le moindre avion de lutte contre les incendies. Le Canada est en situation de monopole grâce à Havilland, et les mégafeux qui ont affecté le continent nord-américain risquent d’inciter ce pays à se concentrer sur son continent.
    J’ai trois questions : pouvez-vous nous assurer que des efforts seront faits, à court terme et au plus haut niveau de l’État, pour garantir que la sécurité civile disposera de moyens d’intervention aériens adéquats, et que le renouvellement prévu de seize bombardiers sera bien assuré par notre fournisseur étranger ? La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) devait se déplacer au Canada pour rencontrer des responsables de Havilland : qu’en est-il ?
    À moyen et à long terme, l’État est-il prêt à s’engager financièrement pour soutenir des projets industriels sérieux, en France et en Europe, afin d’augmenter les capacités de production de bombardiers d’eau ? Je pense notamment à Hynaéro, qui développe le Fregate-F100. Je n’oublie pas non plus le renouvellement de trente-sept hélicoptères. Ce sera peut-être l’occasion de lancer une réflexion sur la répartition de ces aéronefs sur le territoire afin de mieux répondre aux besoins de secours de l’ensemble de la population française –⁠ c’est en tout cas mon souhait.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Je regrette que vous ne m’ayez pas donné en amont quelques éléments sur le contenu de votre question qui porte sur les aéronefs servant à lutter contre les incendies. Il s’agit en effet d’une question précise, à laquelle il est difficile de répondre à brûle-pourpoint. Je confesse ne pas avoir à l’esprit tous les éléments, mais je tenterai quand même de vous répondre en vous parlant de notre filière aéronautique et de ses capacités de production ; cela permettra d’ouvrir un débat sur ses potentialités, mais aussi sur les risques auxquels elle est confrontée.
    Cette filière est un fleuron de notre industrie : elle représente 230 000 emplois et 30 milliards d’euros d’exportation. Nous sommes capables de produire un avion de A à Z et nous maîtrisons l’ensemble de la chaîne de valeur –⁠ nous sommes le seul pays dans cette situation, avec les États-Unis. Cette filière est donc un pilier de notre stratégie industrielle. Elle irrigue un ensemble de chaînes de valeur, en amont et en aval, car elle recourt à beaucoup de fournisseurs et de sous-traitants.
    Nous soutenons cette filière dans sa globalité, par le moyen de dispositifs transversaux –⁠ les dispositifs de soutien à l’innovation –, mais aussi spécifiques –⁠ je pense au Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac), doté de 200 millions d’euros, qui permet de consolider les chaînes de valeur entre donneurs d’ordres et sous-traitants et d’investir dans les compétences.
    Il y a quelques jours, j’étais à Marignane pour annoncer le déblocage d’une aide de 35 millions d’euros à destination d’Airbus Helicopters. Le site de Marignane emploie 8 000 salariés –⁠ 12 000 avec les sous-traitants.
    Nous continuerons de soutenir la filière aéronautique.
    S’agissant des avions et des hélicoptères de lutte contre les incendies, je vous propose de poursuivre la discussion directement avec mes équipes.

    Mme la présidente

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    Je vous demanderai de rester attentifs au respect du temps de parole –⁠ je ne vise pas M. le ministre, qui n’a pas dépassé ses deux minutes.
    La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras.

    Mme Valérie Bazin-Malgras (DR)

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    Un long déclin : c’est, à notre grand dépit, le chemin qui semble tracé pour notre industrie. La vente de la branche énergie d’Alstom à General Electric en 2014 en est l’un des exemples les plus marquants. Depuis, les désillusions se succèdent.
    Au moment de la crise du covid-19, les acteurs impliqués dans la vente d’Alstom nous ont promis de relocaliser la production stratégique des principes actifs pharmaceutiques, dans le cadre de la reconquête sanitaire. Cinq ans après le début de la crise, force est de constater que cette relocalisation est restée une chimère. Pire encore, la situation s’est aggravée. Nos producteurs, asphyxiés par une concurrence chinoise et indienne déloyale, voient leur part de marché s’effondrer, passant de 48 % en 2014 à 30 % en 2023. Cette dépendance accrue aux importations présente un risque sanitaire majeur, comme le montrent les pénuries récurrentes de médicaments essentiels affectant nos hôpitaux, nos officines et, in fine, nos concitoyens. Les autorités sanitaires peinent à sécuriser un approvisionnement stable et nous constatons, impuissants, que notre système de soin dépend toujours de puissances étrangères dont les intérêts stratégiques ne coïncident pas avec les nôtres.
    Pourtant, cette tendance n’est pas une fatalité et des solutions existent. Nous pourrions par exemple instaurer un système de bonus-malus sur l’empreinte carbone des médicaments, faciliter l’accès des fabricants européens aux marchés publics ou mettre en place des crédits d’impôt pour encourager les investissements dans la production locale. Nos partenaires européens, notamment l’Allemagne, ont déjà amorcé cette transition, avec des dispositifs incitatifs ambitieux.
    Monsieur le ministre, comment expliquez-vous cet échec de la reconquête sanitaire ? Pourquoi la France semble-t-elle incapable de traduire ses ambitions en actes ? Quelles mesures concrètes le gouvernement compte-t-il prendre pour garantir la relocalisation effective de la production des médicaments essentiels et, plus largement, restaurer notre souveraineté industrielle ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Je ne partage pas votre constat : beaucoup a été fait pour favoriser la relocalisation des médicaments. Les investissements, dans le cadre du plan France 2030 –⁠ 16,5 milliards d’euros –, doivent permettre la relocalisation de certains principes actifs. Ainsi, le paracétamol sera bientôt produit par l’usine Seqens, en Isère. La production devrait commencer au cours de l’année 2025.
    Dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023, nous avons introduit un article, l’article 65, qui prévoit le subventionnement des médicaments produits en France, par le biais de tarifs de remboursement préférentiels. Avec les industriels du secteur, nous discutons beaucoup de cet article qui doit permettre de donner la priorité à la production française.
    Nous travaillons sur un projet de bonus-malus sur l’empreinte carbone : le mois dernier, nous avons publié une méthodologie pour calculer l’empreinte carbone spécifique aux médicaments –⁠ la technique de calcul doit être adaptée à chaque production.
    Enfin, pour protéger notre production de médicaments et renforcer notre souveraineté dans ce domaine, nous devons agir au niveau européen. Nous défendons auprès de la Commission européenne l’idée d’un Critical Medicines Act, un règlement qui identifierait des principes actifs indispensables, et devant donc faire l’objet d’un traitement préférentiel au regard de la protection commerciale et du régime d’aides d’État. Nous continuerons à agir en faveur de ce texte dans les prochaines semaines : l’idée est là encore de renforcer notre souveraineté en relocalisant la production.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thierry Liger.

    M. Thierry Liger (DR)

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    Depuis les années 1970, de nombreux pays ont subi un processus de désindustrialisation lent et continu –⁠ tertiarisation de l’économie, délocalisations massives, faible compétitivité des coûts salariaux. Ce phénomène a progressivement entraîné une perte de savoir-faire, de compétences techniques et une réduction massive du nombre d’emplois. La part de l’industrie dans le PIB a chuté entre 1995 et 2017, passant de 17 à 11 %. En 2001, Serge Tchuruk prônait l’entreprise sans usine ; nous constatons aujourd’hui ce qu’est devenu le groupe Alcatel.
    En 2020, la crise sanitaire a provoqué un électrochoc collectif : nous nous sommes rendu compte de la fragilité du tissu industriel français. Un fort niveau de dépendance et des défauts d’approvisionnement ont engendré une perte de souveraineté industrielle dans des secteurs stratégiques comme les composants électroniques, les matériaux rares ou l’industrie pharmaceutique. La réindustrialisation est donc un sujet clé si nous voulons redonner à notre pays son autonomie et sa souveraineté industrielles. C’est un axe majeur de la politique économique qui doit relever de nouveaux défis –⁠ renforcement de la compétitivité, investissement dans des secteurs et des technologies d’avenir, établissement d’un cadre favorable à l’installation de nouvelles entreprises.
    Pourtant, la réduction de 25 % des crédits budgétaires alloués au plan France relance pour 2025 est un signal qui pourrait avoir plusieurs conséquences notables : retard dans les projets d’innovation et frein à la croissance des PME et ETI –⁠ ETI qui nous font tant défaut aujourd’hui.
    Il est bien entendu urgent d’agir sur la réduction des dépenses publiques mais l’innovation et l’entreprise sont la base de tout : sans entreprise, pas de cotisations de sécurité sociale, pas d’emplois, pas de recettes fiscales. La diminution des crédits pourrait affecter la croissance et l’emploi, et il est donc essentiel de surveiller l’évolution de ces coupes budgétaires et leurs conséquences sur les projets en cours et à venir.
    Monsieur le ministre, n’est-il pas contre-productif que l’effort de redressement des finances publiques soit aussi synonyme de frein à l’innovation pour l’entreprise ? De quels leviers dispose la France pour entreprendre la réindustrialisation ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    J’ai déjà évoqué dans mon propos liminaire les leviers permettant de réindustrialiser mais, de manière synthétique, je rappellerai que, dans le cadre contraint de la maîtrise des dépenses publiques, nous disposons de leviers qui ne sont pas uniquement des leviers budgétaires.
    Nous devons, en premier lieu, favoriser la compétitivité de nos entreprises. Concernant le coût de l’énergie, des négociations ont lieu en ce moment entre EDF et les industriels, en particulier les industriels électro-intensifs, afin de fournir à ces derniers une énergie décarbonée au meilleur prix et sur une durée suffisamment longue. Nous accompagnons cette négociation afin qu’elle aboutisse.
    Il s’agit aussi de jouer à armes égales avec nos concurrents, et j’ai déjà évoqué les mesures de protection commerciale au niveau européen ainsi que l’adaptation du mécanisme de taxation carbone aux frontières, comme le demandent certaines filières industrielles –⁠ je pense en particulier à l’acier ou à la chimie.
    Nous devons ensuite agir par la simplification, ce dont nous aurons l’occasion de discuter, en supprimant les freins à l’implantation de projets industriels. À cet égard, nous défendons en particulier l’idée de limiter les effets du ZAN, le zéro artificialisation nette, sur les projets industriels, sans renoncer évidemment à l’objectif de limiter globalement l’artificialisation.
    Enfin, plusieurs d’entre vous ont évoqué une baisse de la fiscalité et des charges sociales pour diminuer le coût du travail. J’espère que nous aurons dans les prochains mois ce débat sur le financement de notre protection sociale.
    Au-delà de la compétitivité, nous devons également structurer les filières. Il s’agit de construire des chaînes de valeur et de s’assurer que la relation entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants ne soit pas déséquilibrée. Nous y veillons, et je rends hommage à l’action des services de l’État, à savoir la délégation interministérielle aux restructurations d’entreprises (Dire) et le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), qui défendent les maillons de ces chaînes de valeur en soutenant les entreprises en difficulté.
    Enfin, il s’agit de préparer l’avenir, vous l’avez évoqué. Je le dis et le répète : les crédits d’engagement au titre de France 2030 demeurent inchangés, pour un montant de 54 milliards d’euros, et même s’ils sont décalés dans le temps, cela ne remet pas en cause le soutien aux projets d’investissement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin (EcoS)

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    Monsieur le ministre : 1 500. En dix ans, plus de 1 500 entreprises françaises ont été rachetées par les États-Unis. Il y a bien sûr la branche énergie d’Alstom, bradée à General Electric. Il y a le Doliprane et les médicaments grand public de Sanofi. Il y a le pétrolier Technip. Il y a Latecoere, fleuron de l’aviation militaire. Il y a Exxelia et ses composants essentiels à l’industrie de défense. Tout cela est passé sous pavillon américain, avec le feu vert d’Emmanuel Macron et de Bruno Le Maire.
    L’industrie française se fait dépouiller par l’Ouest de son capital, par l’Est de son travail : les pneumatiques, le textile, l’ameublement fuient vers la Chine, l’Inde ou la Pologne et la Roumanie. Ce n’est pas l’excès de normes, de règles qui a tué nos usines ; c’est au contraire un libre-échange sans règles et sans normes, c’est une concurrence libre et complètement faussée.
    Heureusement, nous avons largement préservé notre industrie de défense. Et comment l’avons-nous sauvée du naufrage ? En nous exemptant des dogmes de la Commission européenne et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en protégeant le capital de nos entreprises, et grâce à une commande publique ciblée, à une planification de l’État. Grâce à tout, sauf à la concurrence libre et non faussée, sauf à la main invisible du marché.
    Les dirigeants européens veulent une industrie de défense sur notre continent : très bien, mais il nous faut une industrie tout court, de la métallurgie à l’électronique, des télécommunications à la chimie. Nous devons donc protéger notre industrie et nos usines à la fois de la Chine et des USA. Nous devons recourir à des taxes aux frontières, à des barrières douanières et à des quotas d’importation. Nous le devons, non, comme je l’entends, par mesure de rétorsion pour mener une guerre commerciale, mais, au contraire, par souci de préservation, par désir de construction.
    Alors, allez-vous vraiment changer d’époque ? Allez-vous enfin entrer dans le XXIe siècle ? Allez-vous abandonner notre libre-échangisme suicidaire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Nous poursuivons le débat sur le bon niveau de protection dont nous avons besoin. J’ai eu l’occasion de le dire, en Européens et en Européens seulement, nous devons sortir d’une forme de naïveté. Il s’agit de prendre des mesures sectorielles et nous y travaillons.
    En ce qui concerne l’acier, j’ai eu l’occasion de réunir à Bercy, la semaine dernière, plusieurs ministres de l’industrie européens, et les conclusions de nos échanges nous ont menés à interpeller la Commission, non pas à propos de mesures d’urgence ponctuelles, mais pour demander un renforcement durable de nos mécanismes de protection commerciale, permettant de taxer notamment les surcapacités asiatiques de la filière.
    Il s’agit, pour être moins naïfs, d’assumer nos engagements climatiques, d’assumer le principe de décarbonation, d’assumer la diminution progressive des quotas carbone, en instaurant un mécanisme de taxation carbone aux frontières qui soit efficace. Cela fait partie des propositions et des demandes que nous avons adressées à la Commission européenne. J’espère qu’elle s’en saisira et qu’elle les concrétisera dans les actes législatifs qui prendront la suite du Clean Industrial Deal, le pacte pour une industrie propre.
    Vous le voyez, nous nous sommes saisis de ces sujets, en concertation avec les industriels. Je croise peu d’industriels, peu d’entreprises créant des emplois, et même peu de salariés travaillant pour l’exportation, qui demandent la fermeture des frontières, le retour à une forme d’autarcie et à un protectionnisme hyperbolique comme celui que vous semblez défendre. Il s’agit donc de trouver un équilibre fondé sur un principe assez simple : le principe de réciprocité. Pour nos industriels et nos entreprises, lutter à armes égales avec leurs concurrents, cela signifie tout simplement que les règles qui leur sont appliquées le sont également aux entreprises étrangères, en particulier à celles qui sont massivement subventionnées par des États –⁠ en particulier, les États-Unis et la Chine.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie Pochon.

    Mme Marie Pochon (EcoS)

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    En septembre 2024, l’entreprise Vencorex a été placée en redressement judiciaire, à la demande de son principal actionnaire, le groupe thaïlandais PTT GC. À ce jour, 461 emplois sont directement menacés. En cas de fermeture, ce sont aussi de nombreux emplois indirects qui seront touchés chez Suez, Solvay, Arkema, Framatome, Trédi ou encore ArianeGroup.
    Car, oui, on parle bien ici de notre souveraineté : sur le carburant utilisé par la fusée Ariane, sur les éponges de zirconium utilisées pour le lainage des réacteurs nucléaires ou sur la fabrication des pastilles nécessaires au traitement de l’eau potable. Tant d’emplois détruits, c’est autant de souveraineté perdue, autant de composants, chlore, soude, Tolonate, que nous devrons, demain, importer d’ailleurs, c’est du sel que nous cesserons de forer dans la mine drômoise d’Hauterive. Sur tous ces composants, nous deviendrons dépendants d’autres puissances.
    Il y a quelques années, le président de la République le déclarait : « Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie, au fond, à d’autres est une folie. » Elle est plus grande encore, cette folie, au moment où les équilibres internationaux sont bousculés et où nous entrons dans un état de guerre, sans plus savoir qui sont nos alliés et si nous en avons aucun.
    M. le premier ministre, que nous avions interpellé, a refusé la demande d’une nationalisation temporaire de cette industrie, demande appuyée non seulement par cent parlementaires, mais aussi par toutes les organisations syndicales et les élus locaux. Cette injure faite à leur mobilisation revient à accepter, sans rien faire, la fermeture de deux plateformes chimiques, sur les dix-huit que compte notre pays, ce qui impliquerait pour Vencorex, selon une analyse économique indépendante, de ne parvenir à l’équilibre économique qu’en 2032.
    Face au dumping de produits notamment chinois, nous avons le choix : laisser partir petit à petit nos capacités de production et voir se déliter notre tissu industriel, ou bien se donner les moyens, forts de nos savoir-faire, de nos compétences et de nos outils industriels majeurs, de mettre autour de la table tous les acteurs, afin de tenir financièrement jusqu’en 2032.
    Dans deux jours, aura lieu le jugement de mise en liquidation de l’entreprise Vencorex au tribunal de commerce de Lyon. Que ferez-vous pour sauver cette entreprise ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR.)

    M. André Chassaigne

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    C’était clair et net !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Dans ce dossier, qui nous occupe, mes équipes et moi-même, depuis des mois, j’ai eu l’occasion de rencontrer les représentants des salariés, les élus du territoire, de les inviter, pour certains, à Bercy, afin d’envisager des pistes permettant la meilleure issue possible.
    Notre préoccupation a d’abord été de trouver une solution industrielle. La recherche de cette solution industrielle s’est poursuivie pendant dix mois –⁠ cinq mois de conciliation et cinq mois de redressement judiciaire – au cours desquels aucun acteur ne s’est présenté avec une offre de reprise de l’intégralité des activités de Vencorex. Telle est la réalité économique, incontestable.
    À la suite de ce constat, nous avons tenu à accompagner les salariés. Nous avons discuté avec l’actionnaire PTT GC pour exiger que l’indemnité supralégale versée aux salariés soit significative. Elle l’est, puisqu’elle est bien supérieure à ce que l’on constate dans ce type de redressement judiciaire.
    Il nous a également été reproché de brader notre souveraineté sur la filière avale et les entreprises comme Framatome ou ArianeGroup, qui sont constitutives de nos chaînes de défense ou de la filière nucléaire. Disons-le : c’est faux. Nous avons eu un échange constant avec Framatome ou ArianeGroup, et nous nous sommes assurés auprès de la direction générale de l’armement (DGA), des services de l’État et surtout des entreprises elles-mêmes, que ces dernières auraient à terme la capacité de se fournir en France, s’agissant des composants essentiels issus de la chaîne de valeur dont fait partie Vencorex.
    Je réfute donc ce grief, en me fondant sur les échanges que nous avons avec les industriels eux-mêmes, et je considère que l’attaque consistant à dire que nous bradons notre souveraineté est simplement nulle et non avenue.
    Enfin, vous parlez de nationalisation temporaire. En l’occurrence, le terme temporaire me semble de trop. Quand vous n’avez pas de modèle économique, quand vous êtes face à un marché extrêmement difficile et compétitif, quand la situation économique et industrielle de l’entreprise est celle que nous avons constatée ces derniers mois, il faut oser le dire : il n’y a pas de nationalisation temporaire, mais une nationalisation des pertes, tandis que les entreprises privées conservent les bénéfices. Ce n’est pas mon credo de ministre de l’industrie.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sabine Thillaye.

    Mme Sabine Thillaye (Dem)

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    Nous sommes tous d’accord : nous devons nous réarmer industriellement pour défendre nos intérêts et renforcer notre place dans les secteurs stratégiques comme la défense. Cela implique de réduire la dépendance extra-européenne de nos chaînes de production, de diversifier nos sources d’approvisionnement, de relocaliser et d’assumer une préférence européenne.
    Malgré de nombreux atouts, notre BITD française et ses 4 000 PME et ETI se heurtent à plusieurs défis : une concurrence internationale accrue ; une consolidation insuffisante de nos PME, qui fait que nous manquons d’ETI compétitives, capables de se projeter plus facilement à l’international ; un manque de coopération entre les entreprises françaises –⁠ des grands groupes aux PME – qui ne travaillent pas assez ensemble pour conquérir des marchés.
    Parallèlement, la frilosité des banques lorsqu’il s’agit de financer des entreprises de défense freine leur développement. Nous devons faciliter l’accès des industriels de défense aux financements publics, mais aussi privés, en mobilisant l’épargne.
    L’industrie de la défense souffre également d’une pénurie de main-d’œuvre, due en partie à la faible attractivité du secteur industriel.
    En dépit de ces difficultés, notre BITD, qui œuvre par ailleurs à la fois pour le secteur civil et militaire, est l’une des plus développée du continent. Elle a tout son rôle à jouer pour apporter la crédibilité stratégique nécessaire à l’autonomie que l’Europe s’apprête à bâtir de toute urgence.
    Ces défis nécessitent une réponse coordonnée et stratégique, française et européenne. Depuis 2022, l’Union européenne a multiplié les initiatives en faveur du renforcement de l’industrie de la défense et, ce matin-même, Ursula von der Leyen a dévoilé un plan de 800 milliards d’euros afin de renforcer la défense européenne. Dans ce cadre, quelle est la feuille de route du gouvernement français ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Vous l’avez dit, la présidente de la Commission européenne vient d’annoncer un plan de financement de la défense européenne très massif : ce sont 800 milliards d’euros qui devraient ainsi être entérinés, lors du sommet européen exceptionnel de jeudi prochain.
    L’Europe n’est pas restée inactive, depuis 2022, la France non plus, puisque notre BITD, qui représente 200 000 emplois et 4 000 entreprises, s’est structurée, afin de relever les défis posés par l’agression de l’Ukraine par la Russie. Très concrètement, certaines productions ont fait l’objet d’une montée en cadence et d’une montée en charge extrêmement rapide. Ce sont, par exemple, le passage de trente à quinze mois du délai de production des canons Caesar par l’entreprise KNDS, ou la multiplication par quatre de la production de missiles Mistral chez MBDA. Cela illustre la prise en main –⁠ à bras-le-corps, oserais-je dire – de la nouvelle situation géopolitique à laquelle nous sommes confrontés.
    Il faut désormais coordonner les actions européennes. Il y a des enjeux normatifs mais aussi des enjeux touchant à l’intégration verticale de l’industrie de défense, qu’il nous faut simplifier pour permettre à l’ensemble des acteurs industriels de se coordonner.
    Vous avez, à juste titre, évoqué la question du financement. Certains investisseurs, qui n’hésitent pourtant pas à financer des entreprises sans grands égards pour l’environnement ou la décarbonation, refusent en effet d’investir dans les entreprises de défense.
    Nous avons besoin d’interpeller ces acteurs afin d’orienter l’épargne et les fonds propres vers nos industries de défense –⁠ peut-être par une réflexion sur la taxonomie en vigueur. C’est absolument nécessaire.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Xavier Roseren.

    M. Xavier Roseren (HOR)

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    Alors que la Pologne, qui préside le Conseil de l’Union européenne, plaide pour un renforcement de la souveraineté militaire et industrielle de l’Europe, les choix stratégiques de nombreux États européens vont à l’encontre de cet objectif.
    Varsovie a réceptionné ses premiers chasseurs bombardiers F-35A dans le cadre d’un contrat de 4,6 milliards de dollars avec les États-Unis, empruntant la même voie que la République tchèque, la Belgique ou l’Allemagne. Ils font partie de ces pays européens qui ont préféré le F-35 américain, au détriment d’une industrie de défense européenne autonome.
    Plus inquiétant encore, nous avons appris, par voie de presse, que les États-Unis se réservent le droit de limiter certaines fonctionnalités de leurs avions, voire de les clouer au sol, si la mission ne leur convenait pas, mettant ainsi en cause la pleine souveraineté opérationnelle de ces États.
    Pendant ce temps, la France dispose, avec le Rafale de Dassault Aviation, d’un avion de chasse performant, moins coûteux, créateur d’emplois sur notre territoire et garantissant une véritable indépendance stratégique.
    Compte tenu de ces contradictions, malgré l’urgence de renforcer notre souveraineté industrielle et militaire, comment comptez-vous convaincre nos partenaires européens qu’une défense crédible passe avant tout par un réinvestissement dans notre propre industrie aéronautique et militaire ?
    Y a-t-il une réelle volonté politique d’amorcer un virage stratégique pour rapatrier ces investissements en Europe et renforcer notre autonomie face aux États-Unis ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Vous n’avez besoin de convaincre personne, surtout pas moi, qu’il est préférable que nos partenaires européens achètent des Rafale ou plus généralement des avions ou du matériel militaire fabriqués en Europe, plutôt que des F-35A.
    Les lignes bougent très vite. En matière géostratégique, on constate que les États-Unis d’Amérique n’ont pas fait le choix de la stabilité dans leurs alliances et dans leurs relations avec leurs alliés.
    Chacun doit en tirer les conséquences. Ce n’est pas à moi de décider pour nos partenaires européens, mais il faut se servir du moment, notamment pour se rappeler que la France a fait ses devoirs –⁠ passez-moi l’expression – en augmentant de manière importante son budget alloué à la défense qui, depuis 2017, est passé de 32 milliards d’euros à 50 milliards, au profit de notre BITD.
    Celle-ci n’a cessé de se moderniser, grâce à une montée en charge permise par des investissements et une restructuration démarrée en 2022, ainsi qu’en attestent les chiffres que j’ai fournis à Mme Thillaye. Il faut poursuivre ces efforts.
    Un certain nombre d’annonces ont été faites au niveau européen sur l’investissement global, d’autres ont été faites concernant le traitement budgétaire des dépenses de défense. Ces annonces vont dans le bon sens et elles doivent être amplifiées.
    Les chefs d’État définiront la feuille de route, notamment à l’occasion du prochain Conseil européen extraordinaire.

    Mme la présidente

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    La parole est à nouveau à M. Xavier Roseren.

    M. Xavier Roseren (HOR)

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    Le décolletage, sujet que vous connaissez bien, relève d’une industrie de haute précision, essentielle pour la production de pièces métalliques complexes utilisées dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique ou de la défense.
    Au cœur de l’industrie en Haute-Savoie, où 70 % du décolletage français est réalisé, cette filière constitue un maillon essentiel de notre souveraineté. Pourtant, elle est très fragilisée.
    Depuis 2017, nous avons remis l’industrie au cœur de notre économie, en renforçant la compétitivité de nos entreprises par des réformes importantes : baisses des charges, de l’impôt sur les sociétés et des impôts de production. Malgré ces avancées, un écart persiste avec nos homologues européens : le coût du travail reste plus élevé en France et les impôts de production, indexés sur la valeur ajoutée, frappent injustement les industries telles que celle du décolletage.
    Dans l’industrie, ces impôts représentent entre 20 % à 30 % de la valeur ajoutée ; dans le décolletage, où celle-ci est plus forte, ils peuvent atteindre 40 %. Nos décolleteurs paient deux fois plus d’impôts que d’autres secteurs industriels, créant une distorsion de concurrence insoutenable.
    Par conséquent, leurs clients s’adressent à nos voisins européens, tels que l’Italie ou l’Espagne, car les charges y sont beaucoup plus faibles.
    En parallèle, nos industries stratégiques souffrent d’un autre problème majeur : nous avons cessé de produire en France certains composants de défense, désormais fabriqués ailleurs, comme en Pologne. Nos partenaires allemands semblent vouloir se retirer du programme visant à remplacer le Rafale, laissant Dassault Aviation assumer seul l’effort financier.
    Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour combler cet écart de compétitivité qui fragilise nos industries stratégiques ? Comment garantir que la France ne devienne pas dépendante de ses voisins, que ce soit dans ses capacités industrielles ou sa défense ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Vous appelez l’attention sur un sujet que j’ai évoqué dans mon propos liminaire et qui me semble essentiel : les charges sociales, le coût du travail, la fiscalité des impôts de production.
    Depuis 2021, les impôts de production ont baissé –⁠ en particulier la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) – et, depuis 2018, les charges sociales ont baissé massivement, notamment grâce à la transformation du CICE en allégement pérenne. Ces éléments ne comblent toutefois pas systématiquement les différentiels en matière de compétitivité coût et de fiscalité avec un certain nombre de pays concurrents, voire avec nos partenaires. Il faut donc aller plus loin sur ce sujet.
    Nous ne pourrons pas faire l’économie, au cours des mois à venir, peut-être à l’occasion de l’examen des prochains textes budgétaires –⁠ et, selon moi, en concertation avec les partenaires sociaux –, d’une réflexion globale sur le financement de la protection sociale, lequel pèse massivement sur le travail. Ce n’est pas le cas partout et je suis régulièrement interpellé par des industriels à ce sujet.
    Le débat doit être ouvert et se dérouler sans a priori, tout en ayant les conséquences économiques et sociales de chaque option à l’esprit. Nous devons mener ce débat car nous sommes arrivés au bout d’un modèle.
    Je soutiens la poursuite de la baisse des impôts de production, dont bénéficieraient massivement l’industrie du décolletage et votre région, à condition de la compenser par une baisse des dépenses publiques afin d’atteindre l’équilibre.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen (LIOT)

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    La souveraineté industrielle suppose la garantie et la sécurisation des approvisionnements essentiels au pays et que l’indépendance matérielle et la protection de l’emploi soient assurées. Les secteurs automobile et pharmaceutique sont particulièrement touchés, comme en attestent la cession de la production du Doliprane à un fonds d’investissement nord-américain, grâce à la vente par Sanofi de 50 % d’Opella, ainsi que l’annonce récente de la fermeture du site de production en France.
    Nombreuses sont les remontées de terrain faisant état du manque de médicaments ; les ruptures de stock sont toujours plus importantes ; et les pharmaciens souffrent de la pression pour trouver des médicaments parfois indispensables tels que les traitements anticancéreux, les traitements pour le diabète ou pour les maladies cardiovasculaires.
    L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a enregistré une hausse de 30,9 % entre 2022 et 2023 des signalements de rupture de stock ou de tels risques.
    À la suite de l’annonce, l’année dernière, d’une feuille de route gouvernementale sur le sujet, où en est-on quant à la réindustrialisation pharmaceutique ?
    L’industrie automobile n’est pas en reste : directives européennes toujours plus strictes, concurrence internationale féroce, menaces de suppressions massives de postes. Le secteur tout entier s’inquiète des prochaines années.
    Sous couvert de bien-pensance, le savoir-faire français et les emplois sont sacrifiés. Les objectifs européens de transition vers le tout-électrique sont résolument inatteignables et pourraient entraîner une dépendance irrévocable vis-à-vis des pays tiers qui ne seraient pas soumis à ces obligations.
    Que comptez-vous faire pour que les pénalités imposées à nos entreprises ne soient pas appliquées afin de protéger notre industrie et redonner plus de perspectives aux sous-traitants du secteur automobile, tels que VT2i à Ramonchamp ou le groupe Antolin à Rupt-sur-Moselle ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    En ce qui concerne l’industrie pharmaceutique, un certain nombre de mesures ont été prises, sur lesquelles je ne reviendrai pas, si ce n’est sur les 7,5 milliards d’euros qui y seront investis dans le cadre du plan France 2030, visant à soutenir l’innovation en santé.
    Cela fait suite aux initiatives pour relocaliser la production de principes actifs en France, en particulier le paracétamol que vous avez évoqué et dont le principe actif sera à nouveau produit en France cette année, notamment sur le site de Seqens en Isère. C’est la conséquence des investissements et des choix faits par le président de la République. Nous devons poursuivre dans cette voie.
    Les pénuries de médicaments que vous évoquez sont un autre problème : la production sur notre sol et les pénuries ne sont pas nécessairement dépendantes. Pour résoudre les pénuries, c’est l’ensemble de la chaîne de valeur qu’il faut renforcer, des producteurs aux distributeurs, en passant par les grossistes. Nous y travaillons avec le ministre de la santé.
    Demain, des annonces de soutien à la filière automobile européenne seront faites. Nous n’avons pas été inactifs sur le sujet, notamment en intégrant au plan France 2030 l’appel à projets destiné à aider les sous-traitants et les équipementiers automobiles à se diversifier. Il est doté de plus de 100 millions d’euros et il a permis des actions de reconversion et de consolidation pour un certain nombre de sous-traitants.
    Mais il faut aller plus loin. Nous avons introduit dans le PLF pour 2025 un mécanisme de soutien à la demande, afin de nous permettre d’aller plus vite en matière d’électrification des flottes de véhicules professionnels. Ce n’est qu’un exemple des leviers que nous devons actionner.
    Nous avons formulé plusieurs propositions auprès de la Commission européenne et j’espère qu’elles seront nombreuses à figurer parmi les annonces qui seront faites demain.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Mazaury.

    M. Laurent Mazaury (LIOT)

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    Les événements dramatiques de ces derniers jours, en particulier ces dernières heures, concernant l’agression de l’Ukraine par la Russie montrent de nouvelles preuves du rapprochement américano-russe, illustrant la perte d’influence diplomatique de l’Union européenne aux yeux des États-Unis et la volonté de ces derniers de ne plus payer pour garantir la protection de l’Europe.
    Celle-ci s’est appuyée depuis tellement longtemps sur le protectorat américain que la plupart des États membres ont perdu une partie de leur souveraineté industrielle en matière de défense. Pour preuve, l’échec en 2018 d’exportation de Rafale à l’Égypte à cause de la présence d’un composant américain. Selon la Réglementation américaine de contrôle des exportations en matière de défense (Itar), toute vente comportant un composant américain doit faire l’objet d’une autorisation préalable par le Directorate of Defense Trade Controls (DDTC).
    Comme l’indiquait un rapport de la Cour des comptes en juillet 2023, l’Europe et la France doivent s’émanciper de la dépendance induite par l’usage de ces composants et investir davantage dans des projets qui échappent à l’Itar, comme ce fut le cas pour le développement du missile d’interception, de combat et d’autodéfense air-air (Mica) nouvelle génération, qui devrait être opérationnel cette année.
    Alors que les récents événements démontrent l’urgence d’aller plus vite, je souhaite connaître les mesures que vous comptez mettre en place pour renforcer la souveraineté industrielle de la France en matière de défense.
    Quels outils envisagez-vous pour développer plus vite et plus fort une Europe de la défense ? Pensez-vous qu’une collaboration entre pays qui, au-delà de la concurrence, s’appuie sur les complémentarités en matière d’innovation et de production, soit envisageable ? Si oui, de quelle manière envisagez-vous d’encourager une telle coopération en Europe ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Je ne reviens pas sur ce qui fera l’objet d’annonces ces prochains jours en matière de souveraineté pour l’industrie de défense. Le Conseil européen extraordinaire produira sûrement des avancées sur le sujet.
    De nombreuses décisions ont déjà été annoncées, notamment par la présidente Ursula von der Leyen, qui souhaite investir jusqu’à 800 milliards d’euros dans notre industrie de défense.
    Je vous rejoins sur le fait que le financement ne suffit pas en lui-même à intégrer les chaînes de valeur, à s’émanciper des chaînes technologiques, en particulier de l’Itar, par laquelle nous dépendons des États-Unis sitôt que des composants y ont été produits.
    Nous avons besoin d’agir sur plusieurs fronts, en investissant, en se coordonnant, mais aussi en ayant le réflexe de l’autonomie stratégique.
    Bien que je souhaite que notre BITD se développe le plus possible, je ne suis pas ici pour donner des instructions à nos partenaires européens au sujet de leurs politiques d’achat –⁠ je n’en serai pas capable. Je dois toutefois constater que la donne géostratégique change et qu’elle change très vite, sous nos yeux. Les États-Unis d’Amérique ne sont plus l’allié stable sur lequel nous nous reposions ces dernières années, ces dernières décennies et nous devons en tirer toutes les conséquences.
    Le ministre des armées Sébastien Lecornu et moi-même avons un travail de conviction à mener auprès de nos partenaires européens, afin qu’ils s’engagent dans une logique d’autonomie stratégique, qui doit amener nos industries de défense à construire et fabriquer plus en Europe.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne (GDR)

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    Monsieur le ministre, vous partagez sans aucun doute notre inquiétude sur le devenir d’ArcelorMittal ou sur les difficultés de produire de l’acier en France et en Europe. La commission des affaires économiques a auditionné les dirigeants d’ArcelorMittal, qui insistent sur les importations, notamment d’acier chinois, mais assurent que l’acier produit par leur groupe en Inde n’est pas importé en France ; ils occultent aussi la réalité de l’abandon de sites français ou de la dégradation de certaines productions. Ils nieront que derrière ces situations se trouvent les intérêts court-termistes du capital, selon lesquels il importe plus de faire rentrer de l’argent que de tenir compte de la souveraineté à long terme de notre pays et de la production d’acier.
    Nous sommes très inquiets, comme vous devez l’être, de la baisse de la production nationale, qui se traduit par la fermeture de hauts fourneaux, mais aussi de l’abandon de la transition vers des technologies de production d’acier vert, tout cela entraînant la suppression de milliers d’emplois, la disparition de savoir-faire acquis depuis des décennies et l’impossibilité de répondre aux besoins stratégiques de secteurs industriels essentiels comme l’automobile, l’aéronautique ou la construction.
    Pour ces raisons, les députés communistes proposent la nationalisation des sites de production français d’ArcelorMittal. Elle serait évidemment partielle et s’accompagnerait d’un partage des technologies, des brevets et des droits de propriété intellectuelle avec les autres entités de cette multinationale.
    Que pensez-vous de cette proposition ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Je sais votre attachement à notre base industrielle, qu’il s’agisse de l’industrie lourde ou, plus largement, de l’industrie. Vous nous proposez d’instruire un projet de nationalisation, fût-elle partielle, d’Arcelor.
    Aujourd’hui, cette entreprise est capitalisée à hauteur de 23 milliards d’euros. Je comprends que la nationalisation que vous proposez ne serait que partielle, mais j’appelle quand même votre attention sur l’ampleur de l’effort qu’elle exigerait. De ce point de vue, ce n’est pas la bonne solution.
    J’ai déjeuné jeudi dernier avec le président d’ArcelorMittal Europe, à l’occasion du sommet sur l’acier et sur le futur de la sidérurgie européenne que j’ai organisé à Bercy et auquel il a participé. Il nous a confirmé ce que nous savions déjà et que vous avez évoqué : la filière sidérurgique a besoin de plus de protection contre l’acier chinois, dont la production est surcapacitaire et massivement subventionnée, mais aussi en grande partie carbonée –⁠ elle requiert de l’électricité produite dans des centrales à charbon.
    Que demande la filière et qu’ai-je défendu il y a encore quelques jours, dans la presse et auprès de la Commission européenne ? D’abord, un durcissement de la clause de sauvegarde, c’est-à-dire des quotas d’importation, d’acier chinois en particulier. Nous demandons que ce durcissement soit effectif dans les prochaines semaines et pas d’ici 2026. Ensuite, un renforcement et une adaptation du mécanisme de taxation du carbone aux frontières. Il est encore trop facile de le contourner aujourd’hui : une usine chinoise qui produit un acier décarboné pourrait être choisie par la Chine pour exporter vers l’Europe, ce qui n’empêcherait pas d’autres usines chinoises d’émettre de grandes quantités de CO2. Nous proposons d’appliquer à la Chine des valeurs moyennes d’émissions de CO2, pour l’inciter à décarboner l’intégralité de son industrie et pour permettre à nos industriels de se battre à armes égales avec les industriels chinois.
    Ce que nous proposons, c’est en réalité ce que demandent les industriels de la filière. Nous en avons beaucoup discuté avec eux, ainsi qu’avec des représentants institutionnels et avec les autres ministres de l’industrie. En l’espèce, la nationalisation n’est pas la bonne solution et nous disposons de leviers pour agir en Européens et protéger notre industrie sidérurgique.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Édouard Bénard.

    M. Édouard Bénard (GDR)

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    La guerre économique totale promise par l’administration Trump contre ses partenaires commerciaux, notamment l’Union européenne, dont les productions sont menacées d’une taxe de 25 %, démontre, après le précédent de la crise du covid-19, l’extrême fragilité de la mondialisation heureuse vendue à nos concitoyens.
    La déréglementation des échanges, dans le cadre du marché unique européen, puis les traités de libéralisation conclus par l’Union européenne, ont conduit à la délocalisation massive des industries européennes et françaises vers les pays à bas coûts salariaux et environnementaux, ainsi qu’à la prise de contrôle de nombreuses industries et technologies stratégiques par des groupes étrangers, notamment américains.
    Je souscris aux constats que dressait plus tôt notre collègue François Ruffin : quarante ans de naïveté ont rapporté des centaines de milliards aux actionnaires ; quarante ans de naïveté ont coûté des millions d’emplois aux Français !
    Je tiens à illustrer mon propos de l’actualité de ma circonscription, en Seine-Maritime : le groupe américain Lubrizol applique à ses sites de Rouen et d’Oudalle un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) dont vous avez certainement connaissance.
    Cette firme, détenue par Warren Buffett, a ainsi annoncé la suppression de 169 emplois en France, dont 145 sont rattachés au site de Rouen, qui emploie 367 salariés. Le groupe, spécialisé dans la production d’additifs pour les huiles moteur de véhicules civils et militaires, s’est engagé dans un mouvement de délocalisation de ses productions hors d’Europe, malgré des bénéfices confortables.
    Face aux politiques économiques agressives, voire prédatrices, que mènent certaines grandes puissances, ma question est la suivante : quelles actions fortes le gouvernement entend-il mener pour préserver et développer, dans ce contexte, notre tissu industriel, et pour répondre aux intérêts vitaux de la nation ?

    M. André Chassaigne

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Vous abordez la question des droits de douane, sujet commercial, et les investissements, dont le manque peut conduire à la prise de décisions non souhaitées, notamment celle d’appliquer des plans sociaux.
    S’agissant des investissements, soyons clairs : que nous le voulions ou non, si nous souhaitons continuer à créer des emplois en France, nous ne devons pas décourager les investissements étrangers. J’appelle votre attention sur le fait que la détention d’entreprises par des capitaux français ne prémunit en rien contre des fermetures de sites ou contre des plans sociaux.
    Le sujet n’est donc pas la nationalité, mais la création d’un cadre favorable. Il s’agit d’exiger des contreparties de la part des entreprises recevant de l’argent public, c’est-à-dire d’appliquer le principe de conditionnalité des aides.
    S’interroger sur l’opportunité de faire venir des investissements étrangers en France, tout particulièrement américains, ce n’est pas se poser la bonne question. Il faut plutôt s’interroger sur la manière de rendre le pays plus attractif et les entreprises plus compétitives, pour ainsi trouver les moyens de créer des emplois durables.
    En ce qui concerne les droits de douane, la situation est préoccupante. Nous faisons face au risque d’une escalade, chaque progrès de la taxation appelant une riposte, qui serait elle-même suivie d’une nouvelle augmentation. Cette guerre commerciale, personne ne la souhaite et surtout pas le gouvernement français, évidemment : elle serait destructrice d’emploi et destructrice pour les entreprises industrielles, surtout celles qui exportent.
    La position que nous maintenons –⁠ avec le gouvernement français, avec le ministre Éric Lombard en particulier –, vise d’abord à agir en Européens, c’est-à-dire de manière unie et ferme au niveau européen, dans l’hypothèse où l’administration américaine mettrait en place de nouveaux tarifs douaniers. Elle viserait ensuite, mais seulement après la riposte, à trouver par la négociation des voies de préservation de l’emploi.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Gérault Verny.

    M. Gérault Verny (UDR)

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    Je vous propose de grouper en une seule les deux questions que je devais poser.
    Depuis plusieurs années, nous assistons à l’agonie de notre industrie, étranglée par une fiscalité punitive, un coût de l’énergie décorrélé de son coût de production réel et un cadre normatif toujours plus contraignant.
    Vous expliquez que la France doit redevenir une grande puissance industrielle, mais mieux que les mots, il y a les actes. Or le budget pour 2025 trahit une ambition contraire. Prenons, pour nous en convaincre, les impôts de production : ceux-ci s’élèvent encore à 130 milliards d’euros par an et sont quatre fois supérieurs à ceux appliqués par l’Allemagne et six fois plus importants que ceux appliqués en Suisse. Résultat ? La France est l’un des rares pays où l’on taxe les entreprises avant même qu’elles ne fassent du profit ! Conséquence directe : en vingt ans, la part de l’industrie dans le PIB est passée de 16 à 10 %, alors qu’elle s’est maintenue à 25 % en Allemagne et atteint 20 % en Suisse.
    Quels sont les impôts qui étranglent spécifiquement notre industrie ? Les taxes foncières représentent 21 milliards d’euros, la cotisation foncière des entreprises (CFE) 7 milliards, la CVAE, qui aurait dû être supprimée mais ne l’est toujours pas, 5 milliards, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) 4,8 milliards et les prélèvements sur les équipements des entreprises de réseau 2 milliards –⁠ refacturés aux industriels. Enfin, le forfait social sur l’épargne salariale et la retraite d’entreprise, qui pénalise les entreprises industrielles investissant dans leurs salariés, représente 1,8 milliard d’euros.
    Autrement dit, les impôts de production supprimés partout ailleurs continuent d’asphyxier nos industries.
    À présent, que dire de l’énergie ? Une aberration totale ! La France produit une électricité d’origine nucléaire compétitive à moins de 50 euros le mégawattheure mais nos industriels la paient parfois plus de 150 euros le mégawattheure –⁠ un prix ramené à 80 euros en Allemagne et 50 euros en Suisse. Pourquoi ? Parce que nous sommes prisonniers d’un marché européen absurde qui nous oblige à indexer nos prix sur le gaz, alors que nous sommes autonomes grâce au nucléaire, l’énergie disponible la plus verte. Pourquoi refusez-vous de sortir de ce système destructeur pour les entreprises ?
    Venons-en à la réglementation. Les normes administratives qu’incarnent les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) asphyxient les projets industriels. Construire une usine en France prend jusqu’à cinq ans, contre six mois en Suisse : combien d’usines annulées, combien d’emplois sacrifiés ?
    Enfin, le coût du travail est insoutenable : 42 % de charges en France, contre 25 % en Allemagne et 15 % en Suisse. Un salaire brut de 3 500 euros coûte 5 000 euros en France, mais 4 025 euros seulement en Suisse. Résultat, nos industries partent ailleurs.
    Voici ma question, simple et directe : monsieur le ministre, vous avez manqué de corriger ces aberrations dans le budget pour 2025, mais que comptez-vous faire dans le budget pour 2026 ? Envisagez-vous de baisser les impôts de production pour relancer l’industrie ? De garantir un prix de l’électricité stable et compétitif en sortant du marché européen ? De simplifier les normes et d’accélérer l’implantation de nouvelles usines ? De réduire le coût du travail pour que nos entreprises puissent embaucher et produire en France, au lieu de délocaliser ? Bref : comptez-vous agir maintenant ou faudra-t-il encore voir nos industries partir et nos emplois disparaître ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Vous appelez notre attention sur le sujet très important des impôts de production et vous devriez en parler à Marine Le Pen : en 2021, le gouvernement a fait le choix de baisser les impôts de production et de diminuer de 4 milliards d’euros la CVAE –⁠ or je ne crois pas que Marine Le Pen ait voté pour cette baisse. Les leçons du groupe Rassemblement national, qui était encore le Front national à l’époque, je les reçois donc avec une certaine circonspection.
    J’ai insisté sur la nécessité d’améliorer la compétitivité de nos entreprises en abaissant le coût de l’énergie. Dans la perspective du système qui prendra la suite de l’Arenh, le 1er janvier 2026, nous accompagnons précisément, avec EDF, les industriels électro-intensifs, qui consomment le plus d’électricité, et les industriels électrosensibles, afin qu’ils bénéficient d’une électricité à bon prix à l’horizon de dix ou quinze ans. Nous leur permettrons ainsi de lutter à armes égales avec leurs concurrents chinois, américains ou canadiens.
    Cette négociation a lieu en ce moment ; nous serons attentifs à son issue, comme nous serons attentifs à ce que les industriels bénéficient d’une électricité décarbonée à bon prix, soyez-en certain.
    Vous avez appelé notre attention sur la question du coût du travail et j’en suis très heureux, moi qui n’ai cessé de rappeler que le financement de la protection sociale et l’ampleur des cotisations sociales qui pèsent sur le travail sont des sujets dont nous devons discuter sans tabou. Nous pourrons en débattre dans les prochaines semaines et dans les prochains mois, notamment dans la perspective des textes budgétaires pour 2026. Je suis certain que vous participerez avec beaucoup d’ardeur à cette discussion.
    Notez à ce propos que nous avons besoin soit de baisser le coût du travail en basculant le financement de la protection sociale vers une assiette autre que les cotisations sociales, soit de diminuer les dépenses publiques. Or le groupe Rassemblement national a voté contre les réformes successives de l’assurance chômage, qui auraient permis de réaliser des économies.
    Vos propos ne sont pas cohérents avec vos votes : voilà le problème dont vous devriez vous soucier.

    Mme la présidente

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    Monsieur le ministre, M. Verny est, il est vrai, assis aujourd’hui sur les bancs du groupe Rassemblement national, mais il appartient au groupe UDR.

    M. Gérault Verny

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    Donc tout ce que vous m’avez répondu est faux !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Désolé, monsieur Verny ! Mais avouez que vous ne me facilitez pas la tâche ! (Sourires.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Florence Goulet.

    Mme Florence Goulet (RN)

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    Un million d’emplois industriels perdus ; la part de l’industrie dans le PIB divisée par deux ; des fleurons stratégiques bradés à des entreprises étrangères ; des normes et des taxes toujours plus étouffantes ; des délocalisations qui se poursuivent ; une souveraineté industrielle en berne : voilà le bilan de onze ans de politiques économiques macronistes. En 2021, M. Bruno Le Maire affirmait encore que la France était en train de retrouver le niveau d’industrialisation des Trente Glorieuses. Pourtant, même si vous niez la réalité, en Meuse, les noms de Stenpa et Bonduelle font entendre un son de cloche bien différent.
    Le Rassemblement national alerte depuis longtemps l’opinion sur l’abandon de secteurs stratégiques : nos gouvernants ont détricoté nos capacités de production alors que nos concurrents internationaux protègent les leurs, se réarment économiquement, investissent et innovent. Au lieu d’investir dans la recherche et la production pour affermir notre souveraineté, le gouvernement va jusqu’à subventionner indirectement les industries étrangères, à l’image du photovoltaïque chinois qui détient près de 90 % du marché en France. Des pépites comme Technip, Alcatel ou la branche énergie d’Alstom ont été vendues et nous avons même failli perdre notre industrie nucléaire sous les coups de boutoir des défenseurs des énergies prétendument vertes et renouvelables. Notre pays se retrouve donc plongé dans une dépendance sans précédent, condamné à importer et à se plier, dès la moindre crise, aux volontés d’autres puissances.
    Avec ce triste bilan et vu le contexte, comment pouvez-vous convaincre les entrepreneurs français de votre capacité et de votre volonté de réindustrialiser le pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Cette fois, je m’adresse vraiment au groupe Rassemblement national –⁠ veuillez m’excuser pour la confusion, monsieur Verny, même si vous ne m’avez pas facilité la tâche avec votre proximité, au moins spatiale, avec vos collègues.
    Madame Goulet, je suis surpris de vous entendre évoquer l’abandon de la recherche, alors que les gouvernements successifs ont maintenu le crédit d’impôt recherche à plus de 7 milliards d’euros et lancé le plan France 2030 à hauteur de 54 milliards d’euros pour soutenir une série de filières stratégiques comme le nucléaire, le quantique, l’intelligence artificielle ou l’hydrogène, qui doivent nous permettre de faire progresser notre base industrielle en jouant la carte de l’innovation. Les faits ne vous donnent donc pas raison.
    Pour ce qui est du nucléaire, la philosophie du gouvernement, inscrite dans le discours du président de la République prononcé en 2022 à Belfort, est claire : nous devons construire un mix énergétique en combinant nucléaire et énergies renouvelables. Nous allons bientôt lancer la construction de six nouveaux réacteurs de type EPR, qui permettront d’asseoir, dans les prochaines années, notre autonomie énergétique et stratégique. Avec le ministre Éric Lombard, nous sommes très attachés à cette ligne directrice du gouvernement et en discutons, de façon quasiment hebdomadaire, avec EDF et ses équipes.
    La souveraineté industrielle et la souveraineté énergétique sont les deux faces d’une même pièce. Nous allons procurer à nos industriels une électricité à bon prix et faire en sorte que la souveraineté énergétique irrigue nos filières industrielles en créant des emplois dans nos territoires, tant dans le secteur nucléaire que dans celui des énergies renouvelables.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Anthony Boulogne.

    M. Anthony Boulogne (RN)

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    Un pays n’est souverain que s’il maîtrise les outils de sa propre défense. Protéger nos industries stratégiques, c’est garantir notre sécurité et notre indépendance. C’est pourquoi je vous alerte aujourd’hui sur le projet d’acquisition de la PME française LMB Aerospace par la société américaine Loar Group. Depuis soixante-dix ans, LMB Aerospace produit –⁠ à 100 % en France – des ventilateurs et des systèmes de refroidissement de haute performance qui équipent nos armées. LMB connaît une croissance annuelle de 15 %, portée par de nouveaux contrats en Europe. Ses clients incluent Airbus, Boeing, Dassault, Thales, et ses équipements sont utilisés sur le Rafale, le char Leclerc, le Charles de Gaulle et nos sous-marins lanceurs d’engins. C’est un maillon essentiel de notre industrie de défense.
    Son passage sous pavillon américain représenterait un risque stratégique majeur. Bien que l’offre de rachat prévoie de conserver le site industriel en France, rien ne garantit le maintien des emplois sur notre sol, et l’expérience n’incite pas à l’optimisme. Pire encore, la France serait spectatrice, impuissante face au pillage technologique de ses entreprises stratégiques. Le Rassemblement national refuse de voir la souveraineté industrielle française bradée, comme elle l’a été dans l’affaire Alstom, la trahison originelle du macronisme, puis avec d’autres fleurons comme Technip pour l’énergie ou Opella pour le Doliprane. Comme le titraient le mois dernier Les Échos, le bilan est accablant : en dix ans, les États-Unis se sont offert plus de 130 milliards de dollars de fleurons français, mettant la main sur plus de 1 500 entreprises françaises. Jusqu’à quand la France va-t-elle se laisser dépouiller sans réagir ?
    Monsieur le ministre, ma question est simple : le gouvernement va-t-il protéger notre souveraineté nationale en mettant son veto ou va-t-il livrer LMB Aerospace, comme tant d’autres, à des intérêts étrangers ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Vu la nature de l’entreprise, le sujet est sensible et l’affaire est suivie attentivement par le gouvernement. LMB Aerospace est éligible à la procédure de contrôle des investissements étrangers en France (IEF). Cette procédure n’est cependant pas déclenchée tant que le processus de cession n’a pas commencé. L’entreprise américaine qui est candidate pour l’achat est entrée dans la négociation exclusive, mais celle-ci est en cours. Les règles de droit qui encadrent juridiquement l’usage de la procédure IEF ne s’appliquent donc pas encore, mais s’appliqueront dès qu’une offre de rachat sera sur la table. Un contrôle approfondi sera alors réalisé.
    Je rappelle que le contrôle des IEF permet d’imposer des conditions très exigeantes, et nous l’avons beaucoup utilisé : ces dernières années, on a enregistré 255 demandes d’autorisations au titre de la procédure IEF ; 44 % des dossiers font l’objet d’une imposition de conditions pour le rachat. Soyez assuré que nous serons très attentifs à l’application stricte et rigoureuse de cette règle. Toutes les solutions seront sur la table, y compris le rejet si les activités de LMB Aerospace apparaissent trop sensibles. Des sanctions financières, voire pénales sont tout à fait envisageables, et le ministre des armées suit le dossier, en lien avec les services de Bercy.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Brulebois.

    Mme Danielle Brulebois (EPR)

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    Les crises récentes nous ont rappelé combien l’accès à l’énergie est essentiel pour notre souveraineté et notre développement économique. Je tiens, à ce propos, à vous alerter sur le coût élevé de l’électricité en France : 109 euros le mégawattheure sur le marché spot français, contre 68 euros en Amérique du Nord. Ce coût pèse lourdement sur notre tissu industriel et grève notre compétitivité.
    Alors que la France dispose d’un parc nucléaire –⁠ que nous avons remis en marche – assurant une production décarbonée, fiable, abondante et peu chère, avec un coût de revient d’environ 50 euros le mégawattheure, nos centrales ne fonctionnent pas à plein rendement et gardent du potentiel. En outre, la fin de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique avec un mégawattheure à 42 euros est prévue pour 2025.
    Comment comptez-vous accompagner les négociations pour que les industriels français puissent bénéficier de cet atout national qu’est notre électricité nucléaire ? En effet, il n’y aura pas de réindustrialisation, ni de souveraineté durable, sans une politique stratégique offrant à nos filières industrielles une énergie abondante à un prix compétitif.
    Par ailleurs, les contraintes et les normes administratives, juridiques et environnementales constituent un véritable parcours du combattant, souvent long de plusieurs années, et nos entrepreneurs ont besoin de bien du courage pour ne pas abandonner leurs projets. Dans le Jura, Smoby –⁠ 600 emplois, premier fabricant de jouets en France – mène un projet d’agrandissement de son site d’Arinthod. Ce projet promet de créer de nombreux emplois et, nous l’espérons, de relocaliser la production que la société mère de Smoby, Simba Dickie Group –⁠ un important groupe allemand qui continue d’investir massivement chez nous, et c’est heureux –, a délocalisée en Chine. Ce plan se heurte pourtant au plan local d’urbanisme intercommunal, qui ne peut intégrer cette extension sur 3 hectares, située pourtant dans une zone sans intérêt particulier, en raison des règles de l’objectif ZAN –⁠ zéro artificialisation nette.

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous l’aviez pourtant voté !

    Mme Danielle Brulebois

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    Vous avez envisagé d’exclure les projets industriels –⁠ et pas uniquement les plus grands d’entre eux – de ces contraintes ; où en est l’élaboration de cette mesure ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    J’ai déjà longuement répondu à la question relative aux prix de l’électricité. Cet objectif est prioritaire. Une négociation entre EDF et des industriels, que les services de l’État accompagnent du point de vue méthodologique, est en cours, et nous espérons sa conclusion dans les prochaines semaines. Les contrats à terme devront donner à la fois de la visibilité et des prix suffisamment compétitifs.
    La simplification est également un enjeu crucial. Vous avez pointé les difficultés que connaissent les projets de taille insuffisante pour être éligibles à des dispositions leur permettant de bénéficier des enveloppes nationales d’artificialisation. Les contraintes liées au ZAN entravent leur développement. C’est notamment le cas d’une trentaine de sites livrés clés en main dans le cadre du programme Territoires d’industrie –⁠ un exemple concret, qui doit nous pousser à agir. C’est pourquoi nous sommes en train d’instruire une disposition qui avait été annoncée par Michel Barnier et qui consiste à exclure les projets industriels du ZAN. Il ne s’agit aucunement de remettre en question le principe de la limitation de l’artificialisation : l’industrie représente seulement 4 % des surfaces éligibles et il est possible de faire croître son empreinte dans le respect des objectifs écologiques. Nous discutons avec le ministre François Rebsamen du véhicule législatif dans lequel nous pourrions inscrire cette disposition.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Olga Givernet.

    Mme Olga Givernet (EPR)

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    Les métaux critiques jouent un rôle essentiel dans l’industrie française et sont indispensables à notre souveraineté nationale. Le lithium, le titane ou encore le cobalt sont au cœur de nombreuses technologies de pointe, notamment dans les secteurs de l’énergie, de la défense, de l’électronique et de l’information. Sécuriser notre approvisionnement en métaux critiques est crucial pour maintenir notre compétitivité économique et garantir notre indépendance stratégique. La France a mis en place des initiatives ambitieuses à travers des partenariats internationaux et des investissements dans l’exploration et l’exploitation minière.
    La focalisation des négociations entre les États-Unis et l’Ukraine sur les minerais souligne l’importance stratégique de ces ressources qui ont le potentiel de redéfinir les équilibres géopolitiques et économiques mondiaux. La France doit impérativement renforcer sa position. D’ailleurs, le gouvernement américain a choisi de définir des stocks stratégiques. Son homologue japonais suit la même voie avec son bras armé, Jogmec –⁠ Corporation nationale du Japon pour le pétrole, le gaz et les métaux.
    En France, pour l’instant, les stocks sont placés sous la responsabilité des industriels. L’article 49 de la loi de programmation militaire permet à l’État de déterminer les niveaux de stocks : ils doivent être constitués selon les besoins du ministère des armées ; les entreprises sont ensuite dans l’obligation de répondre à ce besoin d’approvisionnement. Mais cela augmente leurs coûts et leur fait supporter le risque industriel.
    Dans ce contexte, comment la France compte-t-elle consolider son stock stratégique de métaux critiques ? Quelles actions concrètes sont-elles envisagées pour assurer notre souveraineté industrielle face à la concurrence internationale ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Vous appelez notre attention sur l’accès aux minerais critiques et stratégiques, crucial pour notre souveraineté. Ces dernières semaines, j’ai relancé une démarche indispensable pour conforter notre souveraineté en la matière : lors de ma visite au bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) à Orléans, j’ai annoncé un nouvel inventaire de l’ensemble des ressources minières de la France. Celles-ci ne permettront évidemment pas de répondre à tous les besoins, en particulier à tous ceux de nos entreprises industrielles de défense. Elles constituent néanmoins un des piliers de notre stratégie.
    Cette dernière repose sur un principe de sécurisation : il s’agit, comme vous l’avez évoqué, de consolider les stocks afin qu’ils s’adaptent à la nouvelle donne géopolitique. Nous avons ainsi accompagné plusieurs entreprises, comme Airbus, dans leur démarche de « dérisquage » –⁠ c’est le terme utilisé – vis-à-vis du titane russe. Il s’agit de diversifier les fournisseurs de ce métal critique. En vue de sécuriser notre approvisionnement et, donc, de diversifier ses sources, disposer de ressources sur notre territoire constitue un atout important.
    Exporter permet en outre de nouer des relations avec les pays les plus fiables possibles à long terme du point de vue géostratégique, afin de pouvoir importer de manière durable.
    Cette stratégie repose donc sur un troisième pilier : l’exploitation de nos propres ressources –⁠ très importantes pour la transition énergétique – comme le tungstène ou le lithium. Ces ressources feront l’objet de recherches dans les trois prochaines années au titre de la nouvelle vague de l’inventaire minier. Nous pensons pouvoir commencer l’exploitation dans les cinq à dix ans qui viennent, s’il s’avère que les ressources sont là. Telles sont les grandes lignes de notre stratégie de souveraineté en matière de métaux.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Lionel Vuibert.

    M. Lionel Vuibert (NI)

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    L’industrie française subit une pression insoutenable. Non seulement elle fait face à une concurrence internationale acharnée, mais elle part avec un handicap majeur : un environnement fiscal et réglementaire qui l’empêche de rivaliser à armes égales.
    J’ai travaillé dans un territoire profondément industriel, où l’on sait ce que produire veut dire, les Ardennes, une terre de forges, de fonderies, de mécanique de précision. J’ai collaboré des années avec des chefs d’entreprise, des ouvriers, des ingénieurs, tous engagés dans un même combat : innover et exporter pour maintenir l’activité. Tous dressent le même constat : les règles du jeu sont faussées.
    Dans cette économie mondialisée, nos voisins allègent les contraintes afin d’attirer les investissements et de gagner en compétitivité. Pendant ce temps, nous avons continué d’alourdir le fardeau pesant sur nos entreprises, leur imposant des coûts et des réglementations que leurs concurrents étrangers n’ont pas à supporter dans les mêmes proportions.
    À cette pression s’ajoute désormais l’instabilité politique. Comment investir sereinement quand la fiscalité, les priorités industrielles et les réglementations fluctuent au gré des décisions politiques ? Peut-on demander aux industriels d’engager des milliards d’euros d’investissements si, demain, un revirement remet tout en cause ? L’industrie a besoin de temps, de visibilité, de prévisibilité pour relever les défis de demain : décarbonation, transition vers une industrie verte et innovation. Cela passe par la préservation d’un environnement économique stable et compétitif, par le maintien de mécanismes de soutien adaptés tels que le CIR, par l’offre à faible coût d’une énergie décarbonée et par l’accès au crédit.
    Ma question est simple : quand donnerons-nous à notre industrie les moyens de lutter à armes égales ? Allègerons-nous de façon significative les charges qui pénalisent l’emploi et freinent notre croissance ? Il est temps de mener une véritable politique de l’offre, de l’amplifier pour qu’elle soutienne notre industrie et lui permette de redevenir le moteur principal de notre économie.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Je sais votre attachement à votre territoire et à sa base industrielle. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de suivre certains dossiers concernant les Ardennes, en particulier la reprise par Forgex de l’entreprise Walor : une centaine d’emplois a été sauvée et nous continuons à nous battre sur ce point.
    Vous m’interrogez plus largement sur les enjeux de simplification, mais aussi de stabilité fiscale et sociale. Vous avez parfaitement raison et nous en avons beaucoup discuté ce soir. Pour ce qui est des premiers, il nous faut désormais être radicaux, notamment en nous inspirant de lois qui ont permis de concrétiser des projets, comme les Jeux olympiques, grâce à l’assouplissement du cadre fixé par de nombreux codes, comme celui de l’urbanisme, dont le volume et la densité excessifs génèrent de la complexité.
    Il convient de nous inspirer d’expériences comme celles des Jeux ou de la réfection de Notre-Dame, en intégrant au droit commun le maximum de dispositions des lois d’exception suscitées par ces événements. Nous devons également promouvoir les dérogations en laissant la main aux services déconcentrés de l’État, en particulier aux préfets. Il convient de sécuriser leurs décisions de déroger à l’application de telle ou telle règle –⁠ comme le ZAN que nous évoquions à l’instant avec Danielle Brulebois – lors de l’implantation d’un projet industriel. Un tel principe de dérogation aurait de nombreuses applications pour lesquelles nous devons désormais faire confiance à nos administrations opérant au plus près du terrain.
    Sur la stabilité fiscale, je ne peux que souscrire à vos propos. Nous savons dans quel contexte a été élaboré le budget pour 2025, qui demande des efforts aux entreprises. Je puis témoigner de l’engagement d’Éric Lombard et du mien pour faire en sorte que ces efforts –⁠ au titre de la surtaxe à l’impôt sur les sociétés par exemple – restent temporaires, ponctuels, et qu’ils ne soient pas demandés de nouveau aux entreprises dans les prochains textes budgétaires. Nous souhaitons en effet retrouver le chemin de la stabilité, et c’est ce que nous ferons.

    Mme la présidente

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    Le débat est clos.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Débat sur le thème : « Mutations liées à l’intelligence artificielle, quelle stratégie pour la France et l’Europe ? »
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra