XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Deuxième séance du mardi 18 février 2025

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du mardi 18 février 2025

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Questions au gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.

    Violences en Corse

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Samedi dernier, une jeune fille de 19 ans a été froidement abattue en Corse. Cet assassinat a soulevé dans l’île une émotion considérable et compréhensible. J’ai une pensée pour cette victime innocente et pour sa famille. Cette dramatique exécution s’ajoute à une liste qui s’allonge de façon catastrophique. Elle est le signe de l’action souterraine de réseaux, manifestement impliqués dans des trafics, des pressions et des comportements, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils sont illégaux. L’État a pour mission éminente de lutter contre le crime organisé.
    Il est également du devoir de chaque citoyen de transmettre les valeurs d’honnêteté, de travail et de solidarité ; de marquer son rejet des dérives mafieuses qui affligent toujours plus la société. Je rends hommage aux personnels de l’État, ainsi qu’à la collectivité de Corse qui, unie aux organisations citoyennes, est engagée dans ce difficile combat.
    Je n’oublie pas que, partout en France et en outre-mer, se développent les trafics et se multiplient les dramatiques assassinats qui les accompagnent.
    Je ne vous poserai pas de question, monsieur le ministre de l’intérieur. Le député de Corse que je suis vient simplement affirmer devant cette assemblée la chose suivante, et je suis sûr d’exprimer un avis partagé par la plupart – et sans doute par l’ensemble – des députés : on ne bâtit pas une société sur les trafics, le racket, les atteintes à la vie ; on ne construit pas l’avenir sur la violence et la malhonnêteté. Face aux dérives, l’État doit remplir sa fonction régalienne, et chacun d’entre nous doit assumer son devoir de citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT ainsi que sur quelques bancs des groupes DR, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    La jeune fille de 19 ans touchée par ce drame conduisait la voiture de son ami : elle a reçu deux balles qui ne lui étaient vraisemblablement pas destinées. Cette violence ne vient pas de nulle part et ne date pas d’hier. Vous connaissez les chiffres aussi bien que moi : en 2023, la Corse a malheureusement connu treize homicides, et dix-huit l’an dernier ; la détention d’armes y atteint 350 pour 1 000 habitants, contre 150 pour 1 000 en moyenne en France. J’approuve vos propos : la violence qui frappe la Corse est d’abord celle de réseaux mafieux. L’île connaît une dérive mafieuse, avec des méthodes propres à la criminalité organisée, qui s’abattent sur les milieux politique et économique : intimidations, incendies, menaces, et leur cortège de règlements de compte. Face à cette menace, l’État ne cédera pas. Plus de 1 000 gendarmes sont présents en Corse, dont 20 % se consacrent à l’investigation – un taux inégalé sur l’ensemble du territoire.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Comment réagir davantage ? Par l’intermédiaire de l’État régalien, que je représente auprès du premier ministre, avec la plus grande fermeté. La proposition de loi votée à l’unanimité par le Sénat, visant à sortir la France du piège du narcotrafic, nous dotera de nouveaux outils et permettra une nouvelle organisation de la justice et du ministère de l’intérieur ; bref, elle nous conférera un nouvel arsenal afin d’être beaucoup plus efficaces pour lutter pied à pied contre la criminalité organisée.
    Je vous rejoins également sur ce point : la réponse ne peut pas être uniquement sécuritaire. Pour l’avenir, l’éducation de la jeunesse, l’éducation familiale et l’école doivent jouer leur rôle afin de transmettre nos valeurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LIOT.)

    2. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

    Mme la présidente

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    Chers collègues, je suis heureuse de saluer en votre nom une délégation du groupe d’amitié Ukraine-France, conduite par sa présidente, Mme Liudmyla Buimister. (Mmes et MM. les députés et les membres du gouvernement se lèvent, se tournent vers les tribunes du public et applaudissent longuement.)

    3. Questions au gouvernement (suite)

    Soutien à l’Ukraine

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade.

    M. Pieyre-Alexandre Anglade

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    La situation internationale est grave. Ce qui se joue actuellement en Ukraine ne concerne pas seulement l’avenir de ce pays, mais bien celui de toute l’Europe, et donc de la France. La conférence de Munich a vu la relation transatlantique se fracturer : l’administration Trump veut un accord avec la Russie, menace d’abandonner l’Ukraine et a exprimé on ne peut plus clairement sa volonté de ne plus assumer la sécurité de l’Europe.
    Depuis 2017, la France, par la voix du président de la République, n’a cessé d’alerter ses voisins et de plaider pour un impérieux réarmement européen et une nécessaire souveraineté européenne. Hier encore, à l’initiative du président, des dirigeants européens se sont réunis à Paris afin de réaffirmer des principes clairs : leur souhait d’une paix solide et durable en Ukraine, ainsi que des garanties de sécurité fortes et crédibles. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs des groupes DR, HOR et LIOT.) Rien ne peut se décider en Ukraine sans les Ukrainiens, rien ne peut se décider sur la sécurité européenne sans l’Union européenne ! Le groupe Ensemble pour la République soutient de tels principes, et son président, Gabriel Attal, les réaffirmera à Kyïv dès la semaine prochaine.
    Nous faisons face à un défi historique, voire existentiel. Nous devons agir si nous ne voulons pas que notre union éclate sous la domination de grandes puissances qui rêvent de nous soumettre. Il nous faut agir face aux velléités impérialistes de la Russie qui, si nous la laissons faire, ne s’arrêtera pas à l’Ukraine. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC, DR, HOR et LIOT.) Nous devons donc agir sans aucun tabou en garantissant dans la durée, quoi qu’il advienne, un soutien militaire à l’Ukraine, en sanctionnant la flotte fantôme russe et en augmentant tous les budgets de défense européens. Ces conditions sont indispensables pour dissuader la Russie de mener de nouvelles attaques.
    Si nous ne le faisons pas, Vladimir Poutine redéfinira à sa manière l’ordre de sécurité en Europe…

    M. Dominique Potier

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    Bravo !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade

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    …et nous ne pourrons plus garantir à nos enfants qu’ils vivront sur le continent tel que nous le connaissons, libres, en paix, dans la prospérité et la sécurité. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, Dem, HOR et LIOT. – Mme Sandrine Rousseau et M. Michel Herbillon applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Le premier ministre l’a dit ce matin : depuis 1945, jamais, sans doute, le risque d’une guerre en Europe, autour de nous, n’avait été aussi élevé. Comment en sommes-nous arrivés là ? Il y a dix ans, pour mettre fin à la guerre que la Russie avait lancée contre l’Ukraine, sans doute avons-nous fait preuve de faiblesse en acceptant un cessez-le-feu fragile : violé vingt fois par la Russie, il ne l’a pas empêchée d’envahir ensuite l’Ukraine à grande échelle.
    Dans le même temps, les États-Unis ont décidé de se désengager progressivement du continent – c’est leur droit –, laissant aux Européens le soin d’organiser leur propre sécurité. Actuellement, les Ukrainiens sont la sentinelle de l’Europe ; la première ligne de défense européenne est tenue par les Ukrainiens. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs des groupes DR et HOR.) Les Ukrainiens ne s’arrêteront pas de combattre tant qu’une paix juste et durable ne leur aura pas été proposée. Nous voulons aussi, quant à nous, la paix : non pas une pause transitoire, ni un cessez-le-feu fragile, mais bien la paix !

    Mme Nadège Abomangoli

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    Et en Palestine ?

    M. Jean-Noël Barrot, ministre

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    Pour obtenir cette paix durable face aux velléités impérialistes – pour reprendre votre expression –, nous devrons opposer une résistance et nous imposer par la force. Lorsqu’une paix aura été conclue – quoi qu’on en dise, les négociations n’ont pas encore commencé –, les Européens seront amenés à construire une capacité de dissuasion durable. D’ici là, nous continuerons à accroître la pression sur la Russie de Vladimir Poutine, au moyen d’un seizième paquet de sanctions adopté dans les prochains jours. Nous allons aussi multiplier par deux nos dépenses militaires à l’horizon de 2027.
    Cependant, la défense nationale ne passe pas que par les dépenses militaires : elle se joue aussi dans les esprits.

    M. Erwan Balanant

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    Exactement !

    M. Jean-Noël Barrot, ministre

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    Ne nous laissons pas intimider par les nouveaux empires, reprenons de la force morale, retrouvons les forces de l’esprit ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et LIOT. – Mme Sandrine Rousseau applaudit aussi.)

    Accord entre l’UE et le Mercosur

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marine Le Pen.

    Mme Marine Le Pen

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    Dans quelques jours, la ferme France va s’installer à quelques encablures de l’Assemblée. Nous serons nombreux à aller saluer les agriculteurs, garants de notre souveraineté alimentaire, de nos paysages et de notre biodiversité. Parmi leurs très nombreux motifs d’inquiétude figure le projet de traité avec le Mercosur. Si la quasi-totalité de la classe politique a rejoint la position défendue depuis des années par le Rassemblement national (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations et rires sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS),…

    Mme Dieynaba Diop

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    Ils ne sont pas au courant, à Bruxelles !

    Mme Marine Le Pen

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    …la signature de ce traité par Mme von der Leyen, présidente de la Commission européenne, apparaît comme un défi lancé à la France.
    Voyant l’opposition à ce traité naître dans bon nombre de pays, dont la France, et sur l’insistance de l’Allemagne, cette même Commission envisage de contourner les volontés nationales en scindant l’accord en un volet commercial et un volet politique. Une telle scission permettrait d’éviter que les parlements nationaux aient à ratifier l’accord. Or la France a fait connaître son opposition, en particulier grâce au vote de notre assemblée. Il est temps de faire respecter la souveraineté du peuple français face aux technocrates bruxellois et d’engager le bras de fer à Bruxelles pour défendre la parole de la France ;…

    Mme Dieynaba Diop

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    Que vos élus commencent par siéger au Parlement européen !

    Mme Marine Le Pen

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    …il est temps de défendre la volonté du peuple de France, donc de défendre l’État de droit, qui dispose que : « La souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »
    Monsieur le premier ministre, vous engagez-vous devant la représentation nationale à ne jamais laisser la Commission modifier son mandat initial en scindant l’accord avec le Mercosur ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    Le gouvernement, la représentation nationale, mais aussi le président de la République le 17 novembre 2024 en Argentine, tous ont dit leur opposition à la version actuelle du traité avec le Mercosur. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem et sur plusieurs bancs du groupe HOR. – M. Jean-Pierre Taite applaudit également.) Les raisons de cette opposition sont parfaitement claires et se sont exprimées lors du débat sur la déclaration du gouvernement, le 26 novembre dernier dans cet hémicycle et le lendemain au Sénat. Les questions environnementales, notamment, nourrissent de grandes inquiétudes. Nous ne pouvons pas accepter que les élevages fassent l’objet de traitements hormonaux ou antibiotiques pour améliorer la rentabilité, ni que des normes strictes s’imposent à nos agriculteurs mais pas aux importations, ni que les équilibres et les objectifs de l’accord de Paris sur le climat soient bafoués. C’est la raison pour laquelle nous avons exprimé l’opposition de la France aux manœuvres de la Commission. Je m’engage à l’exprimer de nouveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Jean-Pierre Taite applaudit également.)
    Je rendrai naturellement compte à la représentation nationale…

    Mme Farida Amrani

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    Commencez par arrêter de lui mentir !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …des choix que nous ferons pour défendre cette position de principe, que nous devons aux agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe EPR. – M. Michel Herbillon applaudit aussi.)

    Soutien à l’Ukraine

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Petit.

    M. Frédéric Petit

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    Lundi prochain, cela fera trois ans, jour pour jour, que la fédération de Russie a envahi l’Ukraine, avec une violence aveugle et totalement irresponsable. Depuis 2014, l’Ukraine a été agressée, amputée et dépecée. On dénombre plus d’un million de blessés et de morts ainsi que, sans doute, 20 000 enfants déportés et « russifiés » de force. Le 24 février 2022, je partageais ici même à la tribune la conviction que cette confrontation militaire revêtait un caractère existentiel pour l’Europe ; je suis toujours de cet avis. Entre la fédération de Russie et nous, deux modèles de relations entre les peuples s’affrontent. L’un est fondé sur la force et sur la réalité mouvante des espaces et des ethnies – le fameux rousski mir, le monde russe, qui permet tous les abus de l’impérialisme. L’autre, européen, se fonde sur la construction patiente du droit.
    Aujourd’hui, de l’autre côté de l’Atlantique, un modèle transactionnel défendu par le président Trump emprunte la même violence, pour l’instant verbale : extraterritorialité, négation du droit international, deals permanents, mépris des institutions internationales, j’en passe. Le discours de J. D. Vance à Munich confirme cette dérive des Américains, que nous considérons toujours comme des alliés. Il fait écho au discours de Vladimir Poutine tenu à Munich, en 2007, et dessine un parallèle : comme en 1938, toujours à Munich, les démocrates doivent dire non.
    En ce triste anniversaire, je me rendrai à Kyïv, avec des élus de différents pays européens, ainsi qu’à Jytomyr, à Semenivka et à Tchernihiv, pour observer notre coopération civile sur le terrain. La France et l’Union européenne sont en retard en Ukraine. Si les États-Unis venaient à lâcher cette dernière en la livrant à un deal injuste et court-termiste, nous ne serions pas prêts, alors que nous devons être à la hauteur du moment. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, le sommet d’hier a-t-il posé les premières pierres d’un réveil français et européen, pour la sécurité des Ukrainiens et pour la nôtre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC et HOR. – Mme Sandrine Rousseau, M. Jérémie Iordanoff et M. Jean-Louis Thiériot applaudissent aussi.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Permettez-moi de vous remercier pour votre déplacement à venir à Kyïv, en Ukraine, pays que vous connaissez bien. D’autres parlementaires le feront également : au nom du gouvernement je les en remercie. Ces visites sont une marque de soutien au peuple ukrainien, soumis depuis trois ans à une guerre d’agression brutale, illégale et injustifiable, dont le coût humain est incalculable. Je veux, avec vous, m’indigner face au sort des enfants ukrainiens, arrachés à leur famille, déportés, rééduqués dans des centres ou dans des camps en Russie et en Biélorussie – cela vaut à Vladimir Poutine un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crime de guerre.
    Ces déplacements seront également l’occasion de rappeler que le combat des Ukrainiens est aussi le nôtre. Ce qui est en jeu sur la ligne de front, ce n’est pas simplement l’intégrité territoriale de l’Ukraine, c’est aussi la perspective de la paix ou de la guerre sur le continent européen. Vous l’avez dit : il est temps que l’Europe se réveille et prenne la mesure des menaces qui sont devant elles. Tous nos partenaires se sont-ils réveillés à la même vitesse que nous ? La réponse est non, je crois que tout le monde peut le reconnaître. Cependant, je ne crois pas qu’il reste encore un Européen pour considérer que nous ne devons pas prendre une part beaucoup plus importante qu’auparavant à notre défense.
    C’est pourquoi, dans ce moment charnière pour le continent, l’Europe doit faire un grand bond en avant pour assurer sa propre sécurité, et se révéler pour ce qu’elle est : une grande puissance. C’était l’objet de la rencontre d’hier, à l’initiative du président de la République, qui a permis d’affirmer de manière unitaire plusieurs principes clairs, en particulier le suivant : pas de négociation sur l’avenir de l’Ukraine sans les Ukrainiens, pas de négociation sur l’avenir de l’Europe sans les Européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC, HOR et LIOT. – M. Michel Herbillon applaudit aussi.)

    Affaire Notre-Dame de Bétharram

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle.

    Mme Colette Capdevielle

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    J’associe à ma question mes collègues des Pyrénées-Atlantiques, Peio Dufau et Inaki Echaniz. Les élus et les responsables politiques ont un devoir d’exemplarité et de transparence. Monsieur le premier ministre, vous affirmiez ici même, le 11 février, à propos de Notre-Dame de Bétharram, que vous n’aviez jamais été informé de quoi que ce soit, ni de violences, ni de violences sexuelles. De nouveaux témoignages sont apparus. Le juge d’instruction Christian Mirande affirme vous avoir rencontré longuement dans son bureau pour parler du père Carricart, accusé de viols. Ce juge a-t-il menti ?
    Ce matin, dans le quotidien La République des Pyrénées, l’enquêteur qui officiait à la section de recherches au moment des faits affirme que le déferrement du père Carricart au juge Mirande avait été retardé, car le procureur général voulait voir le dossier, suite à une intervention de M. Bayrou. Ce gendarme a-t-il menti ?
    Face à l’omerta, qui a duré des décennies, nous devons la vérité aux victimes pour qu’elles puissent enfin se reconstruire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS, LIOT et GDR.) Alors même que vous n’avez pas été capable de prononcer le mot « victime » devant nous, vous vous êtes livré la semaine dernière à une pathétique opération de sauve-qui-peut et à des promesses de gascon. Partout en France, les besoins sont impérieux pour rendre justice aux victimes. Plutôt que de chercher à tout prix à vous disculper, quelles sont les mesures et les actions que vous entendez rapidement engager pour protéger les victimes, afin qu’il n’y en ait plus aucune autre ? Puisque vous vous présentez en victime, avez-vous, comme annoncé, déposé plainte, contre qui, et sur quel fondement ? Devant la représentation nationale, les yeux dans les yeux,…

    M. Emeric Salmon

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    Les socialistes ne sont pas les mieux placés pour dire ça !

    Mme Colette Capdevielle

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    …je vous pose trois questions, qui attendent trois réponses. Nous ne demandons que la vérité. (Les députés du groupe SOC, plusieurs députés du groupe EcoS et Mme Andrée Taurinya se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    Comme vous le savez sans doute, j’ai passé la journée de samedi en compagnie du collectif des victimes ; ce furent quatre heures d’une émotion intense. C’était la première fois que quelqu’un recevait les victimes…

    M. Alexis Corbière

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    C’est bien le problème !

    Mme Danielle Simonnet

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    Pourquoi pas avant ?

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …et c’était la première fois qu’elles étaient réunies. Les victimes ont exprimé plusieurs choses, terriblement bouleversantes, qui ne peuvent laisser indifférents face à ce qu’elles ont vécu il y a parfois plusieurs décennies. Mais elles ont également déclaré qu’elles détestaient la récupération politique en cours (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes DR et HOR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS) et qu’elles la trouvaient haïssable, parce qu’elle les privait de leur histoire.

    M. Alexis Corbière

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    Ce n’est pas digne, monsieur le premier ministre, ce que vous faites ! (Mme Claudia Rouaux et M. Cyrille Isaac-Sibille s’apostrophent de banc à banc.)

    M. Cyrille Isaac-Sibille

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    Honte à vous !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Cela étant dit, je répondrai clairement à votre question.
    Suis-je jamais intervenu dans cette affaire comme dans d’autres affaires judiciaires ? La réponse est non, jamais, ni de près, ni de loin – et je vais vous en apporter la preuve.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Donc le procureur ment ?

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Vous avez cité le nom du juge d’instruction Christian Mirande : c’est mon voisin depuis cinquante ans (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), dans mon village, dont vous ignorez sans doute où il se situe. (« Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Il s’agit d’une amitié de longue date, avant même qu’il ne soit magistrat. Est-ce que nous avons pu parler de cette affaire ? Sans doute, oui. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Mais en respectant une limite absolue : un magistrat n’a pas le droit, comme en dispose un article central du code de procédure pénale (M. Paul Vannier s’exclame), sous peine des sanctions disciplinaires les plus sévères et d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison, de communiquer le moindre élément du dossier dont il a la charge, à quelque personne extérieure au dossier que ce soit. (Mme Sabrina Sebaihi s’exclame.) Christian Mirande est un juge d’une absolue intégrité et il ne m’a jamais communiqué le moindre élément du dossier : nous avons pu parler de l’ambiance, de l’établissement, jamais du dossier. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    Mme Dieynaba Diop

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    Alors, il dit la vérité ?

    M. Erwan Balanant

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    Écoutez-le premier ministre !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    S’agissant du procureur général, M. Rousseau, que je ne connais pas et qui est mort il y a vingt-trois ans – ce qui rend facile de lui imputer certains propos –, la certitude est pour moi la même : ce haut magistrat respectait de la même façon les règles de sa profession, qui est d’ailleurs une vocation, et il n’a eu aucune communication avec qui que ce soit à propos de ce dossier. Mais si je ne savais rien de cette affaire, si je n’y ai été associé en quoi que ce soit, d’autres savaient. J’affirme devant vous – vous le vérifierez – que le procureur général a tenu la Chancellerie informée de cette affaire à quatre reprises dans l’année 1998.

    M. Erwan Balanant

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    Ah !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Il l’a fait téléphoniquement le jour de l’incarcération du père Carricart, puis il l’a fait à trois reprises par écrit, en signalant la gravité des faits. Qui était alors ministre de la justice ? Quel était le gouvernement ? De 1997 à 2002, le gouvernement était socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et HOR.) La ministre de la justice était Élisabeth Guigou, et je ne peux imaginer qu’elle n’ait pas tenu compte d’un signalement aussi grave émis par le procureur général. Dans tous les cas, j’affirme que lorsque j’étais au gouvernement, un signalement aussi important ne pouvait être donné sans que le ministre de l’éducation nationale en soit averti. Qui était alors le ministre de l’éducation nationale ? Claude Allègre. Qui était la ministre déléguée à l’enseignement scolaire ? Ségolène Royal. (Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Interruptions et vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    M. Philippe Gosselin

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    Laissez-le parler !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Je ne crois pas qu’on puisse imputer à ces personnalités des manquements aussi graves.
    Je pose à mon tour la question : qu’est-ce qui a été fait, à la suite des signalements du procureur général, pour que soient entreprises les démarches que vous recommandez ? Lorsque j’ai été saisi de cette affaire en 1996, c’est-à-dire deux ans avant, j’ai demandé une inspection, dont je n’ai aucune trace, (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) mais qui a été publiée dans les journaux et que je vous invite à lire pour vous assurer de la parfaite transparence de ce dossier.

    Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

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    Menteur ! (Exclamations sur les bancs des groupes DR et Dem.)

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Alors le gendarme a menti ?

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Je ne connais pas ce gendarme, mais il suffit de poser la question au juge Mirande qui répondra sur les propos qu’il a tenus ou qu’on lui prête. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Le gendarme dit qu’il a entendu quelqu’un dire que…

    M. Olivier Faure

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    Non, il n’a pas dit ça !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …le déferrement de l’accusé avait été retardé de deux heures. Je répète que le procureur général en a rendu compte le jour même à la Chancellerie. (Mme Ségolène Amiot mime à plusieurs reprises le nez de Pinocchio.)
    Une question importante demeure : que peut-on faire pour améliorer la prise en charge des victimes ? Nous devons améliorer le repérage précoce et la prévention (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes EPR et DR), comme cela vient d’être annoncé dans le programme que Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale a présenté. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.) Enfin, nous devons rassurer les victimes : si les actes qui les ont traumatisées sont prescrits, elles ne sont pas sans droits. Nous allons ainsi approfondir la question de la procédure civile, qui peut permettre de répondre aux traumatismes des victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et HOR.)

    Carte scolaire en milieu rural

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yannick Monnet.

    M. Yannick Monnet

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    Madame la ministre de l’éducation nationale, lorsque vous étiez première ministre, vous vous étiez déplacée dans la Nièvre, le 31 mars 2023, pour y faire des annonces en matière d’éducation dans les territoires ruraux. Vous aviez alors annoncé « un changement de méthode » dans l’élaboration de la carte scolaire en milieu rural, avec une carte scolaire pluriannuelle offrant une visibilité de trois ans aux élus locaux.
    Il s’agissait d’en finir avec les opérations annuelles de carte scolaire, qui conduisent à ce que les fermetures de classes soient annoncées en février, sans aucune concertation, pour la rentrée de septembre. C’était une revendication de longue date des élus locaux, afin que les maires aient le temps de s’organiser et d’anticiper d’éventuels regroupements, afin que l’éducation nationale ait le temps d’apporter les bonnes réponses.
    Deux ans après, pourtant, rien n’a changé. Nous sommes tous et toutes confrontés à ces annonces brutales qui conduisent les élus locaux, les parents d’élèves et les enseignants à sortir en urgence pancartes et banderoles devant les écoles.
    Dans mon département de l’Allier, ce ne sont pas moins de treize classes qui sont menacées de fermeture la rentrée prochaine. Ces classes, qui comptent souvent quinze élèves, dans des zones très rurales, se transformeront en classes de vingt-deux ou vingt-quatre élèves – et cela se traduira aussi par des heures de bus supplémentaires pour nos enfants.
    C’est une hérésie, quand on sait que la France est déjà un des pays d’Europe qui compte le plus d’élèves par classe ; c’est une faute, quand on connaît l’importance de l’école dans la vie de nos territoires ruraux.
    Vous avez évoqué, devant les sénateurs, des moyens renforcés pour l’école inclusive et pour les remplacements. Sur le terrain, cependant, on ne voit rien de tout cela. Bien au contraire, la loi du 27 mai 2024 pour la prise en charge des enfants en situation de handicap sur la pause méridienne n’est même pas appliquée.
    Quand envisagez-vous, madame la ministre, de mettre en œuvre cette carte scolaire sur trois ans, respectueuse des élus locaux et de la communauté éducative ? Et quand comptez-vous faire de l’école inclusive une véritable priorité, avec des moyens adaptés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

    Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

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    Nous sommes confrontés depuis plusieurs années à une importante baisse démographique qui se traduira, la rentrée prochaine, par une diminution de près de 100 000 du nombre des élèves, dont 80 000 pour le premier degré.
    En dépit de ce contexte, le budget pour 2025 – définitivement adopté – prévoit une stabilité du nombre de postes d’enseignants. Nous voulons tirer parti de cette stabilité des effectifs pour assurer la réussite de tous les élèves et réduire les inégalités sociales et territoriales, en accélérant de déploiement de plusieurs politiques prioritaires : la reconstitution des brigades de remplacement, l’école inclusive ou encore le soutien aux élèves de quatrième et de troisième, dans le prolongement des groupes de besoin ouverts, à la dernière rentrée, en sixième et en cinquième.
    Dans un tel contexte, la carte scolaire ne saurait être figée – d’autant moins que nous devons faire face, par ailleurs, à des ouvertures de classes. Comme vous, je pense qu’il est nécessaire de prendre le temps de discuter avec les élus locaux et nationaux…

    M. Vincent Descoeur

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    Ça n’a pas été le cas dans le Cantal : on a été mis devant le fait accompli !

    Mme Élisabeth Borne, ministre d’État

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    …afin que nous puissions adopter les bonnes organisations pédagogiques et que nous puissions également prévoir les activités périscolaires et le transport scolaire.

    M. Jean-Yves Bony

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    Équipez le périscolaire !

    Mme Élisabeth Borne, ministre d’État

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    Je vous confirme ma volonté d’avoir, sur ce sujet, une discussion pluriannuelle avec les élus. C’est notamment le rôle des observatoires des dynamiques rurales, dont la mise en route doit se voir encore accélérée : soyez assurés que j’y veillerai. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    Violences commises à Paris par un groupe d’extrême droite

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pouria Amirshahi.

    M. Pouria Amirshahi

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    Dimanche dernier, dans le 10e arrondissement de Paris, une vingtaine de nervis d’extrême droite, cagoulés, armés, a attaqué des personnes assistant à une projection du film Z de Costa-Gavras, dans l’intention de faire mal, voire de tuer.
    Avant de fuir, l’un d’eux a crié : « Paris est nazi ! ». Six personnes sont en garde à vue et une enquête a été ouverte. Si notre démocratie fonctionne encore, comment expliquer – et comment accepter – que des groupes récemment dissous s’autorisent, en plein Paris, de telles démonstrations terroristes ?

    M. Damien Girard

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    Exactement !

    M. Pouria Amirshahi

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    Quelles protections sont prévues en amont des réunions de ces associations pourtant souvent désignées comme des cibles ? Deux jours ont passé et toujours aucun mot de votre bouche, monsieur le ministre de l’intérieur, alors que deux personnes ont été violemment frappées, poignardées et envoyées à l’hôpital. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC, GDR et sur quelques bancs du groupe LIOT.)

    Un député du groupe LFI-NFP

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    C’est une honte !

    M. Pouria Amirshahi

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    C’est une extrême droite décomplexée, enivrée par le salut nazi d’Elon Musk à la face du monde (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN) qui parcourt aujourd’hui les rues de nos villes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) À Angers, à Lyon, à Saint-Brévin-les-Pins, à Tours et à Paris, elle s’exhibe, menace et agresse impunément.
    La bride est lâchée depuis trop longtemps : vous épousez des postures martiales qui désignent à la vindicte les Français aux mémoires immigrées ou au sang mêlé, faisant ainsi de la gauche – ou des démocrates – l’ennemi numéro un. (Mêmes mouvements.)
    Nous appelons tous les républicains à se montrer à la hauteur du danger qui nous guette : en êtes-vous seulement capable, vous qui déclarez, comme Laurent Wauquiez que, questions économiques mises à part, vous avez les mêmes idées que l’extrême droite ? (Mêmes mouvements.)
    Ce n’est pas tant à vous, au fond, que je m’adresse, mais à tous les démocrates sincères qui, sur ces bancs, n’oublient pas que 70 % des électeurs ont dit qu’ils ne voulaient pas, eux, de ces idées-là.
    Il nous faut avant tout bien comprendre le moment grave que nous vivons. Ces milices sont le symptôme d’une internationale néofasciste (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe RN) qui se met en mouvement dans toute l’Europe, avec la complicité des États-Unis et de la Russie. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – M. Olivier Faure applaudit aussi.)
    Nous avons célébré, hier encore, les 80 ans de la Libération et du combat antifasciste.
    Plutôt que de dénoncer les militants antifascistes d’aujourd’hui, prenez l’engagement de faire barrage à ces nouvelles ligues antirépublicaines qui sont dans notre pays, après le terrorisme islamiste, la deuxième menace terroriste ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR, dont plusieurs députés se lèvent. – Mme Hanane Mansouri s’exclame.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    S’il y a un combat qui devrait nous réunir, c’est celui contre la violence : le combat contre le fascisme, contre le nazisme, contre l’extrême droite – et aussi contre l’ultragauche. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN, HOR et DR. – Vives protestations et huées sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Claire Lejeune

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    Quelle honte !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Nous ne tolérerons aucune violence. Il y avait, il y a encore, une gauche républicaine – le Raid fut ainsi une création de Pierre Joxe. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Jean-François Coulomme et Mme Marie Mesmeur s’exclament. – M. Inaki Echaniz proteste vivement.) Cette gauche républicaine faisait honneur à notre démocratie et à notre nation.
    Je peux vous assurer que mon bras ne faiblira pas lorsqu’il faudra dissoudre des groupes qui pratiquent la violence, d’où qu’ils viennent, de l’extrême droite comme de l’ultragauche. (Plusieurs députés du groupe RN pointent du doigt les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Hervé de Lépinau

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    C’est lui, là !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Croyez-moi : quand on aime la France, on rejette toute violence. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN, DR, HOR et UDR.)

    M. Éric Coquerel

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    C’est lamentable !

    Souveraineté énergétique

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Maxime Amblard.

    M. Maxime Amblard

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    C’est avec fierté que je m’adresse à vous, monsieur le premier ministre, en tant que député du sud meusien, mais c’est en tant qu’ingénieur en physique nucléaire que je souhaite vous interpeller.
    Des rapports de l’autorité de sûreté nucléaire et de l’inspecteur général pour la sûreté d’EDF viennent de confirmer que la complémentarité entre les énergies renouvelables intermittentes et le nucléaire est un mirage – mirage coûteux, dangereux, absurde. Je connais nos réacteurs nucléaires, leur conception, leurs caractéristiques, leur fonctionnement. S’ils sont aujourd’hui contraints, ce n’est pas par la physique ni par la technologie : ce qui les entrave, ce qui les use, ce qui les fragilise, c’est votre idéologie. Idéologie qui vous a conduit, depuis des années, à imposer la priorité des énergies renouvelables intermittentes sur le réseau électrique, au mépris de toute logique énergétique ou économique.

    M. Maxime Laisney

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    Il n’y connaît rien !

    M. Maxime Amblard

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    Vous avez, pour satisfaire vos dogmes, fait du nucléaire une variable d’ajustement. En donnant la priorité à une énergie intermittente beaucoup plus chère que le nucléaire ou l’hydraulique pilotable, vous avez délibérément contribué à faire augmenter la facture d’électricité des Français. En faisant passer le vent avant l’atome, vous bridez notre production nucléaire, tout en faisant grimper les coûts. En faisant passer vos lubies avant la raison, vous sacrifiez notre souveraineté énergétique – souveraineté dont nous sommes, au Rassemblement national, les véritables défenseurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
    Sans étude d’impact sérieuse, sans précaution, au détriment de la sûreté et de la raison, vous obligez nos réacteurs à freiner puis à accélérer, à réduire puis à augmenter, à chauffer puis à refroidir, ce qui les fragilise, ce qui les use, ce qui les abîme.

    M. Erwan Balanant

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    Marine Le Pen était contre le nucléaire en 2012 !

    M. Maxime Amblard

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    On vous avait pourtant prévenus : Marine Le Pen et Jean-Philippe Tanguy vous l’avaient dit, mais vous les avez fait taire, tout comme vous avez fait taire ceux qui vous disaient que fermer Fessenheim était contraire à toute raison.
    Quelles sommes vont encore s’ajouter aux milliards déjà dilapidés pour satisfaire à votre idéologie ? (M. Loïc Prud’homme s’exclame.) Quand allez-vous, enfin, faire preuve de pragmatisme et de raison, quand c’est de l’avenir de notre souveraineté énergétique qu’il s’agit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Vous nous interrogez sur notre stratégie énergétique et sur la place qu’il convient de donner, respectivement, aux énergies renouvelables et à l’énergie nucléaire. Je tiens à le répéter ici : le choix que le président de la République a fait connaître lors de son discours de Belfort, au début de l’année 2022, est un choix d’équilibre.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ce n’est pas la question !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Nous sommes convaincus que le nucléaire est une énergie d’avenir. Je défendais ce matin, en compagnie de mes homologues ministres de l’industrie et de l’énergie européens au sein de l’Alliance du nucléaire, créée par ma collègue Agnès Pannier-Runacher, l’idée que le nucléaire doit faire l’objet d’un traitement prioritaire à l’échelle européenne.
    Mais opposer les énergies renouvelables et les énergies nucléaires, ce n’est pas la solution.

    M. Hervé de Lépinau

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    C’est une question de science !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Car, avant que de nous doter d’une capacité de production nucléaire qui pourra s’appuyer sur les six réacteurs annoncés lors du discours de Belfort, et dont nous discutons du financement, nous aurons besoin – nous avons déjà besoin – des énergies renouvelables.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Mais ce n’est pas la question !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Si, en 2022, nous sommes parvenus à faire face, collectivement, aux difficultés que notre parc nucléaire a rencontrées, c’est grâce aux énergies renouvelables – grâce au solaire, grâce à l’éolien.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    C’est faux !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    La logique binaire consistant à opposer, dans une stratégie monomaniaque,…

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ce n’est pas une logique, ce sont des rapports !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    …le renouvelable au nucléaire, est une stratégie perdante.

    M. Hervé de Lépinau

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    Le ministre ne se remet jamais en question !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Le nucléaire, comme le renouvelable, crée des emplois dans nos territoires. Nous sommes attachés à cette stratégie d’équilibre, et nous le resterons.

    M. Emeric Salmon

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    Il faut changer de stratège, alors !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Nous soutenons ainsi une véritable stratégie de souveraineté énergétique et industrielle.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Maxime Amblard.

    M. Maxime Amblard

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    À force d’ignorer les rapports scientifiques, c’est la France, je le crains, qui finira par tomber en panne. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)

    Affaire Notre-Dame de Bétharram

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Vannier.

    M. Paul Vannier

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    Je salue une nouvelle fois la force et le courage des victimes de Bétharram. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Colette Capdevielle et M. Benjamin Lucas-Lundy applaudissent aussi. – «Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.)
    Monsieur le premier ministre, j’ai plusieurs questions à vous poser.
    Quelles mesures avez-vous prises après avoir reçu, en 1996, alors que vous étiez ministre de l’éducation nationale, un rapport d’inspection faisant état, à Notre-Dame de Bétharram, de châtiments corporels et d’une conception problématique de la discipline ?
    Démentez-vous le juge Mirande, quand il affirme vous avoir reçu, à votre demande, en 1998, pour évoquer, avant sa libération, la situation du père Carricart, un des violeurs en série de cette institution ?

    M. Patrick Hetzel

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    Il a déjà répondu ! Il fallait écouter la réponse !

    M. Paul Vannier

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    Quelles actions avez-vous engagées alors que vous étiez président du conseil général, chargé de la protection de l’enfance, après avoir appris du juge Mirande des faits de viols sur mineurs à Betharram ?
    Êtes-vous intervenu dans une procédure judiciaire en cours – le dossier du père Carricart – ainsi que l’a rapporté dimanche, sur TF1, le gendarme alors en charge de l’enquête ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice. (M. Jean-François Coulomme s’exclame.)

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Le premier ministre, il me semble, a répondu à toutes vos questions (« Non ! » sur bancs du groupe LFI-NFP) lorsqu’il a répondu à votre collègue Capdevielle.
    Je voudrais, comme vous, avoir une pensée pour toutes les victimes qui attendent que justice soit faite. À la demande de M. le premier ministre, nous avons sollicité le parquet général et le procureur de la République de Pau afin qu’ils nous adressent les demandes de renfort qu’ils jugent nécessaires pour traiter les très nombreuses plaintes – plus d’une centaine – qui ont déjà été déposées. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – Mme Émilie Bonnivard applaudit également.)

    M. Philippe Vigier

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    Très bien !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Quatre-vingt-dix auditions ont déjà eu lieu. Comme l’a rappelé monsieur le premier ministre, c’est en 2013 que le gouvernement, par le législateur, a modifié les modalités d’intervention de la Chancellerie dans ces affaires particulières. Avant cette date, à chaque moment important de cette affaire, entre 1998 et 2000, des échanges ont eu lieu entre le procureur de la République et le procureur général, entre le procureur général et la Chancellerie. Si vous cherchez à établir des responsabilités, ne cherchez pas du côté de ceux qui n’étaient pas au pouvoir à l’époque. (Mme Andrée Taurinya s’exclame.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Qui était au gouvernement alors ? Qu’ils assument !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Posez plutôt vos questions à ceux qui y étaient, dans le cadre de la législation et des règles de la République.
    Monsieur le premier ministre vous a répondu (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) et ses explications étaient très claires. Ce n’est pas à nous de répondre à propos des relations entre le pouvoir politique et le procureur général de ce temps-là.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Vannier.

    M. Paul Vannier

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    Quand le pays attend des réponses, monsieur le premier ministre, vous faites le choix irresponsable du déni et du silence.
    Toutes vos déclarations, depuis mardi, ont été contredites : par de nombreux journalistes, par un juge d’instruction, par un gendarme enquêteur, par des victimes de Bétharram, par d’anciens professeurs de l’établissement (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS), par vous-même, qui avez déjà changé par trois fois votre version des faits.
    Vos mensonges, relayés par une partie du gouvernement, ont transformé l’une des plus graves affaires pédocriminelles qu’a connue notre pays en un mensonge d’État, en une affaire d’État. Monsieur le premier ministre, en mentant à la représentation nationale, aux victimes et aux Français, vous vous êtes disqualifié. Un menteur ne peut pas gouverner la France : démissionnez ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)

    Soutien à l’Ukraine

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie Récalde.

    Mme Marie Récalde

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    Le 20 janvier dernier, l’investiture de Donald Trump a changé la carte politique du monde – c’est peu de le dire. Et il n’a pas fallu attendre longtemps pour comprendre qu’il est prêt à sacrifier l’Ukraine.
    À quelques jours du 24 février – sombre date pour l’Ukraine – une négociation américano-russe se dessine. Il semblerait que celle-ci n’associe pas davantage l’Ukraine – pays pourtant agressé – que l’Europe. Pire, en marge de la conférence de Munich, avant le début de ces négociations, le secrétaire d’État américain à la défense a renoncé au rétablissement de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Il a également renoncé à la perspective de son adhésion à l’Otan, et à toute implication des États-Unis.
    Ce triple renoncement entérine les buts de guerre du Kremlin, au mépris des règles élémentaires du droit international et des traités. Laisserons-nous l’usage de la force devenir la norme pour régler les conflits futurs ? Laisserons-nous Trump et Poutine redessiner les cartes de l’Ukraine et de l’Europe dans les sables saoudiens ?
    Car, nous le savons, si la carte de l’Ukraine se redessine aujourd’hui, c’est celle de l’Europe qui se redessinera demain. Nous ne pouvons l’accepter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
    Quelle sera la position de la France si l’Europe est écartée des négociations, et si l’Ukraine ne se reconnaît pas dans cet accord imposé ?
    Les enjeux sont importants ; avec gravité, nous vous demandons de saisir la représentation nationale et d’organiser un débat, au titre de l’article 50-1 de la Constitution, dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC dont plusieurs députés se lèvent pour applaudir et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Je vous remercie d’appeler la représentation nationale à se saisir de ce sujet fondamental, essentiel pour notre avenir. Depuis trois ans, les Français sont soumis à une propagande russe qui utilise tous les outils de la désinformation et les manœuvres informationnelles. Leur regard peut donc être biaisé, ou troublé, sur les conséquences dramatiques et délétères d’une capitulation de l’Ukraine.
    Mercredi dernier, j’ai réuni mes homologues de quelques pays d’Europe et du Royaume-Uni et notre conclusion est simple : tant que les Ukrainiens se battront et tant qu’ils n’auront pas reçu une proposition de paix juste et durable, nous les soutiendrons. Il ne s’agit pas d’accepter un cessez-le-feu fragile ou une pause transitoire.
    J’y insiste, il n’y aura pas d’accord sans les Ukrainiens et sans les Européens. Ce n’est pas une exigence, mais un constat : les Ukrainiens refuseront de déposer les armes si on leur propose une fois encore un accord de cessez-le-feu fragile, qui conduirait inévitablement à la reprise des hostilités, et nous les soutiendrons.
    Pour obtenir un tel accord, pour que la paix que nous appelons de nos vœux soit durable, elle devra être entourée de certaines garanties. Et qui apportera ces garanties ? Les Européens ! En conséquence, par la force des choses, qu’on le veuille ou non, une paix juste et durable en Ukraine n’interviendra qu’avec le consentement et la participation des Européens.
    Pour la paix en Ukraine, comme pour notre propre sécurité, nous devrons consentir des efforts considérables au cours des décennies à venir. Les Français auront besoin de force morale et des armes de l’esprit pour faire face à ces défis colossaux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    Carte scolaire en milieu rural

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Loïc Kervran.

    M. Loïc Kervran

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    Députés de territoires ruraux – j’associe notamment mon collègue, Jérémie Patrier-Leitus à ma question –, nous sommes en colère. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
    Madame la ministre de l’éducation nationale, votre ministère ne respecte pas la volonté des parlementaires. Avec votre engagement et votre soutien, nous avons fait un choix politique fort dans le budget que nous venons tout juste d’adopter : celui de ne pas supprimer de postes d’enseignants, malgré la chute de notre démographie scolaire. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
    Pourtant, votre ministère poursuit une politique de fermeture massive de classes, en particulier dans les zones rurales. Ainsi, dans le Cher, qui ne devait rendre que deux postes, le directeur académique a souhaité fermer dix-huit classes.

    Un député du groupe LFI-NFP

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    Fallait voter la censure !

    M. Loïc Kervran

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    Analysons les choix de votre administration : ils veulent fermer à Lignières, où nous avons ouvert il y a moins de six mois – le yo-yo est-il la nouvelle politique du gouvernement ?
    Que dire de la fermeture à Sancoins, rare réseau d’éducation prioritaire rural de France, où les équipes pédagogiques subissent la précarité pour la troisième année consécutive ?
    La fermeture à Châteaumeillant arrive alors que la commune a engagé la fusion des écoles maternelle et primaire : punir ceux qui se réorganisent, est-ce une bonne politique ?
    Vos services veulent fermer à Nérondes, alors que la commune a été accompagnée à hauteur de 1 million d’euros pour réaliser des travaux dans l’école : fermer là où l’État a investi, comment est-ce possible ?
    Ma circonscription, la plus rurale du Cher, est particulièrement visée avec dix fermetures. Quel est le message ? Quel que soit le budget adopté par le Parlement, nos territoires ruraux subissent le rouleau compresseur des fermetures.
    Cette France rurale en a assez de se sentir piétinée, abandonnée, méprisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Madame la ministre, pouvez-vous nous aider à mettre fin à cette politique absurde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et DR. – M. Yannick Monnet applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

    Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

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    Étant moi-même élue d’une circonscription rurale, je suis particulièrement attentive à ce sujet, et consciente de ce que peut signifier une fermeture de classe dans le monde rural.
    Je suis également consciente de la nécessité de permettre aux élus d’anticiper l’organisation pédagogique de leur territoire – regroupements pédagogiques intercommunaux ou territoires éducatifs ruraux –, mais aussi d’adapter le périscolaire ou les transports scolaires. J’y insiste, je mesure parfaitement les attentes de ces territoires. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Vous avez raison, pour 2025, alors que nous faisons face à une baisse démographique très importante – l’équivalent d’une génération d’élèves en moins en dix ans –, nous avons fait le choix de la stabilité des moyens.
    Ce taux d’encadrement inédit nous permettra de répondre à des politiques prioritaires. C’est le cas du remplacement des enseignants – je sais que vous y êtes sensible dans un territoire rural comme le vôtre – avec le réarmement des brigades de remplacement. C’est aussi le cas de l’école inclusive, que nous continuerons à promouvoir.
    Je regrette que les discussions aient débuté tardivement, compte tenu du vote de ce budget.

    M. Antoine Léaument

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    On ne l’a pas voté !

    Mme Danielle Simonnet

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    Arrêtez de fermer des classes !

    Mme Élisabeth Borne, ministre d’État

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    Mais elles ne sont pas terminées dans votre département, comme dans beaucoup d’autres où les instances ne se sont pas encore réunies. Nous serons attentifs à ce que le nombre d’élèves par classe n’augmente pas, tout en assurant un maillage territorial qui répond aux attentes des parents. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Laurent Wauquiez applaudit également.)

    Violences commises à Paris par un groupe d’extrême droite

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Raphaël Arnault.

    M. Raphaël Arnault

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    M. Retailleau, ministre de l’intérieur,…

    M. Patrick Hetzel

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    Ministre d’État !

    M. Raphaël Arnault

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    …l’homme qui tweete plus vite que son ombre, est tout à coup bien silencieux.

    Mme Virginie Duby-Muller

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    De la part d’un fiché S !

    M. Raphaël Arnault

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    La semaine dernière a été rythmée par les révélations de saluts nazis au sein de nos universités, notamment de certains militants de l’UNI, syndicat défendu en chœur par la droite et l’extrême droite à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Hanane Mansouri

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    C’est faux !

    M. Raphaël Arnault

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    Alors que des accusations diffamatoires d’antisémitisme s’abattent sur le mouvement étudiant qui soutient la Palestine, nous étions bien seuls à dénoncer ces insultes racistes, antisémites et islamophobes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR. – M. Vincent Jeanbrun s’exclame.)
    Mais plus grave encore, ce dimanche, une trentaine de fascistes ont attaqué violemment l’association culturelle des travailleurs immigrés de Turquie lors de la diffusion d’un film sur le fascisme.

    M. Hervé de Lépinau

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    Et La Jeune garde ? Fiché S !

    M. Raphaël Arnault

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    Après avoir laissé pour mort un jeune militant de la CGT, ils sont repartis en criant : « Paris est nazi ! », comme une signature qui nous rappelle le monde dans lequel les puissants tentent de nous entraîner. Comment ne pourraient-ils pas se sentir légitimes lorsque des médias et des responsables politiques tentent de justifier les saluts nazis d’Elon Musk ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Après l’attentat commis par un suprémaciste blanc, qui avait fait trois victimes kurdes dans le même quartier de Paris, votre prédécesseur, M. Darmanin, avait fait la promesse de protéger ceux et celles qui avaient combattu et repoussé Daech.
    Si notre confiance en ce gouvernement est proche de zéro, là, on touche le fond ! Pas une seule déclaration de votre part : après l’absence de réaction – volontaire – lors du meurtre à l’arme à feu du rugbyman Martin Aramburu, après l’abandon du maire de Saint-Brévin dont le domicile avait été incendié, nous connaissons trop bien l’histoire pour ne pas craindre la pente dangereuse sur laquelle la Macronie s’est engagée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
    Au slogan « Paris est nazi ! », nous répondons « Paris est antifasciste ! » et appelons à la mobilisation générale le samedi 22 mars, contre l’extrême droite et votre gouvernement qui lui ouvre la voie ! (Mêmes mouvements.)

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Allez, ça suffit !

    Mme Hanane Mansouri

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    On a compris !

    M. Raphaël Arnault

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    Monsieur Retailleau, vous osez pointer la responsabilité de la gauche mais sachez que nous sommes les héritiers de Missak Manouchian, et que nous nous tenons ici, devant la représentation nationale, fiers et dignes, de notre histoire et de nos combats… (Le temps de parole étant écoulé, la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP et M. Steevy Gustave se lèvent pour applaudir ce dernier. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    La République et ses représentants – préfets et forces de l’ordre – sont intraitables avec ceux qui propagent la violence. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous avez cité certains faits : les individus ont été interpellés.

    Mme Mathilde Panot

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    Vont-ils être condamnés ?

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Sachez que je n’ai aucune leçon à recevoir de quelqu’un qui a traité les membres des forces de l’ordre d’assassins en Nouvelle-Calédonie (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, EPR, DR, Dem, HOR, LIOT et UDR), qui les a accusées d’assassiner des Kanaks, et qui a accusé les forces de sécurité intérieure d’être les enfants de Pétain, après avoir été porte-parole de La Jeune garde. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Raphaël Arnault

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    N’importe quoi ! Ça n’a rien à voir !

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Répondez à la question !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Plusieurs plaintes ont été déposées. Je le répète, nous ferons preuve de la plus grande fermeté avec quiconque – d’extrême droite ou d’ultra gauche – commettra des crimes et des délits.

    Mme Sarah Legrain

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    Là, on parle de racisme !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Notre main ne tremblera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mmes Danielle Simonnet et Sandrine Rousseau s’exclament.)

    Corruption et trafic d’armes

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Aurélien Pradié.

    M. Aurélien Pradié

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    Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez déclaré vouloir faire la guerre aux consommateurs de drogue ; vous avez raison. Mais pour mener la guerre, dans les actes, et pas uniquement avec les mots, il faut s’attaquer aux fléaux profonds.
    Le premier fléau, c’est le trafic d’armes. Contrairement à ce que vous avez déclaré, les événements de Grenoble n’étaient pas inédits. Déjà, en mai dernier, Aubervilliers a connu une attaque à la grenade. À Nîmes, le 8 février, une crèche a été confinée pour se protéger d’une fusillade à l’arme de guerre en pleine rue. L’Europe et la France sont inondées d’armes provenant de Libye ou, désormais, du front ukrainien.
    La corruption est le second fléau : un agent des douanes, un surveillant de prison, un notaire, un préfet, un sous-préfet, une magistrate, un maire, l’argent de la drogue corrompt. Cette force corruptive est en passe de devenir plus puissante que l’organisation de notre État et de notre démocratie. Les narcotrafiquants incarnent un contre-modèle de société devenu puissant et attractif, celui du crime glorieux et de l’argent facile.

    M. Antoine Léaument

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    Il a raison.

    M. Aurélien Pradié

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    Les opérations Place nette sont dérisoires face à la gangrène que représentent les milliards d’euros du trafic de drogue. Sans une opération Mains propres, tous les plans de bataille sont voués à l’impuissance. Les fléaux sont sous nos yeux et rien ne les freine. Nous sommes dans une situation d’État failli.

    M. Antoine Léaument

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    Ce n’est pas faux…

    M. Aurélien Pradié

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    Nous connaissons désormais les slogans – nous les entendons souvent –, mais quel est votre plan de guerre concret contre la corruption et le trafic d’armes ? (Applaudissements parmi les députés non inscrits et sur quelques bancs des groupes DR et LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    L’utilisation à Grenoble d’une grenade à sous-munitions, libérant 3 000 petites billes destinées à blesser, est bien une première. Je partage cependant votre constat : nous sommes confrontés à un tsunami de poudre blanche. Nous devons attaquer l’hydre qu’est le crime organisé par tous les côtés, en visant en premier lieu sa colonne vertébrale, le trafic de stupéfiants, mais aussi le proxénétisme et le trafic d’armes.

    M. Antoine Léaument

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    Et que faites-vous contre le blanchiment ?

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Pour ce faire, une petite loi a déjà été votée à l’unanimité au Sénat. Elle prévoit une réorganisation inédite des services de l’État, avec la création d’un parquet national consacré au crime organisé, qui disposera d’une chaîne judiciaire spécialisée. Un état-major implanté à Nanterre permettra de réunir en un même lieu les services de sécurité des trois ministères concernés – les douanes pour Bercy, les services de renseignements et d’enquête.
    Ce nouvel arsenal facilitera la lutte contre le blanchiment et la corruption,…

    M. Antoine Léaument

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    …puisque nous donnerons de nouveaux pouvoirs aux préfets et que nous intensifierons les opérations de criblage et les enquêtes.

    M. Antoine Léaument

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    Ce n’est pas vrai non plus !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Nous nous inspirons de ce qui a été fait avec succès dans d’autres pays européens.
    Mais nous n’attendons pas le vote du texte pour agir – c’est pourquoi je me suis rendu à Grenoble. Nous déployons d’ores et déjà une stratégie globale, qui utilise l’ensemble de la palette pour s’attaquer en profondeur au crime organisé : une réponse judiciaire qui associe services de renseignement en amont et autorités judiciaires en aval pour démanteler les trafics en visant les individus ; une réponse sécuritaire qui repose sur la coopération entre la gendarmerie et la police nationale afin d’occuper l’espace public – fouilles de voitures, d’immeubles, de caves, y compris dans le cadre de la lutte contre le trafic d’armes – ; une réponse administrative qui permettra d’entraver et de casser l’écosystème du trafic de drogues et d’armes. C’est grâce à ces nouveaux outils et à cette réorganisation que nous le ferons reculer.

    M. Antoine Léaument

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    Nul !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Aurélien Pradié.

    M. Aurélien Pradié

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    À Grenoble, le trafic de drogue se poursuivait à quelques centaines de mètres de l’endroit où vous vous trouviez lors de votre déplacement. En vérité, la corruption et le trafic d’armes sont en train de gangrener notre nation. Pour gagner cette guerre, une loi ne suffira pas : il faudra une mobilisation générale. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et LIOT. – M. Raphaël Schellenberger applaudit également.)

    Nomination de M. Richard Ferrand au Conseil constitutionnel

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    La France a perdu cinq places dans le classement de Transparency International qui mesure l’indice de perception de la corruption. Le baromètre du Centre de recherches politiques de Sciences Po souligne le niveau alarmant de défiance ressenti par les Français envers leurs institutions.
    Il faut dire que, depuis 2022, quatre premiers ministres se sont affranchis du vote de confiance, que le 49.3 sur les retraites a laissé un goût amer, que les budgets ne sont pas votés par notre assemblée, qui ne peut même plus les débattre en séance. La dissolution, décision sidérante de vanité, n’aura même pas fait entendre raison au président de la République. Ni le gouvernement Barnier ni le vôtre, monsieur Bayrou, ne sont conformes au résultat des urnes. La gauche n’est-elle pas arrivée en tête des élections ?

    Plusieurs députés des groupes RN et UDR

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    Non !

    M. Jérémie Iordanoff

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    Le barrage républicain n’a-t-il pas eu lieu ? Il est beau, le renouveau démocratique – bravo !
    Pour couronner le tout, Emmanuel Macron propose de nommer Richard Ferrand à la présidence du Conseil constitutionnel.

    Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

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    Quelle honte !

    M. Jérémie Iordanoff

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    Macroniste de la première heure, secrétaire général du parti En Marche, ministre, président du groupe LaREM, c’est un obligé plus qu’un juriste. Son profil nous amène à nous interroger : à l’heure où certains, jusque dans les rangs de vos ministres, s’en prennent à l’État de droit, ce choix est-il bien prudent ? Compte tenu du contexte, n’eût-il pas été préférable de faire appel à une personnalité compétente et incontestée, afin de garantir l’indépendance d’une institution protectrice de nos droits et libertés et d’en préserver l’image ?
    Monsieur Bayrou, vous qui, si l’on en croit l’histoire de votre nomination, pouvez être si persuasif quand il s’agit de peser sur les décisions du président de la République, qu’avez-vous fait concrètement pour dissuader Emmanuel Macron de désigner M. Ferrand ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.) La démocratie n’intéresse-t-elle pas le président du Mouvement démocrate ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    M. Erwan Balanant

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    Pff, franchement !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

    M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

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    La démocratie pourra s’exprimer puisque la commission des lois devra décider demain matin si elle valide les candidatures présentées par le président de la République et la présidente de l’Assemblée nationale.
    Je souhaite apporter quelques arguments afin de nuancer votre propos. Ceux qui ont siégé avec lui savent que Richard Ferrand a démontré sa compétence lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale et qu’il a fallu sortir de la crise des gilets jaunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) Il a présidé l’Assemblée nationale durant la crise du covid, à un moment où il était nécessaire de maîtriser le cadre constitutionnel, légistique et réglementaire pour accompagner les Françaises et les Français qui vivaient cette période difficile.
    Les convictions politiques ne doivent empêcher personne d’occuper des fonctions d’intérêt général. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    M. Sylvain Maillard

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    Heureusement !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Un ancien président de l’Assemblée nationale et un président de la République peuvent être proches. Ce procès n’a été intenté ni au président Debré, ni au président Fabius. Une grande proximité peut engendrer une grande liberté. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Vous fermez les yeux sur la situation politique de notre pays, la fragilité de nos institutions, la défiance générale qui règne. Vous fragilisez encore davantage… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Quelques députés du groupe EcoS applaudissent ce dernier.)

    Vieillissement de la population

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Guillaume Florquin.

    M. Guillaume Florquin

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    En 2023, 2,6 millions de personnes âgées étaient en situation de dépendance. Elles seront 3,5 millions à l’horizon 2040, et plus de 1 million d’entre elles auront besoin d’accompagnement renforcé en raison d’une dépendance lourde. Ce vieillissement sans précédent représente un défi pour notre système de santé, les établissements médico-sociaux et l’équilibre des finances publiques.
    Pourtant, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ne prévoit aucune réforme d’ampleur afin d’anticiper ce défi démographique.
    Certes, une enveloppe supplémentaire de 200 millions d’euros pour les Ehpad a été votée, mais elle demeure insuffisante au regard des besoins. D’après un rapport d’information du Sénat, près de 80 % des Ehpad étaient déficitaires en 2024 : cette situation compromet l’accès à des soins dignes pour les plus fragiles.
    Dans le même temps, le virage domiciliaire peine à se concrétiser. Alors que la majorité des Français souhaitent vieillir chez eux, les services d’aide à domicile sont en crise. Sans un effort budgétaire significatif, le maintien à domicile risque de devenir un simple slogan vide de sens.
    Encore ce week-end, à Saint-Amand-les-Eaux, Anzin ou Maulde, plusieurs familles de ma circonscription confrontées à cette situation m’ont fait part de leur angoisse et de leurs difficultés. Ces personnes s’inquiètent pour leurs proches en perte d’autonomie et pour leur propre avenir. Les millions d’aidants qui portent à bout de bras un proche continuent d’être trop peu soutenus, l’allocation journalière du proche aidant étant inadaptée aux réalités des familles.
    L’ampleur du défi impose de prendre des mesures fortes : nous ne pouvons attendre que le mur démographique provoque une crise sociale et sanitaire majeure.
    Madame la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, compte tenu de l’ampleur du défi démographique et des difficultés croissantes du secteur, le gouvernement envisage-t-il de présenter une grande loi sur le vieillissement et sur l’autonomie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

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    Vous m’interpellez à propos d’un sujet crucial pour notre pays, celui du virage démographique. Ce bouleversement nous alerte d’autant plus que cette année marque le 80e anniversaire de la création de la sécurité sociale. En 1945, la sécurité sociale a été fondée sur le principe de la solidarité intergénérationnelle, les actifs soutenant le reste de la population. En 2025, la part des actifs dans la population a diminué, la population en âge de travailler se contracte et une part croissante de la population française est constituée de personnes âgées.
    Le professeur Vellas expliquait que la condition physique d’une personne âgée de 70 ans aujourd’hui est similaire à celle d’une personne âgée de 60 ans il y a dix ans : l’espérance de vie en bonne santé augmente. C’est une très bonne nouvelle pour les personnes concernées, mais elle ne doit pas nous faire oublier le sujet du financement.
    Pour être très concrète (« Ah » sur les bancs du groupe RN), le PLFSS pour 2025 consacre 42,6 milliards à l’autonomie, ce qui représente une augmentation de 300 millions, et non de 200 millions, comme vous l’avez dit en pointant que ce n’était pas une hausse d’ampleur. Nous devons ouvrir un débat sur le vieillissement – la loi « bien vieillir » a été évoquée sur tous les bancs. Il faut accompagner nos concitoyens qui souhaitent rester chez eux en leur fournissant des solutions dans leur bassin de vie. Vous avez parlé du répit, et vous avez raison. Il faut aussi évoquer l’évolution des Ehpad : ces établissements doivent-ils garder des lits pour des soins non programmés, ce qui permettrait d’accueillir en urgence des personnes âgées qui vivent normalement chez elles ? Voilà des débats que je souhaite ouvrir à présent que le PLFSS a été adopté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Xavier Breton applaudit également.)

    M. Théo Bernhardt

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    Aucune réponse !

    Assises de lutte contre l’antisémitisme

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Constance Le Grip.

    Mme Constance Le Grip

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    Nous ne saurions tolérer l’indifférence, le silence, la solitude et le sentiment d’abandon qui frappent nos compatriotes de confession juive – leur situation est alarmante. Ils sont confrontés à une explosion de l’antisémitisme dans notre pays, tout particulièrement depuis l’attaque du 7 octobre 2023 perpétrée par les terroristes islamistes du Hamas sur le sol israélien. Les chiffres sont là, implacables et intolérables : en 2023, les actes antisémites ont été multipliés par quatre. Cette tendance s’est malheureusement confirmée en 2024, puisque 1 570 actes antisémites ont été recensés, soit 130 actes par mois en moyenne. Quelle est la réalité de l’antisémitisme en 2024 ? Les actes ciblent principalement les personnes – on dénombre plus d’une centaine d’attaques physiques violentes, dont, faut-il le rappeler, le viol antisémite d’une fillette de 12 ans par de jeunes mineurs à Courbevoie.
    Face à cette hausse exponentielle de l’antisémitisme, madame la ministre déléguée chargée de la lutte contre les discriminations, vous avez relancé les assises de lutte contre l’antisémitisme, en organisant une grande réunion le jeudi 13 février. L’objectif est d’alerter sur ce poison pour la République qu’est l’antisémitisme en donnant la parole à des lycéens et à des étudiants. La recrudescence de l’antisémitisme dans les écoles et les universités de la République est en effet préoccupante. Le 13 février, nous nous remémorions aussi l’assassinat d’Ilan Halimi, torturé parce que juif. Pour la première fois, le prix Ilan Halimi a été remis à la présidence de la République en présence du chef de l’État, qui a prononcé un discours très engagé contre l’antisémitisme. Avec vous, madame la ministre, nous affirmons que « l’antisémitisme ne se discute pas, ne se débat pas : il se combat ». Il doit être combattu sous toutes ses formes, y compris sous ses formes prétendument renouvelées – je pense à la haine d’Israël, qui est toujours la même haine, celle du Juif.
    Quelles sont les mesures concrètes et les pistes de travail envisagées pour lutter ensemble efficacement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Nicolas Forissier applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

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    Je salue l’engagement qui est le vôtre notamment dans vos fonctions de présidente du groupe d’étude sur la lutte contre l’antisémitisme, et celui de toutes celles et tous ceux qui sont sincèrement impliqués dans ce combat. Le 13 février, Élisabeth Borne et moi étions au côté de ceux auxquels nous devions donner la parole – les jeunes, lycéens ou étudiants, qui subissent l’antisémitisme dans leur chair.
    Je voudrais partager quelques-uns des propos qu’ils entendent, des tags et inscriptions qu’ils voient, des messages qu’ils lisent sur les réseaux sociaux : « Sur le compte Instagram du lycée, le nom d’un camarade est apparu accompagné de ce message : Joseph, meurs en Israël, sale bâtard ! » ; « Sur mon campus, des tags, des inscriptions Nique les Juifs », le mot Hamas entouré d’un cœur, ou « Pisse sur Israël » dans les toilettes. » ; « Sur mon campus, c’est une étudiante interpellée parce que avec ses ongles et son nez, ça lui fait une tête feuj. »
    Voilà le quotidien de trop de nos enfants. Ce que nous n’acceptons pas pour nos propres enfants, aucun d’entre nous ne devrait l’accepter pour les enfants des autres. La lutte contre l’antisémitisme n’est donc pas d’abord l’affaire des Juifs français, mais celle de toute notre société, de notre République et de la démocratie.
    C’est pour cette raison que nous nous sommes donné deux mois pour travailler avec l’éducation nationale et l’enseignement supérieur – des enseignants, des recteurs, des présidents d’université –, afin de déterminer comment mieux sensibiliser, mieux former nos enseignants et signaler de manière systématique tous les actes antisémites.
    Nous devons également nous attacher à bien redéfinir l’antisémitisme car, vous l’avez dit, derrière la haine maladive, obsédante et décomplexée pour Israël, se cache clairement une nouvelle forme d’antisémitisme. Les faits sont là, et les signalements reçus confirment l’explosion des actes antisémites à l’université, en particulier pendant la campagne pour les élections européennes… suivez mon regard. (Mme la ministre désigne de la main les bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe RN. – M. Bernard Chaix applaudit également.)

    Légalisation du cannabis

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.

    Mme Sophie Ricourt Vaginay

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    Monsieur le premier ministre, en tant que chef du socle minoritaire, vous êtes politiquement responsable de vos députés. Hier, votre député macroniste Ludovic Mendès a remis, avec le député insoumis Antoine Léaument, un rapport qui prône la légalisation du cannabis et la dépénalisation de la cocaïne. Ce même député a par ailleurs déclaré sur Europe 1 consommer de la drogue.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est honteux ! Inacceptable !

    Mme Sophie Ricourt Vaginay

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    Ce rapport est criminel. Le narcotrafic tue, mais il faudrait le légaliser, malgré 350 homicides en 2023. Oui, le trafic de cannabis et de cocaïne tue, comme la consommation qui, quand elle ne tue pas, réduit les capacités cognitives, fabrique de la dépendance, entraîne des troubles psychotiques, des accidents cardiaques et des AVC.
    Légaliser la drogue, c’est abdiquer face aux mafias, déclencher une crise sanitaire qui tuera nos jeunes. Jamais la légalisation n’a fonctionné à l’étranger. Elle se solde en réalité par plus de consommateurs, plus d’addiction, plus de troubles psychiatriques. Ce n’est pas une solution, c’est un poison. Légaliser, ce n’est pas contrôler, c’est ouvrir la boîte de Pandore !
    La loi de la République, c’est l’interdiction des drogues, pas le « en même temps ». Monsieur le premier ministre, désavouez-vous votre député ? Allez-vous engager la procédure de l’article 40 au sujet de sa consommation avouée de drogue ?

    M. Fabien Di Filippo

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    Cela vous concerne aussi, madame la présidente ! On ne peut accepter ici un député qui a des pratiques illégales !

    Mme Sophie Ricourt Vaginay

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    Désapprouvez-vous son rapport écrit avec les Insoumis, dans la continuité de votre alliance législative ? Quel camp choisissez-vous ? Celui de la soumission ou celui de la fermeté ? À force de jouer avec la santé des Français, c’est votre crédibilité politique qui part en fumée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    Les députés qui siègent à l’Assemblée nationale sont libres de produire des rapports, et le gouvernement est libre de défendre une position radicalement contraire. Je le rappelle, devant François Bayrou, premier ministre de la France : nous sommes opposés à la légalisation du cannabis.

    Mme Élisa Martin

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    C’est une position qui marche drôlement bien, en effet !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Posons les termes du débat : nous cherchons, d’une part, à faire baisser la consommation, d’autre part, à lutter contre les trafiquants. Au regard de ces deux objectifs, la légalisation conduirait à une double défaite.

    M. Jean-François Coulomme

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    Comment font les Suisses, alors ?

    M. Ugo Bernalicis et Mme Élisa Martin

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    La pénalisation, ça ne marche pas !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    En ce qui concerne d’abord la consommation de drogue, les études de l’Inserm sont très précises ; elles indiquent qu’un adolescent de moins de 18 ans qui consomme régulièrement du cannabis voit augmenter de 30 % – c’est considérable – ses troubles psychiatriques. (Plusieurs députés du groupe RN désignent les membres du groupe LFI-NFP.)

    M. Ugo Bernalicis

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    On est d’accord, mais le sujet, c’est de savoir comment on fait baisser la consommation !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    En termes de santé publique – je parle sous le contrôle du ministre de la santé –, la légalisation, c’est la banalisation et l’instauration d’une passerelle vers les drogues dures.

    M. Hervé de Lépinau

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    Avec les deux, c’est fromage et dessert !

    M. Ugo Bernalicis

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    Et l’alcool ?

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Pour ce qui concerne ensuite la lutte contre le trafic, vous devez entendre que, dans les pays qui ont légalisé les circuits parallèles illégaux, rien n’a changé…

    M. Ugo Bernalicis, M. Jean-François Coulomme et Mme Élisa Martin

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    C’est faux !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    …et, si demain c’était le cas en France, vous verriez se former un marché noir du cannabis, proposant un taux de THC supérieur, pour un prix sans doute moindre. Au Canada, ce marché noir absorbe 40 % des ventes et, en Californie, plus de 50 %. Il suffit de prendre l’exemple de la cigarette : elle a beau être un produit légal, on assiste à une explosion de la contrebande, organisée par des trafiquants d’une extrême violence. Donc, la légalisation, c’est non ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    M. Fabien Di Filippo

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    M. Attal va-t-il garder dans son groupe un député qui se drogue ?

    Nomination de M. Richard Ferrand au Conseil constitutionnel

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard

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    Interdire le mariage de clandestins, c’est impossible ; suspendre le regroupement familial, c’est impossible ; sanctionner le franchissement illégal de nos frontières, c’est impossible ; maintenir en détention des terroristes encore dangereux à leur sortie de prison, c’est impossible ; expulser systématiquement les terroristes étrangers, c’est impossible. C’est impossible non pas parce que le peuple français en a décidé, non pas parce que les représentants du peuple que nous sommes ici l’ont décidé, mais parce que le Conseil constitutionnel l’a décidé.
    C’est une dérive, qui n’est pas conforme à l’esprit de notre démocratie. Rappelons-nous avec quelle clarté le général de Gaulle considérait qu’en France la véritable Cour suprême, c’est le peuple.
    La raison d’être de l’État de droit, c’est de protéger la démocratie, pas de la bloquer. L’État de droit n’a pas à protéger le délinquant plutôt que la victime. Le Conseil constitutionnel doit juger de nouveau en droit, et cesser d’être le bras armé juridique d’une idéologie de gauche faisant obstacle à la volonté majoritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
    C’est pourtant ce qu’il a fait lorsque Laurent Fabius a censuré trente-cinq articles de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Et c’est ce qu’il ferait sans nul doute demain, si Richard Ferrand était nommé à sa tête. C’est pour cela que la Droite républicaine, emmenée par Laurent Wauquiez, votera contre cette nomination.
    Monsieur le premier ministre, que comptez-vous faire, pour assurer aux Français que leur volonté majoritaire ne sera plus jamais censurée par un État de droit qui se serait dévoyé ? (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

    M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

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    D’aucuns, sur d’autres bancs de cet hémicycle, n’auraient pas nécessairement qualifié Richard Ferrand d’homme porteur de convictions de gauche.

    Mme Karine Lebon

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    De convictions tout court !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    S’il siège au Conseil constitutionnel, avec huit autres membres, son objectif sera de faire respecter la conformité à la Constitution des lois que le Parlement votera. Et le Parlement souverain, représentant le peuple, aura toute latitude, pour sa part, pour faire évoluer la Constitution, si un certain nombre d’avancées économiques, sociales, sociétales, sécuritaires, venaient à s’imposer.
    Je redirai avec la même nuance que tout à l’heure qu’un procès d’intention fondé sur la seule proximité politique ne vaut pas. Et au fond, vous en êtes la preuve. Vous appartenez à un groupe parlementaire qui fait partie du socle commun et qui soutient le gouvernement ; j’ai dit qu’une très grande proximité pouvait donner une très grande liberté : votre question en témoigne. Je souhaite simplement que cette liberté puisse parfois s’accompagner d’une certaine forme de solidarité. (Mme Béatrice Bellamy applaudit. – Murmures sur les bancs du groupe DR.)

    M. Hervé de Lépinau

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    Oh là là, quel rappel à l’ordre !

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Nadège Abomangoli.)

    Présidence de Mme Nadège Abomangoli
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    4. Égalité des chances pour l’accès à certaines écoles de service public

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Florence Herouin-Léautey et plusieurs de ses collègues visant à proroger le dispositif d’expérimentation favorisant l’égalité des chances pour l’accès à certaines écoles de service public (nos 763 rectifié, 912).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Florence Herouin-Léautey, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    Mme Florence Herouin-Léautey, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    La présente proposition de loi a un objet unique : proroger l’expérimentation du concours « talents » pour l’accès aux écoles de service public de la haute fonction publique. Ce dispositif a pris fin le 31 décembre dernier.
    Le concours « talents » a été institué par l’ordonnance du 3 mars 2021 favorisant l’égalité des chances pour l’accès à certaines écoles de service public. Il s’inscrit dans le cadre plus large du plan Talents du service public, qui répond à un constat implacable : la proportion d’élèves issus des catégories socioprofessionnelles les moins favorisées est encore trop faible dans les écoles de service public et, par conséquent, au sein de la haute fonction publique.
    Dans ce combat pour l’égalité des chances, nous pouvons compter sur l’engagement d’acteurs de terrain, tels que l’association La Cordée, qui œuvre au quotidien pour accompagner les étudiants vers la réussite. Plusieurs de ses membres sont présents dans les tribunes pour suivre nos débats ; je tiens à les remercier pour leur présence et pour leur engagement contre la reproduction sociale à l’œuvre dans notre pays.
    Le rapport Thiriez indiquait en 2020 que les enfants de cadres représentaient 70 % des promotions et que ce chiffre ne baissait pas depuis trente ans. Dans le même temps, les enfants d’ouvriers ne constituaient que 5 % des effectifs dans les écoles de la haute fonction publique, alors qu’ils représentaient près de 20 % de la population française.
    L’étude de France Stratégie « Entrer et progresser dans la fonction publique », publiée vendredi dernier, montre que même si l’origine sociale des cadres de la fonction publique est plus diversifiée que dans le secteur privé, la part des cadres d’origine populaire dans la fonction publique d’État a baissé entre 2005 et 2020, passant de 27 % à 24 %.
    Ces constats s’inscrivent dans une réalité plus large : la reproduction sociale atteint des niveaux particulièrement élevés en France. Selon le rapport de l’OCDE pour 2024, 80 % des enfants de parents diplômés de l’enseignement supérieur le sont également, contre seulement 25 % pour les enfants de parents non diplômés. Dès la petite enfance, les inégalités d’accès aux structures d’accueil marquent les parcours scolaires et professionnels. L’origine sociale, tout comme le genre, joue un rôle déterminant dans la réussite éducative et dans l’accès aux postes à responsabilité. En clair, la France est championne en matière de déterminisme social.
    Les écoles de service public ne jouent pas leur rôle d’ascenseur social. Au contraire, elles reproduisent et accentuent les inégalités scolaires. Pourtant, la fonction publique doit attirer à elle les jeunes qui souhaitent s’engager au service de l’intérêt général, quelle que soit leur origine sociale ou géographique.
    Les prépas « talents » accueillent des étudiants boursiers de l’enseignement supérieur parmi les plus talentueux pour les préparer aux concours de la fonction publique. À cet égard, je souligne, comme je l’ai fait en commission, que les bourses octroyées aux étudiants dans ce cadre sont essentielles à leur réussite. Or la bourse annuelle de 4 000 euros n’a pas été revalorisée depuis sa création, alors même que nous avons connu une inflation galopante ces dernières années.
    Les étudiants des prépas « talents » peuvent, dans les quatre années qui suivent, s’inscrire au concours « talents » institué par l’ordonnance de 2021 pour accéder aux cinq écoles de la haute fonction publique, qui est en tout point identique au concours externe : même programme, mêmes épreuves, même jury. Il existe actuellement pour l’accès à cinq écoles de service public : l’INSP, l’Institut national du service public, l’Inet, l’Institut national des études territoriales, l’EHESP, l’École des hautes études en santé publique, l’ENSP, l’École nationale supérieure de police, l’Enap, l’École nationale d’administration pénitentiaire. Le nombre de places offertes oscille entre 10 % et 15 % du nombre de places offertes au concours externe.
    L’expérimentation a pris fin le 31 décembre dernier. Un rapport d’évaluation devait être remis au Parlement avant le 30 juin 2024, mais je déplore qu’il n’ait pas été remis dans les délais prévus. Un rapport partiel a été officiellement transmis au Parlement vendredi dernier, après l’examen du texte en commission, et ses données permettent de casser quelques préjugés. Le concours « talents » n’a rien d’un concours au rabais. Au contraire, la moyenne ainsi que les seuils d’admissibilité et d’admission sont similaires à ceux du concours externe classique. Il est la preuve que lorsque nous nous donnons les moyens de lever les déterminismes sociaux, chaque enfant de la République peut pleinement démontrer son potentiel et contribuer au fonctionnement de notre pays.
    Évidemment, ce dispositif ne saurait à lui seul stopper les mécanismes de reproduction sociale profondément ancrés dans notre système éducatif et professionnel. Il apporte néanmoins une pierre à l’édifice d’un modèle plus juste et plus inclusif. Il s’agit non seulement de diversifier le recrutement dans la haute fonction publique, mais aussi d’ouvrir des perspectives à des talents qui, sans ce type de mesures, s’autocensurent.
    Le temps presse. Pendant que nous débattons, les dates de concours approchent et les étudiants sont toujours dans l’incertitude malgré les arrêtés pris en 2024. Certaines écoles ont fait le choix d’ouvrir, à compter du 1er janvier 2025, un concours « talents », sous réserve des dispositions législatives et réglementaires nécessaires. D’autres écoles, telles que l’Enap, n’ont malheureusement pas pris ce risque juridique. Il est de notre responsabilité de sécuriser les étudiants et les écoles.
    Compte tenu de cette urgence, la commission des lois a apporté quelques modifications à la proposition de loi initiale.
    D’abord, afin de tirer un bilan, la commission a fait le choix de proroger l’expérimentation de trois années supplémentaires, jusqu’au 31 août 2028. Par conséquent, elle a repoussé la date de remise du rapport d’évaluation au 31 mars 2028. Avant de décider d’une pérennisation du dispositif, il est en effet essentiel de s’appuyer sur une évaluation complète, sur le long terme, du concours « talents », ainsi que des prépas « talents ». En 2028, nous aurons suffisamment de recul pour réaliser ce bilan, qui permettra de s’intéresser, au-delà de leur seule réussite au concours, à la carrière des élèves issus des prépas « talents » grâce à un véritable suivi de cohorte.
    Outre ces modifications de calendrier, la commission des lois a adopté plusieurs amendements visant à sécuriser juridiquement l’organisation des concours « talents », en particulier ceux qui se déroulent dès 2025. Pour ce faire, nous avons remplacé, à l’article 1er de l’ordonnance du 3 mars 2021, le terme de concours « organisé » par celui de concours « ouvert », afin de sécuriser juridiquement les concours dont l’arrêté d’ouverture aurait été pris en 2024.
    Toujours pour en sécuriser l’organisation, nous avons adopté une entrée en vigueur rétroactive de certaines dispositions de l’article 1er au 1er août 2024.
    Nous avons également expressément ratifié l’ordonnance du 3 mars 2021, afin d’inscrire ses dispositions dans la loi ; dès lors, elles ne pourront plus être contestées devant le Conseil d’État.
    Enfin, la commission des lois a adopté deux amendements afin d’étendre l’expérimentation du concours « talents » à certains corps d’ingénieurs, traduisant ainsi les annonces faites le 16 janvier par le ministre Laurent Marcangeli.
    L’objet de ce texte est, non de prévoir les modalités de pérennisation du concours « talents », mais de proroger l’existant jusqu’en 2028, afin que nous disposions de suffisamment de recul et d’éléments objectivés. Je déplore que la prorogation de l’expérimentation n’ait pas été soutenue par le gouvernement précédent. Je remercie le ministre Marcangeli d’avoir inscrit l’examen de ma proposition de loi dans une semaine du gouvernement et d’avoir engagé la procédure accélérée.
    Je le répète : le temps presse. Il est indispensable que nous aboutissions à une adoption conforme. Pour disposer de données stables, afin d’évaluer le dispositif sur le long terme, il n’est pas opportun de modifier les paramètres de l’expérimentation.
    Je formule le vœu que ce texte consensuel soit rapidement adopté par le Parlement grâce à la procédure accélérée, puis promulgué, afin de sécuriser les étudiants inscrits au concours « talents ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification.

    M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification

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    Je suis heureux que nous nous réunissions pour parler de la prolongation du concours « talents ». Dès ma prise de fonction, à l’occasion d’un déplacement à Strasbourg, j’ai pu préciser la position du gouvernement et du ministère que j’occupe sur le sujet.
    Cette proposition de loi n’est pas qu’un texte technique ou la simple prolongation d’un dispositif ; elle relève d’un enjeu bien plus important : la manière dont un État qui se veut fort recrute les meilleurs de ses agents publics.
    Je suis venu vous parler de ma conception de l’attractivité de la fonction publique et d’un concept qui me tient particulièrement à cœur, la méritocratie républicaine : le droit pour chacun, peu importe d’où il vient, d’aspirer aux plus grandes responsabilités dans notre pays. C’est un combat auquel contribue le concours « talents ».
    Nous sommes nombreux à partager cette conviction, sur tous les bancs de l’hémicycle. J’en veux pour preuve les nombreux et fructueux échanges que les députés de tous les groupes ont eus en commission des lois en vue d’enrichir le texte.
    J’en veux aussi pour preuve le courrier transpartisan que m’ont adressé de nombreux députés à mon arrivée au ministère, me demandant de prolonger en urgence le dispositif.
    C’est en réponse à l’urgence de la situation que le gouvernement a choisi de soutenir ce texte en l’inscrivant en priorité sur le temps gouvernemental et en déclenchant la procédure accélérée. Mme la rapporteure l’a dit : le temps nous est compté.
    Pour attirer les talents, il faut aller les chercher partout où ils se trouvent, dans tous les territoires et dans tous les milieux. C’est la condition sine qua non d’une administration plus diversifiée, plus proche du terrain, plus compétente, donc plus conforme aux aspirations des usagers et reconnue par eux.
    C’est dans cet état d’esprit que le gouvernement a, par l’ordonnance du 3 mars 2021, créé à titre expérimental le concours « talents ». Ce dispositif s’inscrit dans le cadre du plan Talents du service public et donne à des jeunes issus de milieux modestes la chance d’intégrer la haute fonction publique. Il a pour objectif de relancer l’ascenseur social et de favoriser la diversité à la fois académique, géographique et sociale afin d’avoir une fonction publique plus représentative de la société.
    Le concours externe dit talents accorde, dans le cadre de six concours différents, un nombre de places supplémentaires pour l’accès à cinq écoles de service public – parmi elles, l’INSP, dédiée aux administrateurs de l’État et que tout le monde connaît, mais n’oublions pas les autres écoles qui forment les talents de la fonction publique de demain : l’Inet, pour les administrateurs territoriaux, l’EHESP, pour les directeurs d’hôpitaux et d’établissements sanitaire et social, l’ENSP, pour les commissaires de police, et l’Enap, pour les directeurs de l’administration pénitentiaire.
    Le concours « talents » n’est accessible qu’aux étudiants boursiers qui ont suivi une prépa « talents ». Nous dénombrions 103 prépas « talents » pour 1 950 places et 1 525 élèves accueillis en septembre 2024, alors que nous ne comptions que 74 classes de ce genre en 2021 !
    Ce dispositif est profondément méritocratique et offre une chance à des jeunes éloignés des carrières de fonctionnaires. Toutefois, son expérimentation, lancée en 2021, a pris fin en 2024. Le rapport, attendu au mois de juin, n’a malheureusement pas pu être remis au Parlement en temps et en heure, du fait du contexte politique. Au nom du gouvernement, j’ai tenu à ce qu’il vous parvienne avant l’examen en séance publique. Il a été transmis avant l’examen du texte en commission aux services compétents et le 14 février aux membres du Parlement.
    D’après ce document, le dispositif dans son ensemble présente des résultats plutôt encourageants, mais l’absence de certaines données ne permet pas d’établir des conclusions définitives à l’issue de la première phase d’expérimentation. Nous pouvons toutefois en tirer quelques enseignements.
    D’abord, s’il est évidemment délicat de conclure que le dispositif permet à lui seul d’améliorer l’égalité des chances dans l’accès à la fonction publique, il contribue, sans l’ombre d’un doute, à la diversification de l’origine géographique des lauréats. J’ajoute qu’un certain nombre de candidats, après avoir suivi une prépa « talents », ne s’inscrivent parfois pas aux concours des cinq écoles ou y échouent. Toutefois, ils sont très souvent lauréats d’autres concours de la fonction publique et, en définitive, réussissent leur insertion dans le monde professionnel. Pour cette raison, j’affirme que nous sommes d’ores et déjà à peu près certains que le dispositif répond aux enjeux d’attractivité auxquels nous sommes confrontés.
    Ensuite, la durée de l’expérimentation – trois ans – est trop courte pour nous permettre d’en tirer des leçons précises. Toute action sur des parcours de formation inscrits dans des filières et des métiers du service public nécessite du recul et un temps d’infusion que cette première expérimentation n’a pas complètement offerts. Par conséquent, je soutiens la prolongation de l’expérimentation des parcours « talents » jusqu’en 2028 : elle nous permettra de disposer de données sur plusieurs années et d’un vrai bilan. Je salue le travail de Mme la rapporteure, qui a déposé sa proposition de loi en décembre dernier et nous permet d’examiner un texte législatif prêt à l’emploi.
    Dans cette course contre la montre, nous devons partir vite et ensuite accélérer. Je souhaite que ce texte fasse consensus et soit adopté rapidement, idéalement de manière conforme. C’est un impératif pour sécuriser les places réservées dans les concours de cette année. En effet, certains concours « talents » ont été ouverts par arrêtés en 2024. C’est notamment le cas des concours de l’INSP, de l’Inet et de commissaire de police, dont les épreuves ont déjà commencé ou sont imminentes. Les modifications apportées en commission pour sécuriser juridiquement les places ouvertes dans ces concours sont les bienvenues, mais, au-delà de cette considération juridique, la proposition de loi permettra de rassurer les élèves qui s’apprêtent à passer des concours exigeants. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR, ainsi que sur les bancs des commissions.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.

    Mme Sophie Ricourt Vaginay

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    L’égalité républicaine n’est ni un idéal inaccessible ni une simple incantation : elle est le socle de notre pacte social et garantit à chacun, sans distinction d’origine ou de condition, la possibilité de s’élever par son travail et son mérite. C’est sur ce principe que repose notre modèle républicain et c’est lui que nous sommes aujourd’hui appelés à interroger.
    Le concours « talents », issu de l’ordonnance du 3 mars 2021, prétend œuvrer en faveur de l’égalité des chances. Louable en apparence, il s’inscrit pourtant dans une logique qui est non celle de l’excellence républicaine, mais celle d’une discrimination positive qui dévoie la méritocratie.
    La présente proposition de loi, défendue par la gauche, vise à prolonger jusqu’en 2028 une expérimentation qui a pourtant pris fin le 31 décembre dernier. N’est-ce pas là encore une mesure d’affichage de la gauche,…

    M. Emmanuel Duplessy

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    Qui est au gouvernement ?

    Mme Sophie Ricourt Vaginay

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    …un artifice politique masquant l’absence de réforme structurelle et de vision à long terme pour notre système éducatif ?

    M. Emmanuel Duplessy

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    C’est toujours la faute de la gauche !

    Mme Sophie Ricourt Vaginay

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    Le rapport d’évaluation de ce dispositif, transmis en urgence le 13 février dernier, affiche des résultats pour le moins contrastés. Certes, le nombre de candidats issus de milieux modestes a augmenté, mais le taux d’admission varie fortement, entre 4 % et 33 %, selon les écoles et les années. Où est l’équité ? Où est l’uniformité des résultats ? Pire encore, la collecte de données a été lacunaire, ce qui a empêché toute analyse rigoureuse. Comment prétendre que l’expérimentation est un succès, alors même que ses effets réels restent flous ?
    L’échec des conventions éducation prioritaire – CEP – à Sciences Po en est une illustration parfaite. Instaurées en 2001, elles devaient permettre à des élèves issus de lycées classés en zone d’éducation prioritaire de contourner le concours d’entrée classique. Après vingt ans d’expérimentation, leurs résultats furent décevants.

    Mme Florence Herouin-Léautey, rapporteure

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    Dites-le aux étudiants qui passent les concours !

    Mme Sophie Ricourt Vaginay

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    Par effet d’aubaine, elles ont plus profité aux élèves issus des classes moyennes qu’aux plus défavorisés. Les difficultés académiques rencontrées par les étudiants concernés ont parfois provoqué leur stigmatisation plutôt que leur intégration. Enfin, leur insertion dans la haute administration, objectif initial du dispositif, est restée très faible.
    C’est pour ces raisons que Sciences Po a abandonné les CEP en 2021, en supprimant le concours d’entrée associé et en imposant une sélection sur dossier et entretien, ce qui revenait à reconnaître implicitement l’échec d’une discrimination positive mal calibrée.
    La véritable égalité des chances ne s’obtient pas par des quotas déguisés ou par des voies spécifiques, mais par un enseignement exigeant et de qualité, garantissant à chaque élève les mêmes armes pour réussir, où qu’il réside dans le territoire. Or la France connaît aujourd’hui une régression scolaire !
    Le dernier classement Pisa – Programme international pour le suivi des acquis des élèves – est sans appel : notre pays occupe la vingt-troisième place, proche de celles de la Hongrie et la Lituanie, et les résultats sont alarmants. Le déclin du niveau scolaire, perceptible notamment en mathématiques et en lecture, témoigne d’un affaissement progressif de l’exigence éducative. Le creusement du fossé des inégalités scolaires, conséquence directe des politiques menées, accentue la fracture séparant élèves les plus favorisés et laissés pour compte. Enfin, le relâchement des exigences pédagogiques affaiblit la transmission des savoirs fondamentaux et érode chaque jour un peu plus les fondations intellectuelles de notre jeunesse.
    Devons-nous persévérer à prendre des mesures qui nous évitent de nous confronter à la faillite de notre système éducatif au lieu de nous permettre de le redresser ?
    La méritocratie républicaine repose sur l’effort, le travail et la rigueur ; elle ne s’impose pas par un simple décret, elle se construit dès l’école, par l’exigence et la transmission des savoirs. La discrimination positive fragilise ce principe fondamental et instille un doute sur la légitimité de ses bénéficiaires, enferme ceux qu’elle prétend aider dans une logique d’exception et, in fine, produit plus d’inégalités qu’elle n’en corrige.
    Pour ces raisons et avec responsabilité, l’UDR votera contre cette prorogation et invite l’Assemblée à refuser cette fausse réponse à une vraie question. Notre République mérite mieux qu’un nivellement par le bas : elle doit retrouver le chemin de l’excellence pour tous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme Claudia Rouaux

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    En ne faisant rien ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bryan Masson.

    M. Bryan Masson

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    Oui, l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 prévoit l’égal accès aux emplois publics. Oui, l’État se doit d’ouvrir les portes de son administration à tous les profils, indépendamment de leur classe sociale. Oui, la haute fonction publique et l’administration souffrent dans notre pays, depuis de nombreuses années, d’un manque de diversité qui favorise la reproduction des mêmes profils bureaucratiques. Aussi le groupe Rassemblement national n’est-il aucunement opposé à une diversification des profils des candidats afin de permettre à tous ceux qui le méritent, et qui sont donc le plus à même de servir la France, d’accéder aux emplois de la haute fonction publique.
    Cependant, l’expérimentation prévue par l’ordonnance de 2021, que la présente proposition de loi souhaite prolonger, ne s’inscrit pas dans cette logique. En effet, cette ordonnance a créé un concours externe spécial, assorti d’un quota de places réservées à des étudiants sélectionnés sur des critères sociaux et ayant suivi une prépa « talents ».
    Si permettre aux étudiants qui n’en ont pas les moyens de préparer au mieux les concours de la fonction publique est bien sûr un devoir, leur donner accès aux plus hautes sphères de l’administration par des concours spécifiques, plus accessibles, est de nature à rompre l’égalité d’accès aux emplois publics, au détriment de tous les Français.
    À la suite de nos demandes, le ministre Marcangeli nous a rapidement remis, entre l’examen du texte en commission et son examen en séance, un rapport sur l’efficacité du dispositif. Nous l’en remercions.
    Ce rapport souligne que « l’absence de certaines données à l’issue de cette première phase d’expérimentation ne […] permet pas d’émettre des conclusions définitives ». L’efficacité du dispositif n’ayant pu être mesurée, le groupe Rassemblement national ne voit pas, ni sur le fond ni sur la forme, l’intérêt d’en voter la prorogation.
    Favoriser l’accès à la haute fonction publique des personnes issues des classes populaires par une voie aidée risque de délégitimer leur présence au sein des grandes écoles. La discrimination positive ne doit en aucun cas devenir, en France, un modèle de référence.
    La diversité sociale au sein des grandes écoles passe en premier lieu par un retour à un système éducatif performant, qui offre les mêmes chances à chacun, quelle que soit son origine. La seule et unique boussole qui doit guider le recrutement au sein de l’administration est la méritocratie. Le mérite et le travail sont les seules valeurs qui doivent nous conduire à plus d’égalité. Il revient à l’école républicaine d’être le moteur de la réussite des étudiants et de garantir le bon fonctionnement de l’ascenseur social. Seule une refonte de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur fondée sur le mérite pourra mettre fin à l’entre-soi.
    Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement national s’opposera à cette proposition de loi qui ne réglera en rien les problèmes liés à l’intégration de nouveaux étudiants au sein des grandes écoles. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pauline Levasseur.

    Mme Pauline Levasseur

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    Je souhaite tout d’abord saluer le travail de la commission des lois et, plus particulièrement, celui de notre collègue Florence Herouin-Léautey, qui présente cette proposition de loi visant à proroger l’expérimentation lancée en 2021 par le gouvernement Castex.
    Ce texte a trouvé un écho au-delà des clivages partisans et je suis heureuse qu’il ait franchi l’étape importante de son passage en commission. À n’en pas douter, il constitue une avancée majeure pour la fonction publique et, plus largement, en direction de l’égalité des chances au sein de notre société.
    Comme toujours, tout progrès est un combat et, malheureusement, La France insoumise et le Rassemblement national ont préféré s’unir une fois de plus pour s’opposer au texte. Ils ont choisi de se liguer contre un dispositif qui offre concrètement de nouvelles chances, sans même chercher à le perfectionner.
    Heureusement, en commission, un travail approfondi a permis de faire évoluer positivement la proposition de loi. Initialement conçu pour n’être plus applicable après le 31 décembre 2024, le programme « talents » a été prorogé jusqu’au 31 août 2028. C’est une excellente nouvelle : cette prorogation garantit non seulement la pérennité du dispositif, mais aussi sa capacité à répondre pendant plusieurs années aux besoins des élèves. Elle est essentielle pour lui assurer une stabilité et faire en sorte qu’il profite aux générations futures.
    Autre évolution majeure : l’extension des prépas « talents » aux écoles de spécialité des grands corps techniques. Cette décision offrira de nouvelles perspectives aux élèves de ces classes, notamment dans des secteurs clés comme celui de l’ingénierie, des métiers techniques et de la défense nationale. En effet, le concours « talents » s’étendra désormais aux grandes écoles de formation des ingénieurs des mines, des ponts et chaussées, des eaux et forêts, ainsi qu’aux administrateurs de l’Insee et aux ingénieurs de l’armement, sous statut militaire. Cette mesure, cruciale, permettra à des élèves issus de milieux modestes d’intégrer eux aussi ces filières prestigieuses et techniques, où la diversité est encore peu présente.
    Un autre amendement important a été adopté en commission, en vue de préciser que le dispositif des prépas « talents » sera appliqué aux concours ouverts à partir du 1er août 2024, de manière rétroactive. Cela signifie que tous les élèves qui intégreront le programme dès son ouverture pourront bénéficier des avantages du dispositif, dont l’impact sera ainsi renforcé.
    Ces ajustements montrent à quel point la concertation et l’écoute sont fondamentales. En rassemblant nos forces, nous avons élargi le champ d’application du texte et l’avons rendu encore plus inclusif. Le travail en commission a posé de solides fondations ; il nous appartient désormais de veiller à ce que ces dispositions se concrétisent en les soutenant et en les adoptant.
    La prépa « talents » n’est pas seulement un programme d’accompagnement, elle est un véritable levier de transformation sociale. Elle permet à des jeunes d’autres origines sociales de bénéficier des mêmes possibilités que celles offertes aux jeunes issus des milieux les plus favorisés. Ce programme n’est pas un privilège, il répond au droit pour chaque élève talentueux d’intégrer la fonction publique en vue de servir l’État et de contribuer à la richesse et à la diversité de nos institutions.
    C’est pourquoi je suis convaincue qu’il doit être maintenu et étendu. Nous avons là une chance de construire une société plus juste, où chaque talent, quelle que soit son origine sociale ou familiale, peut s’épanouir et participer à la société et à la nation.
    L’égalité des chances n’est pas un slogan ni une promesse en l’air ; c’est un combat au quotidien, qui ne se limite pas à une législation ponctuelle – même si ce texte en est une composante fondamentale. Il relève d’un engagement profond à changer la société, à offrir à chaque jeune la possibilité de réussir et à faire en sorte que la fonction publique reflète réellement la diversité du pays. Merci à toutes et à tous d’œuvrer en ce sens. (M. Florent Boudié, président de la commission des lois, applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Claudia Rouaux.

    Mme Claudia Rouaux

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    « Tous les citoyens sont […] admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » Cet idéal républicain, inscrit à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, doit guider notre action. Quel fossé entre ce principe et la réalité de nos élites !
    Les enfants d’ouvriers représentent près de 20 % de la population active, mais seulement 5 % des effectifs des écoles de la haute fonction publique. En 2019, 73 % des élèves de l’ENA, l’École nationale d’administration, avaient un père exerçant une profession intellectuelle supérieure ; aucun n’était enfant d’ouvrier.
    L’État a besoin de tous les talents, d’où qu’ils viennent. Il faut permettre à tous de devenir les personnes qui le font : administrateurs civils et territoriaux, directeurs d’hôpitaux, commissaires de police. Une haute fonction publique diversifiée est un gage de réussite de l’action publique. La diversité la prémunit contre le conformisme et la pensée unique ; elle l’enrichit des expériences de vie de celles et ceux qui la composent.
    Le concours « talents », créé par l’ordonnance du 3 mars 2021, est une voie d’accès à la haute fonction publique destinée à des étudiants moins favorisés mais tout aussi excellents que leurs camarades. Entre 10 % et 15 % des places des concours externes de cinq grandes écoles de service public leur sont réservées. Ce dispositif, qui a permis de renforcer l’attractivité et l’excellence de la haute fonction publique, a pris fin le 31 décembre 2024, par la volonté d’un ministre peu attaché à l’excellence républicaine – je ne parle pas de vous, monsieur le ministre. Cela a placé les candidats, dont certains avaient déjà commencé à préparer les concours de l’année 2025, dans une situation d’incertitude.
    C’est pourquoi je salue l’initiative de ma collègue Florence Herouin-Léautey (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC)

    M. Mickaël Bouloux

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    Bravo !

    Mme Claudia Rouaux

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    …et remercie l’ensemble des députés qui, dans un esprit transpartisan, proposent de prolonger le concours « talents » jusqu’en 2028. Dans cette mobilisation politique et parlementaire, nous avons pu compter sur des acteurs engagés pour la réussite de toutes et de tous – je pense notamment aux membres de l’association La Cordée, dont certains sont présents dans les tribunes –, ainsi que sur l’implication locale des jeunes. Dans ma circonscription, l’association De l’Ille-et-Vilaine aux grandes écoles aide les lycéens à découvrir des études prestigieuses et à y accéder. Je les remercie également.
    La proposition de loi ne coûte rien : les jurys, les programmes et les épreuves sont les mêmes que ceux des concours externes et les places réservées au concours « talents » ne s’ajoutent pas aux autres. Les socialistes ne sont pas dupes : le système scolaire français, en particulier en matière de formation des élites, reste l’un des plus inégalitaire de l’OCDE. Le chemin qu’il reste à faire est encore long, mais chaque avancée est bonne à prendre et ce texte marque une avancée.
    Sans réserve, le groupe socialiste votera pour la proposition de loi et nous appelons tous les députés à en faire autant. Il est de notre devoir de garantir l’égalité des chances et de permettre à tous les talents de la République de contribuer aux plus hautes fonctions de l’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émilie Bonnivard.

    Mme Émilie Bonnivard

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    L’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen affirme que tous les citoyens étant égaux aux yeux de la loi, ils « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Qu’en est-il de l’application concrète de ce principe fondamental dans notre société, notamment s’agissant de l’accès aux plus hauts postes de la fonction publique, qui, à bien des égards, devrait tendre vers l’idéal républicain ?
    Alors que les ouvriers représentent 20 % de la population française, en 2019, seulement 1 % des élèves de l’ENA avaient un père ouvrier, alors que pas moins de 73 % d’entre eux avaient un père exerçant une profession intellectuelle supérieure : CQFD. Malheureusement, sans décision politique qui la corrige, la reproduction des inégalités sociales est un mouvement inéluctable.
    La proposition de loi de notre collègue socialiste Herouin-Léautey, soutenue par M. le ministre, proroge l’expérimentation du concours externe et des prépas « talents » jusqu’au 31 août 2028. Ce dispositif, instauré en 2021, vise à favoriser l’accès des étudiants issus de milieux modestes à cinq grandes écoles du service public, parmi lesquelles l’INSP – anciennement ENA –, en leur réservant 10 % à 15 % des places aux concours externes.
    Pourquoi devons-nous adopter ce texte ? D’abord, on ne peut pas se passer d’un outil qui renforce la méritocratie républicaine et la mixité – sociale, mais aussi celle des parcours et des origines – dans l’accès aux postes à responsabilités de la haute fonction publique. Ensuite, une plus grande représentativité de la société française parmi les détenteurs de ces postes est saine : elle enrichit les actions menées et en renforce l’efficacité. Enfin, il est indispensable de tendre la main aux élèves méritants, plus encore à ceux qui ont la volonté et la capacité de se réaliser alors qu’ils viennent de milieux défavorisés sur le plan sociologique et sont éloignés du point de vue économique de ce que l’on nomme communément les élites. L’excellence de ces jeunes excède l’élitisme : nous devons l’encourager et la promouvoir.
    Le groupe Droite républicaine votera pour la prorogation de l’expérimentation. Nous appelons toutefois votre attention sur deux points.
    Premièrement, il est essentiel que les 10 % à 15 % de places réservées aux concours externes à ces élèves s’ajoutent aux effectifs prévus. Le fait de faciliter l’accès aux concours des plus modestes ne doit pas entraîner une autre injustice, qui priverait d’autres élèves méritants, de classe moyenne par exemple, d’accès à la réussite. J’espère que nous serons rassurés sur ce point qui est cher à la Droite républicaine : c’est bien tous les élèves méritants que nous devons soutenir dans leurs parcours, quel que soit leur milieu. En effet, si les autres élèves, par exemple de classe moyenne, héritent d’une condition un peu plus favorisée, ils n’ont pas à être désavantagés de ce fait.
    Deuxièmement, l’exigence de compétence est impérative. Le concours doit être de même niveau pour tous – nous ne voulons pas de concours au rabais – ; tel est le cas aujourd’hui, et il est essentiel que cela perdure.
    Enfin, chers collègues du RN et de LFI, vous vous êtes prononcés contre ce texte en commission. Il est ironique que les deux partis qui disent défendre les classes populaires refusent de favoriser l’accès de jeunes issus des milieux les plus modestes aux plus hautes fonctions de l’État. J’ai bien lu et compris vos arguments. Ils ne résistent en rien au principe de réalité ; ce sont des arguments de posture.

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous allez voter pour nos amendements, alors ? C’est une bonne nouvelle !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Je suis fière que des jeunes issus de milieux ruraux et de zones urbaines défavorisées, qui, sans ce texte, n’auraient jamais eu accès à de tels concours, y réussissent, pas dans l’hypothétique futur idéal que vous appelez de vos vœux et qu’ils ne connaîtront jamais, mais dès demain. Je suis fière que notre pays bénéficie de leurs compétences ainsi que de la singularité et de la beauté de leur parcours.
    Si l’on ne fait rien parce qu’on attend l’idéal d’une école parfaite et la fin des inégalités sociales, il ne se passe rien. Transposons le raisonnement à l’hémicycle : sans les lois dites de parité, il n’y aurait pas autant de femmes ici et je ne serais certainement pas à la tribune. C’est parce que la loi a imposé aux partis des candidatures féminines aux élections que la classe politique compte plus de femmes qu’il y a vingt ans – et je n’ai pas l’impression d’être moins méritante que mes collègues masculins. La loi a simplement ouvert une porte. La société dans son mouvement naturel aurait certainement mis des décennies à modifier cet état de fait.
    Nous formulons la même exigence : permettre à des jeunes méritants, motivés et compétents issus de milieux modestes de modifier le visage de la haute fonction publique et d’y insuffler de l’égalité réelle, au bénéfice de la nation. La Droite républicaine votera pour la prorogation de l’expérimentation.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Duplessy.

    M. Emmanuel Duplessy

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    Tout d’abord, je salue l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de loi visant à proroger le dispositif d’expérimentation favorisant l’égalité des chances pour l’accès à certaines écoles de service public : elle remédie à une défaillance volontaire, qui dure depuis plusieurs mois. Des centaines d’élèves concernés par les prépas « talents » se trouvaient en effet dans l’incertitude, ne sachant s’ils pourraient passer les concours de la haute fonction publique qu’ils préparent avec beaucoup d’efforts depuis de longs mois : en effet, le précédent ministre chargé de la fonction publique ne souhaitait pas proroger ce dispositif.
    Si ce texte est le bienvenu, je tiens toutefois à rappeler quelques faits qui méritent qu’on y passe du temps compte tenu des discussions que nous avons eues en commission et des propos tenus par certains orateurs au cours de cette discussion générale.
    Bien que la devise Liberté, Égalité, Fraternité soit apposée sur la façade des écoles, la France d’aujourd’hui est trop souvent le pays non de l’égalité, mais de l’inégalité des chances. Il faut six générations pour sortir de la pauvreté. Parmi les pays de l’OCDE, seule la Hongrie montre plus de déterminisme social que la France.
    Dès le plus jeune âge, les inégalités entre les enfants sont marquées. En CE1, seulement 28 % des élèves des écoles des territoires défavorisés ont un niveau satisfaisant en mathématiques, contre 50 % en moyenne ; seulement 47 % des premiers ont une bonne compréhension des mots à l’oral, contre 80 % en moyenne.
    Les inégalités se creusent durant la scolarité secondaire. Les enfants des classes populaires représentent la moitié des effectifs au collège, mais plus de 80 % des élèves de Segpa, la section d’enseignement général et professionnel adapté, alors que celle-ci ne compte que 2 % d’enfants de cadres supérieurs. Les enfants d’ouvriers et ceux de cadres supérieurs sont en même proportion au collège mais, à résultats scolaires équivalents, les premiers sont plus souvent orientés vers l’enseignement professionnel que les seconds.
    Dans ma circonscription, les élèves issus des quartiers populaires d’Orléans ou de petites villes rurales comme Meung-sur-Loire ou Patay ne disposent pas des mêmes chances de réussite que les élèves privilégiés des beaux quartiers parisiens. L’idée même de faire des études supérieures leur paraît fantaisiste tant les mécanismes d’assignation sociale sont forts – que dire alors de rejoindre les grandes écoles !
    Cette réalité n’est pas une fatalité ; elle doit être combattue avec force grâce à des réformes d’ampleur dans l’éducation. Oui, il faut financer massivement la petite enfance et l’éducation nationale, et non réduire leurs budgets – trop souvent encore, dans nombre d’établissements de milieu populaire, des professeurs absents ne sont pas remplacés. Oui, il faut ouvrir le champ des possibles en finançant des activités d’éducation artistique et culturelle dans le cadre scolaire afin que tous les enfants puissent y avoir accès, et non geler les crédits du pass culture.
    Les beaux discours sur l’égalité des chances ne suffisent pas. Pour corriger les inégalités scolaires, il faut d’abord combattre les inégalités sociales qui les accentuent, donc disposer de moyens pour mettre en œuvre des politiques publiques et permettre à chacun de se réaliser indépendamment de son origine sociale, culturelle ou géographique.
    Les plus riches paient proportionnellement moins d’impôts que le reste de la population. Pour corriger cette situation, nous avons des solutions : dès jeudi, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe écologiste, nous proposerons d’instaurer un impôt plancher de 2 %, résultat du travail de Clémentine Autain et Eva Sas qui se sont inspirées des travaux de l’économiste Gabriel Zucman. Pour montrer que vous souhaitez aller au-delà des beaux discours, il ne faudra pas vous contenter de voter la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui, mais voter aussi la taxe Zucman. (M. Sébastien Peytavie applaudit.)
    Le dispositif que nous étudions aujourd’hui est imparfait : puisqu’il n’arrive qu’en bout de course, il ne saurait donc corriger que partiellement les inégalités sociales, en permettant aux élèves passés entre les mailles du filet de la reproduction sociale un meilleur accompagnement aux concours de la haute fonction publique. La diversité sociale de la fonction publique est un enjeu déterminant sur le plan social, mais aussi sur le plan démocratique. Si les gouvernements passent, les hauts fonctionnaires restent avec leurs tropismes, leurs convictions et parfois leurs croyances de classe.
    Si la Révolution française a mis fin aux privilèges de sang, la République a permis et favorisé l’émergence d’une aristocratie d’État en totale contradiction avec ses propres principes et les valeurs démocratiques. Et pour cause : les concours de la haute fonction publique sont parmi les plus inégalitaires qui soient. Avoir un père ancien élève de l’ENA multiplie par 330 vos chances d’accéder vous-même à la prestigieuse école.
    Le dispositif « talents » est certes imparfait, mais nous soutiendrons sa prorogation et défendrons des amendements pour en améliorer l’ampleur – ainsi, le plancher de 15 % d’admis issus des prépas « talents » nous paraît insuffisant. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne Bergantz.

    Mme Anne Bergantz

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    Nous sommes réunis pour débattre de la prorogation de l’expérimentation des prépas « talents », prévue par l’ordonnance du 3 mars 2021 favorisant l’égalité des chances pour l’accès à certaines écoles de service public. L’objectif de cette expérimentation est clair : renforcer la mixité sociale dans les grandes écoles du service public, en levant les freins à la préparation des concours. Il s’agit avant tout de diversifier le profil des candidats, en accompagnant ceux qui sont moins avantagés socialement ou qui vivent dans des territoires en difficulté.
    Avec les prépas « talents », nous agissons en faveur des candidats méritants qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour préparer ces concours dans de bonnes conditions, ou qui parfois n’osent même pas s’y inscrire par autocensure. Le dispositif, je le rappelle, prévoit une bourse annuelle de 4 000 euros qui permet de se consacrer entièrement à la préparation des épreuves et qui peut être complétée par une aide supplémentaire en faveur du logement ou de la restauration.
    L’appui aux candidats inclut naturellement une dimension pédagogique, avec la mise à disposition de coachings individualisés ou encore des visites d’administrations, qui aident le candidat à se mettre à niveau pour ses futurs écrits et oraux. Nous avons pu sécuriser le financement de ces mesures, grâce à l’adoption du projet de loi de finances pour 2025 qui reconduit à l’identique les crédits consacrés au dispositif.
    Par ailleurs, la création de places réservées aux prépas « talents », grâce à un concours externe spécial représentant 10 à 15 % des places offertes pour chaque concours, est une autre avancée qu’il convient de souligner : celle-ci ne pénalise en rien les autres candidats, dans la mesure où il s’agit de places supplémentaires créées spécifiquement dans le cadre de cette expérimentation. Ces places confortent au contraire notre modèle méritocratique, en permettant aux aspirants de préparer les mêmes épreuves et de faire face au même jury que le reste des candidats. Enfin, en attirant de nouveaux talents vers ces écoles, nous contribuons à les faire davantage connaître et à renforcer ainsi l’attractivité de la haute fonction publique.
    Les premiers résultats de cette expérimentation, qui a officiellement pris fin le 31 décembre 2024, sont d’ailleurs particulièrement encourageants. Ils ont montré que le dispositif des concours « talents » avait bien permis de diversifier le profil des candidats, s’agissant notamment de leur origine sociale et géographique. Les taux de réussite des participants aux différents concours sont d’ailleurs en hausse, notamment en ce qui concerne l’admissibilité, dont le taux est passé de 10 % en 2018 – à l’époque des classes préparatoires intégrées – à 30 % en 2023. Ces résultats positifs doivent cependant être confirmés par une évaluation plus approfondie de la mesure, car nous manquons encore de recul et de données suffisantes au terme des trois ans d’expérimentation.
    Le groupe Les Démocrates votera donc logiquement en faveur de cette proposition de loi. Je me félicite d’ailleurs que, lors de l’examen du texte en commission, notre groupe ait porté, dans une démarche commune avec d’autres groupes politiques, plusieurs amendements qui ont permis d’en enrichir le contenu. Nous avons notamment proposé un élargissement de l’expérimentation au-delà de la prorogation initialement prévue par le texte, en portant son terme au 31 août 2028 en lieu et place du 31 juillet 2027, afin d’aligner son délai sur le calendrier des concours.
    Par ailleurs, parce que l’égalité des chances ne saurait être promue seulement dans les corps administratifs, nous avons élargi le champ du concours « talents » aux écoles de spécialité des grands corps techniques qui forment les futurs ingénieurs des mines, des ponts, des eaux et des forêts, ou encore des administrateurs de l’Insee. L’évaluation des expérimentations devra également être décalée d’une année, afin que nous disposions d’un délai raisonnable d’observation de ses effets en faveur de la mixité sociale dans la haute fonction publique.
    Partant du constat que ce texte œuvre en faveur de l’égalité des chances et de l’attractivité de la fonction publique, notre groupe votera en faveur de son adoption.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Moulliere.

    M. Jean Moulliere

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    Figure emblématique des Lumières, Voltaire anticipait dès 1732 la promesse méritocratique de la République en écrivant que « qui sert bien son pays n’a pas besoin d’aïeux ». La proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui vise à faire vivre encore davantage cette méritocratie à laquelle nous sommes collectivement si attachés.
    L’esprit des Lumières, puis la Révolution française, ont fait de l’égal accès des individus aux charges publiques, en fonction de leurs talents, l’un des fondements du régime républicain. Cet idéal méritocratique fut inscrit dans le droit positif français en 1789 par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui consacre l’accès aux fonctions publiques selon le seul mérite et le seul talent. Un siècle plus tard, en 1900, le législateur adoptait le premier statut de la fonction publique afin de graver dans le marbre le principe selon lequel le concours est la voie de recrutement de droit commun.
    Notre République est la digne héritière d’une philosophie de l’égalité et du mérite et s’attache à la faire vivre un peu plus chaque jour. La fonction publique incarne les valeurs et la représentation voulues par notre société. Que dire alors d’une haute fonction publique qui n’offre pas à chacun la possibilité d’y entrer et d’y évoluer afin de servir l’intérêt général ?
    Les statistiques relatives aux origines sociales des lauréats des concours de la fonction publique démontrent un manque de diversité. Par exemple, alors que les ouvriers, selon l’Insee, représentaient 19,6 % de la population active française en 2019, leurs enfants ne représentaient que 5 % des effectifs dans les écoles de la haute fonction publique des promotions 2020-2021. Notre République ne peut ignorer les limites actuelles du recrutement dans la fonction publique, où les statistiques témoignent des difficultés à faire vivre la méritocratie.
    Dans ce contexte, il revient aux pouvoirs publics de créer des dispositifs ciblés visant à encourager l’ensemble des jeunes potentiellement intéressés, quelle que soit leur origine sociale, à faire acte de candidature et à les accompagner dans leur réussite. C’est en ce sens que l’ordonnance du 3 mars 2021 a créé à titre expérimental un concours externe spécial pour l’accès à certaines écoles assurant la formation de fonctionnaires.
    Alors que cette expérimentation a pris fin le 31 décembre 2024, le groupe Horizons & indépendants remercie les auteurs de cette proposition de loi de leur initiative, ainsi que le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification, Laurent Marcangeli, de s’être emparé de la prorogation du concours « talents » dès sa prise de fonction.
    En effet, davantage de temps doit être laissé aux prépas « talents » pour recruter leurs préparationnaires, ainsi qu’aux éventuels préparationnaires pour découvrir ce dispositif. De manière plus concrète et pressante, et ainsi que le soulignait une lettre ouverte au premier ministre publiée il y a quelques semaines par des étudiants des classes préparatoires « talents », sans prorogation du dispositif, les places « talents » pourraient tout simplement disparaître des concours, alors que ces étudiants s’y préparent depuis plus de six mois.
    Le concours « talents » répond par ailleurs à un enjeu majeur, celui de l’attractivité de la fonction publique. La catégorie A n’est en effet pas épargnée par les difficultés de l’État à recruter des fonctionnaires : en 2020, cinq candidats se présentaient pour une place ouverte, contre neuf en 2010.
    Le groupe Horizons & indépendants votera donc en faveur de cette proposition de loi, qui vise à faire vivre davantage la méritocratie au sein de la fonction publique. Notre groupe salue en particulier les amendements votés en commission visant à la prorogation de cette expérimentation jusqu’au 31 août 2028, ainsi qu’à son extension aux concours de plusieurs écoles de spécialité des grands corps techniques. (M. François Jolivet applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émeline K/Bidi.

    Mme Émeline K/Bidi

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    Si la devise de notre pays est affichée au fronton de nos mairies, c’est peut-être pour nous rappeler chaque jour que cet idéal républicain – Liberté, Égalité, Fraternité –, qui exprime les valeurs auxquelles nous devons rester profondément attachés, ne reflète pas encore la réalité. Nous devons donc continuer à y travailler sans relâche. Le texte que nous examinons aujourd’hui nous rappelle quant à lui que la réussite scolaire et professionnelle de chacun dépend fortement de son milieu socioprofessionnel d’origine, quoi qu’en disent certains de nos collègues qui voudraient nier cette réalité.
    Oui, il est plus difficile de réussir lorsque l’on vient d’un milieu pauvre ; lorsque l’école n’est pas accessible ou est absente du territoire dans lequel vous vivez ; lorsque vous devez faire 10 000 kilomètres en avion pour trouver une classe préparatoire ; lorsqu’il n’y a pas d’eau au robinet ou qu’il y a école seulement une demi-journée ; lorsque vos parents n’ont pas de quoi vous acheter vos fournitures scolaires. Je pourrais allonger la liste, car j’ai l’impression, à écouter certains de nos collègues, qu’il faut encore rappeler que tout n’est pas question de mérite et de travail.
    Rappelons qu’en France les inégalités scolaires sont parmi les plus fortes d’Europe, avec des écarts significatifs de performance entre les élèves issus de milieux favorisés et défavorisés, dès le CE2 – donc bien avant les classes préparatoires aux grandes écoles. La France souffre d’une forte inégalité des chances, perpétuant un cycle d’inégalités économiques et sociales de génération en génération : il faut ainsi six générations pour sortir de la pauvreté.
    Ce constat est encore plus inquiétant dans les territoires d’outre-mer. À La Réunion, seulement 17 % de la population native accède aux études supérieures, contre 30 % dans l’Hexagone. Dans le même temps, 36 % de la population d’outre-mer vit sous le seuil de pauvreté, contre 14 % dans l’Hexagone. Le même rapport du simple au double illustre une possible corrélation entre les deux phénomènes.
    Nous saluons la présente proposition de loi déposée par le groupe socialiste, car elle poursuit un objectif républicain, l’égalité des chances. Le concours « talents », qui fait partie du plan Talents du service public, a été créé par l’ordonnance du 3 mars 2021 et réserve 10 à 15 % des places externes à des étudiants justifiant de critères sociaux, pour leur permettre l’accès à cinq grandes écoles du service public.
    Je crois important de rappeler, car cela ne semble pas clair pour tout le monde, qu’il ne s’agit pas de simplifier l’entrée dans ces grandes écoles par des épreuves plus faciles ou des concours au rabais. Il n’est nullement question d’enlever du mérite à ces étudiants, qui sont précisément d’autant plus méritants qu’ils doivent surmonter des obstacles socio-économiques pour accéder aux grandes écoles. Il s’agit simplement de leur réserver des quotas ; en cela, le dispositif est louable.
    La période d’expérimentation a pris fin en décembre 2024. Le rapport d’évaluation, attendu pour juin 2024, a été transmis aux parlementaires le 13 février 2025, il y a cinq jours. Il témoigne de la réussite du dispositif, que nous estimons donc devoir être reconduit. La comparaison avec les prépas intégrées qui les ont précédés montre que les concours « talents » permettent réellement à des étudiants venus de milieux sociaux défavorisés d’accéder aux grandes écoles. Ainsi, la prépa intégrée de l’Inet n’avait permis à aucun de ses élèves d’être admis, alors que 8 % des élèves de la prépa « talents » ont pu intégrer l’école. Cette réussite est bien sûr relative et le système pourrait encore être amélioré – peut-être aurions-nous déjà pu le faire si nous avions eu les rapports plus tôt –, mais c’est mieux que rien. Pour tous les élèves préparationnaires qui attendent la reconduite du dispositif, nous devons adopter la proposition de loi.
    Il y aurait bien davantage à dire, mais le temps m’est compté. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera le texte qui, s’il n’est pas suffisant, est attendu et a le mérite d’exister. (Mme la rapporteure applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Si la discussion en commission a été assez vive, c’est largement de notre fait. Je l’assume complètement. C’est avec une certaine colère que je vois arriver ce genre de texte. Cela fait des années qu’on souligne l’endogamie sociale de la fonction publique et de la très haute fonction publique,…

    M. Sébastien Delogu

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    Exactement !

    M. Ugo Bernalicis

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    …et on en arrive à ce genre de dispositif qui, même s’il va dans le bon sens et si ses objectifs sont louables, n’endigue pas l’océan d’inégalité qui croît. Or, depuis l’examen en commission, nous avons trouvé quelques arguments supplémentaires.
    Je reviendrai d’abord sur la forme : je ne peux pas laisser passer un truc pareil ! Cette expérimentation résulte d’une ordonnance faisant suite à la loi de transformation de la fonction publique de 2019. J’étais dans l’hémicycle lorsque nous avons examiné le projet de loi ; il n’avait pas été question de prépas « talents ». Pourtant, c’est sur cette base qu’a été prise en 2021 une ordonnance qui n’a toujours pas été ratifiée, alors que nous sommes en 2025 ! À présent, une proposition de loi, un texte d’initiative parlementaire, vise à faire perdurer un dispositif gouvernemental décidé sans l’aval des parlementaires. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Si le gouvernement trouve ce dispositif si important qu’il le dit, c’est vous, monsieur le ministre, qui auriez dû prendre l’initiative de corriger cette erreur par un projet de loi, sur le temps réservé au gouvernement ! Encore une fois, qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

    M. Sébastien Delogu

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    Excellent !

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous affirmez que le dispositif est extrêmement important, mais excusez-moi, j’ai l’impression qu’il n’a pas la même importance pour tout le monde.
    J’en viens aux problèmes de fond, à commencer par le concept d’égalité des chances. Je répète aux collègues de gauche qui reprennent cette expression qu’ils tombent dans un piège. Il n’est pas question de chance, mais d’un droit ! Il est question d’égalité sociale, d’égalité économique, d’égalité culturelle, d’égalité d’accès, pas d’égalité des chances. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) On n’est pas au casino de la vie !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Que faut-il faire, alors ? Rien ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Réserver quelques places aux concours « talents » ne résout pas le problème des inégalités structurelles.

    Mme Élisa Martin

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    Eh oui !

    M. Ugo Bernalicis

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    Un rapport de France Stratégie publié en février 2025, qui, comme tous les rapports du même genre, précise qu’il n’engage que ses auteurs et ne reflète pas la position du gouvernement – cela ne m’avait pas échappé –, montre que la proportion de cadres de la fonction publique issus des milieux populaires, entre 2005 et 2020, a reculé de 5 % pour la fonction publique territoriale et de 3,5 % pour la fonction publique d’État.

    M. Sébastien Delogu

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    Tout à fait !

    M. Ugo Bernalicis

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    On prévoit cinq ou six postes à l’INSP pour compenser un océan de recul ! Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Et nous devrions vous remercier de cette politique dite inclusive ? Malheureusement, elle ne l’est pas. Ayant été attaché d’administration de l’Institut régional d’administration (IRA) de Lille, je prêche pour ma paroisse : puisque vous trouvez le dispositif si intéressant, comment se fait-il que les IRA, qui forment de très nombreux cadres de la fonction publique d’État, n’aient pas de postes réservés, alors même qu’il y a des prépas « talents » dédiées ? Les élèves de ces prépas passent le même concours externe que n’importe quel autre candidat.
    D’ailleurs, madame la rapporteure, vous avez insisté sur le fait que ces élèves passent le même concours que les autres, comme s’il était dévalorisant de présenter un concours différent. Puisqu’il est établi qu’il existe des inégalités de départ, je ne serais pas choqué que les épreuves du concours dédié soient différentes de celles du concours externe. Si les épreuves sont les mêmes pour les deux concours, ne serait-il pas plus logique de faire simplement passer le concours externe aux élèves de prépas « talents », s’ils sont aussi méritants que les autres ?

    Mme Florence Herouin-Léautey, rapporteure

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    C’est bien le problème !

    M. Ugo Bernalicis

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    Oui, le problème est là ! S’ils passent les mêmes épreuves, les élèves en question partent avec du retard, car il est impossible de rattraper vingt ans d’inégalité en quelques mois, même grâce à une prépa « talents ». Il faut assumer politiquement la volonté de rectifier cette situation. Nous avons déposé deux amendements à cet effet. Si vous voulez réellement faire en sorte que des gens issus des milieux populaires intègrent les grandes écoles, il faut qu’une promotion sur deux soit composée à 100 % d’élèves de prépas « talents » ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Élisa Martin

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    Voilà, c’est ça !

    M. Ugo Bernalicis

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    Cela ne serait pas choquant, puisqu’il existe des tas de concours de la fonction publique qui n’ont lieu qu’un an sur deux. Une solution alternative consisterait à ce que 50 % des postes soient réservés chaque année à ces élèves, comme y tend notre second amendement.
    Enfin, monsieur le ministre, pourquoi avez-vous déposé un amendement de suppression de l’article 2 ter, qui vise la remise par le gouvernement d’un rapport sur l’organisation des concours dans la fonction publique, dans l’objectif de résorber les inégalités dès le départ,…

    M. Sébastien Delogu

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    Quel scandale !

    M. Ugo Bernalicis

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    …sans qu’il soit besoin d’instaurer un dispositif ad hoc ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme Andrée Taurinya

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.
    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Florence Herouin-Léautey, rapporteure

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    J’apporterai quelques éclaircissements en réponse aux propos qui ont été tenus. Je répète que le concours « talents » n’est pas une voie d’entrée alternative servant à contourner le concours externe : les deux concours partagent les mêmes épreuves, le même jury, le même classement. Les chiffres montrent que les seuils d’admission et d’admissibilité sont relativement similaires, comme l’ont d’ailleurs confirmé, lors des auditions, les directeurs des cinq écoles concernées. La question pertinente ne consiste donc pas à savoir si les élèves sont capables de concourir – ils y parviennent –, mais par quel processus ils s’y autorisent, comment s’opère cette projection au lycée, au stade de l’orientation. L’existence même de prépas « talents » et de concours « talents » légitime ce choix d’orientation chez ceux qui s’en sentent le plus éloignés. À mon sens, c’est là l’intérêt du dispositif.
    Comme l’ont dit plusieurs orateurs, y compris M. Bernalicis, ce dispositif est bon à prendre ; alors, prenons-le ! Cela ne nous empêche pas de rester exigeants et lucides ; bien sûr, cette mesure ne résoudra pas la reproduction sociale structurelle qui s’observe à tous les échelons du système scolaire. Néanmoins, il faut la soutenir dans l’intérêt de ces étudiants – ils sont d’ailleurs nombreux à écouter nos débats aujourd’hui – qui se donnent du mal pour vaincre le déterminisme. Accompagnons-les ! Il y a urgence : le texte doit être adopté conforme par le Sénat lors de la semaine du 10 mars pour que les concours « talents » soient sécurisés. Prenons donc ce qu’il y a à prendre, et ne courons pas le risque de l’inconstitutionnalité.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Laurent Marcangeli, ministre

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    Ce débat aura permis à chacun d’exposer son interprétation de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : chaque orateur a développé sa vision de l’égalité d’accès aux emplois publics et à la fonction publique. Je crois qu’il faudra beaucoup de travail pour rapprocher vos diverses positions sur cette question, mais je tenterai de répondre à chacun d’entre vous.
    Mme Ricourt Vaginay a parlé d’une forme de satisfecit général, comme si nous disposions de l’ensemble des résultats ; or nous sommes encore dans la phase d’expérimentation, que nous proposons précisément de prolonger. Nous ne prétendons pas que le dispositif fonctionne à 100 %. D’ailleurs, je me suis battu pour que le rapport d’évaluation vous soit remis dans les meilleurs délais, sachant que nous avons pris assez tardivement la décision d’inscrire ce texte à l’ordre du jour. Je reviendrai sur ce point, puisque M. Bernalicis a parlé de la procédure.

    M. Ugo Bernalicis

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    Oui !

    M. Laurent Marcangeli, ministre

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    Je conseille à l’ensemble des députés, particulièrement à M. Masson et à Mme Ricourt Vaginay, d’aller voir mon profil LinkedIn. J’y ai publié une vidéo des visages du concours « talents » de l’INSP, école héritière de l’ENA. Vous y verrez une France qui travaille, issue de la méritocratie, une jeunesse qui désire s’engager dans le service public au plus haut niveau. Je trouve plutôt revigorant de voir ces jeunes s’exprimer, connaissant leur parcours personnel.
    Je remercie Mme Levasseur, Mme Rouaux, Mme Bonnivard, M. Duplessy, Mme Bergantz, M. Moulliere et Mme K/Bidi d’avoir exprimé leur soutien au dispositif. Madame Bonnivard, vous avez évoqué votre attachement au fait que les élèves de prépas « talents » présentent le même concours que les autres : c’est le cas. Je tiens à répéter que nous n’avons aucune intention de créer des épreuves au rabais. Par ailleurs, nous ne souhaitons pas modifier le seuil prévu de postes réservés ; nous en reparlons en examinant les amendements de M. Bernalicis.
    Madame K/Bidi, vous avez parlé des territoires les plus lointains de la nation. Il y a déjà quatre classes préparatoires « talents » en outre-mer – deux à La Réunion, une en Martinique, une en Guadeloupe –, et une cinquième ouvrira en Guyane en 2025. Nous souhaitons que les territoires ultramarins soient concernés, car je sais que les territoires insulaires rencontrent parfois des difficultés supplémentaires.
    Monsieur Bernalicis, c’est le gouvernement qui a inscrit le texte à l’ordre du jour de cette semaine.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je sais, mais il s’agit bien d’une proposition de loi !

    M. Laurent Marcangeli, ministre

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    Oui, une proposition que nous avons soutenue car elle était déjà déposée en décembre, lorsque le gouvernement a été formé, et qu’il fallait aller vite : il y a des jeunes qui sont pris par le temps. C’est pourquoi je vous demande de vous montrer raisonnable avec vos amendements : il nous faut un vote conforme du Sénat, pas un renvoi à la commission mixte paritaire (CMP) qui ferait perdre du temps à ces jeunes, à ces gamins qui veulent embrasser un parcours d’excellence dans la fonction publique ! (Mme Émilie Bonnivard applaudit.) Ils y ont droit : ils ont signé pour un concours et ont été retenus pour y participer.

    M. Ugo Bernalicis

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    Allons, les sénateurs sont des gens responsables !

    M. Laurent Marcangeli, ministre

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    Plus le texte tarde à être voté, plus leur parcours sera entravé. Je peine à comprendre quel problème cela vous pose.

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous êtes sérieux ? Les sénateurs ne seraient pas capables de voter une demande de rapport ?

    M. Laurent Marcangeli, ministre

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    Je rappelle également que le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur cette proposition de loi. Nous avons voulu, de bonne foi, mener un travail de coconstruction avec le Parlement pour répondre à un problème précis, à un moment précis et dans des délais limités. Il s’agit de se montrer à la hauteur de la promesse républicaine que le dispositif représente pour de nombreux Français. Sur ce texte comme sur l’ensemble des textes qui concernent mon ministère, je souhaite travailler avec l’ensemble des forces politiques constructives de l’hémicycle.
    Enfin, avant de passer à la discussion des articles, je tiens à remercier les membres de la commission des lois et son président pour le travail qu’ils ont effectué.

    M. Sylvain Maillard

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    Excellent !

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Roger Chudeau.

    M. Roger Chudeau

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    Je souhaite revenir sur la philosophie qui sous-tend cette proposition de loi. L’ordonnance du 3 mars 2021 dispose que les candidats aux concours donnant accès aux grandes écoles de service public sont recrutés, dans la limite de 15 %, sur critères sociaux. Cette disposition s’inscrit clairement dans le cadre de la discrimination positive, qui a d’ailleurs inspiré en France la création en 1982 de l’éducation prioritaire, qui est un échec patent. Comme le wokisme dont elle est une déclinaison directe,…

    M. Inaki Echaniz

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    Oh !

    M. Roger Chudeau

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    …la discrimination positive fonctionne par assignation : assignation sociale, raciale, ethnique, sexuelle, etc. Elle repose sur l’idée selon laquelle les minorités seraient discriminées et opprimées systématiquement et de manière systémique. Philosophiquement, cette distinction par catégories est tout à fait contraire aux principes universalistes de la République française tels qu’ils sont énoncés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

    M. Emmanuel Duplessy

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    Ça ne veut rien dire !

    M. Roger Chudeau

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    Sans se rendre compte qu’ils se contredisent, les rédacteurs de la proposition de loi citent paradoxalement l’article 6 : « Tous les citoyens étant égaux à ses yeux [de la loi] sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

    Mme Florence Herouin-Léautey, rapporteure

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    C’est ça !

    M. Roger Chudeau

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    On ne saurait être plus clair. La République française ne connaît par principe que des citoyens. Elle est absolument aveugle aux conditions sociales, aux origines ethniques, au sexe ou aux opinions.

    M. Sébastien Delogu

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    C’est vous qui le dites ? C’est l’hôpital qui se fout de la charité !

    M. Roger Chudeau

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    Il s’ensuit qu’elle a conçu un système éducatif qui doit en principe permettre à chaque enfant de s’élever par le travail scolaire à la dignité de citoyen et de républicain. Le principe de l’enseignement public depuis la Révolution est celui d’une émancipation des assignations et d’une ascension vers les plus hautes fonctions publiques par le mérite et l’excellence scolaire. En France, le renouvellement des élites passe par l’école, qui elle aussi ne connaît que des élèves et rien d’autre. Certes, elle n’y parvient pas actuellement. C’est donc elle qu’il faut réformer, et non le règlement du concours. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Monsieur le ministre, vous nous dites que vous vous êtes battu pour avoir le rapport ; je comprends qu’il peut être difficile d’obtenir un rapport qui n’a pas été produit parce que le dispositif tourne et que tout le monde a oublié qu’il y avait une date de fin… (Sourires.) Faisons semblant de vous croire ; en fait, je me fie à votre bonne foi et à votre bonne volonté, car vous êtes arrivé au moment où c’était déjà trop tard – c’est la vérité. C’est plutôt aux gouvernements précédents que j’en veux – bon, à celui-là aussi, mais pour d’autres motifs.
    Au fond, je ne suis pas opposé aux politiques de remédiation, par lesquelles nous reconnaîtrions que l’égalité n’est que de façade, que les faits ne lui correspondent pas, pour remédier à cette situation. Mais dans ce cas, il faut le faire vraiment, intégralement et à chaque étape.
    À chaque fois, avec les libéraux, c’est la même chose. Votre politique de remédiation relève surtout de la communication externe et politique. Certes, elle concerne de vraies personnes, je ne dis pas le contraire. Cependant, si on considère les choses dans leur globalité, le dispositif proposé est tout petit. C’est bien le problème, et c’est là le grand désaccord que j’ai avec ceux d’en face. (L’orateur désigne les bancs du groupe RN.) C’est pour cela que j’ai proposé par voie d’amendement de réserver 100 % des places une année sur deux aux personnes éligibles aux concours externes spéciaux. Voulez-vous vraiment de la mixité sociale ? Avec 15 % par an – et encore, certains concours ne réservent que 8 ou 10 % des postes à ces candidats –, combien d’années faut-il pour que le recrutement soit raccord avec la sociologie du pays ?

    Mme Élisa Martin

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    Trois siècles !

    M. Ugo Bernalicis

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    Faudra-t-il 150 ou 200 ans ? Moi, j’ai envie de voir le résultat, monsieur le ministre. Je suis impatient, comme garçon (Sourires), et je ne suis pas sûr de vivre 150 ans.

    Un député du groupe HOR

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    Que Dieu nous en garde ! (Sourires.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Je vous adjure de comprendre que les mesures proposées sont insuffisantes.
    Vous rejetez la demande de rapport au motif qu’il faut obtenir un vote conforme du Sénat, mais les sénateurs sont assez intelligents pour voter conforme la proposition de loi avec un rapport ! Qui plus est, cette demande n’engage pas les sénateurs, mais vous. Vous aurez toute légitimité pour commander ce rapport à votre administration. Faites en sorte qu’il soit plus consistant, plus large, qu’un rapport interne, en interrogeant des chercheurs, des sociologues. En effet, nous connaissons aussi ce biais-là : l’administration produit ses propres rapports sans solliciter de regard extérieur, là où nous avons besoin de regards extérieurs pour nourrir la réflexion. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Olivier Serva.

    M. Olivier Serva

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    Nous débattons de la prolongation de l’expérimentation pour les publics boursiers. Pour ma part, je voudrais insister sur le fait que, encore de nos jours, il y a une forme de reproduction sociale parisienne dans les grandes écoles. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires aimerait que nous mettions l’accent sur les territoires les plus éloignés des centres de pouvoir tels que la ruralité ou les territoires ultramarins, ainsi qu’à tous ceux et à toutes celles qui n’ont pas la chance d’être dans le premier cercle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    Sur l’article 1er, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Je mets aux voix l’article 1er.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        109
            Nombre de suffrages exprimés                99
            Majorité absolue                        50
                    Pour l’adoption                53
                    Contre                46

    (L’article 1er est adopté.)

    Après l’article 1er

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 1er.
    Je suis saisie de deux amendements, nos 6 et 5, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 6.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je crois qu’il y a une confusion, madame la présidente : il y a apparemment des votes qui n’étaient pas ceux prévus.
    L’amendement no 6 vise à réserver chaque année 50 % des places aux concours externes aux personnes éligibles aux concours externes spéciaux. Cela reflète le choix de ne pas adopter de mesures cosmétiques. Si nous pensons que la mixité sociale dans la fonction publique est une plus-value et qu’elle est nécessaire, notamment pour que la haute fonction publique ressemble à la société, pour qu’il n’y ait pas d’endogamie sociale dans les grands corps de l’État, si nous ne voulons pas attendre cent ans que les prépas « talents » produisent leurs effets, il faudra augmenter le ratio de postes ouverts au concours pour les prépas « talents ».
    Vous dites que le dispositif fonctionne, que les candidats issus des prépas « talents » réussissent les concours aussi bien que les autres, mais qu’à la fin ils sont quand même ségrégués. Si le dispositif marche, allons-y franchement ! Je ne comprendrais pas, monsieur le ministre, que vous n’alliez pas jusque-là. En outre, je sais votre sensibilité aux questions d’entrave à l’accès à la fonction publique. L’insularité, que vous connaissez par expérience, fait partie des entraves et des biais qu’on observe dans divers concours ; il en va de même pour les outre-mer. Il serait donc temps que la devise inscrite au fronton des bâtiments publics, Liberté, Égalité, Fraternité, qui figure également dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, se réalise dans les faits. Auparavant, c’était l’Ancien Régime. L’égal accès aux concours vise justement à trancher avec le fait du prince, avec un régime dans lequel le roi choisit qui a le droit d’occuper tel ou tel poste. Mais enfin, personne n’a inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qu’il fallait nier les inégalités sociales, culturelles ou structurelles, bien au contraire.
    Je pense donc qu’il faut aller vers un dispositif qui garantisse une égalité réelle. Nous nous sommes abstenus parce que nous sommes embêtés : comme vous l’aurez compris, nous n’avons pas envie de participer aux plans de communication gouvernementaux qui visent à montrer qu’il y a de la mixité dans la fonction publique alors que ce n’est globalement pas vrai. Si vous voulez que nous votions positivement pour la proposition de loi, ce que nous sommes prêts à faire, il faut donner des signes d’une réelle volonté.

    Mme la présidente

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    Sur les amendements nos 2 et 8, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Rassemblement national, Ensemble pour la République et Horizons & indépendants d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Emmanuel Duplessy, pour soutenir l’amendement no 5.

    M. Emmanuel Duplessy

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    Il vise à améliorer le dispositif en transformant le maximum actuel de 15 % en un minimum et en définissant un nouveau maximum de 20 %.
    Comme cela a déjà été dit, au risque de devoir expliquer le principe d’égalité à l’extrême droite qui n’aime rien mieux que l’inégalité (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN), pour corriger des inégalités existantes, il est possible de prendre des mesures proportionnées à l’inégalité qu’elles tendent à corriger, sans quoi même l’existence de bourses à critères sociaux serait interdite dans ce pays. Je crois pourtant que même vous êtes heureux que de telles bourses existent. Le dispositif « talents » vise à corriger une inégalité factuelle : s’il y a plus de 40 % d’étudiants boursiers dans l’enseignement supérieur, nous sommes très loin de ces taux dans les grandes écoles de la fonction publique. Même en montant à un maximum de 20 %, nous serions encore loin de réduire les inégalités existantes.
    Les dispositions que nous proposons visent à réaliser le principe d’égalité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Florence Herouin-Léautey, rapporteure

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    Comme nous l’avons déjà expliqué, il est nécessaire d’obtenir un vote conforme au Sénat. Si je peux partager les interrogations au sujet de la fourchette de 10 à 15 % – les concours des grandes écoles offrent en moyenne 13 % de places réservées et ne s’en tiennent donc pas au plancher –, je pense toutefois que nous pouvons profiter de la période d’évaluation supplémentaire, grâce à la prorogation de trois ans, pour en tirer des bilans et des enseignements. Nous nous laissons ainsi la possibilité, au bout de trois ans, si le choix est fait par les parlementaires de pérenniser le dispositif, de le réviser. L’interrogation que vous avez soulevée demeure, bien sûr, mais, je le répète, il nous faut un vote conforme dans le cadre de cette procédure accélérée pour sécuriser les concours que préparent actuellement les étudiants.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Laurent Marcangeli, ministre

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    Je partage l’avis de Mme la rapporteure : l’essentiel est d’aboutir le plus rapidement possible à un vote conforme, sans prendre de risque, ce que nous ferions notamment en modifiant les quotas, et d’attendre la fin de l’expérimentation prévue en 2028 pour y voir plus clair.
    L’avis du gouvernement est donc défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Madame la rapporteure, que M. le ministre ne veuille pas bouger, je le comprends, mais nous qui sommes tous de gauche,…

    M. Sylvain Berrios

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    Nous ne sommes pas tous de gauche !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Si vous voulez, on sort !

    M. Ugo Bernalicis

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    …nous pourrions nous dire que plus que 15 %, c’est pas mal, et que 20 %, c’est mieux. (Exclamations sur les bancs des groupes RN, DR et HOR.) J’étais même prêt à entendre que M. Bernalicis et son groupe sont des jusqu’au-boutistes, qu’ils en font trop, et que l’amendement de leurs collègues écologistes, qui vise à rehausser le seuil de 15 à 20 %, est plus raisonnable… Mais vous refusez aussi cet amendement !
    Nous n’avons pas besoin de rapport pour savoir qu’étant donné le nombre de personnes concernées par les prépas « talents », il faudra au moins 150 ans pour que ce dispositif produise les effets souhaités. Nous devons donc être volontaristes sur ce sujet. J’invite nos collègues, en conscience, à voter ces amendements. Je suis sûr que les sénateurs, qui sont des gens responsables, sont capables de nous suivre en adoptant ces dispositions. S’il faut réunir une CMP et remettre ce texte à l’ordre du jour dans deux semaines, ce n’est pas grave : à partir du moment où le délai est déjà dépassé, nous ne sommes plus à deux semaines près. L’essentiel est de légiférer correctement et d’aller de l’avant.
    Nous devons être volontaristes sur le sujet. Sinon, c’est un signe politique.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Duplessy.

    M. Emmanuel Duplessy

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    Nous avons déjà été mis au pied du mur plusieurs fois, quand le rapporteur ou le gouvernement demandaient un vote conforme, mais au moins le texte venait du Sénat et notre vote permettait une application rapide.

    M. Ugo Bernalicis

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    Eh oui :

    M. Emmanuel Duplessy

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    La proposition de loi que nous examinons ce soir doit être transférée au Sénat. Je tiens à rappeler l’équilibre institutionnel : il y a dans ce pays une chambre haute et une chambre basse, est c’est bien l’Assemblée nationale qui a le dernier mot. En l’espèce, ce serait plutôt au Sénat de prendre ses responsabilités…

    M. Ugo Bernalicis

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    Bah oui !

    M. Emmanuel Duplessy

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    …et de voter conforme le texte qui sortira de l’Assemblée nationale – qui a, au premier chef, la légitimité de faire la loi dans ce pays.

    M. Ugo Bernalicis

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    Les amis de Retailleau sont des irresponsables !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Fatiha Keloua Hachi.

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Il faut savoir ce que nous voulons aujourd’hui. Nous voulons que les étudiants qui passent des concours soient sereins et puissent les passer pour la session 2024-2025. Plus nous retarderons cette proposition de loi, plus nous plaçons ces étudiants dans une situation d’attente, d’échec et d’angoisse profonde. Notre objectif, par cette proposition de loi, est de favoriser cette expérimentation et de favoriser l’égalité des chances immédiatement.
    Je ne prétends pas que la demande de rapport soit illégitime. Cependant, notre but est que cette proposition de loi soit adoptée le plus vite possible pour que les étudiants puissent sereinement passer leurs concours cette année.

    M. Ugo Bernalicis

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    Le Sénat passe après nous !

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Oui, et il votera conforme. La conformité, c’est l’urgence. C’est aussi notre problème. (Mme Claudia Rouaux applaudit.)

    (Les amendements nos 6 et 5, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 7.

    M. Ugo Bernalicis

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    Madame la présidente, je commencerai par préciser que nous allons retirer l’amendement no 2, car le ministre nous a transmis des éléments depuis son dépôt. Je ne sais pas si on peut vraiment parler de rapport, mais nous avons obtenu des informations sur la mise en place des prépas « talents ». Je reconnais que c’est aussi une question de délais.
    J’en viens à l’amendement no 7, qui vise à réserver 100 % des places du concours externe aux concours « talents », une année sur deux. Ainsi, pendant un an, une prépa « talents » de grande taille nourrirait un vivier d’étudiants plus large ; et l’autre année, tout le monde pourrait s’inscrire aux concours. Madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, le problème n’est donc pas si important que vous le dites : les étudiants de la prépa « talents » peuvent actuellement passer le concours. Par la suite, ils devront s’inscrire en externe, en concurrence avec tous les autres étudiants, comme c’est le cas pour les instituts régionaux d’administration. Évidemment, nous préférons les places réservées, car les étudiants ne concourent alors qu’entre eux. Pour changer les choses dès maintenant, si vous en avez la volonté politique, il faut leur réserver 100 % des places. Le Sénat a la responsabilité du vote conforme – ou non. N’intériorisons pas les caprices des amis de M. Retailleau. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Florence Herouin-Léautey, rapporteure

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    Avis défavorable, en raison du risque d’inconstitutionnalité. Alors que l’égalité d’accès aux concours doit valoir pour tous, une telle mesure exclurait de fait un grand nombre d’étudiants une année sur deux. Ce n’est pas le chemin que nous souhaitons suivre : plutôt que de prendre un risque, faisons avancer les choses !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Laurent Marcangeli, ministre

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous me parlez d’inconstitutionnalité, mais nous sommes déjà dans un no man’s land constitutionnel : nous examinons une ordonnance qui n’a jamais été ratifiée ! L’article 2 vise à y remédier.
    Madame la rapporteure, vous vous faites une piètre idée du Conseil constitutionnel : avez-vous la certitude que cette mesure sera censurée ? Non, parce que le Conseil n’a pas été questionné – pas plus que sur le dispositif précédent. En général, comme cela a été dit, une politique argumentée qui vise à corriger une inégalité pour obtenir l’égalité prévue par les textes est bien constitutionnelle. Autrement, notre système de bourses n’existerait pas. Notre proposition de réserver 100 % des places aux boursiers un an sur deux est peut-être plus constitutionnelle que celle consistant à réserver 50 % des places par an, parce qu’elle implique l’existence d’une voie dédiée. De même, les voies de recrutement sans concours pour les catégories C, qui entrent ainsi sur dossier dans la fonction publique, sont tout à fait constitutionnelles. Oublions donc ces arguments peu pertinents et positionnons-nous sur le plan politique. De ce côté-ci de l’hémicycle, nous sommes favorables à cette mesure.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Florence Herouin-Léautey, rapporteure

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    Le Conseil constitutionnel a rendu une décision sur le sujet. S’il a accepté la fourchette de 10 à 15 % des places, rien n’indique qu’il en fera de même pour les 100 % proposés. J’ai même tendance à penser qu’il s’y opposera.

    (L’amendement no 7 n’est pas adopté.)

    Article 2

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de l’amendement no 2 de M. Thomas Portes.

    (L’amendement no 2 est retiré.)

    (L’article 2 est adopté.)

    Article 2 bis

    (L’article 2 bis est adopté.)

    Article 2 ter

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 8, tendant à supprimer l’article.

    M. Laurent Marcangeli, ministre

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    Le gouvernement n’est pas favorable à la demande de rapport présentée à l’article 2 ter. D’abord, parce que l’article 5 de l’ordonnance prévoit déjà la remise d’un rapport portant sur l’évaluation globale de la mise en œuvre des concours externes spéciaux. Ensuite – et surtout –, parce que les concours et les procédures de recrutement existants sont la garantie constitutionnelle du respect de l’égal accès à la fonction publique.
    En outre, mon ministère travaille, depuis 2022, à l’adaptation et à la professionnalisation des épreuves de concours et des processus de recrutement. Les objectifs de ces travaux ont été fixés par la première ministre dans une circulaire du 29 septembre 2023 relative à la rénovation des épreuves de concours. Ces premiers travaux ont déjà permis d’adapter spécifiquement certaines épreuves du concours de l’Institut national du service public. Il s’agit, par exemple, de la mise en place d’une note de réflexion sur une question contemporaine et de la transmission d’une note opérationnelle portant sur une problématique de droit public, en remplacement de l’épreuve de dissertation.
    Enfin, dans son dernier rapport, le président des jurys des concours d’entrée à l’INSP pour 2024 propose plusieurs pistes d’ajustements des nouvelles épreuves. S’agissant de l’épreuve d’anglais, qui a fait l’objet de discussions lors de l’examen du texte en commission, il recommande ainsi à la direction de l’INSP « de réfléchir à une réforme de cette épreuve, si possible dès le prochain concours si cela est juridiquement faisable. » Pour toutes ces raisons, le gouvernement demande la suppression de l’article.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Florence Herouin-Léautey, rapporteure

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    La commission a adopté cet amendement. Je souhaite élargir le spectre des analyses et des observations, afin d’obtenir des éléments objectivés sur les effets du changement des épreuves sur la réussite des candidats. À titre personnel, j’émets un avis de sagesse.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je ne reviens pas sur l’argument selon lequel le Sénat serait capable de voter une demande de rapport du gouvernement qui ne le concerne pas. Monsieur le ministre, selon vous, des ajustements ont été opérés. Certes, l’anglais est devenu facultatif et la dissertation de culture générale a été transformée en note contemporaine. Or les biais ne sont pas seulement dans les épreuves, mais aussi dans la composition sociologique du jury lui-même. J’en veux pour preuve les oraux faisant partie des épreuves finales. Les écrits filtrent une première fois les candidats, avant que les inégalités ne se manifestent implacablement aux oraux. Le jury a la consigne implicite – et jamais écrite – de se demander s’il choisirait le candidat comme collègue. Ainsi, sur la base d’un principe qui paraît acceptable, on finit par choisir des gens qui nous ressemblent, ce qui favorise la reproduction sociale et l’endogamie au sein de la fonction publique.
    Le rapport aurait pour objet d’étudier la composition et les prérogatives des jurys, afin de mener un travail d’envergure sur les inégalités et les biais reproduits par les concours de la fonction publique. Non, tout le monde n’a pas un égal accès aux concours et aux prépas « talents ». Il faut avoir fréquenté le bon collège et le bon lycée pour être initié, puis avoir rempli les bons critères et avoir eu l’information au bon moment de sa vie. Pour réussir, il faut avoir de la chance au sein de l’égalité des chances.

    M. Antoine Léaument

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    Bien dit !

    M. Ugo Bernalicis

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    Une telle situation est inadmissible dans notre République. Votons la demande de rapport et mettons au travail la direction générale de l’administration et de la fonction publique, avec l’appui de regards extérieurs. Ce sera utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Antoine Léaument

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    Excellent !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Duplessy.

    M. Emmanuel Duplessy

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    Ce rapport nous éclairerait sur la manière dont les modalités d’évaluation des candidats dans le cadre des concours favorisent les mécanismes de reproduction sociale. Cela me rappelle une étude aux résultats révélateurs : pour un même exercice, présenté tantôt comme du dessin et tantôt comme de la géométrie, on constatait, chez des élèves aux compétences semblables, un écart de réussite entre les filles et les garçons selon la discipline annoncée. Cela montre à quel point les biais présents dans le rapport à l’évaluation peuvent réfréner ou révéler des talents. Le besoin d’une analyse approfondie de l’évaluation des jeunes dans les grandes écoles est un sujet démocratique majeur, qui a été retenu par la commission des lois. J’invite l’Assemblée à suivre cette dernière plutôt que le gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 8.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        168
            Nombre de suffrages exprimés                167
            Majorité absolue                        84
                    Pour l’adoption                136
                    Contre                31

    (L’amendement no 8 est adopté ; en conséquence, l’article 2 ter est supprimé.)

    Après l’article 2 ter

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Duplessy, pour soutenir l’amendement no 4, portant article additionnel après l’article 2 ter.

    M. Emmanuel Duplessy

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    L’amendement, qui propose la mise en place d’un site d’information dédié aux prépas « talents », encore trop peu connues, a été rejeté en commission, au prétexte qu’il ne respectait pas l’équilibre budgétaire. Il avait pourtant été déclaré recevable – et il l’est encore aujourd’hui en séance. Permettez-moi de rappeler la jurisprudence : les mesures faisant connaître un dispositif public font mécaniquement partie du périmètre d’une loi, elles n’engagent pas de crédits supplémentaires et n’impliquent pas de gage. Je vous invite donc à soutenir l’amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Florence Herouin-Léautey, rapporteure

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    Ces mesures ne me semblent pas nécessaires, car elles relèvent de l’administration courante. En l’occurrence, l’information apparaît déjà sur le site du ministère et sur service-public.fr. La centralisation de toutes les prépas « talents » et de tous les concours sur un seul site n’est pas opportune. Quand on veut devenir directeur d’hôpital, on cherche des informations sur un site dédié. En revanche, au lycée, il est nécessaire que les conseillers d’orientation en aient connaissance. Les régions seraient bien inspirées de communiquer davantage sur ces dispositifs, puisqu’elles ont la compétence de l’orientation tout au long de la vie.

    (L’amendement no 4, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        184
            Nombre de suffrages exprimés                160
            Majorité absolue                        81
                    Pour l’adoption                112
                    Contre                48

    (La proposition de loi est adoptée.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et SOC.)

    5. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Projet de loi autorisant la ratification du traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le royaume d’Espagne.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-huit heures quinze.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra