XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Deuxième séance du mardi 25 mars 2025

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du mardi 25 mars 2025

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Questions au gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.

    Explosion de l’antisémitisme

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Pierre Taite.

    M. Jean-Pierre Taite

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    Un drame s’est produit samedi à Orléans : l’agression odieuse du rabbin Arié Engelberg devant son fils de 9 ans. Cet acte s’inscrit dans le contexte alarmant de l’explosion de l’antisémitisme dans notre pays depuis les attentats du 7 octobre. Ainsi, en 2024, il y a eu trois fois plus d’actes antisémites en France qu’en 2022.

    M. Thibault Bazin

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    C’est grave !

    M. Jean-Pierre Taite

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    L’explosion de l’antisémitisme ne vient pas de nulle part ; elle est nourrie par un islamisme qui instrumentalise la cause palestinienne pour attiser la haine des juifs avec la complicité d’élus présents sur nos bancs. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et RN et sur quelques bancs du groupe EPR.) La France Insoumise porte une responsabilité directe dans la banalisation de l’antisémitisme dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Madame la présidente, rappelez-vous les propos de Jean-Luc Mélenchon à votre égard : « Mme Braun-Pivet campe à Tel-Aviv pour encourager le massacre. »

    M. Michaël Taverne

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    C’est une honte !

    M. Jean-Pierre Taite

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    Il y a un mois, Louis Boyard présentait une liste municipale sur laquelle figurait un candidat ouvertement favorable au Hamas.

    Un député du groupe RN

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    Il a perdu !

    M. Jean-Pierre Taite

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    Rima Hassan, députée européenne de La France Insoumise, juge légitime l’action du Hamas (Mêmes mouvements) alors que cette organisation terroriste a massacré des civils, des femmes et des enfants. Comble de l’indécence, le week-end dernier La France Insoumise a appelé à manifester contre le racisme en publiant une affiche de Cyril Hanouna reprenant les pires codes antijuifs des caricatures nazies.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    C’est une honte !

    M. Jean-Pierre Taite

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    Honte à vous collègues de La France Insoumise ! Honte à ceux qui mettent en jeu la sécurité de nos compatriotes de confession juive ! Honte à ceux qui font le pari de la complaisance avec l’islamisme radical en vue d’obtenir une assurance vie électorale ! (Mêmes mouvements.)

    M. René Pilato

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    C’est vous qui faites monter l’extrême droite !

    M. Jean-Pierre Taite

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    Quelles sanctions le gouvernement compte-t-il prendre face à cet antisémitisme qui menace, agresse et tue ? (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, RN et UDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EPR. –⁠ Les exclamations se poursuivent sur les bancs du groupe LFI-NFP)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Vous avez raison : le nombre d’actes antisémites est très élevé ; il a explosé depuis le 7 octobre, date de l’attaque ignoble des terroristes du Hamas en Israël.

    M. Patrick Hetzel

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    C’est inacceptable !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Grâce à l’action déployée depuis par les forces de l’ordre, nous parvenons à protéger nos compatriotes juifs. L’agression ignoble du rabbin d’Orléans survenue le week-end dernier devant son enfant nous a tous choqués : elle appelle une condamnation claire –⁠ vous l’avez prononcée – et absolument unanime de toute forme d’antisémitisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR ainsi que sur quelques bancs du groupe LIOT.)

    M. Patrick Hetzel

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    Très juste !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Vous avez raison de dire que certains discours et attitudes politiques créent une atmosphère favorable au passage à l’acte. Nous le regrettons. Certains dirigeants de La France insoumise ont une attitude ambiguë et problématique vis-à-vis de l’antisémitisme (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Je ne suis pas seul à le dire. Je cite M. Faure, premier secrétaire du parti socialiste : « Personne n’ignore ce qu’est l’antisémitisme, à commencer par M. Mélenchon qui en connaît parfaitement les codes et l’iconographie ». Pour sa part, Mme Autain, députée sur ces bancs, qui connaît bien La France insoumise, a déclaré à propos de l’affiche représentant Cyril Hanouna que la justice a interdit de reproduire, ce dont je me félicite : « C’est grave, c’est profond, c’est irresponsable. C’est un dérapage, une erreur manifeste. Jean-Luc Mélenchon ne me paraît pas à la hauteur du moment. » (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.) La Ligue des droits de l’homme elle-même, pourtant proche des partis les plus à gauche de l’hémicycle, a pointé la publication de l’affiche dans les termes suivants : « Lorsque LFI ne semble pas en reconnaître le fait et la nature, cela nous interroge sur sa compréhension et sur sa volonté d’y remédier. »
    Nous attendons de La France insoumise qu’elle démontre son appartenance au champ républicain et condamne tous les actes qui touchent les juifs de France et du monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Pensez plutôt au rabbin ! (M. le ministre d’État s’étant rassis, lui et M. Alexis Corbière s’apostrophent de banc à banc, provoquant l’intervention d’un huissier.)

    Inégalités sociales

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Edwige Diaz.

    Mme Edwige Diaz

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    Cent jours pour rien. Cent jours que vous êtes en place, monsieur le premier ministre, et qu’il ne se passe rien. Cent jours que vous commentez, promettez, écrivez : vous avez adressé à Marine Le Pen une lettre pour énoncer des objectifs qui s’apparentent plutôt à de vagues incantations. Vous annoncez une énième conférence nationale qui nous rappelle amèrement l’inutilité du grand débat. Vous évoquez un débat large et ouvert sur le thème « Qu’est-ce qu’être Français ? ». En bref, vous rendez visible le néant de votre politique gouvernementale.
    Dans votre lettre, vous vous félicitez de la stabilité du pays. En réalité, ce n’est rien d’autre que de l’immobilisme, de l’inertie ou une forme d’incompétence, voire peut-être même une lâcheté, à la source des maux que les Français subissent au quotidien : explosion du coût de la vie, déperdition du pouvoir d’achat, accumulation des inégalités sociales, capitulation de votre conclave sur les retraites, disparition des services publics, dégradation de la compétitivité des entreprises, soumission à l’Union européenne, évaporation de votre promesse sur la proportionnelle, submersion migratoire, expansion de l’insécurité, propagation de l’islamisme et ses corollaires, prolifération de l’antisémitisme et régression des droits des femmes.
    Monsieur le premier ministre, nous ne trahirons pas les 11 millions de Français électeurs du Rassemblement national. Dès lors, « en responsabilité » –⁠ pour reprendre une expression que vous utilisez – ne devrions-nous pas vous censurer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

    M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

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    Il est paradoxal d’être en désaccord avec à peu près tout ce que fait le gouvernement tout en lui reprochant de ne rien faire !
    Après avoir fait voter le budget et remis en mouvement l’action publique dans ce pays (M. Sébastien Chenu s’esclaffe), le gouvernement a permis au Parlement d’examiner cent textes en cent jours : nous sommes loin de l’immobilisme !

    M. Alexandre Sabatou

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    Quels textes ?

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Grâce à leur examen, vous avez eu l’occasion de travailler sur les questions agricoles : nous avons tenu les promesses prises devant le monde agricole pour résoudre la crise qu’il a traversée l’an dernier. Nous avons aussi proposé des textes intéressant les collectivités locales afin qu’en matière financière, urbanistique et électorale, les femmes et les hommes qui se préparent à être candidats l’an prochain aux municipales connaissent les règles qui seront applicables. Le Parlement a examiné également des textes portant sur des thèmes régaliens : la justice des mineurs et la lutte contre le narcotrafic –⁠ l’examen de la proposition de loi sur ce thème est presque achevé. Viendront ensuite un grand texte sur la simplification, les deux textes sur la fin de vie et enfin un texte sur l’emploi des seniors qui tiendra compte des conclusions du conclave des partenaires sociaux.

    M. Kévin Pfeffer

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    Et la loi sur le scrutin proportionnel ?

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Nous connaissons les règles constitutionnelles, ce ne sont pas les menaces qui nous font avancer : nous sommes mus par la volonté de relever le pays et de protéger les Français, conformément aux engagements pris devant eux. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)

    M. Kévin Pfeffer

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    Tout cela manque de conviction !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Edwige Diaz.

    Mme Edwige Diaz

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    Ce fut une réponse laborieuse et un peu à côté de la question. L’agenda que vous présentez relève de la supercherie : vous nous dites que le gouvernement restituera les conclusions du conclave mi-avril : or les travaux parlementaires seront alors suspendus,…

    M. Erwan Balanant

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    Et le chronomètre ?

    Mme Edwige Diaz

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    …en mai, il y a les ponts ; en juin, l’ordre du jour est déjà saturé…

    M. Philippe Vigier

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    Elle a dépassé le temps imparti !

    Mme Edwige Diaz

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    …et on entend même dire que, par crainte d’une censure, vous refuseriez d’ouvrir une session extraordinaire pendant l’été. Tout cela ne sent pas très bon. En ce qui concerne la censure, nous vous aurons prévenus ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    Je n’avais pas de chronomètre pour mesurer la durée de la question et de la réponse et vous prie de m’en excuser.

    Lutte contre le racisme

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    Le racisme a encore frappé. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Quand le poison de l’antisémitisme et de l’islamophobie se répand, c’est toute la République qui est attaquée (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Alexis Corbière applaudit également.) Samedi dernier, le rabbin d’Orléans a été mordu, insulté, frappé devant son fils parce que juif. Je tiens à lui apporter tout notre soutien et à saluer les personnes qui se sont interposées pour le défendre. (Murmures sur divers bancs.) À cet instant, avec lui et contre l’agresseur, elles se sont hissées à la hauteur de nos principes républicains. C’est l’unité du peuple de France qui est en jeu ; nous la défendons chaque fois que l’on porte atteinte à la dignité humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Le même effroi nous saisit quand Djamel Bendjaballah est assassiné, écrasé à trois reprises sous les yeux de sa fille de 10 ans par un militant d’extrême droite qui le traite de « sale bougnoule ».

    M. Sébastien Chenu

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    Range ton affiche !

    Mme Mathilde Panot

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    La République nous unit par sa devise : Liberté, Égalité, Fraternité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Garantir l’unité du peuple exige que cesse la confusion. Il est intolérable que des Français puissent être tenus responsables de la politique génocidaire de Netanyahou à Gaza parce qu’ils sont juifs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) De la même manière, il est dangereux d’instrumentaliser la lutte indispensable contre l’antisémitisme, d’en faire une arme dirigée contre vos adversaires pour réduire au silence les voix de la paix.

    Mme Caroline Yadan

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    Honte à vous !

    Mme Mathilde Panot

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    Monsieur le premier ministre, vous êtes au pouvoir depuis sept ans. Quels actes concrets ont été accomplis pour lutter contre toutes les formes de racisme ? Depuis des semaines, vous engluez notre pays : vous vous référez à la « submersion migratoire », vous faites la chasse aux femmes portant le voile mais vous n’avez rien à dire sur les saluts nazis et le jeu antisémite de l’UNI ou sur les quinze députés du Rassemblement national qui, dans des groupes Facebook, appellent à tuer les personnes noires et arabes de ce pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    À présent, votre gouvernement assène ce que Marine le Pen n’a même plus besoin de dire. À ce jeu-là, vous serez toujours perdants. Nous refusons qu’un prétendu choc de civilisation disloque la France. C’est pourquoi nous étions des centaines de milliers dans les rues, samedi dernier, contre le racisme et contre l’extrême droite (Rires sur les bancs du groupe RN)…

    M. Philippe Ballard

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    Sortez vos calculettes !

    Mme Mathilde Panot

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    …pour garantir et défendre l’unité populaire dont nous avons résolument besoin. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Range ton keffieh !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    Le début de votre question était excellent : membres du gouvernement et parlementaires, nous aurions tous pu le signer. Vous l’avez très justement indiqué, chaque fois qu’un juif est ciblé comme juif, un musulman comme musulman,…

    Mme Sarah Legrain

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    Ne stigmatisez pas les femmes qui portent le voile !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …chaque fois qu’un chrétien ou un athée sont visés comme tels, le pacte de valeurs qui nous unit, c’est-à-dire la République –⁠ dont chaque terme de la devise est important mais la fraternité plus que les autres – est atteint, blessé et menacé dans son existence même. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR. – Mme Ayda Hadizadeh applaudit également.)
    Ces propos, justes, sont en contradiction avec des attitudes, des mots,…

    Mme Ségolène Amiot

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    Alors vous avez des problèmes avec des membres de votre gouvernement !

    M. François Bayrou, Premier ministre

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    …des publications d’affiche qui vont directement à l’encontre de ce que vous affirmez.
    Au nom du gouvernement, je veux dire que, pour nous, il n’est pas question de laisser des mouvements venant de bancs, de fractions ou de factions, quels qu’ils soient, prendre pour cibles des Français, des concitoyens, des femmes et des hommes qui vivent dans notre peuple et sur notre sol. Nous sommes sans faiblesse et sans laxisme face à de telles attitudes. J’espère que, grâce à votre question, les actes et attitudes que vous avez dénoncés ne se produiront plus désormais dans vos rangs. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Caroline Parmentier

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    Exactement !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    La République est notre raison d’être, nous ne laisserons personne la remettre en cause. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, Dem et HOR ainsi que sur les bancs du groupe LFI-NFP dont les députés désignent les bancs opposés.)

    Situation de la sidérurgie

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Christophe.

    M. Paul Christophe

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    Les salariés de la sidérurgie, les dockers et tous les habitants du dunkerquois sont inquiets de l’avenir d’un fleuron de notre économie, ArcelorMittal, et de son usine de sidérurgie. Plus de 10 000 emplois directs et indirects sont aujourd’hui menacés. Quel est l’avenir de cette activité alors que le groupe vient d’annoncer la suspension de son projet de décarbonation et une délocalisation partielle des fonctions support ?
    Ce projet titanesque de décarbonation est une chance immense que notre territoire ne doit pas laisser passer. Il représente un investissement de 1,8 milliard d’euros, dont 850 millions de soutien de l’État, et vise à construire la filière de l’acier vert de demain.
    Cependant, la sidérurgie européenne est en crise. Le niveau de la demande et des prix remet en cause cet investissement. Nous ne voulons pas que nos usines ferment faute de réaction politique rapide. Nous devons protéger l’acier français et européen. Je salue au passage la mobilisation de Patrice Vergriete, président de la communauté urbaine de Dunkerque, sur ce dossier.
    Pour décarboner notre acier, il nous faut un prix de l’hydrogène adapté et une tarification de l’électricité soutenable. Nous devons apporter une réponse à la concurrence internationale qui vient directement menacer notre souveraineté industrielle.
    Sans décarbonation, il n’y a pas d’avenir pour la production d’acier en France. Aussi, quelle stratégie entendez-vous défendre en matière de tarification de l’hydrogène et de l’électricité ? Comment la France compte-t-elle s’investir dans le plan d’urgence européen pour la sidérurgie, annoncé depuis plusieurs semaines, attendu par la filière et nécessaire au soutien des efforts de décarbonation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    Vous avez énoncé ce qui est, pour ainsi dire, une loi ancienne de l’économie sur notre planète : sans acier, pas d’industrie, ni d’automobile, ni d’industrie de défense. Cette affirmation si profonde et si juste se heurte à un contexte de désordre mondial : d’un côté, de l’acier produit selon une démarche de dumping, c’est-à-dire un effondrement artificiel des prix qui représente pour nous une menace, de l’autre, l’annonce de droits de douane qui constituent une atteinte insupportable à une concurrence équilibrée et juste.
    Face à cette situation, vous l’avez indiqué, le gouvernement a accordé à ArcelorMittal une subvention de 850 millions afin que le groupe s’inscrive dans une démarche, nouvelle et efficace, de verdissement de la production d’acier.
    Cependant, les mesures les plus importantes qu’il faut prendre en la matière portent sur l’hydrogène d’un côté et sur les prix de l’électricité de l’autre, les deux étant forcément liés. À cet égard, le gouvernement a la certitude que nous devons produire de l’électricité en abondance…

    Mme Marine Le Pen

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    Ah !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    … et à des prix suffisamment élevés pour que notre industrie assume sa fonction et trouve son plein développement. Le gouvernement est totalement convaincu qu’il faut agir dans ce sens. Vous savez que nous avons relancé une grande politique de construction de centrales de production d’électricité nucléaire, un chantier essentiel à nos yeux.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Rien n’est construit !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Nous choisissons le moment de leur livraison et le coût de ces centrales. Or, tout le monde l’a dit à juste titre sur ces bancs, nous devons tenir compte d’une donnée absolument essentielle : les prix de l’électricité. Les décisions prises récemment permettent de faire entendre la volonté nationale du gouvernement en matière d’électricité et de prix de l’énergie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem – Mme Danielle Brulebois applaudit également.)

    Agression du rabbin d’Orléans

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Duplessy.

    M. Emmanuel Duplessy

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    Samedi, le rabbin d’Orléans a été agressé en pleine rue sous les yeux de son enfant du seul fait qu’il était juif. Je lui réitère, ainsi qu’à sa famille, tout mon soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
    Cet acte odieux intervient alors que les actes antisémites, ainsi que les violences à caractère raciste ou antireligieux, explosent. Quelques semaines plus tôt, à proximité d’Orléans, c’est une mosquée qui était incendiée.
    Aucun citoyen ne devrait avoir peur de vivre sa foi ni craindre des représailles à cause de son apparence ou de son appartenance, réelle ou supposée, à une communauté. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.) La lutte contre l’antisémitisme est un sujet trop sérieux pour faire l’objet d’une instrumentalisation politique. La désignation d’un bouc émissaire et les discours haineux ne régleront rien. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
    À Orléans, ville de Jean Zay, lâchement assassiné par les miliciens du régime de Vichy, nous le savons et le portons dans notre histoire et notre chair. J’en veux pour preuve –⁠ et j’y vois un signe d’espoir – le fait que, samedi, des citoyens de toutes confessions ont porté assistance à M. le rabbin. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
    La lutte contre la haine et la violence et contre l’essentialisation doit être menée par toutes et tous dans l’unité nationale et la fraternité. Il est scandaleux de profiter d’un drame pour servir un discours de division qui oppose nos concitoyens juifs et musulmans, comme l’a fait le ministre des outre-mer. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
    Alors, monsieur le premier ministre, au-delà de la communication politique, qu’allez-vous concrètement entreprendre pour mettre au cœur de l’action gouvernementale la lutte contre l’antisémitisme et ses spécificités, la lutte contre tous les racismes, la défense de la liberté de culte et l’éducation à la tolérance et au vivre ensemble ? (Les députés du groupe EcoS et plusieurs députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Les députés des groupes SOC et GDR applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

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    L’agression antisémite survenue à Orléans a choqué tous les Français, en raison de sa lâcheté –⁠ un père attaqué devant son propre fils –, de l’âge de son auteur, 16 ans, et de l’essentialisation que vous avez évoquée, puisque nos compatriotes juifs sont renvoyés à des événements qui se déroulent à 4 000 kilomètres d’ici.
    Depuis le 7 octobre, l’antisémitisme, ce sont deux chiffres et trois lettres.
    Les chiffres tout d’abord. En 2024, on déplore 1 570 actes antisémites. Face à une telle explosion, il existe un risque de réenracinement. J’ajoute que 62 % des actes antireligieux se concentrent sur nos compatriotes juifs alors qu’ils représentent moins de 1 % de la population.
    J’en viens aux trois lettres : L, F, I. (Applaudissements prolongés sur plusieurs bancs des groupes RN, EPR, DR, Dem, HOR, LIOT et UDR. – Quelques députés des groupes EPR, RN et HOR se lèvent. – Exclamations vives et prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP, sur plusieurs bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme Danielle Simonnet

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    Ce n’est pas possible ! Vous n’êtes pas à la hauteur !

    M. Aymeric Caron

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    C’est une honte ! (M. Aymeric Caron quitte l’hémicycle en vociférant.)

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Honte à un parti et à Jean-Luc Mélenchon (Les exclamations se poursuivent sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS) qui considèrent que l’antisémitisme est résiduel dans notre pays alors qu’ils le ramènent à un niveau structurel. Peut-on parler d’antisémitisme résiduel lorsqu’on consacre l’intégralité d’une campagne électorale à déverser sa haine d’Israël et à placer des cibles dans le dos de nos compatriotes juifs ? Ou quand on choisit l’iconographie des années 1930 pour concevoir des affiches ? Ou encore quand on chasse les femmes juives de manifestations en faveur de l’égalité et des droits des femmes ?
    Bravo à vous, mesdames et messieurs les députés de La France insoumise ! (Mêmes mouvements. –⁠ Brouhaha.) Vous avez déjà le déshonneur et la honte, demain vous aurez la défaite. (Le brouhaha s’amplifie jusqu’à couvrir la voix de Mme la ministre.) Les Français vous ramèneront au niveau qui doit être selon eux celui de LFI –⁠ un niveau « résiduel ». (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RN et sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR, LIOT et UDR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP, sur plusieurs bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme Marietta Karamanli

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    Regardez qui vous applaudit de l’autre côté ! (Plusieurs députés des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS désignent les bancs du groupe RN.)

    Mme Sarah Legrain

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    C’est la honte !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Duplessy.

    M. Emmanuel Duplessy

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    La Commission nationale consultative des droits de l’homme rappelle pourtant, dans son rapport annuel de 2024, que si l’antisémitisme existe malheureusement dans toute la société, il « continue à battre des records à droite et plus particulièrement à l’extrême droite ». Votre réponse n’est pas à la hauteur de la situation. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP, dont les députés se lèvent, ainsi que sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Lorsqu’on est républicain et universaliste, on combat dans un même mouvement l’antisémitisme et le racisme, on n’oppose pas l’un à l’autre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) On regarde des deux côtés, on dénonce les alliances ainsi que l’antisémitisme partout où il existe et d’où qu’il vienne. Ne placez plus des cibles dans le dos de nos compatriotes juifs. (Mêmes mouvements.)

    Explosion de l’antisémitisme

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Stéphanie Rist.

    Mme Stéphanie Rist

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    Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur.
    Il a demandé : « Est-ce que vous êtes juif ? » Puis il a craché. Samedi, en plein après-midi, rue d’Illiers, le rabbin Arié Engelberg rentre de la synagogue. Devant son fils de 9 ans, il est insulté, frappé et mordu parce que juif.
    À Orléans, ville de Jeanne d’Arc, symbole de résistance face à l’injustice, ville calme et de concorde, un citoyen a ainsi été pris pour cible parce que juif.
    À Orléans, cependant, face à la haine, c’est la fraternité qui a gagné. Je veux saluer les témoins qui, sans hésiter, lui sont directement venus en aide.
    Ce n’est pas un fait isolé : 1 570 actes antisémites ont été recensés l’an dernier, soit 4 par jour. Le rabbin d’Orléans ne se demandait pas s’il allait être agressé mais quand cela lui arriverait. Nos concitoyens de confession juive vivent avec la peur et dans l’insécurité.
    L’âge de l’agresseur doit également nous interpeller. Mineur, il sera jugé en avril par un tribunal pour enfants. Notre proposition de loi sur la justice des mineurs n’a jamais été autant d’actualité.
    Si seulement il n’y avait que ce fait ! Le rabbin d’Orléans a été agressé alors que certains, à l’extrême gauche, cultivent l’ambiguïté en prétextant le malentendu et en manipulant –⁠ la semaine dernière encore – des symboles antisémites, et que, il n’y a pas si longtemps, des candidats investis aux élections législatives par le Rassemblement national tenaient des propos antisémites. Quand leur responsabilité –⁠ à eux aussi – sera-t-elle mise en cause ?
    La haine antisémite devient banale sur les réseaux sociaux et dans les manifestations prétendument antiracistes. Ceux qui attisent la haine ne font que préparer le terrain avant un passage des mots aux actes. Les Français ne veulent plus de notre part de marches, de condoléances, de fleurs ou de discours mais des actes. Quelles mesures seront prises pour assurer la sécurité physique de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. Vincent Jeanbrun applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    Vous avez évidemment 1 000 fois raison. Le premier ministre avant-hier, et moi-même hier, avons appelé le rabbin d’Orléans pour lui dire notre soutien et celui de l’ensemble du gouvernement mais aussi, au-delà, pour lui exprimer la solidarité de toute la nation française.

    Mme Caroline Parmentier

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    C’est dérisoire !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Dès ce soir, nous enverrons à tous les préfets de France un télégramme pour leur permettre de prendre les mesures nécessaires afin, notamment, de sécuriser les lieux de culte de cette communauté.
    L’antisémitisme est de retour, de façon massive –⁠ les chiffres ont été cités par Aurore Bergé il y a quelques instants. Malheureusement, son visage est double aujourd’hui en France. Le premier est celui de l’islamisme politique, catalyseur, comme le fascisme hier, de la haine antisémite. L’autre est celui de l’extrême gauche, des Insoumis (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, EPR, DR et Dem. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP) qui, sous le prétexte de l’antisionisme, instrumentalisent la cause palestinienne et attisent les relents de l’antisémitisme pour de pures raisons électoralistes. Voilà la réalité.

    M. Maxime Laisney

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    Parlez de la campagne de Mme Bergé !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Qui s’est excusé pour l’affiche –⁠ certes retirée – qui reprenait l’iconographie des années 1930 pour représenter Cyril Hanouna ?

    M. Éric Coquerel

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    Et vous ? Vous êtes-vous excusé après avoir parlé des « Français de papier » ?

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Hier, un jeune de 15 ans a proféré des propos antisémites en classe, au lycée Paul-Éluard. Lorsque le principal l’a appelé, il les a réitérés et a menacé de mort ce dernier. Pensez-vous un seul instant que ce type d’affiche n’ait aucune conséquence ? Honte à ceux qui banalisent l’antisémitisme ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Justice des mineurs

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Maxime Michelet.

    M. Maxime Michelet

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    Ce lundi, un adolescent de 17 ans est mort, poignardé à la sortie d’un lycée, à Yerres, dans un contexte de rivalité mortelle entre bandes d’adolescents.
    Les violences extrêmes commises par des mineurs constituent désormais le quotidien d’un pays en état de choc et nous rappellent la fragilité de la réponse pénale qui n’effraie en rien une jeunesse ultraviolente, prête à tuer pour un rien.
    Le 13 février dernier, grâce –⁠ uniquement – aux voix du bloc patriote, la proposition de Gabriel Attal sur la justice des mineurs a été adoptée. Elle prévoit notamment de supprimer le funeste mécanisme –⁠ pourtant instauré par un gouvernement dont M. Attal était membre – de la césure pénale dans les cas de violence aggravée.
    Or, hier, les sénateurs LR, membres du bloc central, ont pris le luxe de détricoter ce texte déjà insuffisant. À la suite du rapporteur, Francis Szpiner, pourtant soutien de Bruno Retailleau, ils ont refusé des mesures de fermeté de bon sens, indispensables à la sécurité des Français.
    La proposition Attal semble donc manifestement condamnée par les fractures du bloc central et par la profusion d’ambitions contradictoires qui s’y agitent –⁠ fractures politiciennes particulières indécentes face à la gravité de la situation sécuritaire.
    Comme Émile Durkheim nous l’enseigne, la sanction n’a pas seulement une fonction punitive mais aussi éducative et sociale. C’est pourquoi en 2011, grâce à notre président Éric Ciotti, la loi a prévu un encadrement de type militaire pour les mineurs délinquants. Mais cette mesure demeure inappliquée en raison du choix délibéré des gouvernements successifs.
    Monsieur le garde des sceaux, allez-vous réactiver ce dispositif et vous engager avec détermination sur la voie de la fermeté, en osant mettre fin à l’excuse de minorité et à la folie de la césure pénale ? Quelle est donc la ligne du gouvernement quant à la justice des mineurs, si tant est qu’il en ait une ? Alors que les drames s’accumulent encore et encore, le gouvernement entend-il enfin sortir de sa torpeur ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. –⁠ M. Vincent Jeanbrun applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Vous avez parfaitement raison : une nouvelle fois, à Yerres en l’occurrence, un mineur de 17 ans a succombé à la suite d’une rixe. La violence des mineurs doit absolument faire l’objet d’une réponse ferme de l’État. C’est la raison pour laquelle la proposition de loi déposée par Gabriel Attal et discutée cet après-midi au Sénat doit être non seulement maintenue dans la rédaction voulue par le président du groupe Ensemble pour la République, mais aussi enrichie au Sénat puis en deuxième lecture au sein de votre assemblée.
    Nous menons des discussions avec les sénateurs, dont je suis sûr qu’ils trouveront le chemin de l’éducation et de la fermeté immédiate, comme l’a dit également très récemment M. le ministre de l’intérieur. Soyez donc assuré que le gouvernement, à la demande du premier ministre, soutient les propositions de M. Attal afin d’obtenir des réponses fermes, claires et nettes au service des magistrats qui luttent difficilement contre la violence infligée aux mineurs et par les mineurs.
    J’ai rencontré récemment M. le président Ciotti pour évoquer avec lui la disposition qui existe depuis plus de quinze ans dans le droit positif et qui –⁠ vous l’avez rappelé – n’a jamais été appliquée. J’ai demandé à mes services ainsi qu’au ministère des armées d’analyser les moyens nécessaires à l’application de l’encadrement militaire d’une partie des mineurs sous main de justice, avec ou sans autorisation parentale.
    Nous l’appliquons déjà en outre-mer –⁠ le premier ministre Valls le sait bien – dans le cadre du régiment du service militaire adapté, ou de façon extrêmement limitée au sein des Établissements pour l’insertion dans l’emploi. Nous devons aller vers l’application des dispositions déjà votées par le Parlement. Si son président m’y invite, je reviendrai devant la commission des lois dans quelques semaines pour détailler les actions qui sont rendues possibles par les dispositions déjà votées en matière d’encadrement militaire. Le débat sénatorial sera peut-être l’occasion d’en débattre et d’adopter les dispositions permettant aux magistrats de prononcer les placements judiciaires dans un tel cadre. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et UDR.)

    M. Christophe Blanchet

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    Très bien !

    Lutte contre le narcotrafic

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Roger Vicot.

    M. Roger Vicot

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    Même si je ne dispose que de deux minutes, permettez-moi de prendre quelques secondes pour rendre un hommage amical, sincère et respectueux à M. André Chassaigne qui posera sa dernière question au gouvernement dans quelques instants, avant de quitter notre assemblée. (Les députés des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem, LIOT et GDR se lèvent et applaudissent longuement, rejoints par quelques députés des groupes DR et HOR ainsi que par Mme Brigitte Barèges. –⁠ Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
    J’ose espérer, madame la présidente, que vous décompterez de mon temps de parole les applaudissements nourris à l’endroit de M. Chassaigne. (Sourires.)

    Mme la présidente

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    Bien sûr ! Ne vous inquiétez pas, nous avons prévu d’honorer André Chassaigne…

    M. Roger Vicot

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    Monsieur le ministre de l’intérieur, nous fêtons aujourd’hui un anniversaire. Il y a un an, votre prédécesseur, aujourd’hui garde des sceaux, lançait les opérations dites Place nette XXL à Roubaix, dans le quartier Sainte-Élisabeth, à grand renfort de policiers, de chiens en laisse mais surtout de caméras et de micros.
    À l’occasion de cet anniversaire, la presse locale dresse dans tout le pays un bilan de ce qui était présenté comme une solution pérenne au trafic de stupéfiants dans nos villes. Ce bilan est clair : ces opérations sont totalement inefficaces. Qui le dit ? Les habitants, d’une part : « Cela s’est calmé pendant quelques jours puis les dealers sont revenus comme avant, comme s’il ne s’était rien passé. » Les dealers aussi, dans la presse de ce matin : « Même quand la police était là tous les jours, on s’était juste déplacés de quelques rues. » La police, enfin, fait le même constat : « Il n’y a pas eu d’efficacité, c’était juste de la communication, de belles images. On a agi là où on pouvait agir, une heure après, les dealers étaient là, d’autant qu’il n’y a pas eu de moyens supplémentaires. »
    Nous sommes en train d’examiner un texte visant à lutter contre la criminalité organisée, en particulier contre les têtes de réseau, notamment du narcotrafic –⁠ ce qu’on appelle le haut du spectre. Au-delà de cette lutte évidemment indispensable, nos concitoyens attendent une réponse quotidienne que les opérations Place nette XXL n’ont de toute évidence pas apportée. Il y va de notre pacte républicain et de la crédibilité de nos institutions : comment envisagez-vous de rétablir efficacement et chaque jour le calme, dans nos villes comme désormais en milieu rural ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    Je ne peux pas vous laisser affirmer que l’opération XXL qui s’est déroulée il y a un an à Lille a été vaine.

    Mme Élisa Martin

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    Quelle blague !

    M. Bruno Retailleau, ministre d’État

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    Elle a donné lieu à 107 déferrements d’individus, dont 36 mandats de dépôt, et permis la saisie de presque 60 kilogrammes de stupéfiants, de près de 1 million d’euros et de 87 véhicules. Il faut bien sûr lancer d’autres opérations et les compléter selon trois dimensions : une dimension judiciaire d’abord, avec des coups de filet et du renseignement en amont afin de démanteler les réseaux de drogue ; une dimension sécuritaire ensuite, avec l’occupation des voies publiques et la fouille de caves d’immeubles ; une dimension administrative enfin, avec le déploiement de tous les leviers de l’État –⁠ sanitaire, fiscal et douanier entre autres – pour casser l’écosystème, notamment économique, de la drogue. Chacun doit prendre ses responsabilités, notamment les maires : avec Grenoble, Lille dispose du réseau de vidéosurveillance le plus faible. (Murmures sur quelques bancs du groupe EcoS.)
    Enfin, j’espère que vous voterez dans quelques jours le texte sur le narcotrafic qui nous donnera des armes déterminantes, par exemple pour fermer des commerces. À Belfort, où j’étais hier, le maire a dû acheter pas moins de trente commerces pour éviter qu’ils ne tombent dans l’escarcelle de blanchisseurs. La proposition de loi que vous allez voter donnera à nos préfets un nouveau levier pour fermer ces commerces. En tant que rapporteur, vous connaissez tout l’arsenal que ce texte mettra à notre disposition et dont nous avons besoin. Nous verrons qui prendra ses responsabilités et qui votera ce texte fondamental et fondateur pour la lutte contre le narcotrafic. (MM. Patrick Hetzel et Olivier Marleix applaudissent.)

    Mme la présidente

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    Avant de donner la parole à M. le président Chassaigne qui s’apprête à quitter son mandat de député et posera sa dernière question au gouvernement, je souhaite saluer son parcours exceptionnel au service des Français. Engagé dans la vie publique en qualité d’adjoint au maire de Saint-Amant-Roche-Savine il y a quarante-huit ans, vous avez exercé presque tous les mandats : conseiller général, maire, conseiller régional et évidemment député depuis 2002. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR, LIOT et GDR.)
    Élu de la cinquième circonscription du Puy-de-Dôme, réélu à six reprises, vous vous êtes, au cours de ces vingt-trois années de mandat (Mêmes mouvements), investi dans de nombreuses fonctions : président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine depuis 2012, président du groupe d’amitié…tenez-vous bien…France-Cuba (Sourires), vice-président de neuf groupes d’amitié et membre de seize groupes d’étude.
    L’adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale puis par le Parlement dans son ensemble des deux lois dites Chassaigne en 2020 et 2021, visant à revaloriser les pensions de retraite agricole, a illustré votre force de persuasion sur tous les bancs. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR, LIOT et GDR, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
    Vos convictions, votre ténacité et votre sens de la formule vont nous manquer. Avec vous, s’éloigne une grande figure de l’Assemblée nationale dont la voix résonnera encore longtemps dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. –⁠ M. Xavier Breton applaudit également.) Je salue aujourd’hui un très grand républicain, défenseur irréprochable de nos valeurs fondatrices et de nos institutions.
    Vous continuerez à œuvrer pour l’intérêt général en retrouvant votre premier mandat communal à Saint-Amant-Roche-Savine. En mon nom personnel, au nom de l’Assemblée nationale et au nom de tous les Français, je vous adresse nos plus vifs remerciements pour votre engagement pour notre pays. (Les députés des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem, LIOT et GDR se lèvent et applaudissent longuement, rejoints par quelques députés des groupes DR et HOR. –⁠ Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR, dont quelques députés se lèvent.)

    Politique du gouvernement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Madame la présidente, je vous remercie pour cet hommage et je me dis que si l’élection au perchoir s’était faite à l’applaudimètre, j’aurais peut-être eu ma chance… (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes GDR, EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem et LIOT.)
    Je vais donc poser ma dernière question, sans concession, au nom des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine que j’aime tant et qui rassemble les députés communistes et des députés des territoires dits d’outre-mer –⁠ vous m’avez donné beaucoup de bonheur et je voulais vous en remercier. (Mêmes mouvements.)
    Depuis plusieurs législatures, les gouvernements successifs ont multiplié les coups de force. Le triple coup de force que j’ai dénoncé au moment de la loi « travail » de 2016 ou sur les réformes des retraites est devenu permanent : coup de force contre l’opinion majoritaire des Français, coup de force contre les représentations syndicales, coup de force contre le Parlement.

    M. Thomas Ménagé

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    Il faut l’applaudir, là !

    M. André Chassaigne

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    Vous-même, monsieur le premier ministre, et dans le même esprit, n’avez-vous pas délibérément trompé les Français, les représentations syndicales et notre Parlement en organisant un conclave de façade, alimentant de faux espoirs chez ceux qui souffrent déjà de la réforme des retraites ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    M. Emeric Salmon

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    C’est curieux, certains ne l’applaudissent plus !

    M. André Chassaigne

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    Toujours dans cette logique, vous venez d’adresser un courrier aux présidents de groupe. Sous l’apparence de la concertation, il laisse poindre une forme de mépris du Parlement, en réduisant de fait son rôle dans la suite de notre législature. La violation de la séparation des pouvoirs, à laquelle nous assistons depuis des années, conjuguée à la brutalité des annonces, met en péril notre démocratie, ici comme dans le pays.
    De plus, par votre méthode et votre programme, vous vous alignez dangereusement sur l’agenda de l’extrême droite (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC), alors que dans un contexte international délétère, nous avons plus que jamais besoin d’une nation unie au service de la cohésion et de la paix. Nous sommes à un point de bascule. Monsieur le premier ministre, je vous appelle solennellement à un sursaut, j’oserai même dire à un coup de force, mais un coup de force démocratique. (Les députés des groupes GDR, LFI-NFP, EcoS et SOC se lèvent et applaudissent.)

    M. Sébastien Chenu

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    Good bye, Lenin ! (Sourires.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    Tout d’abord, je veux vous rassurer parce que votre appel à une nation unie est ce que nous avons de plus important à construire et de plus précieux à défendre.

    Une députée du groupe LFI-NFP

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    Vous divisez les gens !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Nous nous en sommes entretenus vous et moi très souvent, en partageant des sentiments civiques au-delà même de nos différences et de nos divergences d’appréciation. Je pense comme vous que la démocratie est vitale pour l’unité de la nation :…

    M. Louis Boyard

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    Vous n’êtes pas légitime !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …la démocratie politique, car nous avons beaucoup de progrès à accomplir pour aller vers le pluralisme, mais aussi la démocratie sociale (M. Louis Boyard s’exclame.) En effet, lorsqu’un pays rencontre des moments aussi difficiles, il n’est pas possible de s’en remettre entièrement au pouvoir politique, en raison des divisions et des affrontements qui donnent à nos concitoyens le sentiment que leur intérêt général n’est pas pris en compte comme il devrait l’être.
    C’est la raison pour laquelle j’ai en effet demandé aux partenaires sociaux d’examiner, sans aucune interférence (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), la question des retraites. Et ils savent bien ce qu’il en est : vous avez lu, par exemple, l’interview, dimanche, de la secrétaire générale de la CFDT qui a dit les choses comme je pensais qu’elles devaient être dites, comme elle a choisi de les dire et comme nous pensons tous qu’elles devraient être : pour défendre les intérêts de nos concitoyens, il faut que chacun soit à son poste de combat et à son poste de négociation quand il le faut. Démocratie politique et démocratie sociale, voilà le premier point sur lequel je voulais vous répondre.
    En second lieu, j’ai à vous exprimer ma gratitude, au nom du gouvernement et au mien. Vous avez été pendant des décennies, un visage qui portait l’honneur de notre parlement et de notre démocratie ; vous avez été un visage qui portait l’honneur de la République et vous avez été de surcroît –⁠ à mes yeux cela compte – une personnalité profondément enracinée dans le sol de notre pays, porteur d’une vision de la province, en particulier de l’Auvergne…

    M. Vincent Descoeur

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    Eh oui !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …dont vous avez été ici l’expression et même assez souvent le chantre, avec une émotion que nous considérions tous, moi en particulier, comme précieuse.
    Vos compatriotes qui vont vous retrouver dans vos fonctions municipales ont beaucoup de chance. Nous, nous avons beaucoup de chance d’avoir travaillé avec vous et nous avons bien l’intention de continuer à défendre ensemble les valeurs que vous avez illustrées dans ce parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR. –⁠ Mme Marietta Karamanli applaudit également.)

    Enseignement privé agricole

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Pierre Bataille.

    M. Jean-Pierre Bataille

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    L’enseignement agricole privé sous contrat est aujourd’hui en danger et, à travers lui, la formation de milliers de jeunes prêts à s’engager pour la souveraineté alimentaire et pour la vitalité de nos territoires ruraux.
    Depuis la signature du protocole 2022-2026, le mode de calcul des subventions allouées aux établissements relevant du Conseil national de l’enseignement agricole privé a été modifié par l’État, sans concertation suffisante avec les établissements concernés. Les financements régionaux ont ainsi été exclus du coût de référence par élève, entraînant un manque à gagner estimé entre 35 et 40 millions d’euros chaque année, soit une baisse de 25 % des subventions. Sur le plan national, cela concerne 176 établissements, accueillant plus de 45 000 élèves en formation initiale et 12 000 en apprentissage. Les conséquences sont alarmantes : sans ajustement de subventions, un bon nombre d’établissements, dont les deux de ma circonscription, le lycée professionnel d’Estaires et l’Institut d’Hazebrouck, pourraient faire face, à terme, à des risques de fermeture ou de cessation de paiement. Rappelons que la loi Rocard de 1984 garantit le respect des engagements financiers de l’État envers les établissements d’enseignement agricole privés, assurant ainsi leur bon fonctionnement et la réalisation de leur mission essentielle de formation. Pourtant celle-ci ne semble donc plus être respectée alors même que la loi d’orientation agricole, toute fraîchement promulguée, renforce la reconnaissance et la professionnalisation des formations agricoles via la création du bachelor agro et la mise en valeur des ateliers pédagogiques des lycées agricoles relevant du Cneap.
    Face à une telle situation critique, une commission de conciliation sera appelée à se réunir d’ici fin mars ou début avril. Cette instance sera déterminante pour rétablir le dialogue afin de trouver une issue équitable entre l’État et les représentants des établissements concernés. Madame la ministre de l’agriculture, confirmez-vous vouloir préserver les missions de ces établissements, lesquelles sont essentielles pour nos territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

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    Je partage votre attachement à l’enseignement agricole parce qu’il prépare nos jeunes aux métiers du vivant. Vous n’ignorez pas les circonstances dans lesquelles s’est faite la préparation du budget et que mon ministère a dû contribuer, comme l’ensemble des ministères, à l’effort budgétaire qui nous a été demandé en raison de la situation dans laquelle se trouve notre pays. Mon objectif, c’est évidemment de préserver la qualité des enseignements, sachant que le maillage territorial de l’enseignement agricole est une grande réussite, que les établissements soient privés ou publics. Une première enveloppe de dotation a été attribuée dès la rentrée pour tenir compte le plus finement possible de l’évolution des effectifs.
    Il est vrai que le Cneap a formé un recours gracieux, au nom de 173 associations gestionnaires privées sous contrat, à l’encontre de l’arrêté de novembre 2024 qui fixait le montant des subventions pour l’ensemble de ces organismes au titre de l’année 2024. Je tiens à saluer la place centrale qu’occupe le Cneap dans l’enseignement agricole privé, j’en connais bien les responsables que je rencontre régulièrement et je sais la qualité de leur travail. C’est la raison pour laquelle j’ai accédé à leur demande de convocation d’une commission de conciliation. Cela étant, je veux tout de même vous rappeler que la non-couverture des dépenses des établissements agricoles privés s’inscrit dans une histoire longue, très longue, et qu’il y a déjà eu des recours pour ce motif. Le sujet n’est pas réglé depuis des décennies.

    M. Thibault Bazin

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    Ce n’est pas le seul !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Mais je peux vous affirmer mon engagement plein et entier pour être aux côtés de l’enseignement agricole privé dont je connais la spécificité, les qualités et dont je sais qu’il est gage de réussite pour nos jeunes. (Mme Danielle Brulebois, Mme Christelle Petex et M. Xavier Breton applaudissent.)

    Politique énergétique

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ma question s’adresse au Premier ministre.
    Le PDG d’EDF Luc Rémont a été renvoyé, et sèchement. Mais qu’est-ce que votre gouvernement peut bien lui reprocher, sinon d’appliquer en réalité la politique énergétique d’un certain Emmanuel Macron ? Alors que vous recyclez partout et tout le temps vos amis battus à toutes les élections, avec pour seul critère de compétence leur incompétence, voilà que vous sanctionnez des dirigeants qui ont le malheur d’appliquer vos propres décisions !… M. Luc Rémont est en fait le fusible de vos échecs patents et surtout de vos mensonges. Voilà en effet qu’il voulait qu’EDF fasse le plus de bénéfices possible… Mais c’est vous, monsieur le premier ministre, qui exigez des dividendes pour éponger vos déficits.
    M. Rémont veut un plan de financement pour ces EPR que vous avez promis… Mais c’est vous qui êtes incapable de l’assurer et les retards s’accumulent encore et toujours.
    M. Rémont propose des contrats à nos industriels qui suppriment l’avantage compétitif du nucléaire… Mais c’est vous qui vous êtes soumis, après Mme Borne et M. Attal, aux règles européennes de tarification de l’électricité, et surtout qui avez menti aux Français lors des élections en disant que vous les aviez réformées. Non, vous n’avez rien réformé : vous vous êtes soumis comme toujours à l’Allemagne !
    Vous voulez nommer M. Fontana… Très bien, c’est ce que le Rassemblement national avait proposé à M. Le Maire il y a deux ans. Vous progressez ! Mais sans changement de politique, le talent de M. Fontana sera gâché, comme tous les talents d’EDF.
    La mère de tous les mensonges, c’est la programmation pluriannuelle de l’énergie à 300 milliards d’euros, que vous préparez dans le dos du Parlement et surtout des Français !
    Ma question est donc claire : allez-vous respecter la loi comme vous le demande Marine Le Pen –⁠ oui, la loi qui vous oblige à consulter le parlement sur la politique énergétique – ou assumez-vous encore un coup de force antidémocratique pour ruiner ce qu’il reste de politique énergétique française ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

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    La programmation pluriannuelle de l’énergie est en effet en cours de concertation et prévoit de donner une place centrale au nucléaire parce que c’est un pilier de notre production énergétique, c’est-à-dire une production stable qui garantit notre indépendance énergétique et qui devrait assurer aux Françaises et aux Français ainsi qu’à notre industrie des prix compétitifs dans la durée. J’ajoute qu’outre la programmation nucléaire, il y a aussi celle des énergies renouvelables : notre trajectoire vise une énergie totalement décarbonée en 2050. La programmation pluriannuelle de l’énergie complète toute notre politique industrielle puisqu’il s’agit de rapatrier l’industrie sur le territoire de notre pays en visant aussi à décarboner à la fois la production et les usages.
    S’agissant de la question que vous posez sur la politique d’EDF, je souligne qu’elle a été menée avec succès par Luc Rémont auquel je veux rendre hommage devant la représentation nationale. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Il a assuré ces dernières années le rétablissement du niveau de production qui était affaibli, et a remis en fonctionnement l’ensemble de nos centrales. Luc Rémont a aussi engagé une réorganisation, en liaison avec l’État, qui était tout à fait bienvenue. Son mandat s’achevant, nous avons considéré que pour une nouvelle phase qui consiste à relancer la négociation avec les industriels et à mettre en œuvre la construction de six EPR, celui qui est au cœur du système nucléaire, le patron de Framatome Bernard Fontana, avait les qualités requises pour lui succéder. Et nous lui avons donné comme feuille de route de poursuivre la mission engagée et de mettre en œuvre ce programme nucléaire qui assurera, je le répète, une énergie stable et à bas prix pour notre économie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Il n’y a pas d’énergie à bas coût : vous avez doublé le prix de l’électricité depuis que vous et les vôtres êtes au pouvoir.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est faux !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Mais si vous ne consultez pas le Parlement, nous allons nous aussi vous rendre un hommage à la Luc Rémont : en vous renvoyant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mortalité infantile

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Murielle Lepvraud.

    Mme Murielle Lepvraud

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    Monsieur le premier ministre, depuis 2020, le taux de mortalité infantile en France ne cesse d’augmenter, atteignant aujourd’hui 4,1 décès pour 1 000 naissances. Ainsi, 2 800 bébés perdent la vie avant leur premier anniversaire et 70 % d’entre eux meurent à la maternité ; la France se retrouve au vingt-troisième rang sur les vingt-sept de l’Union européenne alors qu’elle était parmi les premiers il y a vingt-cinq ans. Ce chiffre alarmant peut être mis en parallèle avec la fermeture progressive des petites maternités : en cinquante ans, 75 % d’entre elles ont disparu, et le dernier rapport de l’Académie de médecine recommande encore d’en fermer 111 qui réalisant moins de 1 000 accouchements par an, soi-disant pour des raisons de sécurité. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous accélérez donc les fermetures ! Pourtant, cette logique de rationalisation à outrance, qui transforme les hôpitaux en usines à bébés, a atteint ses limites : la surcharge des grandes structures hospitalières, le manque de suivi des prématurés et la dégradation des services de protection maternelle et infantile mettent en danger les mères et leurs bébés. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) M. Macron a appelé à un absurde réarmement démographique mais en même temps, il torpille les hôpitaux publics ! (Mêmes mouvements.)
    Ne serait-il pas temps de stopper les fermetures de maternités pour garantir la sécurité des mères et de leurs bébés, mais aussi des soignants qui aspirent à redonner du sens à leur métier ? !
    Par ailleurs, alors que le système de santé manque déjà de moyens, 1,1 milliard d’euros, initialement prévus pour l’assurance maladie, viennent d’être gelés par Bercy, sans explication sur cette réduction des moyens alloués aux dépenses de santé.
    Merci à ceux qui n’ont pas voté la censure ! (Mêmes mouvements.)

    Un député du groupe LFI-NFP

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    Quelle honte !

    Mme Murielle Lepvraud

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    Dans un tel contexte, comment justifier de nouvelles restrictions alors que l’accès aux soins des femmes et des bébés est en jeu ? Quand et comment allez-vous prendre réellement en charge cette question de la mortalité infantile ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent vivement. –⁠ M. Sébastien Peytavie applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

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    Évidemment, je connais le constat que vous venez de dresser sur la mortalité infantile dans notre pays et force est de reconnaître que, depuis dix ans, elle a augmenté. C’est d’ailleurs le sens de 4,1, l’ouvrage auquel vous faites implicitement référence dans votre question, qui met en avant plusieurs éléments, à commencer par la nécessité d’analyser les causes de la mortalité infantile entre zéro et vingt-sept jours. Ces causes sont plurielles et nécessitent d’aller plus loin dans l’appréciation des conditions de leur apparition. C’est le premier élément qui doit incontestablement retenir toute notre attention.
    Vous évoquez par ailleurs des fermetures de maternité mais on sait bien, les experts le disent, que, dans une maternité qui effectue moins de 300 accouchements par an, il y a probablement un manque de pratique, d’où la nécessité de pouvoir articuler les réponses, sachant que la distance doit aussi être prise en compte : quand on vit à plus de quarante-cinq minutes d’une maternité, c’est un vrai sujet pour les femmes enceintes. C’est le deuxième élément.
    Le troisième, sur lequel je veux insister, c’est l’organisation d’un triptyque composé de l’obstétrique, de la pédiatrie et de l’anesthésie.
    Voilà ce que nous devons traiter pour pouvoir apporter des réponses concrètes à ce sujet des tout-petits.
    Enfin, vous abordez la question de l’hôpital. je voudrais vous rappeler que nous avons augmenté l’Ondam hospitalier, donc la tarification des hôpitaux, à hauteur de 9 milliards cette année : plus 0,5 % pour l’hôpital public et autant pour l’hôpital privé. C’est un choix du premier ministre. C’était attendu et nous l’avons fait !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Murielle Lepvraud.

    Mme Murielle Lepvraud

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    C’est ma troisième question au gouvernement à propos des maternités, et vous continuez à en fermer. Vous mettez en péril la santé des femmes et des enfants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Sébastien Peytavie applaudit également.)

    Simplification administrative

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles Fournier.

    M. Charles Fournier

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    Ma question s’adresse à M. Marcangeli, ministre de la simplification. Hier, lors des débats en commission sur le projet de loi dit de simplification, nous avons assisté à un remake du concours Lépine ou de Massacre à la tronçonneuse. Le rapporteur, le gouvernement et plus encore les députés de droite et d’extrême droite ont rivalisé de créativité dans la course à la suppression d’organismes et de conseils consultatifs.

    Mme Anne-Laure Blin

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    C’est ce que les Français attendent !

    M. Charles Fournier

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    Avec ce texte fourre-tout, vous avez ouvert les vannes et offert un blanc-seing à la surenchère. Vous avez rendu hier sur certaines suppressions des avis dits de sagesse finalement bien peu sages.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Vous ne savez même pas à quoi servent ces organismes !

    M. Charles Fournier

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    Parfois à l’aveugle, parfois à dessein, quand il s’agit de se débarrasser de conseils en matière de droit du travail ou d’écologie (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS), chacun y est allé de sa petite mesure de suppression dans un ensemble qui manque de sérieux, de méthode et de préparation. Nous avons assisté à des séquences un peu folles. On n’a pas trouvé de comptes rendus sur le site, l’organisme ne répond pas au téléphone ou ne se réunit pas : on le supprime !

    Mme Anne-Laure Blin

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    Vous n’avez pas dit le contraire non plus !

    M. Charles Fournier

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    Si on ne connaît pas, c’est que ça ne sert à rien : on supprime ! Des structures de concertation ? C’est inutile : on les supprime !

    Mme Anne-Laure Blin

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    Tout à fait !

    M. Charles Fournier

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    Trente-deux organismes ont été supprimés hier soir.

    M. Fabrice Brun et M. Emeric Salmon

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    Ce n’est pas suffisant !

    M. Charles Fournier

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    Vous direz sans doute que ce n’est pas assez, que ce n’est pas le grand soir, que c’est décevant. L’OFB, l’Ademe, la chambre française et les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire : on aurait pu aller beaucoup plus loin dans ce choc de simplification.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Exactement !

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Mais oui !

    M. Charles Fournier

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    Nous ne sommes pas passés loin de la suppression de la Commission nationale du débat public, dont je salue les salariés, en grève aujourd’hui. Vous annonciez un choc de simplification, c’est le début de la grande liquidation. Vous n’avez aucune vision des effets de ces suppressions. Par exemple, si le Conseil national de la montagne, qui a appris qu’il était supprimé, ne s’est pas réuni, c’est parce que le premier ministre, qui doit le convoquer, ne l’a pas fait.
    Finalement, ces suppressions ouvrent la voie à des attaques contre la démocratie et contre l’État de droit. La trumpisation est en marche ! (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe EPR. –⁠ « Exactement ! » sur les bancs du groupe EcoS.)
    Monsieur le ministre, n’y a-t-il pas un intérêt public majeur, pour reprendre la notion que vous utilisez pour justifier tous les contournements de nos protections, à préserver la concertation et la démocratie ? Allez-vous laisser faire ? Jusqu’où irons-nous dans ces démantèlements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification.

    M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification

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    Les débats d’hier étaient beaucoup plus apaisés que votre question. Je commencerai ma réponse par une phrase que nous devrions tous avoir en tête : tout ce qui est excessif est insignifiant. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Hier, nous avons commencé…

    Mme Anne-Laure Blin

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    Grâce à la Droite républicaine !

    M. Laurent Marcangeli, ministre

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    …l’examen d’un texte très attendu par les Français, qui ne concerne pas seulement la suppression de comités ou d’agences mais la simplification de la vie économique, dont les chefs d’entreprise espèrent beaucoup.
    Hier, notre attitude a été responsable. Quand il y a redondance entre instances, quand un organisme est peu actif ou quand son action pèse sur la lisibilité de l’action publique, le gouvernement a donné des avis favorables à des suppressions ou s’en est remis à la sagesse de l’Assemblée.

    Mme Anne-Laure Blin

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    C’est nous qui les avons supprimés !

    M. Laurent Marcangeli, ministre

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    Ainsi que vous l’avez dit, cela s’est produit une trentaine de fois. En revanche, vous oubliez de dire que, dans une soixantaine de cas, la commission a voté contre la suppression, conformément à l’avis du gouvernement. Certains de vos collègues regrettent d’ailleurs amèrement que le gouvernement n’ait pas donné plus d’avis favorables.

    Mme Anne-Laure Blin

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    C’est un grand regret !

    M. Laurent Marcangeli, ministre

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    Vous avez parlé de l’OFB, de l’Ademe et du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement. Si mes souvenirs sont exacts, hier, je n’ai pas donné d’avis favorable à la suppression de ces organismes.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Mais vous ne les défendez pas !

    M. Laurent Marcangeli, ministre

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    Nous allons agir avec méthode, sans tronçonneuse, sans avoir pour modèles M. Trump et ses amis, parce que nous sommes en France et parce que nous ne voulons pas d’une simplification à l’américaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.) Nous ferons une simplification à la française, dans l’intérêt de nos concitoyens. (Nouveaux applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)

    Endométriose

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Blanchet.

    M. Christophe Blanchet

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    « Elle me terrasse et m’accule / possède mon corps tout entier / me tord l’esprit, prend ses quartiers / elle me glace, elle me brûle / Toujours à l’heure, elle est ponctuelle / elle ne me fait jamais défaut / sort de l’ombre et me fait la peau / ma chère amie, elle est monstruelle » Voilà ce qu’écrit Marine Bonnot dans son poème Rouge.
    Cette chère amie se nomme endométriose, une maladie qui touche plus d’une femme sur dix. Cette maladie silencieuse atteint nos épouses, nos mères, nos filles, nos sœurs, nos amies, nos collègues, sans que nous le sachions. En effet, trop souvent encore, la pudeur les retient de parler alors qu’elles souffrent en silence. Nombre d’entre nous, notamment les hommes, ne sommes pas conscients de ce que cette maladie inflige à ces femmes dans leur quotidien, leur intimité, leur sexualité et leur espoir d’avoir un enfant.
    Vendredi 28 mars, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre l’endométriose, il est essentiel de constater qu’il manque encore cette communication nécessaire pour que les langues se délient et pour que nous soyons tous mobilisés avec elles, mobilisés notamment avec l’association EndoFrance. Je salue sa présidente, Yasmine Candau, et toutes les femmes combattantes qui l’accompagnent. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, DR, EcoS, Dem HOR, LIOT et GDR.) Partout où il est possible d’écouter la douleur de ces femmes et de poser un prédiagnostic, il est crucial que les personnels soient informés et formés, que ce soit dans les milieux scolaire, médical ou professionnel.
    Comment mettre en lumière cette maladie de l’ombre ? Comment susciter une lueur d’espoir chez les 4 millions de Françaises qu’elle touche tout en respectant leur pudeur et leur dignité ? Au-delà des soulagements apportés par l’aide médicale, et en attendant de trouver un traitement réparateur et définitif, les centres antidouleur obtiennent-ils tous les moyens nécessaires pour accompagner ces femmes et leur proposer autre chose que des médicaments ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, DR, EcoS, Dem HOR, LIOT et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

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    Mes premiers mots seront pour vous remercier d’avoir posé une question si importante pour la santé des femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.) Vous avez raison : les chiffres parlent d’eux-mêmes. Je veux néanmoins y ajouter une donnée, qui concerne l’errance médicale avant d’obtenir un diagnostic. En moyenne, elle dure sept ans. C’est dire si l’enjeu est important. Je veux souligner le travail de recherche en la matière. Nous avons autorisé l’Endotest et nous l’expérimentons auprès d’une cohorte de 25 000 femmes. Les objectifs sont d’avoir une meilleure capacité à poser un diagnostic puis, dès lors que cela est fait, d’être en mesure de soigner.
    En effet, les problèmes de l’endométriose et de l’infertilité sont liés. Au-delà des douleurs que vous avez décrites et qui reviennent chaque mois, existe pour certaines femmes atteintes d’endométriose une difficulté à concrétiser leur désir d’enfant. Là encore, avoir un traitement facilite la grossesse. J’insiste sur ce sujet parce que l’âge moyen à la naissance du premier enfant est de 31 ans en France. Y ajouter une errance médicale de sept ans compromet de manière quasi irrémédiable la satisfaction d’un désir d’enfant.
    La volonté du gouvernement est d’aller plus loin avec le test dont j’ai parlé et, si possible, de le généraliser. D’autre part, à la demande du premier ministre, nous allons lancer un plan sur le virage démographique. Il comportera des mesures sur l’infertilité comme sur la garde des enfants, des mesures très concrètes que nous voulons construire avec vous. Merci pour votre engagement. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe DR. –⁠ M. Sébastien Peytavie applaudit également.)

    Incarcération de Boualem Sansal

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Lionel Tivoli.

    M. Lionel Tivoli

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    Dix ans de prison ont été requis contre Boualem Sansal, un écrivain qui n’a fait qu’utiliser sa plume pour exprimer ses idées. Son cas est emblématique. Il concentre tout ce contre quoi notre pays devrait s’élever : un simulacre de procès, une instrumentalisation de la justice à des fins politiques et, surtout, une haine viscérale et affirmée de la France.
    À travers ces réquisitions scandaleuses, digne d’un État voyou, c’est le gouvernement algérien qui s’est exprimé. Un gouvernement qui a demandé à Boualem Sansal de changer d’avocat parce que le premier était juif, et qui multiplie les injures à l’égard de la France, piétinant les accords bilatéraux conclus au cours des dernières décennies. Ce gouvernement refuse de récupérer ses ressortissants sous OQTF, nous renvoie ses influenceurs haineux et fait peser une menace sur les Français, comme nous l’avons vu avec l’attentat de Mulhouse, où un ressortissant algérien sous OQTF, refusé à dix reprises par le régime d’Alger, a tué un de nos compatriotes.
    Face à telles outrances, la parole de notre gouvernement est une fois de plus dégradée et bafouée. Ce week-end encore, le président algérien se moquait des déclarations des ministres français. Quelle est l’action de la diplomatie de la France pour libérer un de ses ressortissants, récipiendaire de deux prix de l’Académie Française et emprisonné sans aucun motif dans les geôles d’un régime voyou ? Accepter de telles moqueries constitue-t-il la « riposte graduée » que promeuvent certains ministres ?
    Les Français sont lassés de vos paroles, qui ne sont pas suivies d’actes. Il est désormais temps d’agir. Quand allez-vous remettre en cause les accords de 1968 ? Quand allez-vous suspendre les visas et mettre un terme aux avantages dont bénéficient les ressortissants et dirigeants algériens sur notre sol ? Quand, enfin, allez-vous stopper l’aide au développement et l’aide publique en faveur de ce pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

    M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe

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    Voilà cent trente jours qu’un de nos compatriotes, le grand écrivain franco-algérien Boualem Sansal, est détenu de façon arbitraire. Cent trente jours que l’arrestation de ce héros de la liberté d’expression à l’œuvre antitotalitaire –⁠ je pense à des livres comme Le Village de l’Allemand ou 2084 : la fin du monde – suscite la solidarité de nos compatriotes. Rien ne justifie sa détention, rien ne justifie la peine dont il est menacé. La diplomatie française est pleinement mobilisée pour qu’il puisse avoir l’accès aux services consulaires auquel il a droit et pour obtenir sa libération.
    La France n’a cessé de souhaiter un dialogue avec l’Algérie. Malheureusement, l’apaisement et la confiance ne se décrètent pas de façon unilatérale. Ce n’est pas la France qui a choisi de détenir de façon arbitraire un écrivain franco-algérien. Ce n’est pas la France qui refuse de reprendre des ressortissants frappés d’obligation de quitter le territoire pour avoir proféré des menaces ou à l’origine de drames comme celui de Mulhouse.
    Nous resterons pleinement mobilisés pour notre compatriote Boualem Sansal. Je salue d’ailleurs le travail sur ce dossier des parlementaires, avec la résolution de la députée Constance Le Grip adoptée ici récemment, ainsi que la mobilisation et la solidarité de nos compatriotes qui se retrouveront dans quelques heures devant l’Assemblée nationale.
    Je le dis devant les ministres de la justice et de l’intérieur : nous tirerons avec fermeté les conséquences des actes de l’Algérie, sans hésitation ni idéologie, et nous resterons mobilisés pour notre compatriote Boualem Sansal. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. –⁠ Mme Sylvie Dezarnaud applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Lionel Tivoli.

    M. Lionel Tivoli

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    Avoir la culture du résultat ne consiste pas à aligner des intentions. Si vos mots avaient le moindre effet, Boualem Sansal ne serait plus en prison. (Exclamations sur les bancs du groupe Dem.) Il y est toujours, et vous êtes toujours en train de nous expliquer pourquoi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Coopération européenne en matière d’équipements militaires

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Olga Givernet.

    Mme Olga Givernet

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    « Mettre sur pied l’internationale progressiste » : voilà le mot d’ordre du Sommet pour la démocratie et les libertés qui s’est tenu hier à Paris, à l’initiative de Gabriel Attal et de Valérie Hayer. Ils ont réuni autour d’eux plus de soixante leaders politiques venus de toute l’Europe. Cette alliance des démocraties progressistes souhaite construire une paix durable, soutenir l’Ukraine et bâtir une véritable défense européenne, n’en déplaise aux populistes illibéraux de tout poil.
    Dans la droite ligne du président de la République, qui a depuis toujours prôné l’Europe de la défense, les rencontres internationales se multiplient car le temps presse. La France s’organise déjà. Je pense à l’événement sur le financement de l’industrie de défense organisé par le gouvernement la semaine dernière. Les ministres ont réuni des industriels, des banques et des investisseurs français. Les secteurs privé et public vont soutenir la hausse de la capacité de production d’équipements de défense. Nos concitoyens pourront faire de même.
    Certes, la présidente de la Commission a lancé un plan de 800 milliards d’euros pour réarmer l’Union européenne d’ici à 2030 et Bruxelles a prévu un traitement préférentiel pour les entreprises européennes –⁠ il était temps. Toutefois, de nombreux sujets restent en suspens. Ainsi, il faut renforcer le modèle industriel européen, pour ne plus dépendre de pays tiers, organiser des consortiums d’achat, inciter l’ensemble des pays membres à consacrer 3 % de leur PIB à la défense et utiliser les avoirs russes gelés sans se limiter aux intérêts qu’ils produisent, conformément à la résolution européenne pour l’Ukraine votée il y a peu par notre assemblée.
    Quelles sont donc les prochaines étapes du renforcement de la coopération européenne dans le domaine du financement et de la production des équipements de défense ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

    M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe

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    Vous avez raison : nous assistons à un véritable réveil stratégique des Européens dans ce moment de bascule, en raison de la menace que la Russie fait peser sur nos démocraties : la guerre à nos portes, avec l’agression contre l’Ukraine, les intimidations, les tentatives de déstabilisation et d’ingérence, les attaques cyber contre les pays européens. Se pose aussi, bien sûr, la question de l’avenir de la relation transatlantique et de la garantie de sécurité américaine. Il est l’heure pour les Européens de prendre leur destin en main.
    C’est le discours que tient la France depuis sept ans déjà, depuis le discours de la Sorbonne du président de la République : il faut que l’Europe investisse dans son autonomie stratégique et dans sa défense. Plus que jamais, les idées françaises sont le moteur de l’Europe.
    Des étapes historiques ont été franchies. Le Conseil européen extraordinaire du 6 mars a permis d’apporter de nouveaux financements afin de renforcer l’Europe de la défense et de soutenir l’industrie européenne de défense autonome, tant pour donner de la visibilité à nos industriels que pour maîtriser les savoir-faire technologiques et l’usage de ces armements.
    Il faudra néanmoins aller plus loin. C’est ce que nous avons demandé à nos partenaires. Il conviendrait ainsi de mobiliser d’autres fonds européens –⁠ je pense par exemple au Mécanisme européen de stabilité, qui est mentionné dans le Livre blanc sur la défense publié il y a quelques jours par la Commission européenne. Et pourquoi ne pas envisager le lancement d’un nouveau grand emprunt, comme nous l’avions fait au moment de la crise du covid, déjà sous l’impulsion de la France, avec le plan de relance NextGenerationEU ?
    Nous avons toujours refusé l’esprit de défaite, l’esprit de soumission. Nous portons une haute ambition pour l’Europe, une Europe qui défende ses intérêts et qui, face aux menaces, assume de défendre sa liberté, sa souveraineté, sa sécurité. Nous continuerons à le faire dans ce moment de bascule historique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Hébergement d’urgence

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David.

    M. Alain David

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    Madame la ministre des solidarités et des familles, dans une semaine, la trêve hivernale prendra fin. En Gironde, 74 familles, soit environ 150 enfants, actuellement en hébergement d’urgence, se retrouveront à la rue, faute de prise en charge par l’État.
    Dans le cadre de sa mission d’aide sociale à l’enfance, le département de la Gironde assume pleinement sa compétence d’hébergement d’urgence des femmes enceintes et des mères isolées avec enfants. Depuis des années, par souci de préserver la dignité humaine et de répondre à l’urgence sociale, il héberge également des centaines de familles avec enfant de plus de 3 ans, alors que cela relève de la pleine compétence de l’État. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Ce dispositif dérogatoire coûte 3 millions d’euros par an à une collectivité asphyxiée financièrement. Du fait des nouvelles coupes budgétaires, cet engagement pour la dignité devient hélas insoutenable. Le conseil départemental est contraint d’y mettre un terme le 31 mars. Des échanges ont eu lieu avec les services préfectoraux et des solutions ont été trouvées pour une quinzaine de familles mais les autres seront à la rue dans quelques jours.
    De telles situations émeuvent nos concitoyens. Ils se mobilisent en faveur de l’insertion de ces familles par la scolarisation de leurs enfants ou au sein d’associations œuvrant au quotidien pour leur venir en aide. Le président de la République s’était engagé en 2017 à ne laisser personne dormir dans la rue. (« Mensonge ! » sur certains bancs du groupe SOC.) Huit ans plus tard, la situation continue de se dégrader. (« Eh oui ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Quelles mesures comptez-vous rapidement prendre pour éviter l’impensable : voir ces familles dormir dans la rue dès la semaine prochaine, en Gironde et partout en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Danielle Simonnet applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.

    M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation

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    Je veux d’abord vous remercier pour le ton que vous avez employé et pour la solennité de votre discours, qui sied à ce type de problématique. (M. le premier ministre fait un geste d’approbation et se tourne vers M. Alain David en levant le pouce.) Vous le savez : depuis dix ans, des moyens très importants ont été consentis pour répondre aux besoins exceptionnellement élevés et croissants en matière d’hébergement. Les crédits qui y sont consacrés s’élèvent à 2,9 milliards d’euros, soit trois fois le montant d’il y a dix ans.
    L’action du gouvernement s’organise autour de deux axes : d’une part, la mise en œuvre depuis 2017 des plans « Logement d’abord », d’autre part, la mise à l’abri inconditionnelle des personnes grâce à un parc d’hébergement qui est, nous l’espérons, suffisamment dimensionné pour apporter une solution aux situations de détresse que vous décrivez. C’est ainsi que 203 000 places d’hébergement ont été confirmées en 2025.
    S’agissant de la situation plus particulière de la Gironde, la préfecture effectue depuis de nombreuses années, avec constance, un travail important en matière d’hébergement d’urgence. Elle le fait d’ailleurs en relation avec le département, qui a pris en charge un certain nombre de cas particuliers. Depuis 2020, les crédits à l’hébergement ont ainsi augmenté de 20 %.
    Le président du conseil général de Gironde a adressé le 10 mars au préfet un courrier pour l’alerter sur la nécessaire prise en charge d’environ quatre-vingt-deux familles en attente d’un hébergement et pour lui signaler que cette mission ne relevait pas du département. Dès cet instant, la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités s’est fortement mobilisée et a eu de nombreux échanges avec le département en vue de proposer une solution concrète à chaque famille. Il reste à ce jour quarante-sept familles dans l’attente ; les sorties se font progressivement, mais régulièrement et cela durera jusqu’à la fin du mois de juin. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David.

    M. Alain David

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    Monsieur le ministre, monsieur le premier ministre, nous comptons sur vous, et les départements aussi : il faut régler le problème. Ce serait une honte pour la France si toutes ces familles étaient à la rue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ M. Olivier Falorni applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Nadège Abomangoli.)

    Présidence de Mme Nadège Abomangoli
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Lutte contre les fraudes aux prestations sociales

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Quel bilan quatre ans après la commission d’enquête parlementaire ? », demandé par le groupe Droite républicaine, dans le cadre de sa séance thématique.
    Conformément à l’organisation arrêtée par la conférence des présidents, nous entendrons d’abord les rapporteurs –⁠ qui ont rédigé une note mise en ligne sur le site internet de l’Assemblée nationale –, puis les orateurs des groupes et le gouvernement. Nous procéderons enfin à une séquence de questions-réponses.
    La parole est à Mme Sandra Delannoy, rapporteure désignée par la commission des affaires sociales.

    Mme Sandra Delannoy, rapporteure

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    Depuis quelques semaines, il m’a été donné de travailler sur un sujet aussi intéressant que sensible : la fraude sociale.

    M. Pierre Cordier

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    Certains prétendent que ça n’existe pas !

    Mme Sandra Delannoy, rapporteure

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    En effet, le rapport publié en 2020 au nom de la commission d’enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales présidée par Patrick Hetzel est aussi fourni qu’édifiant.
    Avant d’entrer dans le vif du sujet, il m’a paru opportun de revenir sur la définition de la fraude et d’y consacrer toute l’attention nécessaire, car, comme le disait Albert Camus, « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde ».
    La fraude aux prestations sociales ne doit pas être confondue avec les erreurs commises de bonne foi par les assurés ; celles-ci relèvent pleinement du « droit à l’erreur » reconnu par la loi pour un État au service d’une société de confiance (Essoc). La fraude résulte quant à elle d’une démarche volontaire de contournement de la règle de droit. Contrairement à certaines idées reçues, elle n’est pas seulement le fait d’assurés agissant seuls, mais procède aussi de l’action coordonnée de groupes d’escrocs qui exploitent les failles de notre système de protection sociale pour recevoir des prestations indues.
    Au cours des dernières années, les caisses de sécurité sociale ont d’ailleurs fait le choix de cibler plus particulièrement cette « fraude à enjeux », ou fraude massive, commise en bande organisée et souvent pilotée depuis l’étranger, car c’est elle qui entraîne les préjudices les plus importants.
    La lutte contre la fraude aux prestations sociales ne constitue donc pas un acharnement sur les foyers les plus fragiles, mais un devoir de justice sociale envers tous nos concitoyens. En effet, quand certains fraudent, ils portent préjudice au système entier, et tous les autres concitoyens s’en trouvent spoliés.
    « Cet objectif de lutte contre la fraude » –⁠ qu’elle soit sociale ou fiscale d’ailleurs – « doit [...] être assumé, car il est une condition de la justice et de l’efficacité de notre système de redistribution. » Ce n’est pas le RN qui s’insurge ainsi, puisque cette formule se trouve mot pour mot dans le rapport d’information du Sénat, intitulé « IA, impôts, prestations sociales et lutte contre la fraude », dirigé par M. Didier Rambaud et Mme Sylvie Vermeillet en 2024.
    Chers collègues, les chiffres ont de quoi faire bondir les plus calmes d’entre nous. Le rapport le plus récent, remis par le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS) en juillet 2024, dressait un bilan préoccupant. Il y est indiqué que la fraude aux prestations s’élève à 5,7 milliards d’euros par an au moins –⁠ ce chiffre devant être considéré comme un minimum car il ne tient pas compte de l’ensemble des prestations. Sur ce montant, les caisses de sécurité sociale et France Travail détectent environ 1,2 milliard d’euros de préjudices et ne recouvrent que 600 millions d’euros.
    Si ces chiffres ont de quoi choquer, tant par le vice qu’ils traduisent que par les sommes perdues, il est surtout à noter que la fraude connaît une profonde mutation. Comme les prémices d’internet en leur temps, la numérisation des démarches a permis de les faciliter. Tout en nourrissant un espoir légitime de modernisation et d’accessibilité administrative, cette évolution constitua une véritable aubaine pour les esprits les plus mal intentionnés.
    Par exemple, deux familles roumaines, à Valenciennes, ont monté des centaines de faux dossiers d’autoentrepreneurs dans le but de percevoir des indemnités de la caisse d’allocations familiales (CAF) et de bénéficier indûment du régime social des indépendants (RSI), générant une fraude estimée à 1,7 million d’euros. Ce montant peut vous paraître dérisoire comparée à la dette publique ou au montant total de la fraude, mais un vieil adage, toujours d’actualité, nous rappelle que les petits ruisseaux font les grandes rivières.
    Certains réseaux de fraudeurs utilisent même des comptes bancaires centralisés pour collecter l’argent –⁠ jusqu’à 225 prestations ont ainsi été versées sur un seul compte –, avant de le transférer à l’étranger. Comme si cette mutation de la fraude ne représentait pas une menace suffisante, il nous faut désormais débusquer des pratiques qui ne sont pas considérées comme de la fraude à proprement parler, mais relèvent de l’abus de droit : forts d’une bonne compréhension des failles et des vides juridiques du système, certains en profitent aux dépens des autres assurés quoiqu’en toute légalité.
    Lors de son audition, M. Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail a évoqué l’exemple de certains travailleurs transfrontaliers. Les salaires minimums des travailleurs suisses et luxembourgeois étant plus élevés que le salaire minimum français, de nombreux travailleurs choisissent d’effectuer des CDD dans ces pays pendant quelques mois –⁠ certains cuisiniers font ainsi une saison en Suisse – avant de se déclarer au chômage. En effet, quand il s’agit de percevoir des allocations, le pays de résidence fiscale fait foi. Chacun sait que la restauration est un secteur en tension en France, mais, bien évidemment, un cuisinier qui gagne l’équivalent de 4 000 euros par mois en Suisse, puis perçoit 2 500 euros de chômage en France, ne se hâte pas de reprendre un poste pour 2 000 euros dans l’Hexagone.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il faut les payer 4 000 euros en France !

    Mme Sandra Delannoy, rapporteure

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    Cela peut paraître anecdotique ou stigmatisant, mais ces utilisations, en dilettante, de l’allocation chômage par les travailleurs transfrontaliers coûtent tout de même 800 millions d’euros par an. Bien sûr, il ne s’agit pas vraiment d’une fraude, car tout est vrai dans les dossiers déposés. Ce n’en est pas moins un comportement de profit, d’abus de droits, qu’il convient de faire cesser.
    Alors, qu’a-t-on mis en œuvre depuis la commission d’enquête de 2020 ? Quels sont les pistes d’amélioration et les leviers d’action envisagés ? Je laisse la parole à mon collègue Patrick Hetzel. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Patrick Hetzel, rapporteur désigné par la commission des affaires sociales.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur

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    La fraude aux prestations sociales, comme l’ensemble des fraudes au détriment des finances publiques, constitue une atteinte au pacte républicain qui lie les assurés sociaux par un ensemble de droits et de devoirs. Elle constitue un détournement des ressources de notre système de protection sociale, entame la confiance de nos concitoyens dans l’équité de celui-ci et doit donc être résolument combattue. Voilà les données de base de la question que nous abordons et que notre collègue vient de rappeler.
    J’ai eu la chance de présider en 2020 la commission d’enquête parlementaire sur les fraudes aux prestations sociales. Nous avons alors émis plusieurs recommandations. Force est de constater que, cinq ans après, toutes n’ont toujours pas été mises en œuvre, bien qu’un nombre croissant de responsables d’organismes sociaux aient pris conscience de la nécessité de lutter plus efficacement contre les fraudes et de les prévenir.
    Comme chacun sait, en matière de fraude, il est difficile d’avancer des chiffres, car on en est réduit à faire des estimations. En tout cas, en 2020, nous avions pointé du doigt l’absence de culture de lutte contre la fraude, quasi inexistante au sein de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) par exemple. En toute objectivité, cela a changé depuis, mais il reste des inerties dans le système. Or, de nos jours, la fraude à enjeux présente deux grandes particularités : d’une part, elle est aussi le fait de professionnels de santé, dont certains abusent du système en poussant à des actes inutiles, notamment dans les centres qui fleurissent partout en milieu urbain ; d’autre part, elle est commise en bande organisée, car, en comparaison des gains potentiels, le risque reste faible pour les fraudeurs.
    Comme le montrent nos travaux récents, les fraudes peuvent prendre des formes encore plus diverses que par le passé. Ainsi, l’exemple de la fraude aux fausses ordonnances m’avait fortement marqué : celles-ci permettent à des réseaux ayant mis la main sur des cartes Vitale actives de se faire délivrer des médicaments, avant de les revendre à l’étranger sur les marchés locaux. Pour lutter contre ce phénomène, voici presque dix ans que l’Espagne a adopté l’ordonnance électronique, évitant plus de 200 millions d’euros de fraudes dès la première année. On peut considérer qu’en France, la même mesure permettra au bas mot d’économiser un demi-milliard d’euros tous les ans. Sa mise en œuvre est en cours, mais avec une lenteur de la part des différentes caisses que je souhaite dénoncer ici.
    Dès 2020, nous avions insisté sur la nécessité d’utiliser davantage les outils numériques et informatiques pour lutter contre les fraudes, que l’analyse de données statistiques doit notamment permettre d’identifier. Désormais, les outils numériques sont plus systématiquement employés ; encore faut-il nous assurer que les organismes sociaux auront accès aux bonnes bases de données pour croiser des informations pertinentes.
    Malgré certains progrès, l’efficacité de la lutte contre la fraude doit encore être améliorée, car le montant des préjudices détectés et les sommes recouvrées restent très inférieurs au montant estimé des versements frauduleux. Ainsi, l’amélioration de la performance des contrôles doit être mise en regard dudit montant : ce dernier s’élevait au moins à 5,7 milliards d’euros en 2023, chiffre très supérieur à celui des préjudices constatés ou évités –⁠ 1,2 milliard d’euros –, et plus encore à celui des sommes recouvrées dans le champ des régimes obligatoires de base –⁠ 600 millions d’euros. Le taux de recouvrement des indus frauduleux varie aussi selon les organismes, en fonction de la nature des prestations servies et du type de fraude commise.
    À titre d’exemple, ce taux est de près de 80 % dans le cas de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) mais varie fortement selon la nature des fraudes : il est maximal dans le cas des fraudes individuelles, pour lesquelles les caisses peuvent récupérer les indus sur les prestations futures. Dans les autres cas, notamment lorsque les fraudes sont commises en bande organisée, l’action des caisses vise avant tout à limiter le montant des préjudices irrécupérables en faisant cesser la fraude le plus tôt possible.
    Au surplus, l’estimation de la fraude reste incomplète, dans la mesure où, dans le cas de l’assurance maladie, elle est évaluée sur une partie seulement des actes remboursés. Ainsi, en appliquant à l’ensemble des actes le taux de fraude estimé pour cet échantillon, la Cour des comptes présentait en 2023 une estimation supérieure de la fraude à l’assurance maladie : de l’ordre de 4 milliards d’euros à elle seule.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    C’est dingue !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur

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    Au-delà des seuls indus frauduleux, la fiabilisation du service des prestations demeure inachevée, comme en témoigne la décision de la Cour des comptes de ne pas certifier les comptes de la branche famille relatifs aux exercices 2022 et 2023. De ce point de vue, si le dispositif de solidarité à la source est prometteur, sa généralisation, intervenue le 1er mars dernier, est encore trop récente pour qu’il soit possible d’en apprécier les effets sur les indus liés au RSA ou à la prime d’activité.
    En tout état de cause et pour conclure, la lutte contre la fraude aux prestations sociales ne progresse pas assez vite dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ Mme la rapporteure applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Nous allons à présent entendre les orateurs des groupes.
    Monsieur Hetzel, n’abandonnez pas le micro, vous êtes le premier inscrit.

    M. Fabien Di Filippo

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    Ça, c’est de l’optimisation !

    M. Pierre Cordier

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    S’il avait été ministre des prestations sociales, il se serait répondu à lui-même !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Vous verrez, il ne dira pas la même chose !

    M. Patrick Hetzel (DR)

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    Non, je ne dirai pas la même chose, en effet, même si mon propos sera évidemment cohérent par rapport à ma précédente intervention.
    Avant tout, il faut bien admettre que, pendant très longtemps, dans notre pays, on a mis la poussière sous le tapis concernant les fraudes aux prestations sociales : on ne prenait pas au sérieux cette question. Les rapports parlementaires successifs ayant traité de ce sujet, dont notre rapport d’enquête de 2020, ont mis la focale dessus, et c’est heureux. Les médias se sont aussi emparés de la thématique ; ce fut encore le cas ces derniers jours et j’imagine que vous serez plusieurs à vous y référer.
    Pendant longtemps, on a dit que la fraude aux prestations sociales était la fraude du pauvre et qu’il fallait surtout se préoccuper de la fraude fiscale, considérée comme la fraude des riches. Les travaux parlementaires qui ont étudié la question ont clairement montré que le problème devait être envisagé autrement. Ils ont d’abord mis en évidence le fait que nos concitoyens ont soif de justice sociale : ils ne supportent pas la fraude, car elle se fait au détriment de ceux qui –⁠ au contraire – sont vertueux. Ils ont ensuite montré que la fraude aux prestations sociales avait tendance à devenir une fraude à enjeux pratiquée par des réseaux, parfois même en bande organisée et de plus en plus depuis l’étranger. Les fameux trous dans la raquette, si vous me permettez l’expression, sont désormais connus ; la pression sociale augmente, obligeant fort heureusement les dirigeants des différents organismes concernés à s’investir davantage sur la question.
    De nombreux progrès ont été réalisés, mais il en reste au moins autant à concrétiser pour que les sommes recouvrées suite à des fraudes soient plus conséquentes –⁠ j’en parlais lors de mon intervention précédente. Vous l’aurez compris, le système reste très largement perfectible ; notre rapport n’est d’ailleurs pas le seul à le dire, puisque la Cour des comptes l’a, elle aussi, récemment souligné. Il faut que les organismes travaillent encore davantage entre eux, s’échangent leurs données –⁠ par exemple la liste des Iban frauduleux – et partagent leurs bonnes pratiques de lutte contre la fraude. C’est un changement radical de culture qui doit s’opérer, car la fraude aux prestations sociales fragilise notre modèle social français. Il faut méthodiquement repérer ceux qui bénéficient des prestations sociales de manière indue.
    Cette ambition doit être l’affaire de tous. Je demande donc que l’autorité de tutelle, en l’occurrence l’État –⁠ et donc vous, madame la ministre déléguée, chargée de l’autonomie et du handicap –, fixe des objectifs clairs et précis en matière de lutte contre la fraude, au sein des conventions d’objectifs et de gestion (COG) conclues entre l’État et les différentes caisses. Nous devons aussi être plus agiles dans notre lutte contre les fraudeurs, car eux le sont de plus en plus. Ils créent ainsi des sociétés éphémères –⁠ Mme la rapporteure y a fait référence – et utilisent des outils sophistiqués pour élaborer des fraudes documentaires. Une sorte de course contre la montre est donc engagée ; c’est aussi une course contre l’ingéniosité des fraudeurs que nous devons mener.
    Il me semble que les choses évoluent dans le bon sens, mais il faut maintenant passer à la vitesse supérieure et renforcer la coopération entre les différents services de l’État et les différentes caisses. Il faut que l’État adopte systématiquement l’attitude suivante : lorsqu’il demande à un organisme de verser une prestation, il doit aussi systématiquement exiger l’instauration d’un système de contrôle ex ante. On l’a souvent oublié, mais le contrôle est le nerf de la guerre !
    En conclusion, nous allons désormais dans la bonne direction mais, comme je viens de le dire, nous n’allons toujours pas assez vite. Ma question est donc très simple, madame la ministre : que compte faire le gouvernement pour enfin augmenter l’efficacité de la lutte contre la fraude, sur le plan tant qualitatif que quantitatif ? C’est une demande que formulent nos concitoyens de manière de plus en plus pressante ; il me paraît donc particulièrement légitime qu’elle s’exprime également au sein de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ Mme la rapporteure applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Vigier.

    M. Philippe Vigier (Dem)

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    J’aurais pu signer les propos de Patrick Hetzel. Les fraudes peuvent être fiscales ou sociales ; ici, nous débattons plus spécifiquement des fraudes aux prestations sociales, qui représentent plusieurs dizaines de milliards d’euros. Le Haut Conseil du financement de la protection sociale a établi que le préjudice atteignait environ 13 milliards d’euros, et un très beau document élaboré par l’Ifrap –⁠ Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques –, que je vous invite à lire, l’évalue même à 20 milliards –⁠ en ajoutant aux prestations sociales indûment versées les charges sociales qui n’ont pas été honorées.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce sont des cotisations, pas des charges !

    M. Philippe Vigier

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    Nous sommes tous attachés –⁠ je parle sous le contrôle de mon collègue Jean-Paul Lecoq – à donner plus de moyens à l’hôpital, à mieux soigner. Si des sommes sont indûment détournées à l’écart de tout contrôle, c’est autant d’argent en moins pour les services publics. Et qui en pâtit ? Toujours les plus faibles.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Oui, je suis d’accord.

    M. Philippe Vigier

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    Le reste à charge affecte toujours en priorité celles et ceux qui souffrent le plus. Je n’en peux plus de cette spirale, et c’est pourquoi vous avez bien fait, monsieur le rapporteur Patrick Hetzel, de souligner qu’il faut accélérer. Il faut le dire : nous avons progressé. Les résultats restent néanmoins notoirement insuffisants, alors que les outils actuels sont beaucoup plus performants que ceux dont nous disposions auparavant.
    Il faut l’accepter en vertu de la séparation des pouvoirs, mais quelle n’a pas été ma surprise de voir que l’article 49 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, qui avait trait aux échanges d’informations entre l’assurance maladie et les complémentaires santé, a été censuré par le Conseil constitutionnel –⁠ ce qui signifie que nous allons devoir y retravailler ! Un tel échange d’informations est pourtant la moindre des choses, quand des sommes d’argent sont versées par différents organismes ! Qui, ici, s’agissant d’un acte médical donné, peut dire qu’il sait précisément ce que rembourse la mutuelle et ce que rembourse l’assurance maladie ? Si nous faisions une interrogation écrite sur le sujet –⁠ je m’adresse en particulier à M. Hetzel, qui a été recteur d’académie –, il n’y aurait pas que de très bonnes notes !
    Ensuite, il nous faut avancer sur les procédures de sécurisation de la carte Vitale, que Patrick Hetzel a évoquées, et notamment sur la carte Vitale numérique. C’est un problème : je ne compte plus les fois où l’on s’est servi, dans mon laboratoire, de fausses cartes Vitale, des cartes usurpées ! Si vous en doutez, venez me voir lundi matin ; je suis certain que le collègue Lecoq sera ravi d’être là.

    M. Pierre Cordier

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    Fais gaffe, il va te faire une prise de sang !

    M. Philippe Vigier

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    Quant à l’article 51 du même PLFSS, qui concernait la réforme du service de contrôle médical de l’assurance maladie –⁠ vous vous en souvenez –, j’ai été tout aussi déçu de voir que ce bel outil avait été également supprimé, de même que l’article 60, qui instaurait une obligation de géolocalisation pour les entreprises de transport sanitaire. Nous avons tous à déplorer l’augmentation considérable des tarifs de ces dernières ; la plupart travaillent très bien mais une minorité triche.
    Nous avons donc besoin d’utiliser davantage d’outils numériques. On sait que sur les réseaux sociaux, des comptes incitent même à frauder les prestations sociales, en expliquant comment faire.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ah ! Et donc ?

    M. Philippe Vigier

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    Eh oui ! Je vous invite à aller voir. Par ailleurs, quand Mon espace santé deviendra-t-il obligatoire ? Cet espace numérique permet une traçabilité des données de santé et pourrait contribuer à l’efficacité de la lutte contre la fraude ; c’est un outil fabuleux, merveilleux, qui permet de savoir précisément comment un patient a bénéficié d’une chaîne de soins –⁠ je précise que c’est la moindre des choses que nous devons aux assurés.
    Par ailleurs –⁠ je pense que vous êtes sensibles à cette question –, il y a des hommes et des femmes qui ont droit à des prestations sociales mais qui n’y ont pas recours.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ça, c’est vrai ! Le camarade Lecoq est d’accord avec vous !

    M. Philippe Vigier

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    L’allocation sociale unique serait un moyen de voir qui sont les tricheurs et qui sont les perdants, c’est-à-dire ceux à qui nous devons apporter une réponse. Même si nous ne sommes pas très nombreux cet après-midi, nous devrions pouvoir nous rassembler sur un tel sujet, au prix d’un minimum d’honnêteté intellectuelle.
    Madame la ministre , vous avez donc devant vous une tâche ardue. J’ajoute que je suis un peu déçu, là encore, de ne plus entendre parler du magnifique Conseil d’évaluation des fraudes, qui avait été lancée en 2023 : attendre les résultats de ses travaux, c’est attendre Godot ! Nous sommes fin mars 2025 : où sont ses conclusions ? C’est un gros travail : demandez à des parlementaires de vous épauler !
    Quoi qu’il en soit, récupérer tous ces milliards nous permettrait d’éviter des dizaines d’heures de débat –⁠ comment économiser 1,6 milliard sur le médicament, 360 millions sur les radiologues ou 500 millions sur tel autre poste de dépense… Nous devons être capables de redistribuer le produit de cette fraude pour mieux soigner, mais aussi de lutter contre certaines formes d’évasion fiscale ou même contre le carrousel TVA, que j’avais découvert il y a quelques années et sur lequel nous avons tant à progresser.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Lise Magnier.

    Mme Lise Magnier (HOR)

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    La lutte contre la fraude aux prestations sociales est au cœur de nos responsabilités politiques et morales. Elle constitue un enjeu fondamental pour la crédibilité de notre modèle social, car toute fraude porte atteinte à la solidarité nationale, à sa pérennité, bien sûr, mais surtout à sa crédibilité. La fraude prive injustement la sécurité sociale, l’État et, à travers eux, l’ensemble de nos concitoyens, des ressources indispensables au bon fonctionnement de nos services publics et de notre système social et de solidarité.
    C’est dans cet esprit que, dès 2017, le gouvernement dirigé par le premier ministre Édouard Philippe a impulsé une prise de conscience nationale sans précédent sur cette question, en instaurant pour la première fois une politique ambitieuse et rigoureuse de lutte contre toute forme d’abus en la matière.
    Le travail réalisé depuis a permis de modifier profondément notre approche jusqu’alors timide, pour ne pas dire complaisante, d’un phénomène dont l’ampleur était largement sous-estimée. La commission d’enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, instituée en 2020 sous la présidence de Patrick Hetzel, avait notamment débouché sur des révélations troublantes : 73,7 millions de personnes étaient recensées comme bénéficiaires de prestations sociales françaises, alors que notre pays ne comptait alors que 67 millions d’habitants. C’était, vous en conviendrez, pour le moins troublant ! Avaient alors été formulées cinquante-cinq recommandations concernant la sécurité sociale ; elles mettaient en évidence l’absolue nécessité de combattre cette fraude avec la même détermination que celle déployée pour lutter contre la fraude fiscale. Suivant ces alertes, le gouvernement a procédé à un réarmement humain et budgétaire substantiel.
    Depuis, les conventions d’objectifs et de gestion des caisses du régime général ont prévu le recrutement de 1 000 agents supplémentaires dédiés à la lutte contre la fraude sociale entre 2023 et 2027, ce qui représente une augmentation de 20 % des effectifs. Parallèlement, un plan de modernisation des systèmes d’information, doté d’un budget de 1 milliard d’euros, a été lancé sur cette même période.
    Il nous appartient aujourd’hui d’évaluer, cinq ans après la tenue de cette commission d’enquête, les résultats concrets obtenus grâce aux moyens significatifs déployés par l’État.
    Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2024, le montant des fraudes sociales détectées a atteint un niveau historique, frôlant les 3 milliards d’euros ; il est en hausse de 31 % par rapport à l’année précédente. Ces résultats, nous le savons, ne sont pas le fruit du hasard ; ils découlent bien d’une politique cohérente, volontariste et systématique impulsée depuis plusieurs années. Toutefois, ils ne doivent pas nous faire ignorer que, derrière ces avancées significatives, d’importants défis sont encore à relever. Les fraudes sociales détectées sont, je l’ai dit, en nette hausse, mais le taux de recouvrement des sommes détournées reste très insuffisant, même s’il progresse notablement. C’est particulièrement le cas en matière de cotisations sociales, secteur où il demeure dramatiquement faible.
    Par ailleurs, la persistance du phénomène inquiétant des « assurés fantômes » reste emblématique des failles structurelles qui continuent de fragiliser notre dispositif. Plusieurs milliers d’assurés sociaux non-résidents sont toujours inscrits dans nos fichiers ; il est donc impératif de procéder à un nettoyage systématique et rigoureux, afin de protéger notre système d’assurance maladie.
    À ce titre, l’interopérabilité des données entre organismes sociaux et administrations fiscales et douanières constitue une priorité absolue –⁠ cela a été dit. La proposition consistant à fusionner la carte Vitale et la carte d’identité mérite à cet égard notre attention : elle pourrait constituer un rempart décisif contre l’usurpation d’identité, véritable talon d’Achille de notre système, et donc contre la fraude. Cependant, n’oublions pas que la meilleure façon de lutter reste la prévention. Le changement d’échelle que nous appelions de nos vœux dès 2020 doit encore être amplifié. Une sécurisation systématique et préventive des mécanismes d’attribution des prestations, plutôt que le simple contrôle a posteriori, s’avère désormais indispensable.
    En conclusion, je tiens à saluer l’immense travail réalisé par l’ensemble des agents publics investis dans ce combat pour que notre pacte républicain soit respecté. Ce combat pour l’intégrité de notre système de protection sociale, ils le mènent en fait pour la justice, pour la solidarité et pour la confiance indispensable de nos concitoyens dans l’action publique. À leurs côtés, nous devons rester vigilants, mobilisés et déterminés, afin que les progrès accomplis ces dernières années ne soient qu’une étape dans une dynamique plus ambitieuse encore. Une telle dynamique est nécessaire, car il nous reste encore beaucoup à faire.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac (LIOT)

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    Nous sommes amenés, en cette semaine de contrôle, à évoquer le thème de la fraude aux prestations sociales. C’est un vaste débat, qui s’invite parfois dans les familles ou dans les bars.
    Quelle que soit son origine, la fraude est par nature nuisible au bon fonctionnement de notre société et au contrat social. On ne peut tolérer que des individus puissent tricher et bénéficier indûment de la solidarité nationale. Disant cela, je souhaite préciser quelques éléments : si la fraude n’est pas tolérable, ne saurait être tolérée, nous devons néanmoins nous interroger sur les raisons qui peuvent pousser certains individus à tricher.
    Ainsi, je ne saurais traiter de la même façon une famille pauvre et mal logée qui lutte pour nourrir ses enfants et un professionnel recevant des émoluments mensuels à cinq chiffres qui effectue de fausses facturations auprès de l’assurance maladie pour gonfler un peu plus encore un portefeuille déjà bien garni ou encore une personne qui se fait mettre en arrêt maladie pour voyager sous les tropiques au lieu d’assumer le fait de travailler –⁠ puisqu’elle en a la possibilité. Ces exemples sont sans doute un peu caricaturaux, je peux en convenir, mais la fraude n’a en vérité pas les mêmes effets selon les situations ou les nécessités. Dans un cas, elle vise à assouvir des besoins primaires des individus. Dans l’autre, la cupidité ou l’insouciance coupable minent le contrat social.
    Aussi devons-nous nous interroger sur l’équité de notre modèle social, en ce qui concerne tant la contribution que la redistribution. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, inscrite dans le bloc de constitutionnalité, précise bien que les hommes naissent libres et égaux en droit. Mais cela ne vaut pas pour l’égalité des chances entre les individus. En ce sens, il ne me paraît pas responsable d’essayer de stigmatiser les plus pauvres de nos concitoyens, qui cherchent à joindre les deux bouts, surtout lorsque la délinquance en col blanc sévit toujours plus et que ses auteurs parviennent souvent à passer entre les mailles du filet.
    Cela dit, la fraude reste un fléau et doit être combattue comme il se doit. Il y va de la sauvegarde et de la pérennité de notre système de solidarité. Notre assemblée a déjà eu l’occasion de traiter de cette question il y a cinq ans, en s’appuyant sur un rapport très détaillé que nous devons à notre ancien collègue Pascal Brindeau, rapporteur d’une commission d’enquête présidée par notre cher collègue Patrick Hetzel, ici présent. De nombreuses recommandations ont alors été émises à l’attention de l’administration de sorte que celle-ci veille à mieux prévenir les fraudes, à mieux les identifier et, surtout, à les sanctionner et à recouvrer les sommes en jeu.
    Parlons chiffres : selon le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, la fraude aux prestations sociales atteindrait, en 2023, 5,7 milliards d’euros pour les trois caisses de la protection sociale que sont l’assurance maladie, l’assurance vieillesse et les allocations familiales. Si la fraude à l’assurance vieillesse est totalement résiduelle, tel n’est pas le cas des deux autres : on estime à 3,87 milliards la fraude aux allocations familiales et à 1,71 milliard la fraude à l’assurance maladie ; ces chiffres sont éloquents. Je me dois toutefois de préciser qu’il serait pertinent de les comparer à ceux de la fraude fiscale, estimée à 80 milliards par an, soit seize fois plus. Il est parfois plus facile, dans les discours, de cibler les prestataires d’aides sociales que les contributeurs à l’impôt champions de l’évasion fiscale.
    Des efforts doivent être consentis pour réduire sensiblement toutes ces fraudes. Je note cependant que les choses vont dans le bon sens.
    Sur les 5 milliards d’euros estimés de fraude aux prestations sociales, seul 1,2 milliard est aujourd’hui identifié, et la moitié de ce montant fait l’objet d’un recouvrement, soit environ 10 % des sommes en jeu. L’administration a toutefois engagé les moyens pour agir et lutter contre ce fléau. Un meilleur échange d’informations entre les services doit constituer un moyen de mieux identifier les dérives et la numérisation des procédures doit permettre de cibler les sources de fraude. À cet égard, la dématérialisation des arrêts de travail et des ordonnances doit se traduire par un meilleur suivi de la part de l’assurance maladie.
    En outre, il y va de la déontologie des praticiens. Je déplore que trop de dérives aient encore lieu –⁠ je pense à la surfacturation d’actes médicaux ou paramédicaux.
    En matière de lutte contre les fraudes, nous devons faire preuve de rigueur et de fermeté. Cela vaut bien sûr pour toutes les fraudes, d’où qu’elles viennent, mais plus encore pour la fraude du haut du spectre, qui nous fait perdre des milliards.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq (GDR)

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    Alors que les débats, les propositions de loi et les rapports se succèdent pour dénoncer la fameuse fraude sociale, particulièrement la fraude aux prestations sociales, il est bien dommage que jamais cette expression et son usage ne soient remis en cause. Force est de constater que les discours politiques, particulièrement ceux des droites et du Rassemblement national, et les différents gouvernements d’Emmanuel Macron se concentrent très largement sur la fraude aux prestations sociales, beaucoup moins sur la fraude aux cotisations sociales des employeurs ou sur le travail dissimulé, et encore moins sur la fraude fiscale.
    Soyons clairs : toute fraude mérite d’être sanctionnée. Mais, en l’occurrence, les politiques de droite et d’extrême droite mettent en avant la fraude aux prestations sociales tout en jetant délibérément, dans le même temps, un manteau d’invisibilité sur la fraude fiscale ; cette obsession ne relève pas d’une intention louable. En effet, contrairement à ce que ces politiques prétendent, ce n’est pas la fraude aux prestations sociales qui grève les ressources de notre protection sociale. Les chiffres sont implacables : même si cette fraude existe –⁠ vous l’avez démontré, et je ne conteste pas vos démonstrations –, elle est nettement moins importante en proportion et en volume numéraire, donc du point de vue de l’enjeu financier, que les fraudes aux cotisations sociales, sans parler de la fraude fiscale et des différentes formes d’évasion fiscale. Ainsi, la fraude fiscale est régulièrement estimée entre 80 et 100 milliards d’euros ; celle aux cotisations sociales des employeurs, à 7,5 milliards ; celle aux prestations sociales, à 4 milliards à peine.
    On peut donc légitimement se demander pourquoi ces politiques de droite et d’extrême droite ne déploient pas la même énergie à traquer la fraude fiscale, surtout si, comme vous le soulignez dans votre note, l’enjeu est non seulement de rendre des ressources à notre système de protection sociale, mais aussi de rassurer nos concitoyens quant à « l’équité » de notre système de solidarité. Votre très grande tolérance à l’égard de la fraude fiscale, voilà une chose qui, sans aucun doute, « entame la confiance de nos concitoyens ».
    Qui plus est, votre obsession pour la fraude aux prestations sociales et votre construction d’une société où certains de nos concitoyens abuseraient de la solidarité nourrissent une forme de défiance à l’égard de notre système de protection sociale, en attisant le rejet social et la discrimination. En effet, l’obsession pour la fraude aux prestations sociales n’est pas tant une obsession à l’égard du manque à gagner pour les finances publiques –⁠ certes réel mais minime, comme je l’ai montré. En réalité, ce que vise votre discours, sous couvert de rendre justice, ce sont des types de prestations et, par leur intermédiaire, des types de populations.
    Votre obsession pour la fraude sociale exprime, en réalité, une obsession dirigée contre certains dispositifs spécifiques, au premier rang desquels le revenu de solidarité active et, en matière de santé, l’aide médicale de l’État (AME). C’est donc un discours constamment braqué contre les populations les plus précaires. Comme l’a bien documenté le sociologue Vincent Dubois, le fraudeur devient alors une « métonymie d’un problème plus large : l’immigré qui vient abuser des aides, ou le "mauvais pauvre" qui triche avec le système. C’est aussi une manière indirecte de dénoncer l’État social lui-même : s’il y a des tricheurs, c’est que l’État social est mal organisé et que les prestations sont […] "fraudogènes". »
    Dès lors, il n’y a plus qu’un pas à franchir pour conditionner le RSA à des heures de travail gratuites ou pour permettre à des organismes publics de créer des algorithmes attribuant aux allocataires un « score de risque », ce qui revient à ériger le préjugé discriminant en force de loi. La pauvreté, le chômage, le fait de subir les inégalités des chances deviennent des tares, des fautes individuelles face auxquelles vous appelez à la mobilisation générale. Pour les députés communistes et des territoires dits d’outre-mer, la mobilisation politique doit être dirigée, bien différemment, vers le renforcement du modèle social, vers l’unité sociale, vers la lutte contre toute forme de discrimination et contre les terribles a priori sur les classes populaires.
    La protection sociale est d’abord un système de droits, et il est de la responsabilité de l’État d’assurer l’égal accès de tous à ces droits, à commencer, dans nos territoires, par le droit à pouvoir se soigner. Dans ce cadre, la mobilisation politique doit être notamment et prioritairement de lutter contre le non-recours, en réhabilitant nos services publics. Ce n’est que dans un système de droits garantis, et à la condition qu’elle ne soit pas utilisée comme une arme de discrimination et de contrôle social, que la lutte contre la fraude aux prestations sociales peut être légitime. C’est bien dans ce sens que vous l’entendez dans votre note, mais il faut tenir compte de tout le reste, comme je l’ai expliqué.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Michoux.

    M. Éric Michoux (UDR)

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    L’ensemble des fraudes sociales représente 13 à 20 milliards d’euros. Cette somme d’argent détourné équivaut à environ quarante-trois scanners, à vingt sous-marins lanceurs d’engins du point de vue des va-t-en-guerre, ou encore à treize hôpitaux qui seraient utiles pour lutter contre la désertification médicale.
    La lutte contre les fraudes sociales doit être un impératif pour notre gouvernement, un combat du quotidien. À ceux de la majorité qui se félicitent d’avoir relevé de 30 % le taux de recouvrement des sommes en jeu, rappelons qu’entre 2023 et 2024, nous sommes passés de 600 à 900 millions d’euros recouvrés. Quand on part d’aussi bas, le moindre effort est une réussite !
    Or les gouvernements successifs consacrent plus de temps et de moyens à la lutte contre la fraude fiscale qu’à la lutte contre la fraude sociale. En 2024, la fraude fiscale était estimée entre 30 et 50 milliards, et l’État en a recouvré 13 milliards, soit un peu moins du tiers ; sur la même période, la fraude sociale était estimée entre 13 et 20 milliards, et l’État en a recouvré 1 milliard à peine, soit même pas le dixième.
    Dans ce contexte, je souhaite évoquer le cas des commerces illégaux et le travail au noir. Nous avons tous en tête des exemples, dans nos circonscriptions, de garages fantômes, de barber shops, d’ongleries ou encore de points de vente de kebabs qui profitent du vide juridique pour proposer des prestations au black à prix cassé, sans jamais payer de cotisations sociales ni d’impôts. La fraude aux prestations sociales fait partie du décorum politique et laisse le gouvernement indifférent. Dans un sens, ne pas lutter contre la fraude sociale permet d’acheter la paix sociale.
    Plus généralement, ce débat sur la fraude aux prestations sociales pose la question de l’assistanat et celle de la juste reconnaissance des travailleurs. Comment peut-on accepter de vivre dans un pays où de jeunes influenceurs se vantent de vivre des prestations sociales sur le dos de ceux qui bossent ? Comment peut-on accepter de vivre dans un pays où les prestations sociales et les fraudes à ces prestations permettent de vivre mieux qu’un travail quotidien ? Comment peut-on accepter de vivre dans un pays où « avoir un France relance » est plus valorisé que de signer un CDI ? « Avoir un France relance », expression que l’on retrouve chez certains de nos administrés, c’est avoir une activité organisée qui consiste à rechercher et à cumuler les allocations de toute nature pour se constituer un revenu.
    L’argent gagné grâce à la fraude et aux prestations sociales l’est sur le dos de ceux qui se lèvent tôt le matin pour aller travailler. La lutte contre la fraude aux prestations sociales n’est pas qu’une histoire d’argent ; c’est une question de valeurs et de reconnaissance du travail. C’est garantir que le travail paie plus et récompense mieux que le système des allocations.
    D’autre part, il ne faut pas oublier que le meilleur allié des fraudeurs, c’est le millefeuille administratif de notre pays. La lourdeur et la lenteur qui en résultent ainsi que le manque de communication entre les services de l’administration facilitent les fraudes.
    Le groupe UDR a toujours milité pour plus de simplification administrative ; c’est aussi valable pour notre système de prestations sociales. C’est pourquoi nous sommes favorables à une réflexion plus générale sur la possibilité d’instaurer une allocation sociale unique. Nous avons vraiment besoin d’une simplification administrative massive ! (Mme Stéphanie Galzy applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jordan Guitton.

    M. Jordan Guitton (RN)

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    Il y a quatre ans, la commission d’enquête parlementaire sur la lutte contre les fraudes aux prestations sociales posait un diagnostic clair : notre système de protection sociale est rongé par des failles que des fraudeurs exploitent au détriment des Français qui bossent ou qui méritent les prestations.
    Aujourd’hui, en mars 2025, il est temps de dresser un bilan, le vôtre : en huit ans de macronisme, rien n’a changé ! Pire, la Cour des comptes estime que ce fléau coûte entre 10 et 25 milliards d’euros par an. Il y a quelques mois, le gouvernement des LR et des macronistes voulait priver les retraités d’une indexation de leur pension sur l’inflation, alors que certains d’entre eux perçoivent une retraite s’élevant seulement à quelques centaines d’euros. Ce même gouvernement refusait de rembourser partiellement des médicaments. On voit où sont vos priorités : vous préférez laisser faire les fraudeurs et taper sur les Français.
    Charles Prats, magistrat reconnu en la matière, estime la fraude sociale à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an. Pourtant, les organismes sociaux ne parviennent à détecter que 1 milliard d’euros de fraudes.
    Le RN vous a alertés depuis 2017. Il a un plan de lutte contre la fraude, car la transparence doit être le principe. On parle de l’argent des Français, de prestations financées par leurs impôts : cela devrait nous obliger à changer collectivement notre motivation en tant que parlementaires.
    Je vous livre quelques éléments pour que tous les Français se rendent compte de la réalité.
    Lors des travaux de la commission d’enquête, l’Insee recensait 8,2 millions de personnes françaises nées à l’étranger alors que l’on dénombrait 12,4 millions de bénéficiaires de prestations sociales vivant à l’étranger, soit un écart de 4 millions.
    En 2018, 67 millions de personnes étaient consommatrices de soins, soit 100 % de la population, alors que nous savons par ailleurs que 16 % des Français ne consommaient pas de soins.
    On nous dit que près de 75 millions de personnes ont bénéficié de prestations sociales en France en 2020, alors que l’on ne dénombrait que 67 millions de Français à l’époque !
    Ces chiffres le montrent : la fraude est une hydre. Seule une instance dédiée pourrait la combattre efficacement. Face à ce défi, avec le groupe RN et Marine Le Pen, nous plaidons pour la création d’un poste de ministre consacré à la lutte contre les fraudes, sociales et fiscales. Et vous, madame la ministre, que proposez-vous ?
    Il serait aussi temps de moderniser nos outils de vérification, comme nous le proposons depuis dix ans, en introduisant la carte vitale biométrique. Où en sont les expérimentations ? L’idée est simple : il s’agit d’instaurer une carte infalsifiable, équipée d’empreintes numériques, pour permettre aux professionnels de santé de vérifier l’identité des assurés. Cela mettrait fin aux usurpations et fraudes à l’identité. Là encore, le Rassemblement national avait vu juste.
    On constate finalement que la France de Macron est très laxiste avec ses fraudeurs. Au-delà des paroles, pour lesquelles vous êtes très doués en Macronie –⁠ on l’a vu avec M. Attal, et maintenant avec d’autres –, il faut des actes politiques et des sanctions. En la matière, vous faites lamentablement défaut.
    Madame la ministre, je vous conseille de lire le livret de lutte contre la fraude de Marine Le Pen et du Rassemblement national. Nous proposons de créer une amende plancher équivalant à trois fois les montants fraudés, cinq en cas de récidive. Il faut suspendre les droits sociaux ou imposer la fermeture administrative des entreprises qui commettent des fraudes dès la troisième infraction. Les contrôles ciblés doivent être plus nombreux. Les services de contrôle doivent bénéficier d’un accès facilité aux fichiers administratifs.
    La direction de la sécurité sociale estime que 3 millions d’allocataires ne disposent pas d’une résidence stable en France, condition nécessaire pour bénéficier des prestations sociales. Les retraités expatriés doivent se présenter au moins une fois par an au consulat : souvenons-nous de l’affaire des retraités franco-algériens décédés, théoriquement âgés de plus de 120 ans et qui percevaient encore une pension. Combien de milliers de cas similaires compte-t-on dans le monde ?
    Enfin, nous proposons un encadrement strict des prestations pour les étrangers. Il faut pouvoir justifier de cinq ans de travail en France pour accéder au RSA ou toucher les allocations. Les allocations familiales doivent être réservées aux familles françaises, dans lesquelles au moins l’un des deux parents est français.
    Nous devons rétablir et faire respecter un principe au fondement de notre Constitution, le consentement à l’impôt. Les Français en ont marre de payer quand des fraudeurs sont récompensés.
    Quatre ans après la commission d’enquête sur les fraudes, rien n’a été fait. Madame la ministre, qu’attendez-vous pour agir ? Des dizaines de milliards d’euros de fraude par an sont perdus chaque année et un seul milliard d’euros a été économisé en sept ans : il faudrait vous laisser au pouvoir des dizaines d’années pour récupérer l’argent des Français. Ces derniers ne vous laisseront sûrement pas aux manettes aussi longtemps.
    La lutte contre la fraude aux prestations sociales et contre la fraude fiscale reste un chantier inachevé, miné par vos manquements. Pourtant, l’enjeu est clair : chaque euro détourné est un euro volé aux Français, qui financent la solidarité. Les gouvernements successifs ont manqué de courage politique ; votre gouvernement en fait la synthèse. Du PS aux LR, une seule manière de gouverner, un parti unique : celui de l’échec.
    Ce n’est pas ceux qui ont échoué lorsqu’ils étaient au pouvoir qui résoudront les problèmes des Français, notamment en matière de fraude. Seul un gouvernement d’union nationale autour de Jordan Bardella fera tout pour rendre leur argent aux Français. Pour la lutte contre la fraude comme pour d’autres sujets, vivement l’alternance ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Christine Le Nabour.

    Mme Christine Le Nabour (EPR)

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    La fraude sociale est un véritable fléau. À celles et ceux qui dans cet hémicycle se plaisent à la mettre systématiquement en concurrence avec la fraude fiscale afin de la faire passer pour négligeable, il convient de rappeler inlassablement que chaque euro se retrouvant indûment dans une poche où il ne devrait pas être est un euro que ne touche pas quelqu’un qui pourrait non seulement y avoir droit, mais aussi en avoir besoin.
    En ce qui nous concerne, nous ne faisons pas de différence entre les fraudeurs. Nous n’acceptons pas que qui que ce soit détourne intentionnellement, pour son propre profit, les ressources qui permettent de faire vivre la solidarité nationale.
    C’est bien cette dernière qui est la première victime de la fraude sociale. Quiconque prétend ici y être attaché devrait avoir à cœur, comme les députés du groupe Ensemble pour la République, de tout mettre en œuvre afin de lutter contre ces atteintes inacceptables.
    C’est à cette fin que Gabriel Attal, alors ministre chargé des comptes publics, a lancé en juin 2023 un plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques, dont les fraudes sociales. Lors d’un point d’étape organisé le 14 mars dernier, les ministres Amélie de Montchalin et Catherine Vautrin ont dressé un premier bilan démontrant l’efficacité des mesures prévues par cette feuille de route gouvernementale.
    Tandis que les montants de fraudes détectées affectant les organismes de sécurité sociale n’atteignaient que 0,6 milliard d’euros en 2012 et 1,2 milliard d’euros en 2020, les fraudes détectées et redressées en 2024 sont estimées à 2,9 milliards d’euros. Les ministres ont également relevé qu’en matière de lutte contre le travail dissimulé, les recouvrements se sont élevés à 121 millions d’euros en 2024, soit une hausse de plus de 50 % par rapport à ceux enregistrés en 2023.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce n’est pas beaucoup !

    Mme Christine Le Nabour

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    Ces résultats sont plus qu’encourageants, et appellent à la poursuite du déploiement des mesures prévues par ce plan afin de moderniser les stratégies de contrôle des organismes de sécurité sociale et de renforcer l’arsenal juridique à leur disposition pour lutter contre la fraude.
    Le Parlement n’est pas en reste en matière de lutte contre la fraude sociale, comme le démontrent les mesures votées ici même lors de l’examen des différents projets de loi de financement de la sécurité sociale. Si le chemin qu’il nous reste à parcourir en matière de lutte contre la fraude est encore long, et que la puissance publique devra s’adapter sans cesse à la créativité mal employée des fraudeurs, force est de constater que nous sommes engagés sur la bonne voie.
    Il nous faut néanmoins poursuivre et amplifier nos efforts, que ce soit en matière de détection de la fraude –⁠ souvent invisible par nature –, mais également en matière de prévention. Prévenir les fraudes peut passer par la sécurisation des données et le préremplissage des déclarations nécessaires à l’ouverture des droits et à la gestion des prestations, comme c’est désormais le cas pour les déclarations de ressources trimestrielles des bénéficiaires du revenu de solidarité active.
    Le non-recours est aussi un fléau que je tenais à mentionner. En complément d’un meilleur contrôle, nous devons progresser pour encadrer le système déclaratif, qui est à l’origine de nombreuses erreurs. Il faut aussi améliorer l’échange d’informations entre les administrations. Nous devons délivrer la juste prestation –⁠ « accompagner vers » et accompagner dans les droits. La notion de juste prestation recouvre des problématiques de recours abusif et insuffisant –⁠ de sur-recours et de sous-recours. Nous devons y apporter des solutions.
    Il nous faut améliorer l’accès aux droits et lutter contre les versements indus et la fraude, dans un souci de justice sociale et de justesse des droits. La confiance des Français en notre protection sociale en dépend, ainsi que l’image de notre modèle en la matière.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Zahia Hamdane.

    Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP)

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    À chaque débat portant sur les prestations sociales, c’est devenu un grand classique, un marronnier politique, un petit plaisir coupable. Comme d’habitude, vous ressortez votre épouvantail préféré : c’est la fraude, toujours la fraude. C’est votre tube de l’été, que vous passez en boucle le reste de l’année. Lutter contre la précarité ? Non ! Faciliter l’accès aux droits ? Encore moins. Ce qui vous obsède, c’est le « pognon de dingue » que les plus pauvres oseraient voler à la société.
    Il n’y aurait pas moins de 25 milliards d’euros de fraudes ! Comment obtient-on ce chiffre magique ? C’est facile : il suffit de mélanger des erreurs de saisie, des approximations à la louche et de piétiner un principe de base, le droit à l’erreur. Mais qui s’en soucie ? Ce qui compte, c’est de désigner des coupables, de préférence des pauvres.
    Pendant ce temps, on fait silence sur la fraude aux cotisations sociales par les entreprises. Plus un mot, plus un bruit, on entendrait une mouche voler dans les travées. Pourtant, la Cour des comptes –⁠ je ne suis pas en train de citer un tract syndical ! – estime que la fraude patronale s’élève à 6 ou 8 milliards par an, soit deux à trois fois plus que la fraude aux prestations. Mais curieusement, sur ce sujet, ni commission d’enquête, ni tambours, ni trompettes. Frauder en costard-cravate, c’est plus chic, cela passe mieux. Pas de contrôles inopinés à 7 heures du matin, pas de dossiers mis en attente pour un formulaire mal rempli. Non, ces fraudeurs, on les invite à des forums économiques –⁠ champagne, petits fours, et pas un agent de contrôle à l’horizon !
    Les patrons coupables de fraudes aux cotisations sociales commettent tout à la fois une fraude à la CAF, à l’assurance maladie, à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Le coût de cette fraude pour la société grimpe vite.
    Pendant ce temps, on traque 2,3 milliards de fraudes supposément commises par les allocataires. Combien de familles se retrouvent privées de leurs prestations pour un document manquant, une case qu’elles ont oublié de cocher ? Combien d’erreurs administratives se transforment en condamnation à la précarité ? Mais cela ne fait pas de scandale, on ne tend pas les micros.
    Le véritable scandale, c’est le non-recours aux droits, qui est massif. Pendant que vous dénoncez quelques abus marginaux, des millions de personnes ne touchent même pas ce à quoi elles auraient droit. Le non-recours s’élève à 48 % pour la complémentaire santé solidaire (C2S), à 39 % pour la prime d’activité, à 34 % pour le RSA et à 50 % pour le minimum vieillesse. Ce ne sont pas des chiffres, ce sont des vies brisées.
    Mais là encore, le silence règne. Un allocataire qui ne réclame rien, c’est parfait : il ne coûte rien, ne râle pas, ne dérange personne.
    L’automatisation des droits est pourtant un outil très simple et efficace, qui permettrait d’éviter des erreurs et de garantir plus de justice, mais on freine son introduction, on tergiverse. Pourquoi ? Parce que l’État préfère jouer au gendarme plutôt qu’au travailleur social.
    Pendant ce temps, vous continuez à nous vendre le fantasme de l’étranger fraudeur. Petit rappel : pour toucher le RSA, il faut pouvoir justifier de cinq années de résidence stable en France. Cinq ans ! Les faits génèrent moins d’audience que les clichés relayés par l’extrême droite.

    M. Fabien Di Filippo

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    Mais non ! L’extrême droite prône l’assistanat tout autant que vous !

    Mme Zahia Hamdane

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    La vraie fraude, c’est un système qui pourchasse les pauvres et caresse les puissants, un État qui développe des algorithmes pour surveiller les allocataires.

    M. Sébastien Delogu

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    Excellent !

    Mme Zahia Hamdane

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    Ces outils sont parfois hors-la-loi, alors que ceux qui permettraient d’aider les gens restent au placard.
    Protéger, ce n’est pas vendeur. Il est plus simple d’humilier que de servir, plus payant politiquement de traquer les précaires que de contrôler les fraudeurs en col blanc.

    M. Romain Daubié

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    Pure caricature !

    M. Fabien Di Filippo

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    Mais qui écrit ses discours ?

    Mme Zahia Hamdane

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    Alors oui, il est temps d’arrêter la comédie, temps d’avoir un État qui protège, pas un État qui soupçonne ; il est temps de remettre la justice sociale au centre, de garantir l’accès aux droits…

    M. Pierre Cordier

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    Il y a des droits et des devoirs !

    Mme Zahia Hamdane

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    …et de traquer les vrais fraudeurs, ceux qui ruinent la solidarité et creusent les inégalités.

    M. Sébastien Delogu

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    Excellent !

    Mme Zahia Hamdane

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    Ce n’est pas de la générosité : c’est simplement la justice, la vraie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Andrée Taurinya

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandrine Runel.

    Mme Sandrine Runel (SOC)

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    Le groupe Droite républicaine récidive sur un de ses sujets favoris : faire croire que les maux de notre société seraient dus aux agissements de quelques-uns, évidemment les plus pauvres, qui seraient des fraudeurs en puissance aux prestations sociales.

    M. Pierre Cordier

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    Personne n’a dit ça !

    Mme Sandrine Runel

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    Combien de débats, de rapports, de commissions d’enquête seront-ils nécessaires pour vous faire comprendre l’absurdité de votre obsession ?
    Car, contrairement à vos préjugés, les ménages les plus précaires ne sont pas les premiers responsables de la fraude sociale.

    M. Arnaud Simion

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    Eh non !

    Mme Sandrine Runel

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    Sur les 13 milliards d’euros de manque à gagner que représente la fraude sociale, selon l’estimation du Haut Conseil du financement de la protection sociale, 56 % proviennent de la fraude des entreprises et des travailleurs indépendants, 34 % des assurés et 10 % des professionnels de santé. Dans les faits, les employeurs sont les premiers fraudeurs et l’Urssaf la première victime de cette fraude. Le travail dissimulé est la première cause de fraude à la sécurité sociale et non l’allocataire du RSA qui aurait mal rempli sa déclaration de revenus.
    Décider de n’examiner que la fraude aux prestations sociales, c’est donc un choix partisan, celui de culpabiliser les ménages plutôt que les entreprises ou les employeurs.

    M. Arnaud Simion

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    Eh oui !

    Mme Sandrine Runel

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    C’est le choix politique de n’étudier que le tiers de la fraude sociale lié aux manquements des ménages les plus précaires. Et cela reste très visible dans votre rapport. Les recommandations en sont claires : faire la chasse aux pauvres, établir davantage de contrôles, davantage de sanctions… Ce rapport renforce l’image des bénéficiaires des prestations sociales comme des personnes cherchant à tout prix à profiter de notre système de solidarité. Vos discours stigmatisants ne font qu’insinuer qu’un chômeur de longue durée, une mère isolée ou un retraité vivant à l’étranger serait un fraudeur en puissance.
    Que d’arguments fallacieux en faveur de votre mépris de classe ! Déjà, en 2011, Nicolas Sarkozy dénonçait « la fraude qui mine les fondements mêmes de la République sociale », plutôt que de balayer devant sa porte. Il ajoutait : « Frauder, que dis-je, voler la sécurité sociale, c’est trahir la confiance de tous les Français et c’est porter un coup terrible à la belle idée nécessaire de solidarité nationale. » C’est assez étonnant, venant d’un parti qui joue en ligue des champions en matière de fraude fiscale, parti dont les responsables, je le rappelle, détournent des fonds publics, organisent des dîners, des sommets au frais du contribuable et financent une campagne présidentielle par des versements non déclarés de plus de 50 millions d’euros.

    M. Arnaud Simion

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    Eh oui !

    Mme Sandrine Runel

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    Deux poids, deux mesures donc : répression pour les plus modestes, indulgence pour les plus puissants.
    Ce qui est certain, monsieur le rapporteur, c’est que nous ne vivons pas dans le même monde. Le taux de pauvreté en France s’élève à plus de 15 %, soit plus de 9 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, autant de Françaises et de Français, je vous le précise, qui vivent avec moins de 1 200 euros par mois. Est-ce vraiment cela, « un pognon de dingue » ?
    Arrêtons la stigmatisation des personnes les plus fragiles, ce que vous appelez les assistés ; revenons aux fondements de notre système de protection sociale.
    Ce n’est pas la fraude sociale qui cause les déficits de nos systèmes. La fraude aux prestations sociales représente, selon la Cour des comptes, au maximum 4,5 milliards d’euros.

    M. Philippe Vigier

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    Ben voyons, c’est rien…

    Mme Sandrine Runel

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    Pour la CAF, cela représente entre 3 % et 4 % du montant des prestations en 2020. Donc, encore une fois, nous ne réglerons pas le problème de financement de notre système de protection sociale en nous acharnant sur les plus fragiles et sur les étrangers.
    Nous vous proposons, pour notre part, des moyens de financements justes et cohérents, à commencer par une réelle conditionnalité des exonérations de cotisations sociales –⁠ nous en avons tant parlé pendant l’examen du PLFSS. Ces exonérations de cotisations représentent plus de 73 milliards d’euros de manque à gagner pour la sécurité sociale, alors que leur efficacité est largement remise en question.
    Nous souhaitons évidemment, nous y voilà, lutter contre la fraude fiscale dont le montant est estimé entre 60 et 100 milliards d’euros, soit cinq à huit fois plus que toutes les fraudes sociales confondues. Mais de cela vous ne parlez pas. Encore une fois, vous préférez culpabiliser les allocataires.
    Nous avons le devoir d’assurer le juste accès aux droits, donc de simplifier les procédures pour éviter les erreurs et réduire le non-recours aux prestations.
    Notre système de solidarité faisait autrefois notre fierté. Les prestations sociales sont le fruit de notre engagement collectif pour la solidarité et la justice sociale. Nous devons en être fiers car elles garantissent à chacun la dignité et la protection face aux aléas de la vie. Ce système repose toutefois de moins en moins sur la confiance et la solidarité, et de plus en plus sur la suspicion et le contrôle.
    Ce n’est pas notre vision de la justice sociale : nous croyons en un modèle qui protège, qui soutient et qui garantit les droits,…

    M. Pierre Cordier

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    Je n’ai pas le sentiment que les pauvres l’étaient moins quand le parti socialiste était au pouvoir !

    Mme Sandrine Runel

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    …plutôt qu’en la traque et la culpabilisation de celles et ceux qui en dépendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Emmanuel Grégoire

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap

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    La fraude sociale constitue un préjudice important pour nos concitoyens, pour notre modèle social mais aussi pour nos finances publiques. La fraude, particulièrement la fraude sociale, porte en effet atteinte à la confiance de nos concitoyens dans l’action publique. Elle peut fragiliser voire rompre le contrat républicain. Je pense aux politiques publiques dont bénéficient les Français les plus modestes et les plus fragiles, politiques qui les accompagnent dans le handicap, le vieillissement ou la formation professionnelle.
    Nous avons sans doute tous déjà été destinataires d’une tentative de fraude aux aides publiques, concernant MaPrimAdapt’ ou le compte personnel de formation (CPF). Comme l’indiquait Catherine Vautrin lorsqu’elle a présenté le bilan pour 2024 des résultats obtenus en matière de fraude sociale, « chaque euro détourné est un euro qui manque à nos hôpitaux, à nos crèches, à nos Ehpad et aux publics les plus vulnérables ».
    La fraude sociale porte aussi une atteinte considérable, je le disais, aux finances publiques et au nécessaire désendettement. Le déficit prévisionnel pour 2025, arrêté par la loi de financement de la sécurité sociale, s’élève à 22 milliards d’euros. Or le Haut Conseil du financement de la protection sociale évalue à 13 milliards le niveau de la fraude sociale, soit l’équivalent de plus de la moitié de ce déficit.
    Face à cette menace, nous avons intensifié notre action, ces dernières années. Les résultats sont là : en 2024, 2,9 milliards d’euros de fraude sociale ont été détectés, contre 1,2 milliard en 2020. La mobilisation porte ses fruits, avec une augmentation de 150 % des redressements depuis 2020 et de 30 % rien qu’en 2024. L’Urssaf a redressé 1,6 milliard d’euros de cotisations frauduleuses, une somme qui aurait permis de financer près de 670 000 accouchements, soit l’équivalent de 91 % des naissances en France en 2023. Les bons résultats obtenus par les caisses de sécurité sociale en 2024 sur les montants de fraude détectés permettent de stopper le phénomène et donc de diminuer son ampleur. Ils permettent aussi d’identifier les fraudeurs et de rendre leur entreprise plus complexe, voire de leur retirer leur capacité à reproduire un système frauduleux.
    Nous continuerons donc à traquer les fraudeurs, à les arrêter dans leur entreprise et à aller chercher cet argent partout où il se trouve, chez ceux qui ne respectent pas nos règles et nos lois, au détriment de nos compatriotes, de nos politiques publiques et de notre confiance dans notre modèle social.
    Il s’agit non de traquer les plus pauvres, comme je l’ai entendu dire de façon caricaturale au cours du présent débat,…

    Mme Sandrine Runel

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    C’est pourtant bien ce que vous faites !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    …mais bien d’aller récupérer des sommes indûment détournées, que ce soit par des particuliers, des professionnels ou, pire encore, des auteurs de montages complexes.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur

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    Très bien !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Pour cela, nous ne partons évidemment pas d’une feuille blanche. Je veux notamment mentionner le plan ministériel ambitieux de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques, adopté en mai 2023, avec un objectif clairement assumé : lutter contre la fraude partout où elle se trouve.
    Cette stratégie repose sur quatre piliers : le renforcement des moyens et des effectifs de contrôle pendant la période 2023-2027, avec une modernisation pour un coût de plus de 1 milliard d’euros de nos systèmes d’information et le recrutement de plus de 1 000 équivalents temps plein supplémentaires ; la modernisation des stratégies de contrôle avec des ciblages plus précis et des actions plus efficaces contre la fraude ; un arsenal juridique consolidé, avec des dispositions législatives dans chaque loi de financement de la sécurité sociale –⁠ en 2023, 2024 et encore en 2025 –, pour mieux sanctionner les abus ; enfin, la sécurisation accrue des données pour l’ouverture des droits et la gestion des prestations.
    Cette ambition a permis la détection et le recouvrement de montants de fraude records, je l’ai dit. Ces chiffres nous obligent aussi pour la suite et nous permettent d’afficher une ambition forte.
    La fraude s’adapte ; l’administration s’adapte en conséquence. La loi de financement de la sécurité sociale a ainsi développé l’arsenal législatif à disposition des caisses de sécurité sociale. Elle renforce par exemple la lutte contre les plateformes frauduleuses délivrant des arrêts de travail abusifs. Nous ouvrons également un chantier majeur : la taxation des revenus issus d’activités illicites. Il est en effet inacceptable que des trafiquants bénéficient d’aides sociales tout en échappant aux cotisations.
    La suite du débat me permettra de revenir sur l’ensemble des actions que nous engageons en faveur de la lutte contre la fraude sociale. (M. Antoine Vermorel-Marques applaudit.)

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée de chaque question et celle de chaque réponse est de deux minutes, sans droit de réplique.
    La parole est à M. Fabien Di Filippo.

    M. Fabien Di Filippo (DR)

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    Dans un rapport publié le 13 décembre 2024, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et la Caisse nationale de l’assurance maladie indiquent que la hausse du volume d’arrêts maladie s’est accélérée de façon importante depuis 2019 –⁠ en onze ans, le nombre de ces arrêts ont même progressé de 30 %. Or je ne pense pas que les conditions de travail se soient à ce point dégradées pendant cette période. En 2023, les arrêts maladie ont représenté 85 % des arrêts de travail et 60 % des dépenses d’indemnités journalières avec à la clef une facture de plus de 10 milliards d’euros pour l’assurance maladie.
    Au total, 5,9 millions d’actifs en ont bénéficié pour une durée moyenne de trente-cinq jours. Le cumul a représenté plus 8,4 millions d’arrêts, soit une augmentation de quasiment 4 % sur les cinq dernières années et 30 %, comme je viens de le mentionner, depuis 2012.
    La Cnam indique également que sur les six premiers mois de l’année 2024, le coût total des arrêts de travail était en hausse de 8,5 % et de 10 % pour les arrêts longs. Cette croissance du nombre d’arrêts maladie ne s’explique ni par la croissance démographique ni par la hausse des salaires et, en tout cas, elle n’est pas soutenable étant donné l’état du budget de la sécurité sociale dont le déficit est de près de 16 milliards d’euros pour 2024.
    Comptez-vous aider les employeurs à signaler les arrêts qui leur sembleraient abusifs ? La Cnaf préconisait une meilleure coordination entre les médecins, les entreprises et elle-même afin de vérifier la pertinence des arrêts de longue durée. Comment accompagnerez-vous cette orientation ? Comptez-vous prendre des dispositions pour faciliter les contrôles, notamment pour les arrêts de longue durée ? Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, le gouvernement a annoncé une campagne pour contrôler les médecins prescrivant cinq à dix fois plus d’arrêts maladie que leurs confrères. Pouvez-vous nous dire si cette mesure a été appliquée et si elle a été efficace ? Enfin, en ce qui concerne la prolifération des sites internet frauduleux qui proposent la vente d’arrêts maladie en ligne sans consultation médicale –⁠ notre collègue Vermorel-Marques y reviendra –, comptez-vous agir ? Le tribunal judiciaire de Paris a imposé la fermeture de plusieurs sites en 2020 mais ils continuent de prospérer et, au prix de 19 ou 24 euros l’arrêt maladie, aggravent ce phénomène. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Vous avez raison : il nous faut lutter activement et toujours plus contre les arrêts de travail abusifs et contre les fraudes. Face à la très forte dynamique de la dépense d’indemnités journalières, des mesures de responsabilisation collective des professionnels prescripteurs et des assurés bénéficiaires d’arrêts maladie ont été prises. Depuis février 2024, les prescriptions d’arrêts de travail par le biais d’une téléconsultation sont ainsi mieux encadrées : la durée maximale d’un arrêt prescrit en téléconsultation est désormais limitée à trois jours.
    En juillet 2024, un décret a été pris pour organiser les contre-visites médicales demandées par un employeur. Dès le début de son arrêt de travail, le salarié doit communiquer à son employeur son lieu de repos et les horaires auxquels la contre-visite peut s’effectuer.
    À partir de l’été prochain, un nouveau modèle papier d’avis d’arrêt de travail rempli par le médecin sera obligatoire et tous les avis d’arrêts de travail devront être transmis à l’assurance maladie à partir de ce modèle sécurisé. Le décret en Conseil d’État est en cours d’instruction.
    La vente en ligne de documents falsifiés, tels que des ordonnances ou des arrêts maladie, s’est structurée et renforcée, facilitant leur diffusion et leur usage abusif. Les montants détectés au titre des faux arrêts de travail s’élèvent à près de 30 millions d’euros en 2024.
    Depuis 2023, en réponse à ces menaces, les effectifs dédiés à la lutte antifraude de la Cnam ont connu une augmentation supérieure à 10 % : plus de 1 600 agents interviennent désormais dans ce domaine d’action.
    En ce qui concerne les professionnels de santé à l’origine de prescriptions frauduleuses, dans le cadre de la mise sous objectif (MSO), on propose aux médecins une réduction de leur taux de prescription et une pénalité en cas de dépassement. Le refus de cette mise sous objectif déclenche la procédure de mise sous accord préalable, par laquelle le versement des indemnités journalières correspondant aux arrêts de travail prescrits par le praticien est soumis à l’accord préalable du service du contrôle médical de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques.

    M. Antoine Vermorel-Marques (DR)

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    Il y a dix jours, un chef d’entreprise de ma circonscription m’a envoyé un message me révélant l’existence d’un site internet qui vend aux salariés des arrêts de travail frauduleux. Dans ses propres rangs, il compte un salarié qui connaît bien ce site.
    Je n’en croyais pas mes yeux. Ce matin, j’ai demandé un faux arrêt de travail à mon nom. Rien de plus simple ! Pour 19 euros, il est possible d’obtenir en deux clics un arrêt de travail conforme au Cerfa, lequel est envoyé directement dans votre boîte mail et peut être transmis à l’employeur.
    En 2024, ces faux arrêts de travail ont généré un coût de 42 millions d’euros pour la sécurité sociale. Leur nombre a été multiplié par 2,4 en douze mois. Ils font très rarement l’objet de sanctions, puisque les 70 000 suspensions d’arrêt maladie de 2024 n’en ont provoqué aucune de la part de l’assurance maladie.
    Quel est la source du problème, madame la ministre ? Bien sûr, l’employeur peut prendre des sanctions disciplinaires à l’encontre du salarié qui recourt à de faux arrêts de travail pour ne pas venir travailler et continuer à être rémunéré, mais encore faut-il qu’il ait la preuve de la fraude. Pour ce faire, l’assurance maladie doit communiquer le nom du salarié à son employeur.

    Mme Andrée Taurinya

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    C’est de la délation !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Le secret médical ne s’applique pas, puisque le salarié a fraudé et n’était pas vraiment malade. C’est pourquoi à mon initiative et celle de Fabien Di Filippo, le groupe Droite Républicaine…

    Mme Andrée Taurinya

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    L’extrême droite !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    …a déposé une proposition de loi visant à obliger l’assurance maladie à transmettre le nom des 70 000 fraudeurs à leur employeur,…

    Mme Andrée Taurinya

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    Vive la délation !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    …pour qu’ils soient licenciés ou que leur fraude soit au moins sanctionnée, conformément à l’arrêt rendu par la Cour de cassation en 2018. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Romain Daubié

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    Nous sommes d’accord !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Vous soulignez un problème grave dont on constate qu’il va plutôt en augmentant : l’utilisation de documents falsifiés, tels que des ordonnances ou des arrêts maladie, dont la vente en ligne s’est structurée et intensifiée. Les montants détectés au titre des faux arrêts de travail s’élèvent à près de 30 millions d’euros en 2024.
    Je l’ai déjà dit, en réponse à ces menaces, depuis 2023, la Cnam a augmenté de plus de 10 % ses effectifs dédiés à la lutte antifraude. Plus de 1 600 agents interviennent dans ce domaine. Parmi eux, on compte 60 agents spécialisés –⁠ enquêteurs judiciaires, statisticiens, managers expérimentés – répartis dans 6 nouveaux pôles interrégionaux d’enquêteurs judiciaires. Ils sont dotés de compétences en investigation numérique et de prérogatives judiciaires.
    À compter de juillet 2025, le recours à un Cerfa sécurisé deviendra obligatoire pour les envois papier. Les nouveaux documents seront dotés d’un hologramme, d’une bande changeant de couleur en cas de photocopie ou d’un QR code –⁠ autant d’éléments qui permettront de garantir l’authenticité des arrêts de travail, désormais mieux sécurisés, et de diminuer significativement les possibilités de fraude.
    Nous sommes évidemment favorables sur le principe à la proposition de loi que vous avez évoquée. Nous l’examinons actuellement dans le détail pour mesurer les différents impacts qu’elle pourrait avoir et contribuer à sa concrétisation. (Mme Félicie Gérard et M. Antoine Vermorel-Marques applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Tristan Lahais.

    M. Tristan Lahais (EcoS)

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    Le rapport du HCFIPS publié en septembre 2024 évaluait le manque à gagner résultant de la fraude sociale à 13 milliards d’euros par an. Comme l’ont déjà démontré mes collègues, la majeure partie est imputable aux entreprises, notamment en raison du travail dissimulé. La fraude sociale est donc d’abord une fraude patronale.
    En dépit de ce que prétendent certains sur les bancs à la droite de l’hémicycle, toutes les fraudes aux prestations sociales ne présentent pas la même indignité morale. Cela avait déjà été rappelé. Nous distinguons la fraude consécutive à la grande pauvreté de celle qui finance le confort des plus aisés.

    M. Philippe Vigier

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    Oh là là !

    M. Tristan Lahais

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    J’appelle votre attention sur le non-recours aux droits, c’est-à-dire sur les situations dans lesquelles des personnes éligibles aux aides sociales n’en font pas la demande ou ne les perçoivent pas. Environ 34 % des bénéficiaires potentiels du RSA n’en font pas la demande, soit un tiers d’entre eux. Quels dispositifs le gouvernement prévoit-il pour diminuer le non-recours aux droits, qui empêche la réinsertion et se traduit trop souvent par le maintien dans la précarité ?
    Les chiffres liés à la fraude fiscale –⁠ évasion fiscale, fausses déclarations ou fraudes à la TVA – sont encore plus significatifs. La Cour des comptes évalue son montant entre 60 et 80 milliards d’euros par an.
    La lutte contre la fraude, qu’elle soit fiscale ou sociale, nécessite d’importants moyens humains et technologiques ; or des critiques récurrentes pointent les réductions d’effectifs dans les administrations de contrôle et rappellent que l’outil informatique ne remplace pas l’expertise humaine. La direction générale des finances publiques (DGFIP) a perdu environ 30 000 emplois depuis 2019, tandis que la loi de finances pour 2025 a réduit les moyens de France Travail d’environ 35 millions d’euros.
    Depuis 2022, notre groupe réclame de façon constante davantage de moyens humains et financiers pour les administrations en charge du contrôle et du recouvrement, en particulier la DGFIP. Disposer d’une infrastructure publique solide dans l’appui de ces missions revêt une importance primordiale.
    À l’heure où nous avons tant besoin de trouver des recettes, quels seront les moyens engagés par le gouvernement et pour quels objectifs, compte tenu du contexte de fraude fiscale manifeste ? (M. Sébastien Delogu applaudit.)

    Mme la présidente

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    Monsieur le député, votre temps de parole est écoulé.

    M. Tristan Lahais

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    Je devais poser deux questions, donc j’avais théoriquement le droit à quatre minutes.

    Mme la présidente

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    Excusez-moi, je ne savais pas. Voulez-vous enchaîner avec la deuxième question ?

    M. Tristan Lahais

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    J’ai posé mes deux questions. Je vous remercie, madame la présidente.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Vous soulignez le problème que pose la fraude aux cotisations sociales du fait des entreprises. La lutte contre cette fraude est une garantie indispensable pour les droits sociaux des salariés et une saine concurrence économique. Elle constitue également une priorité pour le gouvernement, étant donné que son montant est évalué entre 7 et 9 milliards d’euros annuels, soit la moitié du montant de la fraude sociale estimé par le rapport du HCFIPS de septembre 2024.
    Si le système de recouvrement repose initialement sur la confiance, de plus en plus de contrôles sont réalisés par 1 500 inspecteurs et 220 contrôleurs pour vérifier l’exactitude des déclarations. Qualitativement, la lutte contre la fraude s’est renforcée, grâce à l’amélioration du ciblage –⁠ plus de 80 % des contrôles ciblés débouchent sur un redressement –, les ressources ont été augmentées, les inspecteurs spécialisés se sont professionnalisés et des partenariats ont été conclus –⁠ avec la police, la gendarmerie, l’Office central de lutte contre le travail illégal, Tracfin, etc.
    En 2024, les moyens engagés ont permis de réaliser 6 700 actions répressives de contrôle, soit 11 % de plus qu’en 2023, et de collecter le montant record de 1,6 milliard d’euros en matière de redressement –⁠ 1 milliard pour le BTP –⁠ bâtiment et travaux publics – et 408 millions pour les services aux entreprises –, soit une augmentation de 34 % en un an. Les redressements ont été multipliés par quatre en dix ans et ont doublé ces deux dernières années.
    Les auteurs du délit de travail dissimulé doivent être frappés au porte-monnaie ; le taux de recouvrement doit donc être optimisé. Bien qu’il apparaisse faible, il a pourtant augmenté de manière substantielle : en 2024, le montant des recouvrements liés au travail dissimulé s’est élevé à 121 millions d’euros, soit une progression de 50 % par rapport à 2023.
    Le recouvrement de sommes résultant de la lutte contre le travail dissimulé est extrêmement difficile, car les fraudeurs disposent de peu d’actifs ou organisent eux-mêmes leur insolvabilité et disparaissent avant la mise en recouvrement des montants redressés. C’est pourquoi le déploiement de la solidarité financière du donneur d’ordre est un levier d’amélioration du recouvrement des sommes dues par un débiteur, car il permet de faire jouer la responsabilité d’un tiers lorsqu’il n’a pas respecté ses obligations de vigilance en contractant avec un sous-traitant. En 2024, 557 actions liées à l’exécution de la solidarité financière ont été réalisées et un décret en Conseil d’État visant à la sécuriser sur le plan réglementaire est à paraître.
    Avant que nous activions ce levier répressif, les donneurs d’ordre privés et publics doivent participer à la prévention de la lutte contre le travail dissimulé. Il est très simple de sécuriser sa relation contractuelle : la loi oblige le donneur d’ordre à se faire remettre par son sous-traitant une attestation de vigilance attestant du bon accomplissement de ses obligations sociales.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Vigier.

    M. Philippe Vigier (Dem)

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    Lors de ma précédente prise de parole, je vous ai posé quelques questions. Le fameux rapport du HCFIPS sur l’évaluation des fraudes est très attendu, car il fournira des éléments d’appréciation à l’Assemblée. Je m’adresse en particulier aux collègues de gauche : il ne s’agit pas de stigmatiser et d’affirmer que ce sont toujours les mêmes qui fraudent.

    Mme Sandrine Runel

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    Si, si !

    M. Philippe Vigier

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    Non ! Nous devons examiner la fraude sous tous ses aspects, que ce soit celle commise par une entreprise, par un professionnel de santé ou par un citoyen.

    M. Romain Daubié

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    Exactement !

    M. Philippe Vigier

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    Sinon, il me semble que nous ne remplirions pas notre mission. D’où ma première question sur le HCFIPS.
    Deuxièmement, vous avez fait référence aux avis du Conseil constitutionnel qui nous privent d’un certain nombre d’outils qui me semblent indispensables pour lutter contre les fraudes, au sens large du terme. Le gouvernement envisage-t-il des pistes juridiques pour sécuriser ces outils et franchir l’étape du Conseil constitutionnel ? Comme l’expliquait un collègue, l’échange d’informations n’a rien d’une inquisition. C’est ce qui est exigé de tout contribuable par l’autorité fiscale. Lorsqu’elle vous écrit, vous lui répondez –⁠ c’est la moindre des choses. Il est incompréhensible que cet échange d’informations ne puisse pas avoir lieu.
    Troisièmement, est-ce que la mise en place d’une carte Vitale biométrique est envisageable à court ou moyen termes ? Ce serait une avancée.
    Quatrième et dernier point, je veux évoquer le numérique, l’espace numérique de santé et tout ce que les outils numériques et l’intelligence artificielle apporteront. Il existe désormais des algorithmes très puissants qui permettent de dénicher certains comportements, souvent du fait des entreprises qui font de la fraude aux charges sociales. Disposerez-vous d’éléments en la matière pour aller « plus vite, plus fort » comme le voulait Patrick Hetzel ? Car l’argent que nous récupérerons ne sera pas économisé, mais servira à mieux aider les personnes en difficulté.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Je vais essayer de répondre à l’ensemble de vos questions.
    Le montant de la fraude sociale a été évalué à 13 milliards d’euros annuels par le HCFIPS dans son rapport « Lutte contre la fraude sociale : état des lieux et enjeux ». Il est disponible depuis septembre 2024 : vous pouvez donc le consulter.
    Les chiffres de l’évaluation de la fraude sociale par le HCFIPS ne doivent pas être perçus comme une recette miracle pour résoudre les problèmes de financement de la sécurité sociale. Les montants en jeu, même s’ils sont importants, sont relativement faibles si on les rapporte à la masse des dépenses ou des prélèvements sociaux, ce qui s’explique par le fait que les fraudeurs sont heureusement très minoritaires. Compte tenu des sommes et de leur poids dans le déficit précédemment évoqué, nous continuerons néanmoins à traquer sans relâche les fraudeurs.
    L’impact financier de la lutte contre la fraude sur les finances sociales doit s’apprécier en prenant en considération le montant des fraudes évitées ou les recouvrements effectifs.
    Pour lutter contre la fraude, les caisses de sécurité sociale ont recours, depuis quelques années, à des techniques algorithmiques de data mining pour identifier les dossiers à contrôler en privilégiant ceux dont la probabilité de non-conformité à la réglementation, et donc de paiement indu, est la plus forte. Ces algorithmes comptent parmi les moyens que développent les caisses pour cibler leurs contrôles, dans un souci de meilleure efficacité.
    Vous avez évoqué l’échange d’informations entre l’assurance maladie et les complémentaires santé. Le gouvernement y est tout à fait favorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Romain Daubié.

    M. Romain Daubié (Dem)

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    Je voulais vous dire toute l’importance qu’a ce débat sur les fraudes aux prestations sociales à mes yeux. Pour lutter contre le phénomène, le gouvernement dispose de plusieurs moyens, notamment la mission interministérielle de coordination antifraude (Micaf), la cellule de veille interministérielle antifraude aux aides publiques et les contrôles flash.
    Pourtant, plusieurs faits m’interpellent. Le Conseil d’évaluation des fraudes était censé rendre un rapport en 2014, mais ne l’a toujours pas fait. Quand les députés, qui ont besoin de données concrètes pour apprécier la fraude sociale, le recevront-ils ?
    D’autre part, les principales recommandations de la commission d’enquête parlementaire portaient sur le croisement de bases de données. Avec d’autres députés, nous avions préparé des amendements au PLFSS pour permettre ce croisement, mais le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions que nous défendions. Disposez-vous d’autres moyens, législatifs ou réglementaires, pour organiser le croisement de fichiers ? À quand une carte Vitale biométrique, question qui se pose régulièrement ?
    Vous l’aurez compris, les Français attendent une lutte intensifiée contre les fraudes avant l’augmentation des taxes et impôts.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Merci pour votre engagement et votre vigilance dans la prévention et la lutte contre la fraude sociale, dont le poids est important –⁠ elle représente la moitié du déficit de la sécurité sociale. Le recouvrement des sommes détournées constitue donc un enjeu important.
    Le montant de la fraude sociale a été évalué à 13 millions d’euros par an par le Haut Conseil du financement de la protection sociale, dans un rapport intitulé « La lutte contre la fraude sociale », remis et disponible depuis septembre 2024.
    Sur la base de ce rapport, les caisses développent des techniques pour cibler les contrôles a posteriori et aussi efficacement que possible, en contrôlant prioritairement les dossiers associés à la plus forte probabilité de fraude.
    Comme le recommandent les auteurs du rapport, les politiques développées dans les années récentes s’attachent à prévenir les fraudes. Parmi les projets en cours de déploiement qui contribuent à sécuriser le calcul des prestations et à réduire en amont les versements indus du fait des erreurs, on peut citer le renforcement des contrôles automatiques intégrés dans les systèmes de paiement de l’assurance maladie, le développement des e-prescriptions ou le préremplissage des déclarations de ressources que les allocataires doivent soumettre tous les trimestres aux CAF, pour bénéficier de prestations sous conditions de ressources.
    Vous avez évoqué plusieurs dispositifs, notamment le partage d’informations, les solutions algorithmiques ou la carte Vitale biométrique, autant de dispositions que le Conseil constitutionnel a censurées, mais qui sont toujours à l’étude. Le gouvernement y est favorable et recherche les moyens législatifs qui permettront leur application.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Félicie Gérard.

    Mme Félicie Gérard (HOR)

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    Parmi les instances publiques en contact avec nos concitoyens, celle dont j’entends le plus parler est la CAF. Je suis régulièrement contactée par des habitants de ma circonscription au sujet des difficultés qu’ils rencontrent à disposer d’un interlocuteur privilégié et de l’opacité des méthodes de calcul et des décisions rendues.
    Ce manque de transparence ne peut qu’engendrer du mécontentement, voire des erreurs dans les attributions d’aides ou dans l’analyse des situations personnelles et même de la fraude. Fraude aux allocations familiales, fraude à l’allocation de rentrée scolaire, fraude à l’aide au logement… j’en passe.
    Les caisses d’allocations familiales sont certainement des cibles à privilégier pour lutter contre la fraude sociale. En France, celle-ci a connu une nette augmentation : son montant est passé de 1,2 milliard d’euros détectés en 2020 à près de 3 milliards d’euros en 2024. Or la majorité des problèmes identifiés par la commission d’enquête en 2020 demeurent, notamment les profils d’assurés fantômes et les fausses déclarations.
    Pourriez-vous nous indiquer les mesures mises en place pour lutter contre la fraude sociale dans les CAF ? Le partage de données entre organismes sociaux et administrations de l’État est-il efficace ? Enfin, ne serait-il pas temps de lancer un audit précis du fonctionnement de ces structures, sachant qu’il est très souvent critiqué par nos concitoyens pour son manque de clarté et d’efficacité ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Vous avez raison d’appeler l’attention sur la fraude aux allocations familiales. Chaque année, la branche famille verse près de 100 milliards d’euros de prestations, et le montant des fraudes détectées par les CAF atteignait, après avoir crû de 30 % par rapport à 2023, 449 millions d’euros en 2024. D’après les estimations disponibles, les fraudes aux allocations familiales représentent 30 % du montant total de la fraude sociale –⁠ 3,87 milliards d’euros. La fraude au RSA représente 40 % de ce montant et la fraude à la prime d’activité en représente 27 %.
    Entre 2020 et 2024, le montant des fraudes aux allocations familiales détectées est passé de 257 millions d’euros à 450 millions d’euros. Les fraudes sont majoritairement liées des déclarations erronées, et vous savez que nous sanctionnons les fraudes et pas les erreurs. Les citoyens peuvent rencontrer des difficultés lorsqu’ils remplissent des documents ou formulaires. Le président de la République s’est engagé à mettre en œuvre la réforme de la solidarité à la source, qui doit permettre de simplifier l’accès aux prestations sociales, de lutter contre le non-recours, mais aussi de lutter contre la fraude. En d’autres termes, la réforme doit permettre aux citoyens qui ont besoin des aides et qui y ont droit d’en bénéficier – tout en empêchant la fraude et le détournement des moyens des caisses d’allocations familiales.
    Depuis 2021, les CAF disposent d’un service national de lutte contre la fraude à enjeux, pour mieux détecter la fraude massive et organisée et accompagner les caisses dans leur traitement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Xavier Roseren.

    M. Xavier Roseren (HOR)

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    Il y a quatre ans, la commission d’enquête parlementaire sur la fraude aux prestations sociales révélait des failles préoccupantes dans notre système, un manque de coordination entre les organismes, une sécurisation insuffisante des immatriculations et une difficulté à recouvrer les sommes fraudées.
    Depuis, des mesures ont été annoncées, mais les chiffres actuels montrent que la fraude sociale reste un problème majeur. Selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, elle représente au moins 13 milliards d’euros par an, dont 7 milliards sont liés au travail dissimulé et à l’évasion des cotisations. Ce phénomène fragilise notre système de protection sociale et pénalise ceux qui y contribuent honnêtement.
    Pire encore, si 2,1 milliards d’euros de fraudes sociales ont été détectés, seul 1,1 milliard a été évité et recouvré. Autrement dit, près de 50 % des sommes détournées ne sont jamais récupérées. Le travail des agents de contrôle s’est pourtant intensifié et de nouveaux outils ont été créés.
    Face à ces constats, nous devons nous interroger : quels résultats concrets avez-vous obtenus en quatre ans ? Quels sont les obstacles persistants qui empêchent d’aller plus loin ?
    La lutte contre la fraude ne doit pas se faire au détriment des bénéficiaires légitimes. Aujourd’hui encore, des citoyens fragiles voient leurs droits suspendus à tort, tandis que des réseaux organisés exploitent les failles du système. Quelles nouvelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour renforcer la détection des fraudes, améliorer la coopération entre les organismes de protection sociale et surtout garantir un meilleur taux de recouvrement ? Il faut que les fraudeurs ne puissent plus échapper à leurs obligations.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Merci pour votre vigilance et pour votre engagement dans la lutte contre la fraude sociale. En mai 2023, le gouvernement a présenté une feuille de route contre toutes les fraudes aux finances publiques, qui comporte un plan de lutte contre la fraude fiscale et douanière et un plan de lutte contre la fraude sociale.
    Ce plan doit atteindre des cibles ambitieuses en matière de lutte contre la fraude aux cotisations et aux prestations sociales. Pour les cotisations et contributions sociales redressées, l’objectif est de récupérer 5 milliards d’euros pendant la durée du quinquennat, soit d’avoir doublé en 2027 les résultats obtenus en 2022. Pour la branche maladie, une cible particulière a été fixée pour la période s’étendant de 2023 à 2027 : 2,3 milliards de fraudes détectées et évitées. En matière d’allocations sociales, l’objectif est de 3 milliards d’euros de fraudes détectées.
    En 2024, nous avons atteint un record : 2,9 milliards d’euros ont été redressés, soit une augmentation de 30 % par rapport à l’année précédente.
    En mars 2024, les mesures du plan ont été renforcées. Pour l’Urssaf, la cible a été ajustée à 5,5 milliards d’euros entre 2023 et 2027, compte tenu des bons résultats obtenus en 2023. Pour la branche maladie, la dynamique constatée en 2024 a conduit à une réévaluation à la hausse de l’objectif initial.
    Les bons résultats obtenus dans la lutte contre la fraude, ce sont plus de moyens, notamment le renforcement des effectifs dédiés au contrôle, la modernisation des stratégies de contrôle des organismes de sécurité sociale et la sécurisation des données pour l’ouverture des droits à la gestion des prestations.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac (LIOT)

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    Notre débat porte sur les fraudes aux prestations sociales, et j’en profite pour vous interroger sur leur corollaire, le non-recours aux prestations sociales. Vous avez brièvement abordé ce sujet, lorsque vous avez évoqué la volonté du président de la République d’éviter ces non-recours, avec une allocation qui serait directement versée aux personnes qui en ont besoin.
    Selon l’étude publiée en 2023 par la Drees, 40 % des cas de non-recours aux prestations sont liés à l’absence d’information des potentiels allocataires.
    Vous ne serez pas surpris d’apprendre que la majorité des personnes concernées sont parmi les plus précaires – familles monoparentales ou foyers dont les revenus sont les plus modestes dans le pays. Les plus jeunes générations sont également concernées par le phénomène, et l’étude évoque aussi des démarches jugées trop complexes pour les administrés, qui sont dès lors dissuadés de formuler leurs demandes de prestations.
    Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) estime à 50 % la part des personnes éligibles à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) qui n’y ont pas recours. Ce taux atteint 34 % lorsqu’il s’agit du RSA et 30 % lorsqu’il s’agit de l’assurance chômage. Il ne s’agit pas d’un épiphénomène et ses conséquences sur le budget des ménages, souvent modestes, peuvent être particulièrement importantes.
    Aussi, pourriez-vous nous indiquer les pistes envisagées par le gouvernement pour faire baisser le taux de non-recours aux prestations sociales ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Merci d’évoquer le problème du non-recours. Si l’enjeu est de pouvoir lutter contre la fraude sociale et de garantir que les prestations sont attribuées aux personnes qui en ont besoin, force est de constater qu’il est encore compliqué, pour nos concitoyens, de bénéficier des prestations auxquelles ils ont droit.
    En 2022, le président de la République s’est engagé à organiser la solidarité à la source, pour simplifier l’accès aux prestations sociales et lutter contre le phénomène du non-recours au droit.
    Depuis le 1er février 2024, le montant net social est affiché sur les bulletins de paie et les relevés de prestations. Il correspond au montant de référence que doivent déclarer les allocataires pour bénéficier de la prime d’activité et du RSA, ce qui facilite les démarches administratives, limite les erreurs déclaratives et réduit le non-recours aux droits pour des raisons administratives.
    Depuis le 1er mars 2025, les formulaires de renouvellement trimestriel du RSA et de la prime d’activité sont préremplis avec les montants des salaires versés et des aides perçues. Là encore, le préremplissage, jusqu’à présent expérimenté dans cinq départements, facilite la déclaration des ressources. Le gouvernement améliore ainsi significativement la fiabilité du versement des prestations sociales, déchargeant ainsi les bénéficiaires d’une tâche administrative chronophage qui, parce qu’elle génère de l’anxiété et des erreurs fréquentes, est en partie responsable du non-recours aux droits –⁠ de l’ordre de 34 % pour le RSA et de 39 % pour la prime d’activité. Dans l’immédiat, la réforme bénéficiera aux 6 millions de Français allocataires de l’une ou l’autre de ces aides, et ce dès le prochain renouvellement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

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    Dans la continuité des propos de mon collègue Paul Molac, j’aborderai la question de l’accessibilité et de la lisibilité des prestations sociales, en prenant l’exemple de la Corse. Bien qu’elle ne soit pas la seule dans cette situation, la Corse est l’une des régions les plus pauvres de France. Elle compte un taux important d’illettrisme –⁠ 14 000 personnes sont concernées – et le plus fort taux d’illectronisme, qui touche 75 000 personnes. Si l’on ajoute le manque d’informations et la complexité des démarches, le faible recours se comprend aisément. La situation de pauvreté et de précarité s’en trouve nécessairement aggravée. Sur quels dispositifs comptez-vous pour remédier à ce problème et accompagner les plus fragiles ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Vous soulignez la difficulté rencontrée par nos concitoyens pour identifier, dans une sorte de maquis administratif, les prestations sociales auxquelles ils ont droit. En 2022, le président de la République s’est engagé à lutter contre le non-recours aux droits et à simplifier l’accès aux prestations sociales. En conséquence, nous déployons progressivement la solidarité à la source. Comme je le disais à votre collègue, depuis le 1er février 2024, le montant net social affiché sur les bulletins de paye permet d’identifier aisément le montant à déclarer pour bénéficier du RSA ou de la prime d’activité. Et, depuis le 1er mars dernier, les formulaires de renouvellement trimestriels sont préremplis, facilitant les démarches administratives de nos concitoyens. Le gouvernement continue à améliorer significativement la fiabilité du versement des prestations sociales : certaines sont déjà concernées par la solidarité à la source ; d’autres, comme l’Aspa, le seront bientôt, au gré des développements informatiques conséquents que nous parvenons progressivement à mettre en œuvre.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bernard Chaix.

    M. Bernard Chaix (UDR)

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    En 2020, une commission d’enquête parlementaire révélait l’ampleur des fraudes aux prestations sociales, estimées à plusieurs milliards d’euros par an. Depuis, les gouvernements successifs ont pris des mesures, telles que le renforcement du contrôle des CAF, le croisement des fichiers ou encore l’obligation de résidence en France pour toucher certaines allocations. Toutefois les fraudes persistent, et le recouvrement à hauteur de 600 millions d’euros des sommes indûment perçues –⁠ pour ne pas dire volées –⁠ demeure insuffisant.
    Les Français qui travaillent dur et cotisent beaucoup attendent légitimement que chaque euro versé au titre de la solidarité nationale soit utilisé avec responsabilité et efficacité. Des dispositifs comme l’AME, les paniers de soins accordés aux étrangers en situation irrégulière, ou encore certaines allocations, demeurent des sources importantes de fraude –⁠ notamment à l’usurpation d’identité et aux déclarations falsifiées.
    Alors que la dette explose, pour atteindre plus de 3 300 milliards d’euros, alors que la fraude sociale est estimée à 13 milliards et que le pouvoir d’achat des Français est mis à rude épreuve, quelles mesures prévoyez-vous pour éradiquer ces fraudes massives ? Faut-il renforcer davantage le contrôle de l’identité des bénéficiaires et les conditions d’octroi des aides sociales ? Envisagez-vous d’étendre les sanctions afin que les fraudeurs récidivistes soient enfin sanctionnés ? Respecterez-vous un jour les contribuables et leur argent ? Plutôt que de faire les poches aux entreprises, ferez-vous enfin les poches aux fraudeurs ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Le gouvernement est pleinement mobilisé pour continuer à lutter contre la fraude sociale, dont les techniques évoluent constamment. Notre administration s’adapte et se montre de plus en plus forte et efficace pour détecter, prévenir et recouvrer les sommes indûment perçues : en 2024, les détections ont augmenté de plus de 30 %. S’agissant de l’AME, sachez qu’elle fait l’objet de contrôles approfondis à toutes les étapes, de l’instruction des demandes jusqu’à l’attribution de la carte et à la prise en charge des soins.
    Le rapport de Claude Evin et Patrick Stefanini sur le sujet a souligné le professionnalisme des agents de l’assurance maladie qui attribuent cette aide, dans le cadre de procédures renforcées depuis 2019 ; le rapport indique également que la proportion d’anomalies dans ces procédures est comparable à celle constatée dans les dossiers des assurés sociaux. Pour bénéficier de l’AME, les ressortissants étrangers doivent remplir plusieurs conditions, lesquelles font l’objet d’un premier contrôle qui conduit à refuser 13 % des demandes. Ensuite, leur présence sur le territoire est systématiquement vérifiée. Enfin, le titre d’admission à l’AME –⁠ une carte sécurisée comportant un hologramme – est désormais délivré en mains propres, ce qui réduit aussi fortement la fraude.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Katiana Levavasseur.

    Mme Katiana Levavasseur (RN)

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    Depuis la commission d’enquête parlementaire de 2020, le gouvernement a affiché sa volonté de renforcer la lutte contre la fraude sociale. Plus de quatre ans plus tard, les chiffres restent pourtant préoccupants, comme l’a souligné mon collègue. Malgré des progrès dans la détection des fraudes, des failles majeures demeurent et font le lit des réseaux criminels, qui les exploitent afin de détourner des fonds publics –⁠ je pense notamment à un phénomène mis en lumière par plusieurs enquêtes ces dernières années, le trafic de médicaments remboursés par la sécurité sociale, puis revendus illégalement à l’étranger, qui prive les Français de traitements essentiels, alors que notre pays est confronté à de graves pénuries de médicaments.
    Quelles actions ont été conduites par le gouvernement pour mettre un terme à ces détournements qui coûtent des millions d’euros aux contribuables et menacent la santé de nos concitoyens ? Pour lutter contre la sophistication des fraudes, nous manquons de moyens : par exemple, les différents organismes sociaux ne disposent pas d’un fichier unique consolidé des bénéficiaires, alors qu’un tel fichier permettrait d’éviter que certains fraudeurs touchent plusieurs prestations sous différentes identités. Bien que cette faille soit connue, aucune réforme structurelle n’a permis d’y remédier : pourquoi cette fusion des bases de données n’est-elle toujours pas prévue ? Qu’en est-il des fraudes aux prestations versées à l’étranger ? La commission d’enquête avait recommandé la création d’une liste des pays à l’état civil peu fiable, afin de mieux contrôler les documents d’identité douteux : pourquoi cette proposition, jugée prioritaire à l’époque, n’a-t-elle pas été suivie ? Alors que des efforts toujours plus importants sont exigés d’eux pour préserver notre modèle social, les Français sont en droit de demander en retour des résultats concrets dans la lutte contre la fraude.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Le gouvernement s’est engagé à renforcer la lutte contre la fraude, ce qu’il fait depuis 2020 et la commission d’enquête que vous évoquez : les outils sont plus nombreux et un plan de fraude a été lancé en 2023. Tout cela porte ses fruits : les redressements représentent 2,9 milliards d’euros pour l’ensemble de la sécurité sociale, 628 millions d’euros pour l’assurance maladie.
    L’ordonnance numérique, en cours de déploiement, doit permettre de lutter contre les fraudes à l’ordonnance : sécuriser les prescriptions permet en effet d’éviter les erreurs de délivrance ainsi que les falsifications. L’ordonnance papier remise au patient contient désormais un QR code qui permet aux pharmaciens de consulter la base sécurisée des ordonnances numériques afin de vérifier la cohérence entre la prescription enregistrée par le médecin dans la base et les informations figurant sur l’ordonnance remise par le patient. À la fin février 2025, 37 000 médecins avaient créé au moins une ordonnance numérique, ce qui représente 56 millions d’ordonnances numériques ; plus de 12 000 officines avaient déjà traité une ordonnance numérique. Dix-sept logiciels médecins et huit logiciels pharmaciens sont utilisés.
    Depuis l’été 2024, le téléservice Asafo –⁠ alerte sécurité aux fausses ordonnances – est disponible depuis le portail Amelipro : il permet de signaler et de consulter les ordonnances frauduleuses en lançant des recherches au moyen du numéro de sécurité sociale de l’assuré, puis d’opérer une vérification en envoyant un e-mail au médecin prescripteur pour authentifier l’ordonnance. Depuis août 2024, 7 300 suspicions de fraude ont été signalées par ce biais, dont les trois quarts ont été confirmées. Un tel outil offre en outre une visibilité nationale sur les fraudes et facilite l’identification des réseaux qui en sont à l’origine.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Buisson.

    M. Jérôme Buisson (RN)

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    Les prestations sociales représentaient une dépense équivalente à près de 31,5 % du PIB en 2023. La lutte contre les fraudes sociales est donc un enjeu capital ; il y va de l’efficacité de la dépense publique. De rapport en rapport et de texte de loi en texte de loi, des avancées sont constatées –⁠ la détection des fraudes est en forte hausse – mais les résultats restent insuffisants devant l’ampleur du phénomène. Le rapporteur a soulevé le problème des domiciliations en dehors de France, tant pour les personnes qui bénéficient de prestations sous condition de résidence que pour les pensions versées à l’étranger, au nombre de 1,2 million.
    Comme l’a relevé la commission d’enquête en 2020, les pays du Maghreb sont ceux où les enjeux financiers sont les plus importants, en particulier pour les caisses de retraite. À elle seule, l’Algérie compte près d’un tiers des retraités vivant à l’étranger…

    M. Sébastien Delogu

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    Ça commence !

    M. Jérôme Buisson

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    Or les informations dont disposent les caisses sur ces assurés sont très lacunaires : une enquête menée en 2018-2019 par la caisse complémentaire Agirc-Arcco, mentionnée dans le rapport de la commission, n’a permis de fiabiliser que 18 % des dossiers environ. Qu’en est-il aujourd’hui ? Disposez-vous de chiffres actualisés ? Dans le cas de l’Algérie, le manque de coopération des autorités pour fournir des données a été souligné par la commission, comparé aux progrès observés avec le Maroc.

    M. Sébastien Delogu

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    Encore !

    M. Jérôme Buisson

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    Alors que nous traversons une crise diplomatique avec l’Algérie, qui porte atteinte à nos intérêts dans de nombreux domaines, ce dossier s’ajoute à la longue liste de nos différends. Cela est d’autant plus d’actualité que, après le durcissement rhétorique du ministre de l’intérieur à l’encontre des autorités algériennes et les nombreuses menaces sans lendemain, le président algérien en a appelé directement à Emmanuel Macron.
    Le bras de fer verbal engagé par le ministre menace donc de tourner au fiasco, alors que les Français attendent des résultats. Dans ce contexte, quelles sont les avancées que le gouvernement envisage d’obtenir à l’international pour renforcer la coopération et l’échange d’informations, afin de lutter plus efficacement contre la fraude sociale ?

    M. Sébastien Delogu

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    Ça vous embête que l’Algérie soit devenue indépendante !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    L’enjeu de la lutte contre les fraudes sociales, dans laquelle le gouvernement est pleinement mobilisé, est bien de lutter contre tous les types de cette fraude, quels qu’en soient les auteurs, particuliers ou professionnels, et quelle qu’en soit la forme –⁠ il peut s’agir de grands montages financiers frauduleux organisés par des entreprises –, sans stigmatiser ni cibler une catégorie de personnes en particulier.

    M. Jérôme Buisson

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    C’est dans le rapport !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    En mai 2023, le gouvernement a présenté sa feuille de route en la matière, composée de deux volets : un plan de lutte contre la fraude fiscale et douanière ; un plan de lutte contre la fraude sociale.
    Ce plan est assorti d’objectifs ambitieux : recouvrer 5 milliards d’euros sur le quinquennat par le redressement de contributions et de cotisations sociales, 2,3 milliards d’euros pour la branche maladie et 3 milliards d’euros pour les allocations sociales. Ces objectifs ont été progressivement rehaussés compte tenu des bons résultats obtenus dans la lutte contre la fraude sociale.
    Les pensions de retraite, contrairement aux prestations sociales dont le versement est conditionné à une présence en France, sont exportables et peuvent être versées à l’étranger. Parmi les 15 millions de retraités percevant une retraite de base du régime général, 1 million résident dans un pays étranger, soit 7 % du total. Le nombre de retraités résidant à l’étranger a tendance à baisser légèrement depuis quelques années ; ces derniers sont aussi plus âgés. La maîtrise du risque de non-déclaration ou de non-connaissance du décès repose essentiellement, en Europe, sur des accords bilatéraux d’échange dématérialisé d’état civil : ils couvrent près de 50 % des versements effectués hors de France.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Delogu.

    M. Sébastien Delogu (LFI-NFP)

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    Le rapport fait au nom de la commission d’enquête relative à la fraude aux prestations sociales, publié en 2020 et qui sert de base à notre discussion, indique que la fraude aux prestations sociales s’élevait à 764 millions d’euros en 2019. En y ajoutant la fraude aux cotisations sociales, le total atteignait 1,5 milliard d’euros. Cette somme équivaut à seulement 0,15 % des montants versés par les organismes de sécurité sociale cette année-là.
    En lisant ce rapport, j’ai été étonné par l’abondance d’outils dont disposent les administrations pour évaluer la fraude sociale. Étonné parce que, dans son rapport sur la détection de la fraude fiscale des particuliers publié en 2023, la Cour des comptes révèle que, en comparaison et contrairement à la majorité des pays de l’OCDE, la France ne dispose pas d’estimations statistiques de la fraude fiscale sur ses principaux impôts. Si l’on se fonde sur les taux de fraude fiscale dans les pays de l’OCDE, cette dernière atteindrait entre 30 et 110 milliards d’euros en France, tous impôts confondus, soit jusqu’à un cinquième des recettes annuelles de l’État – montant considérable qui ne tient pas compte de l’optimisation fiscale, immorale mais légale.
    Pire encore, depuis 2017, 1 600 postes de la DGFIP ont été supprimés, avec, pour conséquence, 16 milliards d’euros non récupérés chaque année, depuis 2019.
    Fort avec les faibles, faible avec les forts : voilà une formule qui résume bien votre politique de lutte contre la fraude. Tous les moyens sont employés pour traquer les pauvres mais, lorsqu’il s’agit de vos amis les milliardaires, vous ne vous donnez même pas la peine de mesurer l’ampleur du vol, alors qu’il représente au minimum vingt fois plus d’argent que la fraude sociale.
    Quand pourrez-vous dire précisément aux Français à combien s’élève le montant du vol dont ils sont victimes du fait de la fraude fiscale ? Quand vous occuperez-vous enfin de ce pillage indécent, qui coule les finances du pays ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    La fraude sociale, c’est aussi le détournement de cotisations sociales par des entreprises qui font du travail non déclaré ; ce sont aussi des entreprises qui réalisent des montages frauduleux complexes et qui, par ce moyen, parviennent à détourner l’argent des caisses sociales, au détriment de nos concitoyens. Il importe donc de lutter contre cette fraude, quelle qu’elle soit et quel que soit son auteur, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises, afin que cet argent, estimé par le Haut Conseil du financement de la protection sociale à la moitié du déficit social, puisse revenir dans les caisses de la sécurité sociale et servir ainsi à nos concitoyens qui en ont besoin.
    Puisque vous vous dites soucieux de ce que nos concitoyens puissent effectivement bénéficier des prestations sociales auxquelles ils ont droit, rappelons que le président de la République s’est engagé, en 2022, à mettre en œuvre la réforme de la solidarité à la source –⁠ une réforme qui doit permettre de simplifier l’accès aux prestations, en rendant les choses plus lisibles et plus fluides pour nos concitoyens, afin d’éviter qu’ils ne passent à côté de droits et de prestations qui leur sont utiles et nécessaires.
    Citons, à titre d’exemple, deux mesures de simplification prises récemment : depuis le 1er février 2024, le montant net social est affiché sur les bulletins de paie et sur les relevés de prestation ; il permet aux allocataires de bénéficier de la prime d’activité et du RSA plus facilement, tout en limitant les erreurs déclaratives qui pourraient leur porter préjudice. En outre, depuis le 1er mars 2025, les formulaires de renouvellement trimestriel du RSA et de la prime d’activité sont préremplis avec les montants des salaires versés et des aides perçues.
    Le gouvernement lutte donc contre la fraude sociale mais aussi contre le non-recours, afin que les prestations sociales aillent bien aux personnes qui en ont besoin.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Fernandes.

    M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP)

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    Plus de quatre ans après la commission d’enquête relative à la fraude aux prestations sociales, le constat demeure : ceux qui voudraient identifier et actionner les leviers destinés à améliorer le financement de la protection sociale devront repasser. En effet, sur 581,4 milliards d’euros versés en 2023 –⁠ incluant les allocations chômage et familiales ainsi que les prestations relatives à la maladie et à la vieillesse –, la fraude ne représente que 5,7 milliards, soit moins de 1 % du total.
    Pour éviter toute ambiguïté, je précise qu’à La France insoumise nous ne cautionnons pas la fraude.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Heureusement !

    M. Emmanuel Fernandes

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    Nous disons même que frauder, ce n’est pas bien. Toutefois, comme le montrent les chiffres que je viens de citer, dans plus de 99 % des cas, les prestations sociales sont versées à des bénéficiaires qui y ont effectivement droit. Donc tout le monde, ou presque, s’applique déjà l’idée que frauder, c’est mal.
    Mais nous le savons : pour la droite et l’extrême droite, il y a les bons et les mauvais fraudeurs. Pourtant, dans son dernier rapport sur le sujet, publié en juillet 2024, le Haut Conseil du financement de la protection sociale précise que « la fraude sociale est souvent réduite à la fraude au RSA ou à la fraude à la résidence, ce qui tend à nourrir un discours anti-pauvres » et, ajouterais-je, xénophobe.
    En effet, s’agissant du RSA, la fraude représente, toujours selon le HCFIPS, 1,5 milliard d’euros, alors même qu’avec un taux de non-recours de 34 %, 3 milliards d’euros ne sont pas versés à des personnes éligibles à cette prestation –⁠ ce qui équivaut à deux fois le montant de la fraude.

    M. Rodrigo Arenas

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    Eh oui !

    M. Emmanuel Fernandes

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    Alors, je le dis aux membres de la droite et de l’extrême droite : rendez-vous utiles, attaquez-vous plutôt à la fraude aux cotisations non versées par les patrons, notamment dans le cas du travail dissimulé, qui représente à elle seule autour de 7 milliards d’euros chaque année, soit plus que la somme de toutes les fraudes aux prestations sociales !
    À quel moment le gouvernement consacrera-t-il enfin des moyens à la hauteur pour lutter contre l’évasion fiscale, qui représente chaque année entre 80 et 100 milliards d’euros de manque à gagner pour les caisses de l’État ? Mais dans ce cas, les fraudeurs sont sans doute à vos yeux de bons fraudeurs, puisque ce sont vos amis. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Ne soyons pas caricaturaux : la lutte contre la fraude sociale est indispensable et nécessaire.
    Nous devrions tous être convaincus du bien-fondé de cette bataille, sans stigmatiser les uns ni négliger les fraudes de plus faibles niveaux, quel que soit leur auteur. En effet, 1 euro pris de façon indue dans les caisses de la sécurité sociale, c’est 1 euro de moins pour une personne qui en a réellement besoin. C’est pourquoi le gouvernement a fait de la lutte contre la fraude un enjeu majeur. Les moyens, nous l’avons dit, qu’ils soient technologiques ou humains, ont été particulièrement renforcés afin de mieux identifier la fraude, dont une partie relève effectivement du travail dissimulé, véritable fléau contre lequel nous ne ménageons pas nos efforts.
    Cependant, la lutte contre la fraude sociale doit être complétée par la lutte contre le non-recours, afin que nos concitoyens qui ont besoin d’une aide sociale puissent l’identifier facilement et en bénéficier. C’est le sens de la réforme de la solidarité à la source annoncée en 2022 par le président de la République, que nous n’avons de cesse de déployer. Plusieurs mesures récentes permettent également de faciliter les démarches administratives pour nos concitoyens. Citons-les de nouveau : le préremplissage des formulaires de renouvellement trimestriel du RSA et de la prime d’activité ; l’affichage, sur les bulletins de paie et les relevés de prestations, du montant net social que l’on doit déclarer pour percevoir la prime d’activité ou le RSA. Autant de démarches chronophages et anxiogènes que le gouvernement s’emploie à supprimer ou à simplifier pour permettre l’accès au juste droit.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Bellay.

    Mme Béatrice Bellay (SOC)

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    Nous l’avons compris : la fraude, ce n’est pas bien. Cependant, une injustice plus grave et plus cruelle, quoique plus discrète, frappe les pays des océans, dits d’outre-mer : celle du non-recours aux droits, dont le taux y dépasse les 40 %.
    Le non-recours, c’est ce moment où un citoyen souvent vulnérable et isolé se retrouve seul face à un montage administratif, instauré par un État qui promet des droits inaccessibles mais propose des procédures labyrinthiques, des justificatifs toujours plus nombreux et des démarches où chaque étape semble conçue pour décourager au lieu d’aider, de favoriser l’émancipation, l’égalité des chances et la dignité.
    En cause, parfois l’illettrisme, souvent l’illectronisme et plus fréquemment encore les zones blanches. Pourtant, ces citoyens ne manquent ni de volonté ni de détermination ; mais ils vivent et subissent leur situation et la misère. En Martinique, les besoins sont immenses : on vieillit mal, malade, sans toucher les aides auxquelles on pourrait prétendre ; on élève des enfants sans bénéficier des soutiens essentiels, ce qui conduit ensuite les autorités à modifier les statistiques de décrochage scolaire ; on endure des violences alimentées par l’histoire dans un silence entretenu ; on survit dans des habitats insalubres et même sur des terres empoisonnées.
    La résignation, c’est ce à quoi la population martiniquaise –⁠ comme c’est sans doute le cas dans d’autres territoires – se soumet tristement quand l’État parle une langue qu’elle ne comprend plus. Cette politique de l’indifférence est absurde et constitue un échec pour la République, pour la liberté, l’égalité et la fraternité, car elle pénalise des pères et mères de famille, des grands-parents, des jeunes sans repère et des personnes isolées, qui chaque jour renoncent, par épuisement ou par découragement, parfois même par honte de ne pas savoir naviguer dans les méandres d’un système kafkaïen qui les exclut.
    On ne peut lutter véritablement contre la fraude sociale qu’en luttant aussi contre la pauvreté. Si l’État mettait plus d’énergie à rendre plus accessibles, plus équitables et plus incitatifs les dispositifs de retour à l’activité, on compterait peut-être moins de fraudeurs –⁠ terme des plus méprisants que les politiques aiment tant à employer.
    À quand, madame la ministre, une véritable politique d’accès effectif aux droits dans les pays des océans, une politique qui n’exigerait pas des citoyens qu’ils soient juristes ou énarques pour se nourrir décemment, se soigner ou vivre dignement ? À quand une politique du « aller vers » plutôt que du « aller contre et courir derrière » ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Le gouvernement est pleinement engagé auprès des territoires ultramarins, qu’il entend ne jamais laisser de côté. Il travaille à leur apporter des réponses adaptées à des contextes parfois très différents et éloignés de ce que nos concitoyens vivent dans l’Hexagone.
    Je me rendrai en Martinique les 7 et 8 avril, pour travailler notamment, avec le département et d’autres acteurs, aux problématiques liées au grand âge –⁠ elles y sont très importantes, comme vous l’avez souligné. Nous aborderons également la question du handicap, à propos de laquelle l’État s’engage à financer de nouvelles solutions.
    Mobilisé auprès des territoires ultramarins, le gouvernement l’est également contre le non-recours. Le président de la République, en 2022, s’est engagé à le combattre par la réforme de la solidarité à la source : ce ne sera plus à nos concitoyens d’engager des démarches pour accéder aux prestations auxquelles ils ont droit, mais à l’État, progressivement, de se mobiliser pour les leur verser, de la manière la plus directe et la plus facile possible. La prime d’activité et le RSA ont déjà été intégrés à ce dispositif. Chacun pourra ainsi réussir son parcours et son insertion sociale.
    Nous ne cessons de travailler au développement de ces réponses, qui demandent toutefois du temps, du fait de la complexité des moyens techniques qu’elles nécessitent de déployer.

    Mme la présidente

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    Le débat est clos.

    3. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Débat sur le thème : « Remise en cause du Pacte Vert européen : l’urgence de clarifier la position française. »
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra